Notes
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[*]
Doctorante à l’eri s (cmh), allocataire de recherche à l’ehess
48, boulevard Jourdan – 75014 Paris
anne.unterreiner@gmail.com -
[1]
Les membres du réseau d’excellence equalsoc sont vivement remerciés pour les commentaires avisés qu’ils ont faits et qui ont permis d’affiner l’analyse présentée ici. Ces commentaires ont été effectués de manière formelle lors des présentations faites au moment de la réunion de l’équipe dirigée par G. Boudesseul « Diplomas: Expectations and Returns » (Paris, mars 2009) et lors de la session plénière animée par I. Kogan de la conférence du groupe educ (Tallinn, juin 2009) et de manière informelle par L. A. Vallet lors de la rencontre du groupe soccult (Paris, octobre 2009). Je tiens aussi à remercier S. Paugam ainsi que le Comité de lecture de la revue Sociologie d’avoir relu et commenté différentes versions de cet article.
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[2]
R. E. Park et E. V. Stonequist emploient le terme « mixed blood ».
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[3]
L’origine sociale des enquêtés est contrôlée.
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[4]
Les métis sont ici distingués des enfants de couples mixtes, les premiers ayant des parents définis socialement comme formant un couple mixte racialement parlant, ce qui n’est pas le cas de tous les enfants de couples mixtes.
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[5]
Ces deux enquêtes constatent un stress plus élevé des métis à partir de la même base de données, « Add Health » (1994-1995), mais en ayant une définition différente de la population mixte. Alors que T. M. Cooney et al. expliquent ce stress par la stigmatisation des métis, J. R. Udry et al.
estiment que rien ne permet d’émettre une telle conclusion à partir des informations disponibles dans la base de données. -
[6]
En fonction des enquêtes, il peut s’agir des enfants de natifs, des descendants d’immigrés ou encore des personnes « blanches », « noires » ou « asiatiques ».
-
[7]
La France n’a pas pu être inclue dans l’étude de la réussite scolaire des migrants et de leurs descendants, parce que les questions relatives à l’origine des enquêtés n’ont pas été posées dans ce pays.
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[8]
Terme emprunté à G. Varro.
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[9]
Les enfants de couples mixtes ayant deux parents étrangers n’ont pas été inclus dans la présente analyse du fait de la faiblesse des effectifs.
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[10]
Voir Meurs et al., 2006, p. 767 par exemple.
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[11]
Julien a d’abord été en école primaire française, puis en école franco-allemande en Allemagne jusqu’au baccalauréat. Il a ensuite étudié deux ans en France, avant de finir ses études supérieures en Allemagne. Il a repris ses études en France après avoir travaillé plusieurs années et est étudiant au moment de l’entretien.
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[12]
Souligné dans le texte.
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[13]
Cela dit, il existe des différences concernant les autres niveaux d’études. Celles-ci peuvent s’expliquer du fait de l’âge des enquêtés, les enfants de couples mixtes et les descendants d’immigrés étant plus jeunes, et du pays de scolarisation.
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[14]
Ce tableau a été construit à partir d’une question relative au niveau d’études atteint par les enquêtés. La classification opérée par les auteurs de l’enquête est la suivante : « N’a jamais fait d’études », « A arrêté ses études, avant la dernière année d’études primaires », « Dernière année d’études primaires », « 1er cycle d’enseignement général », « 2e cycle d’enseignement général », « Enseignement technique ou professionnel court », « Enseignement technique ou professionnel long », « Enseignement supérieur y compris technique supérieur ». Une variable synthétique a été
créée sans distinguer entre cycle technique ou professionnel et cycle général concernant le baccalauréat, cette distinction n’ayant pas été faite au niveau des études supérieures par les auteurs de l’enquête. Cette question portant spécifiquement sur le niveau d’études atteint, les enquêtés étudiants au moment de l’enquête dans le Supérieur ont été inclus à l’analyse. -
[15]
Les individus dont les parents sont nés à l’étranger avec la nationalité française ont été exclus de l’analyse. Leur socialisation peut être à la fois différente de celle des individus socialisés en France et de celle de ceux nés à l’étranger avec des parents étrangers. Parmi eux, il n’est pas possible de distinguer entre enfants d’expatriés, de harkis, de colons ou encore de colonisés du Sénégal ou d’Algérie ou de toute autre ancienne colonie française.
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[16]
Étant donné le nombre important de mères sans activité professionnelle, la catégorie sociale des mères n’a pas été intégrée dans l’analyse. De plus, ni le niveau d’études des parents ni leur niveau de revenus ne sont renseignés dans l’enquête « Histoires de vie ».
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[17]
Tous les résultats relatifs aux modèles logistiques sont des résultats contrôlant les autres variables mentionnées dans le modèle, « toute chose égale par ailleurs ».
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[18]
Le sexe, la pcs du père, le diplôme des parents, l’activité de la mère, la structure parentale, l’âge d’entrée en sixième, la situation scolaire, le redoublement au collège et/ou au lycée ou pas sont contrôlés.
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[19]
Notons que cette question est rétrospective. La mémoire des personnes interrogées entre ainsi en ligne de compte. L’oubli, ou la reconstruction mémorielle peuvent influer sur les réponses données.
-
[20]
Il ne faudrait pas conclure de ce résultat un quelconque degré de bilinguisme. Il n’est donc pas possible d’intégrer cette variable à l’étude de la réussite scolaire des enfants de couples mixtes et de voir si le bilinguisme a un impact sur les performances scolaires.
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[21]
Il a été demandé aux personnes interrogées dans le cadre de l’enquête « Histoires de vie », « Aujourd’hui, diriez-vous que par rapport à la religion, vous avez : une pratique religieuse régulière (au moins une fois par mois) ; une pratique religieuse occasionnelle (hors mariages, baptêmes et enterrements) ; pas de pratique, mais un sentiment d’appartenance à une religion ; ni pratique ni sentiment d’appartenance ; un rejet de la religion ; ne sait pas ou préfère ne pas répondre ». Il n’a pas été demandé de quelle religion il s’agit.
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[22]
Une variable de synthèse a été créée à partir des réponses données aux questions suivantes : « Est-il déjà arrivé que l’on se moque de vous, que l’on
vous mette à l’écart, que l’on vous traite de façon injuste ou que l’on vous refuse un droit à cause… De votre âge ? De votre sexe ? De votre santé, d’handicap que vous avez ? De la couleur de votre peau ? De votre poids, taille ? De votre tenue vestimentaire, look ? Du lieu où vous vivez ? De votre région ou pays d’origine ? De votre situation professionnelle, niveau d’instruction ? De votre nom, prénom ? De votre façon de parler ? De votre situation de famille ? Des caractéristiques de vos proches ? De votre orientation sexuelle ? De votre appartenance à une organisation politique, syndicale ? De vos opinions politiques, syndicales ou religieuses ? D’une autre caractéristique ? » Il était possible aux enquêtés de déclarer avoir subi plusieurs discriminations. -
[23]
37 % des personnes ayant déclaré avoir subi un comportement négatif ayant eu des conséquences sur leur vie (hors non réponses) ont déclaré que ce comportement avait eu lieu à l’école (Algava & Bèque, 2006, p. 121).
-
[24]
Commission nationale consultative des droits de l’homme.
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[25]
Notons que les auteurs de l’enquête « Histoires de vie » insistent sur le fait qu’il ne s’agit que de déclarations de discriminations, du sentiment subjectif d’avoir été discriminé et non pas d’une mesure des discriminations réelles subies par les personnes interrogées. En effet, rien ne nous permet de confronter ces déclarations avec des données objectives. Par exemple, la couleur de la peau n’a pas été demandée aux personnes interrogées, ni les raisons d’un
comportement négatif du fait du nom ou du prénom. Une personne peut avoir été discriminée parce qu’elle n’était pas assez bronzée après l’été ou parce qu’elle s’appelait Mégane Renault. Les résultats obtenus avec cette enquête concernant les discriminations raciales sont donc à nuancer. -
[26]
Voir notamment Tribalat et al., 1996 ; Simon, 2003 ; Houseaux & Tavan, 2005.
-
[27]
Le grand-père paternel de Bilel est décrit par celui-ci comme étant « juif-polonais ».
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[28]
Il serait intéressant de distinguer par exemple entre : université, grandes écoles, iut et cpeg.
Introduction
1R. E. Park (1928) et E. V. Stonequist (1937), tenants de l’École de Chicago, voient en l’enfant de couple mixte, tel que défini dans le contexte américain de l’époque [2], un « homme marginal ». Il serait « un hybride culturel, un homme vivant et partageant intimement la vie culturelle et les traditions de deux peuples distincts ; (...) et pas tout à fait accepté, à cause des préjugés raciaux, dans la nouvelle société dans laquelle il cherchait à présent à trouver sa place » (Park, 1928, p. 892). Dans cette perspective, l’enfant de couple mixte serait à la fois en situation de flottement culturel et stigmatisé (Goffman, 1963) par Autrui dans le cas où cette mixité est visible. De ce fait, il développerait une « personnalité marginale » (Park, 1928), ce qui pourrait avoir des conséquences sur ses performances scolaires.
2Comme l’a montré P. Bourdieu (1970), les performances scolaires sont fonction de liens sociaux et notamment du « lien de filiation » (Paugam, 2005). Concernant les enfants de couples mixtes, ce lien est particulier car il correspond à l’union de conjoints dont la distance est jugée trop importante, c’est-à-dire quand la norme endogamique telle que définie par Cl. Lévi-Strauss (1949) n’est pas respectée. La « mixogamie » correspond donc au « dépassement ou à la transgression des normes du choix conjugal dans les sociétés modernes » (Collet, 1995, p. 103). Or, d’après R. K. Merton (1941), tous les mariages hors du groupe ne sont pas hors-norme. Il distingue ainsi entre « exogamie » et « mésalliance intergroupe ». Les unions mixtes sont qualifiées d’exogames lorsque la distance sociale entre conjoints est faible. Dans ce cas, il leur est possible de ne pas rompre avec leurs « réseaux sociaux » respectifs. Le marquage social des couples mixtes est fonction de la catégorie sociale dont les conjoints sont issus mais aussi de la visibilité de la distance entre les conjoints. Cette visibilité rendrait difficile l’intégration de ces couples et celles de leurs enfants dans la société dans laquelle ils évoluent. Le marquage social et la marginalisation de certains enfants de couples mixtes pourraient donc avoir un impact sur leurs performances scolaires.
