Notes
-
[*]
Isabelle von Bueltzingsloewen, professeur d’histoire à l’université Lumière Lyon II.
-
[1]
Voir M. Caire, « Pussin, avant Pinel », L’information psychiatrique, 69, 6, 1993, p. 529-538. Le personnage de Pussin a été popularisé par le roman de Marie Didier, Dans la nuit de Bicêtre, Paris, Gallimard, 2006.
-
[2]
F. Scheider, Arthaud de Lyon, aliéniste missionnaire, Paris, Éditions Glyphe, 2009, préface de Jacques Hochmann. Ce livre est issu d’une thèse d’histoire soutenue en 2006.
-
[3]
On peut donner pour exemple les Chroniques de la psychiatrie publique à travers l’histoire d’un syndicat parues en 1995 aux éditions érès sous la plume de Jean Ayme, président du syndicat des psychiatres des hôpitaux de 1972 à 1988.
-
[4]
On peut citer le cas de Henri Baruk, de Gaston Ferdière ou, plus récemment, de Jean Guyotat.
-
[5]
Voir, à titre d’exemple, M. Colucci et P. Di Vittorio, Franco Basaglia. Portrait d’un psychiatre intempestif, Toulouse, érès, 2005, ou P. Faugeras, Roger Gentis. Un psychiatre dans le siècle, Toulouse, érès, 2005. En 2007, Patrick Faugeras a également édité, toujours chez érès, un ouvrage collectif consacré à la figure de François Tosquelles. Voir aussi l’entretien filmé François Tosquelles, une politique de la folie réalisé en 1989 par F. Pain, J.-C. Pollack et D. Sivadon.
-
[6]
Il s’agit en l’occurrence de Guy Baillon, Pierre Bailly-Salin, Lucien Bonnafé, Georges Daumézon, Philippe Paumelle, Paul Sivadon, François Tosquelles, Jean Oury, etc.
-
[7]
Il s’agit en l’occurrence de Lion Murard et de François Fourquet, tous deux investis dans le cerfi (Centre d’études, de recherche et de formation institutionnelles), fondé par Félix Guattari, qui édite la revue Recherches.
-
[8]
L. Murard, F. Fourquet (sous la direction de), « Histoire de la psychiatrie de secteur ou le secteur impossible ? », Recherches, 17, mars 1975.
-
[9]
Le dvd est sorti en 2006 aux éditions Montparnasse.
-
[10]
On peut évoquer le milieu patronal mais aussi le milieu médical en général, si l’on excepte quelques passionnés qui se vouent à l’histoire de la médecine à l’heure de leur retraite.
-
[11]
Pour reprendre le titre du livre de C. Prochasson, L’empire des émotions : les historiens dans la mêlée, Paris, Démopolis, 2008.
-
[12]
I. von Bueltzingsloewen, L’hécatombe des fous. La famine dans les hôpitaux psychiatriques français sous l’Occupation, Paris, Flammarion, 2009, 10 (prologue).
-
[13]
Cette conférence a par la suite été publiée : I. von Bueltzingsloewen, « Le rôle des objets dans la psychothérapie institutionnelle. Une thérapeutique de la consommation ? », dans J.-P. Filiod (sous la direction de), Faire avec l’objet. Signifier, appartenir, rencontrer, Lyon, Éditions Chronique sociale, 2003, p. 41-52.
-
[14]
Le terme est employé par Jean Ayme.
-
[15]
Voir I. von Bueltzingsloewen, « Réalité et perspectives de la médicalisation de la folie dans la France de l’entre-deux-guerres », Genèses, 82, 2011, p. 52-74 et I. von Bueltzingsloewen, « Quel(s) malade(s) pour quel asile ? Le débat sur l’internement psychiatrique dans la France de l’entre-deux-guerres », dans H. Guillemain, L. Guignard et S. Tison (sous la direction de), Institutions de la folie. Expériences judiciaires, hospitalières, militaires, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 263-274.
-
[16]
Je pense en particulier à E. Toulouse dont la mort, en 1947, a facilité la mise à l’index.
-
[17]
Il demeure à ce poste jusqu’en 1943, date à laquelle il rejoint l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard (Neuilly-sur-Marne).
-
[18]
Le nombre de malades internés dépasse les 110 000 en 1940, alors qu’il était inférieur à 65 000 en 1920.
-
[19]
Ils sont à peine plus de deux cents à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
-
[20]
Certains asiles ruraux sont très isolés et ne comptent qu’un médecin-directeur.
-
[21]
En dépit de la rupture hiérarchique entre les médecins du cadre des asiles de la Seine et les autres.
-
[22]
La suppression de l’adjuvat des asiles, obtenue en 1922 après un long combat, témoigne de la capacité de l’Amicale à défendre les intérêts de la corporation.
-
[23]
Voir I. von Bueltzingsloewen, « Réalité et perspectives de la médicalisation de la folie dans la France de l’entre-deux-guerres », art. cit.
-
[24]
La réforme de la loi de 1838, en passe d’aboutir, a en effet été empêchée par l’entrée en guerre.
-
[25]
C’est le cas en particulier dans les départements qui ont décidé de construire un sanatorium départemental.
-
[26]
Le reportage réalisé par Igor Barrère à la clinique de La Verrière (Yvelines) en 1966 débute par une cure d’insulinothérapie.
-
[27]
Seule la cardiazolthérapie, abandonnée au profit de l’électrochoc diffusé dans les hôpitaux psychiatriques français à partir de 1941, fait exception : I. von Bueltzingsloewen, « Un fol espoir thérapeutique ? L’introduction de l’électrochoc dans les hôpitaux psychiatriques français (1941-1945) », dans C. Blondel et A. Rasmussen (sous la direction de), « Le corps humain et l’électricité – The human body and electricity », Annales historiques de l’électricité, 8, décembre 2010, p. 93-104.
-
[28]
Non sans jouer avec la chronologie, « oubliant » que les thérapeutiques de choc sont acclimatées avant la Seconde Guerre mondiale.
-
[29]
L. Murard, F. Fourquet (sous la direction de), « Histoire de la psychiatrie de secteur ou le secteur impossible ? », op. cit., p. 103.
-
[30]
L’expérience de la déportation a conduit certains psychiatres et infirmiers à opérer un parallèle entre univers asilaire et univers concentrationnaire.
-
[31]
Il n’est d’ailleurs pas du tout certain que l’enthousiasme réformateur manifesté à la Libération ait fait l’unanimité dans la corporation, ou alors seulement pendant une très courte période, ce qui explique, au moins pour une part, que la réforme de la loi du 30 juin 1838 ait une nouvelle fois été reportée.
-
[32]
Contrairement a ce qui a maintes fois été affirmé, la famine a fait des victimes à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban, qui a cependant été beaucoup moins touché que les grands établissements urbains.
-
[33]
Il convient également d’évoquer l’action d’un certain nombre de directeurs administratifs qui, comme en témoigne leur correspondance avec les autorités de tutelle, se sont démenés pour améliorer le sort des malades affamés.
