Notes
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[1]
On peut se le procurer par exemple dans Le Monde du 25 novembre 1999.
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[2]
Godard avait-il lu Weber ? On peut le supposer. Ce dernier propose dans sa célèbre conférence sur « La vocation de l’homme politique » prononcée en 1919 (Weber, 1959) une typologie des manières de faire de la politique : soit on vit pour la politique, soit on vit de la politique. Si l’on poursuit la lecture, les mêmes reproches sont adressés aux professionnels de la politique par Weber : toutes les luttes partisanes ne sont pas uniquement des luttes pour des buts objectifs mais surtout des rivalités pour contrôler la distribution des emplois (p. 115). De ce point de vue, les partis apparaissent aux yeux des adhérents comme une sorte de tremplin qui leur permettra d’assurer l’avenir (poste, salaire, logement, passe droits divers) (p. 116). Sans le sentiment de l’honneur dans la formation des fonctionnaires, « nous serions menacés d’une effroyable corruption et nous n’échapperions pas à la domination des cuistres « (p. 117).
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[3]
À notre connaissance, c’est un sujet totalement vierge en sociologie.
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[4]
Près de 2 000 articles ont été dépouillés dans la presse généraliste ou non, nationale ou non, quotidienne ou non. Pour les résultats complets, voir Béra, 1998, p. 255 et s. Sur les hypothèses visant à rendre compte de ces écarts, cf. le chapitre 3.
-
[5]
Sur la dimension fondamentale de la « visibilité » dans le monde de l’art, voir Moulin 1992 et son enquête sur les artistes ou récemment le rapport d’Alain Quémin, (Quémin, 2001) et la variable « réputationnelle ». Dans le même esprit, voir les économistes de la culture (Rouget et Duvaroux 1996) qui développent le critère de « notoriété ».
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[6]
Sur cette période historique, nous renvoyons à notre thèse, Béra, 1998, chapitre 1 et aux nombreuses références bibliographiques restituées, le plus souvent anglo-saxonnes. Notamment Richard Wrigley, 1995, le plus exhaustif sur la question.
-
[7]
Sur la notion de règle et les dimensions auxquelles elle peut renvoyer (règle théorie, règle régularité, ou règle normée), nous renvoyons à Bourdieu (1972), mais aussi Bouveresse (1995) commentant Wittgenstein et Bourdieu.
-
[8]
Les pourcentages « exacts » sont difficiles à cerner : si 20 % ont reçu une formation au journalisme (Neveu, p. 23), seulement 12 % des journalistes titulaires de la carte étaient par l’une des huit écoles reconnues par les conventions collectives (ibid., p. 24).
-
[9]
Association Internationale des Critiques d’Art, patronnée par l’unesco, qui possède de nombreuses sections nationales. Elle est ancienne (1948), internationale et relativement connue. Elle décerne un prix de la critique, organise pour ses adhérents des congrès annuels dans le monde. Chaque section a un président, un vice-président, un secrétaire général, un trésorier et un bureau d’une dizaine de membres. La section française rassemble près de trois cents critiques.
-
[10]
Les trois leçons sur la morale professionnelle, dispensées entre 1890 et 1900 à Bordeaux, furent publiées par Marcel Mauss dans la Revue de métaphysique et de morale en 1937 (Durkheim, 1969).
-
[11]
Une tentative d’inscrire cette pratique dans la législation échoua en 1909 (après un vote favorable au Sénat), qui consistait à la soustraire au droit commun de la presse sur la question du droit de réponse.
-
[12]
Pour plus de précision, Béra, 1998, chapitre 2.
-
[13]
Pour plus de précision, on peut se reporter au livre du critique d’art Pierre Cabanne, 1993, p. 116 et s.
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[14]
Sur la question du droit comparé de la critique et de la publicité et de ses conséquences sociologiques, nous renvoyons à un article à paraître prochainement.
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[15]
« bien hardis sont les annonceurs qui osent se lancer dans l’aventure d’une telle publicité tant sont multiples les risques de procès » (Calais-Aloy, 1996, p. 123). On tient là l’exemple d’une « hyper régulation », qui correspond dans Le Suicide de Durkheim au suicide fataliste.
1Pour qu’une institution régulatrice soit légitime, valide ou acceptable (ces termes sont quasiment synonymes), elle doit elle-même être régulée. Il faut penser, pour s’en convaincre, aux institutions financières (cob) et surtout monétaires (Banques Centrales) des économies capitalistes : de leur stricte réglementation dépend l’efficacité de leur fonction d’arbitrage et de créditeur en dernière instance. Elles sont encadrées par un corps de règles garanties par des sanctions.
2À son échelle et au sein du secteur artistique, la critique est aussi une institution régulatrice : elle impose/propose ses vues sur les expositions, œuvres et ouvrages soumis aux publics, elle participe à la distribution de récompenses (bon article, éloges, prix avec jury…) et des sanctions (silence, articles négatifs…), à la production de la valeur des biens. Elle est, à sa manière, une « banque de crédit ». On peut se référer au passage très suggestif de Pierre Bourdieu quand il file l’analogie monétaire dans sa description du champ artistique : « Il faudrait reconstituer la circulation des innombrables actes de crédit qui s’échangent entre tous les agents engagés dans le champ artistique ». Il assimile dans ce passage le pouvoir de consécration à la monnaie fiduciaire et utilise le terme de banque centrale qui constitue la « caution ultime de tous les actes de crédit » (Bourdieu, 1992, p. 319-320).