3La mixité conjugale est ici entendue comme l’union de deux individus socialisés dans des pays différents, et donc dans des cultures différentes. Le père et la mère d’enfants de couples mixtes auraient une culture distincte l’une de l’autre. La socialisation intrafamiliale des enfants de couples mixtes pourrait donc être qualifiée d’« interculturelle » (Malewska-Peyre, 1991). Considérer, comme le font R. E. Park et E. V. Stonequist que les enfants de couples mixtes sont avant tout les descendants de deux lignées culturellement incompatibles revient à nier le fait que les normes des conjoints en couples mixtes évoluent du fait de la relation conjugale. Il importe donc de préciser comment sont définis les univers normatifs dans lesquels les enfants de couples mixtes sont socialisés, s’ils sont dans une situation de flottement culturel ou encore si l’une des cultures domine.
4Ainsi le degré de stigmatisation des enfants de couples mixtes, l’univers normatif dans lequel ils évoluent et la relation conjugale parentale pourraient conduire dans certains cas à des troubles identitaires, ce qui pourrait être à la source de moindres performances scolaires. Les enquêtes quantitatives antérieures faisant ce constat l’expliquent par l’une ou l’autre de ces hypothèses. En effet, quand les enfants de couples mixtes réussissent significativement moins que la population de référence, ceci est expliqué par le stress connu par les premiers. Et ce stress serait l’une des expressions de troubles identitaires, dus au fait que cette population serait, dans une perspective culturaliste, entre deux cultures en conflit, ou serait, d’après les interactionnistes, stigmatisée.
5L. Van’t Hof & Dronkers J. (1994) expliquent les écarts de performances scolaires entre enfants de couples mixtes et descendants d’immigrés aux Pays-Bas par le fait que les premiers sont en situation de flottement culturel. À origine sociale égale, les enfants de couples mixtes n’auraient pas de meilleurs résultats que les descendants d’immigrés. Ces derniers réussissent parfois même mieux que les enfants de couples mixtes. De plus, les descendants d’immigrés ont plus de chances d’obtenir un avis d’orientation favorable de leur professeur, comparés aux enfants de natifs et aux enfants de couples mixtes. Ces résultats sont expliqués par l’« identité culturelle (…) plus problématique » (ibid., p. 39) qu’auraient les enfants de couples mixtes. De plus, ceux-ci ne connaîtraient pas de discrimination positive à la différence des descendants d’immigrés.
6Le fait que le couple parental soit « cacogame » (Merton, 1941) peut aussi avoir un impact sur la réussite scolaire des enfants de couples mixtes. En effet, d’après P. Bourdieu (1970), le fait que le couple parental ait un capital social faible influe sur les performances scolaires des enfants. Concernant les performances scolaires des personnes issues de l’immigration, P. Simon constate que les Franco-Portugais et les Franco-Algériens réussissent moins bien leurs études, comparés aux descendants d’immigrés portugais et algériens respectivement. Mais tel n’est pas le cas des Franco-Marocains [3], car ces derniers seraient issus des catégories sociales supérieures françaises et marocaines (Simon, 2003, p. 1106). Tandis que les Franco-Portugais et les Franco-Algériens seraient, du fait du choix conjugal de leurs parents, marginalisés par la communauté portugaise/algérienne sans pour autant que de nouveaux liens sociaux ne se créent. Ainsi, d’après l’étude de L. Van’t Hof et al., et celle de P. Simon, l’origine sociale et/ou nationale des conjoints ainsi que l’intégration du couple parental dans la société auraient un impact sur les performances scolaires des enfants de couples mixtes. De plus, la difficulté qu’a cette population à gérer son héritage pluriel pourrait expliquer ses difficultés scolaires. D’autres recherches expliquent les moindres performances scolaires des enfants de couples mixtes par leur stigmatisation.
7Aux États-Unis, J. R. Udry et al. (2003) constatent que les adolescents métis [4] ont des risques de développer des maladies mentales et d’avoir des troubles comportementaux supérieurs aux individus ne s’identifiant qu’à une race et ce du fait d’un stress supérieur. D’après T. M. Cooney & M. E. Radina (2000) se plaçant dans une perspective interactionniste, ce stress accru serait dû à la stigmatisation des métis [5]. La règle de l’hypodescence aurait pour conséquence que les métis seraient considérés comme noirs par les autres. De plus, ils auraient des difficultés d’intégration dans les communautés noires et blanches, ce qui provoquerait des comportements déviants dans l’institution scolaire. Cela dit, ces conclusions doivent être fortement nuancées car la catégorie sociale des parents n’a pas été contrôlée. Après contrôle de cette variable, G. Kao (1999) constate que les résultats scolaires des métis ayant un parent asiatique sont plus proches de ceux des blancs et ceux des métis ayant un parent noir le sont plus de ceux des noirs. La proximité des familles métisses avec l’un ou l’autre groupe, non pas par un manque de confiance en soi des métis, expliquerait ce résultat. G. Kao conteste donc l’hypothèse de la marginalité des métis. Étant donné l’absence de consensus concernant la stigmatisation des enfants de couples mixtes, il semble nécessaire de contrôler le degré de visibilité de la mixité dans la présente étude. La couleur de peau ou le nom d’un enfant de couple mixte pourrait « marquer » son altérité et avoir un impact sur son identité et ses performances scolaires, ou au contraire, ne pas en avoir dans le contexte français. De plus, ces trois études américaines montrent combien il est important de contrôler l’origine sociale dans l’analyse de la réussite scolaire des enfants de couples mixtes.
8Les divergences de résultats observées dans les différentes études quantitatives relatives aux performances scolaires des enfants de couples mixtes peuvent s’expliquer d’une part par le fait que la population mixte et les populations de référence [6] sont définies différemment d’une étude à l’autre, d’autre part parce que les variables contrôlées divergent. Enfin les hypothèses émises pour expliquer les résultats ne sont pas basées sur les enquêtes quantitatives elles-mêmes. Par exemple, J. Dronkers et ses collègues obtiennent des résultats distincts en se basant sur la même enquête, pisa 2003 [7], mais en utilisant des critères de définition des populations de référence différents. M. Levels et al. (2008) définissent les enfants de couples mixtes sans distinguer entre les différents pays de naissance du « parent transplanté » [8] ni entre pays d’accueil. Ils constatent alors que les enfants de couples mixtes obtiennent de meilleurs résultats en mathématiques que les descendants d’immigrés. Alors que M. Levels et J. Dronkers (2008) distinguent entre pays d’accueil et d’origine et constatent des écarts entre enfants de couples mixtes et enfants de natifs.
9La théorie de l’homme marginal apporte certes un éclairage sur ce qui pourrait être la cause de moindres performances scolaires des enfants de couples mixtes. Mais ces différentes recherches montrent que ce modèle à lui seul ne permet pas de mettre à jour toute la complexité de l’étude de la réussite scolaire des enfants de couples mixtes. Celle-ci pourrait être fonction d’une part de l’intégration socioprofessionnelle, familiale et sociale du père et de la mère des enfants de couples mixtes. D’autre part, elle pourrait être due à leur univers normatif ou encore à leur degré de stigmatisation. Tous les enfants de couples mixtes ne seraient donc pas des hommes marginaux. La pertinence de ces hypothèses va à présent être testée concernant les performances scolaires des enfants de couples mixtes en France. Après avoir montré l’intérêt de combiner méthodes quantitative et qualitative, les résultats obtenus à partir de l’enquête quantitative vont être présentés. Ils seront ensuite discutés à partir de l’analyse d’entretiens menés auprès d’enfants de couples mixtes.
La complémentarité des méthodes quantitative et qualitative
10Afin d’étudier les performances scolaires des enfants de couples mixtes en France, des outils quantitatifs et qualitatifs ont été utilisés. L’emploi conjoint de ces deux méthodes permet de tester les hypothèses mentionnées de manière plus approfondie que les études antérieures. La recherche présentée ici a été menée sur la base de l’enquête « Histoires de vie – Construction des identités » (insee, ined, 2003) ainsi qu’à travers des entretiens semi-directifs. L’utilisation de deux outils d’analyse a pour objectif de neutraliser le plus possible leurs biais et leurs limites respectifs. L’enquête qualitative permet d’apporter un certain éclairage à l’enquête « Histoires de vie ». Les méthodes quantitative et qualitative ont donc été juxtaposées plutôt qu’articulées. L’emploi de ces deux méthodes permet ainsi d’appréhender les performances scolaires des enfants de couples mixtes sous des angles différents.
L’enquête « Histoires de vie. Construction des identités » : intégration sociale et perception des enfants de couples mixtes
11L’enquête « Histoires de vie » offre un prisme intéressant permettant d’étudier l’identité des enfants de couples mixtes. En effet, des questions subjectives relatives à l’identité des personnes interrogées ont été introduites dans le questionnaire. De plus, les immigrés et leurs descendants ont été surreprésentés, ce qui rend possible l’appréhension d’une spécificité mixte.
12Les deux principaux objectifs de l’enquête « Histoires de vie » sont de mettre en lumière à la fois l’intégration et l’identification des individus. Les auteurs de l’enquête ont tenté d’analyser les liens sociaux de différentes populations vivant en France (Dictionnaire des codes de l’enquête « Histoires de vie », 2004, p. 4). À l’étude « traditionnelle » de l’intégration sociale ont été ajoutées certaines questions relatives à la trajectoire de vie de l’enquêté et à son « appréciation de la situation ». Cette enquête présente donc la particularité de poser de nombreuses questions faisant appel à la subjectivité des enquêtés. Elle inclut des variables sociodémographiques ainsi que des données relatives d’une part à l’univers normatif des enfants de couples mixtes telles leur rapport à la religion et leurs connaissances linguistiques, et d’autre part à leur sentiment d’avoir été discriminés. De plus, cette enquête ne portant pas spécifiquement sur les enfants de couples mixtes ou encore les immigrés, il est possible de comparer la population étudiée aux groupes témoins que sont les descendants de Français, les descendants d’immigrés et les immigrés.