-
[34]
La nomination de Max Bonnafous à la tête du ministère de l’Agriculture et du Ravitaillement, en septembre 1942, a sans aucun doute facilité les choses. Max Bonnafous est en effet l’époux d’Hélène Bonnafous, fille de Paul Sérieux, médecin du cadre des hôpitaux psychiatriques depuis 1938. En 1942, Hélène Bonnafous quitte son poste de médecin-chef à l’hôpital psychiatrique d’Alençon (Orne) pour suivre son mari à Vichy. Elle participe au Congrès des aliénistes et neurologistes de langue française réuni à Montpellier en octobre 1942, dont plusieurs communications sont consacrées à la famine.
-
[35]
Paul Balvet a ainsi raconté qu’à son arrivée à l’hôpital du Vinatier (Rhône), où il a été nommé médecin-chef début 1943, il a très vite compris qu’il était impossible de peser d’une quelconque manière sur le destin des malades.
-
[36]
M. Lafont, L’extermination douce. La mort de 40 000 malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques en France, sous le régime de Vichy, Le Cellier-Ligné, atelier thérapeutique de l’arefppi, 1987 ; P. Lemoine, Droit d’asiles, Paris, Odile Jacob, 1998.
-
[37]
C. Escoffier-Lambiotte, « Les asiles de la mort. Quarante mille victimes dans les hôpitaux psychiatriques pendant l’Occupation », Le Monde, 10 juin 1987.
-
[38]
C’est moins net dans la démarche de Patrick Lemoine qui répond à des motivations plus obscures.
-
[39]
Cette expression est soulignée par moi afin de montrer que Roger Gentis est le véritable inventeur du concept d’extermination douce, si problématique pour l’historien.
-
[40]
R. Gentis, Les murs de l’asile, Paris, Maspéro, 1970, p. 9.
-
[41]
M. Lafont, L’extermination douce. La cause des fous. 40 000 malades morts de faim dans les hôpitaux sous Vichy, Bordeaux, éditions du Bord de l’eau, 2000, p. 253.
-
[42]
Ibid., p. 208.
-
[43]
C. Nachin, « Tombeau pour les malades mentaux morts de famine pendant l’Occupation nazie (1940-1944) », Le Coq-Héron, 2011/2, p. 57.
-
[44]
É. Piel, J.-L. Roeland, De la psychiatrie vers la santé mentale, 2001, 7 (consultable sur le site de l’Académie nationale de médecine).
-
[45]
Cette opposition est entérinée par l’éclatement syndical de 1988.
-
[46]
Sur les débuts du syndicat, voir J.-C. Coffin, « Un syndicat en psychiatrie. Une association d’intérêts ? 1945-1950 », dans D. Tartakowski et F. Tétard (sous la direction de), Syndicats et associations. Concurrence ou complémentarité ?, Rennes, pur, p. 139-148.
-
[47]
Sur le modèle de ce qui existe en Belgique ou en Allemagne par exemple. Ce courant ne disparaît pas avec la mise en place du secteur. Il s’exprime en particulier dans le rapport Massé de 1981.
-
[48]
Au sein du syndicat, un certain nombre de psychiatres déplorent que la défense des intérêts de la profession soit négligée au profit du combat pour la réforme de l’assistance psychiatrique.
-
[49]
Voir aussi la thèse de la géographe Magali Coldefy, De l’asile à la ville : une géographie de la prise en charge de la maladie mentale en France, sous la direction de Denise Pumain, 2010, version électronique consultable sur le site de l’irdes.
-
[50]
Ainsi, dès l’entre-deux-guerres, le conseil général de la Seine s’est engagé résolument en faveur de la réforme psychiatrique. Mais ce cas n’est pas représentatif de l’ensemble des départements.
-
[51]
Il faut rappeler que les hôpitaux psychiatriques ne se sont émancipés de la tutelle départementale qu’en 1968-1970. Les structures extra-hospitalières développées dans le cadre de la sectorisation continuent de relever des départements jusqu’en 1985.
-
[52]
En 1958, onze départements sont dépourvus d’hôpital psychiatrique.
-
[53]
Il faut citer, notamment, les Journées psychiatriques de 1945 et 1947 ou celles de 1965-1966, qui ont débouché sur la rédaction du livre blanc de 1967, ou les six réunions du Groupe de Sèvres organisées au cours des années 1957-1959.
-
[54]
Sur l’expérience du XIIIe arrondissement de Paris, initiée par Philippe Paumelle, voir le rapport de recherche du sociologue Nicolas Henckès rédigé à destination de la drees-mire : Nicolas Henckès, Réformer la psychiatrie, organiser les pratiques de secteur. La construction de la psychiatrie de secteur dans « l’expérience du XIIIe arrondissement », mai 2005 (disponible sur demande).
-
[55]
Tenus d’appliquer la loi, les conseils généraux ont davantage de marge par rapport aux dispositions contenues dans les circulaires qui n’ont souvent qu’une valeur incitative. Or, jusqu’au vote de la loi du 27 juin 1990, la réforme de l’assistance aux malades mentaux a essentiellement été conduite à coup de circulaires. Voir Isabelle von Bueltzingsloewen, « Un lieu de tension entre le centre et la périphérie. L’assistance aux aliénés dans le département du Rhône (1918-1940) », Le mouvement social, n° 242, janvier-mars 2013, p. 45-59.
-
[56]
Voir Isabelle von Bueltzingsloewen, « Révolution au quotidien, révolution du quotidien : les transformations de la pratique psychiatrique à l’hôpital du Vinatier dans les années cinquante », dans I. von Bueltzingsloewen et O. Faure (sous la direction de), Questions à la « révolution psychiatrique », Lyon, éditions La Ferme du Vinatier, 2001, p. 19-36.
-
[57]
Les directions médicales ont été définitivement supprimées en 1974.
-
[58]
Les municipalités de gauche, et celles dirigées par des communistes en particulier, se montrent généralement plus favorables à l’implantation sur leur territoire de structures dédiées aux malades mentaux.
-
[59]
Même si les hôpitaux psychiatriques restent sous la tutelle des départements jusqu’en 1968-1970, l’intervention croissante de l’État et de la Sécurité sociale dans le financement des prises en charge a permis d’accélérer les réformes.
-
[60]
À ce sujet, voir Jacques Hochmann, « Le déclin de l’empire psychiatrique », Psychiatrie française, 2/2009, p. 7-37.
1Force est de constater que la question du militantisme n’a que marginalement mobilisé les historiens travaillant sur le champ de la psychiatrie. Même si elle traverse un certain nombre de recherches, elle n’en constitue que rarement le cœur. Et ce en dépit de sources pléthoriques : archives hospitalières, rapports, articles de revues ou de journaux, ouvrages et pamphlets, manifestes et livres blancs, entretiens mais aussi émissions de radio ou de tv, etc. Il est vrai que, jusqu’à une période récente, la grande majorité des travaux consacrés à l’histoire de l’« assistance psychiatrique », comme on a longtemps désigné la politique de prise en charge des malades souffrant de troubles mentaux, portait sur le temps des origines (du tournant du xviiie siècle jusqu’au vote de la loi du 30 juin 1838) et sur la seconde moitié du xixe siècle. Certes, on peut considérer que le concept de militantisme, forgé dans les années 1830, constitue une clef de lecture pertinente de ce moment pourvoyeur de nombreux mythes. Si on les qualifie plus volontiers de pionniers, de précurseurs ou de fondateurs, Philippe Pinel et le « gouverneur des fous » de l’asile de Bicêtre, Jean-Baptiste Pussin, dont on a redécouvert l’envergure récemment [1], Jean Étienne Esquirol, Jean-Pierre Falret, mais aussi – beaucoup moins présents dans la mémoire collective – Henri Girard de Cailleux, Gabriel Ferrus, Maximilien Parchappe ou encore Auguste Marie, promoteur des colonies familiales, répondent parfaitement à la définition du militant. À l’échelle locale, on pourrait également convoquer la figure de Joseph Artaud, fondateur de l’asile d’aliénés du Rhône, auquel le psychiatre et historien Frédéric Scheider a consacré un très beau livre intitulé Arthaud de Lyon, aliéniste missionnaire [2]. Et bien d’autres encore.
