Sociologie 2016/2 Vol. 7

Couverture de SOCIO_072

Article de revue

Montée des outils standardisés et transformations des formes d’autorité professionnelle

Le cas des pédopsychiatres dans le champ de l’autisme

Pages 153 à 168

Notes

  • [1]
    Dixième et dernière version de la Classification internationale des maladies (CIM) publiée par l’Organisation mondiale de la santé en trois volumes (volume 1 en 1993, volume 2 en 1995 et volume 3 en 1996).
  • [2]
    Quatrième version de la Classification américaine (Diagnostic and statistical manuel) publiée par l’Association américaine de psychiatrie en 1994.
  • [3]
    Réunion mensuelle qui rassemble les médecins du pôle de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent dans lequel est implanté l’IDA, pendant laquelle sont présentés les cas considérés comme complexes, que ce soit au niveau du diagnostic ou du soin.
  • [4]
    Le centre de diagnostic ne produisait pas de rapport sur son activité avant 2003 et les rapports d’activité n’étaient pas disponibles après 2007 au moment de l’enquête.
  • [5]
    Programme de diagnostic, de traitement et d’éducation des enfants autistes, mais aussi de formation des parents, lancé dans les années 1960 en Caroline du Nord par le psychologue Éric Schopler.
  • [6]
    Site Internet de l’association : http://www.autisme-france.fr/577_p_25449/autisme-france-15-annees-d-actions-qui-ont-permis-d-avancer.html
  • [7]
    Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent dont la dernière version a été publiée en 2000.
  • [8]
    Fondateur de la méthode TEACCH (Treatment and Communication of Autistic and related Communication Handicapped CHildren)
  • [9]
    Établissement rattaché à un hôpital public, chargé d’un secteur géographique donné, qui fournit une offre de soins en santé mentale prise en charge par la sécurité sociale.
  • [10]
    Inspirée de Mélanie Klein (1882-1960), psychanalyste britannique, d’origine autrichienne, qui a travaillé à promouvoir la psychanalyse des enfants, en centrant son analyse sur les mécanismes « archaïques » ou « primaires » du psychisme.
  • [11]
    Roger Misès, décédé en juillet 2012, était un éminent professeur de pédopsychiatrie et membre titulaire de la Société psychanalytique de Paris. Il a participé à la rédaction de la CFTMEA.
  • [12]
    « Il [le développement de ces centres de ressources] doit s’effectuer dans le cadre d’une démarche concertée, c’est-à-dire associant dès le départ l’ensemble des acteurs concernés, notamment les associations de parents » (circulaire du 8 mars 2005, p. 22, en gras dans le texte).
  • [13]
    Diagnostic qui figure dans la CFTMEA dans la partie intitulée « Autisme et troubles psychotiques », dans la catégorie des « Psychoses précoces (Troubles envahissants du développement) ». Ce diagnostic correspond aux « Autres troubles envahissants du développement » dans la CIM 10.
  • [14]
    Structures médico-sociales qui ont pour vocation d’accueillir les enfants et adolescents atteints de déficience intellectuelle, le plus souvent gérées par des associations.
  • [15]
    On privilégie le féminin grammatical pour désigner les non pédopsychiatres car ce sont uniquement des femmes dans le centre de diagnostic étudié.
  • [16]
    La notion de TSA a été introduite par le DSM V, publié le 18 mai 2013, pour remplacer la notion de TED. Les TSA sont désormais inclus dans la catégorie plus générale des « troubles neuro-développementaux ».

1 On constate actuellement une montée des outils standardisés encadrant les pratiques professionnelles dans différents domaines. Depuis les années 1980, plusieurs réformes inspirées du New Public Management affectent la plupart des administrations publiques et des domaines d’intervention de l’État de manière différente selon les contextes nationaux (Pollitt & Bouckaert, 2004). De nombreux travaux s’intéressent à l’instrumentation de cette logique de rationalisation à l’œuvre en France, que ce soit à travers la mise en place d’instruments d’évaluation de la performance dans la justice (Rothmayr, 2013), d’outils de mesure de l’activité dans les hôpitaux publics (Moisdon, 2010) ou encore la montée d’une gestion actuarielle des risques au niveau pénitentiaire (Cauchie & Chantraine, 2005 ; Cliquennois, 2006).

2 Dans le monde médical, la diffusion d’outils standardisés renvoie également à la montée de l’evidence-based medicine. Cette « médecine des preuves » s’est construite en opposition avec la tradition clinique. L’objectivité construite dans la « proximité » de la relation clinique a été questionnée par la valorisation d’une autre forme d’objectivité élaborée dans la « distance » (Dodier, 2007). La figure du clinicien investi d’une forte autorité personnelle a été bousculée par le recours à des méthodes statistiques standard. Dans le monde de la santé mentale, on observe une montée de la « psychiatrie des preuves » en lien avec les critiques sur l’arbitraire et le manque de scientificité du « monde psy » (Dodier & Rabeharisoa, 2006).

3 Les conséquences de la diffusion d’outils standardisés ont donné lieu à différentes interprétations en termes de sociologie des professions. Thomas Le Bianic identifie quatre grilles de lecture dans la littérature existante (Bezes et al., 2011) : la « déprofessionnalisation » liée à l’emprise des outils sur les pratiques, la « segmentation » accrue des professions entre une élite et une base, la « re-stratification », c’est-à-dire la redéfinition des hiérarchies entre groupes professionnels et le « découplage » entre instruments et pratiques professionnelles. Cet article s’inscrit dans cette démarche de questionner les conséquences de l’introduction d’outils standardisés sur les pratiques professionnelles.

4 Les travaux qui traitent cette question sur le monde médical ont permis de nuancer l’opposition entre clinique et protocoles standards en soulignant les limites des systèmes experts (Berg, 1997) et en montrant comment le jugement clinique est sollicité dans la formulation-même des recommandations de bonne pratique (Knaapen, 2013) ; en identifiant la nécessaire appropriation locale des protocoles (Berg & Timmermans, 2003) et en analysant comment la logique de rationalisation professionnelle préserve l’autonomie du jugement clinique (Castel & Robelet, 2009). Ces travaux ont permis de comprendre comment l’on vit dans un monde de standards qui n’est pas pour autant un monde standardisé (Timmermans & Epstein, 2010).

5 On propose de prolonger les conclusions de ces travaux en structurant l’analyse autour d’une autre question. Les médecins, en tant que corps professionnel, détiennent le pouvoir de qualifier une situation en posant un diagnostic. Ce pouvoir est légitimé par la détention d’une compétence hautement spécialisée (Parsons, 1939). Plusieurs travaux, inspirés notamment de l’analyse conversationnelle et de l’ethnométhodologie, mettent en avant le pouvoir exercé par les médecins sur les patients (Cosnier, 1993 ; Ten Have, 2006 ; Cicourel, 2002). D’autres travaux insistent sur le pouvoir exercé par les psychiatres sur les autres professionnels de santé dans les configurations de travail en équipe (Ogien, 1987 ; Barrett, 1998). Comment les outils standardisés sont-ils utilisés dans ces rapports de pouvoir ? Patrick Castel (2009) met en lumière les rapports de pouvoirs qui se nouent entre les médecins autour de l’introduction d’outils standardisés en cancérologie. Dans le cas de l’autisme, l’apparition d’outils standardisés participe-t-elle d’une remise en cause de l’autorité des pédopsychiatres sur le diagnostic ? On propose de distinguer trois formes d’autorité différentes : l’autorité des pédopsychiatres sur les patients, l’autorité entre pédopsychiatres et l’autorité des pédopsychiatres sur d’autres professionnels de santé.

6 La circulaire du 27 avril 1995, premier texte officiel sur l’autisme, fait le constat d’un diagnostic à la fois trop tardif et trop hétérogène. Une politique de dépistage précoce et d’harmonisation des pratiques diagnostiques est lancée en 1999 à travers la création des quatre premiers centres ressources autisme (CRA). Puis ces structures essaiment jusqu’à ce que la circulaire du 8 mars 2005 généralise leur création dans chaque région de France. Ces centres ont joué un rôle central dans la diffusion des recommandations pour la pratique professionnelle du diagnostic de l’autisme publiées par la Haute autorité de santé (HAS) et la Fédération française de psychiatrie (FFP) en juin 2005. Cette dynamique d’harmonisation des pratiques diagnostiques a été soutenue par la création de l’Association nationale des centres ressources autisme (ANCRA) en octobre 2005.

7 Les recommandations de bonne pratique encouragent le recours à des outils standardisés, notamment l’autism diagnostic interview (ADI), entretien avec les parents, et l’autism diagnostic observation schedule (ADOS), séance d’observation de l’enfant filmée derrière un miroir sans tain. Ces deux outils sont standardisés dans la mesure où ils peuvent être caractérisés par deux principes : la structuration et la quantification. Ces outils structurent la situation d’évaluation, c’est-à-dire que le format de l’évaluation est cadré par une grille d’observation ou d’entretien prédéfinie. L’évaluation est structurée autour d’une série d’items organisés en trois domaines d’exploration : relations sociales, communication, intérêts et comportements. Ces tests donnent également lieu à une opération de cotation. Pour chaque item, l’évaluateur indique dans le manuel de passation du test si le symptôme recherché est présent ou non et s’il est présent, à quel degré il se manifeste (la sévérité est cotée entre 1 et 3). Ces tests indiquent un diagnostic d’autisme lorsque le score total (addition des scores atteints dans chaque domaine) atteint ou dépasse le niveau du seuil, à partir duquel le test est considéré comme positif. Ces outils ont été conçus en référence aux classifications médicales internationales, à la CIM 10 [1] et au DSM IV [2].