13L’échantillon de l’enquête « Histoires de vie » a été élaboré à partir des échantillons des enquêtes « Histoire familiale » et « Vie Quotidienne et Santé » (Dictionnaire des codes de l’enquête « Histoires de vie », 2004, p. 6). L’objectif d’un tel échantillonnage était de surreprésenter des populations faiblement représentées dans la population générale et d’en améliorer la qualité d’analyse. 13 500 individus ont été sélectionnés et 8 403 individus ont répondu à ce questionnaire. Les répondants étaient âgés de plus de 18 ans et résidaient en France au moment où l’enquête a été passée. Les « immigrés » et « enfants d’immigrés » ont été sélectionnés parmi les répondants de l’enquête « Histoire Familiale » (1999) et non pas par tirage aléatoire. Des coefficients de pondération ont ainsi été créés afin que la règle d’inférence soit respectée. Mais, l’objectif des auteurs de l’enquête n’étant pas d’étudier spécifiquement les enfants de couples mixtes, la population mixte sélectionnée dans le cadre de cette enquête n’est pas représentative de celle résidant en France (Unterreiner, 2008).
14Cette recherche est limitée aux individus dont les parents sont nés dans des pays différents et avaient une nationalité différente à la naissance [9]. La mixité définie ici par la socialisation culturelle différenciée des parents ne postule pas que les enfants de couples mixtes soient nés en France, contrairement à la définition de nombreux statisticiens [10]. D’après mes critères de définition de la mixité, parmi les enfants de couples mixtes interrogés dans le cadre de l’enquête « Histoires de vie », 87,5 % sont nés en France. À ceci s’ajoute le fait qu’ils y résidaient au moment des enquêtes effectuées. Une majorité y aurait donc été socialisée. C’est pourquoi la présente étude se limitera à la réussite scolaire des enfants de couples mixtes résidant en France au moment de l’enquête.
15Dans l’enquête « Histoires de vie », la proportion des enfants de couples mixtes dont le parent transplanté est né en Europe est plus importante que celle des descendants d’immigrés et surtout des immigrés (voir tableau 1). Ceci est surtout visible concernant les enfants de couples mixtes ayant un père français. L’exogamie des migrants européens était donc plus forte que celle des migrants extra-européens. Ce constat correspond à ceux issus de l’enquête mgis (Tribalat et al., 1996). La part des enfants de couples mixtes ayant une mère française et un père né en Afrique est plus importante que celle des enfants de couples mixtes ayant un père français et une mère née en Afrique. Mais parmi ceux ayant un parent français, les enfants de couples mixtes dont le parent transplanté est né en Afrique sont moins nombreux que parmi les descendants d’immigrés. Ceci s’expliquerait par une exogamie supérieure des hommes nés à l’étranger mais ayant grandi en France (ibid., p. 89). Le nombre de personnes interrogées dont l’un des parents transplanté au moins est né sur un autre continent est très faible. Il n’est donc pas possible d’analyser ces données. Notons simplement que parmi les personnes interrogées dont l’un des parents au moins est né en Asie, peu sont des enfants de couples mixtes, ce qui confirme aussi les résultats de l’enquête mgis.
16La réussite scolaire a été évaluée dans le cadre de l’enquête « Histoires de vie » par le niveau d’études et non pas par le diplôme obtenu. Les résultats suivants doivent donc être fortement nuancés. En effet, le niveau d’études donne seulement une idée du type d’écoles et du nombre d’années de scolarisation de l’individu en question. Il est peu précis concernant le réel niveau de connaissances comparé à des informations précises concernant le(s) diplôme(s) obtenu(s). De plus, le niveau d’études peut ne pas être reconnu sur le marché du travail comme identique au diplôme correspondant. Cette hypothèse est confirmée par les travaux d’I. Tucci. Elle constate en effet un écart entre le niveau d’éducation relevé dans l’enquête « Histoires de vie » et le niveau de diplômes relevé dans l’enquête « Histoires familiales » des personnes ayant deux parents nés au Maghreb (Tucci, 2008, p. 161). Les descendants d’immigrés maghrébins auraient certes autant de chances que les descendants de Français de faire des études supérieures, mais moins de chances d’obtenir un diplôme d’études supérieures. Afin de pallier l’existence d’un écart possible entre niveau d’études et niveau de diplômes obtenus, le niveau d’études retenu a été le fait de faire ou d’avoir fait des études supérieures. Ce choix a été fait car il est nécessaire d’obtenir le baccalauréat afin de pouvoir faire des études supérieures, à de rares exceptions près.
Distribution de la population interrogée en fonction du continent de naissance du parent né à l’étranger (en %)
Distribution de la population interrogée en fonction du continent de naissance du parent né à l’étranger (en %)
17Afin de pouvoir analyser plus finement les performances scolaires des enfants de couples mixtes, il a semblé nécessaire d’inclure une enquête qualitative menée en parallèle à l’analyse des données quantitatives. La combinaison des deux méthodes permet en effet de tester les deux hypothèses mises à jour afin d’expliquer les performances scolaires des enfants de couples mixtes. Il est ainsi possible de voir si l’univers normatif et la stigmatisation des enfants de couples mixtes, pouvant conduire à des troubles identitaires, sont déterminants concernant leur réussite scolaire.
La méthode qualitative : trajectoires migratoires, relations au sein de la famille mixte et discours identitaires des enfants de couples mixtes
18Cette enquête qualitative n’a initialement pas été effectuée pour analyser les performances scolaires des enfants de couples mixtes mais pour étudier leurs modes de socialisation ainsi que leurs discours identitaires. Elle est mobilisée ici dans le but d’apporter des éléments d’analyse compréhensive afin d’expliquer les résultats issus de l’enquête quantitative. Les entretiens semi-directifs présentés se limitent à ceux des personnes encore scolarisées au moment de l’enquête et à ceux cités dans la présente analyse. Le but est d’approcher au mieux la réalité de l’expérience vécue à l’école des enfants de couples mixtes. Cette enquête qualitative a été effectuée en deux temps : la première vague a eu lieu entre novembre 2007 et mars 2008, la seconde entre septembre 2008 et mars 2009.
Enfants de couples mixtes enquêtés dans le cadre de l’enquête qualitative [11]
Enfants de couples mixtes enquêtés dans le cadre de l’enquête qualitative [11]
19Rencontrer des adolescents et des jeunes adultes est un choix délibéré. D’une part, si les enfants de couples mixtes sont peu intégrés et/ou ont un faible attachement à la France, il est possible qu’à l’âge adulte, ils n’y vivent pas. L’objectif étant de mettre en lumière, dans une perspective interactionniste, les différentes identités des enfants de couples mixtes, la rencontre d’individus ayant un profil identitaire différent les uns des autres semblait nécessaire.
20Ces entretiens semi-directifs permettent d’analyser le parcours de vie, les liens entretenus par les enfants de couples mixtes et surtout leur discours identitaire. « Mais les discours identitaires aussi varient et sont par ailleurs surtout tributaires des circonstances de leur énonciation : les discours ne traduisent pas mais construisent les sentiments identitaires [12] au fur et à mesure » (Varro, 1998). Les entretiens effectués révèlent donc l’« identité contextuelle » des enquêtés (Giacomi, 1991, p. 303).
21Les méthodes quantitative et qualitative vont donc être utilisées successivement dans l’étude des performances scolaires des enfants de couples mixtes en France. Les résultats issus de l’enquête « Histoires de vie » vont ainsi pouvoir être éclairés à la lumière de l’analyse des entretiens effectués avec des enfants de couples mixtes. Ceci permet de tester les hypothèses mises à jour par les enquêtes quantitatives antérieures sur les performances scolaires des enfants de couples mixtes.
Les résultats de l’enquête quantitative : les moindres chances des enfants de couples mixtes de faire des études supérieures
22L’analyse des résultats obtenus à partir de l’enquête « Histoires de vie » montre que malgré le fait que les enfants de couples mixtes aient une origine sociale supérieure aux autres sous-populations, ceux-ci ont moins de chances de faire des études supérieures. Ce résultat pourrait s’expliquer par l’univers normatif et le degré de stigmatisation ayant un impact sur la définition identitaire des enfants de couples mixtes.
Le niveau d’études des enfants de couples mixtes en contradiction avec leur origine sociale
23Alors que les enfants de couples mixtes ont une origine sociale élevée, la part des diplômés du Supérieur de cette population est équivalente à celle des autres populations [13]. Or, comme l’a montré P. Bourdieu (1970), la réussite scolaire est fonction de l’origine sociale. Les enfants de couples mixtes rencontrés dans le cadre de l’enquête « Histoires de vie » devraient donc être plus nombreux à faire des études supérieures que les descendants d’immigrés et les descendants de Français. En effet, les familles mixtes font souvent partie de catégories sociales supérieures à celles des familles mononationales.
Niveau d’études des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête « Histoires de vie » (en %) [14] [15]
pcs de la mère de la personne interrogée (en %)
pcs de la mère de la personne interrogée (en %)
24Les enfants de couples mixtes semblent donc être intégrés culturellement en France, ont des origines sociales plus élevées que les personnes ayant deux parents français et celles ayant deux parents étrangers mais n’ont pas plus de chances de faire des études supérieures que ces derniers. L’analyse descriptive mène donc à penser qu’il existe une spécificité mixte. Il importe à présent d’approfondir l’étude des performances scolaires des enfants de couples mixtes à partir d’outils d’analyse explicatifs. Différents modèles de régressions logistiques contrôlant l’âge de l’enquêté, son sexe et la catégorie sociale du père de la personne interrogée ainsi que différents types de mixités ont donc été établis [16].
