Notes
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[1]
Ce texte est une version modifiée d’une communication faite au séminaire du Lasmas et publiée dans Les Cahiers du Lasmas, Série Séminaire, n° 00-3, p. 3-12.
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[2]
Nous ne développerons pas ici cet aspect historique. Pour une histoire des nomenclatures socioprofessionnelles, et notamment de l’importance des conventions collectives dans la constitution de celles-ci, voir Boltanski (1982) et (2000), Desrosières et Thévenot (1988) Desrosières (1993) et Coutrot (1997).
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[3]
Dirn (1996) pp. 21-22.
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[4]
Glaude (1984) pp. 299-318.
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[5]
p. 26.
-
[6]
Dressen et Roux Rossi, 1996, p. 104 et p. 33.
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[7]
« Les employés vivent une forte tension entre l’espace de formation qui tend à les convaincre de leur pouvoir de faire évoluer les postes vers plus d’autonomie et de complexité, voire à les rendre responsables de l’éventuelle exclusion résultant de leur échec, et l’espace du travail dans lequel ils se heurtent aux contraintes d’organisation et aux refus d’aménagement que l’encadrement leur oppose fermement » (Dugué, 1994, pp. 273-292).
-
[8]
Idem, p. 288.
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[9]
P. Trouvé (1996), pp 237-308. Voir aussi Coutrot, Gautier, Kalck et Maillard (1997) p. 54.
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[10]
Voir : hhttp :// www. education. gouv. fr/ dpd/ etat/ somm. htm ftp ://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/etat/etat11.pdf
-
[11]
N. Dodier (1996) insiste à juste titre sur ce point : « Le sacrifice de la multiplicité des cas singuliers pour un profit ultérieur est bien la base de la totalisation statistique ».
1L’intention première de cet article est de réagir contre la tendance générale à affirmer que la composition sociale a fondamentalement changé, sans toujours se doter des instruments de preuve nécessaire. Personne ne contestera que les ouvriers d’aujourd’hui sont, de bien des façons, différents de ceux d’hier, mais l’on trouve trop vite affirmée l’idée qu’il n’y a plus de classe ouvrière, ni d’ouvriers, ni d’ailleurs de classe sociale et que les outils statistiques forgés pour étudier la société, les catégories socioprofessionnelles, sont à renvoyer aux poubelles de l’histoire [1].
2Je défendrai la thèse d’un changement plus mesuré de ces catégories, permettant ainsi, en refusant de casser le thermomètre, de mesurer l’ampleur des changements parcourus.
3Les catégories socioprofessionnelles ont fait l’objet ces dernières années de remises en cause sévères et les différentes critiques qui leur sont adressées méritent d’être examinées avec attention. « La jarre peut-elle être plus belle que l’eau ? », interrogeait Paul Eluard. Peut-on ici introduire une semblable distinction entre le contenant et le contenu, entre la forme des catégories et ce qu’elles désignent ? En dépit du changement des « conditions », ne peut-on affirmer la permanence des « positions » ? (Bourdieu, 1966). Pourquoi l’évolution du contenu entraînerait-elle nécessairement l’obsolescence des catégories, du contenant ? N’observe-t-on pas, au delà des diverses évolutions, un maintien de la distance sociale qui devrait modérer notre ardeur à réviser les catégories ?
4Dans une première partie, je repérerai les différents registres de critiques dont les CSP font l’objet et j’examinerai les principaux changements qui fondent ces critiques : ce qui constitue le changement des « conditions » d’ouvrier, d’employés et de cadres. Dans une seconde partie, je montrerai quels sont les éléments qui permettent d’affirmer que la structure d’ensemble de la nomenclature des PCS n’a pas lieu d’être totalement remise en cause. Enfin, dans une troisième partie, je tenterai d’expliquer l’insistance à mettre au rancart une nomenclature qui n’est pas aussi obsolète qu’on veut bien le dire ; les représentations sociales ont plus changé que les rapports sociaux proprement dit. Un retour sur la notion de catégorie socioprofessionnelle s’impose alors pour élucider les rapports entre catégories « expertes » et catégories « indigènes ».
1. LE POUVOIR CLASSANT DES PCS REMIS EN CAUSE : UNE ACCUSATION SOUVENT COMPLEXE
1.1. CERTAINES PROFESSIONS NE PEUVENT PLUS ETRE CLASSEES COMME PAR LE PASSE
5Les nomenclatures dans leur état actuel sont l’aboutissement d’une évolution qui reflète à la fois l’évolution de la société et le souci de raffinement de l’appareil statistique. Jusqu’à la seconde guerre mondiale, les recensements distinguaient simplement quatre catégories : ouvriers, employés, chefs d’établissements, travailleurs isolés. En 1946, la notion de « cadre » émerge, mais elle confond les patrons et les cadres supérieurs. La nomenclature actuelle, dite des « catégories socioprofessionnelles », mise à l’étude dès 1949, a pris forme en 1954 avec réforme profonde en 1982 (mise en place des « professions et catégories socioprofessionnelles) [2]. Les catégories socioprofessionnelles sont l’un des modes possibles de description de la morphologie sociale. Cette nomenclature était au départ une nomenclature complémentaire qui venait s’ajouter d’une part à la nomenclature des professions individuelles (P.I.), d’autre part à celle des activités collectives (A.C.) ou branches. Progressivement, cette nomenclature complémentaire est devenue la plus utilisée et le niveau d’exigence à son égard a considérablement augmenté. La classification par P.I. consiste à classer les individus selon le travail qu’ils font effectivement, tandis que la classification par A.C. consiste à classer ces mêmes individus selon la place qu’occupe dans l’économie l’entreprise dans laquelle ils travaillent. La catégorie résiduelle ou catégorie socioprofessionnelle doit permettre de rendre compte du statut (indépendants, employeurs, salariés des secteurs privés, publics ou des collectivités locales, travailleurs à domicile, chômeurs, etc.). Elle évoque plus ou moins confusément une certaine idée de hiérarchie sans qu’il s’agisse d’une échelle globale comme c’est le cas pour les échelles de prestige.
6La nomenclature des PCS a maintenant vingt ans et fait l’objet de critiques répétées. On peut repérer plusieurs familles d’arguments. Le premier type de critique serait de l’ordre de l’inadéquation : Les CSP, conçues dans les années cinquante et révisées en 1982 pour devenir les PCS, ne seraient plus capables de rendre compte ou de refléter l’état de la société française des années 2000. En particulier, des changements structurels majeurs sont intervenus avec une forte progression des professions intermédiaires et des cadres supérieurs et une montée des effectifs d’employés, en partie liées à la féminisation de la main-d’œuvre. La part relative des ouvriers dans la population active diminue, mais les effectifs des salariés ouvriers qualifiés de sexe masculin restent stables. Il est clair qu’on assiste à la poursuite de « la formidable progression du nombre de salariés bourgeois » (Piketty, 2001).