8 Cet article s’appuie sur une enquête ethnographique menée entre mars et août 2009 dans un centre de diagnostic spécialisé sur l’autisme, l’Institut du diagnostic de l’autisme (IDA). Né en 1998, comme un pôle de référence sur l’autisme dans un centre hospitalier spécialisé, l’IDA devient ensuite une unité d’évaluation du centre ressource autisme (CRA) en 2002. L’équipe de l’IDA se compose, au moment de l’enquête, d’une secrétaire, Thérèse S., deux pédopsychiatres, dont la coordonnatrice Béatrice A., quatre psychologues, deux orthophonistes et une psychomotricienne. La démarche diagnostique s’organise selon les séquences suivantes. Les parents s’adressent ou sont adressés à l’IDA par courrier ou par téléphone. La secrétaire établit alors une fiche de renseignements sur laquelle figurent le nom de la personne ayant adressé l’enfant et le « motif » de la demande. Une année se déroule en moyenne entre cette prise de contact et la première consultation avec un pédopsychiatre à l’issue de laquelle ce dernier décide si un bilan doit être programmé ou non. Ensuite, les autres membres de l’équipe réalisent les tests standardisés à « visée diagnostique ». Ils effectuent également, sur la demande du pédopsychiatre, d’autres bilans visant à évaluer les compétences de l’enfant dans différents domaines (socio-émotionnel, affectif, cognitif, communicationnel, orthophonique, psychomoteur). Ces évaluations ne sont pas considérées comme ayant une « visée diagnostique » – car elles ne donnent pas lieu à une opération de cotation – même si elles participent de la démarche diagnostique. Puis vient la synthèse, moment qui réunit les professionnels de l’IDA ayant rencontré l’enfant dans le cadre de la démarche diagnostique. Les professionnels de santé qui suivent l’enfant à l’extérieur de l’IDA peuvent être invités. Cette réunion doit permettre la détermination du diagnostic qui est annoncé aux parents par le pédopsychiatre lors de la consultation finale.

9 Cette enquête a permis d’observer trente-deux consultations (neuf premières consultations, six consultations finales et dix-sept tests/bilans), vingt-et-une réunions de synthèse, cinq réunions de concertation clinique et thérapeutique [3] et trois réunions d’équipe. L’enquête a également consisté à prendre des moments d’observation en salle d’attente et à partager des discussions informelles avec les professionnels pendant les déjeuners ou les déplacements en équipe. On a par ailleurs mené une enquête qualitative portant sur trente-deux dossiers médicaux. Ce travail a permis de croiser les données recueillies par l’observation avec les traces écrites de la démarche diagnostique contenues dans les dossiers. Les dossiers étudiés ont été sélectionnés en fonction de deux critères : des issues diagnostiques différentes à l’issue du bilan (dix dossiers d’enfants ayant reçu le diagnostic d’« autisme typique » et dix dossiers d’enfants ayant reçu le diagnostic de « TED NS » (« troubles envahissants du développement non spécifiés ») et des durées différentes du processus diagnostique (douze dossiers pour lesquels l’hypothèse d’autisme a été rapidement invalidée car la première consultation n’a pas donné lieu à un bilan diagnostique). Les observations ont été resituées dans leur contexte organisationnel par l’étude des rapports d’activité du centre de diagnostic entre 2003 et 2007 [4]. Elles ont été également resituées dans leur contexte institutionnel par l’étude de l’ancrage du centre de diagnostic dans un CRA à travers une série d’observations (journée de rencontre entre les différentes unités d’évaluation du CRA, trois réunions du comité de pilotage du CRA, deux réunions de l’ANCRA). Enfin, on a réalisé des entretiens (N = 19) avec différents types d’acteurs engagés sur la question de l’autisme au niveau local (professionnels de santé, acteurs associatifs et politiques). [5]

10 Cet article entend étudier l’apparition d’outils standardisés de diagnostic de l’autisme en faisant varier les échelles d’analyse (macro, meso et micro). On propose d’abord de retracer l’introduction d’outils standardisés de diagnostic en France. On analyse ensuite l’institutionnalisation de ces outils par l’étude des tensions entourant la genèse de l’IDA. On étudie enfin comment les outils standardisés sont mobilisés pratiquement dans le travail diagnostique au sein de l’IDA.

L’introduction d’outils standardisés de diagnostic : entre remise en cause de l’autorité des pédopsychiatres sur les parents et réagencement de l’autorité entre pédopsychiatres

11 Des outils standardisés de diagnostic de l’autisme ont été introduits en France à la faveur de deux dynamiques : la revendication d’un droit au diagnostic par les associations de parents et la volonté de développer la recherche clinique. Ces dynamiques ont induit, d’une part, une remise en cause de l’autorité des pédopsychiatres sur les parents et bousculé, d’autre part, la répartition de l’autorité entre pédopsychiatres.

La revendication d’un droit au diagnostic par les associations de parents

12 Brigitte Chamak (2008) distingue trois générations d’associations de parents dans le champ associatif relatif à l’autisme. Une première génération est constituée des associations fondées dans les années 1960 dans le but de créer des institutions pour pallier le manque de structures publiques dédiées au handicap mental. C’est l’histoire des associations avant l’autisme. Elles se caractérisent par une collaboration avec la psychiatrie publique. L’Association au service des inadaptés ayant des troubles de la personnalité (ASITP) a par exemple créé, en 1963, le premier hôpital de jour pour les enfants, l’hôpital Santos Dumont à Paris, pour empêcher la séparation radicale entre les enfants et leur famille.

13 Puis une deuxième génération d’associations dédiées à l’autisme apparait au milieu des années 1980. Elle fait émerger l’autisme comme une cause spécifique. L’objectif principal pour ces associations est de créer des établissements adaptés aux personnes autistes en prônant notamment le recours à des méthodes éducatives. En 1985, l’Association Île-de-France pour le développement de l’éducation et de la recherche sur l’autisme (AIDERA) et Pro-Aid Autisme créent deux institutions, une école et un centre éducatif de jour, orientées vers le programme Treatment and Communication of Autistic and related Communication Handicapped CHildren (TEACCH)5.

14 Enfin, une troisième génération rassemble les associations fondées au début des années 1990. En 1989, l’ASITP – devenue Fédération française autisme et psychoses infantiles (FFAPI) en 1985 – connaît une scission à l’origine de la création d’Autisme France. Une quarantaine de familles décide de remettre en question « la main mise “psy” sur le domaine de l’autisme » et appelle à la constitution d’un mouvement pour le droit à une prise en charge non psychanalytique des personnes autistes [6]. Ces familles s’élèvent contre un « monde psy » fortement marqué par l’approche psychanalytique de l’autisme, considérée comme culpabilisante pour les mères, et défendent une autonomisation des parents par rapport aux pédopsychiatres. Cette critique s’exprime notamment sous la forme d’une revendication d’un « droit au diagnostic », notion introduite dans le « manifeste des parents d’enfants autistiques » de la future association Autisme France créée en juin 1990. Cette troisième génération d’associations milite pour l’importation en France des méthodes éducatives et comportementalistes américaines, pour l’adoption d’une conception organique de l’autisme comme étant d’origine neurobiologique, et pour l’amélioration de la recherche sur la piste génétique.

15 Le « droit au diagnostic » revendiqué par Autisme France recouvre trois exigences : le fait que le diagnostic soit posé de manière précoce à partir de l’âge de trois ans, qu’il soit annoncé aux parents et que l’autisme soit catégorisé comme un « trouble envahissant du développement » en référence à la CIM 10. Autisme France dénonce donc l’approche psychanalytique de l’autisme sous trois dimensions : le refus de poser un diagnostic pendant la petite enfance ; la réticence à annoncer le diagnostic d’autisme aux parents et la référence à la CFTMEA [7] dans laquelle l’autisme est considérée comme une forme de psychose. Cette revendication s’exprime notamment par la saisine du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) le 19 septembre 1994 pour dénoncer les difficultés à obtenir un diagnostic précoce et précis de l’autisme. En réponse à cette saisine, l’avis no 47 rendu le 10 janvier 1996 énonce qu’« en l’état des connaissances, l’autisme est considéré comme un trouble du développement du système nerveux central dont les causes sont multiples » (p. 8).

16 La revendication d’un droit au diagnostic d’autisme a donc créé un terrain favorable à l’introduction d’outils standardisés d’évaluation en encourageant un changement de référence en termes de classifications médicales.