Probabilité des enquêtés d’avoir fait des études supérieures (régression logistique – odd-ratios)
25Différentes recherches sur les populations issues de l’immigration ont mis en lumière l’impact de la trajectoire migratoire sur la réussite scolaire. Le fait d’être né à l’étranger, « d’avoir passé plusieurs années hors de France », « le temps » passé en France ou encore la « durée d’exposition à l’école française » seraient déterminants (Vallet, 1997, p. 74-77). Mais, en dehors de la zone géographique de naissance, les données relatives à la trajectoire migratoire des enquêtés ne sont pas diffusées par les auteurs de l’enquête « Histoires de vie ». Seul le fait d’être né en France ou pas a pu être pris en compte. Une distinction entre enfants de couples mixtes nés en France et enfants de couples mixtes nés à l’étranger ainsi qu’entre immigrés et descendants d’immigrés a donc été effectuée. Un premier modèle prenant pour référence les descendants de Français met en lumière que les enfants de couples mixtes nés en France auraient moins de chances de faire des études supérieures que les descendants de Français [17]. Mais cet écart n’est pas significatif. Il ne l’est pas non plus concernant les enfants de couples mixtes nés à l’étranger. Ceci peut s’expliquer du fait de la faiblesse des effectifs mais aussi par une trajectoire migratoire complexe qu’il n’est pas ici possible de prendre en compte. Parallèlement, les descendants d’immigrés auraient plus de chances de faire des études supérieures que les descendants de Français. Un descendant d’immigré âgé entre 48 et 57 ans, de sexe masculin, dont le père est membre de la catégorie sociale « Ouvrier » aurait ainsi 13 % de chances de faire ou d’avoir fait des études supérieures alors qu’un descendant de Français a 10 % de chances d’être dans ce cas. Ceci confirme les résultats obtenus dans des recherches antérieures sur les descendants d’immigrés. Les enfants de couples mixtes seraient-ils plus proches des comportements des descendants de Français que les descendants d’immigrés en terme de réussite scolaire ? Sont-ils entre ces deux populations ?
26Afin de répondre à ces questions, les descendants d’immigrés ont été pris comme population de référence dans un second modèle. D’une part, les enfants de couples mixtes nés en France auraient moins de chances de faires des études supérieures comparées à toutes les autres sous-populations. En effet, un enfant de couple mixte né en France, de sexe masculin, ayant entre 28 et 37 ans, de père ouvrier, a 75,2 % de chances de faire des études supérieures alors que le rapport de chances est de 78,7 %, de 79,7 % et de 84,2 % concernant les immigrés, les descendants de Français et les descendants d’immigrés, respectivement. D’autre part, l’écart entre le rapport de chances des enfants de couples mixtes et celui des descendants d’immigrés est le plus important, cet écart étant significatif. Un enfant de couple mixte né en France, de sexe féminin, ayant entre 48 et 57 ans, de père ouvrier, a ainsi 7,8 % de chances de faire des études supérieures alors que tel est le cas de 13 % des descendants d’immigrés. Ce résultat pourrait être dû à une moindre mobilisation des familles mixtes dans la scolarité de leur enfant. En effet, Z. Zéroulou (1988) conclut que les familles d’origine algérienne dont la logique est celle de l’ascension sociale dans le pays d’accueil se mobiliseraient plus afin que leur(s) enfant(s) réussisse(nt) scolairement dans ce dernier que celles tournées vers leur pays d’origine. Et A. Grisay montre que les descendants d’immigrés ont un effet positif au sein des populations défavorisées. Les familles issues de l’immigration pousseraient plus que les autres à ce que leurs enfants fassent des études. Elles font « le choix rationnel (…) d’un investissement accru dans le système éducatif en tant que celui-ci forme l’instrument de mobilité sociale espérée » (Grisay, 1993, p. 147). On pourrait donc avancer l’hypothèse selon laquelle les enfants de couples mixtes bénéficient moins de la mobilisation de leur famille concernant leur réussite scolaire car ces familles attendent moins de l’institution scolaire pour s’intégrer dans la société française. Ceci a été mis en avant par J.-P. Caille et S. O’Prey dans leur étude du panel d’élèves suivi par le ministère de l’Éducation nationale depuis leur entrée au collège en 1995 (Caille & O’Prey, 2002). Les enfants de couples mixtes ne se distinguent pas des descendants de Français dans leur souhait de poursuivre des études supérieures, alors que tel est le cas des personnes issues de familles immigrées [18]. De plus, les enfants de couples mixtes rejettent moins souvent l’idée de faire le même métier que l’un de leurs parents que les personnes issues de familles immigrées. Une seconde hypothèse serait que les enfants de couples mixtes sont discriminés positivement dans une moindre mesure que les descendants d’immigrés comme l’affirment L. Van’t Hof & J. Dronkers (1994). Mais si ces hypothèses permettent d’expliquer pourquoi les enfants de couples mixtes auraient des chances moindres de faire des études supérieures que les descendants d’immigrés, elles n’éclairent pas le résultat selon lequel les enfants de couples mixtes ont moins de chances de faire des études supérieures que les autres sous-populations. Il importe à présent de savoir si la définition de l’univers normatif et le degré de stigmatisation permettent d’expliquer ce résultat.
La domination de l’univers normatif français
27Les enfants de couples mixtes seraient socialisés dans un environnement interculturel (Malewska-Peyre, 1991), dont les deux pans, c’est-à-dire le pays de résidence, la France, et le pays du parent transplanté, pourraient s’opposer. Or, « les influences culturelles n’ont pas le même poids : les pressions du conformisme font prévaloir les influences de la culture majoritaire, dominante » (ibid., p. 196-197). La culture majoritaire est dominante dans le cas des enfants de couples mixtes du fait de l’école, des pairs, des médias mais aussi au sein de la famille. Ainsi, le pays de résidence, ici la France, serait déterminant quant à la socialisation des enfants de couples mixtes (Deprez & Dreyfus, 1998 ; Streiff-Fenard, 1989). L’analyse quantitative confirmerait l’hypothèse selon laquelle l’univers normatif des enfants de couples mixtes est proche de celui des descendants de Français, que l’on considère les compétences linguistiques ou les convictions religieuses comme éléments permettant de mettre en lumière l’univers normatif des enfants de couples mixtes.
28Concernant les compétences linguistiques, les résultats issus de l’enquête « Histoires de vie » vont dans le sens de ceux obtenus lors d’études antérieures : la langue française, en tant que langue du pays de résidence, est transmise en priorité. Plus de 90 % des enfants de couples mixtes parlaient soit français uniquement, soit français et une autre langue avec leurs parents à l’âge de cinq ans, ce qui est comparable aux descendants de Français. Or tel n’est pas le cas des descendants d’immigrés dont 27,2 % parlaient une ou plusieurs langues étrangères avec leurs parents quand ils avaient cinq ans. Les performances scolaires moins élevées des enfants de couples mixtes ne semblent donc pas pouvoir s’expliquer par des difficultés dans la langue française au début de leur scolarité ou par une mauvaise compréhension des codes inculqués à travers le langage [19].
29Parmi les enfants de couples mixtes, il est nécessaire de distinguer entre ceux qui ont un père français et ceux qui ont une mère française. En effet, les enfants de couples mixtes ayant un père français parlaient plus souvent une langue étrangère avec leurs parents (35,8 %) que ceux ayant une mère française (22 %), cet écart étant significatif. On peut émettre l’hypothèse d’une transmission de la langue étrangère par la mère. La langue première serait, a priori, la langue « maternelle ». Mais, si les résultats obtenus ici vont dans le sens des recherches antérieures sur le sujet, son but est de savoir quelle est la langue maternelle des personnes interrogées. Il ne s’agit pas des langues effectivement transmises aux personnes interrogées par leurs parents. Il se peut que certaines langues soient apprises à un moment, puis oubliées ou au contraire qu’elles soient acquises plus tard, comme le constate P. Simon. « [La] langue apprise dans la petite enfance n’est pas nécessairement celle qui sera utilisée par la suite » [20].
Langue(s) parlée(s) par les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête « Histoires de vie » à l’âge de cinq ans avec leurs parents (en %)
Langue(s) parlée(s) par les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête « Histoires de vie » à l’âge de cinq ans avec leurs parents (en %)
30Concernant les convictions religieuses, les enfants de couples mixtes semblent là encore avoir un comportement proche de celui des descendants de Français. D’après l’étude de l’enquête « Histoires de vie » [21], 68,4 % des enfants de couples mixtes déclarent avoir la foi, ce qui est légèrement inférieur aux descendants de Français, qui sont 70,3 % à se dire croyants. Cet écart n’est pas significatif, tout comme celui entre enfants de couples mixtes ayant un père français et ceux ayant une mère française. On peut ainsi émettre l’hypothèse d’une forte influence de l’environnement français pour les enfants de couples mixtes, surtout si l’on compare ce groupe avec les descendants d’immigrés et les immigrés, dont respectivement 85,2 % et 88,5 % se disent croyants. D’après ces données, on ne peut donc pas conclure qu’il y a une spécificité mixte relative aux convictions religieuses par rapport aux descendants de Français. Ainsi, quand bien même l’univers normatif du pays de résidence, la France, semble dominant, les enfants de couples mixtes ont moins de chances de faire des études supérieures que toutes les autres sous-populations étudiées. Ceci pourrait être dû au stigmate qu’ils portent.
L’étude des discriminations des enfants de couples mixtes et ses limites
31Les enfants de couples mixtes pourraient être discréditables du fait de la particularité du couple formé par leurs parents d’une part. D’autre part, ils sont les enfants d’individus nés à l’étranger avec une nationalité étrangère. Cela dit, E. Goffman (1963) a mis en lumière que tout individu discréditable n’était pas discrédité. Le fait de passer de l’un à l’autre est fonction du degré de visibilité du stigmate. Parmi les 48,1 % des enfants de couples mixtes qui ont été discriminés [22], 59,5 % ont situé que ce comportement a eu lieu entre leurs six et leurs vingt ans. Et 78,7 % de ces derniers ont déclaré qu’ils avaient été discriminés à l’école. Ce taux est supérieur à celui de la population enquêtée dans son ensemble [23]. Ainsi la stigmatisation des enfants de couples mixtes pourrait avoir un impact sur leurs performances scolaires car ceux-ci développeraient une « identité négative », c’est-à-dire un « sentiment de mal-être, d’impuissance, d’être mal considéré par les autres, d’avoir des mauvaises représentations de ses activités et de soi » (H. Malewska-Peyre, 1990, p. 113). Il importe donc dans un premier temps de voir s’ils sont discrédités. Si tel est le cas, il serait pertinent dans un second temps d’étudier quelle influence a le degré de marquage sur leur identité.