7Par ailleurs, certaines critiques de détail portent sur telle ou telle catégorie : les chauffeurs ne devraient pas être classés parmi les ouvriers mais parmi les employés ; autre exemple : il faudrait ranger les instituteurs, devenus professeurs des écoles, dans la catégorie des cadres aux côtés des professeurs du secondaire ou du supérieur puisqu’ils sont désormais titulaires d’une licence et que leur grille indiciaire a été modifiée.
1.2. LA MOYENNISATION DE LA SOCIETE A-T-ELLE RENDU CADUQUES LES PCS ?
8Pour comprendre le thème de la moyennisation et l’importance prise par cette notion dans le débat contemporain sur les rapports sociaux, on doit le rapprocher de celui de ‘nouvelle classe moyenne’ et remonter à ses origines historiques récentes (Bell, 1973). En effet, on a trop tendance à penser que les ‘nouvelles classes moyennes’ sont nouvelles : à chaque grande étape historique correspond une conception de la ‘classe moyenne’. On assiste en fait à une série de glissements successifs de ce que l’on désigne, à une époque donnée, par ‘nouvelle classe moyenne’.
9Dans les années vingt, les sociologues allemands parlaient déjà de ‘nouvelle classe moyenne’ pour désigner les couches que C. Wright Mills, parlant de la société américaine, désignera plus tard par « Les cols blancs ». Lederer (1912) rappelle que la classe moyenne désignait autrefois la classe intermédiaire entre l’aristocratie foncière et la classe ouvrière, la bourgeoisie. Plus tard, l’aristocratie a cédé une partie du terrain et la grande bourgeoisie (finance et industrie) est devenue la nouvelle classe dirigeante. Au début du XXe siècle, c’est la petite bourgeoisie (petits commerçants, petits patrons indépendants, artisans, membres des professions libérales) qui constitue la classe moyenne. Avec le développement de l’industrialisation se développe, au sein de l’entreprise, une couche intermédiaire entre patrons et ouvriers, celle des employés salariés que Lederer désigne du terme de ‘nouvelle classe moyenne’, ‘Der neue Mittelstand’, terme qu’il reprendra ultérieurement (Lederer et Marschak, 1926). On remarquera au passage que Lederer parle en fait de « condition » et non de classe. Il oppose les conditions de vie aléatoires du travailleur manuel, rémunéré à l’heure ou aux pièces, à la stabilité dont bénéficie l’employé salarié mensuellement. Ce monde des employés se caractérise par des comportements économiques, un mode de logement, une structure de dépenses, un désir d’estime social qui les distingue de la classe ouvrière. Trente ans plus tard, en décrivant la montée de la « nouvelle classe ouvrière », Serge Mallet désignera une autre forme de constitution de classe moyenne : ingénieurs et techniciens formeraient une nouvelle classe ouvrière dans la mesure où, malgré un niveau d’instruction supérieure et une rémunération plus élevée, ils sont, de par leurs conditions de travail et leur manque d’autonomie, contraints de jouer le rôle d’ouvriers hautement qualifiés.
10La théorie de la moyennisation de la société, telle qu’elle a été élaborée par un certain nombre de sociologues français réunis autour d’Henri Mendras, d’abord en 1980, dans La sagesse et le désordre, puis dans la série d’ouvrages publiés sous le pseudonyme de Louis Dirn, ne désigne plus cette fois un déplacement ou un rapprochement d’un groupe social vers un autre, mais une sorte de coagulation de plusieurs groupes sociaux qui partageraient les mêmes conditions de vie relativement favorables. Le noyau dur de ce nouveau groupe est constitué par les anciens « cadres moyens » devenus « professions intermédiaires » dans la nomenclature de 1982. Ce noyau attirerait vers lui des groupes voisins : des fractions aisées des ouvriers et des employés. Un tel mouvement de coagulation aurait eu pour conséquence de rendre les frontières entre les classes moyennes et leurs voisines impossibles à repérer : « La disparition des cultures proprement ouvrières, paysannes, bourgeoises au sens classique du terme, l’émiettement des modes de vie, impliquaient un brouillage des frontières ». Un double mouvement s’esquissait : effritement de la conscience d’appartenir à une classe sociale, d’une part, gonflement des classes moyennes, d’autre part. Or, comme le notent très justement les auteurs, la théorie de la moyennisation portait sa mort en son sein : « son gonflement annonçait sa disparition et l’apparition de clivages nouveaux. » [3]
11Ce processus de moyennisation s’est-il véritablement accompagné d’un brouillage des frontières entre catégories ou bien observe-t-on au contraire des différenciations au sein même de ces catégories ? Les experts ne sont pas d’accord. Herpin (1999) affirme que l’hétérogénéité interne des catégories socioprofessionnelles (les cadres, notamment) est en augmentation et que certaines catégories tendent à se segmenter : ainsi la catégorie des vendeurs tendrait à se scinder en deux en fonction de la nature des biens vendus : les biens de haute technologie ou de luxe seraient confiés à des super-vendeurs, rémunérés en conséquence et baptisés « conseillers de vente ». Inversement, certaines catégories tels les paysans verraient une partie de leurs spécificités disparaître. Il suggère également, dans le même article, que les catégories de stratification sociale devraient être révisées en tenant compte des phénomènes majeurs de mobilité professionnelle, de manière à ce que « les mouvements en cours de carrière s’effectuent en général à l’intérieur de chaque classe ».
1.3. REVENUS ET PCS
12L’un des arguments évoqués pour étayer la thèse de l’effritement des frontières entre classes est l’analyse du chevauchement des revenus entre catégories sociales voisines. Il a été analysé dans plusieurs articles de la Revue de l’OFCE, et notamment (Chauvel 1994). Analysant les résultats de l’enquête « Budget des ménages » de l’Insee, Chauvel montre que « le revenu est moins classifiant qu’on ne le pense ». Si les ménages ouvriers se situent généralement en bas de l’échelle de répartition des revenus, on trouve des exceptions. Le chevauchement des revenus entre catégories, rendu manifeste à l’aide d’un mode de représentation graphique particulière en forme de toupies, les strobiloïdes, apparaît toutefois plus important chez les professions intermédiaires, cœur des couches moyennes, que pour les autres catégories. Le diagramme fait apparaître que, si l’on prend comme point de repère le revenu médian des « professions intermédiaires », à l’époque 84 000 F, 14% des ménages ouvriers se situent au delà de ce seuil et 21% des ménages cadres gagnent moins que cela.
13On peut faire plusieurs objections à ce type d’analyse. D’abord, on remarquera que Chauvel ne fait pas ici la distinction qui s’imposerait entre ouvriers qualifiés et non qualifiés. Ensuite, ces données sont traitées en utilisant la profession du chef de ménage. Quant au sait que la plupart des ouvriers sont mariés à des femmes employées ou professions intermédiaires, le chevauchement mis en évidence n’est guère surprenant. Enfin, l’auteur souligne lui-même que dans ce type d’analyse, les revenus du patrimoine sont plus sous-évalués que les revenus d’activité. Par suite, on peut penser que les revenus des ménages cadres sont nettement supérieurs à ce que le diagramme fait apparaître. Pour Chauvel, il semble que la faiblesse relative du lien entre PCS et revenu qu’il entend démontrer vient démonnayer les catégories socioprofessionnelles.