Le développement de la recherche clinique

17 L’introduction d’outils standardisés d’évaluation naît de la volonté de mener des projets de recherche en santé publique sur l’autisme, ce qui nécessite de constituer des populations homogènes et donc d’uniformiser les pratiques diagnostiques. C’est notamment par le biais du projet hospitalier de recherche clinique lancé en 1997 par le Professeur Charles Aussilloux, chef du service de médecine psychologique de l’enfant et de l’adolescent du Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Montpellier, que sont importés l’ADI et l’ADOS en France. Ce projet vise à constituer une cohorte de trois cent enfants autistes, encore suivis actuellement, en impliquant cinquante-deux services de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à travers toute la France.  [8]

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La première étape dans ce projet, c’était d’harmoniser les pratiques diagnostiques pour avoir une population homogène… Parce que franchement en 1997, c’était extrême ! Moi je me rappelle être allée dans tous ces centres en France, à Caen, à Armentières, donc à l’époque, c’était dans les services de psychiatrie, voire même dans les hôpitaux psychiatriques, pour faire de l’évaluation et du diagnostic d’enfants entre trois ans et sept ans qui avaient un diagnostic, donc à l’époque le terme consacré, c’était, parce que nous, on utilisait la CIM 10 mais la classification qui était utilisée, c’était la classification française donc je me rappelle être allée d’Armentières à Nice pour faire des inclusions de patients, et vérifier les critères diagnostiques avec les équipes… Donc concrètement ça veut dire quoi ? Ça voulait dire confronter des outils qui étaient très différents. Nous, on utilisait avec Charles Aussilloux les outils de la CIM 10 et on essayait de trouver un langage commun avec des équipes qui utilisaient la classification française, avec une étiquette diagnostique de psychose. Ce n’est pas notre outil mais on travaille ensemble sur la CIM 10, sur des échelles telles que l’ADI et l’ADOS. Je peux vous le dire parce que moi, j’étais allée en Angleterre, à l’Institut psychiatrique de Londres, me former pour utiliser l’ADI et je suis allée à Armentières faire passer les outils. Ce n’est pas juste pour vous dire : ah comme j’ai beaucoup travaillé, mais je pense que ça a été le démarrage d’un transfert de connaissances et de compétences techniques différentes. Petit à petit, on s’est rendu compte que les équipes de terrain s’appropriaient ces outils… Parce qu’en général quand on fait des études multicentriques, on forme les centres associés, on fait des réunions pour faire des consensus sur les cotations… Et là des outils tels que l’ADI ou l’ADOS ont été injectés dans la pratique et après, il y a eu communication autour de ces résultats, de ces pratiques. Il y a une diffusion qui s’est faite par capillarité (entretien le 15 décembre 2011avec Amélie B., ancienne élève de Charles Aussilloux).

19 Charles Aussilloux, qui a rencontré le psychologue américain Eric Schopler8 dans les années 1980 en Caroline du Nord, lance ensuite l’idée de formaliser des recommandations pour la pratique professionnelle du diagnostic d’autisme qui sont finalement publiées en juin 2005 conjointement par la Fédération française de psychiatrie qu’il dirige à l’époque et la Haute autorité de santé. Le projet de recherche lancé en 1997 avait permis de préparer les pédopsychiatres à une évolution des pratiques diagnostiques. L’adoption d’une stratégie de changement par étapes a également facilité l’acceptation de ces recommandations par les pédopsychiatres. Les recommandations de bonne pratique ont instauré un principe de tolérance quant aux diagnostics posés en référence à la CFTMEA. C’est plus tard, en janvier 2010, que la seule référence à la CIM 10 a été recommandée par l’état des connaissances publié par la HAS.

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Donc si vous voulez quand les recommandations sont arrivées, le terrain avait déjà été labouré par le biais de ce projet de recherche clinique, avec cinquante centres associés, eux-mêmes associés à d’autres centres, donc on commençait à se dire : ah tiens il y a la CIM 10… […] Contrairement à ce que j’imaginais, ces recommandations ont été relativement bien acceptées, parce que l’effort permanent dans les groupes de travail, c’était de faire des évolutions de pratiques qui étaient faisables. Alors on peut dire qu’on était dans un consensus mou mais si on veut entrainer un changement des pratiques, on ne peut pas demander à quelqu’un qui ne parle pas anglais de devenir bilingue du jour au lendemain. Donc il fallait des étapes. Par exemple, une étape a été, et vous voyez qu’elle a été réglée cinq ans après, c’était de dire : en France on utilise la classification française, vous pouvez continuer à l’utiliser mais en revanche, vous êtes obligés de donner un diagnostic en CIM 10. Sauf que, pour l’état des connaissances de 2010, qui s’est fait avec les mêmes personnes, on a dit : maintenant, le diagnostic s’énonce en CIM 10 point barre ! Donc moi il me semble malgré tout que si l’on veut que les pratiques changent, il faut faire des propositions réalisables. Et on savait d’où on partait ! (entretien le 15 décembre 2011 avec Amélie B., pédopsychiatre impliquée dans l’élaboration des recommandations).

21 Le projet de recherche lancé en 1997 a constitué la genèse des centres ressources autisme. Les centres hospitaliers spécialisés impliqués dans ce projet sont en effet devenus par la suite les lieux d’implantation des CRA. L’Association nationale des centres de ressources autisme (ANCRA) a ensuite été créée sous la présidence de Charles Aussilloux.  [9]

22 Des outils standardisés de diagnostic de l’autisme ont donc été introduits en France sous l’impulsion de deux dynamiques conjointes. La revendication d’un droit au diagnostic par les associations a participé de la remise en cause de l’autorité des pédopsychiatres sur les parents. Le développement de la recherche clinique a institué la possibilité d’établir l’autorité de certains pédopsychiatres sur d’autres.

L’institutionnalisation des outils standardisés de diagnostic : une remise en cause de l’autorité de certains pédopsychiatres sur les parents

23 L’institutionnalisation des outils standardisés a été traversée par deux types de tensions qui ont entouré la genèse de l’Institut du diagnostic de l’autisme (IDA). La légitimité du centre de diagnostic a été difficilement reconnue par les associations de parents. L’IDA a également difficilement trouvé sa place par rapport aux autres structures de la pédopsychiatrie, notamment les centres médico-psychologiques (CMP)9. Ces deux types de tensions apparaissent intimement liés à la lumière des désaccords entre les deux pédopsychiatres de l’IDA. L’institutionnalisation des outils standardisés a participé d’une remise en cause de l’autorité de certains pédopsychiatres sur les parents, articulée avec un établissement conflictuel de l’autorité entre pédopsychiatres.

En quête de légitimité auprès des associations de parents

24 Ancré dans une approche psychanalytique de l’autisme à sa création, l’IDA a évolué progressivement vers une standardisation de la démarche diagnostique. Quand il fonde le centre de diagnostic spécialisé sur l’autisme, Jérôme M. s’inscrit dans une approche psychanalytique tout en essayant de « faire le pont » avec une démarche standardisée du diagnostic à travers la pratique de l’ADI.

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L’idée au moment de la création de l’IDA, c’était de favoriser les ponts entre les différentes approches. J’avais par exemple une collègue psychiatre qui a travaillé avec moi comme médecin à l’IDA, elle était d’orientation très analytique dans son approche de l’autisme, très Kleinienne [10]… On ne peut pas faire un travail intéressant si on ne fait pas des ponts entre les deux. L’évaluation est descriptive… On a besoin d’une approche du sujet. On a besoin d’une approche où on se rend compte que derrière un handicap, il y a un sujet avec toute sa vie affective et émotionnelle, ses relations au monde extérieur, ce qu’il fait vivre à sa famille et aux professionnels. Et ça, c’est une approche qui ne répond pas aux critères standards… Donc on est obligés de faire un travail qui fait le pont entre les deux approches (entretien le 3 mars 2011 avec Jérôme M., pédopsychiatre fondateur de l’IDA).

26 Le passage de flambeau entre Jérôme M. et Béatrice A. en 2005 fait sensiblement évoluer l’ancrage du centre de diagnostic. Quand elle devient coordonnatrice, Béatrice A. instaure d’abord l’obligation de poser des cotations diagnostiques précises en référence à la CFTMEA. En 2006, elle introduit l’ADOS dans le bilan diagnostique. En 2007, la référence à la CFTMEA est abandonnée pour privilégier des cotations diagnostiques qui s’appuient sur la CIM 10.

27 L’évolution des pratiques diagnostiques a permis à l’IDA d’acquérir une véritable légitimité aux yeux des associations de parents d’enfants autistes, notamment de l’association EAI rattachée à Autisme France qui est non seulement la plus fortement implantée au niveau départemental, mais également la plus farouchement opposée à la psychanalyse et la plus réticente à collaborer avec la pédopsychiatrie. Cette évolution est racontée par Germaine L., vice-présidente de l’association EAI, au prisme d’un effet générationnel : Jérôme M. a infléchi son approche de l’autisme autant que son appartenance générationnelle et sa formation le lui permettait : [11]

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Monsieur M., il est plutôt dans une approche analytique… Mais il a senti que le vent tournait, et il a eu l’intelligence de le sentir, ce qui est déjà beaucoup… Et du coup, il a laissé les pouvoirs à Béatrice A. Elle aussi, elle vient d’une tradition analytique, mais elle a beaucoup évolué. Lui, il est de sa génération, il n’évoluera pas comme elle, mais il lui a laissé les mains libres, ce qui est déjà beaucoup. On lui est très reconnaissant. Il ne pouvait pas s’investir professionnellement dans nos approches, il a voulu prendre du recul. Il a très bien agi, il s’est vraiment investi. Il a été très loin, mais je pense qu’il est allé au bout de ce qu’il pouvait aller… Il a bien préparé le terrain, c’est le principal. […] Il a fait son chemin et c’est déjà pas mal… Maintenant, il est en CMP, j’ai de mauvais échos, il a été repris par son milieu… Mais il a quand même tracé une voie (entretien le 29 mars 2011 avec Germaine L., vice-présidente de l’association EAI).