3Pourtant, si l’on étudie la critique d’art dans la presse, on est frappé par deux choses : d’un côté, le peu de crédibilité qui l’entoure et l’état de crise structurelle qui la caractérise. D’autre part, l’extrême indigence des règles internes (professionnelles et déontologique) et la quasi absence de règles externes (juridiques) qui l’encadrent.
4L’hypothèse que nous voudrions développer ici est la suivante : la « crise de légitimité » de la critique (littéraire, artistique, cinématographique, etc.) est compréhensible à condition de la mettre en relation avec la faiblesse des règles internes et externes qui s’imposent à elle.
La crise de légitimité de la critique d’art
5La courte polémique qui s’est développée en 1999 contre la critique cinématographique est une manifestation de cette mise en crise régulière de la critique, quelque soit le domaine culturel. Loin d’être une rengaine sans raisons, elle exprime des problèmes réels. Le texte collectif [1] produit par l’arp (les Auteurs, Réalisateurs et Producteurs) mérite d’être lu avec attention, car il est représentatif des reproches adressés par les artistes aux critiques depuis qu’ils existent. L’un des registres de cette « la critique de la critique » concerne est l’absence de régulation interne de la profession, alors que « toute liberté entraîne des devoirs », rappelle le collectif. Il est reproché aux critiques de cinéma « la volonté de pouvoir », « le désir d’intégrer des commissions », « de siéger au cnc », de « briguer des postes honorifiques, à l’avance sur recettes, à la sélection de Cannes, au Comité des Oscars ». Les auteurs du texte reprennent une citation de Godart : « [les critiques] ne vivent pas pour le cinéma, ils vivent du cinéma » [2].
6Ce qui nous intéresse directement ici concerne la demande d’un supplément de règles, tantôt générales (« un pacte de bonne coexistence, de compréhension et de déontologie »), tantôt précises (« nous souhaitons qu’aucune critique négative de film ne soit publiée avant le week-end qui suit sa sortie en salles pour laisser sa chance au bouche à oreille. »)
7Récemment, Cyril Lemieux (2000) a recensé et analysé les critiques adressées aux journalistes depuis deux siècles par « défauts de régulation du travail journalistique ». Il a pu mettre en relation ces deux éléments : crise de légitimité et manque de régulation professionnelle. Dans le catalogue exhaustif de ce qui est reproché de tous temps aux journalistes, on trouve pêle-mêle : leur superficialité et leur prétention, leur irresponsabilité et leur partialité, leur immoralité et leur dépravation, leur soumission aux puissances de l’argent et, pour finir, leur inauthenticité… Les mêmes thèmes sont souvent convoqués contre les critiques littéraires, les critiques d’art, dont la naissance est liée à la presse et au monde du journalisme. Nous avons pu montrer ailleurs toutes les difficultés rencontrées par les premiers critiques d’art pour imposer leurs jugements, au point que certains déposèrent les armes et abandonnèrent leur plume. La Font de Saint-Yenne, considéré comme le premier d’entre eux, est davantage connu pour les réactions qu’il a pu susciter en critiquant le Salon que pour ses critiques elles-mêmes. La plupart de temps, les critiques du xviiie siècle devaient (quand ils signaient les articles !), consacrer la plus grande partie de leur espace à justifier leur décision de critiquer !
Une critique qui ne critique pas ou peu : un indicateur de crise de légitimité ?
8Un symptôme de crise de légitimité doit être recherché du côté des phénomènes d’autocensure, en tant qu’ils manifestent une incapacité de la critique à assumer son rôle régulateur dans sa dimension négative : un critique qui n’ose plus sanctionner publiquement constitue-t-il toujours une instance de régulation ?
9Il est vrai que l’autocensure est particulièrement difficile à étudier puisqu’elle est par définition invisible aux acteurs eux-mêmes [3]. Il faut la traquer dans les entretiens ou inventer un indicateur (très indirect) pour l’approcher. Nous en proposons un, qui consiste à mesurer le « taux de critique négative ». L’idée est la suivante : la faiblesse des critiques négatives indique un niveau important d’auto-censure dans la mesure où l’on n’ose pas s’en prendre publiquement à autrui.
10L’un des résultats de notre recherche est le suivant : la proportion de critiques négatives, entendue au sens large (toute expression d’un mécontentement) est relativement modeste : en moyenne, elle représente 10 % des articles lus, avec des écarts en fonction des critiques et des supports (de 32 % pour Hervé Gauville à Libération à 0 % pour France Huser au Nouvel Observateur ; de 10 % pour Art press à 0 % pour Le Progrès [4].) Si l’on considère que la « véritable » critique négative est celle qui s’en prend frontalement et nommément à l’œuvre d’un artiste vivant, alors le taux moyen passe sous la barre du 1 % !
