Avant-propos
1Les recherches contemporaines sur la motricité se situent entre deux pôles théoriques. Le premier, qui a son origine dans la psychologie cognitive, met l’accent sur la notion de programmation du mouvement et de schéma moteur qui permet d’anticiper les conséquences du mouvement à accomplir. Cette approche cognitiviste présuppose une dissociation fonctionnelle entre la perception et l’action. Elle attribue au système de contrôle moteur un rôle de prescripteur et d’exécuteur de séquences d’action nécessaires pour atteindre un but, ces séquences d’action ayant été élaborées temporairement ou stockées au niveau central.
2Le second pôle, qui est à l’opposé de l’idée métaphorique de l’ordinateur, met l’accent sur le couplage intrinsèque qui existe entre la perception et l’action. Cette approche « écologique » est issue de la dynamique des systèmes non linéaires : la programmation étant alors conçue comme une propriété émergente de la dynamique de ces systèmes; autrement dit le choix du programme d’action ne requiert pas un contrôle neuromusculaire direct. Cette approche considère le mouvement comme le résultat d’un couplage entre un nombre limité de patrons d’action et les contraintes environnementales- la gravité par exemple- agissant sur un assemblage de composantes biomécaniques -l’architecture corporelle- qui constitue la contrainte intrinsèque.
3Notre approche théorique de la production du mouvement considère comme caduque la séparation artificielle entre perception et action. Nous avons en commun avec la théorie écologique un attachement au problème fondamental de la gestion des multiples degrés de liberté ainsi qu’à la notion de contraintes environnementale et intrinsèque. En revanche, et tout en bien s’appuyant sur l’affirmation que le concept d’information ne peut être envisagé séparément du mouvement, la théorie écologique conteste la légitimité de la séparation des différentes familles d’information sensorielle (voir § intégration sensorimotrice et schéma corporel) et considère que les stimuli sensoriels sont directement appropriés à la planification et à l’exécution des activités de l’organisme dans son environnement. C’est essentiellement à ce niveau que notre théorie de la «Configuration de Référence Productrice d’Actions» pourrait être considérée comme étant en « rupture » avec la démarche écologique comme nous l’avons argumenté récemment (Feldman & Lestienne, 2001) en réponse à l’article cible de Stoffregen & Bardy (2001).
Introduction
4Le corps humain est caractérisé par un très haut niveau de complexité du fait de son organisation anatomique constituée par des centaine de segments corporels connectés par de très nombreuses structures viscoélastiques que sont les muscles. Cette complexité confère à cette chaîne polyarticulaire le support biomécanique permettant soit d’assurer la stabilité posturale soit de produire des mouvements coordonnés pour lesquels virtuosité, habileté et élégance (Fig. 1) reposent sur la flexibilité de ce système plurimusculaire. Comment le Système Nerveux (SN) contrôle-t-il cette myriade de muscles de manière cohérente et efficace en conciliant l’existence de la contrainte gravitaire terrestre ?
5Cette question fondamentale du contrôle moteur provoque et nourrit des débats animés mais toujours actuels auxquels la biomécanique et la neurophysiologie apportent une contribution importante permettant d’appréhender l’évolution des réflexions théoriques sur le contrôle moteur et de façon plus générale sur l’action tout en préservant une approche à la fois analytique et holistique.
Analyse cinématique 3D du développement d’une arabesque chez une gymnaste. Quatre caméras digitales
Analyse cinématique 3D du développement d’une arabesque chez une gymnaste. Quatre caméras digitales
6Cependant, et en dépit de très nombreuses études qui remontent à la fin du XIXème siècle sur les différents aspects de la performance motrice- cinétique, cinématique, électromyographique, connexions synaptiques et activités neuronales afférentes et efférentes- nous commençons seulement à comprendre la nature du contrôle plurimusculaire. Nous esquisserons quelques réponses possibles à la question fondamentale : comment le SN contrôle-t-il un système pluriarticulaire et multimusculaire ? En particulier, il est nécessaire d’expliquer comment le SN sélectionne un ensemble spécifique de muscles et d’articulations, pour produire un mouvements dirigé vers un but, autrement dit produire une action motrice adaptée aux différentes tâches auxquelles un sujet est confronté. Alors qu’un même but à finalité motrice peut être accompli par différents muscles et articulations, comment le SN recrute-t-il les muscles selon un patron unique pour chaque mouvement ? Nous sommes ici au cœur de l’incontournable problème de Bernstein ( 1935/1967) concernant la maîtrise des degrés de liberté (Latash, 1993).
7Nous pensons qu’il est essentiel d’aborder les problèmes du contrôle moteur sur la base d’un cadre théorique fondé sur des principes physiologiques reconnus - nous dirions vraisemblables à partir duquel il est possible d’élaborer des prédictions qui devraient être testables expérimentalement. Il est vrai que l’existence de théories différentes et souvent conflictuelles ne facilite pas la tâche ! Néanmoins le nombre de théories utilisables est considérablement réduit si on ne considère que leur capacité à résoudre le problème classique de la relation entre posture et mouvement judicieusement et clairement formulé par Von Holst e& Mittelstaedt (1959/1973). En d’autre termes une théorie devrait pouvoir expliquer la raison pour laquelle les mécanismes permettant la stabilisation posturale n’offre aucune résistance quand volontairement nous nous éloignons de la posture initiale, autrement dit lorsque intentionnellement nous produisons un mouvement. Nous proposerons et illustrerons une solution empirique établie sur des bases physiologiques sous-jacentes au modèle Lambda d’Asatryan & Feldman (1965) ou théorie du point d’équilibre (Feldman, 1966,1986). Par ailleurs, en nous appuyant sur les théories dominantes actuelles sur le contrôle moteur - la commande s’exercerait en terme de force- qui reposent sur un ensemble de concepts utilisés en robotique, nous illustrerons que ces théories sont fondamentalement inconciliables avec les données de la physiologie et ne peuvent apporter de solution empirique au problème-ou paradoxe- « posture-mouvement » soulevé par Von Holst & Mittelstaedt. Au delà des controverses nous pensons que la solution à ce problème majeur est directement liée à la question : comment le SN organise et utilise les Cadres de Références (CR) ou systèmes de coordonnées pour produire un mouvement. L’activité nerveuse centrale et réflexe ainsi que les composants biomécaniques du système neuromusculaire dépendent des paramètres du CR dans le sens où tout changement d’un de ces paramètres, tel que l’origine du CR, influence l’activité de tous les composants du système neuromusculaire. En conséquence en manipulant les paramètres de CR les niveaux de contrôle peuvent initier et guider l’action motrice. Dans cet article nous présenterons le cheminement théorique qui, partant du modèle ?, amènera à proposer le concept de «Configuration de Référence Productrice d’Action » qui sous une formulation moins fonctionnelle « Configuration Corporelle de Référence » était déjà évoqué dans l’article cible de Feldman & Levin (1995) et commenté par Lestienne et al (1995) sur la base de données expérimentales sur le contrôle postural.
8Cette approche théorique qui n’est pas simplement un outil conduira à jeter un autre regard sur le concept de schéma corporel en nous appuyant essentiellement sur les données expérimentales recueillies au cours de travaux sur le contrôle postural en situation d’apesanteur (Clement et al. 1984; Lestienne & Gurfinkel, 1988 a, b). Par ailleurs cette notion de «Configuration de Référence Productrice d’Actions » n’est certainement pas un langage de convention. Nous montrerons en effet qu’elle peut être expérimentalement testée par l’analyse de l’activité électromyographique (EMG) multimusculaire pour différents types d’activités motrices mettant en jeu soit le mouvement d’une partie du corps tel que le mouvement de rotation de la tête lors du déplacement du regard chez le singe (Lestienne et al., 2000), le mouvement global du corps mis en jeu au cours d’élévation et d’abaissement du corps chez le sujet sain (Feldman et al., 1998) soit encore les mouvements de la jambe chez la danseuse de ballet (Thullier & Plotkin, 2002 ; Thullier & Lestienne, 2002). Enfin, cette notion de «Configuration de Référence Productrice d’Action »permettra également de proposer que les mouvements peuvent être produits et guidés en s’affranchissant des problèmes de la redondance aussi bien au niveau musculaire qu’articulaire (Lestienne & Feldman, 2001, Lestienne et al., 2002).
Recrutement spatio-temporel des patrons d’activité musculaire et spécificité de la tâche.
9Il y a un consensus général pour lequel le recrutement spatio-temporel des effecteurs qui rend compte de la complexité, de la richesse, de la variété et de l’élégance du geste, dépend de la spécificité de la tâche motrice (Henneman, 1981; Hasan & Karst, 1989; Liverneaux & Lestienne, 1989; Tax et al., 1989; Loeb & Levine,1990; Lacquaniti, 1992; Koshland & Hasan, 1994; Nichols, 1994; Weijs et al., 1999; Hogan & Flash, 1987). L’efficacité musculaire dépend des caractéristiques anatomiques-longueur, section, bras de levier- aussi bien que des propriétés biomécanique et biochimique des unités motrices, la loi de Henneman fixant, à quelques exceptions près, le mode de mise en jeu des unités motrices. Les propriétés biomécaniques peuvent également être responsables de la qualité d’une gestuelle : saccadique ou au contraire fluide (Hogan & Flash, 1987; Gribble & Ostry, 1996).