14Sur les mérites respectifs des PCS et du revenu, les experts ne sont décidément pas d’accord. Michel Glaude a affirmé que la position sociale a des effets plus forts que ceux du revenu pour rendre compte des pratiques de consommation marchandes et le recours aux biens culturels [4]. À l’inverse, deux économistes de l’Insee, Goux et Maurin (2000), mettent en concurrence les PCS avec d’autres variables. Ils contestent le pouvoir explicatif des PCS et lui préfèrent celui du revenu. Ils affirment que le « pouvoir explicatif » de celui-ci est supérieur à celui des catégories socioprofessionnelles pour expliquer, par exemple, les différences de retard scolaire chez les élèves. Les auteurs reprochent ici aux PCS d’être une boîte noire : « il est difficile de déterminer ce que mesure exactement la catégorie socioprofessionnelle du père, qui est un indicateur synthétique à la fois du revenu, du diplôme, de l’expérience professionnelle, mais aussi de l’autonomie dans le travail et d’autres variables encore ». La démarche est étrange : au lieu de se demander s’il n’y aurait pas d’autres variables à prendre en compte pour expliquer le retard scolaire des enfants (variables individuelles de type psychologique, médical, variables concernant le type d’apprentissage reçu en dehors du cadre scolaire, variables liées aux établissements scolaires fréquentés, variables écologiques telles que les conditions de logement) les auteurs se concentrent sur la variable PCS et lui reprochent ce qui fait précisément sa force, à savoir de rassembler plusieurs informations en une seule. Quant à l’affirmation selon laquelle le revenu aurait meilleur pouvoir explicatif que la PCS, elle repose sur une démonstration faible et laisse de côté un point central : peut-on démontrer que la qualité de l’information sur le revenu, à savoir le revenu déclaré dans les enquêtes, soit meilleure que l’information sur la PCS ? D’une façon plus générale, le développement des modèles économétriques appliqués à la sociologie, pour intéressants qu’ils soient, incite plus à empiler des variables explicatives qu’à tenter de construire entre elles un lien de compréhension. Or c’est bien à cela que peuvent servir les PCS : elles constituent des grappes de variables à partir desquelles on peut tenter d’aller plus loin et de poser des questions plus fines sur la rationalité des acteurs, sur les stratégies éducatives des uns et des autres dans l’exemple ci-dessus.
15Le chevauchement des revenus ne saurait être considéré comme un fait nouveau. Si la position sociale était le pur reflet de la position économique, la première serait redondante par rapport à la seconde. Marx déjà notait que la classe ne se mesure pas seulement à l’aune de la richesse. Il nous semble que le chevauchement des revenus entre les catégories serait au contraire un bon argument en faveur de la défense des PCS : puisque les revenus se chevauchent allons chercher ailleurs ce qui fonde les différences entre groupes sociaux.
16Les PCS ne servent pas seulement à « rassembler » des individus ayant des caractéristiques semblables. Ce sont des catégories à partir desquelles on peut repérer des « positions de classes paradoxales ». De même qu’on peut trouver, pour dire vite, des ouvriers « riches » et des cadres « pauvres », on peut trouver des exceptions à la corrélation généralement bien ferme entre PCS et diplôme : ainsi 17% des ouvriers non qualifiés ont un niveau de diplôme égal ou supérieur au CAP sans que ce diplôme soit reconnu par leur employeur. Fait plus étonnant encore, 60% des ouvriers qualifiés n’ont pas le CAP ( L’emploi non qualifié, Documentation française).
17Ces différentes analyses ont conduit d’autres auteurs à franchir un pas supplémentaire dans la démarche critique : déclarant que la société française est devenue moins lisible que par le passé, c’est l’idée même d’une nomenclature socioprofessionnelle qu’ils mettent en cause.
1.4. LA SOCIETE EST DEVENUE PLUS OPAQUE, PLUS DIFFICILE A DECRYPTER
18Ainsi d’autres critiques s’en prennent globalement à la nomenclature des PCS : en dépit de l’arsenal statistique et sociologique actuellement disponible, notre société serait en train de devenir plus difficile à décrypter, plus opaque que par le passé. L’appareil de connaissance statistique, les nomenclatures élaborées dans l’immédiat après-guerre reposaient, nous dit-on, sur une société de classe cloisonnée, hiérarchisée, qui ne correspondrait plus à la réalité actuelle. Nous serions confrontés à une réorganisation des modes de différenciation et de hiérarchies sociales qui rendrait obsolète l’usage des PCS.
19L’argument du chevauchement des revenus entre catégories voisines est également repris par Fitoussi et Rosanvallon (1996) qui proclament l’effondrement des « hiérarchies figées » [5] et la « rupture de la société bien ordonnée des classes ». Ils évoquent le « désarroi du sociologue, habitué à compter et à classer pour déchiffrer le social et rendre lisible le mouvement des choses ». Dès lors, la crise des sciences sociales serait le pendant de la crise du politique. Ils déplorent que la nomenclature n’ait pas suivi les changements de la société française : « Les statistiques traditionnelles s’avèrent inaptes à décrire ce nouvel univers social plus atomisé et plus individualiste, aux contours plus fluctuants et plus instables. La connaissance traditionnelle, fondée sur le concept de classement, devient inadaptée car elle présupposait l’existence de différences stables ». Sous ces discours, on trouve une critique à peine voilée de l’appareil statistique, juxtaposée à l’affirmation implicite que les classes sociales et l’ordre hiérarchique des années cinquante ont disparu. L’argument plus général se référant à « un univers social plus fluctuant et plus instable » repose sur un passé mythique que l’on compare avec un présent qui ne l’est pas moins : de quels indicateurs se doter pour mesurer que notre univers social est bien « plus atomisé et plus individualiste » que par le passé ?
20Le thème de l’effacement des clivages idéologiques qui nous rend opaque et illisible notre propre société est repris par Rosanvallon (1999). Étrangement, le même constat de moindre lisibilité se retrouve chez d’autres sociologues comme Schwartz (2001) qui, pour sa part, affirme au contraire la persistance des classes sociales : « Les clivages sociaux restent forts mais ils n’ont plus la même lisibilité qu’auparavant. ».
1.5. DE NOUVEAUX CLIVAGES SONT APPARUS QUI REMETTENT EN CAUSE LES HIERARCHIES ANTERIEURES
a) Mais qu’est-il arrivé à l’axe droite gauche ?
21Les catégories socioprofessionnelles permettaient traditionnellement de prédire de façon assez fiable les comportements politiques : les classes avaient leur parti politique. Une fraction importante de la classe ouvrière votait à gauche, avec quelques spécificités locales et régionales fortes. L’affaiblissement du vote communiste et l’essor de la gauche socialiste d’une part, la montée pour un temps des partis d’extrême-droite de l’autre, sont venus perturber cet équilibre.
