Notes
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[1]
Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST).
-
[2]
A. Lopez, Réguler la santé, Presses de l’EHESP, 2013 ; A. Jourdain, P.-H. Bréchat (dir.), La Nouvelle Planification sanitaire et sociale, Presses de l’EHESP, 2012 ; B. Basset, A. Lopez, Planification sanitaire, Méthodes et enjeux, Éditions ENSP, 1997.
-
[3]
C. Courrèges, A. Lopez, « Les ARS, un an après : l’espoir, l’ambition et les vicissitudes de l’action », Droit social, 11, 1112-1117, 2011 ; C. Rolland, F. Pierru, « Les agences régionales de santé deux ans après : une autonomie de façade », Santé publique, 25 (4), 411-419, 2013 ; A. Lopez, P.-H. Bréchat, « La planification en santé : un essai à transformer », Les Tribunes de la santé, n° 50, 93-111, 2016.
-
[4]
D. Tabuteau, « Politiques de santé et territoire », Revue de droit sanitaire et social, n° hors-série, 7-15, 2009.
-
[5]
Smart Pharma Consulting, Agences régionales de santé (ARS), Missions, Objectifs, Organisation, Enjeux pour les laboratoires pharmaceutiques, Smart Pharma Consulting, 2010, p. 4-6.
-
[6]
V. Lidsky et al., Propositions pour la maîtrise de l’Ondam 2013-2017, IGF-Igas, juin 2012, p. 2.
-
[7]
F. Malye, J. Vincent, « Le palmarès des hôpitaux », Les Tribunes de la santé, n° 47, 65-74, 2015 ; F. Malye, J. Vincent, C. Lagrange, « Santé, Sommes-nous toujours les meilleurs ? », Le Point, 2241, 87-93, 2015.
-
[8]
P. Batifoulier, Capital santé, Quand le patient devient client, La Découverte, coll. Cahiers libres, 2014, p. 51-68.
-
[9]
M. Borgetto, « Les ARS dans l’organisation sociale et médico-sociale », Revue de droit sanitaire et social, 403-404, mai-juin 2016.
-
[10]
Baromètre Santé 360, « La place de la santé dans le débat public et électoral », Odoxa, 14 novembre 2016.
-
[11]
S. Godeluck, « Les hôpitaux réclament davantage d’autonomie », Les Échos, 6 février 2017.
-
[12]
Agence nationale de santé (v. C. Courrèges, A. Lopez, « L’agence nationale de santé : le défi d’un pilotage national unifié, refusant technocratie et centralisation », Santé publique, 24 (3), 229-240, 2012) ou Agence nationale de promotion et de régulation de la santé (v. D. Tabuteau, Démocratie sanitaire, Les nouveaux défis de la politique de santé, Odile Jacob, 2013, p. 248).
-
[13]
D.M. Berwick, T.W. Nolan, J. Whittington, « The triple aim: care, health, and cost », Health Affairs, 27 (3), 759-769, 2008.
-
[14]
Issu des travaux de R. Kelley et C. Béraud ainsi que d’une discussion avec C. Sorenson, B. James, B. Zimmerli et P. Briot à la suite de leur intervention « Régulation d’un système de santé et d’assurance maladie : l’expérience d’Intermountain Halthcare aux États-Unis (Utah) » à la conférence organisée par la Chaire santé de Sciences Po et l’Institut Droit et Santé de l’université Paris Descartes le 20 février 2015, cité dans : P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, Presses de l’EHESP, 2016, p. 130.
-
[15]
P.-H. Bréchat, P. Briot, « Éléments de stratégie en faveur du projet de loi santé et de l’évolution du système de santé et d’assurance maladie, Chronique 1 », Journal de droit de la santé et de l’assurance maladie, 1, 48-50, 2015.
-
[16]
Liste disponible sur highvaluehealthcare.org.
-
[17]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 90.
-
[18]
Plutôt que ceux de la Health Maintenance Organization (HMO), organisation qui offre ou prévoit la gestion des soins (hôpitaux, médecins) pour l’assurance maladie. La HMO met en œuvre le concept de managed care développé aux États-Unis dans les années 1990, qui a pour objectif principal la réduction des dépenses de santé et prévoit que les économies éventuellement réalisées bénéficient aux assurances.
-
[19]
P.-H. Bréchat, P. Briot, « Éléments de stratégie en faveur du projet de loi santé… », art. cité, p. 48-50.
-
[20]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 141-154 et 161-163.
-
[21]
Il y a près de 5 000 bonnes idées par an par centre hospitalier régional à Intermountain Healthcare ; cité par D. Smith, « Intermountain, Continuous improvement », FHF, 2-7 septembre 2016.