32Si la mixité n’est pas visible, il semble, dans la perspective goffmanienne, qu’elle ne peut pas être la source d’un stigmate. Or, le nom de famille ou encore la couleur de la peau pourrait rendre la mixité visible et être source de stigmatisation. La mixité de ceux ayant un père étranger serait plus visible que celle des enfants de couples mixtes ayant une mère étrangère, notamment du fait du nom de famille (Waters, 1990). De plus, dans l’enquête « Histoires de vie », les enfants de couples mixtes ayant une mère française ont un père né en Afrique plus souvent que ceux ayant un père français n’ont une mère originaire de ce continent. En effet, 22 % des enfants de couples mixtes de mère française ont un père né en Afrique, alors que seulement 5,3 % de ceux ayant un père français ont une mère née en Afrique. Or, un stigmate pourrait exister de manière plus importante à l’égard des personnes dont l’un des parents est né en Afrique comparé aux autres. En effet, le rapport de la cncdh [24] de 2007 relève que les Africains et surtout les Maghrébins sont stigmatisés en France (Rapport de la cncdh, 2008, p. 128-129). Ceci pourrait expliquer pourquoi les enfants de couples mixtes ayant une mère étrangère déclarent moins souvent avoir été discriminés du fait de la couleur de leur peau, ou de leur région ou pays d’origine (Unterreiner, 2008). En effet, ceux ayant une mère française déclarent avoir été discriminés plus souvent que ceux ayant un père français du fait de leur santé, de la couleur de leur peau, de leur région ou pays d’origine, de leur situation professionnelle ou de leur niveau d’instruction, de leur nom ou prénom, de leur façon de parler, de leur situation de famille, des caractéristiques de leurs proches. Parmi les discriminations qui ont été plus déclarées par les enfants de couples mixtes ayant une mère française que par ceux dont le père est français, quatre d’entre elles correspondent à la définition de discriminations raciales d’E. Algava et de M. Bèque (2006). Ces auteurs distinguent entre quatre discriminations pouvant être qualifiées de « racistes » : le fait d’avoir été discriminé du fait de sa région ou de son pays d’origine, de sa façon de parler, du fait de la couleur de sa peau et du fait de son nom ou de son prénom [25]. Les enfants de couples mixtes ayant une mère française qui se sentent discriminés sont 59,3 % à déclarer être discriminés du fait de l’une de ces quatre causes, alors que ce n’est le cas que de 36 % de ceux ayant un père français. Ces derniers déclarent ainsi subir des discriminations raciales tout autant que les descendants de Français, tandis que les déclarations des enfants de couples mixtes ayant une mère française se rapprochent de celles des descendants d’immigrés et des immigrés, dont 65,2 % et 70,9 % déclarent avoir subi au moins une discrimination raciale respectivement. L’écart entre les enfants de couples mixtes ayant un père français et ceux ayant une mère française est dû au fait que l’altérité des enfants de couples mixtes ayant une mère française est plus visible que celle de ceux ayant un père français. Les enfants de couples mixtes de père étranger et ceux dont le parent transplanté est né en Afrique seraient donc plus souvent stigmatisés que les autres, ce qui pourrait avoir pour conséquence le développement d’une identité négative et des difficultés scolaires. Les modèles trois, quatre et cinq ont donc été établis afin de voir si les chances moindres de faire des études supérieures des enfants de couples mixtes sont dues au degré de stigmatisation de cette population.
33L’analyse logistique ne permet pas d’établir si les performances scolaires des enfants de couples mixtes peuvent être expliquées par le stigmate qu’ils portent pour plusieurs raisons. Les enfants de couples mixtes ayant un père français ont certes légèrement moins de chances de faire des études supérieures que ceux ayant une mère française mais cet écart n’est pas significatif. Tandis que celui entre descendants d’immigrés et les enfants de couples mixtes ayant un père français l’est en la faveur des premiers. La perception du caractère hors-norme d’un couple mixte ne semble donc pas être due au sexe du conjoint transplanté. Concernant la distinction entre enfants de couples mixtes ayant un parent transplanté originaire d’Europe, d’Afrique ou d’ailleurs, les écarts ne sont pas significatifs. Cela dit, les enfants de couples mixtes dont le parent transplanté est né en Europe se distinguent significativement des descendants d’immigrés en général et surtout de ceux dont les parents sont nés en Afrique. Or, de nombreuses études montrent des écarts significatifs quant à l’intégration structurelle des migrants et de leurs enfants en fonction du pays d’émigration de la première génération [26] et non pas du continent d’origine des parents. Cette conclusion est confirmée par les travaux de J. Dronkers et de ses collègues (Levels et al., 2008 ; Van’t Hof & Dronkers, 1994). Il en va de même concernant la marginalisation de telle ou telle union mixte. P. Simon (2003) met en effet en évidence que les couples mixtes franco-marocains sont intégrés à la société alors que les couples franco-portugais et franco-algériens sont exclus de leur communauté d’origine. Il semble donc nécessaire de distinguer entre les pays de naissance des parents des personnes issues de l’immigration. De plus, concernant les enfants de couples mixtes plus particulièrement, il semble nécessaire de croiser cette variable avec celle du sexe du conjoint transplanté. L’approfondissement de ces résultats à partir de l’étude d’une base de données où les effectifs des enfants de couples mixtes seraient plus importants semble donc nécessaire. On pourrait ainsi vérifier si telle ou telle union conjugale a un impact sur la réussite scolaire des enfants de couples mixtes et si celle-ci se distingue de celle des descendants de Français et de celle des migrants et de leurs descendants. Ainsi, il est possible que l’analyse logistique ne permette pas de mettre à jour si le stigmate que porteraient certains enfants de couples mixtes aurait un impact sur leurs chances de faire des études supérieures du fait de l’impossibilité de prendre en compte certains déterminants de ce stigmate. À ceci s’ajoute le fait que la méthode quantitative ne permet pas non plus de voir si les enfants de couples mixtes ont conscience d’être perçus comme « anormaux » (Goffman, 1963) dans certaines situations. Or, d’après la théorie interactionniste, la perception d’ego par Autrui a une influence sur ego, si tant est qu’ego interprète des comportements négatifs à son égard comme des discriminations. De plus, dans le cas où ego se sent stigmatisé, il lui est possible de retourner ce stigmate. De ce fait, tous les individus stigmatisés n’ont pas une identité négative.
34L’analyse logistique montre donc que les enfants de couples mixtes ont moins de chances de faire des études supérieures que les autres sous-populations. Cela dit, les outils quantitatifs présentent des limites pour tester les hypothèses selon lesquelles la définition de l’univers normatif des enfants de couples mixtes ainsi que leur degré de stigmatisation ont un impact sur leurs performances scolaires, limites que la méthode qualitative peut palier.
Discussion : l’apport de la méthode qualitative à l’analyse de l’univers normatif et de la stigmatisation des enfants de couples mixtes
35L’analyse des entretiens semi-directifs permet de mettre à jour l’impact du processus de définition de l’univers normatif ainsi que celui de la stigmatisation des enfants de couples mixtes sur leurs performances scolaires. D’une part, les moindres chances qu’ont les enfants de couples mixtes de faire des études supérieures peuvent être expliquées par les troubles identitaires que peuvent connaître certains en situation d’entre-deux ou d’absence de transmission d’une lignée. D’autre part, la stigmatisation de certains enfants de couples mixtes et la manière dont ils gèrent ce stigmate peut aussi conduire à des troubles identitaires ou à un sentiment d’altérité qui pourrait avoir un impact sur leurs résultats à l’école.
La définition de l’univers normatif : source de troubles identitaires en cas d’entre-deux ou d’absence de transmission
36Mes observations montrent que la tension qui peut exister concernant l’univers normatif des enfants de couples mixtes se résume au rapport entre le pays de résidence et le « lien de filiation » (Paugam, 2005, p. 64). En effet, leur identification au pays de leur parent transplanté semble être fonction de ce qui est transmis principalement par le biais du lien de filiation. Les autres liens unissant les enfants de couples mixtes au pays de naissance de leur parent transplanté sont en effet faibles. Ainsi, concernant la majorité des enfants de couples mixtes, le caractère interculturel de leur socialisation est fonction de leur lien de filiation et donc de ce qui leur a été transmis par leurs lignées maternelle et paternelle. Selon G. Varro, les familles mixtes s’organisent le long d’« un continuum biculturel » : « À un extrême on constate une concentration d’éléments référés au parent étranger. À l’autre extrême, ces références sont rares, voire inexistantes. Entre les deux extrêmes, il est possible de découvrir toutes sortes d’aménagement du territoire familial » (Varro, 1995, p. 145). Ces aménagements sont d’une part fonction des rapports conjugaux et d’autre part du pays de résidence.
37Les enquêtes qualitatives relatives aux couples mixtes mettent en avant que les éléments transmis par une lignée ou une autre sont fonction de facteurs multiples qui s’entrecroisent. La définition de l’univers normatif des enfants de couples mixtes est ainsi fonction : des rapports de domination intergroupe et entre conjoints, du degré d’attachement des conjoints à leur culture d’origine et ce en fonction de leurs trajectoires migratoires, et de la présence du parent auprès de son enfant. Le rapport de force au sein du couple parental serait ainsi fonction du rapport de domination entre les sexes croisé avec celui entre les groupes d’appartenance. D’après J. Streiff-Fenart (1989), le père est en situation de choix dès qu’il s’agit de favoriser un groupe plutôt qu’un autre de manière univoque, le choix du prénom par exemple. Cela dit, la mère est un agent privilégié dans la transmission de normes et valeurs, celles-ci pouvant être celles de la mère ou du père (Le Gall, 2003). Mais la relation au sein du couple parental ne peut se résumer à un rapport de domination entre les sexes. Elle est aussi fonction de la hiérarchie entre groupes, celle-ci pouvant rendre la relation conjugale « asymétrique », et « du degré d’attachement des conjoints à leur groupe respectif » (Le Gall, 2003, p. 26). Mais si attachement il y a, cela ne veut pas dire pour autant que le couple parental se résume à l’union de deux représentants de leur culture d’origine. La socialisation intrafamiliale des enfants de couples mixtes n’est donc pas due uniquement au sexe du parent transplanté ou à son continent de naissance. Cela pourrait expliquer pourquoi les résultats obtenus dans l’analyse logistique en tenant compte de ces variables ne sont pas significatifs. Le mode de structuration familiale a pour conséquence que l’univers normatif des enfants de couples mixtes ne serait pas clairement défini dans deux cas : en situation de conflit parental et en l’absence de transmission de la part de l’une des lignées.