10Il y a de nombreux exemples illustrant cette spécificité. Parmi les plus connus et les plus simples nous nous intéresserons aux mouvements monoarticulaires qui nous permettront d’introduire en premier lieu les notions d’agoniste et d’antagoniste et de suivre les caractéristiques temporelles et spatiales de leur patron d’activité en fonction de la vitesse du mouvement et de la contrainte inertielle (Lestienne, 1979). Ces caractéristiques ont été identifiées sur la base d’enregistrements de mouvements monoarticulaires de flexion (Fig.2) ou d’extension du coude effectués dans un plan horizontal, l’avant bras reposant dans une attèle mobile autour d’un axe vertical colinéaire avec l’axe du coude permettant ainsi de s’affranchir des forces gravitaires.
11Les plans d’action musculaire sont caractérisés par deux séquences d’activité EMG sous forme de « bouffée ». Le profil de vitesse angulaire est approximativement sous forme de courbe en cloche quel que soit le pic de vitesse atteint. Ces deux bouffées apparaissent d’abord au niveau du muscle agoniste pendant l’accélération du mouvement. Cette accélération correspond à la phase de croissance de la vitesse et ensuite au niveau du muscle antagoniste au cours du freinage du mouvement. Le freinage s’effectue pendant la phase de décroissance de la vitesse. Il est important de constater que pour les mouvements lents on n’observe aucune séquence d’activité au niveau des muscles antagonistes. En effet, pour autant que les forces agonistes n’excèdent pas les forces viscoélastiques passives développées par les fléchisseurs et extenseurs, le mouvement peut être freiné efficacement par ces seules forces passives musculaires. En revanche, quand la vitesse augmente on constate que l’activité antagoniste survient de plus en plus précocement. Pour les vitesses très élevées on observe un recouvrement d’activité des deux muscles antagonistes démontrant ainsi que les mécanismes d’inhibition réciproque sont occultés.Une corrélation très étroite a pu être mise en évidence entre le pic de vitesse atteint au cours du mouvement et la durée d’activité de l’agoniste (dAG ) ainsi que la date d’activité de l’antagoniste (tANT ). Par ailleurs, pour une même valeur du pic de vitesse, l’addition d’une charge inertielle se traduit par une augmentation significative du niveau d’excitation des deux muscles antagonistes, mais ne modifie nullement les caractéristiques temporelles des séquences d’activité agoniste-antagoniste.
12Les muscles agonistes sont les premiers à s’activer lorsqu’ils doivent accélérer le mouvement dans une direction donnée alors que les muscles antagonistes participent au freinage du mouvement. Cette caractéristique résulte de la transition d’une position à une autre. Elle se manifeste par un profil de vitesse similaire à une courbe en cloche signe de la fluidité de la transition (Lestienne, 1979; Hogan & Flash, 1987; Gribble & Ostry, 1996). Ce patron d’activité appelé réciproque est considéré comme fondamental pour la production de tout mouvement (Sherrington, 1906/1947). Il peut être combiné ou remplacé par la co-activation des muscles agonistes et antagonistes permettant d’accroître la résistance articulaire en cas de perturbations mécaniques externes ou internes augmentant ainsi la rigidité de l’articulation (Lestienne et coll., 1977 ; Levin & Dimov, 1997). Par ailleurs, en combinant l’activité réciproque et la co-activité, le SNC peut adapter la vitesse du mouvement (Lestienne, 1979; Feldman & Levin, 1995). La co-activation et l’activation réciproque résultent de changements appropriés du potentiel de membrane des motoneurones. Ces changements qui peuvent être en dessous du seuil d’excitation des motoneurones, dans ce cas les muscles ne se contractent pas, peuvent fortement influencer la réponse à une perturbation imprévue. Cette facilitation préliminaire permet au système de contrôle de réagir rapidement et efficacement à l’étirement musculaire imprévu par exemple.
13Ces changements sous-liminaires du potentiel de membrane illustrent les processus d’anticipation -feedforward- permettant de préparer le système neuromusculaire à répondre à toute perturbation imprévue. Du fait de ces changements du potentiel de membrane qui précèdent l’EMG et consécutivement à la force musculaire, il en résulte que la production des mouvements s’effectue selon un mode anticipé.
14D’un point de vue théorique, il est important d’introduire ici les concepts qui intègrent ces notions de changement de seuils sous-liminaire et supraliminaire en relation avec les seuils d’activation des muscles qui participent au changement d’une position articulaire à une autre (Asatyan & Feldman, 1965). Par définition, le seuil d’activation est la longueur spécifique ou l’angle articulaire à partir duquel le recrutement des muscles débute. L’existence de très nombreuses voies descendantes qui interviennent dans la spécification des seuils d’activation (Matthews, 1959; Feldman & Orlovsky, 1972), renforce cette notion que les changement des seuils d’activation soustendent le contrôle des mouvements. Cette notion est cohérente avec les données récentes chez des patients déafférentés, hémiparétiques ou souffrant de paralysie spasmodique (Cirstea & Levin, 2000; Jobin & Levin, 2000; Levin et al., 2000). La dérégulation centrale des seuils d’activation que l’on observe chez ces patients a des conséquences dramatiques sur le contrôle de la posture et du mouvement.
15L’ensemble de ces données empiriques nous permet d’introduire les notions de commande réciproque-commande R- et de commande co-active - commande C- qui soustendent les changements de seuils sous- et supraliminaires de l’état des muscles agonistes et antagoniste (Fig 2). Abandonnant la notion traditionnelle qui décrit l’activation réciproque et la co-activation en terme de changement respectif de l’activité EMG des muscles agonistes et antagonistes, les commandes R et C sont décrites ici en terme de changement des seuils d’activation des muscles. Il en résulte donc que R et C sont des variables à dimension spatiale. Ces commandes divisent l’étendue de l’espace angulaire de l’articulation en zones pour lesquelles les deux groupes musculaires opposés peuvent être réciproquement actifs-commande R- (Fig. 3) ou simultanément-commande C- (Levin & Dimov, 1997).
16La généralisation de la commande R a un système multimusculaire nous amènera au concept de Configuration de Référence. Bien qu’il y ait un consensus concernant le fait que le recrutement spatio-temporel des effecteurs dépend de la spécificité de la tâche, la réponse à la question comment le SN parvient à cette spécificité est encore matière à controverse. Cette situation peut résulter de l’absence de consensus au regard des principes élémentaires du contrôle des mouvements comme nous l’illustrerons dans les deux chapitres suivants.
Réflexes et générateurs centraux de programmes
17Si l’on s’en tient aux premières formulations sur l’organisation du mouvement, on s’aperçoit que celles-ci ont oscillé entre deux positions extrêmes à savoir : l’enchaînement harmonieux d’activités réflexes (Sherrington, 1906/1947) ou la programmation centrale de la totalité des séquences motrices en dehors de toute information d’origine périphérique (Beevor, 1904).
18Avant d’envisager de brosser un inventaire rapide de l’évolution de la notion de programme qui est devenue à bien des égards prédominante dans le domaine du contrôle de la motricité, il est important de revenir sur la notion de réflexe qui a subi une évolution substantielle qui ne s’accommode plus avec la l’idée que les réflexes sont des réponses involontaires, stéréotypées à des stimuli externes. En effet, le caractère de flexibilité de l’organisation des réflexes en fonction des exigences de la tâche qui avait été tout un temps quelque peu « oublié » reçoit actuellement un statut privilégié par rapport au caractère conventionnel de rigidité qu’il était coutume d’accorder à l’activité réflexe. Rappelons que l’ébauche de cette relecture de la notion de réflexe se trouvait déjà dans la septième des conférences « les réflexes comme réactions adaptées » constituant l’ouvrage de référence de Sherrington (1906/1947). Aussi, et de manière plus spécifique, les réflexes musculaires qui avaient été décrits comme des mécanismes peu significatifs et parfois même considérés comme des obstacles à l’expression des mouvements volontaires se retrouvent actuellement revalorisés. Le réflexe d’étirement en est une excellente illustration. Comme nous l’avions précisé au chapitre précèdent, le seuil de ce réflexe est synonyme du seuil d’activation musculaire qui par ailleurs peut être largement modifié -réglé- par les niveaux de contrôle responsables de la production du mouvement intentionnel (voir l’introduction). Rappelons enfin que selon la spécificité de la tâche, la sensitivité du réflexe d’étirement-longueur et vitesseest ajustable (Houk & Rymer, 1981).