-
[22]
Ibid.
-
[23]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 133-134.
-
[24]
J.A.M. Gray, How To Build Healthcare Systems, Oxford Press Ltd., 2011, p. 38-39 ; J.A.M. Gray, « Quel système de santé dans dix ans : réflexion stratégique prospective », Communication orale, Paris, 18-19 octobre 2011.
-
[25]
A. Lopez, P.-H. Bréchat, « La planification en santé… », art. cité.
-
[26]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 141-154.
-
[27]
A. Lopez, «Structurer la politique nationale de santé, une ambition raisonnable », Santé publique, 3, 241-251, 2012.
-
[28]
J.E. Wennberg, « Time to tackle unwarranted variations in practice », Bristish Medical Journal, 342, 687-690, 2011.
-
[29]
J.A.M. Gray, « Quel système de santé dans dix ans… », communication citée.
-
[30]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 154.
-
[31]
Ce peut être un « tableau de bord national de santé », cité dans : A. Lopez, Rapport sur les conditions d’élaboration et de mise en œuvre de la politique nationale de santé, Igas, 2010 ; sur le modèle de ce que développe Intermountain Healthcare, à partir par exemple de son programme de santé d’intégration clinique des spécialistes en santé mentale avec ceux des soins primaires, appelés « Mental Health Integration » (MHI), cité dans : P. Briot et al., « Prise en charge intégrée des maladies mentales : l’exemple d’Intermountain Healthcare (USA) », Santé publique, 27 (1), s199-s208, 2015.
-
[32]
Ce programme est issu de l’Advanced Training Program (ATP) in Health Care Delivery Improvement de l’Institute for Healthcare Leadership d’Intermountain Healthcare, considéré comme l’un des meilleurs du monde. Il va être mis en place en France par P.-H. Bréchat qui a obtenu ce diplôme et un fellow de l’Institute for Healthcare Leadership qui a validé le programme français. Cela permet de proposer l’obtention d’un diplôme français et d’un diplôme américain. Ce dernier ouvre la possibilité de faire partie d’Alumni, l’association des diplômés du programme ATP. Cette association organise tous les ans aux États-Unis le colloque qui fait le point sur les meilleures avancées de l’amélioration continue de la qualité des soins et des systèmes.
-
[33]
A. Lopez, P.-H.Bréchat, « La planification en santé… », art. cité.
-
[34]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 170-171.
-
[35]
S. Stachenko, « La santé publique au XXIe siècle : défis et nouveaux enjeux pour la formation – perspectives canadiennes », Communication orale, Séminaire de rentrée des enseignants de l’EHESP, Dinard, 31 août 2011.
-
[36]
A.C. Amprou, « Introduction », Journée de l’Association des médecins inspecteurs de santé publique (AMISP), Paris, 20 septembre 2016.
-
[37]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 147-148.
-
[38]
Issu d’une discussion avec C. Sorenson, B. James, B. Zimmerli et P. Briot, v. note 15.
-
[39]
D. Tabuteau, « Loi HPST : des interrogations pour demain ! », Santé publique, 1, 79-90, 2010.
1Dans le prolongement des agences régionales de l’hospitalisation (ARH) instituées en 1996, la création des agences régionales de santé (ARS) en 2009 [1], mises en place au 1er avril 2010, constitue une étape importante du processus de territorialisation de l’action de l’État en matière de santé. L’État s’est affirmé comme le régulateur du dispositif de santé régional par un pilotage unifié, afin d’accroître l’efficience et l’efficacité de l’action publique, en répondant mieux aux besoins de santé. Il a mieux défini les outils de la planification en santé pour établir une bonne adéquation entre les besoins de santé de la population sur un territoire donné et un continuum d’offres et d’actions relevant de la sécurité sanitaire, de la prévention, des soins ambulatoires et hospitaliers, du médico-social, ayant des effets sur les déterminants de la santé [2]. Ces offres et ces actions, au service de priorités de santé, sont à organiser par territoires, voire par populations [3], en réseaux de services de santé articulés avec des services sociaux, porteurs de parcours de soins et de parcours de santé, avec pour objectif de coordonner ce « puzzle sanitaire [4] ». L’ARS peut ainsi donner tout son sens à son « S » et produire de la santé par l’intermédiaire d’un outil global de planification – le projet régional de santé (PRS) – permettant aux différents opérateurs de santé de positionner leurs interventions et leurs coopérations. Elle a pour objectifs stratégiques de contribuer à réduire les inégalités territoriales de santé, d’assurer un meilleur accès aux soins, d’organiser le parcours de soins et d’améliorer l’efficience du dispositif de santé en en maîtrisant les dépenses [5]. La loi n˚ 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé vient conforter l’ARS en réaffirmant que « la politique de santé relève de la responsabilité de l’État » tout en renforçant « l’alignement stratégique entre l’État et l’assurance maladie [avec] des objectifs relatifs à l’efficience du système », dans le contexte de la réforme territoriale de 2015 ayant réduit le nombre de régions métropolitaines de vingt-deux à treize.
