La vie de campus alimente un univers de représentations polarisées, où rivalisent mythologies post‑adolescentes du wild spirit et discours alarmistes sur un temps soustrait par principe aux modes de contrôle de la vie d’adulte. En faisant de la fête et de ses fétiches (binge drinking, relations sexuelles débridées, usage décomplexé de psychotropes, bagarres et autres actes de vandalisme) le climax de leur dramaturgie, les campus novels et les « films de campus » ont densifié au cours des quarante dernières années cette fantasmagorie clivée. La lecture croisée des ouvrages de Kathleen A. Bogle, enseignante à l’université de La Salle (Philadelphie) et de Thomas Vander Ven, professeur à l’université d’Ohio, permet de penser à froid le mode de vie estudiantin à travers ses pratiques emblématiques : l’appariement sexuel au sein du groupe de pairs et les processus d’alcoolisation collective ; ou, pour user de catégories indigènes, « choper » (« hooking up ») et « se bourrer la gueule » (« getting wasted »).
Cette remise à plat sociologique suppose d’inscrire l’objet « vie de campus » dans son horizon historique et la temporalité délimitée de la scolarité. Les deux auteurs rappellent en chœur que le modèle universitaire jeffersonien sur lequel s’est bâtie la renommée du « top three » (Harvard, Princeton, Yale) et autres colleges de la Ivy League cristallisait dès son origine l’inquiétude de la bonne société. La distance géographique aussi bien au giron familial qu’aux centres‑villes et la certitude d’un dénouement heureux quant à leur destinée scolaire encouragent tout au long du XVII…
Date de mise en ligne : 02/05/2014