19La seconde proposition repose sur l’hypothèse que la mise en œuvre de façon coordonnée d’un ensemble de contractions musculaires aurait pour origine l’existence d’un Générateur Central de Patrons (GCP) régi par des câblage neuroniques montés dans les centres nerveux. Cette hypothèse a été confortée après la publication de travaux montrant que des mouvements aussi complexes et remarquablement ordonnés que ceux observés dans la locomotion, le grattage, peuvent être réalisés chez l’animal déafférenté (Brown, 1911). Suite aux travaux de Taub (1976), Bossom (1974) et Bizzi et al. (1992) qui ont démontré qu’après déafférentation d’un segment corporel, le SN est capable d’organiser le mouvement sur la base de l’existence d’une représentation interne, la seconde proposition a dès lors été renforcée lorsque ce concept de programme s’est affranchi de l’idée que le programme se caractérise par les séquences d’action imposées par des liaisons neuro-anatomiques rigides. Néanmoins, du fait de la limitation de la capacité de câblage neuronique assurant, au différents niveaux du SNC, l’appel et le déroulement des programmes moteurs correspondant à un geste particulier, ce concept de programme a cependant ses limites. On ne peut en effet concevoir qu’à chaque geste correspond un programme moteur particulier. L’introduction du postulat d’un programme moteur généralisé (Schmidt, 1975,1988) ou schéma moteur (Turvey , 1977) permet d’une certaine façon d’échapper à cette critique. Cette conception générale, équivalente à une mémoire abstraite d’une famille de gestes (Pailhous & Bonnard, 1989), doit beaucoup au travaux de Piaget (1936) sur la construction des « Schèmes d’action » selon la formulation même de Piaget. Il est important de rappeler ici que cette théorie repose largement sur le fait que les informations sensorielles issues de l’exécution du mouvement ne sont pas indispensables à la production du mouvement et ne participeraient pas au déroulement des programmes moteurs. Ce caractère proactif du comportement moteur proposé par Schmidt, s’opposant partiellement à la position d’Adams (1971) qui met l’accent sur le rôle des réafférences issues du mouvement, est souligné essentiellement pour la production des gestes rapides. Considérant ainsi que pour les mouvements brefs, tels les mouvements des doigts sur le clavier d’un piano ou d’une machine à écrire, le SNC ne peut intervenir sur le déroulement du mouvement à partir des réafférences sensorielles, il en a été déduit que le SNC dispose de commandes pré-organisées nécessaires à la production du geste avant même le début de celui-ci (Seashore, 1938; Keele, 1968; Bossom, 1974; Taub, 1976). Rappelons cependant qu’il a été montré que les informations cutanées jouent un rôle important dans la fréquence de la frappe dactylographique (Terzuolo & Viviani, 1980). Soulignons enfin qu’il était admis que la bouffée initiale d’activité EMG des mouvements rapides ne pouvait être modifiée par les informations proprioceptives (Higgins et Angel, 1970). Cependant, Adamovich et coll. (1997) ont démontré récemment, par des méthodes de perturbation, que non seulement l’amplitude mais les caractéristiques temporelles (début et fin) de cette bouffée d’EMG dépendent des entrées proprioceptives. Adamovich et coll. (1997) suggèrent que, plutôt que supprimer les réflexes proprioceptifs, les niveaux de contrôle les utilisent comme outil pour la production des mouvements les plus rapides. Ceci peut être accompli en réinitialisant les seuils des réflexes à une vitesse maximale. Dans cette situation les réflexes travaillent pratiquement à leur pleine capacité, rendant ainsi le système relativement insensible à toute perturbation externe.
20Cette brève revue montre que quelques mouvements peuvent être produits en absence de retour proprioceptif. Rappelons néanmoins que Von Holst & Mittelstaedt (1950/1973, s’ils ne rejettent pas l’idée de l’existence de générateurs centraux de mouvements (Brown, 1911), s’interrogent cependant sur la validité des modèles utilisant les sujets déafférentés. En effet selon ces auteurs, ces modèles expérimentaux ne permettent pas de répondre à la question fondamentale : comment des signaux efférents issus d’un générateur central sont-ils intégrés avec les signaux sensoriels dans la production d’une activité motrice chez les organismes intacts ? Pour tenter de solutionner ce problème théorique, ils ont proposé « le principe de réafférence », principe permettant de répondre au problème classique de la relation entre posture et mouvement évoqué dans l’introduction et qui sera repris un peu plus loin.
21Par ailleurs il est important de signaler que l’interprétation des résultats sur les expériences de déafférentation sont complexes du fait que l’homme ou l’animal peuvent compenser la perte des afférences proprioceptives en apprenant à utiliser les signaux sensoriels qui sont restés intacts, spécialement les signaux vestibulaires et visuels. Néanmoins et même après des années d’entraînement, les patients déafférentés restent d’une part incapables de se maintenir debout et de marcher sans l’aide d’une importante assistance et d’autre part ne peuvent maintenir stable la position d’un bras en absence de vision (Levin et al., 2000). Ces observations sur les déficits moteurs chez les patient déafférentés mettent en évidence le rôle primordial et fondamental des signaux proprioceptifs dans la production du mouvement.
« Commande de force » :variable de contrôle ou variable d’état ?
La métaphore du martien et de la voiture
22Imaginons un Martien qui, débarquant sur notre planète, essaie de comprendre le fonctionnement d’une des créatures terrestres les plus communes : la voiture. Il tentera dans un premier temps de quantifier les interactions de cette créature avec l’environnement en termes de déplacement, vitesse, puissance, état de la route, qualité des pneus et de toutes autres variables externes quantifiables. Observant que cette étrange créature peut glisser sur les chaussées verglacées voire humides et comble d’étonnement entrer en collision avec une créature identique, notre Martien conclura que ces créatures sont incapables de spécifier directement leur trajectoire ou leur force de traction pour surmonter les caractéristiques de l’environnement. De ces études empiriques, il en ressort que l’explication des comportements de ces créatures, en terme de variables externes-ou Variables d’Etat-, ne permet de décrire que les effets mais non la cause. Taraudé par sa curiosité notre Martien remarque qu’à l’intérieur de ces créatures il y a un certain nombre de manettes : ne serait-ce pas là la clé de la solution du problème ? Poussant son investigation plus loin, il en déduit que le comportement moteur de ces créatures est lié à la position de ces manettes -Variables de Contrôle- qui sont actionnées par un agent intrinsèque à la créature : le conducteur. Comme notre Martien, notre but est de révéler la nature ou d’identifier ces « manettes » ou Variables de Contrôleindépendantes des conditions externes et des variables biomécaniques. En d’autres termes la production du mouvement résulterait de la spécification par le SNC de ces Variables de Contrôle.
Le « principe de corrections sensorielles » de Bernstein ou le « principe de réafférences » de Von Holst et Mittelstaedt
23Il revient à Bernstein (1935/1967) d’avoir clairement formulé dans sa Théorie de la Physiologie de l’Activité que les patrons d’EMG ou de force ne peuvent pas être prédéterminés par un programme central du fait que la relation entre les signaux centraux de commande et la sortie motrice est indéterminée ou ambiguë. Un même jeu de commandes centrales peut donner naissance à des activités motrices très différentes qui dépendent par exemple des forces externes. Cette idée fondamentale de Bernstein repose en premier lieu sur les principes de base de la neurophysiologie médullaire. Il insiste effectivement sur l’existence de la convergence au niveau des motoneurones des signaux de commande centraux et des signaux afférents-en particulier proprioceptifs-. En second lieu il rappelle que le muscle est caractérisé non pas par une relation force-longueur unique mais par une famille de relations. Il en résulte que les niveaux de contrôle peuvent au mieux sélectionner une des relations de cette famille et non pas une combinaison spécifique de force et de longueur musculaire. Bernstein suggère que pour produire une activité motrice reproductible et de très grande précision - se raser, tirer au pistolet-, les niveaux de commande doivent opérer un contrôle des signaux sensoriels en vue d’effectuer de manière appropriée les corrections discrètes ou continues, c’est le «principe des corrections sensorielles».
24Comme nous l’avons vu précédemment Von Holst et Mittelstaedt (1950/1973) ne rejettent pas à priori l’existence de générateurs centraux de mouvements mis en évidence chez l’animal déafférenté, mais ils insistent sur la fait que l’hypothèse d’un Générateur Central de Patrons (GCP) ne peut résoudre en rien le problème classique et fondamental de la relation entre posture et mouvement. Ces auteurs également attirent l’attention sur la nécessaire relecture de la notion de réflexe qui ne se résume pas à une activité rigide et stéréotypée. Comme Bernstein ils introduisent cette idée que les commandes centrales influent sur le retour sensoriel au niveau des motoneurones, c’est le « principe de réafférence» principe similaire au «principe des corrections sensorielles »de Bernstein.
25Bien que Bernstein, Von Holst et Mittelstaedt s’accordent pour rejeter l’hypothèse d’une programmation directe de la sortie motrice (EMG, force), il s’avère que depuis une dizaine d’années cette hypothèse a été réactualisée sous l’impulsion du développement exponentiel des sciences de l’informatique et de la théorie des systèmes adaptatifs utilisées avec succès en robotique (Raibert, 1986 ; Hannaford et Winters, 1990). D’une certaine façon et en introduisant certaines modifications, l’implication de ces théories dans le domaine des sciences de la vie est devenue prédominante dans les disciplines qui s’intéressent à l’organisation et au contrôle des activités sensori-motrices.
«Commande de force» :le domaine de la robotique
26Un grand nombre de théories actuelles sur le contrôle moteur sont issues de modèles utilisés en robotique. Dans ces modèles de «commande de force», la commande des mouvements s’exercerait en terme de patrons de force permettant l’ajustement du moment articulaire nécessaire au déplacement du segment corporel. Il est important de rappeler que le corps est une chaîne dynamique pluriarticulaire qui assure la formation d’une trajectoire d’un segment corporel déterminé. Ne tenir compte que des forces produites par la contraction des différents muscles qui participent à la formation de la trajectoire ne permet pas d’expliquer la commande motrice. En effet, comme l’a proposé Bernstein (1967), il faut nécessairement prendre en considération les propriétés biomécaniques des membres mobilisés : forces inertielles, moment articulaire, géométrie squelettique, viscosité, raideur...