11Certains supports (et certains critiques) évitent clairement la critique négative : les news magazine (hebdomadaires généralistes), la presse « populaire », la presse régionale et les médias grand public (la télévision). D’autres, minoritaires, se prêtent plus volontiers à cette pratique : la presse quotidienne nationale généraliste (Le Monde et Libération), ou la presse spécialisée, contrairement à certaines idées reçues (Beaux-arts magazine, Art-press).
12Parmi les raisons invoquées par les acteurs pour expliquer ou justifier la faible proportion de critiques négatives, la réduction de l’espace imparti revient souvent. L’espace critique est en diminution constante, qu’aucun spécialiste n’a mesuré de manière précise, mais que les acteurs ressentent, qui doivent souvent se reconvertir dans la présentation d’événements culturels, d’artistes, d’ouvrages, démontrant ainsi qu’ils ont intériorisé la norme promotionnelle et abandonné toute velléité de marquer régulièrement des différences :
« Il n’y a pas beaucoup de place, un journal c’est finalement étroit, petit, la création contemporaine est si importante… y’a tellement de gens qu’on a envie d’aider, de promouvoir, de faire connaître, la place manque pour d’un seul coup faire un grand papier démolissant. »
« On vit dans un contexte aujourd’hui dans lequel tout ce qui relève de l’évaluation est de plus en plus difficile à imposer dans la grande presse […]. Vous remarquerez que la place de ce qu’on appelle les avant-papiers dans la grande presse en général est très importante puisque l’on vit dans un espace de plus en plus médiatisé, y’a une demande sur les gens connus, y’a un appel de la notoriété qui fait que avant même l’événement, avant l’exposition, le grand film, la grande pièce etc. Les gens ont besoin qu’on leur en parle. Alors là y’a toute la gamme, de l’information, l’interview, avec tel acteur, tel metteur en scène, tel galeriste, tel artiste, etc., et ensuite, la critique. Y’a une grande différence. L’espace de la critique est infime. Cette confusion qui s’établit entre les deux est un petit peu moins grande [quand] y’a une séparation, une distinction dans la présentation entre ce qui est critique et ce qui est tout le reste, information promotion… puisque les critiques sont présentées sous forme d’encadrés en fermeture de page, que ce soit musique, théâtre ».
« Je pense qu’il faut voir ce que c’est un journal, c’est quand même une entreprise qui marche avec la publicité […]. Regardez la page « Arts », la pub est désastreuse ! Que déjà on ait une page par semaine dans un journal, je pense que c’est une survivance du passé, c’est une chance […]. Il n’y pas de pub donc c’est pas rentable pour la journal. Je pense que dans les années qui viennent on va voir ça se restreindre. »
« Regardez la place de la culture, c’est ça qui me paraît le plus grave, dans les hebdos, notamment les hebdos d’actualité, ça devient de plus en plus petit, c’est ça qui est terrible, y’a pas d’hebdo culturel. »
Le silence : indicateur de critique négative ou autocensure des critiques ?
17Nombreux témoignages s’accordent sur cette réalité : le silence est une « arme » redoutable et essentielle des critiques pour « réguler » la production culturelle (i.e. pour « sanctionner »). Dans la mesure où chacun doit avant tout être visible, l’enjeu fondamental est d’être signalé [5]. Cependant, le silence est aussi une solution de facilité, tant il est plus risqué d’exprimer publiquement un jugement négatif que de ne rien en dire. La question, extrêmement complexe à trancher, devient la suivante : quand les critiques décident de ne rien dire plutôt que de critiquer, le font-il parce qu’ils n’ont pas l’autorité suffisante pour le faire ?
18La seule façon d’approcher la réalité est de les questionner et de regrouper les raisons des choix. Il s’avère que les motivations des silences renvoient davantage à des contraintes d’espace plutôt qu’à des choix positifs. Étant donné l’espace réduit qui est laissé pour exprimer les critiques, la plupart préfèrent l’utiliser pour présenter aux lecteurs des œuvres, des artistes, des expositions et des événements qui leur ont plus, quitte à se taire sur ce qui ne leur a pas plu.
— « En fait, vous préférez la technique du silence ?
— ce n’est pas une technique. Encore une fois, on a une page pas semaine… »
20Quand les critiques ont des remarques à formuler, ils préfèrent les taire, surtout lorsqu’il s’agit de jeunes artistes encore peu connus. Sur les 200 articles négatifs recensés pour notre enquête, seulement 42 concernaient des artistes vivants et 14 des artistes encore relativement méconnus. On tombe donc à 0,7 % de tous les articles. Cela se vérifie aussi bien chez un critique critique que chez un critique non critique :
« Je n’écris pas d’articles désobligeants sur un jeune artiste qui en est à ses premières expositions. Ce serait aberrant, ça ne servirait à rien. Si vraiment il y a réticence sur le fond, il vaut mieux s’en expliquer directement avec lui ».
« Pour un jeune artiste qui démarre, qui a du mal à accrocher, qui est fragile, je ne vois pas l’intérêt de faire une critique négative. Il vaut mieux valoriser les gens chez qui l’on sent qu’il y a quelque chose d’intéressant, plutôt que d’enfoncer quelqu’un qui n’est pas forcément doué. Moi, je préfère faire des critiques positives […]. Il faut savoir tempérer son humeur, il y a des jours où l’on sait qu’on va trouver tout moche, alors on s’abstient, ça s’apprend ! »
L’indigence des règles qui s’imposent à la critique d’art
23Ayant proposé quelques indicateurs de ce qui nous paraît constituer des preuves d’une légitimité mal assurée, il nous semble important d’en venir à des hypothèses explicatives, dès lors qu’on décide de se placer du point de vue des règles, comme cela a été proposé en début d’article, en considérant que la crise de la critique est sans doute liée au fait qu’elle est peu réglementée.