38Certains couples parentaux se trouvent en effet en situation d’« affrontement culturel » (Streiff-Fenart, 1989, p. 102). Le conflit parental, au-delà d’un conflit relatif aux normes et valeurs transmises, pousse l’enfant à effectuer un choix entre lignées paternelle et maternelle, ce qui peut conduire à une situation de crise identitaire. Ceci peut avoir un impact sur ses performances scolaires. Ainsi, le « fantasme de la “trahison de la patrie mythique” poursuit l’enfant “mixte” (à l’égard de son parent transplanté) » (Varro, 2003, p. 218). Annelie a ainsi vécu une situation de crise identitaire lors d’un séjour en tant qu’étudiante à l’étranger. Ce séjour correspond au moment où elle a pris ses distances avec sa mère franco-polonaise qui a « un rapport de haine avec l’Allemagne ». Annelie a alors fait le choix d’être franco-allemande plutôt que française uniquement, de se rapprocher de sa famille vivant en Allemagne, ce que sa mère vit comme une trahison. Elle a alors connu des troubles identitaires.
« [J]’ai toujours vu ça [la mixité] comme la base à partir de laquelle je pouvais euh… (acquiescement) regarder ailleurs puisque moi-même j’étais constituée d’un… d’un morcellement de choses, je pouvais approfondir chacun d’ces morceaux. (…) Donc j’le voyais plus positivement. Et euh… Et puis y a eu… y a eu, après des moments d’conflits… identitaires euh… C’est-à-dire : j’avais l’impression de devoir faire un choix : « Est-ce que moi c’est ça ? Ou est-ce que moi c’est ça ? », « Est-ce que… Est-ce que moi j’fais plus partie de ce milieu-là, est-ce que j’fais plus partie de celui-là ? Est-ce que j’fais partie d’cette culture-là ? » Et… ça a commencé à rentrer en concurrence plus que en… plus que en… en convergence. (acquiescement) Et euh… Et ça dépend toujours des moments, des situations, des…
– Et ça t’vient comment ces questions euh…
Quand c’est conflictuel ?
– Oui.
Euh… Ca devient comme un… comme un étouffement, ou une perte, ou des interdits. Cette… C’est des choses qu’on… qu’on n’a pas l’droit d’être ou de… (silence) de finalement pas avoir d’appartenance. Mais euh… mais, ça, je sais pas si ça vient de… ça doit sûrement jouer de… de… de venir de… de milieux sociaux et de… de milieux culturels différents. »
40Le conflit entre lignées parentales, que les parents soient séparés ou non, peut ainsi conduire à une situation de concurrence des univers normatifs, ce qui peut engendrer une crise identitaire.
41Les enfants de couples mixtes peuvent aussi connaître des troubles identitaires du fait de l’absence de transmission de la part de l’une et/ou l’autre lignée. Celle-ci est parfois due à l’absence de l’un des parents du fait de la séparation du couple parental ou encore du décès de l’un d’eux. Par exemple, Pavel, dont les parents se sont séparés quand il avait dix ans, doute de son identité de Franco-Irlandais du fait de son niveau actuel en anglais. Pavel souligne que, depuis la séparation de ses parents, il parle moins anglais, son père ayant quitté la cellule familiale. La séparation a aussi eu pour conséquence que sa mère ne parle plus anglais à ses enfants. Ainsi, du fait de la séparation, la transmission du père de Pavel à ses enfants s’en est vue diminuée, ce qui a eu un impact sur la définition identitaire de Pavel. Celui-ci fait, tout comme Abigail, un lien très fort entre langue et culture. Ainsi, ne plus parler anglais voudrait dire ne plus être Irlandais. Ce qui le rattache encore à l’Irlande ne serait plus que sa famille, son père en particulier, ainsi que le fait qu’il reste attaché à ce pays qu’il connaît mieux que le Français moyen. On peut ainsi dire, comme l’avaient fait les enfants de couples mixtes rencontrés par D. Lesbet et G. Varro, « sans bilinguisme, point de biculturalité » (Varro et al., 1995, p. 169). L’absence de transmission, tout comme un conflit entre lignées peut donc conduire à une situation de doute identitaire.
42Ainsi, la séparation du couple parental n’expliquerait pas à elle seule les performances scolaires des enfants de couples mixtes. Premièrement, il est important de distinguer entre la structure familiale (famille traditionnelle, monoparentale, ou encore recomposée) et l’événement ayant conduit à cette situation telle la séparation du couple parental ou le décès d’un conjoint (Garib et al., 2007). Deuxièmement, si la séparation du couple parental a un impact sur la réussite scolaire, celui-ci dépend de l’investissement en temps des parents biologiques et des beaux-parents et non pas uniquement de cette séparation (Ségalen, 2006). La séparation du couple parental ou le décès d’un conjoint ne permettent pas d’expliquer à eux seuls l’investissement de chaque parent dans l’éducation de son enfant. De plus, la séparation du couple parental n’est pas synonyme de conflits entre lignées et inversement.
43Une troisième configuration pourrait conduire les enfants de couples mixtes à avoir des difficultés à définir les barrières de leur univers normatif : le fait d’avoir été socialisé dans deux pays différents. La socialisation dans différents pays influence en effet la construction de l’univers normatif de l’individu et ce en fonction de l’âge auquel l’individu a été exposé à telle ou telle culture et de la durée de cette exposition. Une durée d’exposition longue aux univers normatifs de deux pays peut générer une situation de flottement identitaire. Tel semble par exemple être le cas de Julien. Celui-ci a vécu en Allemagne jusqu’à l’âge de vingt ans. Il a été scolarisé en école primaire française puis dans un lycée franco-allemand avant de commencer ses études en Alsace puis de faire une école d’ingénieur en Allemagne. Il décrit son environnement jusque- là comme franco-allemand à dominante allemande. Il a ensuite intégré un grand groupe français et a vécu deux ans en Angleterre dans un environnement à dominante française. Son poste a été rapatrié en France, où il vit depuis. Il a rencontré sa femme, qui est Française, peu après son arrivée en France. Du fait de sa socialisation, Julien se considère Franco-Allemand, c’est-à-dire :
« être les deux, sans jamais être l’un et l’autre, en fait. (acquiescement) Enfin, c’est heu… m… c’est pas.. c’est pas… c’est pas les deux dans leur ensemble. (silence) (acquiescement) C’est… une partie de l’un, une partie de l’autre, (silence) qui fait un troisième. (acquiescement) (rire de J.) Parce qu’on est jamais… Enfin, moi je… je suis… j’me considère jamais comme totalement Français, en fait. Et, j’me suis jamais vu comme un Français à 100 %. (acquiescement) Et j’me suis jamais vu comme un Allemand à 100 %, non plus. »
45Il considère que son identité varie en fonction de son environnement, ceci étant possible du fait de sa mixité. Julien se considère comme un « caméléon » qui peut jouer des rôles différents en fonction de son environnement, si celui-ci est français ou allemand, ou encore dans son couple où il considère important de « fai[re] l’Allemand » afin de pouvoir transmettre la langue et la culture allemande à son fils. Mais, force est de constater que malgré une identité individuelle franco-allemande, Julien est perçu par les Français comme Allemand et par les Allemands comme Français. Il considère qu’il n’a pas le référentiel culturel français ni l’humour des Français de sa génération car il a passé son enfance et son adolescence en Allemagne. Et, en parallèle, le fait de vivre en France depuis plus de dix ans fait qu’il n’est plus très à l’aise avec la langue allemande. Julien se trouve donc dans une situation de flottement culturel qui a pour conséquence qu’il est perçu comme Autre en France et en Allemagne.
46Ainsi, la définition de l’univers normatif des enfants de couples mixtes peut conduire à des troubles identitaires dans trois cas : lorsque l’enfant de couple mixte se trouve dans un entre-deux du fait d’un conflit entre les deux lignées parentales, lorsqu’il connaît cet entre-deux du fait de la multiplicité de ces pays de socialisation et enfin lorsqu’il ne peut pas se rattacher à l’une des lignées du fait de l’absence de transmission de la part de celle-ci. Ce flottement culturel conduisant certains enfants de couples mixtes à connaître des troubles identitaires pourrait avoir un impact sur leurs performances scolaires. À cette situation de tension interne à l’univers normatif de certains enfants de couples mixtes s’ajoute le fait que certains d’entre eux sont stigmatisés.
La visibilité du stigmate et sa gestion par les enfants de couples mixtes
47L’analyse qualitative met en lumière la difficulté d’appréhender le degré de discrimination dans les enquêtes quantitatives et qualitatives car il s’agit de données subjectives issues du discours des enquêtés. Ceux-ci sont rationalisés rétrospectivement dans le but de construire un discours sur soi positif et cohérent. Il apparaît que seulement un enquêté, Bilel, affirme clairement avoir des doutes identitaires du fait de sa stigmatisation. Il se pose de nombreuses questions du fait d’être perçu par certains comme arabe, par d’autres comme français ou encore juif [27]. Il est mitigé dans l’interprétation qu’il doit avoir des différentes manières dont il est perçu. Il aimerait être accepté par les « Arabes » comme étant arabe. « Enfin, j’veux pas qu’on m’exclut de ça quoi ! J’aimerais bien, voilà ! qu’on accepte ce que je suis et cetera. » Mais, en même temps, les Arabes étant discriminés, il se dit que d’être perçu comme Français peut lui éviter d’être discriminé. À ceci s’ajoute le fait que certains pensent qu’il est juif. « Et ça me remet pas mal en question. Ça c’est un truc qui me travaille pas mal par exemple. » Ceci crée donc un doute identitaire. Il aimerait être considéré comme arabe, mais souffre du stigmate dont les Arabes sont victimes. D’après l’une de ses anciennes petites amies, ils « véhicule[nt] un corollaire d’animalité. » Ainsi, Bilel est discréditable et discrédité sans avoir a priori retourné le stigmate. Mais, si le terme d’« arabe » est employé par Bilel dans sa description de situations de discriminations tant en France qu’en Tunisie, il semble retourner le stigmate en se distinguant des Arabes pour se dire berbère. Par cette identification, il se distancie des discrédités et s’affilie à sa lignée paternelle dont certains membres le rejettent. Ainsi, les enfants de couples mixtes rencontrés semblent, à des degrés variables, retourner le stigmate.