27Si l’on s’inscrit dans le cadre de la «commande de force», le principe organisateur de la motricité devrait donc passer à travers ces propriétés biomécaniques. Les commandes musculaires issues du SNC doivent idéalement prendre en considération les forces non musculaires imposées par le membre en mouvement pour éviter à l’avance les distorsions lors de la formation de la trajectoire. Il est donc nécessaire que la commande centrale puisse se représenter ces propriétés biomécaniques dans un modèle qui devrait être en quelque sorte le miroir des distorsions auxquelles le système musculo-squelettique sera soumis. Autrement dit le SN devrait avoir la capacité de résoudre le «problème inverse» (Berthoz, 1997).
28En empruntant à la robotique des concepts qui simplifient considérablement le contrôle des variables cinématiques-position, vitesse et accélération - (Slotine et Li, 1991) et des méthodes de calcul dit «calcul inverse» permettant de programmer les signaux de commande des moteurs activant le robot, des solutions ont permis l’émergence de principes prenant en compte cette complexité incontournable. Ces principes sont fondés sur la planification préliminaire de la cinématique du mouvement désiré, suivie par le calcul des couples moteurs articulaires, des forces musculaires, et des patrons de l’activité EMG. Cette approche que l’on nomme dynamique inverse(Hollerback & Atkeson, 1994) implique que les calculs des couples moteurs articulaires sont produits par le système de contrôle utilisant un modèle interne(Kawato et al., 1987; Shadmehr & Mussa-ivaldi, 1994 ; Wolpert et al., 1995)) dont les propriétés sont l’inverse de celles des segments corporels contrôlés qui tiennent compte des propriétés dynamiques des composantes du système biomécanique, réflexe et central de même que les propriétés de l’environnement. Ainsi les forces musculaires individuelles et l’activité EMG sont calculées sur la base des couples moteurs articulaires et en fonction de certains critères d’optimisation tels que la minimisation de l’activité musculaire globale. Aussi en accord avec cette approche, l’amplitude et les séquences d’activation des bouffées d’activité seraient fondamentalement pré-programmées.
EMG, force et cinématique :propriétés émergentes du système de contrôle
29Si ce modèle de «commande de force» est parfaitement adapté au domaine de la robotique, nous pensons qu’il ne l’est pas pour les organismes vivants. Parmi les arguments qui peuvent être proposés nous en retiendrons ici trois. En premier lieu et sur la base de données empiriques et de modélisation des mouvements volontaires du bras-démontrant que les séquences d’activation musculaire peuvent être modulées par un retour sensoriel-. Todorov (2000) affirme clairement que le postulat de base de la «commande de force» nécessitant la programmation centrale des variables cinématiques, des patrons d’EMG et de force est fondamentalement incorrect, ces variables-ou variables d’état- correspondent aux propriétés émergentes du système de contrôle. En second lieu, et comme cela avait été soulevé par Von Holst et Mittelstaedt (1950/1973) concernant l’existence de puissants mécanismes neuromusculaires « réflexes posturaux » qui génèrent l’activité EMG et la force nécessaire pour résister à tout changement de posture, ce modèle de «commande en force» ne prend pas en compte le fait que le système devra produire des forces résistantes additionnelles pour que le système revienne à sa position initiale, ce qui implique que l’action programmée serait « anéantie ». La réponse à cette objection pourrait être que ces « réflexes posturaux » puissent être complètement ou partiellement supprimés par un Générateur Central de Patrons (GCP) pendant la transition entre la posture initiale et la posture finale. Von Holst et Mittelstaedt rejettent cette proposition à la vue des données expérimentales. Une autre proposition pourrait être avancée à partir du modèle de Merton (1953) fondé sur un servomécanisme de régulation de longueur du muscle. D’après Merton, la commande de l’activité des motoneurones gamma projetant sur les récepteurs fusoriaux permettrait d’amener le muscle à une nouvelle longueur de référence entraînant ainsi par le servomécanisme un raccourcissement du muscle et donc un mouvement. Cependant il a été démontré expérimentalement que le gain - la raideur- de cette boucle réflexe est trop faible pour rendre efficace ce servomécanisme. Cette hypothèse a donc été également rejetée. Enfin, utilisant une stratégie basé sur le modèle de «commande de force», Schweighofer et al., (1998) ont montré que la simulation des mouvements du bras effectués lors de tâche de pointages multiples dans un seul plan nécessite de générer une activité musculaire tonique proportionnelle à la distance entre la longueur musculaire initiale et finale. Ceci implique que la position finale ne peut être atteinte qu’en s’opposant à la résistance due à la déviation du bras par rapport à la position initiale. En conséquence, l’activité musculaire développée lorsque la position finale est atteinte ne peut être minimisée que par un mouvement du bras vers l’arrière par rapport à la position initiale. Cette prédiction est totalement en conflit avec l’observation commune : après la transition du bras à une nouvelle position, l’activité musculaire peut être minimisée en absence de tout mouvement du bras.
30Pour conclure ce chapitre, rappelons que par définition, une réponse est dite dynamique si, consécutivement à une entrée initiale, l’évolution de la réponse en fonction du temps suit les lois naturelles de la physique qui gouvernent le système telles que les lois fondamentales de la dynamique appliquées par exemple au lancer d’une pierre. Le système constitué par la pierre lorsqu’elle quitte la main du lanceur suivra une trajectoire aérienne dont l’équation est définie par les lois de Newton. Il serait inapproprié de dire que le calcul des forces et des trajectoires sont à l’origine du comportement d’une pierre ! Ainsi les principes de base qui sous-tendent les modèles de «commande de force» sont incompatibles avec les lois naturelles de la dynamique qui régissent, au niveau du système neuromusculaire, l’activité et la force musculaire qui sous-tendent la production du mouvement. Autrement dit EMG et force ne sont que les propriétés émergentes du système de commande. Les données récentes sur l’organisation séquentielle des mouvements du bras et du tronc mises en jeu dans les mouvements de transport de la main pour atteindre des cibles sont également contradictoires avec l’hypothèse d’une « commande de force » (Adamovich et al., 2001; Pigeon et al., 2000; Rossi et al., 2002).
Intégration sensori-motrice et schéma corporel
Référentiels spatiaux et équipement sensoriel
31L’orientation spatiale et la configuration du corps peuvent être décrites selon des cadres de références (CR) appropriés. Il est vraisemblable que le SN utilise ces CR pour guider les actions motrices. Le CR associé à l’environnement est appelé allocentré. La gravité est un invariant de l’espace terrestre et donne naissance à la verticale objective. Ce « fil à plomb externe » (Paillard,1971) permet la structuration de l’espace à partir de repères stables construits sur la base des informations visuelles et auditives. L’autre CR associé au corps propre est dénommé egocentré. Ce CR permet par exemple le codage des relations entre le corps et les objets appartenant au monde extérieur soit en coordonnées polaires-distance et angle- soit cartésiennes à partir des deux plans anatomiques : le plan frontal et le plan sagittal.
32Pour organiser le positionnement ou le déplacement des segments corporels, le SN dispose d’interfaces spécialisées entre l’organisme et le monde extérieur que sont les récepteurs sensoriels. Le capteur visuel renseigne sur la structure et la topographie du monde extérieur. Grâce à sa rétine périphérique, il est également un excellent détecteur et analyseur de mouvement du flux optique. Les mouvements céphaliques dans l’espace peuvent être détectés à la fois par le système visuel et par les cinq capteurs situés dans l’oreille interne constituant ainsi une véritable centrale gravito-inertielle sensible aux mouvements angulaires et linéaires de la tête. Parmi ces cinq capteurs, deux qui constituent le système otolithique permettent la mesure de la verticale objective et de définir ainsi ce référentiel gravitaire ou allocentré. Les mouvements des membres et par conséquent les variations de longueur et de force des muscles ainsi que les rotations articulaires sont mesurées par les capteurs proprioceptifs. Ces capteurs participent à l’élaboration des référentiels egocentrés. Enfin, les capteurs tactiles situés au niveau cutané participent aussi à la mécano-sensibilité consécutive à la déformation du derme liée aux pressions et frottements sur la peau. Il est à noter que la combinaison des informations proprioceptives et tactiles permet d’accéder aux propriétés inertielles d’un objet manipulé et d’élaborer, à l’aide de la vision, un modèle interne de la forme et de la qualité de l’objet : poids, viscoélasticité, résistance etc. Cette combinaison d’informations, appelée sensation haptique, joue un rôle déterminant dans l’intégration des éléments physiques au corps propre (Berthoz, 1997) et permet au SN de construire une extension de l’espace peri-personnel (Ghafouri & Lestienne, 1996 ; 2000).