2Reste que dans la mémoire professionnelle, la référence au militantisme renvoie très clairement à la période qui suit immédiatement la Seconde Guerre mondiale. Or, généralement considérée comme révolue – sans qu’on sache très bien à quel moment elle a pris fin –, cette période est, pour le moment, peu investie par les historiens. En partie sans doute parce que l’histoire de la « révolution psychiatrique », comme on qualifie souvent, de manière discutable, la période de transformations qui s’étend de la Libération au milieu des années 1980, a déjà été écrite, sous différentes formes, par les acteurs. Ceux-ci ont en effet éprouvé le besoin d’expliciter et de légitimer leur action en rédigeant des ouvrages de synthèse [3], en publiant des autobiographies professionnelles [4], des biographies consacrées à des figures dans lesquelles ils se reconnaissent [5] ou en livrant leurs témoignages, individuels ou croisés. Même s’il ne s’agit pas d’un recueil de témoignages à proprement parler mais d’une réflexion collective associant des acteurs [6] et des sociologues engagés [7], le numéro spécial de la revue Recherches paru en 1975, qui retrace la généalogie d’une politique de secteur encore balbutiante, s’inscrit tout à fait dans cette logique [8]. Dans une autre veine, il convient d’évoquer le long documentaire en deux parties de Paule Muxel et Bertrand de Solliers Histoires autour de la folie tourné en 1995 à l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard (Neuilly-sur-Marne) dans lequel sont interviewés Lucien Bonnafé, Hélène Chaigneau, Guy Baillon ou encore Danielle Sivadon, fille de Paul Sivadon, qui a passé son enfance dans l’établissement dont son père était un des médecins-chefs [9].
3Or ces lectures militantes de l’histoire de la psychiatrie, qui font une place prépondérante aux acteurs, ont vocation à se suffire à elles-mêmes. Dans cette perspective, l’intervention d’un historien « académique », qui prétend travailler sur une période que les plus anciens ont connue ou dont la mémoire leur a été transmise par leurs maîtres entre-temps disparus, peut être vécue comme une intrusion d’autant plus insupportable que les membres de la collectivité psychiatrique, pourtant très segmentée, ont, pour la plupart, un rapport très fort à leur passé. Ce qui constitue une grande chance pour le chercheur qui n’est que rarement confronté, y compris dans la jeune génération, à l’indifférence manifestée par d’autres milieux professionnels [10]. Une chance mais aussi un inconfort. Car l’historien sait, par expérience, que ses analyses, souvent appuyées sur des sources inexploitées, entreront, d’une façon ou d’une autre, en conflit avec le récit dans lequel se reconnaît le groupe sur lequel il travaille, même si on ne sait pas très bien par qui ce récit au statut ambigu, qui tient de la vulgate, a été produit. Il ne s’étonnera donc pas de voir son statut d’expert vigoureusement contesté, en particulier s’il entreprend de déconstruire certains mythes ou de réintroduire de la complexité dans une histoire dont les aspérités ont été gommées pour les besoins de « la cause », une cause dont il peut au demeurant se sentir solidaire, alors qu’on l’accuse souvent de la desservir.
4Tous les chercheurs n’ont pas le goût de la mêlée [11] et ne sont pas disposés à dépenser de l’énergie pour faire valoir des arguments dont ils découvrent, parfois avec surprise, qu’ils sont inaudibles ou instrumentalisés dans des conflits qui les dépassent. J’estime pour ma part que, à partir du moment où il considère que les « enjeux de mémoire » entrent dans son périmètre d’analyse, l’historien ne peut se retirer au désert au motif qu’il a besoin d’une absolue sérénité pour travailler. Sa place est dans l’arène et il lui faut accepter, surtout si celles-ci bousculent un certain nombre de certitudes, de soumettre ses analyses à la critique des acteurs. Il m’est cependant arrivé, au cours de l’enquête que j’ai consacrée à la famine dans les hôpitaux psychiatriques sous l’Occupation, de déplorer la virulence de certains interlocuteurs qui, parce que je contestais la thèse du génocide, me renvoyaient non sans une certaine violence – certes symbolique – dans le camp des « bien-pensants ». Ou me reprochaient un déficit d’humanité. À quoi je répondais que s’il est vrai que le registre de l’historien n’est pas celui de la compassion, « la rigueur n’exclut ni le respect ni l’émotion [12] ». Cette enquête portait il est vrai sur un sujet particulièrement brûlant. Mais je me suis vite rendue compte, lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la psychothérapie institutionnelle, que le sujet était à peine moins sensible et qu’il y avait également des coups à prendre. Je me souviens d’un entretien très tendu avec Jean Oury, dans son bureau de la clinique de Cour-Cheverny (Loir-et-Cher) en présence de tiers qui ne m’avaient pas été présentés : le fondateur de la clinique de La Borde n’admettait pas – il l’a fait savoir avec véhémence – que j’accorde de l’importance à des initiatives qu’il jugeait indignes de relever de la psychothérapie institutionnelle telle qu’il l’entendait lui. Mais je me souviens aussi avoir fait une conférence sur l’introduction des thérapeutiques collectives à l’hôpital psychiatrique du Vinatier [13], à l’issue de laquelle des soignants, retraités ou en toute fin de carrière, sont venus me remercier d’avoir pris au sérieux une expérience à laquelle ils avaient activement participé et qu’ils s’attendaient à voir présentée, avec le recul, comme une gesticulation un peu ridicule. Sur le moment cette réaction m’a surprise. Mais j’ai ensuite compris que ces militants de la psychothérapie institutionnelle « première manière », à la fois pragmatique et éclectique, avaient souffert de voir, dans les années 1960-1970, leur projet disqualifié par les tenants d’une psychothérapie institutionnelle plus « conceptuelle », mais aussi par certains militants du secteur qui leur reprochaient, parfois durement, d’avoir freiné le processus de déshospitalisation des malades mentaux.
5*
6* *
7Le séquençage du temps, opération essentielle de l’analyse historique, constitue sans doute un des principaux points de divergence entre historiens et militants. La périodisation généralement adoptée dans les lectures militantes de l’histoire de la psychiatrie repose en effet sur la succession de trois moments. Le premier serait celui des fondateurs qui se sont battus pour que la folie acquière le statut de maladie et pour que les aliénés, jusqu’alors mêlés aux vagabonds, aux détenus ou aux vénériens, soient « assistés » dans le cadre d’une institution qui leur soit exclusivement dédiée avec pour vocation de les soigner et de les guérir. Le second, qui s’étendrait sur plus d’un siècle, est beaucoup plus sombre : les asiles d’aliénés se seraient peu à peu transformés en lieux de ségrégation, voire de répression, et les aliénistes auraient abandonné toute ambition thérapeutique pour s’ériger en défenseurs d’une société qui aurait réduit les malades mentaux au statut de « non valeurs sociales ». Le moment le plus « héroïque [14] » interviendrait après la Libération, celle-ci inaugurant un changement de paradigme. Dans un contexte marqué par la découverte de thérapeutiques enfin efficaces, un groupe de psychiatres progressistes serait peu à peu parvenu à convaincre les pouvoirs publics et l’opinion de la nécessité de rompre avec l’enfermement asilaire et de faire évoluer le mode de prise en charge des malades mentaux. Grâce à l’introduction de la politique de secteur, ceux-ci auraient enfin pu être soignés sans être exclus de la société.