L’absence manifeste de régulation interne de la critique d’art
24La sociologie des professions montre, depuis Weber, que l’entrée dans une communauté (professionnelle par exemple) est un mode fondamental de régulation pour la qualification de ses membres. Les professions peuvent se distinguer en fonction des modalités de la codification des entrées (stricte ou non).
25Alors qu’il existe des écoles et des formations supérieures d’artistes, dont on connaît l’influence grâce à certaines enquêtes et en dépit du discours consistant à se faire passer pour un autodidacte (Moulin 1992), il n’existe aucune école de la critique. Pourtant, la question de la compétence, et donc de la qualification, fut posée dès l’origine de la critique d’art publique au xviiie siècle : d’où parlaient ceux qui s’autorisaient à porter des jugements sur les productions artistiques ? Qui étaient-ils pour s’autoriser à émettre des jugements publics sur un art complexe ? [6]
26Les artistes ont longtemps estimé que les critiques devaient sortir de leur propre rang, ce qui explique que les premiers furent des académiciens. Aujourd’hui, ce cas de figure est exceptionnel, ce qui est le signe d’une autonomisation de la critique (et donc de son indépendance).
27S’il n’existe pas, aujourd’hui, de qualification professionnelle certifiée pour devenir critique, on peut néanmoins découvrir des régularités dans l’origine universitaire des critiques [7] : ils sont souvent issus des universités de sciences humaines, avec une prédilection pour l’histoire.
28Il faut mettre en parallèle cet ordre de fait avec les efforts qui ont été réalisés pour formaliser les règles d’entrée dans la profession journalistique. Si les écoles de journalisme ne parviennent pas à satisfaire l’immense demande de journalistes (1 000 par an entre 1980 et 1990, passaient de 16 à 26 000), elles fournissent des pourcentages non négligeables de journalistes (6 % des journalistes en 1963, 20 % en 1973, 13.4 % en 1990, 20 % en 2000 [8]) (Charon, 1993 et Neveu, 2001). Les critiques de la presse n’ont pas suivi ce mouvement et ont exceptionnellement une formation journalistique.
Quelle organisation professionnelle ?
29On sait, d’autre part, que les journalistes ont réussi à faire inscrire dans la loi (de 1935) la définition de leur pratique, leur permettant de se définir par rapport aux « amateurs » (Lévêque, 1996, 2000). De même, il existe une commission nationale qui distribue (ou supprime) les cartes de presse (Charon, 1993). Qu’en est-il des critiques ?
30Certains possèdent une carte de journaliste quand ils sont titulaires d’un poste fixe au sein d’une rédaction, mais ce cas n’est pas général, loin s’en faut (exemple : Hervé Gauville à Libération).
31Beaucoup de pigistes ou critiques irréguliers écrivent, critiquent, sans pour autant posséder la moindre accréditation professionnelle. Il existe une association professionnelle (l’aica [9]) qui délivre ce qu’il faudrait appeler un erzatz de carte de presse. Celle-ci a davantage pour fonction de leur permettre d’entrer gratuitement dans les lieux d’exposition et de bénéficier de quelques avantages (dons de catalogues), que d’accréditer leur appartenance à la corporation des journalistes professionnels.
32La mission de l’aica est en outre très générale : il s’agit de la « diffusion internationale de la culture » (dans le cadre de l’unesco). On est très loin des questions concrètes. Quand on pose la question des missions de cette association professionnelle à son membre dirigeant, on ne peut que s’étonner de la mollesse des motivations au fondement de sa charge :
« Il faut toujours des responsables dans les associations […]. Ce n’est pas une responsabilité énorme, mais pour moi ça a un sens parce que je pense qu’il ne faut pas que ce type d’association disparaisse, parce que c’est important que les critiques d’art existent […]. Ce n’est pas une charge énorme, mais quand même, de temps en temps, il faut que j’écrive une lettre, que j’organise un truc, bon ça prend un peu de temps. »
34— C’est quoi les missions principales ?
35— Il s’agit de faire vivre cette association de manière à ce qu’il y ait de nouveaux critiques qui rentrent. Déjà, c’est important, parce qu’ils paient des cotisations, et puis on essaie d’organiser des rencontres parmi ces gens […]. On a fait une visite à Lyon pour la Biennale, on essaie de monter trois ou quatre manifestations…
36Force est pourtant de constater qu’en dehors de la distribution de la (fausse) carte de presse, l’aica ne cherche ni ne parvient à réguler grand chose dans le (petit) monde de la critique d’art. Ainsi, sur des questions aussi importantes que celle des relations critiques/artistes, critiques/acteurs du marché, critiques/tarifs des papiers, elle n’a jamais pu imposer la moindre règle ni a fortiori imposer la moindre sanction à ses adhérents.