48Qu’ils soient discriminés ou non, les enfants de couples mixtes rencontrés ont un discours positif concernant la mixité. Ils disent percevoir positivement la mixité quand bien même celle-ci a pour conséquence de nombreux questionnements identitaires. Ainsi, même si les enfants de couples mixtes sont stigmatisés à des degrés variables, ils peuvent développer une identité narrative positive et cohérente lorsqu’ils répondent à une enquête par questionnaire ou par entretien. Cela dit, certains d’entre eux sont stigmatisés et ce en fonction du contexte d’interaction sociale. Or, l’institution scolaire est l’un des univers sociaux où les enfants de couples mixtes semblent être le plus discriminés. De plus, ceux dont les convictions religieuses réelles ou supposées ne sont pas chrétiennes portent un stigmate plus important.
49La mixité des enfants de couples mixtes peut être la source de stigmatisation de ceux-ci à partir du moment où elle est visible (Goffman, 1963). Or, l’origine mixte d’une personne n’est pas connue dans toutes les situations d’interactions sociales. Certains indices sont dévoilés dès la première rencontre, d’autres nécessitent des interactions plus soutenues. Ainsi, les enfants de couples mixtes dont l’apparence physique est perçue comme française ne sont pas discrédités dans des interactions sociales où leur identité mixte n’est pas dévoilée, avec des inconnus dans la rue par exemple. Le nom et le prénom peuvent dans un contexte de présentation de soi être un indice de l’origine des enfants de couples mixtes. Tel a été le cas de Najib qui s’est senti discriminé lors de contrôles de police une fois que les agents avaient pris connaissance de son nom, de son prénom et de son pays de naissance, l’Algérie. D’autres éléments permettant de mettre à jour les origines des enfants de couples mixtes (l’origine du parent transplanté, les convictions religieuses ou encore le bilinguisme) ne sont connus qu’en situation d’interactions sociales plus régulières avec Autrui, comme à l’école ou avec les pairs. Dans ce contexte, les enfants de couples mixtes sont souvent perçus comme Autres. Il est alors mis en avant « la moitié qui n’est pas identique à la leur ». Annelie est ainsi perçue comme Allemande en France et Française en Allemagne, tout comme Julien. Arno était considéré comme Polonais par ses camarades de classe et Pavel comme Irlandais. Tel est aussi le cas de Najib qui est fréquemment interpellé, lorsqu’un morceau de raï est diffusé, par la boutade suivante : « Et ! C’est ta chanson ! C’est ta musique ! ». Cette remarque le renvoie à ses origines, à l’Autre qu’il représente, alors même qu’il ne se définit pas lui-même comme Algérien. Et cette mise en avant de leur altérité a fréquemment pour cadre l’institution scolaire, comme l’analyse quantitative l’a montré. Faye notamment a été victime de comportements négatifs au lycée, et l’une des cibles était son nom de famille. Sa professeur d’histoire-géographie avait un comportement que Faye qualifie de « raciste » à son égard. Elle parlait des « Turcs-Musulmans » au moment de l’étude de l’Empire Ottoman et ce fixant Faye du regard. Elle avait aussi été critique à l’égard du fait que Faye n’ait pas la Bible chez elle, faisant le lien entre le fait qu’elle ait des origines turques et cela. Elle dépréciait ainsi Faye parce qu’elle la considérait comme musulmane. De plus, elle prononçait mal le nom de famille de Faye alors que celle-ci l’avait corrigée auparavant. Lorsqu’à l’école l’identité d’un individu est niée, celui-ci peut développer des stratégies de protection. Elles peuvent se manifester par « une défiance ouverte et du sabotage » (Cruz-Janzen, 1999). Faye est dans ce cas. Elle a réagi par la provocation à ce moment-là. Ainsi, les enfants de couples mixtes sont fréquemment perçus comme Autres et ce de manière accrue à l’école. Cela pourrait expliquer que leurs chances d’aller à l’université soient moins élevées que les descendants de Français et que les autres sous-populations étudiées dans l’enquête quantitative.
50L’enquête « Histoires de vie » ne permet pas de distinguer les enfants de couples mixtes en fonction de leur affiliation religieuse réelle ou supposée. Or, le rapport de la cncdh de 2003 note qu’un « élément nouveau est apparu dénotant une confusion croissante entre l’hostilité à l’immigration maghrébine, prédominante dans les années 1990, et une hostilité à l’Islam, aux musulmans, avec des amalgames avec la délinquance dans les quartiers dits sensibles, avec le fondamentalisme ou le terrorisme » (Rapport de la cncdh, 2004, p. 15). À cet amalgame s’ajoute le fait qu’une augmentation des chiffres de la violence raciste et antisémite ait été relevée dans les années 2000 (Rapport de la cncdh, 2008, p. 25). L’enquête qualitative confirme que les individus dont l’affiliation religieuse supposée n’est pas chrétienne peuvent être stigmatisés. Faye constate ainsi qu’il existe plus de préjugés à l’égard des musulmans que des catholiques en France. Et si elle habitait en France, elle ne choisirait pas un prénom à connotation musulmane pour ses enfants, parce qu’elle estime qu’il leur serait difficile de s’intégrer. Il en va de même d’Arno dont la connotation juive de son nom de famille a souvent été relevée. Il l’a été dans un sens positif, dans le corps médical notamment, car de nombreux médecins portent ce nom, mais aussi dans un sens négatif. Arno a notamment eu des difficultés à trouver un logement et estime que cela avait un lien avec son patronyme. Il a de plus été mentionné sur internet à la suite de son entrée dans une grande école.
Et à cette époque-là, j’suis apparu dans une espèce de forum bizarre…’fin tu vois dans des forums racistes, en fait, où les mecs balançaient des noms de gens (ton amusé)… de gens a… de, de… de gens avec des noms à consonances bizarres qu’étaient rentrés dans les grandes écoles. Donc y’avait un mec qu’avait épluché tous les entrants à l’x, Science Po et euh… j’sais plus quoi… (acquiescement) hec… ‘fin, j’sais plus. Il avait pris les trois trucs. Il avait chopé tous les noms qu’il estimait bizarre qu’y avait dedans quoi, et euh… moi j’apparaissais [dans] la liste. »
52Il apparaît donc, vu les conclusions de la cncdh et les déclarations des personnes rencontrées en entretiens, qu’il est nécessaire de prendre en compte la religion réelle ou supposée des enquêtés afin d’appréhender au mieux l’étude des discriminations.
53L’analyse qualitative confirme donc que la définition de l’univers normatif des enfants de couples mixtes et leur degré de stigmatisation a un impact sur leurs performances scolaires. Le fait que les enfants de couples mixtes aient moins de chances de faire des études supérieures pourrait être expliqué par les troubles identitaires que peuvent connaître certains en situation de socialisation dans deux pays, de conflit parental ou d’absence de transmission de la part d’une lignée. Les enfants de couples mixtes peuvent vivre dans un univers normatif dont les limites ne sont pas clairement définies. Cela serait fonction à la fois du pays de socialisation de l’individu, de sa trajectoire migratoire et de celle de ses parents, mais aussi des rapports conjugaux du couple parental. Ces derniers seraient influencés par l’attachement de chaque parent à son groupe d’origine, le sexe du parent transplanté, la catégorie sociale et les rapports de domination intergroupe. Il apparaît donc que l’univers normatif des enfants de couples mixtes est défini selon des influences multiples qu’un modèle logistique peut difficilement traduire. Et il est tout aussi difficile d’inclure des variables relatives au stigmate du fait du caractère subjectif de ce dernier. Les enquêtés rationalisent leur expérience vécue afin de construire une identité narrative positive et cohérente. Cela dit, il apparaît de ces mêmes discours que les enfants de couples mixtes seraient perçus comme Autres par leurs pairs et surtout dans le cadre de l’institution scolaire. Ce stigmate serait renforcé lorsque les convictions religieuses réelles ou supposées des individus ne sont pas chrétiennes.
Conclusion
54Ainsi, l’analyse logistique met en avant que les enfants de couples mixtes auraient moins de chances de faire des études supérieures que les autres sous-populations. Mais la part des enfants de couples mixtes faisant des études supérieures est équivalente à celle des autres sous-populations. Ceci serait dû principalement à leur milieu socio-économique d’origine, celui-ci étant plutôt favorisé. Mais avant de conclure que les performances scolaires des enfants de couples mixtes sont moins bonnes que celle des autres populations, il serait nécessaire d’analyser leurs performances scolaires à partir d’autres variables telles le diplôme obtenu ou encore le type d’établissement d’enseignement supérieur fréquenté [28]. En effet, comme l’a mis en lumière I. Tucci, le niveau d’études n’est qu’un élément parmi d’autres permettant d’évaluer la réussite scolaire d’une population. Le type de diplôme, plus que le fait d’avoir suivi ou non des études supérieures, est en effet l’un des éléments permettant une bonne insertion professionnelle.
55Les résultats présentés ici permettent de mettre en lumière les différences existant entre deux populations souvent confondues dans les enquêtes statistiques : les enfants de couples mixtes et les descendants d’immigrés. Or, les premiers se distinguent des seconds sur plusieurs points : la langue maternelle, les convictions et pratiques religieuses, ou encore les chances de faire des études supérieures. Ce dernier élément pourrait être expliqué par la moindre mobilisation familiale quant aux performances scolaires des enfants dans les familles mixtes que dans les familles immigrées. Mais cela n’explique pas pourquoi les enfants de couples mixtes ont moins de chances de faire des études supérieures que les descendants de Français. Cet écart en la défaveur des enfants de couples mixtes pourrait être dû pour certains d’entre eux au mode de définition de leur univers normatif et pour d’autres au stigmate qu’ils portent.
56Premièrement, la définition de l’univers normatif des enfants de couples mixtes a été analysée. Celle-ci est le produit d’influences multiples et en premier chef celles du pays de socialisation et celles inhérentes à la famille mixte. L’univers normatif du pays de résidence semble dominant. Les individus socialisés dans différents pays ou dans une famille où deux univers normatifs étaient mis en concurrence du fait d’un conflit parental seraient en situation de flottement culturel. Cela dit, tous les enfants de couples mixtes n’ont pas été socialisés dans une famille où régnait le conflit. Dans certaines, un univers normatif domine, ce qui peut aussi engendrer des troubles identitaires. Dans d’autres, un nouvel univers normatif émerge.