8Cette périodisation « classique » conduit, de mon point de vue, à surévaluer la rupture introduite par la Seconde Guerre mondiale et à gommer – effet de contraste oblige – les continuités très fortes qui existent avec la période de l’entre-deux-guerres, généralement présentée comme une séquence figée alors qu’elle est au contraire extraordinairement riche en débats et en projets [15]. Souvent stigmatisés pour leur abstentionnisme et leur frilosité, les psychiatres des années 1920-1930 ont en effet compté dans leurs rangs d’authentiques militants, dont certains, il est vrai, ont été, pour des raisons diverses, évincés de la mémoire professionnelle [16]. Nombre de psychiatres réformateurs de l’après-guerre ont d’ailleurs commencé leur carrière dans les années 1930 : Paul Sivadon prend son premier poste de médecin des asiles à la colonie familiale d’Ainay-le-Château (Allier) en 1933 [17] ; Georges Daumézon, dont la thèse consacrée au personnel infirmier des asiles d’aliénés, soutenue en 1935, peut être interprétée comme un acte militant, est nommé médecin-chef à l’asile d’aliénés de Sarreguemines (Moselle) en 1937, puis directeur de l’établissement psychothérapique de Fleury-les-Aubrais (Loiret) un an plus tard, à l’âge de 26 ans. On pourrait aussi citer les cas de Louis Le Guillant ou de Paul Balvet qui ont également joué un rôle de passeurs entre l’avant et l’après-guerre. L’engagement des représentants de cette nouvelle génération de psychiatres, qui entre dans la profession au cours des années 1930 en prenant progressivement le relais de la génération antérieure (celle des Paul Sérieux, Henri Beaudoin, Jean Lauzier, Maurice Legrain, René Charpentier, Paul et Xavier Abely, etc., dont les noms ont pour la plupart été oubliés), ne trouve il est vrai à s’épanouir que dans le contexte spécifique de la Libération. Mais il s’alimente pour une bonne part à la réflexion sur la reconfiguration de l’assistance psychiatrique développée dans les années 1920 et surtout 1930 sur fond d’encombrement des asiles [18]. Celle-ci a été portée par l’Amicale des aliénistes, créée en 1907. Peu nombreux [19], dispersés géographiquement [20] et marginalisés à l’intérieur d’un corps médical qui les considère, de par leur spécialité, comme des médecins de seconde zone et voit d’un mauvais œil leur statut de fonctionnaire, les médecins du cadre des asiles, qui forment un groupe relativement homogène [21], ont en effet éprouvé très tôt le besoin de se structurer au plan national pour améliorer leur statut [22] et formuler des revendications concernant l’organisation de l’assistance psychiatrique. Le changement d’appellation des asiles d’aliénés, devenus hôpitaux psychiatriques par décret du 5 avril 1937, ou la fameuse circulaire Rucart d’octobre 1937, interprétée à tort comme une victoire du « camp Toulouse » sur des médecins des asiles présentés comme obscurantistes [23], témoigne de la capacité de la corporation à se faire entendre, non sans difficulté, au plus haut niveau, grâce aussi à sa représentation dans des instances telles que le Conseil supérieur de l’assistance publique ou les diverses commissions dédiées à l’hygiène sociale. Reste que ces changements ayant eu peu de retombées concrètes [24], les militants de l’après-guerre ont eu tendance à déprécier l’action, jugée trop timorée, de ceux qui avaient poussé ces réformes en avant dans un contexte particulièrement défavorable marqué par un eugénisme diffus, qui transparaît dans les propos de certains parlementaires ou conseillers généraux, mais surtout par la crise économique. Celle-ci compromet le financement de l’assistance psychiatrique désormais jugée moins prioritaire que d’autres formes d’assistance, en particulier l’assistance aux tuberculeux qui absorbe une bonne part des finances départementales [25].
9En outre, dans les années 1960 et surtout 1970, l’engouement des psychiatres des années 1930 pour les nouvelles thérapeutiques biologiques (impaludation, cure de Sakel et cardiazolthérapie) est durement disqualifié par les tenants de la mouvance antipsychiatrique. Et ce alors qu’à la Libération et dans la décennie qui a suivi, les tenants d’une transformation de l’assistance psychiatrique avaient, au contraire, mis l’accent sur l’apport de ces nouveaux traitements qui ont survécu, parfois pendant une longue période [26], à l’arrivée des neuroleptiques [27]. Dans un entretien de 1974, dans lequel il analyse les raisons qui l’ont poussé à s’engager dans la création d’un syndicat des psychiatres en 1945, Georges Daumézon déclare ainsi [28] : « Le rôle essentiel a été joué, aussi bien pour nous que pour les infirmiers, par les thérapeutiques de choc : quand vous avez un malade qui est une statue dans un coin et qu’après l’insuline ou l’électrochoc, il se réveille, même si ensuite il rechute, vous vous dites : “Sacré bon Dieu c’est pas possible d’en rester là !” ; tandis que quand vous avez assisté, comme mes prédécesseurs l’ont fait, à la dégradation inévitable du sujet, vous fignolez le diagnostic de manière à être sûr de dire : “Celui-là, il est promis à cette déchéance, et celui-là, on peut quand même espérer et c’est tout.” Nous, nous étions contraints de faire quelque chose [29]. » On ne peut manquer de pointer que, à l’instar de beaucoup de militants, Georges Daumézon définit l’engagement comme une nécessité impérieuse à laquelle il est impossible de se dérober. La notion de choix n’a aucune place dans son discours, pas plus que dans celui des résistants.