— « L’aica peut défendre les critiques en cas de litiges. Elle fixe le taux de rémunération pour les préfaces.
— C’est suivi ?
— Ce n’est pas suivi… le problème essentiel, c’est que la presse d’art ne respecte absolument pas. Comme personne ne le fait, personne ne peut le faire. C’est un cercle vicieux… »
38L’une des (multiples) questions qui se pose régulièrement concerne la rédaction de préfaces, car celles-ci constituent l’un des éléments manifestes d’une relation privilégiée — et souvent financière, donc contractuelle — entre un critique, un artiste et une galerie. Or cette relation privilégiée n’exclut pas un article dans la presse sur le même artiste, ce qui relativise « l’indépendance » de la critique et accroît les phénomènes d’autocensure :
« Quand on les connaît bien, on connaît leur réaction, on se censure encore plus. On ne peut pas se permettre d’écrire encore contre eux si on veut rester amis avec eux […]. Si j’appréciais moins ce qu’ils font, je m’arrangerais pour ne pas écrire sur eux du tout. »
40Faut-il ajouter que le fait de ne pas appartenir à cette association ne constitue en soi nullement un caractère discriminant ? Certains critiques d’art, parmi les plus en vue, s’en moquent franchement :
— « Vous êtes membre de l’aica ?
— Cette confrérie de vielles barbes ! (rires) Je trouve que c’est tellement ringard !
— Parce que y’a plein de gens qui y sont…
— Oui, je sais, mais ça ne sert à rien, je vois pas pourquoi je prendrais ma carte de l’aica (rires aux éclats), je vois pas l’intérêt ! »
— J’ai remarqué que vous n’étiez pas à l’aica …
— La quoi ?
— L’association internationale des critiques d’art…
— J’aime pas trop ce genre de truc, parce que moins je vois mes confrères et mieux je me porte. Si j’estime à un moment qu’il y a un problème grave par rapport à la profession, je m’intéresserai. Je pense qu’il n’y en a pas, donc je ne m’intéresse pas.
— En dépit de tout ce qu’on dit sur les critiques, leur mauvaise réputation…
— C’est peut-être vrai, je sais, mais c’est pas parce qu’il y aura une association de machins que ça changera quelque chose !
— Vous connaissez l’aica ?
— Bien sûr !
— Vous en êtes membre ?
— Non, à moi en tant que personne, ça ne me sert à rien…
— Est-ce que ça sert, l’aica ?
— Non, je ne crois pas trop. Moi, mes auteurs, qu’ils soient à l’aica ou non, je m’en fiche, c’est la qualité de l’écriture plus que la présence à l’aica. C’est un bon outil je pense pour fédérer ou réunir tous les critiques, c’est une carte internationale, ça permet de rasseoir la fonction du critique, mais en tant que rédacteur en chef, je n’ai jamais cherché à savoir si les gens avaient une carte ou non.
44Durkheim avait dispensé une série de cours [10] sur la morale professionnelle dans lesquels il développe des questions qui nous paraissent pouvoir concerner notre propos : « La morale professionnelle est d’autant plus développée que les groupes professionnels eux-mêmes auront plus de consistance et une meilleure organisation […]. Mais une morale ne s’improvise pas. Elle est l’œuvre du groupe même auquel elle doit s’appliquer. Quand elle fait défaut, c’est que le groupe n’a pas une suffisante cohésion, qu’il n’existe pas assez en tant que groupe […]. Si l’activité est abandonnée aux individus, elle ne peut être que chaotique, s’épuiser en conflits. Il faut que l’activité se socialise, se règle » (Durkheim, 1969, p. 47, 52 et 62)
45Ces propos, bien que datant de la fin du xixe, nous paraissent très bien convenir à la situation des critiques. Car enfin, quelle morale, quelles règles, quels mécanismes régulateurs si ? La « morale professionnelle » des critiques est très indigente au plan collectif et ne relève que de règles individuelles ou d’éthiques personnelles. Elle est affaire d’arrangements locaux et ne relève nullement d’une régulation collective qui leur permettrait (sans doute) de sortir de cet état de crise continue qui caractérise cette activité et finalement la contraint.
« Moi je pense que la morale, c’est individuel. Bien sûr il faut donner des cadres à une profession, mais très vite ça peut se dévoyer en ce qu’est devenu le syndicat de l’Ordre des Médecins, un espèce de truc qui lui-même est un combat idéologique dans la profession qui ne représente pas la profession. Vous savez qu’il y a des choses à ne pas faire, c’est comme le code de la route, y’ des gens qui ne savent pas conduire même s’ils en font aucune faute par rapport au code de la route, ça reste des mauvais conducteurs. On ne peut pas supprimer les mauvais critiques, les mauvais conducteurs. Y’a des fautes. Moi je serais assez prêt à me soumettre à un code, comment dire, un corps de sages ou de gens qui… Pourquoi pas ? Mais je pense que ça résoudra pas le problème, la morale c’est individuel. »
La régulation externe : des règles méconnues et peu appliquées
47Il existe une autre forme de régulation, qui s’impose de l’extérieur : la loi. Or, précisément, aucune ne concerne la critique ! [11] Du fait de ce vide juridique, elle s’inscrit de fait dans le cadre du droit de la presse (loi de 1881) et dépend des jurisprudences, au cas par cas. Trois éléments la concernent : les questions du droit de réponse, de la diffamation et de la faute (article 1382 du code civil). Nous nous en tiendrons ici au droit de réponse [12].