29 Jérôme M. fait en effet partie de cette génération de pédopsychiatres qui ont découvert l’autisme par le livre du psychanalyste Bruno Bettleheim, La forteresse vide, traduit en 1969, seulement deux ans après sa première édition. Cet effet générationnel est admis par le pédopsychiatre lui-même sous la forme d’un trait d’humour à la fin de notre entretien pendant lequel il a résisté à la position d’enquêté : « Avec la jeune génération de pédopsychiatres, vous arriverez à utiliser votre grille d’entretien ! Parce que eux (souligné) ont l’esprit très structuré, ils ont beaucoup de méthode… (rires) ». Lors d’une réunion de concertation clinique et thérapeutique, il se déclare « enfant de Misès11 ».

30 Le pédopsychiatre se remémore la méfiance existante à l’égard du centre de diagnostic au moment de sa création. On peut supposer que c’est plus précisément de l’association EAI dont il parle quand il fait allusion aux associations de parents, de manière non spécifiée, dans leur ensemble.

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Parce que le problème au départ, c’était que les associations de parents ne reconnaissaient aucune compétence à la pédopsychiatrie. La pédopsychiatrie, c’était le diable. C’étaient ceux qui restaient dans une optique psychanalytique, qui n’avaient pas un regard adéquat sur l’autisme. Donc au départ, on a été quand même relativement contestés dans la mise en place des pôles, comme plateforme technique. Ils ont eu du mal à nous reconnaître mais on avait individuellement de bons rapports avec les personnes. Donc, petit à petit, ça a été reconnu par les associations (entretien le 3 mars 2011, avec Jérôme M., fondateur de l’IDA).

32 Conformément à l’esprit de la circulaire du 8 mars 2005 [12], le pédopsychiatre se lance dans une quête de légitimité, notamment auprès de cette association de parents. Il entre en contact avec Germaine L. qui a participé à la création du CRA parisien avant d’arriver dans la région en 2002. Cette prise de contact a été appréciée par Germaine L. comme une preuve de la reconnaissance du travail associatif.

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Quand je suis arrivée sur la région, j’ai très rapidement été en contact avec le docteur M., qui était là avant Béatrice A., qui a fondé l’IDA et […]. Le docteur M., c’est quelqu’un de très gentil, qui a beaucoup d’humour, qui n’est pas comme Béatrice A. mais bon ! Il a permis à Béatrice A. de s’installer et je trouve ça formidable ! On lui doit beaucoup au docteur M. et surtout on lui doit, moi je dirais, une reconnaissance. Il reconnaît notre travail associatif… Ça faisait trois mois que j’étais ici que j’avais un coup de fil de lui à la maison, disant : « bon ben écoutez, faut qu’on se rencontre » (entretien le 29 septembre 2010 avec Germaine L., vice-présidente de l’association EAI).

34 La reconnaissance progressive de la légitimité du centre de diagnostic par l’association EAI s’est traduite par une démarche active d’orientation des enfants vers l’IDA. Cette association de parents est devenue un canal important de recrutement des familles, ce qui a engendré une montée en charge importante du dispositif jusqu’à l’état de saturation actuel.

35

On sentait que Monsieur M.… D’abord il se faisait un peu la main sur les premiers, c’est normal et puis aussi… Voilà, la psychanalyse n’était pas effacée. Mais ça a tout changé quand Béatrice A. est arrivée ! En fait, on a même un peu boycotté l’IDA tant que c’était Jérôme M. mais quand on a vu la compétence de Béatrice A., alors là, on a envoyé en nombre. Et ça a eu le succès qu’ils connaissent encore aujourd’hui. Mais ça, on le doit à la compétence de Béatrice A. et à son travail (entretien le 15 février 2011 avec Nicole C., psychologue d’inspiration cognitivo-comportementale en libéral et membre de l’association EAI). [13]

36 La reconnaissance d’une plus grande compétence de Béatrice A. pourrait sembler a priori partagée par Jérôme M., dont Nicole C. dit qu’il « s’est fait la main » sur les premiers enfants. À cet égard, le pédopsychiatre parle lui-même de son expérience à l’IDA en termes d’« artisanat ». Cependant ce terme peut être interprété de deux manières. Il peut qualifier la dimension approximative de bricolage qui caractérise le travail du débutant mais également une manière de faire différente, des pratiques d’évaluation moins standardisées.

Une place difficile à trouver au sein de la pédopsychiatrie

37 Dès sa création, l’IDA a difficilement trouvé sa place parmi les structures existantes en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, notamment les centres médico-psychologiques (CMP). Malgré l’organisation « fédérative » de la pédopsychiatrie selon les termes de Jérôme M. et la tradition de concertation et de mise en commun des moyens, la place du centre de diagnostic s’est avérée problématique pour deux raisons. La création de l’IDA sans allocation de moyens supplémentaires a engendré un appauvrissement des structures de base du secteur. La création d’un centre de diagnostic spécialisé venait par ailleurs remettre en question la compétence des pédopsychiatres en CMP.

38

Il y a eu beaucoup de réticences dans les CMP, parce que d’une certaine façon, c’était remettre en question la compétence diagnostique de chaque lieu de soin. Et les psychiatres pensaient qu’au fond, le diagnostic d’autisme, ils savaient le faire… (entretien le 3 mars 2011 avec Jérôme M., fondateur de l’IDA).

39 Pour éviter d’attiser les tensions, le centre de diagnostic décide au départ de reconnaître la légitimité des pédopsychiatres en CMP à poser des diagnostics, en acceptant la coexistence sur les dossiers des patients de plusieurs cotations diagnostiques. Néanmoins, cette ligne de conduite est remise en cause en 2010 par la numérisation des dossiers qui oblige à indiquer un diagnostic unique selon la CIM 10 sur les fichiers informatiques.

40

Béatrice A. : La stratégie initiale de l’IDA, c’était : notre diagnostic n’écrase pas celui du CMP. Un enfant qui est diagnostiqué « psychose disharmonique13 », et qu’on diagnostique « autiste », notre diagnostic n’efface pas l’autre…
Enquêtrice : Il y a donc coexistence des diagnostics sur les dossiers ?
Béatrice A. : Oui… D’ailleurs maintenant, avec l’obligation de faire des cotations en référence à la CIM 10, ça va être un peu tendu…
Enquêtrice : C’est-à-dire ?
Béatrice A. : Maintenant, on a l’obligation de faire des cotations diagnostiques sur les fichiers informatiques. On ne va plus pouvoir mettre deux diagnostics (discussion informelle à l’IDA le 4 octobre 2010 avec Béatrice A., pédopsychiatre coordonnatrice).

41 Face à la réticence des pédopsychiatres en CMP, le centre de diagnostic a plutôt cherché à se positionner en interpellant d’autres professionnels de santé en libéral. Jérôme M. se rappelle que les premiers interlocuteurs de l’IDA ont été des médecins généralistes et des pédiatres. Actuellement, les pédopsychiatres en CMP n’orientent que rarement les enfants qu’ils rencontrent en consultations vers l’IDA. Le « repérage » est fait selon Béatrice A. par les écoles, les associations, les professionnels en libéral et les instituts médico-éducatifs (IME) [14] : « les psychiatres envoient peu, ce qui est une anomalie, car ils devraient être nos premiers partenaires… ».

42 Cela relève d’autant plus de l’« anomalie » pour Béatrice A. qu’elle ne pense pas que les pédopsychiatres en CMP soient compétents pour poser le diagnostic d’autisme. Les professionnels de l’IDA associent clairement la compétence professionnelle et l’usage d’outils standardisés de diagnostic.

43

Béatrice A. (en souriant) : On peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide… Le verre à moitié plein, c’est que les psychiatres diagnostiquent l’autisme et se sentent suffisamment compétents pour le faire sans notre aide…
Sarah : Quel optimisme !! Moi quand j’ai travaillé en CMP, je n’ai jamais vu une ADOS, ni une ADI, et les psychiatres n’en parlent pas…
Béatrice A. : Bon, je ne te fais pas le verre à moitié vide, t’as compris… (discussion informelle à l’IDA le 4 octobre 2010 avec Béatrice A., pédopsychiatre coordonnatrice et Sarah, psychologue).

44 Les unités d’évaluation spécialisées comme l’IDA ont été créées au sein des CRA avec l’idée de diffuser la démarche diagnostique standardisée au sein de la pédopsychiatrie et auprès des différents acteurs de santé publique. Lors d’une réunion du comité de pilotage du CRA, Isabelle D., coordonnatrice autisme à l’Agence régionale de santé, rappelle cette vocation originelle. Elle informe les membres du comité de l’existence d’une enveloppe de 100 000 euros accordée à chaque unité d’évaluation du CRA. La question de la meilleure utilisation de ces crédits non pérennes est soulevée. Isabelle D. préconise que cette enveloppe soit utilisée dans un objectif de « déconcentration de l’activité diagnostique ». La transformation des unités d’évaluation du CRA en plateformes techniques vers lesquelles sont orientés tous les enfants pour lesquels le diagnostic de l’autisme est évoqué pose un problème pratique : la saturation du dispositif. Les campagnes de formation sur l’autisme menées par les unités d’évaluation semblent favoriser une recrudescence des demandes de bilans plutôt qu’une appropriation des outils diagnostiques par les autres acteurs. Dans cette discussion émerge clairement le constat d’un échec du CRA à opérer un transfert de connaissances auprès des autres acteurs au niveau local. Au lieu de cela, il apparaît que les différents professionnels ont complètement délégué le diagnostic de l’autisme aux centres d’évaluation spécialisés.