22Les spécialistes de science politique nous apprennent que la belle corrélation jadis observée entre la CS et le comportement de vote a vécu : l’axe droite-gauche ne se range plus sagement le long de l’axe des CS.
23Pascal Perrineau (1999), comme d’autres politistes français, attribue le phénomène, pour une large part, à la formation d’une « concentration centrale », une vaste classe moyenne. « Une forte bi-polarité sous-tendait dans les décennies d’aprèsguerre la vieille opposition gauche/droite... Aux schémas classiques de lutte entre deux classes et de pyramide sociale univoque se sont substitué des clivages pluriels traversant toute la hiérarchie sociale : sécurité et insécurité de l’emploi, ménages à un salaire et ménages à deux salaires, accès différencié aux ressources distribuées par l’État Providence. » Il y a, nous dit l’auteur, « panne de la figuration sociale ».
24Il nous semble simpliste d’assimiler, comme le fait notamment Crewe (1984) le démantèlement de l’axe droite/gauche et le dé-alignement idéologique à la disparition pure et simple de la structure des classes sociales. C’est moins le sens des catégories socioprofessionnelles qui a changé que la topographie du paysage politique. Ce n’est pas ici le lieu de décrire un tel changement. Nous renverrons cependant à l’analyse qu’en propose Schwartz (2001) et à la réponse que lui fait Lojkine (2001). Les acteurs politiques, notamment à gauche, ont cessé de faire de la classe ouvrière la classe politiquement prioritaire ; ils se sont tournés vers les chômeurs, vers les habitants des « quartiers », vers les sans domicile. Par suite, une partie de la classe ouvrière s’est sentie désavouée et a cessé de voter à gauche. Autour de ce mouvement s’est effectué un bouleversement de la configuration politique. La classe ouvrière n’en demeure pas moins un bloc important, fortement fragilisé par rapport aux autres catégories de salariés. Le salariat d’aujourd’hui, note Lojkine, constitue un électorat plus diversifié mais aussi plus exigeant dans ses attentes vis-à-vis du politique.
b) ‘Le Choc des Générations’
25Outre le changement du paysage politique et idéologique, une autre tendance serait venue affaiblir le pouvoir et la pertinence des PCS : le renforcement du clivage générationnel. À l’intérieur de chaque catégorie socioprofessionnelle, les rapports entre les « jeunes » et les « vieux » ont été profondément bouleversés. Plusieurs ouvrages récents analysent le phénomène (Baudelot et Gollac, 1997 ; Beaud et Pialoux, 1993 ; Chauvel, 1998 ; Préel, 2000).
26La coupure entre les « jeunes » et les « vieux », mais aussi entre parents et enfants, interviendrait au sein de la classe ouvrière, du fait de la prolongation de la scolarité dans les jeunes générations (Beaud et Pialoux, 1999), mais aussi du fait de la modification des valeurs professionnelles.
27Olivier Schwartz présente des observations semblables : « beaucoup de jeunes ouvriers aujourd’hui se définissent sans doute plus comme jeunes que comme ouvriers ». Il insiste toutefois sur la permanence de la classe ouvrière et met en évidence les différences qui la traversent, entre les couples qui ont un projet de mobilité sociale et professionnelle (pour eux-mêmes et pour leurs enfants, ce qui engendre des stratégies scolaires spécifiques) et ceux qui n’en ont pas.
28De quels arguments dispose-t-on pour affirmer qu’il y a réellement rupture de « la société bien ordonnée des classes » ? Essayons, un temps au moins, de nous faire l’avocat du diable et cherchons ce qui pourrait justifier de tels propos qui conduiraient à ranger les nomenclatures sociales au rayon des objets sociologiques perdus.
2. DES CHANGEMENTS DE CONDITIONS
29Évoquons pour mémoire les changements structurels qui ont affecté l’importance relative de telle catégorie par rapport à telle autre depuis une trentaine d’années : réduction du nombre des agriculteurs, stabilité du nombre des ouvriers qualifiés, à la différence du groupe des ouvriers non qualifiés qui est en nette diminution, surtout chez les ouvriers de l’industrie, augmentation forte du groupe des employés, des cadres et des professions intermédiaires (Dumartin, 1996). Les modifications internes propres à chaque catégorie retiendront plus notre attention. Nous tenterons d’en dégager quelques figures, concentrées autour de trois catégories : le groupe ouvrier, les employés et l’encadrement.
2.1. LE GROUPE OUVRIER
30En quoi le groupe ouvrier est-il ou non semblable à ce qu’il était dans l’immédiat après-guerre ? Deux changements majeurs apparaissent à l’évidence :
- le changement de contenu du travail ouvrier qui entraîne la quasi disparition des manœuvres et ouvriers non qualifiés. : ceux-ci passent de deux millions et demi en 1962 à un million en 1997.
- la hausse assez générale du niveau de diplômes.
31Coriat (1986 et 1990) a montré comment le travail ouvrier subit conjointement l’impact des changements liés à la technologie et de la prolongation de la scolarité. On assiste à un double mouvement d’intégration et d’exclusion : intégration pour certaines catégories qui détiennent les savoirs nouveaux nécessaires au développement technologique, exclusion pour tous ceux qui sont porteurs de savoirs obsolètes ou disqualifiés. Le développement de l’automation entraîne, ainsi, du haut en bas de la hiérarchie, un bouleversement de la composition sociale interne du monde ouvrier.
32Coriat distingue trois types de processus de changements liés aux conditions nouvelles de production : effets de déplacement, de reclassement et d’organisation.
- L’effet de déplacement lié à l’abstraction croissante du travail comporte plusieurs aspects : recul du travail direct (ou « travail vivant »). Le travail exige moins qu’auparavant la manipulation d’outils concrets et le respect de modes opératoires définis par ailleurs (bureau des méthodes). Au recul du travail direct fait pendant l’extension du travail indirect : le travail repose davantage sur l’aptitude à interpréter des données plus ou moins formalisées proposées par des dispositifs de contrôle des automatismes. On observe en outre l’imbrication du travail direct et du travail indirect et le développement des tâches de gestion dans l’atelier. L’auteur insiste sur le caractère ambivalent des effets de l’automation : l’abstraction croissante du travail peut aller de pair avec la banalisation de celui-ci ou, au contraire, la complexification est un résultat nécessaire de l’abstraction.
- L’effet de reclassement entraîne la redistribution des atouts propres à chaque
catégorie : certaines se trouvent disqualifiées tandis que d’autres se voient dotées de
nouvelles sources de pouvoir liées à la revalorisation de certains savoirs. Les O.S.,
les catégories à faible niveau de scolarisation initiale, en particulier les jeunes
(niveaux V - CAP ou BEP - et V bis) sont des catégories menacées d’exclusion. La
généralisation de diplômes techniques ou professionnels d’un niveau supérieur
entraîne une fragilisation relative des sans diplômes et des niveaux V. La
« dualisation » du marché du travail ne résulte pas seulement des changements techniques, elle est aussi accentuée par les transformations du système de formation.