48Quand on interroge les critiques sur leurs droits et devoirs, aucun ne les connaît précisément. En ce qui concerne le droit de réponse (qui remonte à 1822), aucun ne sait que ce droit est valable pour toute personne citée, en mal ou en bien dans les articles. Quand les critiques reçoivent une correspondance provenant de personnes mécontentes — ce qui arrive semble-t-il assez souvent — ils réagissent de plusieurs façons :
- ils jettent la lettre au panier en considérant que tout cela n’a pas d’intérêt ! La plupart du temps, l’affaire en reste là, parce que les artistes estiment avoir fait leur devoir en réagissant et ne préfèrent pas aller au-delà. Leur honneur est lavé, en quelque sorte ;
- ils décident de publier la réponse, mais répondent à la réponse (pratique dite du « six crochet ») et conservent ainsi le dernier mot. C’est une pratique tolérée par le droit qui n’en parle pas. Dans ce cas de figure, leur honneur est sauf… ;
- ils tombent sur un artiste qui demande explicitement un droit de réponse (en recommandé), décident de l’exaucer, mais ce dernier est quasiment assuré qu’il n’en sortira pas indemne : il se sera une mauvaise réputation et ne sera plus commenté ou critiqué, avec le risque pour lui de devenir invisible. [13]
Vous connaissez les artistes et leur préoccupations, (leur) susceptibilité… On en est même arrivé à un cas extrême où un artiste est venu au bureau contrôler la maquette et l’utilisation faite de ses œuvres et de ses photos… Et vouloir mettre son grain de sel sur la mise en page du journal. L’article n’est pas paru, on l’a supprimé, du fait de sa démarche et de son extrémisme. Parce que j’estime que c’est de l’extrémisme !
49La tracasserie juridique du droit de réponse, un temps considérée avec beaucoup de crainte par les journalistes et propriétaires des espaces médiatiques, est apparue finalement bien minime quand on le met en balance avec les capacités de « représailles » des journalistes et des critiques. Les artistes se contentent le plus souvent de protester de manière privée, ou de ne pas protester du tout, soucieux qu’ils sont d’abord de leur visibilité. Apprendre à ne pas être susceptible d’un côté, se contenter d’oublier la loi de l’autre, la question se « règle » ainsi.
50Là encore, il n’existe pas de régulation collective. Les critiques n’ont jamais été attaqués pour « fautes », par manque de plaignant : qui le ferait ? Pour les artistes, cela constitue un risque considérable, que seuls les très grands peuvent s’autoriser (ou les très naïfs qui le regrettent vite). Le public ? Il n’y songe même pas et se contente, pour ses franges les plus actives, du courrier des lecteurs, lui-même savamment trié par les journalistes (Cf. Boltanski, 1990).
Les règles de la pratique
51L’absence manifeste de régulation professionnelle ne signifie pas pour autant qu’il n’existe pas de règles pratiques, au sens de régularités d’actions. Mais ces règles semblent devoir être réinventées à chaque nouveau cas, reposer sur des implicites difficiles à expliciter, toujours dépendants de contextes singuliers. L’absence de régulation collective et explicite renvoie chaque acteur à ses propres situations et contextes, le contraint à des aménagements toujours à réinventer et, pour finir, le fragilise. Le collectif des critiques s’en trouve forcément affecté, toujours exposé à des critiques externes auxquelles il ne peut répondre de manière solidaire.
52Bien que nous n’avons pas entrepris à ce jour d’enquête systématique sur les règles de la critique dans les autres domaines culturels, ceux-ci ont adopté des règles, parfois en accord avec les autres acteurs du champ, qui sont autant de micro-règles :
- l’association des critiques dramatiques s’est entendue sur un accès gratuit aux avant-premières, à la condition expresse (pour ne pas dire contractuelle) d’annoncer la venue du critique. Inutile de dire que cette pratique, en « réglant » certains problèmes, en pose d’autres ;
- les critiques de cinéma ont de leur côté un accord avec la télévision pour ne jamais critiquer un film dans ce cadre. Là encore, les implications de cet accord sont considérables !
53L’absence de sanction est un point essentiel qui donne à la critique son parfum d’illégitimité. Il n’existe aucun texte, déontologique ou non, qui organise des sanctions contre des critiques. Ceux qui régissent les journalistes eux-mêmes (code de déontologie) sont peu appliqués. Des cas célèbres ont marqué les esprits. Les fautes professionnelles peuvent à la rigueur déboucher sur la suppression des cartes professionnelles. Mais certains personnages médiatiques célèbres n’en ont cure et continuent d’officier sans carte. Aucun procès n’a eu lieu, à notre connaissance, sur le caractère fautif d’une pratique critique. Cette absence de sanction, cette impunité (le mot doit être lâché) concerne le journaliste et par extension les critiques. Or, « tout fait moral consiste dans une règle de conduite sanctionnée » (Durkheim, 1975, p. 257).