Des tensions intimement liées

45 La délicate implantation au sein de la pédopsychiatrie et la difficile reconnaissance par les associations de parents semblent intimement liées au regard des désaccords rencontrés par les deux pédopsychiatres au sein de l’IDA.

46 La reconnaissance du centre de diagnostic par l’association EAI revêt une dimension très fortement personnalisée. Elle est fondée sur la confiance accordée à la coordonnatrice, Béatrice A. L’autre pédopsychiatre, Luc F., ne jouit pas de la même confiance. Il n’est pas recommandé aux parents par l’association EAI qui conseille plutôt d’adresser une demande spécifique de consultation avec Béatrice A. Après une première consultation avec Luc F., Denise, mère de Théo C. et adhérente à l’association EAI, apprend que les prochaines étapes de la démarche diagnostique sont programmées avec Béatrice A. Elle se réjouit de cette nouvelle parce que Béatrice A. est « celle qu’elle voulait au départ » (deuxième entretien, le 25 février 2010). De manière plus explicite encore, les parents de Pierre S. expliquent que Nicole C., psychologue en libéral membre de l’association EAI, conseille même d’arrêter la démarche diagnostique si elle est coordonnée par Luc F. Ils ont eux-mêmes rencontré Luc F. en CMP et lui reprochent de ne pas avoir posé de diagnostic sur les problèmes de leur fils. Ils se souviennent avoir été surpris quand ils l’ont vu à l’IDA et avoir pensé : « il va falloir l’éviter ! » (deuxième entretien, le 25 novembre 2010).

47 Luc F. s’inscrit en effet dans une approche plutôt psychanalytique de l’autisme. Sa réticence à poser un diagnostic est perceptible à la fin de la première consultation pour Elijah, enfant âgé de neuf ans, pour lequel il décide de ne pas programmer de bilan.

48

Ici, nous sommes un centre de diagnostic de l’autisme …. D’après ce que je vois et d’après les bilans, aujourd’hui on n’est pas dans le cas de l’autisme et tant mieux ! Pour l’autisme de haut niveau ou Asperger, il ne rentre pas dans ce type de tableau clinique. Donc, moi, la réponse que je peux vous apporter, c’est que j’exclue ce type du tableau. Je ne vous propose pas de démarche d’évaluation car on est un centre de ressources autisme donc on propose l’évaluation quand on pense que les enfants se rapprochent de ce tableau clinique… Il y a des petites choses mais Elijah a beaucoup progressé et on peut exclure ce registre clinique… Parler de diagnostic est difficile car c’est plus subtil, plus discret et que ça peut évoluer dans le temps. On est plus dans une approche en termes de fonctionnement psychique plutôt que de maladie. Pour beaucoup d’enfants, on n’a pas de cases, c’est ce qui est compliqué ! On n’a pas de terme précis, on peut mettre pleins de mots… (première consultation pour Elijah T., avec Luc F., pédopsychiatre, le 8 juin 2009).

49 Il se montre particulièrement critique envers le recours à des outils standardisés de diagnostic. Alors que je suis en train de lire le manuel de passation de l’ADOS dans le bureau des psychologues, il entre, regarde ce que je lis et rigole. Il me dit : « c’est de la connerie ça ! Ce qu’il faut, c’est un bon sens clinique ! Pourquoi tout le monde veut toujours protocoliser les choses !? » (discussion informelle à l’IDA le 7 juillet 2009 avec Luc F., pédopsychiatre).

50 Les deux pédopsychiatres ne coordonnant pas les mêmes démarches diagnostiques à l’IDA, ils ne sont pas censés se trouver dans une situation où ils confrontent leurs avis sur un même cas. Cependant, une situation exceptionnelle s’est présentée pendant l’enquête : le cas de Pierre S. évoqué auparavant, ayant été suivi en CMP par Luc F. et faisant l’objet d’une démarche coordonnée par Béatrice A. à l’IDA. Cette situation est l’occasion de voir se concrétiser les différences de positions quant au diagnostic de l’autisme entre les deux pédopsychiatres. Luc F. a posé le diagnostic de « psychose disharmonique » en tant que médecin en CMP et craint que l’enfant ne soit diagnostiqué autiste à l’issue de la démarche à l’IDA. Il se réfère à la CFTMEA et critique « les classifications américaines ».

51

Luc F. (en soupirant) : Ah ! Lui aussi tu le suis…
Enquêtrice : Oui, pourquoi ?
Luc F. : J’avais posé un diagnostic au CMP de X [nom d’une ville de la région] il y a deux ans, et ils vont poser le diagnostic d’autisme…
Enquêtrice : Qui « ils » ? Le reste de l’équipe ?
Luc F. : Oui et moi je ne serai pas là…
Enquêtrice : Parce que c’est pas toi qui suis le truc…
Luc F. : Ben non, je l’ai suivi en tant que médecin au CMP.
Enquêtrice : C’était quoi le diagnostic que tu avais posé ?
Luc F. : Une psychose disharmonique. Moi je ne pense pas qu’il est autiste mais je leur [aux parents] avais dit : si vous voulez aller à l’IDA…
Enquêtrice : Mais ça n’existe plus la psychose disharmonique…
Luc F. : Tu parles comme les associations de familles ! (rires)
Enquêtrice : Je veux dire le terme n’existe plus…
Luc F. : Je te charrie… Le terme n’existe plus, ce serait un TED non spécifié dans les classifications américaines à la con… Mais c’est pas parce que le terme n’est plus utilisé que la réalité, pfff, a disparu… (discussion informelle à l’IDA le 26 novembre 2009 avec Luc F., pédopsychiatre).

52 La référence aux « associations de familles » dans le discours de Luc F. laisse entendre clairement la manière dont les luttes entre pédopsychiatres sont nourries par les prises de position des associations de parents d’enfants autistes. La dissonance entre son positionnement et celui de la coordonnatrice de l’IDA motivera finalement le départ du pédopsychiatre pendant mon enquête. [15]

53

Enquêtrice : Comment tu as décidé de quitter l’IDA ?
Luc F. : L’autisme, c’est très symptomatique…Y’a des diagnostics qu’on pose… On ne peut pas faire toute la psychopathologie générale de l’enfant…
Enquêtrice : C’est quoi la psychopathologie générale ?
Luc F. : Ça demanderait de voir plus les enfants. Or ici on ne les voit que très peu… On ne suit pas les enfants pendant suffisamment de temps.
Enquêtrice : Tu n’y crois pas assez pour le poser, ce diagnostic d’autisme…
Luc F. : Exactement ! (discussion informelle à l’IDA le 4 octobre 2010 avec Luc F., pédopsychiatre).

54 La genèse de l’IDA révèle que l’institutionnalisation d’outils standardisés de diagnostic de l’autisme a été traversée par deux types de tensions en partie liées. Les conditions de la reconnaissance de la légitimité du centre de diagnostic par les associations de parents ont induit une remise en cause de l’autorité de certains pédopsychiatres sur les parents. Elles ont également nourri les luttes entres médecins au sein de la pédopsychiatrie quant à l’attribution de l’autorité sur le diagnostic de l’autisme.

La mobilisation des outils standardisés de diagnostic : la réaffirmation de l’autorité des pédopsychiatres sur les professionnels paramédicaux et les parents

55 En pratiques, les outils standardisés de diagnostic sont manipulés par des professionnels paramédicaux dont l’avis est dominé par celui des pédopsychiatres dans la détermination du diagnostic. Le recours aux outils standardisés vient réaffirmer cette domination dans la mesure où ces outils font l’objet d’une dévalorisation et d’une critique partagées par l’ensemble des professionnels de santé. L’appui sur ces outils standardisés permet enfin de rendre acceptable l’autorité que les pédopsychiatres exercent sur les parents.

Des outils manipulés par des professionnels dominés

56 On observe une certaine division des tâches dans la démarche diagnostique. Le pédopsychiatre maîtrise les moments clés : l’ouverture et la clôture. Il coordonne et encadre le processus diagnostique : au début, en évaluant la pertinence de la demande et en décidant de la forme du bilan ; à la fin, en restituant les conclusions du bilan aux parents. La réalisation des tests et la passation des outils standardisés de diagnostic sont déléguées aux professionnelles paramédicales15. Cette division des tâches est éloquente sur la place des outils standardisés dans la démarche diagnostique quand elle est mise au regard de la hiérarchisation des avis professionnels dans la détermination du diagnostic.