En outre, les ouvriers de métier, symboles de la qualification ouvrière constituée non par empilement de diplômes mais par accumulation d’expérience professionnelle, se vivent comme dramatiquement exclus d’un système où ils étaient jadis tenus en haute estime. Sans être touchés d’exclusion, les ouvriers professionnels sont, comme les agents de maîtrise dont le cas sera examiné plus loin, une catégorie fortement déstabilisée par les techniques nouvelles : leurs savoir-faire ne sont pas détruits mais ils perdent de leur importance pour le bon fonctionnement de la production.
En revanche, certaines catégories ouvrières se trouvent valorisées : c’est le cas des ouvriers-opérateurs de conduite de systèmes automatisés. Ces postes, destinés à être occupés par des jeunes de niveau Bac et Bac + 2, supposent à la fois des compétences techniques et une « fiabilité sociale » élevée. Ils sont emblématiques de la nouvelle classe ouvrière hautement qualifiée.
Il faut rappeler ici que la grille des classifications de la métallurgie, signée en 1975, avait rallongé la catégorie ouvrier par création de deux grades nouveaux : P1 (ouvrier professionnel premier échelon) et technicien d’atelier (Eckert, 1997). En théorie les titulaires du bac professionnel créé au milieu des années 80 peuvent normalement prétendre au grade de technicien d’atelier. En fait, la majorité des jeune titulaires de ce diplôme récent accèdent au marché du travail sur des postes d’O.S. ou d’ouvriers professionnels P1 ou P2, traditionnellement réservés aux titulaires d’un CAP (Zarifian, 1993). Les référentiels de certification (baccalauréat professionnel « Pilotage des systèmes de production automatisée ») montrent bien l’ambiguïté du changement ainsi esquissé : « S’informer, analyser », « organiser, gérer, évaluer améliorer, communiquer » sont autant de réquisits habituellement adressés aux cadres. - L’effet d’organisation : figures ouvrières du post-taylorisme.
Le changement se caractérise par la « montée connexe de l’abstraction (le travail devient plus indirect) et de la complexification du travail » (la part d’activité proprement cérébrale et mentale croît). Les ouvriers sont en charge de l’organisation de la production et le service des méthodes voit son rôle confiné à la conception générale de l’installation. Coriat met en évidence une « nouvelle légitimation des hiérarchies » : les nouvelles technologies sont « instruments d’une nouvelle différenciation au sein des collectifs de travail : d’un côté les emplois “high tech” orientés vers de nouvelles filières promotionnelles, de l’autre les emplois qui ne mènent nulle part ».
D’autres sociologues ont évoqué ces nouveaux visages de la classe ouvrière. Nicolas Dodier, dans une étude minutieuse d’un atelier de lithographie dans une entreprise de fabrication de fûts métalliques, démonte le processus de passage de l’organisation « planifiée » à l’organisation « distribuée ». La première reposait sur les injonctions du service des méthodes qui fixait les règles de production ; la seconde est une organisation en réseau dans lequel un type de savoir n’est pas à priori posé comme supérieur à un autre ; les hiérarchies sont remises en cause, au moins formellement, et il est fait appel à l’initiative et à la responsabilité de tous. Si les contraintes liées à la tension entre concepteurs et opérateurs se trouvent allégées dans la nouvelle forme d’organisation, c’est au prix d’une remise en cause des modes d’évaluation et de rémunération, d’un bouleversement du rapport à la règle, notamment en ce qui concerne la prise de risque et la sécurité. De là découlent des tensions nouvelles, notamment entre les vieux ouvriers et les plus jeunes. Dans une optique semblable, on trouve une quantité de travaux sur les nouvelles formes d’organisation et de gestion du personnel et sur la mise en place des logiques compétences (Zarifian, 1999 ; Ropé et Tanguy, 1994 ; Rozenblatt, 2000 ; etc.)
On a quelque peine à croire à la nouveauté radicale de tous ces changements habilement décrits et analysés. L’intérêt de ces travaux qui mettent en lumière certaines évolutions sectorielles ne doit pas nous faire oublier que le taylorisme reste de règle dans une part importante du monde ouvrier ou qu’il coexiste avec d’autres formes organisationnelles (Boyer, 2001). Qu’en est-il du monde des employés ?
2.2. LES EMPLOYES
34De « l’archipel des employés », pour reprendre la formule d’Alain Chenu, il est plus difficile encore de tracer le sens des changements. Très schématiquement, il faut distinguer entre les employés non qualifiés dont les rôles ont peu évolué mais dont les effectifs sont en forte augmentation, et les employés « de bureau », notamment dans la banque et les assurances (Dressen et Roux-Rossi, 1996 ; Belloc, 1993). L’un des points forts qu’il faut évoquer ici est le glissement chez les employés de bureau d’un rôle administratif vers un rôle commercial.
35En 1975 déjà, les rapports de prospective du plan évoquaient non seulement la déqualification des employés, mais également l’atténuation de la frontière entre ouvriers et employés.
« Les ouvriers de l’industrie ne sont pas les seuls à ressentir un malaise et à exprimer de nouvelles exigences. Le discours, aujourd’hui fréquent, sur la déqualification des employés signifie que, pour eux, le contenu du travail, le statut, les rémunérations et par suite la position dans la hiérarchie se rapprochent de plus en plus de celui des ouvriers. De ce fait, la distinction juridique entre ouvrier et employé tend à ne plus correspondre à une distinction sociale et politique. » (Le Gall, 1975)
37Cette analyse n’a pas été confirmée par les évolutions récentes. Il semble au contraire qu’en ce qui concerne les « employés de bureau », le mouvement soit plutôt celui d’une requalification des emplois administratifs : dans le secteur bancaire, notamment, on assiste à partir des années 80 au recul des employés faiblement qualifiés (–74% entre 1983 et 1994), compensé par l’augmentation du nombre des gradés et des cadres (respectivement +29% et +85% sur la même période). La tendance observée dans les assurances est sensiblement la même.
38À ce mouvement correspond, certes, l’automatisation d’un certain nombre de tâches mais aussi la redéfinition des rôles : l’activité du secteur se déplace de l’administratif vers le commercial : le vendeur devient « la nouvelle figure normative du métier » [6]. La diversification des produits bancaires a pour corrélat la nécessité de vendre aux différents types de clients. En matière de gestion des ressources humaines, on passe d’un modèle fondé sur la notion de qualification à un modèle fondé sur la compétence : il s’agit désormais de « savoir se comporter dans une situation imprévisible où la conduite ne peut pas être parfaitement prédéterminée par les facteurs classant la clientèle ».
39Il faudrait se garder de ne voir un tel changement que sous ses aspects idylliques : si le client est roi, l’employé de banque court derrière les objectifs commerciaux souvent très ambitieux que lui fixent les directions commerciales. Du fait de l’informatisation, ses performances peuvent être à tout moment contrôlées et le sentiment d’être « aux pièces » est très répandu. E. Dugué [7] a bien décrit comment les employés de bureau (banques et assurances), soumis à la discipline des actions de formation qui leur inculquent les valeurs de l’autonomie et de la responsabilité, se retrouvent ensuite, désemparés et isolés, face à une organisation dont les formes hiérarchiques ne changent guère. Le développement de la polyvalence a réduit les occasions de collaborer entre collègues et conduit à une rupture des solidarités antérieures. On observe une dégradation de l’ambiance, une « désagrégation de l’esprit de cohésion » [8] liée à l’importance croissante des pratiques de concurrence générées par la logique de compétence.
