1Ce numéro thématique a été réalisé à l’initiative de Bernard Andrieu qui a joué le rôle d’éditeur invité pour l’ensemble des articles qui le composent. Le thème central de ce numéro traite de la perception du corps, explicite et implicite, cognitive et émotionnelle. Il met en avant le concept d’émersion qui, selon Andrieu, constitue « le mouvement involontaire dans notre corps des réseaux, humeurs et images dont notre conscience ne connaît que la partie émergée » (Andrieu, 2016, page 18). Il s’agit d’un concept issu d’une rencontre et d’un dialogue fertile entre la phénoménologie et les neurosciences. Celui-ci permet de construire un point de vue particulièrement intéressant dans la mesure où il apporte un éclairage pluridisciplinaire sur les rapports entre corps et motricité, pensées et action. Il permet, par exemple, d’aborder les questions de l’engagement du corps dans les activités quotidiennes, professionnelles, de loisirs et sportives, et questionne la perception du corps qui en découle.
2Davia Benedetti étudie « Les gestes dans l’apprentissage en danse contemporaine, entre mise en mots et mise en corps ». Les données recueillies soulignent que les processus de cognition rationnels et émotionnels sont liés à la motricité dans l’apprentissage de la danse contemporaine. Il ne s’agit pas simplement de reproduire les mouvements spécifiques à cette activité, mais également d’acquérir ces connaissances procédurales par expérience directe et observation vicariante, à travers une éducation sensorimotrice avec réciprocité d’écoute kinesthésique et sensorielle entre les danseurs.
3Claire Tourny, Ingrid Castres, Montassar Tabben, Maxime L’Hermette, Nihel Ghoul, Bernard Andrieu et Jérémy Coquart s’intéressent à la « Relation entre le corps vécu et le corps vivant après un effort et une procédure de récupération par immersion en eau froide ou passive chez des joueuses de handball ». En comparant les deux types de récupération, et en considérant la manière d’exprimer la sensation perçue du froid par le biais du corps vécu, ils démontrent que sentir son corps vivant est une composante essentielle pour définir les modalités optimales de récupération des ressources physiologiques et psychologiques.
4Nicolas Besombes traite, pour sa part, de l’« Exécution et mindgame dans les jeux vidéo de combat : les deux facettes de la vidéomotricité dans l’e-sport ». Le cœur de son questionnement gravite autour de l’engagement moteur des joueurs lors de la pratique compétitive du jeu vidéo (e-sport). À travers des entretiens et des analyses vidéos recueillies chez des joueurs, il construit une réflexion sur la dynamique du jeu vidéo et les deux compétences requises pour être performant : automatiser les combinaisons rythmées de touches sur les contrôleurs et décoder les intentions de l’adversaire.
5Mary Schirrer présente un article qui traite la question de « Construire des savoir-faire perceptifs en apnée : Une méthode de réflexivité en action coach-pratiquant » s’appuyant sur un cadre théorique de la phénoménologie et de l’anthropologie sensorielle avec une démarche ethnographique. Cette contribution révèle les savoir-faire et l’expertise des acteurs et des entraîneurs pour améliorer la perception des sensations corporelles en apnée.
6Cécile Marie, Sylvain Hanneton et Pauline Maillot s’intéressent à la relation entre « Émersion et apprentissage comme une réponse neurovégétative lors d’une tâche d’adaptation visuo-manuelle ». Les résultats obtenus dans une tâche de pointage pouvant être perturbée confirment l’existence d’une réponse neurovégétative au niveau du rythme cardiaque et de la réponse électrodermale pendant l’apprentissage. Ces résultats ouvrent la voie à l’étude des corrélats neurovégétatifs de l’apprentissage moteur dans le cadre d’habiletés plus complexes et à leur interprétation dans le cadre de l’émersion.
7Alexandre Legendre pose la question « L’idéal du laisser-agir (wuwei) dans les pratiques martiales chinoises : quelle place pour le soi dans l’action efficiente ? ». Il s’appuie sur les arts martiaux chinois qui démontrent qu’à force de répétitions, le pratiquant « expurge » les aspects réflexifs de l’exécution des techniques, au profit de modalités « corporelles » spontanées et non-conscientes.
8Enfin, Petrucia Da Nobrega prend l’exemple d’une pratique qui se déroule pendant le Carnaval de la plage de Redinha, à Natal, au Brésil à partir d’une étude du corps et de la sensibilité « La boue comme champ expressif comme une esthésiologie du corps et de la motricité en danse » qu’elle met en relation avec le spectacle « Cão sem plumas » [Le Chien sans plumes], de Débora Colcker pour démontrer à partir de l’étude du corps et du sensible, des liens entre l’expérience esthétique de la boue et le champ expressif de la danse.