Conclusion : la (difficile) question de la nécessité des règles
54Faut-il des règles pour être libre et fonder sa légitimité (traduire ici : la critique a-t-elle besoin de s’imposer des règles pour affirmer son indépendance) ? C’était la conviction bien ancrée du sociologue Durkheim, lui-même connaisseur de Rousseau, sur lequel il fit sa thèse complémentaire : « L’homme n’est libre que quand une force supérieure s’impose à lui […]. Il est libre s’il est contenu » (cité par Besnard, 1987). La demande de régulation semble d’ailleurs se développer dans le monde de la presse écrite avec l’instauration d’instances, comme celle du « médiateur » (Claude-Jean Bertrand, 1997, p. 92 et s.).
55Pour éclairer le problème, il peut être instructif de proposer in fine un petit éclairage comparatif du côté de la « concurrente » de la critique, à savoir la publicité. Un fait notable concerne cette dernière : alors qu’elle est assez strictement régulée aux plans interne et externe, elle ne souffre d’aucune crise de légitimité. Sans rentrer dans les détails de cette question [14], il faut savoir que la publicité fait l’objet de nombreuses lois spécifiques : la loi Royer de 1963 sur la « publicité mensongère » (devenue « publicité trompeuse » en 1973), qui développe de manière extrêmement précise les cas de tromperie et impose à l’annonceur la charge de la preuve (Calais-Auloy et Steinmetz, 1996) ; la loi de 1992 sur la publicité comparative, qui impose des cadres sévères ; le décret du 23 mars 1992 qui réaffirme l’interdiction de toute publicité pour le cinéma (Debbash, 1999, p. 370), interdiction étendue par le CSA à toute publicité directe ou indirecte d’un film ; la loi Sapin sur la transparence des pratiques commerciales et la régulation des professions. En outre, les professions liées à la publicité sont organisées et parfois regroupées dans des institutions régulatrices (par exemple, le Bureau de vérification de la publicité). Faut-il ajouter qu’il existe un code de déontologie professionnelle ?
56Face à cette option pro-régulatrice, il existe une optique beaucoup plus sceptique quant à la nécessité de développer un appareil de règles. Les arguments ne manquent pas non plus :
- l’imposition de règles juridiques est souvent l’indice de la disparition des choses qui vont sans dire, ce qui n’est pas bon signe ;
- la règle est souvent l’instrument des puissants qui la connaissent et qui peuvent la contourner mieux que les autres ;
- réguler, c’est imposer des contraintes et finalement museler la critique. Il existe un exemple célèbre : la loi de 1992 sur la publicité comparée, qui précise avec une rigueur tatillonne ses six conditions de licéité (véridicité, loyauté, objectivité, but, emplacements, communication préalable) et l’a tuée dans l’œuf [15]. On peut se demander, dans ce sens, si le droit de la diffamation n’est pas profondément inhibant pour la critique (pas d’attaque ad hominem, pas d’intention de nuire, etc.) ;
- il est paradoxal de vouloir réguler une pratique qui symbolise la liberté d’expression. Si les critiques ne s’imposent aucune règle, interne et externe, c’est qu’ils sont fondamentalement libres et veulent le rester. La réponse du Monde (en tant que collectif) au texte de l’ARP fut à cet égard sans ambiguïté : « L’esprit critique ne saurait être soumis à aucune réserve, à aucune condition, aucun « pacte » de bonne coexistence » (éditorial du 25 novembre 1999).
Bibliographie
Bibliographie
- Béra Matthieu, Recherches sur les fondements et la légitimité de la critique d’art dans la presse, thèse, Paris 7, 1998 (non publiée).
- Bertrand Claude-Jean, La Déontologie des médias, Paris, puf, 1997.
- Besnard Philippe, L’Anomie, ses usages et ses fonctions dans la discipline sociologique depuis Durkheim, Paris, puf, 1987.
- Biolay Jean-Jacques, Le Droit de la publicité, Paris, puf, 1995 (1re éd. 1986).
- Boltanski Luc, L’Amour et la justice comme compétences, Paris, Métailié, 1990.
- Bourdieu Pierre, Les Règles de l’art, Paris, Seuil, 1992.
- Esquisse d’une théorie de la pratique, Paris, Seuil 2000 (1re éd. 1972).
- Bouveresse Jacques, « Règles, dispositions, habitus », Critique, n° 579/580, 1995.
- Cabanne Pierre, Mer… de aux critiques, Paris, Quai Voltaire, 1993.
- Calais-Auloy et Steinmetz Droit de la consommation, Paris, Dalloz, 1996.
- Charon Jean-Marie, Carte de presse. Enquête sur les journalistes, Paris, Stock, 1993.
- Debasch Droit des médias, Paris, Dalloz, 1999.
- Durkheim Emile, Leçons de sociologie, Paris, puf, 1969, (notamment les trois premières leçons sur « La morale professionnelle » (1re éd. 1937).
- Durkheim Emile, Textes, Paris, Minuit, 1975, tome 2, « Religion, morale, anomie ».
- Durkheim Emile, Le Suicide, Paris, puf, 1986 (1re éd. 1897).
- Durkheim Emile, Les Règles de la méthode sociologique, puf, Quadrige, 1993 (1re éd. 1895).