40La gestion prévisionnelle de l’emploi est porteuse d’une vision consensuelle de l’entreprise qui tend à occulter les points de conflits entre l’organisation et sa hiérarchie d’une part, les salariés de l’autre. Le gommage des clivages traditionnels entre groupes sociaux est l’un des artefacts nécessaires pour construire cette vision consensuelle de l’entreprise : ainsi la nouvelle convention collective de l’assurance, signée en 1992 et applicable progressivement à partir de l’an 2000, prévoit la mise en place d’une grille unique professionnelle pour les cadres et les non cadres qui repose sur cinq critères classants : formation/expérience, conception/résolution des problèmes, dimension relationnelle, autonomie, contribution.
41Les dispositions concernant les rémunérations prévoient sept niveaux de classification : quatre pour les non-cadres, trois pour les cadres, auxquels correspondent sept minima annuels de salaire. On voit ici en clair la double démarche : une grille unique lorsqu’il s’agit de classer les fonctions, mais dès qu’on parle salaire, les distinctions traditionnelles resurgissent. Les salariés et leurs représentants ne sont pas entièrement dupes de cette volonté managériale de gommer les différences entre cadres et employés, il serait dommage que les statisticiens tombent dans la mystification.
2.3. LE PERSONNEL D’ENCADREMENT
42À la question « la fin des contremaîtres traditionnels ? » Philippe Trouvé répond par la négative [9]. L’hypothèse selon laquelle de jeunes diplômés à bac + 2 viendraient supplanter brutalement une population d’agents de maîtrise issus de la promotion ouvrière ne s’est pas confirmée : on assiste à la coexistence d’une maîtrise traditionnelle et d’une jeune maîtrise diplômée. Ce qui a changé en revanche, c’est ce qu’on attend de cette catégorie : le rôle de commandement traditionnellement dévolu aux agents de maîtrise peut parfois être ébranlé par la mise en place de groupes semi-autonomes, de programme qualité ou de logiques de compétence (Rozenblatt, 2000). Plusieurs sociologues (parmi eux Sainsaulieu, Coriat) ont souligné la revalorisation de l’entreprise, à la fois comme support social et économique : l’époque célèbre les vertus du marché, de la compétence, de l’efficience. Les expériences de gestion des ressources humaines conduisent à réviser la gestion des carrières fondées sur l’ancienneté au bénéfice de la « gestion prévisionnelle des compétences ». À l’arrière-plan de ce mouvement il y a bien sûr la crise économique, la difficulté à retrouver un emploi ou la crainte de le perdre si l’on est jugé incompétent.
43E. et J.D. Reynaud (1996) ont fait remarquer le bouleversement des relations professionnelles que créent les règles nouvelles du jeu tant pour les délégués syndicaux que pour les cadres de l’entreprise : les premiers sont contraints à quitter le simple terrain de la revendication car ils sont invités à participer à des prises de décisions concernant l’entreprise où « ils ne se bornent plus à défendre les intérêts de leurs mandants mais qui les assimilent à l’entreprise elle-même ». Les seconds, les cadres, sont contraints « d’accepter de soumettre à la discussion des décisions d’organisation et de gestion qui ont toujours fait partie des prérogatives de la direction. » Ces bouleversements, liés à la mise en place de nouveaux modes de gestion du personnel, traversent les différentes catégories dans les entreprises où ils sont mis en place. La traditionnelle distinction entre conception et exécution est alors fortement remise en cause (Reynaud, 2001). La gestion individualisée des carrières conduit à un bouleversement des échelles de valeurs professionnelles, à une remise en cause des hiérarchies. Mais celles-ci ne sont pas pour autant évacuées ; elles sont souvent déplacées d’un échelon vers un autre : c’est souvent la hiérarchie proche qui est chargée de l’évaluation des individus, avec toute la cruauté que cela peut introduire dans les rapports sociaux au sein de l’entreprise. Il me semble qu’il ne faut pas être trop dupe du discours managérial sur les « logiques de compétence ». Leur mise en œuvre ne touche qu’un nombre réduit d’entreprises. Il est vrai que certaines conventions collectives commencent à en porter la marque (Tallard, 2001), mais le phénomène est loin d’être aussi général que les experts voudraient nous le faire croire.
3. PERMANENCE DES POSITIONS
44Les changements internes subis par chaque catégorie sociale dans les vingt ou trente dernières années sont réels. Cependant, il faut garder en mémoire une propriété fondamentale des nomenclatures : le tout est plus que la somme des parties. Ce qui importe dans une nomenclature, ce sont moins les propriétés internes à chaque groupe que le fait que la nomenclature est porteuse d’une certaine vision des relations entre les groupes. Derrière le changement des conditions de classe on peut lire la permanence des positions de classe : les enfants d’ouvriers poursuivent leurs études plus longtemps que jadis, mais ni leur position dans l’enseignement ni leurs chances de réussir dans les voies « nobles » ne sont égales à celles des enfants de la bourgeoisie. Les jeux d’alliance et de conflits n’ont pas été bouleversés par les modifications évoquées précédemment et la hiérarchie des « rétributions » tant économiques que symboliques demeure globalement semblable. Pour un nombre important de variables, l’ordre des PCS reflète la hiérarchie des biens et des ressources : le même ordre se retrouve que l’on considère soit des indicateurs économiques comme le revenu moyen ou le taux de pauvreté, soit des indicateurs culturels comme la probabilité d’obtenir le baccalauréat en fonction de l’origine sociale ou l’accès aux filières « nobles » de l’enseignement supérieur.
3.1. LES REVENUS
45Reprenons l’exemple des revenus : certes, il y a des chevauchements entre catégories, on trouve des professions intermédiaires ayant même niveau de salaire que des cadres mal payés, mais l’échelle des revenus suit d’assez près celle des PCS. D’une façon générale, les écarts de salaire entre catégories professionnelles ont suivi la dispersion générale des salaires ( cf. Tableau 1).