2Ces dernières évolutions se font dans un contexte où l’Etat régulateur, et donc l’ARS, doivent relever des défis difficiles dus au développement des inégalités de santé et à la nécessité d’accroître la qualité et l’efficacité des réponses apportées à des besoins de plus en plus liés à l’augmentation des maladies chroniques, dans un contexte de crises économiques et de reprise faible de la croissance. Et, d’un autre côté, il faut bien constater que « la France se détache rarement, par ses résultats, des autres pays à situation épidémiologique et démographique comparable, qui consacrent pourtant moins de dépenses à leur système de santé […]. Le niveau de la dépense de santé n’est pas un gage de la qualité des soins dispensés, ni de l’état de santé de la population [6] ». La qualité des soins est jugée inégale [7] et le renoncement aux soins pour cause de reste à charge trop élevé ne cesse de progresser [8].
3Les ARS ont aujourd’hui sept ans. L’institution est encore bien jeune pour qu’il soit possible de porter un jugement définitif sur son modèle, d’autant qu’elle a connu avec la réforme territoriale une déstabilisation de son organisation et de son fonctionnement dans plusieurs régions. Cependant, le recul est suffisant pour estimer que les ARS ont su assez vite prendre toute leur place [9] dans la régulation de l’offre régionale de santé. Leurs larges compétences sur le continuum de l’offre de santé et son financement restent une avancée majeure de l’action publique vers une approche globale de la santé.
4La direction prise avec la création des ARS était double :
- déterminer une stratégie globale de santé articulant les interventions relevant des soins, de la prévention, de la sécurité sanitaire, du médico-social,
- et confier à un régulateur unique représentant l’État la compétence sur les leviers de régulation pesant sur l’organisation, le financement et la qualité des actions des principaux et divers acteurs de la santé que sont les établissements hospitaliers, les cliniques, les professionnels de santé libéraux, les services de prévention, les établissements médico-sociaux.
5Cette ambition a pu être jugée trop grande au moment de la création des ARS, et les partisans d’un découpage de la santé et de son administration en plusieurs secteurs autonomes n’ont pas manqué, défenseurs d’un cloisonnement qui évite de remettre en question les positions acquises par les différents offreurs de services de santé. Les frontières en effet dressées entre la prévention, les soins et le médico-social ont l’avantage de protéger les moyens mobilisés au profit de chacun de ces secteurs d’intervention. Elles ont l’inconvénient d’empêcher la recherche de l’investissement le plus efficient pour obtenir le plus de santé possible. Les ARS prétendaient à l’origine dépasser ces cloisonnements de l’action publique, tant au niveau de la stratégie de santé régionale qu’à celui des interventions des acteurs de santé eux-mêmes. L’avancée était loin d’être négligeable mais insuffisante. Les compétences des ARS sont somme toute restées limitées sur le plan des financements et de la qualité des actions de santé.
6À bien des égards, la réforme nous a laissés au milieu du gué. À ce stade, il paraîtrait cependant étrange de s’arrêter et de rebrousser chemin pour revenir à une administration plus « patrimoniale » de chaque secteur d’intervention en faveur de la santé. D’autant plus que, pour la population, la préservation du système de santé et d’assurance maladie est la troisième priorité absolue dont devrait s’occuper le futur président de la république [10]. Pourtant, un tel projet a ses partisans insistants qui, cependant, ne paraissent pas mus par une sorte de retour du refoulé, à première vue [11].
7À la suite de la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT), des offreurs de santé affirment le désir de se voir confier une responsabilité sur la santé de leur territoire, exerçant une fonction de régulation sur l’organisation et l’action d’un ensemble d’acteurs de santé libéraux, associatifs, médico-sociaux, l’hôpital à la tête du GHT étant le centre du dispositif. Plus besoin de l’ARS dans ces conditions. Elle serait une administration superfétatoire, au mieux seulement coûteuse, au pire compliquant la bonne marche des services de santé. L’offreur de santé, devenu régulateur sur son territoire, apparaît comme ayant une taille suffisamment importante pour traiter directement avec l’autorité publique nationale en charge de la santé (le ministère ou une agence nationale [12]). Aujourd’hui l’organisation de l’action publique en faveur de la santé est conçue selon trois niveaux : national (régulateur ministériel), régional (régulateur déconcentré, à savoir l’ARS) et local (les offreurs de santé, à savoir établissements, services, professionnels). Demain, elle pourrait se concevoir selon deux niveaux : national (le régulateur ministériel ou agence nationale) et local (le GHT offreur de santé-régulateur territorial).