57 La réunion de synthèse peut être envisagée a priori comme le moment où sont partagées les expertises des différents professionnels en vue d’accomplir une tâche en commun : celle de poser un diagnostic. Dans cette perspective, cette réunion serait le moment où les différentes fonctionnalités de l’enfant étudiées de manière séparée selon les spécialités sont rassemblées pour construire le cas. La notion même de « synthèse » suggère que cette réunion est le lieu où l’enfant est reconstitué comme une entité unifiée. C’est d’ailleurs cette « œuvre collective de reconstitution » qui légitime la référence à la notion d’« équipe » dans le travail en institution psychiatrique (Ogien, 1987, p. 75).

58 Dans quelle mesure la réunion de synthèse est-elle pour autant un moment de délibération diagnostique ? Claire, psychologue récemment arrivée à l’IDA, envisage avec appréhension ce moment de restitution vécu comme une mise à l’épreuve de sa compétence professionnelle : « j’ai toujours peur que quelqu’un me dise : non c’est pas vrai, tu te trompes… ». Les professionnelles paramédicales ayant davantage d’expérience participent de manière plus active aux réunions pour alimenter une forme de discussion collective. Néanmoins, cette discussion ne prend jamais la forme d’une délibération au sens d’une confrontation entre des points de vue différents. Les professionnelles paramédicales comparent toujours leurs observations à celles du pédopsychiatre, telles qu’il les a énoncées au début de la réunion de synthèse ou notées dans le compte rendu de la première consultation : « ça rejoint ce que tu as noté », « ça va recouper ce que tu as écrit », « ça reprend bien ce que tu as dit ». Les observations du pédopsychiatre sont constituées comme le point de référence de leurs propres observations qui sont partagées dans la mesure où elles peuvent aider le pédopsychiatre à déterminer le diagnostic.

59 La réunification du cas se fait sous l’égide du savoir psychiatrique. Le déroulement même des réunions de synthèse révèle la domination de l’avis du pédopsychiatre. Ce dernier commence par présenter le cas, à partir du compte rendu de la première consultation. Puis les professionnelles paramédicales sont invitées à restituer les conclusions de leurs évaluations et sont interrogées par le pédopsychiatre. Elles contribuent à l’élaboration du jugement du pédopsychiatre en apportant un éclairage sur le cas fondé sur leur expertise spécialisée.

60

Clémence : Il a des difficultés à s’engager corporellement.
Béatrice A. : Au niveau de l’équipement neuro-moteur, il faut regarder par-là ?
Clémence : Oui…
Béatrice A. : Il est lent ?
Clémence : Oui, il est plus à l’aise dans la motricité fine que dans la motricité globale (extrait de la réunion de synthèse pour Lucas F., le 26 avril 2009, avec Clémence, psychomotricienne et Béatrice A., pédopsychiatre).

61 Le pouvoir de la psychiatrie dans ce contexte d’équipe réside dans « la capacité à additionner (faire la somme) différentes définitions du cas et à modeler une définition commune » (Barrett, 1998, p. 90). C’est le pédopsychiatre qui pose finalement le diagnostic à l’issue de la réunion de synthèse dont il rédige le compte rendu. Les professionnelles paramédicales ne questionnent que rarement, et sans jamais s’y opposer totalement, ses décisions diagnostiques. L’issue de la discussion collective n’est pas toujours clairement annoncée. Le moment où le pédopsychiatre pose le diagnostic n’est pas toujours visible, autant pour la sociologue que pour les professionnelles paramédicales.

62

Sarah demande discrètement à Luc F. à la fin de la réunion de synthèse : Alors quoi ?
Luc F. : Au niveau du diagnostic ?
Elle approuve. Il répond : TED NOS [Trouble Envahissant du Développement Non Spécifié] (extrait de la réunion de synthèse pour Dylan H., le 4 juin 2009, avec Sarah, psychologue et Luc F., pédopsychiatre).

63 La possible invisibilité du moment de clôture de la synthèse indique bien qu’il ne s’agit pas que les différents professionnels tombent d’accord mais que le pédopsychiatre prenne une décision à partir de ce qui s’est dit. On retrouve la coexistence entre l’imposition de la collégialité et l’ordre hiérarchique caractérisant le travail en « équipe » dans le cadre de la psychiatrie hospitalière (Ogien, 1987). Les « réunions du mercredi » ressemblent de manière frappante aux réunions de synthèse à l’IDA : « les interventions du personnel se limitent à alimenter les réflexions du médecin-chef et aucune explication concurrente à la sienne ne surgit en cette circonstance » (Ogien, 1987, pp. 72-73). Les rapports hiérarchiques sont structurés par l’opposition entre savoirs parcellaires (savoirs paramédicaux) et savoir globalisant (savoir psychiatrique). L’autorité du pédopsychiatre est fondée sur le pouvoir de distribuer la parole aux autres, de synthétiser leurs apports et de prendre la décision diagnostique. Les rapports hiérarchiques sont également fondés sur le fait qu’il revient au pédopsychiatre d’annoncer le diagnostic aux parents en consultation finale. Cette dimension de la responsabilité du diagnostic auprès des parents conditionne de façon importante les rapports complexes entre collégialité et hiérarchie dans la prise de décision.

64 La manipulation des outils standardisés se trouve donc reléguée, par la division du travail, à des professionnels de santé dont l’avis est dominé par celui des pédopsychiatres dans la détermination du diagnostic.

Des outils dévalorisés et critiqués par l’ensemble des professionnels

65 Pendant les réunions de synthèse, on observe une certaine hiérarchisation des supports de la qualification diagnostique. On constate d’abord une hiérarchisation des outils standardisés. Entre les deux outils, l’ADOS fondé sur l’observation directe de l’enfant prime sur l’ADI, dont le score « est filtré par les dires des parents » selon Anita, psychologue. L’importance du score obtenu à l’ADI peut être amoindrie quand les résultats de l’entretien ne concordent pas avec les conclusions de l’ADOS.

66

Claire fait le compte-rendu de l’ADI. Elle dit : « Au niveau du regard et des sourires, ils sont présents, surtout avec les gens qui s’occupent d’elle. Les parents ont toujours noté des choses de qualité de ce côté-là ».
[…]
Anita fait le compte rendu de l’ADOS. Elle note l’absence de contact oculaire en mettant en avant qu’Agathe regarde le bas du visage, surtout la bouche, mais pas dans les yeux. Elle dit en regardant Claire, donc en faisant référence à l’ADI : « C’est en contradiction avec ce que disent les parents. […] Il y a déjà un travail à faire au niveau du diagnostic avec les parents, avec le décalage… » (extrait de la réunion de synthèse pour Agathe C., le 6 juillet 2009, avec Claire et Anita, psychologues).

67 Les professionnels privilégient les résultats de l’ADOS par rapport aux résultats de l’ADI, même s’ils sont conscients que l’observation se déroule pendant un temps limité où l’enfant est mis en présence d’une personne qu’il ne connait pas. Ils peuvent s’appuyer sur les observations des professionnels de santé qui suivent l’enfant à l’extérieur de l’IDA pour neutraliser cet effet de contexte.

68 Même s’ils permettent de situer l’enfant par rapport à un « seuil » à partir duquel l’hypothèse diagnostique d’autisme devient pertinente, les outils standardisés ne s’imposent pas dans l’opération de qualification. Sur les trente-deux dossiers étudiés, on trouve un cas pour lequel le diagnostic d’autisme typique est posé malgré une ADI négative. On trouve également trois cas pour lesquels le diagnostic d’autisme typique est retenu malgré une cotation de l’ADOS n’atteignant pas le « seuil ». On trouve enfin un cas pour lequel le diagnostic d’autisme typique n’est pas retenu malgré un score à l’ADI largement au-dessus du niveau du « seuil ». En dernière instance, c’est au « sens clinique » que s’en remettent les professionnels de santé.

69

Anita : D’un point de vue clinique, t’as pensé à un autisme de type Asperger ?
Luc F. : Quand je l’ai vu, je me suis dit que non (extrait de la réunion de synthèse pour Dorian G., le 20 avril 2009, avec Anita, psychologue et Luc F., pédopsychiatre).

70 Dans quelle mesure cette hiérarchisation des supports est-elle liée à la hiérarchisation des avis professionnels ? La valeur de l’avis d’un professionnel en réunion de synthèse semble cohérente avec la valeur du support qui lui est assigné dans la démarche diagnostique. La division des tâches implique que seul le « sens clinique » des pédopsychiatres est censé s’exercer alors que les professionnelles paramédicales s’occupent de la passation des outils standardisés. Néanmoins, la remise en cause de la hiérarchisation des avis professionnels n’induit pas la remise en cause de la hiérarchisation des supports. Les outils standardisés sont dévalorisés par l’ensemble des professionnels de santé.

71 Ils font l’objet de deux types de critiques. Les professionnels formulent d’abord une critique d’ordre procédurale à l’encontre de ces outils. Cette critique consiste à souligner les limites présentées par les outils standardisés pour atteindre leur objectif, à savoir situer un enfant par rapport à un seuil à partir duquel ses comportements et ses manières d’être peuvent être attribués à des troubles autistiques. Les professionnels soulignent d’abord que le principe d’addition des scores obtenus dans différents domaines peut biaiser le score final. Si les scores atteints dans les autres domaines sont très élevés, le score final peut s’avérer positif même si le score relatif à l’un des domaines, souvent celui des intérêts, est négatif. Dans ce cas, le fait que l’enfant ne présente pas de symptômes dans l’ensemble des domaines du « trépied autistique » peut amener les professionnels à relativiser les résultats des tests standardisés. Les professionnels expriment également des réserves sur la capacité des outils standardisés à mesurer l’ensemble des éléments nécessaires à l’évaluation des troubles autistiques. Béatrice A. doute par exemple de la possibilité de saisir les diverses particularités liées à l’autisme : « les personnes autistes présentent toute une série de particularités perceptives mais ce n’est pas ce qu’on mesure avec l’ADOS ou l’ADI ».