10Plutôt qu’à l’entre-deux-guerres, dont ils récusent ou minimisent l’héritage, les militants de la Révolution psychiatrique préfèrent pour la plupart se référer à la sombre période de la guerre et de l’Occupation qu’ils présentent souvent comme la matrice de leur engagement. Le drame de la famine, qui a causé la mort de près de 45 000 aliénés internés dans les hôpitaux psychiatriques, les aurait conduits à prendre conscience de l’inhumanité du sort fait aux malades mentaux [30] et de l’urgente nécessité de repenser l’assistance psychiatrique. Or, une analyse approfondie des débats qui ont pris place dans les années 1920 et 1930 montre que cette prise de conscience a eu lieu antérieurement, au moins chez une minorité de psychiatres – mais le propre du militant n’est-il pas d’appartenir à une avant-garde dont les idées se heurtent à l’inertie, voire à l’hostilité, du plus grand nombre [31] ? En outre, l’expérience extrême de la guerre, de l’occupation allemande et de la famine n’a pas seulement servi de justification à l’action militante des psychiatres de l’après-guerre qui ont « surfé » sur l’horreur produite par l’« hécatombe des fous » pour réclamer, après coup, une humanisation des conditions de vie dans les hôpitaux psychiatriques et remettre en question le caractère thérapeutique de l’enfermement. Elle a aussi été l’occasion pour nombre de médecins-directeurs et de médecins-chefs, mais aussi d’économes, d’infirmiers et autres personnels dits secondaires, de s’engager pour la survie des malades internés et ce pas seulement à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole (Lozère) souvent présenté comme le bastion de la résistance à la famine [32]. Si la lutte contre la sous-alimentation a fortement mobilisé un Paul Balvet et un Lucien Bonnafé, qui se sont succédé à la tête de l’établissement pendant cette période difficile, épaulés par le réfugié espagnol François Tosquelles, elle a aussi été au cœur des préoccupations d’un Georges Daumézon à l’hôpital de Fleury-les-Aubrais ou d’un Henri Ey à l’hôpital psychiatrique de Bonneval (Eure-et-Loir) qui, dans son rapport médical annuel, a protesté avec une belle constance contre le sort fait aux malades de son service, rappelant avec force le principe humaniste selon lequel la société a le devoir de protéger ses membres les plus faibles quelles que soient les circonstances. Ou encore d’un Gaston Ferdière qui, à l’hôpital psychiatrique de Rodez (Aveyron), dont il a pris la direction en novembre 1941, a fait preuve d’une inventivité sans faille pour améliorer la ration alimentaire des internés [33]. Mais les médecins du cadre des hôpitaux psychiatriques se sont également mobilisés collectivement. Conscients des limites de l’action locale, ils ont fait pression sur le gouvernement de Vichy et finalement obtenu, grâce à une circulaire prise le 4 décembre 1942 – à un moment où les pénuries alimentaires prennent un tour dramatique – que des suppléments alimentaires soient alloués aux malades internés au même titre qu’à d’autres catégories fragiles de la population désignées comme prioritaires dans le ravitaillement (femmes enceintes, tuberculeux, ouvriers d’usine, etc.) [34]. Distribués, à quelques exceptions près, dans tous les établissements, ces suppléments ont permis de faire reculer la mortalité de façon très nette, comme en témoignent les courbes de décès.
11Au total, s’il n’est pas question de nier que nombre d’entre eux ont cédé à la passivité ou au découragement face à la gravité de la crise alimentaire [35], les médecins des hôpitaux psychiatriques ont donc œuvré, sous de multiples formes, pour la survie de leurs malades sans pour autant abandonner leur activité scientifique et la défense de leurs intérêts professionnels. Leur engagement les a bien souvent conduits à contrevenir aux règlements quitte à encourir des sanctions plus ou moins lourdes – dont témoignent les nombreuses mutations disciplinaires constatées pendant la période –, voire à prendre des risques plus importants en recourant, par exemple, au marché noir. On comprend dès lors le désarroi provoqué par les accusations – amplifiées par les médias dans un contexte mémoriel marqué par la « redécouverte » des crimes de Vichy – d’un Max Lafont ou d’un Patrick Lemoine lorsqu’ils stigmatisent, plusieurs décennies après les faits, la lâcheté et l’indifférence de leurs prédécesseurs en poste sous l’Occupation [36]. Un désarroi dont témoigne l’extrait de cette lettre rédigée par Pierre Flot, interne à l’hôpital psychiatrique de Rennes de 1943 à 1945, publiée dans Le Monde du 8 juillet 1987 en réponse au compte rendu du livre de Max Lafont paru quelques semaines plus tôt en page une du quotidien sous la plume de Claudine Escoffier-Lambiotte [37] : « Mais que pouvaient-ils faire ? Démissionner ? Défiler sur la place publique ? S’immoler ? C’est mal prendre en compte le climat de l’époque. Ce que je peux affirmer c’est qu’ils n’ont pas abandonné leurs malades aux heures dramatiques… »
12Reste que, bien que présentée comme un scoop par les médias, la démarche d’un Max Lafont s’inscrit dans la continuité de celle d’un Lucien Bonnafé ou d’un Louis Le Guillant [38]. Lors de ce grand moment militant qu’a constitué, en décembre 1952, la sortie du numéro spécial de la revue Esprit intitulé « Misère de la psychiatrie », les deux psychiatres membres du pcf dénoncent explicitement le génocide dont ont été victimes les malades mentaux, estimant que le scandale que constitue alors l’encombrement des hôpitaux psychiatriques, dans lesquels les malades sont entassés dans des conditions inhumaines, justifie de malmener la vérité historique. Une conception que ne partage pas le protestant Georges Daumézon qui fait lui aussi allusion à plusieurs reprises au drame de la famine mais demeure en retrait dans son interprétation, insistant surtout sur l’indifférence qui l’a entouré. Dans les années 1970, les « antipsychiatres à la française » réactivent la thèse de l’extermination : à leur tête Roger Gentis dans son célèbre pamphlet paru en 1970 chez Maspero Les murs de l’asile, dans lequel on peut lire ces lignes particulièrement caustiques : « Je jure que si demain on parlait de liquider en France, par des moyens doux [39], cinquante à quatre-vingt mille malades mentaux et arriérés (il y en a bien plus que cela dans les hôpitaux et autres institutions, mais on ne peut réduire au chômage des milliers de travailleurs de la santé, et puis il y a les syndicats), des millions de gens trouveraient ça très bien et l’on parlerait à coup sûr d’une œuvre humanitaire […] J’affirme qu’on trouverait des psychiatres pour dresser la liste des malades donnant droit à euthanasie [40]. » Trente ans plus tard, dans un contexte radicalement différent – il n’est plus question de dénoncer la lenteur de la réforme des modes de prise en charge de la maladie mentale mais de stigmatiser les excès d’une politique de déshospitalisation qui a conduit à la fermeture de milliers de lits et à l’abandon de nombreux psychotiques condamnés à vivre dans la rue ou en prison – Max Lafont pose cette question aux lecteurs de la seconde édition de son livre : « Ne croyez-vous pas que l’extermination douce est, maintenant, descendue dans la rue [41] ? »
13Ce genre d’assertion a – peut-être à tort – le don d’irriter les historiens qui, en retour, exaspèrent les militants par leur obsession de rigueur, leur phobie du réductionnisme et, plus généralement, par leur propension incoercible à « couper les cheveux en quatre ». C’est ce dont témoigne cette phrase cinglante que j’ai eu la surprise de lire sous la plume de Max Lafont : « De quel droit quelques historiens bien au chaud viendraient-ils trancher comme si c’était cela qu’on leur demandait et qu’ils font quelquefois : condamner encore les victimes [42] ? » Ou encore cette phrase de Claude Nachin extraite d’un compte rendu assassin de mon livre paru en 2011 dans la revue Le Coq-Héron : « Pauvres parmi les pauvres, pauvres morts parmi les pauvres morts de la plus horrible des guerres, des historiens s’emploient à démontrer que vous seriez morts par oubli, par négligence [43]. » On peut choisir de conclure que l’abîme qui sépare historiens et militants est infranchissable. Ou considérer que, par le dialogue, certains malentendus peuvent être levés. Et que l’historien a tout à gagner à aller à la rencontre des témoins… plutôt que d’attendre leur disparition. Je me souviens de ma déception lorsqu’on m’a appris la mort de Paul Balvet qui a précédé de quelques mois le début de mon enquête. Et de ma satisfaction d’avoir pu rencontrer Lucien Bonnafé, qui, bien que nous n’étions, de toute évidence, pas sur la même longueur d’onde, m’a accueillie très chaleureusement chez lui et a accepté de sortir un peu de son rôle de témoin professionnel en dépit des préventions qu’il nourrissait envers les « fouteurs de merde », comme il qualifiait volontiers les historiens.