8Un tel scénario entraîne deux observations :
- un offreur de santé parmi d’autre, fût-il le plus imposant par sa taille, ses services et ses moyens, ne saurait exercer une fonction de régulation (avoir la compétence sur les leviers pesant sur l’organisation, le financement et la qualité des activités) sur un ensemble d’acteurs de santé qui certes sont complémentaires mais ont aussi des intérêts contraires à faire prévaloir. L’hôpital, même à la tête d’un GHT, ne saurait être une sorte de primum inter pares ayant, à ce titre, un rôle de chef de file derrière lequel tous devraient se ranger, sans que nous glissions alors vers un modèle de prise en charge des questions de santé lui donnant une place toujours plus centrale et sans doute plus coûteuse,
- dans ces conditions, passer de trois à deux niveaux d’organisation de l’action publique n’est qu’une opération de recentralisation au moins pour ce qui concerne la régulation hospitalière, un retour à ce vieux démon national.
9Transformer le GHT en un offreur de santé-régulateur, écartant l’ARS, serait un saisissant retour en arrière, conduisant à recloisonner la régulation de la santé en isolant sa partie hospitalière, et à la recentraliser. Mais l’opération inverse, où le régulateur, en l’occurrence l’ARS, restreindrait toujours plus les responsabilités de l’offreur de santé, en l’occurrence le GHT, aboutissant par un autre chemin à un régulateur-offreur de santé, produirait les mêmes résultats.
10Les ARS aujourd’hui ne disposent pas de tous les moyens nécessaires pour parvenir à une véritable régulation déconcentrée du dispositif de santé, au service d’une stratégie globale de santé. Si nous voulons aller jusqu’au bout de l’ambition dont elles sont porteuses, il faut renforcer leurs compétences et leur positionnement en tant que régulateur unique régional. Mais cette orientation, pour produire ses effets, doit aller de pair avec une limitation stricte de leur fonction. Les offreurs de santé doivent avoir une responsabilité pleine et entière sur l’exercice de leur mission. Le régulateur doit s’en tenir à l’exercice d’une fonction stratégique, laissant aux acteurs en charge de l’opérationnel la responsabilité des choix des moyens les plus utiles à leurs yeux pour mener à bien les actions les plus efficaces pour répondre aux besoins de santé de la population du territoire sur lequel ils interviennent.
11Une telle distinction rigoureuse entre la fonction de régulateur au niveau régional et celle d’offreur de santé au niveau local exige de remplir deux conditions que nous ne remplissons aujourd’hui pas très bien :
- le régulateur doit faire l’objet d’un contrôle et d’une évaluation des résultats de son action par le niveau national qui lui a conféré une compétence déconcentrée ; quant à l’offreur de santé, dont les responsabilités sur son territoire sont à affirmer et à respecter, il doit être contrôlé et son action évaluée par le régulateur régional,
- au vu des résultats des contrôles et évaluations, il faut pouvoir prendre toutes les mesures correctrices qui s’imposent, tant à l’égard du régulateur régional (l’ARS) que de l’offreur de santé responsable (en l’occurrence le GHT).
12Des progrès sont nécessaires pour que le modèle de régulation mis en place avec les ARS produise tous ses effets. Cela passe notamment par un renforcement de leur mission, des outils nouveaux leur permettant d’agir avec plus d’efficacité et une territorialisation de leurs stratégies de santé.
La qualité au service de l’efficience et de l’efficacité
La recherche de l’efficience au service des objectifs stratégiques généraux du « triple aim » et de réduction des inégalités
13La stratégie de santé de l’ARS vise à atteindre les trois objectifs des systèmes de santé et d’assurance maladie appelés « triple aim » (améliorer la santé de la population, accroître la qualité des soins et la satisfaction des usagers, tout en maîtrisant les coûts) conceptualisés par Donald Berwick et l’Institute for Healthcare Improvement (IHI) américain [13], fondement absolument nécessaire de la transformation du système de santé et d’assurance maladie. Elle s’appuie sur la recherche de l’efficience organisationnelle et clinique.
