Cet imposant ouvrage de plus de sept cents pages explore l’autonomie du littéraire dans ses rapports avec le juridique et la morale, à la suite des propositions de Michel Foucault sur le statut de l’écrivain et en complément des travaux de Pierre Bourdieu sur l’économie spécifique des biens symboliques et l’autonomie relative du champ littéraire par rapport à la sphère économique. La mise en série de coupes synchroniques de l’état du champ littéraire français à quatre époques différentes (Restauration, Second Empire, Troisième République et Libération) confère à la thèse générale de Sapiro une originalité indéniable, renforcée par l’exploitation de certaines sources juridiques inédites concernant différents procès d’écrivains à la Libération.
L’hypothèse principale du livre est qu’il existe « une imprégnation réciproque entre les représentations qui fondent la responsabilité pénale de l’auteur d’écrits, telles qu’elles ressortent des débats qui se sont tenus lors des grands procès littéraires, et les conceptions de l’éthique professionnelle du métier d’écrivain qui se sont élaborées en France aux xixe et xxe siècles » (p. 10). Il s’agit donc d’une étude qui interroge les « cadres d’interprétation de la réalité » (p. 34), en concevant ces représentations « comme l’enjeu et le produit de luttes qui doivent être inscrites dans une histoire structurale » (p. 34). C’est l’évolution comparative de quatre moments particuliers générant leurs représentations propres qu’il est donné à lire…
Date de mise en ligne : 13/03/2012