33En 1902 Poincaré montrait dans La Science et L’Hypothèsele rôle joué par les mouvements dans la genèse de la notion d’espace. Selon Poincaré, si les mouvements ont lieu dans l’espace tridimensionnel, il n’est pas nécessaire de se les représenter dans cet espace mais seulement de se représenter les sensations qui les accompagnent. Ces sensations proprioceptives ou impressions motricesont une influence tout à fait prépondérante dans la construction de l’espace qui n’aurait jamais pris naissance sans elles. Considérant par ailleurs le rôle des impressions visuelles, Poincaré démontrait que l’espace visuel n’est qu’une partie de l’espace et que le véritable espace est l’espace moteur et que c’est l’expérience qui nous a appris qu’il est commode d’attribuer à l’espace trois dimensions. Quant au capteur vestibulaire qui est nécessaire au sens de l’orientation, il est clairement établi que ces organes des sens sont destinés à nous avertir des changements qui se produisent dans le monde extérieur-détection de l’accélération consécutive à la translation et la rotation de la tête- et non pas à nous avertir que l’espace est à trois dimensions. Par une intégration au niveau neuronal on en déduit l’orientation de la tête. Néanmoins, ces sensations à elles seules ne nous apprennent rien sur les mouvements relatifs du tronc et des membres par rapport à la tête ni sur les translations qu’elle peut subir. La nécessité d’une complémentarité entre les sensations musculaires et vestibulaires associées également aux sensations tactiles se justifie pleinement. Les traitements centraux de ces signaux, issus de cette multiplicité des récepteurs sensoriels, doivent en quelque sorte imposer une nécessaire cohérence de l’ensemble de ces informations, faute de quoi le traitement, par le SN, des informations données par cette panoplie de capteurs pourrait donner naissance à des interprétations ambiguës et éventuellement contradictoires. Cela est le cas de la vection qui résulte de l’illusion produite par le déplacement d’un objet de grande taille situé dans son champ visuel périphérique. Cette vection, en provoquant chez un observateur debout et immobile (Figure 4) la sensation de mouvement de son propre corps, peut donner naissance à des perturbation posturales importantes (Lestienne et al., 1977).
Schéma corporel
34Les différentes composantes sensorielles que nous venons de décrire peuvent-elles à elles seules rendre compte de l’organisation de l’action motrice autorisant le positionnement ou le déplacement des segments corporels ? Comme le proposait Adrian en 1947, le SNC disposerait d’une représentation interne de l’orientation des segments corporels-modèle de son propre corps ou schéma corporel- et de leurs relations par rapport au monde extérieur. Soulignons que dans ce concept de schéma corporel proposé pour la première fois par Head et Holmes (1911), le cerveau contiendrait un modèle interne représentatif des caractéristiques et grandeurs biomécaniques du corps : longueur des segments corporels et géométrie articulaire. Comme le suggérait Damasio (1994), cette référence corporelle à partir d’un schéma corporel serait utilisée comme une véritable « chaîne d’arpenteur ».
35L’étude de l’adaptation des mécanismes sensori-moteurs à l’absence de référentiel gravitaire - situation de microgravité au cours des vols spatiauxnous a conduit à formuler une hypothèse forte : l’existence d’une organisation centrale du mouvement qui s’alimente à partir d’une représentation du corps ou « schéma corporel » (Lestienne et Gurfinkel, 1988 a, b). Afin d’illustrer cette hypothèse nous reporterons ici les résultats de nos études sur la désorientation posturale en microgravité. Il a été clairement démontré que cette désorientation posturale s’accroît significativement lorsque le sujet passe d’une situation de vision normale à une situation, dite de vision stabilisée, pour laquelle le sujet n’avait aucune information visuelle sur la position de son corps dans l’espace, autrement dit lorsque son environnement visuel était fixe par rapport à la tête. Ainsi, dans ces conditions expérimentales, lorsque l’on demande à un astronaute de se tenir « debout » les pieds fixés au plancher, la verticale n’est plus indiquée ni par la gravité, ni par la vision, ni par les références tactiles de la voûte plantaire. La désorientation posturale consécutive à cette situation est impressionnante sur certains des astronautes : plus de 30 degrés d’inclinaison vers l’avant alors qu’il répondait qu’il était bien perpendiculaire par rapport au plancher. Par ailleurs l’examen des activités musculaires montre une redistribution du tonus musculaire postural (Clement et al., 1984) pour laquelle les fléchisseurs présentent une activité tonique importante alors que l’activité des extenseurs est faible, ce qui est l’inverse en situation terrestre où les extenseurs s’activent pour contrecarrer la chute vers l’avant.
36Nous avons pu mettre en évidence un mécanisme remarquable qui est à la base de la réorganisation posturale au cours du séjour en microgravité. Nous avons en effet pu observer qu’au fur et à mesure que l’astronaute s’adapte à ce nouvel environnement, il réorganise sa posture à partir d’un référentiel « terrestre », le centre de gravité du corps, alors que cette référence virtuelle n’a de signification qu’en présence d’un champ gravitationnel. Ces résultats ont permis de mettre en évidence deux niveaux d’adaptation de la régulation posturale en microgravité responsables de l’adaptation lente et de l’adaptation rapide (Lestienne et coll., 1995).
37• Le premier niveau correspond au système conservatif. C’est un système de références, stable par définition, organisé sur la base du « schéma corporel ».
38Ce système de références permettrait d’évaluer les conséquences d’une action future et de prédire ainsi les discordances spatio-temporelles éventuelles entre le but à atteindre (le maintien de l’équilibre) et l’événement à venir ainsi que sa réalisation (la déstabilisation posturale).
39• Le second niveau correspond au système opératif,étage d’exécution qui sélectionne les commandes motrices et, si nécessaire, les corrige rapidement à partir des informations issues du monde extérieur selon le «principe de corrections sensorielles» de Bernstein ou le «principe de réafférences » de Von Holst et Mittelstaedt (voir le chapitre précédent).
40Nous avons proposé (Lestienne & Gurfinkel,1988a ; 1997) que le schéma
corporel, traduction d’une abstraction corporelle, serait caractérisé par :
• une organisation structurale innée du corps : un seul et même type morphologique fondamental constitué de deux extrémités (haut-bas), de
deux faces (ventral-dorsal), d’un axe longitudinal créant une symétrie
41(gauche-droite). De cette organisation structurale de base dépend la représentation géométrique du corps.
42• un système de références connectées au système vestibulaire (verticale absolue) et au système visuel et proprioceptif (verticale proprioceptive).
43• une organisation sensorielle que l’on peut apparenter à une enveloppe sensorielle qui s’est constituée à partir des mouvements actifs et de l’expérience quotidienne.
44Par ailleurs, le schéma corporel probablement d’origine génétique s’enrichirait au cours du développement et de l’apprentissage de nouvelles dextérités.
45D’autres travaux peuvent être également cités démontrant la grande stabilité des référentiels égocentriques et fournissant un argument supplémentaire sur l’existence d’une représentation du corps - le schéma corporel - qui ne peut-être aisément modifié en changeant les conditions externes telles que l’absence du référentiel gravitaire. Ainsi nous avons pu montrer que l’orientation de gestes graphiques-tracer des ellipses avec le bras selon différents plans- n’est nullement affectée par l’absence de gravité (Gurfinkel et al., 1993-a).- l’orientation des ellipses est parfaitement référencée par rapport à l’axe longitudinal du corps bien que celui-ci présente une inclinaison importante du corps vers l’avant en apesanteur. Ces données démontrent que les référentiels égocentriques sont préservés en microgravité et qu’ils jouent un rôle prépondérant dans la performance des gestes. Par ailleurs nous avons pu démontrer que l’absence de contrainte gravitaire n’a pas d’influence sur la cinématique du geste, autrement dit la relation entre la vitesse tangentielle et le rayon de courbure de la trajectoire reste identique à celle décrite en gravité normale : la vitesse étant directement proportionnelle à la racine cubique du rayon de courbure (Lacquaniti et al., 1983). Par ailleurs, l’absence de référentiels gravitaires dans la perception et l’interprétation de stimulations tactiles complexes n’est pas affectée par l’absence de gravité (Gurfinkel et al., 1993-b). Nous avons pu constater que la perception et l’interprétation de ces images tactiles dépendent uniquement de l’orientation du membre par rapport à l’axe longitudinal du corps et non par rapport au vecteur gravité, le champ récepteur de la stimulation tactile restant par ailleurs identique (Figure 5).
46Bien que l’existence d’un schéma corporel semble être empiriquement justifiée (voir aussi Fukson et al., 1980), l’absence d’une définition rigoureuse de ce concept en termes neurophysiologiques limite nécessairement sa fonction lorsque l’on aborde les principes fondamentaux du contrôle moteur. Ce problème peut être surmonté en élargissant le modèle lambda (?) à un concept plus explicitement défini : celui de la Configuration de Référence du corps. Simultanément ce nouveau concept s’adresse à la question : comment les multiple muscles peuvent-ils être contrôlés de façon cohérente ? Egalement, ce concept renforce l’idée de base du modèle ? : les cadres de références sont des structures neuronales pré-existantes dont les paramètres clés-tels que les points d’origine- peuvent être modifiés par les niveaux de contrôle supraspinaux par exemple, et produire ainsi de manière directe les actions motrices en absence de processus calculatoires ou de transformations des variables de sorties intermédiaires EMG, force.... Enfin ce concept que nous appellerons dorénavant « Configuration de Référence Productrice d’Actions » illustre un point essentiel celui de la tendance du système neuromusculaire à atteindre un état d’équilibre qui est la manifestation d’un principe plus général dicté par la minimisation des interactions au sein du système : le principe d’interaction minimale (Feldman, 1992).