14*
15* *
16Les lectures militantes de l’histoire de la psychiatrie, qui fondent la mémoire de la collectivité psychiatrique – une mémoire qui n’est ni la somme des mémoires individuelles ni leur plus petit dénominateur commun mais un récit partagé au-delà des tensions et des conflits qui la traversent –, posent un autre problème : elles renvoient à une conception linéaire et déterministe de l’histoire. Ainsi, l’avènement de la politique de secteur est souvent présentée comme l’aboutissement d’une stratégie réformatrice (ou révolutionnaire, c’est selon) qui serait parvenue à s’imposer – non sans difficultés – grâce à sa cohérence et à la détermination sans faille des « psychiatres engagés », qui ont cherché à l’imposer dès 1945. Cette thèse a pour effet d’appauvrir considérablement l’analyse de la période qui va de la Libération à 1960, voire au début des années 1970, époque de la mise en œuvre effective du secteur sur l’ensemble du territoire. Elle revient également à ériger le secteur en « fin de l’histoire » : « Il s’agit maintenant de rendre possible le dernier acte de la fin de cet exil des “fous” et de l’enfermement, de permettre l’aboutissement de la politique de sectorisation et son ouverture à la population, à la société », écrivent ainsi les psychiatres Eric Piel et Jean-Luc Roeland dans leur rapport de juillet 2001 [44].
17Hostile aux approches téléologiques, l’historien a plutôt tendance à considérer que le secteur est le résultat d’un compromis laborieux entre des points de vue divergents. Et à postuler que ces divergences expliquent, autant que l’évolution du contexte (politique/idéologique, économique, social, scientifique et culturel), auquel il conviendrait de restituer toute son importance – car les analyses militantes mettent naturellement l’accent sur les « combattants » –, les difficultés rencontrées dans la concrétisation d’un projet dont la légitimité a été contestée par certains, comme en témoigne l’existence d’alternatives gommées de la mémoire collective. L’histoire du militantisme en psychiatrie est faite de conflits entre des hommes qui, en dépit d’engagements politiques ou idéologiques plus ou moins affirmés et surtout difficilement compatibles, ont parfois réussi à s’allier, mais se sont également affrontés de façon violente [45]. Ainsi le consensus qui semble se dégager dans le climat euphorique de la Libération vole-t-il rapidement en éclats, ce qui empêche la réforme tant attendue de la loi du 30 juin 1838, pourtant en passe d’aboutir à la veille de la guerre. En rupture avec le discours du nouveau syndicat des médecins des hôpitaux psychiatriques, fondé en juillet 1945 [46], certains psychiatres, prolongeant un débat entamé dans l’entre-deux-guerres par Édouard Toulouse et ses proches, militent ainsi en faveur d’une séparation des « aigus » et des « chroniques » ; ils plaident pour que les premiers soient pris en charge dans des services intégrés aux hôpitaux généraux, et les seconds dans des hospices peu médicalisés relevant de ce que l’on n’appelle pas encore le secteur médicosocial [47]. D’autres – une majorité ? – s’opposent à toute réforme et défendent le statu quo. Afin de mieux saisir l’état des forces en présence, il conviendrait de redonner de la visibilité à ce « camp des immobiles » qui, sur le terrain, a opté pour une interprétation minimaliste de réformes dont le bien-fondé lui paraissait éminemment discutable [48]. Dans son film La tête contre les murs, inspiré du roman éponyme d’Hervé Bazin et sorti sur les écrans en 1958, Georges Franju met ainsi en scène deux médecins-chefs d’un même établissement que tout semble opposer. Alors que le plus jeune, interprété par Paul Meurisse, s’engage avec enthousiasme dans la psychothérapie institutionnelle, le second, interprété par Claude Brasseur, continue de mettre en avant les vertus de l’enfermement asilaire.
18Dans cette perspective, les écarts dans l’application des réformes, soulignés dans de nombreux rapports récents qui pointent l’inégalité départementale dans l’offre de soins psychiatriques [49], mériteraient également d’être pris en compte. On peut en effet postuler que, s’ils s’expliquent pour une part par l’inertie des médecins des hôpitaux psychiatriques, ils renvoient aussi et peut-être surtout à des héritages, en l’occurrence aux choix opérés, sur le temps long, par les conseils généraux depuis le vote de la loi du 30 juin 1838 [50]. On sait que l’application de cette loi organisant l’assistance aux aliénés dans le cadre des asiles départementaux [51] a été non seulement tardive mais très variable d’un département à l’autre : dans certains d’entre eux comme la Loire, la construction d’un hôpital psychiatrique a coïncidé avec la mise en œuvre de la politique de secteur [52].
19Écrire l’histoire du militantisme en psychiatrie et, plus généralement, l’histoire de la politique de prise en charge des malades mentaux implique donc de ne pas s’en tenir, un peu paresseusement, à analyser les débats qui ont pris place dans les syndicats, les revues, les sociétés savantes, les congrès ou d’autres rencontres identifiées comme autant de moments forts de l’épopée du secteur [53], ou à restituer les expériences pilotes initiées par des psychiatres de premier plan [54]. Mais de multiplier et de croiser les enquêtes monographiques qui permettront de mesurer les retombées des décisions nationales au plan local [55], et de mettre en lumière les configurations qui ont permis, sur le terrain, d’enclencher une dynamique de changement qui, selon les cas, a précédé, accompagné ou suivi la mise en œuvre de la politique de secteur [56]. Pour expérimenter de nouvelles pratiques thérapeutiques et de nouvelles formes de prise en charge, les militants de la psychothérapie institutionnelle et du secteur ont en effet dû s’inscrire dans un jeu d’interactions éminemment complexe qui a mobilisé une multiplicité d’« intervenants » aux intérêts et aux objectifs distincts, voire opposés. On peut citer pour exemple les directeurs d’hôpitaux, de moins en moins souvent médecins [57], mais aussi les membres des commissions de surveillance, les préfets, les fonctionnaires départementaux en charge de la santé publique et de l’action sociale, les directeurs des caisses primaires d’assurance maladie. Sans oublier les élus locaux, conseillers généraux et maires, qui, bien que soucieux d’équilibre budgétaire et sensibles aux pressions de leurs électeurs, ont pu eux aussi faire acte de militantisme en prenant le risque d’autoriser, voire de soutenir, des dispositifs expérimentaux parfois très éloignés des standards ministériels [58]. Rendre compte des transformations qui ont bouleversé la psychiatrie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale suppose aussi de ne pas faire l’impasse sur les questions de financement qui jouent toujours un rôle de premier plan dans la diffusion de l’innovation [59]. Et de s’intéresser aux itinéraires des patients afin de comprendre en quoi le changement institutionnel infléchit les parcours individuels.