46Le point important est que cette hiérarchie des salaires est d’une extrême stabilité, comme le montrent les travaux d’Alain Bayet et ceux plus récents de Thomas Piketty. Selon ce dernier, l’évolution des inégalités de salaire sur la longue durée ne peut s’étudier qu’en s’appuyant sur la méthode des déciles. Si l’on rapporte le seuil inférieur du 10ème décile (P90) au seuil supérieur du 1er décile (P10), on obtient un indice d’inégalité qui passe de 3,2 en 1950 à 4,2 à la veille de 1968, qui diminue ensuite entre 1968 et 1983 pour se stabiliser autour de 3,2 dans les années 90. Ce travail très bien étayé et documenté est un argument de poids en faveur de la stabilité des distances sociales. Ce sont toujours les ouvriers qui se trouvent en bas de la pyramide des salaires, et toujours les cadres qui se situent à l’extrême opposé. Les employés gagnent en moyenne un peu plus que les ouvriers, mais moins que les professions intermédiaires. Le prétendu dépassement des salaires des employés par celui des ouvriers s’efface si l’on prend la précaution de considérer séparément les salaires masculins et féminins. En outre, si nous considérons le taux de chômage des hommes du secteur privé, nous observons que la hiérarchie est la même que celle des salaires suivant les catégories socioprofessionnelles. L’ordre en est simplement inversé : le taux de chômage des ouvriers non qualifiés est supérieur à celui des ouvriers qualifiés qui lui même dépasse celui des employés, puis vient celui des professions intermédiaires, supérieur à celui des cadres.
47On pourrait nous objecter que ces différences au regard du salaire et de l’emploi entre catégories vont tendre à disparaître du fait de la démocratisation de l’enseignement, de la prolongation générale de la scolarité. Nous allons voir que ce processus ne s’opère pas de façon mécanique et ne bénéficie pas de la même façon à tous les groupes sociaux.
3.2. LES NIVEAUX EDUCATIFS : UN ACCES FORTEMENT DIFFERENCIE
48Lorsque l’on considère les grands indicateurs en matière d’éducation on comprend que la notion de « pyramide sociale » n’est pas une simple métaphore. En dépit de l’augmentation très générale des niveaux d’études, l’accès aux différents niveaux et dans les secteurs de l’enseignement des enfants s’opère de façon différentielle selon leur origine sociale. Plusieurs sociologues français ont insisté sur la réduction des inégalités devant l’école (Goux et Maurin 2000 ; Thélot et Vallet 2000 ; Duru-Bellat et Kieffer 2000) tout en admettant que ces inégalités sont loin d’avoir disparu : 52% des enfants d’ouvriers obtiennent leur baccalauréat contre 85% des enfants de cadres et de professeurs.
49Si l’on prend en compte l’ensemble des jeunes sortis du système éducatif entre 1990 et 1994, on observe que 78% des enfants de professeurs et scientifiques sortent diplômés de l’enseignement supérieur, 17% arrêtent au niveau du baccalauréat, et 5% seulement à un niveau inférieur. Chez les enfants d’ouvriers agricoles et d’ouvriers non qualifiés de l’artisanat, la proportion est à peu près inverse : 66% terminent leur formation au niveau du CAP ou à un niveau inférieur, 25% au niveau du bac et 9% sont diplômés de l’enseignement supérieur. L’accès aux études longues est directement fonction non seulement des ressources économiques, mais aussi de la culture propre à chaque groupe social [10].
50Si l’on adopte une démarche plus qualitative, les résultats sont semblables. L’accès à l’enseignement supérieur ne se fait pas dans les mêmes disciplines ni aux mêmes niveaux selon l’origine sociale des parents. Les enfants d’ouvriers, sous réserve qu’ils accèdent à l’enseignement supérieur, sont le plus souvent cantonnés dans les sections de STS ou dans les IUT. Les enfants de cadres et de professions libérales sont fortement sur-représentés dans les classes préparatoires aux grandes écoles et dans les filières « nobles » comme la médecine ou le droit.
ORIGINE SOCIOPROFESSIONNELLE DES ETUDIANTS FRANÇAIS DANS LES UNIVERSITES
ORIGINE SOCIOPROFESSIONNELLE DES ETUDIANTS FRANÇAIS DANS LES UNIVERSITES
51Les inégalités d’accès à l’enseignement, de plus en plus évidentes à mesure que l’on gravit les échelons éducatifs, se trouvent renforcées du fait que la rentabilité des diplômes n’est pas non plus la même selon l’origine sociale : par exemple, les taux d’accès à une position de cadre, entre 26 et 33 ans, chez les diplômés du supérieur au niveau Bac +2 sont de 35% chez les fils de cadres, de 25% chez les enfants de professions intermédiaires et de 21% chez les enfants d’ouvriers. Au niveau supérieur à Bac +2, ces taux sont respectivement de 81%, 78%, 72%. L’écart est de plus faible amplitude chez les filles au niveau Bac+2. Au niveau supérieur à Bac + 2, les taux d’accès des filles de cadres est de 65%, contre 48% chez les filles d’ouvriers (Galland et Rouault, 1996).
3.3. ET BIEN D’AUTRES DISTANCES SOCIALES...
52Les inégalités entre catégories socioprofessionnelles ne se limitent pas aux domaines de l’éducation et du travail. Les grands indicateurs démographiques épousent encore les contours de la pyramide sociale. La mortalité est beaucoup plus élevée chez les ouvriers et les employés que chez les professions intermédiaires et les cadres supérieurs. Ainsi, les taux de décès prématurés chez les hommes de 25-54 ans sont de 340,8 pour mille chez les ouvriers et employés, de 193,6/000 chez les cadres moyens et commerçants, de 125,2/000 chez les cadres supérieurs et les professions libérales. Plus grave encore, le fossé ne fait que se creuser. Entre 1980-84 et 1988-92, les variations des taux de mortalité prématurée viennent renforcer le handicap des ouvriers et employés par rapport aux autres catégories : pour la quasi totalité des causes de décès, les taux de mortalité prématurée baissent sensiblement plus chez les cadres que chez les ouvriers et employés (Michel, Jougla, Hatton 1996).
53La plupart des pratiques culturelles et de loisirs sont également marquées du sceau de la « distinction ». Les départs en vacances sont l’un des signes les plus parlants : si 87% des cadres et professions intellectuelles supérieurs sont partis en vacances en 1999, seulement 45% des ouvriers ont pu le faire. Entre les deux on retrouve le même classement : les professions intermédiaires partent plus fréquemment que les employés et ceux-ci plus que les ouvriers (Rouquette, 2000), Les agriculteurs et les autres indépendants occupent sur ce sujet une place à part puisque « se faire remplacer » est plus difficile pour eux que pour les salariés. Là encore, le fossé entre les groupes semble se creuser, en dépit de l’allongement des congés payés. On pourrait ainsi multiplier les exemples, mais le fait du maintien d’une distance sociale entre les catégories socioprofessionnelles semble bien établi.
CONCLUSION
54Jean Porte, l’un des créateurs de la nomenclature à l’Insee, dans l’article qu’il a donné au Traité de sociologie du Travail de Naville et Friedmann, faisait cette remarque :
« La classification socioprofessionnelle est celle des classifications qui, parmi toutes les classifications professionnelles pensables, donne les corrélations les plus fortes avec les caractéristiques les plus diverses des personnes classées. (...) Il y a analogie, mais non identité, entre le concept de catégorie socioprofessionnelle et celui de “classe sociale”. En effet, tous les sociologues sont d’accord pour admettre que les individus appartenant à des classes différentes ont, au moins statistiquement, des comportements différents. Mais la classification par catégorie socioprofessionnelle n’est attachée à aucune des théories diverses et contradictoires à partir desquelles les sociologues des différentes écoles ont voulu définir les “classes sociales” ».