Interprétation des images tactiles.
Interprétation des images tactiles.
Configuration de Référence Productrice d’Actions : prédiction et tests expérimentaux
Le modèle ?: production des mouvements monoarticulaires
47Rappelons en premier lieu que la force musculaire statique (F) dépend de
la longueur (x) du muscle du fait de l’existence du réflexe d’étirement et de
l’élasticité des muscles. Cependant si x était la seule variable affectant la force
musculaire, le muscle se comporterait comme un simple ressort dont la longueur d’équilibre ne dépendrait que de la valeur de la charge externe. Chez
l’animal décérébré, alors qu’il était possible d’évoquer le réflexe d’étirement, il
était impossible d’obtenir sur ces préparations des longueurs de muscles différents pour une même charge externe imposée (Feldman & Orlovski, 1972). En
conséquence il existe pour les organismes intacts un contrôle indépendant et
de la force et la longueur qui confère au muscle des propriété non linéaires
(figure 6). Cette variable de contrôlenommée ?est sous la dépendance du SNC.
Ainsi la force musculaire F est fonction de la longueur x du muscle et de ?:
F= f (x-?)
48où ?est un seuil du réflexe d’étirement du réflexe qui correspond au point d’origine d’un cadre de référencepour le recrutement positionnel des motoneurones. Autrement dit quand le muscle parvient à sa longueur seuil ?, le potentiel de membrane du motoneurone atteint le seuil de décharge ce qui permet le recrutement du motoneurone. Au delà de ce seuil (x ( ?) la dépolarisation des motoneurones ?s’établit produisant ainsi une activité EMG qui donne naissance à la force musculaire. (figure 6).
49Ce modèle repose en premier lieu sur la notion de caractéristique invariante « IC » qui signifie mathématiquement que la force musculaire statique dépend d’une variable indépendante qui est constante sur une IC mais varie d’une IC à l’autre. En second lieu ce modèle, qui accorde une grande importance aux composantes réflexes et à la proprioception, supporte l’idée que le déplacement du seuil ?(ou cadre de référence positionnel) par une commande centrale est à l’origine de la production du mouvement. Autrement dit ce déplacement est la variable de contrôle du système, et les propriétés émergentes de ce déplacement de? ce sont les variables d’état : variables cinématiques, EMG et forces musculaires. Ce modèle rend compte des deux types de recrutement spatio-temporel des muscles agonistes et antagonistes que nous avons vu précédemment, le recrutement réciproque ou commande R et la coactivation ou commande C. Dans le premier cas un changement de la commande R déplace le point d’équilibre, cela amène la production d’un déplacement angulaire en situation isotonique ou la production d’un nouveau moment articulaire en condition isométrique. Dans le second cas la rigidité de l’articulation augmente avec l’intensité de la commande C. Si la valeur de la commande C devient négative, il se produit une plage angulaire de relaxation pour laquelle les muscles agonistes et antagonistes sont simultanément inactifs.
Production des mouvements pluriarticulaires
50Le principe du modèle, établi pour des mouvements monoarticulaires, peut
être généralisé à un système présentant n degrés de liberté (Feldman et al.,
1999). En effet, si on suppose que tous les degrés de liberté du corps sont sous
le contrôle d’une commande R spécifique, on peut définir une configuration
de référence R et une configuration actuelle Q du corps qui peuvent être
décrits par les vecteurs correspondants :
R = ( r1, r2, r3..., rn.) et Q = ( q1, q2, q3..., qn.) où ri et qi (i = 1,..., n) sont respectivement les seuils angulaires des articulations pour lesquels la longueur
seuil? est atteinte et les angles articulaires actuels.
51Faisant l’hypothèse que la distance d = Q - R et que sa vitesse de changement sont les facteurs majeurs déterminant le recrutement et la gradation de l’activité de chaque muscle, pour produire un mouvement pluriarticulaire il faut changer la configuration actuelle Q du corps. Ce changement nécessite la spécification d’une commande globale R ou Configuration de Référence vers laquelle on veut aller et qui résulte de la spécification de seuils angulaires à partir desquels le recrutement des motoneurones s’effectuera. La configuration de référence est donc la configuration du corps pour laquelle les seuils d’activation de tous les muscles sont atteints simultanément.
52Elle correspond ainsi à un minimum global d’activité musculaire qui a lieu quand R=Q.En revanche quand R ? Q l’activité musculaire se manifestera. Le mouvement prend fin quand les forces externes et les forces musculaires atteignent une configuration d’équilibre qui est généralement différente de R du fait de l’environnement gravitaire et des forces passives du système musculosquelettique.
53La condition R=Q qui correspond au minimum global d’activité musculaire ne peut pas se vérifier du fait de l’existence de forces externes (forces passives liées à l’élasticité musculaire par exemple) incluant la gravité. Aussi dans un environnement gravitaire, les couples gravitationnels ne sont jamais nuls pour la plupart des articulations, ce qui entraîne que le corps ne peut être en équilibre lorsqu’il atteindra la configuration de référence. En revanche dans les mouvements réversibles, il existe un point pour lequel R=Q (Figures 7,8 et 9). C’est cette prédiction qui a été testée sur la production de mouvements réversibles mettant en jeu le mouvement global du corps tels que les mouvements d’élévation et d’abaissement du corps (Feldman et al., 1998). Ainsi, l’enregistrement électromyographique simultané de 16 muscles contrôlant les mouvements du bras, du tronc et des jambes lors de l’élévation du corps à partir de la position assise jusqu’à une position semi-fléchie suivie du mouvement inverse a montré l’existence d’un minimum global d’activité qui se manifeste peu avant la phase de retour à la position initiale (figure 7).
54Chez les danseuses de ballet, ce minimum global d’activité a été observé pour des mouvements de la pointe du pied droit qui dessine, dans un plan parfaitement horizontal, une ligne droite aller et retour (figure 8). Pour effectuer ce mouvement de manière élégante, les danseuses étaient capables de stabiliser parfaitement la tête, le tronc, le pelvis et la jambe pivot gauche Thullier & Plotkin, 2002). L’activité EMG de 14 muscles du tronc, du pelvis et des deux jambes était enregistrée. En dépit de la très grande diversité anatomique et fonctionnelle des muscles étudiés, globalement leur activité était minimisée au moment de la phase de réversibilité du mouvement (Thullier & Lestienne, 2002).
55Enfin ce minimum global d’activité a été également mis en évidence pour des mouvements plus focalisés tels que les mouvements céphaliques chez le singe lors de la poursuite d’une cible visuelle qui se déplace de manière réversible dans un plan horizontal. (Lestienne et al., 2000). L’enregistrement simultané de l’activité EMG de 7 paires de muscles nucaux (gauche et droite) appartenant à deux groupes différents - quatre paires de muscles profonds et trois paires de muscles superficiels - fait également et clairement apparaître ce minimum global d’activité qui survient peu avant l’inversion du mouvement. Il a été montré (figure 9) que ce minimum global d’activité résulte d’une désactivation active de l’ensemble de ces muscles, étant donné qu’elle survient lorsque les muscles sont fortement sollicités d’une part pour compenser le couple gravitationnel (la tête étant totalement libre) et d’autre part pour des positions de la tête très excentrées (vers la gauche ou vers la droite) qui nécessiteraient une activation importante des muscles controlatéraux pour compenser les forces élastiques passives des muscles étirés.
Conclusions
56L’ensemble des ces données obtenu au cours de ces trois tests expérimentaux confirment comme cela avait été suggéré par Bernstein (1967) que le SN prend avantage des forces externes aussi bien que des forces passives qui précédent l’activation musculaire. Cependant, il reste à défricher comment le système neuromusculaire est contrôlé pour atteindre ce but. L’hypothèse de la « Configuration de Référence Productrice d’Actions » est un exemple illustrant cette possibilité : en inversant les changements de configuration de référence, le système minimise l’activité des muscles laissant ainsi aux forces externes et aux forces passives de jouer leur rôle.
57Une autre conséquence immédiate de la prédiction de cette hypothèse concerne l’émergence des patrons d’activité EMG, consécutive aux changements de configuration de référence. Ces patrons seraient spécifiques de la direction du mouvement et/ou du développement de la force isométrique. Rappelons ici que de très nombreux travaux ont montré que non seulement l’activité des motoneurones? est spécifique de la direction du mouvement et du développement de la force, mais également l’activité des neurones spinaux et supraspinaux (Georgopoulos et coll., 1982,1992; Hasan & Karst, 1989; Sergio & Kalaska 1998; Weijs et coll., 1999).