20*
21* *
22Voici, esquissé dans ses grandes lignes, le programme de recherche qui attend les historiens d’aujourd’hui et de demain. De quoi nourrir moult articles, ouvrages et thèses de doctorat en attendant une éventuelle synthèse qui viendra rendre compte des avancées réalisées. Ces travaux « académiques » répondront-ils aux attentes des professionnels, en particulier de ceux qui, dans un contexte de recul des idéologies et de renouvellement profond des formes du militantisme, déplorent la fin d’un âge d’or (dont on peut postuler qu’il n’a jamais existé [60]), ou de ceux qui, moins défensifs et en dépit de contraintes de plus en plus fortes, s’engagent dans des projets qui, à leur échelle, contribuent à « réinventer » la psychiatrie au quotidien ? L’historien, pas plus qu’un autre chercheur, n’a de prise sur les phénomènes d’appropriation du savoir qu’il produit. Et c’est tant mieux. L’essentiel étant, de mon point de vue, qu’il ne revête pas l’habit du missionnaire et ne cherche pas, au nom de la « vérité historique », à déboulonner des lectures du passé qui ont une fonction identitaire – en ce qu’elles influent sur la façon dont les professionnels se définissent dans le présent et se projettent dans l’avenir – et constituent, au demeurant, autant d’objets passionnants d’analyse.
Notes
-
[*]
Isabelle von Bueltzingsloewen, professeur d’histoire à l’université Lumière Lyon II.
-
[1]
Voir M. Caire, « Pussin, avant Pinel », L’information psychiatrique, 69, 6, 1993, p. 529-538. Le personnage de Pussin a été popularisé par le roman de Marie Didier, Dans la nuit de Bicêtre, Paris, Gallimard, 2006.
-
[2]
F. Scheider, Arthaud de Lyon, aliéniste missionnaire, Paris, Éditions Glyphe, 2009, préface de Jacques Hochmann. Ce livre est issu d’une thèse d’histoire soutenue en 2006.
-
[3]
On peut donner pour exemple les Chroniques de la psychiatrie publique à travers l’histoire d’un syndicat parues en 1995 aux éditions érès sous la plume de Jean Ayme, président du syndicat des psychiatres des hôpitaux de 1972 à 1988.
-
[4]
On peut citer le cas de Henri Baruk, de Gaston Ferdière ou, plus récemment, de Jean Guyotat.
-
[5]
Voir, à titre d’exemple, M. Colucci et P. Di Vittorio, Franco Basaglia. Portrait d’un psychiatre intempestif, Toulouse, érès, 2005, ou P. Faugeras, Roger Gentis. Un psychiatre dans le siècle, Toulouse, érès, 2005. En 2007, Patrick Faugeras a également édité, toujours chez érès, un ouvrage collectif consacré à la figure de François Tosquelles. Voir aussi l’entretien filmé François Tosquelles, une politique de la folie réalisé en 1989 par F. Pain, J.-C. Pollack et D. Sivadon.
-
[6]
Il s’agit en l’occurrence de Guy Baillon, Pierre Bailly-Salin, Lucien Bonnafé, Georges Daumézon, Philippe Paumelle, Paul Sivadon, François Tosquelles, Jean Oury, etc.
-
[7]
Il s’agit en l’occurrence de Lion Murard et de François Fourquet, tous deux investis dans le cerfi (Centre d’études, de recherche et de formation institutionnelles), fondé par Félix Guattari, qui édite la revue Recherches.
-
[8]
L. Murard, F. Fourquet (sous la direction de), « Histoire de la psychiatrie de secteur ou le secteur impossible ? », Recherches, 17, mars 1975.
-
[9]
Le dvd est sorti en 2006 aux éditions Montparnasse.
-
[10]
On peut évoquer le milieu patronal mais aussi le milieu médical en général, si l’on excepte quelques passionnés qui se vouent à l’histoire de la médecine à l’heure de leur retraite.
-
[11]
Pour reprendre le titre du livre de C. Prochasson, L’empire des émotions : les historiens dans la mêlée, Paris, Démopolis, 2008.
-
[12]
I. von Bueltzingsloewen, L’hécatombe des fous. La famine dans les hôpitaux psychiatriques français sous l’Occupation, Paris, Flammarion, 2009, 10 (prologue).
-
[13]
Cette conférence a par la suite été publiée : I. von Bueltzingsloewen, « Le rôle des objets dans la psychothérapie institutionnelle. Une thérapeutique de la consommation ? », dans J.-P. Filiod (sous la direction de), Faire avec l’objet. Signifier, appartenir, rencontrer, Lyon, Éditions Chronique sociale, 2003, p. 41-52.
-
[14]
Le terme est employé par Jean Ayme.
-
[15]
Voir I. von Bueltzingsloewen, « Réalité et perspectives de la médicalisation de la folie dans la France de l’entre-deux-guerres », Genèses, 82, 2011, p. 52-74 et I. von Bueltzingsloewen, « Quel(s) malade(s) pour quel asile ? Le débat sur l’internement psychiatrique dans la France de l’entre-deux-guerres », dans H. Guillemain, L. Guignard et S. Tison (sous la direction de), Institutions de la folie. Expériences judiciaires, hospitalières, militaires, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 263-274.
-
[16]
Je pense en particulier à E. Toulouse dont la mort, en 1947, a facilité la mise à l’index.
-
[17]
Il demeure à ce poste jusqu’en 1943, date à laquelle il rejoint l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard (Neuilly-sur-Marne).
-
[18]
Le nombre de malades internés dépasse les 110 000 en 1940, alors qu’il était inférieur à 65 000 en 1920.
-
[19]
Ils sont à peine plus de deux cents à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
-
[20]
Certains asiles ruraux sont très isolés et ne comptent qu’un médecin-directeur.
-
[21]
En dépit de la rupture hiérarchique entre les médecins du cadre des asiles de la Seine et les autres.
-
[22]
La suppression de l’adjuvat des asiles, obtenue en 1922 après un long combat, témoigne de la capacité de l’Amicale à défendre les intérêts de la corporation.
-
[23]
Voir I. von Bueltzingsloewen, « Réalité et perspectives de la médicalisation de la folie dans la France de l’entre-deux-guerres », art. cit.
-
[24]
La réforme de la loi de 1838, en passe d’aboutir, a en effet été empêchée par l’entrée en guerre.
-
[25]
C’est le cas en particulier dans les départements qui ont décidé de construire un sanatorium départemental.
-
[26]
Le reportage réalisé par Igor Barrère à la clinique de La Verrière (Yvelines) en 1966 débute par une cure d’insulinothérapie.
-
[27]
Seule la cardiazolthérapie, abandonnée au profit de l’électrochoc diffusé dans les hôpitaux psychiatriques français à partir de 1941, fait exception : I. von Bueltzingsloewen, « Un fol espoir thérapeutique ? L’introduction de l’électrochoc dans les hôpitaux psychiatriques français (1941-1945) », dans C. Blondel et A. Rasmussen (sous la direction de), « Le corps humain et l’électricité – The human body and electricity », Annales historiques de l’électricité, 8, décembre 2010, p. 93-104.
-
[28]
Non sans jouer avec la chronologie, « oubliant » que les thérapeutiques de choc sont acclimatées avant la Seconde Guerre mondiale.
-
[29]
L. Murard, F. Fourquet (sous la direction de), « Histoire de la psychiatrie de secteur ou le secteur impossible ? », op. cit., p. 103.