- Lemieux Cyril, Mauvaise presse. Une sociologie compréhensive du travail journalistique et de ses critiques, Paris, Métailié, 2000.
- Lévêque Sandrine, La Construction journalistique d’une catégorie du débat public. Spécialisation journalistique et mise en forme du social, thèse, Paris, janvier 1996 (Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000).
- Moulin Raymonde, L’Artiste, l’institution et le marché, Paris, Flammarion, 1992.
- Neveu Erik, Sociologie du journalisme, Paris, La Découverte, 2001.
- Quémin Alain, Le Rôle des pays prescripteurs sur le marché et dans le monde de l’art contemporain, Paris, Ministère des affaires étrangères, 2001.
- Rouger Bernard et Sagot-Duvaroux Dominique, Économie des arts plastiques. Une analyse de la médiation culturelle, Paris, L’Harmattan, 1996.
- Weber Max, Le Savant et le politique, Paris, Plon, 1959.
- Wrigley Richard, The Origins of french art criticism, Oxford, Clarendon Press, 1995 (1re éd. 1993).
Notes
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[1]
On peut se le procurer par exemple dans Le Monde du 25 novembre 1999.
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[2]
Godard avait-il lu Weber ? On peut le supposer. Ce dernier propose dans sa célèbre conférence sur « La vocation de l’homme politique » prononcée en 1919 (Weber, 1959) une typologie des manières de faire de la politique : soit on vit pour la politique, soit on vit de la politique. Si l’on poursuit la lecture, les mêmes reproches sont adressés aux professionnels de la politique par Weber : toutes les luttes partisanes ne sont pas uniquement des luttes pour des buts objectifs mais surtout des rivalités pour contrôler la distribution des emplois (p. 115). De ce point de vue, les partis apparaissent aux yeux des adhérents comme une sorte de tremplin qui leur permettra d’assurer l’avenir (poste, salaire, logement, passe droits divers) (p. 116). Sans le sentiment de l’honneur dans la formation des fonctionnaires, « nous serions menacés d’une effroyable corruption et nous n’échapperions pas à la domination des cuistres « (p. 117).
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[3]
À notre connaissance, c’est un sujet totalement vierge en sociologie.
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[4]
Près de 2 000 articles ont été dépouillés dans la presse généraliste ou non, nationale ou non, quotidienne ou non. Pour les résultats complets, voir Béra, 1998, p. 255 et s. Sur les hypothèses visant à rendre compte de ces écarts, cf. le chapitre 3.
-
[5]
Sur la dimension fondamentale de la « visibilité » dans le monde de l’art, voir Moulin 1992 et son enquête sur les artistes ou récemment le rapport d’Alain Quémin, (Quémin, 2001) et la variable « réputationnelle ». Dans le même esprit, voir les économistes de la culture (Rouget et Duvaroux 1996) qui développent le critère de « notoriété ».
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[6]
Sur cette période historique, nous renvoyons à notre thèse, Béra, 1998, chapitre 1 et aux nombreuses références bibliographiques restituées, le plus souvent anglo-saxonnes. Notamment Richard Wrigley, 1995, le plus exhaustif sur la question.
-
[7]
Sur la notion de règle et les dimensions auxquelles elle peut renvoyer (règle théorie, règle régularité, ou règle normée), nous renvoyons à Bourdieu (1972), mais aussi Bouveresse (1995) commentant Wittgenstein et Bourdieu.
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[8]
Les pourcentages « exacts » sont difficiles à cerner : si 20 % ont reçu une formation au journalisme (Neveu, p. 23), seulement 12 % des journalistes titulaires de la carte étaient par l’une des huit écoles reconnues par les conventions collectives (ibid., p. 24).
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[9]
Association Internationale des Critiques d’Art, patronnée par l’unesco, qui possède de nombreuses sections nationales. Elle est ancienne (1948), internationale et relativement connue. Elle décerne un prix de la critique, organise pour ses adhérents des congrès annuels dans le monde. Chaque section a un président, un vice-président, un secrétaire général, un trésorier et un bureau d’une dizaine de membres. La section française rassemble près de trois cents critiques.
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[10]
Les trois leçons sur la morale professionnelle, dispensées entre 1890 et 1900 à Bordeaux, furent publiées par Marcel Mauss dans la Revue de métaphysique et de morale en 1937 (Durkheim, 1969).
-
[11]
Une tentative d’inscrire cette pratique dans la législation échoua en 1909 (après un vote favorable au Sénat), qui consistait à la soustraire au droit commun de la presse sur la question du droit de réponse.
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[12]
Pour plus de précision, Béra, 1998, chapitre 2.
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[13]
Pour plus de précision, on peut se reporter au livre du critique d’art Pierre Cabanne, 1993, p. 116 et s.
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[14]
Sur la question du droit comparé de la critique et de la publicité et de ses conséquences sociologiques, nous renvoyons à un article à paraître prochainement.
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[15]
« bien hardis sont les annonceurs qui osent se lancer dans l’aventure d’une telle publicité tant sont multiples les risques de procès » (Calais-Aloy, 1996, p. 123). On tient là l’exemple d’une « hyper régulation », qui correspond dans Le Suicide de Durkheim au suicide fataliste.