58Enfin l’hypothèse de « Configuration de Référence Productrice d’Actions » offre une approche dynamique au problème de la redondance des effecteurs musculaires et des degrés de liberté des chaînes pluri-articulaires qui composent l’architecture corporelle (figure 1). La colonne cervicale composée de sept vertèbres contrôlant les mouvements de la tête (figure 10) est un excellent exemple. Cette complexité est plus particulièrement frappante au niveau du rachis cervical supérieur qui comprend deux articulations-occipito-atloïdienne et atloïdo-axoïdienne- présentant six degrés de liberté contrôlés par quatre paires de muscles (Liverneaux et Lestienne, 1989; Nichols, 1994). Par ailleurs sur la base d’un travail récent sur la modélisation de l’inclinaison du tronc prenant en compte tous les degrés de liberté de l’ensemble de la colonne vertébrale ainsi que les 180 muscles anatomiquement définis, il a été montré qu’en spécifiant une configuration de référence, le système nerveux assure l’activation des muscles appropriés à la réalisation de la tâche motrice parmi les 180 muscles préalablement définis (Beauséjour et al., 1999).
Synergie musculaire ou unités fonctionnelles mises en jeu au cours de la rotation
Synergie musculaire ou unités fonctionnelles mises en jeu au cours de la rotation
REMERCIEMENTS
Ce travail a obtenu le soutien du CIHR, NSERC, FCAR (Canada) et de la Décision d’Aide à la Recherche (DAR) 793/CNES/99/7694 & 793/CNES/2000/8202 (France).Nous remercions Mindy Levin et Francine Thullier pour leurs commentaires constructifs. Par ailleurs nous remercions Francine Thullier de nous avoir autorisé à utiliser ses travaux sur la danse, nous permettant entre autre de reproduire les figures 1 et 8 .
Bibliographie
- ADAMOVICH S.V., LEVIN M.F, FELDMAN, A.G. (1997) Central modification of reflex parameters may underlie the fastest arm movement. Journal of Neurophysiology 77 : 1460-1469.
- ADAMOVICH S.V., ARCHAMBAULT P.S., GHAFOURI M., LEVIB M.F., POIZNER
- H., FELDMAN, A.G. (2001) Hand trajectory invariances in reaching movements involving trunk. Experimental Brain Research 138 : 288-303
- ADAMS J.A. (1971) A closed-loop theory of motor learning. Journal of Motor Behavior 3 : 111-150.
- ADRIAN M. (1947) The physiological background of perception. Oxford : Clarendon Press.
- ASATRYAN D.G., FELDMAN, A.G. (1965) Functional tuning of the nervous system with control of movement or maintenance of a steady posture : I. Mechanographic analysis of the work of the limb on execution of a postural task. Biophysics 10 : 925-35.
- BEAUSEJOUR M., AUBIN C.E., FELDMAN A.G, LABELLE H. (1999) Simulations de tests d’inflexion latérale à l’aide d’un modèle musculo-squelettique du tronc. Annales de Chirurgie, 53 : 742-750.
- BEEVOR C.E. (1904) The croonian lectures on muscular movements and their representation in the central nervous sytem. Londres : Adlar
- BIZZI E., HOGAN N., MUSSA-IVALDI F. A., GISZTER S. (1992) Does the nervous system use equilibrium-point control to guide sigle and multiple joint movements ? Behavioral and Brain Sciences 15 : 603-613
- BERNSTEIN N.A. (1935) The problem of interrelation between coordination and localization. Archives of Biological Science 38 : 1-35. In Russian.
- Bernstein N.A. (1967) The Coordination and Regulation of Movements. London, Pergamon Press.
- BERTHOZ A. (1996) Le sens du mouvement. Paris : Odile Jacob
- BOSSOM J. (1974) Movement without proprioception. Brain Research 71 : 285-296.
- BROWN T.G. (1911) The intrinsic factors in the act of progression in the mammal. Proceeding Royal Society, London, Series B, 84 : 308-319.
- CLÉMENT G., GURFINKEL V.S., LESTIENNE F.G., LIPSHITS M.I., POPOV, K.E. (1984) Adaptation of postural control to weightlessness. Experimental Brain Research 57 : 61-72.
- COLBY C.L.(1998) Action-oriented spatial reference frames in cortex, Neuron 20 : 15-24
- CIRSTEA M.C, Levin, M.F. (2000) Compensatory strategies for reaching in stroke. Brain 123 : 940-953
- DAMASIO A.R. (1994) Descartes’ Errors. New York : Putman’s
- DELIAGNINA TG, FELDMAN AG, GELFAND IM, ORLOVSKY GN (1975) On the role of central program and afferent inflow in the control of scratching movements in the cat. Brain Research 100 : 297-313
- FELDMAN A.G. (1966) Functional tuning of the nervous system with control of movement or maintenance of a steady posture. II. Controllable parameters of the muscle. Biophysics 11 : 565-578.
- FELDMAN A.G. (1986) Once more on the equilibrium point hypothesis (l-model) for motor control. Journal of Motor Behavior 18 : 17-54
- FELDMAN A.G. (1992) Fundamentals of motor control, kinesthesia and spinal neurons. In search of theory. Behavioral and Brain Research 15 : 735-737
- FELDMAN A.G, LEVIN M.F. (1995) Positional frames of reference in motor control : The origin and use. Target article, Behavioral and Brain Sciences 18 : 723-806.
- FELDMAN A.G, ORLOVSKY, G.N. (1972) The influence of different descending systems on the tonic reflex in the cat. Experimental Neurology 37 : 481-494.
- FELDMAN A.G., LEVIN M.F., MITNITSKI A, ARCHAMBAULT P. (1998) Multimuscle control in human movements. Keynote Lecture. Journal of Electromyography & Kinesiology 8 : 383-390
- FELDMAN A.G., ARCHAMBAULT PH, LESTIENNE F.G. (1999) Multi-muscle control is based on the specification of referent body image. In Motor Control, today and tomorrow. G.N. Gantchev, S. Mori and J. Massion (Eds), Sofia : Academic Publishing House « Prof. M. Drinov », 163-179
- FELDMAN A.G, LESTIENNE F.G. (2001) With either separate or integrated arrays of senses, perception may not be direct. Behavioral and Brain Sciences 24 : 220-221
- FUKSON O.I., BERKINBLIT M.B, FELDMAN A. G. (1980) The spinal frog takes into account the scheme of its body during the wiping reflex. Science 209 :1261-1263.
- GEORGOPOULOS A.P., KALASKA J.F., CAMINITI R, MASSEY, J.T. (1982) On the relations between the direction of two-dimensional arm movements and cell discharge in primate motor cortex. Journal of Neuroscience 2 : 1527-1537.
- GEORGOPOULOS A.P., ASHE J., SMYRNIS N, TAIRA, M. (1992) The motor cortex and the coding of force. Science 233 : 1416-1419.
- GHAFOURI M., LESTIENNE, F. G. (1996) Gesture orientation and trajectory deformation in the three dimensional space. In : Progress in Gestural Interaction. PH Harling,. and A Edwards, (Eds.), New York : Springer-Verlag, 227-234
- GHAFOURI M., LESTIENNE F.G. (2000) Altered representation of egocentric peripersonal space in elderly. Neuroscience Letters 289 : 193-196
- GRIBBLE P.L., OSTRY, D. J. (1996) Origins of the power law relation between movement velocity and curvature : modeling the effects of muscle mechanics and limb dynamics. Journal of Neurophysiology 6 : 2853-2860.
- GURFINKEL V., LESTIENNE F.G., LEVIK Y., POPOV K.E., LEFORT, L. (1993a) Egocentric references and human spatial orientation in microgravity.2. Body centered coordinates in the task of drawing ellipses with prescribed orientation. Experimental Brain Research 95 : 343-348
- GURFINKEL V., LESTIENNE F. LEVICK Y., POPOV K.E. (1993b) Egocentric references and human spatial orientation in microgravity.1. Perception of complex tactile stimuli. Experimental Brain Research 95 : 339-342
- HANNAFORD B, WINTERS J.M. (1990). Actuators properties and movement control : Biological and technological models. In : Multiple muscle systems. Biomechanics and movement organization, J.M. Winters & S.L.-y Woo (Eds.) New-York : Springer-Verlag. 101-119
- HASAN Z., KARST, G.M. (1989) Muscle activity for initiation of planar two-joint arm movements in different directions. Experimental Brain Research 76 : 651-655
- HENNEMAN E. (1981) Recruitment of motoneurons : The size principle. In : Progress in clinical neurophysiology : vol.9. Motor unit types, recruitment and plasticity in health and desease, J.E. Desmedt (Ed). Karger
- HIGGINS J.R., ANGEL, R.W. (1970) Correction of tracking errors without sensory feedback. Journal of Experimental Psychology 84 : 412-416.
- HOGAN N., FLASH T. (1987) Moving gracefully : quantitative theories of motor coordination. Trends in Neuroscience 10 : 170-174.
- HOLLERBACH J.M., ATKESON C.G. (1987) Deducing planning variables from experimental arm trajectories : Pitfalls and possibilities. Biological Cybernetics 56 : 279-292.
- HOUK J.C. (1976) An assessment of stretch reflex function. Progress in Brain Research 7 : 303-314.
- HOUK J.C., RYMER W.Z. (1981) Neural Control of muscle length and tension. In : Handbook of physiology : section 1. The nervous system : vol. 2. Motor Control, J.M. Brookhart, V.B. Mountcastle, & S.R. Geiger (Eds), American Physiological Society.