-
[30]
L’expérience de la déportation a conduit certains psychiatres et infirmiers à opérer un parallèle entre univers asilaire et univers concentrationnaire.
-
[31]
Il n’est d’ailleurs pas du tout certain que l’enthousiasme réformateur manifesté à la Libération ait fait l’unanimité dans la corporation, ou alors seulement pendant une très courte période, ce qui explique, au moins pour une part, que la réforme de la loi du 30 juin 1838 ait une nouvelle fois été reportée.
-
[32]
Contrairement a ce qui a maintes fois été affirmé, la famine a fait des victimes à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban, qui a cependant été beaucoup moins touché que les grands établissements urbains.
-
[33]
Il convient également d’évoquer l’action d’un certain nombre de directeurs administratifs qui, comme en témoigne leur correspondance avec les autorités de tutelle, se sont démenés pour améliorer le sort des malades affamés.
-
[34]
La nomination de Max Bonnafous à la tête du ministère de l’Agriculture et du Ravitaillement, en septembre 1942, a sans aucun doute facilité les choses. Max Bonnafous est en effet l’époux d’Hélène Bonnafous, fille de Paul Sérieux, médecin du cadre des hôpitaux psychiatriques depuis 1938. En 1942, Hélène Bonnafous quitte son poste de médecin-chef à l’hôpital psychiatrique d’Alençon (Orne) pour suivre son mari à Vichy. Elle participe au Congrès des aliénistes et neurologistes de langue française réuni à Montpellier en octobre 1942, dont plusieurs communications sont consacrées à la famine.
-
[35]
Paul Balvet a ainsi raconté qu’à son arrivée à l’hôpital du Vinatier (Rhône), où il a été nommé médecin-chef début 1943, il a très vite compris qu’il était impossible de peser d’une quelconque manière sur le destin des malades.
-
[36]
M. Lafont, L’extermination douce. La mort de 40 000 malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques en France, sous le régime de Vichy, Le Cellier-Ligné, atelier thérapeutique de l’arefppi, 1987 ; P. Lemoine, Droit d’asiles, Paris, Odile Jacob, 1998.
-
[37]
C. Escoffier-Lambiotte, « Les asiles de la mort. Quarante mille victimes dans les hôpitaux psychiatriques pendant l’Occupation », Le Monde, 10 juin 1987.
-
[38]
C’est moins net dans la démarche de Patrick Lemoine qui répond à des motivations plus obscures.
-
[39]
Cette expression est soulignée par moi afin de montrer que Roger Gentis est le véritable inventeur du concept d’extermination douce, si problématique pour l’historien.
-
[40]
R. Gentis, Les murs de l’asile, Paris, Maspéro, 1970, p. 9.
-
[41]
M. Lafont, L’extermination douce. La cause des fous. 40 000 malades morts de faim dans les hôpitaux sous Vichy, Bordeaux, éditions du Bord de l’eau, 2000, p. 253.
-
[42]
Ibid., p. 208.
-
[43]
C. Nachin, « Tombeau pour les malades mentaux morts de famine pendant l’Occupation nazie (1940-1944) », Le Coq-Héron, 2011/2, p. 57.
-
[44]
É. Piel, J.-L. Roeland, De la psychiatrie vers la santé mentale, 2001, 7 (consultable sur le site de l’Académie nationale de médecine).
-
[45]
Cette opposition est entérinée par l’éclatement syndical de 1988.
-
[46]
Sur les débuts du syndicat, voir J.-C. Coffin, « Un syndicat en psychiatrie. Une association d’intérêts ? 1945-1950 », dans D. Tartakowski et F. Tétard (sous la direction de), Syndicats et associations. Concurrence ou complémentarité ?, Rennes, pur, p. 139-148.
-
[47]
Sur le modèle de ce qui existe en Belgique ou en Allemagne par exemple. Ce courant ne disparaît pas avec la mise en place du secteur. Il s’exprime en particulier dans le rapport Massé de 1981.
-
[48]
Au sein du syndicat, un certain nombre de psychiatres déplorent que la défense des intérêts de la profession soit négligée au profit du combat pour la réforme de l’assistance psychiatrique.
-
[49]
Voir aussi la thèse de la géographe Magali Coldefy, De l’asile à la ville : une géographie de la prise en charge de la maladie mentale en France, sous la direction de Denise Pumain, 2010, version électronique consultable sur le site de l’irdes.
-
[50]
Ainsi, dès l’entre-deux-guerres, le conseil général de la Seine s’est engagé résolument en faveur de la réforme psychiatrique. Mais ce cas n’est pas représentatif de l’ensemble des départements.
-
[51]
Il faut rappeler que les hôpitaux psychiatriques ne se sont émancipés de la tutelle départementale qu’en 1968-1970. Les structures extra-hospitalières développées dans le cadre de la sectorisation continuent de relever des départements jusqu’en 1985.
-
[52]
En 1958, onze départements sont dépourvus d’hôpital psychiatrique.
-
[53]
Il faut citer, notamment, les Journées psychiatriques de 1945 et 1947 ou celles de 1965-1966, qui ont débouché sur la rédaction du livre blanc de 1967, ou les six réunions du Groupe de Sèvres organisées au cours des années 1957-1959.
-
[54]
Sur l’expérience du XIIIe arrondissement de Paris, initiée par Philippe Paumelle, voir le rapport de recherche du sociologue Nicolas Henckès rédigé à destination de la drees-mire : Nicolas Henckès, Réformer la psychiatrie, organiser les pratiques de secteur. La construction de la psychiatrie de secteur dans « l’expérience du XIIIe arrondissement », mai 2005 (disponible sur demande).
-
[55]
Tenus d’appliquer la loi, les conseils généraux ont davantage de marge par rapport aux dispositions contenues dans les circulaires qui n’ont souvent qu’une valeur incitative. Or, jusqu’au vote de la loi du 27 juin 1990, la réforme de l’assistance aux malades mentaux a essentiellement été conduite à coup de circulaires. Voir Isabelle von Bueltzingsloewen, « Un lieu de tension entre le centre et la périphérie. L’assistance aux aliénés dans le département du Rhône (1918-1940) », Le mouvement social, n° 242, janvier-mars 2013, p. 45-59.
-
[56]
Voir Isabelle von Bueltzingsloewen, « Révolution au quotidien, révolution du quotidien : les transformations de la pratique psychiatrique à l’hôpital du Vinatier dans les années cinquante », dans I. von Bueltzingsloewen et O. Faure (sous la direction de), Questions à la « révolution psychiatrique », Lyon, éditions La Ferme du Vinatier, 2001, p. 19-36.
-
[57]
Les directions médicales ont été définitivement supprimées en 1974.
-
[58]
Les municipalités de gauche, et celles dirigées par des communistes en particulier, se montrent généralement plus favorables à l’implantation sur leur territoire de structures dédiées aux malades mentaux.
-
[59]
Même si les hôpitaux psychiatriques restent sous la tutelle des départements jusqu’en 1968-1970, l’intervention croissante de l’État et de la Sécurité sociale dans le financement des prises en charge a permis d’accélérer les réformes.
-
[60]
À ce sujet, voir Jacques Hochmann, « Le déclin de l’empire psychiatrique », Psychiatrie française, 2/2009, p. 7-37.