72 Les outils standardisés peuvent également faire l’objet d’une autre forme de critique radicale qui consiste à questionner leur objectif même. La réunion de synthèse pour Dorian G. est l’occasion pour Luc F., pédopsychiatre, et Anita, psychologue, de déployer ce type de critique à l’égard des outils standardisés et de l’approche fonctionnelle des troubles autistiques sur laquelle ils sont fondés, cette approche fonctionnelle consistant à appréhender de manière séparée les symptômes relatifs à différentes capacités. À partir de ce cas, pour lequel ils questionnent le diagnostic de « syndrome d’Asperger » posé par une neuropsychologue, les deux professionnels montent en généralité et s’engagent dans une défense du « ressenti clinique ». Ils prônent une lecture psychopathologique des troubles, permettant d’intégrer les différents symptômes dans une théorie explicative globale sur le fonctionnement psychique de la personne, de mettre en lumière une « structure » ou un « processus autistisant ». On observe la formation d’une alliance entre des professionnels ayant des statuts hiérarchiques différents pour défendre la prédominance du « sens clinique » aux dépens des outils standardisés.

73

Luc F. : Elle [neuropsychologue qui a posé le diagnostic de syndrome d’Asperger] a voulu faire bien et en même temps, elle s’y connaît un peu, elle a été en psycho… Mais c’est un bon exemple pour montrer qu’un diagnostic doit toujours être clinique mais pas symptomatique… Un symptôme ne suffit pas pour faire un diagnostic, il faut tout un regroupement de choses.
Anita : Le problème c’est que ce bilan est un cumul de tests qui ne sont pas cohérents entre eux et qui ne font pas un diagnostic… Elle souligne que la neuropsychologue a fait tous les tests en trois heures, ce qui lui semble rapide ; et que son bilan ne montre aucun signe d’observation directe de l’enfant, car seuls figurent sur le compte rendu les résultats des tests. Elle conclut : quand on fait ça, on perd la personne de vue, et comme tu dis [à Luc F.], le plus important, c’est le ressenti clinique.
Luc (déclarant qu’il le dit « pour l’enquêtrice ») : D’où l’importance des outils validés avec lesquels on peut faire rentrer des gamins dans des catégories mais il faut observer la situation globale pour faire un diagnostic ! (extrait de la réunion de synthèse pour Dorian G., le 20 avril 2009, avec Anita, psychologue et Luc F., pédopsychiatre).

74 Plusieurs professionnels de santé s’interrogent également sur ce que mesurent les tests standardisés. Un score positif vient-il vraiment objectiver un écart à la norme suffisant pour être considéré comme pathologique ? La variation en termes de trajectoires développementales étant la norme, la notion de « seuil » peut sembler arbitraire. Lors d’une discussion informelle, Louise, orthophoniste, confie que parfois elle ne sait pas « si les enfants normaux sauraient vraiment faire tout ce que l’on attend dans l’ADOS ». Elle explique en riant qu’elle teste quelques trucs sur les enfants de ses amis « pour voir si vraiment ils savent mieux faire, s’ils comprennent mieux que les enfants autistes ». De la même manière, Clémence, psychomotricienne, pense qu’il serait intéressant de faire des « ADOS aux tout-venants pour voir s’il y a une vraie différence entre l’autisme et la normalité ». Les outils standardisés véhiculent une certaine conception du normal comme moyenne mais également l’idée, à travers la notion de « seuil », qu’un écart à la norme peut être accepté et considéré comme normal. Ces tests témoignent d’une nouvelle conception du rapport entre normal et pathologique, d’une conception de la « pathologie sans normalité » (Rose, 2010, p. 74), du passage d’une approche binaire qui sépare le normal et l’anormal à une approche où tous les individus varient.

75 La remise en cause de la hiérarchisation des points de vue procède plutôt par la remise en cause de l’assignation des seuls outils standardisés aux non-pédopsychiatres et de la reconnaissance du seul « sens clinique » des pédopsychiatres. Cette division du travail diagnostique fait l’objet de critiques. Anita dénonce la place qui est donnée aux psychologues, « petites mains au service des médecins ». Cette division du travail fait également l’objet de résistances. Les différentes professionnelles paramédicales luttent contre la réduction de leur travail à la simple passation de tests standardisés en ouvrant des espaces d’observation directe de l’enfant, c’est-à-dire libre de tout cadrage par un format prédéterminé, ou d’entretien informel avec les parents.

76 L’introduction des outils standardisés permet donc aux pédopsychiatres d’assoir leur autorité sur les autres professionnels de santé qui ne peuvent pas s’appuyer sur ces outils pour revaloriser leur point de vue dans la détermination du diagnostic. Néanmoins, la distance des professionnelles paramédicales par rapport à ces outils constitue également un appui pour exiger une reconnaissance plus grande de leur sens clinique.

Des outils qui rendent acceptable l’autorité des pédopsychiatres sur les parents

77 Les outils standardisés ne sont donc pas utilisés comme des instruments permettant de révéler la vérité diagnostique. Les professionnels de santé leur attribuent plutôt une autre fonction, celle d’asseoir le « sens clinique » sur l’autorité d’un outil de mesure qui parait plus objectif, notamment aux yeux des parents, et de prendre une partie de la responsabilité du diagnostic au moment de l’annonce. Clémence, psychomotricienne, explique : « ça permet de présenter les choses aux parents… On ne peut pas seulement leur dire : “on le voit ! On le sait que votre enfant, il est autiste…”. Et puis, ça permet de ne pas assumer seul ce qu’on doit annoncer aux parents ». La distance que les professionnels de santé entretiennent par rapport aux outils standardisés ne les empêche pas de mobiliser ces outils, notamment dans le dispositif d’annonce du diagnostic, quand ils sont face à des parents avec lesquels ils ne partagent pas leurs critiques.

78 La segmentation des séquences de la démarche diagnostique permet au pédopsychiatre de s’appuyer sur les outils standardisés en consultation finale quand il énonce le diagnostic aux parents alors même que les résultats de ces outils ont été minimisés lors de la réunion de synthèse dans la détermination du diagnostic. Au moment de l’énonciation du diagnostic, le pédopsychiatre oscille entre l’exercice de son autorité médicale et l’amoindrissement de cette autorité par l’insistance sur la collaboration avec les parents. Il s’appuie d’abord sur les outils standardisés pour présenter le diagnostic comme le résultat d’un travail auquel les parents ont participé activement en tant qu’informateurs. [16]

79

Béatrice A. : Après la première consultation, on a commencé un bilan standardisé… Il y a deux grands outils : l’ADOS et l’ADI. Vous allez vous en rendre compte, vous avez participé activement au diagnostic (consultation finale pour Pierre S., le 15 décembre 2009, avec Béatrice A., pédopsychiatre).

80 Béatrice A. présente notamment les informations parentales recueillies par le biais de l’ADI comme étant le support le plus important dans le processus de qualification alors même que l’ADI constitue l’outil standardisé le moins valorisé dans la détermination du diagnostic.

81

Béatrice A. : Donc, vous avez d’abord fait l’ADI, avec plus d’une centaine de questions… Donc, on part de vos observations. C’est vous, les parents, qui connaissez le mieux votre enfant et qui pouvez nous expliquer… Cet entretien est croisé avec l’ADOS, l’observation directe. Et normalement, nos résultats doivent être proches, harmonieux (consultation finale pour Edouardo L., le 29 novembre 2010, avec Béatrice A., pédopsychiatre).

82 Après avoir présenté la démarche diagnostique comme un travail collectif, le pédopsychiatre sollicite la réaction des parents sur le diagnostic énoncé. Il présente les choses comme si l’avis des parents et l’avis des professionnels de santé n’étaient que des points de vue différents mais en aucun cas hiérarchisés.

83

Béatrice A. : L’avis des pairs a été de repérer l’autisme syndromique… Qu’en pensez-vous ? Parce que ça, c’est l’avis des médecins. Maintenant il y a l’avis des parents… (consultation finale pour Théo C., le 8 décembre 2010, avec Béatrice A., pédopsychiatre).

84 Le pédopsychiatre introduit le diagnostic comme une qualification pouvant être contestée par les parents. Béatrice A. demande par exemple aux parents d’Edouardo s’ils sont d’accord avec l’issue du bilan, avant d’écarter comme non-pertinente la question du père quant au niveau d’autisme présenté par son fils.

85

Béatrice A. : Lors de la synthèse, sur la période des quatre-cinq ans, en utilisant des outils standardisés, on a confirmé la présence d’un TSA [trouble du spectre autistique16] chez Edouardo… Quelle est votre réaction à ça ? Vous êtes d’accord, pas d’accord ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
Mère d’Edouardo : Après différentes conférences, bien sûr tous les enfants sont différents, mais certaines choses se répètent. On retrouve notre enfant dans le spectre autistique…
Père d’Edouardo : Moi, c’est surtout le niveau de l’autisme qui…
Béatrice A. : Avant, on parlait de niveaux d’autisme, léger, moyen, profond. Mais maintenant, on est plus fins… (consultation finale pour Edouardo L., le 29 novembre 2010, avec Béatrice A., pédopsychiatre).