- JOBIN A., LEVIN M.F. (2000) Regulation and stretch reflex threshold in elbow flexors in children with cerebral palsy : a new measure of spasticity. Developmental Med Child Neurology 42 : 531-540
- KAWATO M, FURUKAWA K., SUSUKI, R. (1987) A hierarchical neural network model for control and learning of voluntary movements. Biological Cybernetics 57 : 169-185.
- KEELE S.W. (1968) Movement control in skilled motor performance. Psychology Bulletin 70 : 387-403.
- KOSHLAND G.F., HASAN Z. (1994) Selection of muscles for initiation of planar three joint arm movements with different final orientations of the hand. Experimental Brain Research 98 : 157-162.
- LACQUANITI F., TERZUOLO, C., VIVIANI, P. (1983) The law relating the kinematic and figural aspects of drawing movements. Acta Psychologica 54 : 115-130
- LACQUANITI F. (1992) Automatic control of limb movement and posture. Current Opinion in Neurobiology 2 : 807-814.
- LATASH M.L. (1993) Control of human movements. Human Kinetics, Champaign
- LESTIENNE F.G., SOECHTING J., BERTHOZ A. (1977) Postural readjustments by linear motion of visual scenes. Experimental Brain Research 28 : 363-384.
- LESTIENNE F.G. (1979) Effects of inertial load and velocity on the braking process of voluntary limb movements. Experimental Brain Research 35 : 407-418.
- LESTIENNE F.G., GURFINKEL V.S. (1988a) Postural control in weightlessness : a dual process underlying adaptation to an unusual environment. Trends in Neuroscience 11 : 359-363.
- LESTIENNE F.G., GURFINKEL V.(1988b). Posture as an organizational structure based on a dual process : a formal basis to interpret change of posture in weightlessness. Prog. Brain Res.76 : 307-313
- LESTIENNE F.G., LE GOFF B., LIVERNEAUX Ph.(1995) Head movement trajectory in 3-dimensional space during orienting behavior towards visual targets in Rhesus monkey. Experimental Brain Research 102 : 393-406.
- LESTIENNE F.G., GHAFOURI M., THULLIER F. (1995) What does body configuration in microgravity tell us about the contribution of intra and extrapersonal frames ? Behavioral and Brain Research 18 : 766-767
- LESTIENNE F.G., GURFINKEL, V.S (1997) Réflexions sur le concept de représentation interne : le contrôle du mouvement et de l’attitude posturale. In : Les neurosciences et la philosophie de l’action, J.L Petit(Ed.), Librairie Philosophique, Paris : J.Vrin, 177-198.
- LESTIENNE F.G., THULLIER F., ARCHAMBAULT PH., LEVIN M.F., FELDMAN, A.G. (2000) Multi-muscle control of head movements in monkeys : the referent configuration hypothesis. Neuroscience Letters 283 : 65-68
- LESTIENNE F.G., FELDMAN A.G.(2001) Du schéma corporel au concept de Configuration de Référence : une approche théorique de la production du mouvement. Evolutions Psychomotrices 53 : 127-143
- LESTIENNE F.G., THULLIER F., FELDMAN A.G (2002) Action-producing frames of reference for motor control In : M.L. Latash (Ed.). Progress in Motor Control III. Human Kinetics Publishers, Champaign, Il. (sous presse)
- LEVIN M.F., DIMOV M. (1997) Spatial zones for muscle coactivation and the control of postural stability. Brain Research 757 : 43-59.
- LEVIN M.F., SELLES R.W., VERHEUL M.H., MEIJER O.G. (2000) Deficits in the coordination of agonist and antagonist muscles in stroke patients : implications for normal motor control. Brain Research 853 : 352-369
- LIVERNEAU P.A, LESTIENNE F.G. (1989) Morpho-anatomy and muscle synergies of the cervical spine during head orienting movements. In : Cervical spine II, R. Louis, A. Wiedner (Eds), New York : Springer, 112-116.
- LOEB G.E, LEVINE W.S. (1990) Linking musculoskeletal mechanics to sensorimotor neurophysiology. In : Multiple muscle systems : Biomechanics and movement organization, JM Winters, SL-Y Woo (Eds), New York; Springer-Verlag.
- MATTHEWS P.B.C. (1959) The dependence of tension upon extension in the stretch reflex of the soleus muscle in the decerebrated cat. Journal of Physiology (Lond.) 147 : 521-546.
- MERTON P.A. (1953) Speculation on the servo-control of movement. In : the spinal cord; CibaFoundation Symposium. Churchil, London, pp 247-260
- NICHOLS T.R. (1994) A biomechanical perspective on spinal mechanisms of coordinated muscular action : an architecture principle. Acta Anatomica 151 : 1-13.
- PAILHOUS J, BONNARD M (1989) Programmation et contrôle du mouvement. In : Traité de psychologie cognitive, C. Bonnet, R. Ghiglione, J-F Richard. (Eds) . Paris : Dunod, 129-197
- PERRIN PH, LESTIENNE F.G. (1994) Mécanismes de l’équilibration humaine. Paris : Masson
- PIAGET J. (1936) La naissance de l’intelligence chez l’enfant . Neuchâtel : Delachaux & Niestlé.
- PIGEON P., YAHIA L.H., MITNISKI A.B., FELDMAN A.G. (2000) Superpostion of independent units of coordination during pointing movements involving the trunk with and without visual feedback. Experimental Brain Research 131,336-349.
- POINCARE H. (1970) La valeur de la science. Paris, Flammarion.
- RAIBERT M.H. (1986) Legged robots that balance. Cambridge : MIT Press
- ROSSI E., MITNITSKI A, FELDMAN A.G.(2002) Sequential control signals determine arm and trunk contributions to hand transport during reaching in humans. Journal of Physiology 538,659-671
- SCHMIDT R.A (1975) A schema theory of discrete motor skill learning. Psychogical Review 82,225-260.
- SCHMIDT R.A. (1988). Motor control and learning . A behavioral emphasis. Champaign (III): Human Kinetics Publisher.
- SCHWEIGHOFER N., ARBIB M.A, KAWATO M.,(1998) Role of the cerebellum in reaching movements in humans. I.Distributed inverse dynamic control. European Journal of Neuroscience 10 : 86-94
- SEASHORE C.E. (1938) Psychology of music. New York : Academic Press.
- SERGIO L.E., KALASKA J.F. (1998) Changes in the temporal pattern of primary motor cortex activity in a directional isometric force versus limb movement task. Journal of Neurophysiology 80 : 1577-1583.
- SHADMEHR R, MUSSA-IVALDI F. (1994) Adaptive representation of dynamics during learning of a motor task. Journal of Neurosciences 14 : 3208-3224.
- SHERRINGTON C.S. (1906/1947) The integrative action of the nervous system. Yale University Press.
- SLOTINE J-J, LI, W. (1991) Applied non linear control. Englewood Cliffs, NJ : Prentice Hall.
- STOFFREGEN T.A, BARDY B.G. (2001) On specification and the senses. Behavioral and Brain Sciences 24,195-261
- TAUB E. (1976) Movement in nonhuman primates deprived of somatosensory feedback. Exercise and sports Science Review 4 : 335-374
- TAX A.A.M., DENIER VAN DER GON J.J., GIELEN C.C.A.M, VAN DEN TEMPEL, C.M.M., (1989) Differences in the activation of m. biceps brachii in the control of slow isotonic movements and isometric contractions. Experimental Brain Research 76 : 55-63.
- TERZUOLO C, VIVIANI P. (1980) Determinants and characteristics of motor patterns used for typing. Neuroscience 5 :1085-1103.
- THULLIER F, PLOTKIN E. (2002) Orientation du geste graphique dans l’espace tridimensionnel : coordination pluri-articulaire au cours de l’exécution du « rond de jambe » chez le danseur. Science et Motricité (sous presse).
- THULLIER F, LESTIENNE F.G. (2002) Multi-muscle and multi-limb coordination in elite ballet dancers and novices. Neuroscience Letters (submitted).
- TODOROV E. (2000) Direct cortical control of muscle activation in voluntary arm movements : a model. Nature Neuroscience 3 : 391-398.
- TURVEY M.T. (1977) Preliminaries to a theory of action with reference to vision. In : Perceiving, acting and knowing : toward an ecological psychology, R. Shaw, J. Bransford (Eds.),. Hillsdale, (N.J.) Lawrence Erlbaum Ass.
- VON HOLST E., MITTELSTAEDT H (1950/1973) Daz reafferezprincip. Wechselwirkugen zwischen Zentralnerven-system und Peripherie, Naturwissenschaften 7 : 464-476.. The reafference principle : Interaction between the central nervous system and the periphery. In The Behavioral Physiology of Animals and Man. The collected papers of Erich von Holst, vol.1, Translator Martin, R., Florida University of Miami Press, Coral Gables .139-173.
- WEIJS W.A., SUGIMURA T, VAN RUIJEN LJ. (1999) Motor coordination in a multimuscle system as revealed by principal component analysis of electromyographic variation. Experimental Brain Research 27 : 233-243
- WOLPERT D.M., GHARAMANI Z, ARDAN, M.J. (1995) An internal model for sensorimotor integration. Science 269 : 1179-1182
Mots-clés éditeurs : Hypothèse du point d’équilibre, Contrôle moteur, Cadre de références spatiales, Modèle lambda, Activité plurimusculaire