57Deuxièmement, l’impact du stigmate à l’égard des enfants de couples mixtes sur leurs chances de faire des études supérieures a donc été testé. Force est de constater qu’il est extrêmement difficile d’évaluer de manière quantitative le degré de stigmatisation des enfants de couples mixtes et la gestion de cet éventuel stigmate, notamment du fait du discours sur soi produit lors de l’interaction enquêteur-enquêté. Il apparaît néanmoins que les enfants de couples mixtes, tant d’après les résultats de l’enquête « Histoires de vie » que d’après ceux de l’enquête qualitative, seraient discriminés du fait de leur altérité et ce surtout à l’école, ce qui pourrait expliquer qu’ils aient moins de chances de faire des études supérieures. De plus, l’analyse qualitative confirme que les individus dont les convictions religieuses réelles ou supposées ne sont pas chrétiennes porteraient un stigmate plus fort que les autres.
58Les hypothèses émanant de la théorie de l’homme marginal doivent donc être nuancées. En effet, tous les enfants de couples mixtes ne sont pas à la fois des « hybrides culturels » et discriminés du fait de la visibilité de leur mixité. De plus, l’évolution de la société d’accueil en contact avec des migrants seule ne permet pas d’expliquer l’émergence de troubles identitaires chez les enfants de couples mixtes. La trajectoire migratoire des enfants de couples mixtes, leur environnement direct et surtout le lien de filiation sont des éléments à prendre en compte dans l’étude de leurs performances scolaires.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : univers normatif, réussite scolaire, identité, stigmate, liens sociaux, mixité
Mise en ligne 18/05/2011
https://doi.org/10.3917/socio.021.0051Notes
-
[*]
Doctorante à l’eri s (cmh), allocataire de recherche à l’ehess
48, boulevard Jourdan – 75014 Paris
anne.unterreiner@gmail.com -
[1]
Les membres du réseau d’excellence equalsoc sont vivement remerciés pour les commentaires avisés qu’ils ont faits et qui ont permis d’affiner l’analyse présentée ici. Ces commentaires ont été effectués de manière formelle lors des présentations faites au moment de la réunion de l’équipe dirigée par G. Boudesseul « Diplomas: Expectations and Returns » (Paris, mars 2009) et lors de la session plénière animée par I. Kogan de la conférence du groupe educ (Tallinn, juin 2009) et de manière informelle par L. A. Vallet lors de la rencontre du groupe soccult (Paris, octobre 2009). Je tiens aussi à remercier S. Paugam ainsi que le Comité de lecture de la revue Sociologie d’avoir relu et commenté différentes versions de cet article.
-
[2]
R. E. Park et E. V. Stonequist emploient le terme « mixed blood ».
-
[3]
L’origine sociale des enquêtés est contrôlée.
-
[4]
Les métis sont ici distingués des enfants de couples mixtes, les premiers ayant des parents définis socialement comme formant un couple mixte racialement parlant, ce qui n’est pas le cas de tous les enfants de couples mixtes.
-
[5]
Ces deux enquêtes constatent un stress plus élevé des métis à partir de la même base de données, « Add Health » (1994-1995), mais en ayant une définition différente de la population mixte. Alors que T. M. Cooney et al. expliquent ce stress par la stigmatisation des métis, J. R. Udry et al.
estiment que rien ne permet d’émettre une telle conclusion à partir des informations disponibles dans la base de données. -
[6]
En fonction des enquêtes, il peut s’agir des enfants de natifs, des descendants d’immigrés ou encore des personnes « blanches », « noires » ou « asiatiques ».
-
[7]
La France n’a pas pu être inclue dans l’étude de la réussite scolaire des migrants et de leurs descendants, parce que les questions relatives à l’origine des enquêtés n’ont pas été posées dans ce pays.
-
[8]
Terme emprunté à G. Varro.
-
[9]
Les enfants de couples mixtes ayant deux parents étrangers n’ont pas été inclus dans la présente analyse du fait de la faiblesse des effectifs.
-
[10]
Voir Meurs et al., 2006, p. 767 par exemple.
-
[11]
Julien a d’abord été en école primaire française, puis en école franco-allemande en Allemagne jusqu’au baccalauréat. Il a ensuite étudié deux ans en France, avant de finir ses études supérieures en Allemagne. Il a repris ses études en France après avoir travaillé plusieurs années et est étudiant au moment de l’entretien.
-
[12]
Souligné dans le texte.
-
[13]
Cela dit, il existe des différences concernant les autres niveaux d’études. Celles-ci peuvent s’expliquer du fait de l’âge des enquêtés, les enfants de couples mixtes et les descendants d’immigrés étant plus jeunes, et du pays de scolarisation.
-
[14]
Ce tableau a été construit à partir d’une question relative au niveau d’études atteint par les enquêtés. La classification opérée par les auteurs de l’enquête est la suivante : « N’a jamais fait d’études », « A arrêté ses études, avant la dernière année d’études primaires », « Dernière année d’études primaires », « 1er cycle d’enseignement général », « 2e cycle d’enseignement général », « Enseignement technique ou professionnel court », « Enseignement technique ou professionnel long », « Enseignement supérieur y compris technique supérieur ». Une variable synthétique a été
créée sans distinguer entre cycle technique ou professionnel et cycle général concernant le baccalauréat, cette distinction n’ayant pas été faite au niveau des études supérieures par les auteurs de l’enquête. Cette question portant spécifiquement sur le niveau d’études atteint, les enquêtés étudiants au moment de l’enquête dans le Supérieur ont été inclus à l’analyse. -
[15]
Les individus dont les parents sont nés à l’étranger avec la nationalité française ont été exclus de l’analyse. Leur socialisation peut être à la fois différente de celle des individus socialisés en France et de celle de ceux nés à l’étranger avec des parents étrangers. Parmi eux, il n’est pas possible de distinguer entre enfants d’expatriés, de harkis, de colons ou encore de colonisés du Sénégal ou d’Algérie ou de toute autre ancienne colonie française.
-
[16]
Étant donné le nombre important de mères sans activité professionnelle, la catégorie sociale des mères n’a pas été intégrée dans l’analyse. De plus, ni le niveau d’études des parents ni leur niveau de revenus ne sont renseignés dans l’enquête « Histoires de vie ».
-
[17]
Tous les résultats relatifs aux modèles logistiques sont des résultats contrôlant les autres variables mentionnées dans le modèle, « toute chose égale par ailleurs ».
-
[18]
Le sexe, la pcs du père, le diplôme des parents, l’activité de la mère, la structure parentale, l’âge d’entrée en sixième, la situation scolaire, le redoublement au collège et/ou au lycée ou pas sont contrôlés.
-
[19]
Notons que cette question est rétrospective. La mémoire des personnes interrogées entre ainsi en ligne de compte. L’oubli, ou la reconstruction mémorielle peuvent influer sur les réponses données.
-
[20]
Il ne faudrait pas conclure de ce résultat un quelconque degré de bilinguisme. Il n’est donc pas possible d’intégrer cette variable à l’étude de la réussite scolaire des enfants de couples mixtes et de voir si le bilinguisme a un impact sur les performances scolaires.
-
[21]
Il a été demandé aux personnes interrogées dans le cadre de l’enquête « Histoires de vie », « Aujourd’hui, diriez-vous que par rapport à la religion, vous avez : une pratique religieuse régulière (au moins une fois par mois) ; une pratique religieuse occasionnelle (hors mariages, baptêmes et enterrements) ; pas de pratique, mais un sentiment d’appartenance à une religion ; ni pratique ni sentiment d’appartenance ; un rejet de la religion ; ne sait pas ou préfère ne pas répondre ». Il n’a pas été demandé de quelle religion il s’agit.
-
[22]
Une variable de synthèse a été créée à partir des réponses données aux questions suivantes : « Est-il déjà arrivé que l’on se moque de vous, que l’on
vous mette à l’écart, que l’on vous traite de façon injuste ou que l’on vous refuse un droit à cause… De votre âge ? De votre sexe ? De votre santé, d’handicap que vous avez ? De la couleur de votre peau ? De votre poids, taille ? De votre tenue vestimentaire, look ? Du lieu où vous vivez ? De votre région ou pays d’origine ? De votre situation professionnelle, niveau d’instruction ? De votre nom, prénom ? De votre façon de parler ? De votre situation de famille ? Des caractéristiques de vos proches ? De votre orientation sexuelle ? De votre appartenance à une organisation politique, syndicale ? De vos opinions politiques, syndicales ou religieuses ? D’une autre caractéristique ? » Il était possible aux enquêtés de déclarer avoir subi plusieurs discriminations. -
[23]
37 % des personnes ayant déclaré avoir subi un comportement négatif ayant eu des conséquences sur leur vie (hors non réponses) ont déclaré que ce comportement avait eu lieu à l’école (Algava & Bèque, 2006, p. 121).
-
[24]
Commission nationale consultative des droits de l’homme.
-
[25]
Notons que les auteurs de l’enquête « Histoires de vie » insistent sur le fait qu’il ne s’agit que de déclarations de discriminations, du sentiment subjectif d’avoir été discriminé et non pas d’une mesure des discriminations réelles subies par les personnes interrogées. En effet, rien ne nous permet de confronter ces déclarations avec des données objectives. Par exemple, la couleur de la peau n’a pas été demandée aux personnes interrogées, ni les raisons d’un
comportement négatif du fait du nom ou du prénom. Une personne peut avoir été discriminée parce qu’elle n’était pas assez bronzée après l’été ou parce qu’elle s’appelait Mégane Renault. Les résultats obtenus avec cette enquête concernant les discriminations raciales sont donc à nuancer. -
[26]
Voir notamment Tribalat et al., 1996 ; Simon, 2003 ; Houseaux & Tavan, 2005.
-
[27]
Le grand-père paternel de Bilel est décrit par celui-ci comme étant « juif-polonais ».
-
[28]
Il serait intéressant de distinguer par exemple entre : université, grandes écoles, iut et cpeg.