86 Pour rendre acceptable son autorité, le pédopsychiatre présente la démarche diagnostique comme étant le lieu d’une collaboration avec les parents, en insistant sur leur participation en tant qu’informateurs et en niant la hiérarchie entre l’avis des parents et l’avis des professionnels de santé. Le pédopsychiatre s’appuie sur la référence aux outils standardisés quand il pose le diagnostic en consultation finale pour exercer de manière légitime son autorité sur les parents. D’autres travaux ont montré comment les outils standardisés peuvent constituer une ressource pour relégitimer ou renforcer une autorité professionnelle sur des non-professionnels, que ce soit l’autorité des médecins des assurances aux Pays Bas (Berg & Timmermans, 2003) ou l’autorité des cancérologues sur les patients en France (Castel & Merle, 2002). Dans le cas de l’autisme, la réaffirmation de l’autorité des pédopsychiatres ne procède pas par la mise à distance des non-professionnels, en l’occurrence des parents, mais au contraire par leur participation à la mise en œuvre des outils standardisés.

87 La mobilisation des outils standardisés dans les pratiques diagnostiques permet donc aux pédopsychiatres de consolider leur autorité à la fois sur les autres professionnels de santé et sur les parents.

Conclusion

88 Le fait d’interroger les implications des outils standardisés de diagnostic de l’autisme sur différentes échelles d’analyse permet de saisir leurs conséquences contrastées sur l’autorité des pédopsychiatres. L’introduction des outils standardisés en France sous l’impulsion de la revendication d’un droit au diagnostic par les associations de parents et la volonté de développer la recherche clinique, a induit une remise en cause de l’autorité des pédopsychiatres sur les parents et bousculé la répartition de l’autorité entre pédopsychiatres. L’institutionnalisation des outils standardisés, étudiée à travers la genèse de l’IDA, a participé d’une remise en cause de l’autorité de certains pédopsychiatres d’inspiration psychanalytique sur les parents, en grande partie liée avec l’établissement conflictuel de l’autorité entre pédopsychiatres selon leur inspiration théorique et leur appartenance générationnelle. La mobilisation des outils standardisés dans les pratiques diagnostiques permet enfin aux pédopsychiatres de réaffirmer leur autorité à la fois sur les professionnels paramédicaux et sur les parents. D’une part, la critique et la dévalorisation des outils standardisés partagées par l’ensemble des professionnels ne permettent pas aux professionnelles paramédicales de revaloriser leur point de vue dans la détermination du diagnostic, même si elles constituent un appui pour revendiquer une plus grande reconnaissance de leur sens clinique. D’autre part, l’appui sur les outils standardisés au moment de l’annonce du diagnostic permet aux pédopsychiatres de rendre acceptable leur autorité sur les parents en insistant sur leur participation à la démarche diagnostique.

89 Cette enquête ouvre la possibilité d’affiner deux grilles d’analyse existantes sur les conséquences de la diffusion d’outils standardisés quant aux relations entre groupes professionnels ou au sein d’une même profession (Bezes et al., 2011). Si le recours à des outils standardisés implique une « segmentation » au sein d’une profession, cette segmentation peut s’opérer non seulement entre une « base » et une « élite » mais également en fonction des positionnements théoriques et de l’appartenance générationnelle des professionnels. Dans notre cas, la diffusion d’outils standardisés de diagnostic de l’autisme participe d’une segmentation au sein de la pédopsychiatrie entre des professionnels d’inspirations théoriques différentes (psychanalytique ou cognitivo-comportementale) qui n’ont pas été formés à l’autisme dans le même contexte. Par ailleurs, la « re-stratification » induite par les outils standardisés ne consiste pas forcément en une redéfinition des hiérarchies entre groupes professionnels. Elle peut également s’opérer comme une réaffirmation de la domination d’un groupe professionnel sur un autre. En l’occurrence, les outils standardisés ne permettent pas aux professionnels paramédicaux de remettre en question l’autorité des pédopsychiatres dans la détermination du diagnostic. Les pédopsychiatres qui sont favorables aux outils standardisés le sont d’autant plus que ces outils leur permettent de revendiquer une plus grande compétence par rapport à d’autres pédopsychiatres et de s’approprier le travail des autres professionnels sans contraindre leur jugement.

90 En ce qui concerne l’autorité des pédopsychiatres sur les non-professionnels, en l’occurrence les parents, les implications des outils standardisées apparaissent ambivalentes. Si l’introduction et l’institutionnalisation de ces outils participent d’une remise en question de cette autorité, ou au moins de la contestation de l’autorité de certains pédopsychiatres, la mobilisation de ces outils, notamment au moment de l’annonce du diagnostic, permet de relégitimer cette autorité. Les pédopsychiatres ont été contraints dans l’utilisation d’outils standardisés par les associations de parents mais ces outils leur permettent in fine d’asseoir leur autorité sur les parents. Ces outils, pour l’introduction desquels les associations de parents ont milité, sont des supports dévalorisés dans la détermination du diagnostic mais ils sont mobilisés par les pédopsychiatres pour souligner l’implication des parents dans la démarche diagnostique, ce qui leur permet de relégitimer leur autorité au moment de poser un diagnostic.

91 L’approche proposée dans cet article à partir de la question du diagnostic médical pourrait être élargie à d’autres formes de qualifications spécialisées, entendues comme le fait de dire l’état des choses et des êtres en revendiquant de s’appuyer sur des savoirs formalisés, dans d’autres domaines de la vie sociale. Elle permettrait d’étudier en quoi l’apparition d’outils standardisés participe de l’établissement ou de la remise en cause de rapports de pouvoir entre les différents acteurs impliqués dans l’opération de qualification.

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Mots-clés éditeurs : diagnostic, outils standardisés, autisme, autorité professionnelle, pédopsychiatrie

Mise en ligne 07/07/2016

https://doi.org/10.3917/socio.072.0153

Notes

  • [1]
    Dixième et dernière version de la Classification internationale des maladies (CIM) publiée par l’Organisation mondiale de la santé en trois volumes (volume 1 en 1993, volume 2 en 1995 et volume 3 en 1996).
  • [2]
    Quatrième version de la Classification américaine (Diagnostic and statistical manuel) publiée par l’Association américaine de psychiatrie en 1994.
  • [3]
    Réunion mensuelle qui rassemble les médecins du pôle de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent dans lequel est implanté l’IDA, pendant laquelle sont présentés les cas considérés comme complexes, que ce soit au niveau du diagnostic ou du soin.
  • [4]
    Le centre de diagnostic ne produisait pas de rapport sur son activité avant 2003 et les rapports d’activité n’étaient pas disponibles après 2007 au moment de l’enquête.
  • [5]
    Programme de diagnostic, de traitement et d’éducation des enfants autistes, mais aussi de formation des parents, lancé dans les années 1960 en Caroline du Nord par le psychologue Éric Schopler.
  • [6]
    Site Internet de l’association : http://www.autisme-france.fr/577_p_25449/autisme-france-15-annees-d-actions-qui-ont-permis-d-avancer.html
  • [7]
    Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent dont la dernière version a été publiée en 2000.
  • [8]
    Fondateur de la méthode TEACCH (Treatment and Communication of Autistic and related Communication Handicapped CHildren)
  • [9]
    Établissement rattaché à un hôpital public, chargé d’un secteur géographique donné, qui fournit une offre de soins en santé mentale prise en charge par la sécurité sociale.
  • [10]
    Inspirée de Mélanie Klein (1882-1960), psychanalyste britannique, d’origine autrichienne, qui a travaillé à promouvoir la psychanalyse des enfants, en centrant son analyse sur les mécanismes « archaïques » ou « primaires » du psychisme.
  • [11]
    Roger Misès, décédé en juillet 2012, était un éminent professeur de pédopsychiatrie et membre titulaire de la Société psychanalytique de Paris. Il a participé à la rédaction de la CFTMEA.
  • [12]
    « Il [le développement de ces centres de ressources] doit s’effectuer dans le cadre d’une démarche concertée, c’est-à-dire associant dès le départ l’ensemble des acteurs concernés, notamment les associations de parents » (circulaire du 8 mars 2005, p. 22, en gras dans le texte).
  • [13]
    Diagnostic qui figure dans la CFTMEA dans la partie intitulée « Autisme et troubles psychotiques », dans la catégorie des « Psychoses précoces (Troubles envahissants du développement) ». Ce diagnostic correspond aux « Autres troubles envahissants du développement » dans la CIM 10.
  • [14]
    Structures médico-sociales qui ont pour vocation d’accueillir les enfants et adolescents atteints de déficience intellectuelle, le plus souvent gérées par des associations.
  • [15]
    On privilégie le féminin grammatical pour désigner les non pédopsychiatres car ce sont uniquement des femmes dans le centre de diagnostic étudié.
  • [16]
    La notion de TSA a été introduite par le DSM V, publié le 18 mai 2013, pour remplacer la notion de TED. Les TSA sont désormais inclus dans la catégorie plus générale des « troubles neuro-développementaux ».
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