56Et plus loin :
« Vouloir une seule classification pour tous les usages, c’est se condamner à n’avoir qu’une seule classification imparfaite pour chacun de ces usages.
Cependant, il y a intérêt à avoir une telle classification, unique, pour pouvoir comparer les résultats d’études diverses - afin aussi de pouvoir utiliser les résultats des recensements généraux de la population. »
58Cet article souligne que les classifications socioprofessionnelles, comme tou objet empirique, sont nécessairement imparfaites : la classification qui donne l meilleure corrélation avec les opinions politiques n’est pas nécessairement celle qui rend le mieux compte des structures de consommation ou du niveau d’instruction. Par la modification de certaines caractéristiques, notamment dans le mouvemen d’élévation générale du niveau d’instruction, certains groupes voient leur avantag relatif par rapport aux autres groupes rogné ou au contraire augmenté sans que pour autant soit modifiée la hiérarchie générale des groupes, ou l’ordre des avantages. I serait donc dangereux de vouloir, remettre brutalement en cause la nomenclatur française des PCS qui comporte une caractéristique bien particulière : élaborée avec soin par un ensemble de sociologues, de statisticiens et de représentants de la société, perfectionnée en douceur au fil des années, cette nomenclature nous perme d’avoir une grille commune aux enquêtes administratives et aux travaux universitaires, ce qui n’est pas le cas d’un pays comme la Grande Bretagne.
59En fin de parcours, on peut être tenté de remettre en cause notre attaque initiale qui posait le problème des catégories sociales en terme de contenant et de contenu. Il faut revenir sur la notion même de catégorie, problème central de la sociologi (Sacks, 1993). Les catégories sont autre chose et plus qu’un terme interprétatif ou un concept (Conein, 2001). Ce sont des « concepts opératoires ne renvoyant à aucun être, mais décrivant l’organisation des concepts proprement dits » (Granger, 1976) La critique actuelle des catégories sociales nous conduit à considérer deux problèmes théoriques plus ou moins liés. On est mieux à même de comprendre le statu logique des catégories sociales en les replaçant au sein de deux couple d’opposition :
- quel est le rapport entre la catégorisation « indigène » et la catégorisation « experte » des sciences sociales ?
- les désignations sociales mettent-elles en jeu des mécanismes différents d ceux des classifications naturelles ?
60On peut voir dans le débat autour des catégories sociales le symptôme d’une difficulté théorique à articuler la conception « indigène » et la conception expert des catégories sociales. C’est en partie parce qu’il est de plus en plus rare que les individus interrogés déclarent spontanément ‘je suis ouvrier’ que les experts statisticiens et sociologues sont conduits à s’interroger sur le bien fondé de la catégori « ouvrier ». Les socio-linguistes nous ont appris la dissymétrie fondamentale entre l catégorie indigène, le jugement à la première personne qui dit ‘je’ et le jugement de experts et de l’institution statistique qui dit « eux » et qui, ce faisant, oppose le groupe ouvrier à ce qu’il n’est pas, aux autres groupes.
61Il est clair que la seconde ne peut être conçue comme le simple miroir de la première. La catégorisation sociale fait violence de deux manières : elle appauvrit le foisonnement du matériau empirique au profit de la recherche de régularités tendancielles [11]. Mais la catégorisation savante se détache de la catégorisation indigène d’une autre manière comme le montre Harvey Sacks : « en agissant sur les personnes, toute désignation sociale est active » (Cité dans Conein, 2001). C’est pour cela qu’il importe de bien comprendre la procédure de construction des catégories.
62La distance entre les catégories savantes, qui reflètent le jugement de l’appareil statistique, et les catégories indigènes, ne peut pas pour autant être infinie : on voit mal comment l’institution statistique pourrait produire des nomenclatures qui seraient sans rapport aucun avec les représentations sociales des acteurs. De ce point de vue, toute nomenclature sociale est le produit d’un compromis.
63Ceci nous conduit au second point : s’il existe quelques traits communs entre la catégorisation des sciences de la nature et celle des sciences sociales, entre le classement des objets et celui des personnes, la symétrie n’est qu’imparfaite. La désignation sociale des personnes et leur classement procèdent d’opérations différentes de celles que mettent en œuvre les sciences de la nature. Le jugement de catégorisation des personnes fait appel à des ensembles paradigmatiques différents : la profession, le revenu, mais aussi le diplôme ou la profession du conjoint. Conein insiste sur le caractère normatif de la classification sociale ; « Le choix d’un terme entraîne une évaluation positive ou négative sur les personnes groupées. » (p. 251). Bernard Lepetit disait la même chose en des termes différents lorsqu’il écrivait (Lepetit, 1995) : « Les hommes ne sont pas dans les catégories sociales comme des billes dans les boites, et d’ailleurs les boites n’ont d’autre existence que celle que les hommes (les indigènes du passé et les historiens d’aujourd’hui) en contexte leur donnent ». (Lepetit, 1995). Pour cet ensemble de raisons, il convient de faire preuve d’une grande prudence dans le projet de réforme des PCS et d’une vigilance extrême dans le travail d’harmonisation des nomenclatures dans le cadre de la construction européenne.
ANNEXE
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Ce texte est une version modifiée d’une communication faite au séminaire du Lasmas et publiée dans Les Cahiers du Lasmas, Série Séminaire, n° 00-3, p. 3-12.
-
[2]
Nous ne développerons pas ici cet aspect historique. Pour une histoire des nomenclatures socioprofessionnelles, et notamment de l’importance des conventions collectives dans la constitution de celles-ci, voir Boltanski (1982) et (2000), Desrosières et Thévenot (1988) Desrosières (1993) et Coutrot (1997).
-
[3]
Dirn (1996) pp. 21-22.
-
[4]
Glaude (1984) pp. 299-318.
-
[5]
p. 26.
-
[6]
Dressen et Roux Rossi, 1996, p. 104 et p. 33.
-
[7]
« Les employés vivent une forte tension entre l’espace de formation qui tend à les convaincre de leur pouvoir de faire évoluer les postes vers plus d’autonomie et de complexité, voire à les rendre responsables de l’éventuelle exclusion résultant de leur échec, et l’espace du travail dans lequel ils se heurtent aux contraintes d’organisation et aux refus d’aménagement que l’encadrement leur oppose fermement » (Dugué, 1994, pp. 273-292).
-
[8]
Idem, p. 288.
-
[9]
P. Trouvé (1996), pp 237-308. Voir aussi Coutrot, Gautier, Kalck et Maillard (1997) p. 54.
-
[10]
Voir : hhttp :// www. education. gouv. fr/ dpd/ etat/ somm. htm ftp ://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/etat/etat11.pdf
-
[11]
N. Dodier (1996) insiste à juste titre sur ce point : « Le sacrifice de la multiplicité des cas singuliers pour un profit ultérieur est bien la base de la totalisation statistique ».