14L’efficience est le meilleur rapport entre la qualité-sécurité des actions de santé et le coût de leur production. Les mauvaises pratiques et organisations nuisent à la qualité et sont source de gaspillages. Les gaspillages du système de santé français peuvent être estimés à près de 70 milliards d’euros par an, soit 28 % des 250 milliards des dépenses de santé [14]. Les réduire permettrait de réaliser de bien plus grandes économies que toutes sortes de restrictions budgétaires aux effets finalement aléatoires [15]. Certains systèmes y sont parvenus par l’amélioration continue de la qualité des soins et du système de santé. C’est le cas des dix-neuf dispositifs de soins et de santé américains, considérés comme les meilleurs du monde, et regroupés au sein de la High Value Healthcare Collaborative (HVHC) [16], association à but non lucratif qui prend en charge près de 70 millions d’usagers. Cela peut permettre de financer les mesures à prendre pour améliorer l’égalité d’accès aux soins de santé, tout en maîtrisant les dépenses de l’assurance maladie relevant de la solidarité. Il n’y a pas forcément besoin de ressources supplémentaires ; en revanche, il faut mieux utiliser celles dont nous disposons déjà. Alors que laisser perdurer les gaspillages et accroître les prélèvements pourrait finir par menacer notre système d’assurance maladie [17].
Des objectifs stratégiques organisationnels et économiques
15Les ARS doivent pouvoir se voir fixer les cinq objectifs complémentaires de l’Accountable Care Organization (ACO) [18] introduite aux États-Unis par le Patient Protection and Affordable Care Act du 31 mars 2011, en sachant que la mise en œuvre des quatre premiers permet une économie significative des dépenses de santé, réinvestie au profit du cinquième objectif :
- rechercher l’adhésion des professionnels aux recommandations de bonnes pratiques organisationnelles et cliniques efficientes et efficaces, tant pour les actions de santé que pour les soins (evidence-based medicine) ;
- obtenir une meilleure coordination entre les secteurs ambulatoire et hospitalier avec la création de réseaux de services de santé et de services sociaux, de parcours de soins et de parcours de santé ;
- promouvoir le travail en équipe pluridisciplinaire dans des centres de santé multidisciplinaires, avec des professionnels de santé ayant une formation supérieure (physician assistant, advanced nurse practitioner, etc.) et soutenus par des responsables du parcours administratif, des responsables du parcours de santé, etc., de manière à ce que les professionnels de santé n’aient qu’à se soucier de fournir des soins de qualité à leurs patients et ne soient pas accaparés par des tâches de coordination et d’administration ;
- assurer la mise en place et l’utilisation d’un dossier patient électronique ;
- redistribuer les économies réalisées au profit des professionnels de santé travaillant sous forme multidisciplinaire et coordonnée entre le secteur hospitalier et le secteur ambulatoire, mais aussi du développement de la prévention et de la modernisation des établissements de santé, des usagers qui vont bénéficier d’un meilleur panier de soins et d’une meilleure couverture par l’assurance maladie.
16Les gains obtenus grâce à une meilleure efficience du dispositif de santé permettront de réduire les inégalités de santé territoriales et populationnelles. Ils serviront à financer les outils, les systèmes informatiques, les recherches et les formations (programme national et régional de formation avancée en amélioration continue de la qualité des soins et de la sécurité des patients), ainsi que le développement des nouveaux corps de professionnels indispensables (professionnels spécialisés en coaching en santé, spécialistes en activités physiques et sportives, spécialistes en alimentation des centres de bien-être, hôtesses d’accueil des établissements de santé, professionnels spécialisés dans l’aide à la consultation, responsables du parcours administratif et du parcours de santé, spécialistes du « requêtage », informaticiens et analystes). Cette mutation sera favorisée par le virage ambulatoire qui entraînera des redéploiements de personnels. Pour répondre aux priorités de santé et faire face aux défis que les progrès médicaux obligent à relever, les besoins sont tels qu’il ne devrait pas y avoir, en conséquence des économies réalisées par la réduction des gaspillages, de diminution d’emplois [19].
17Pour porter de tels objectifs, l’ARS devrait être renforcée dans sa position de régulateur régional unique, orientant l’action de l’assurance maladie, afin d’accroître l’efficience organisationnelle et clinique des actions de santé et des soins, notamment grâce à un partage complet des informations cliniques, administratives, financières et sociales [20].
Un management par l’amélioration continue de la qualité, appuyée sur une planification des stratégies et actions
18Il faut viser l’excellence. Il ne faut plus seulement accroître la performance, appréciée en termes de volume de production et de résultats budgétaires obtenus (gains, profits et équilibre financier), mais aussi améliorer l’efficience du dispositif de santé, en améliorant la qualité et la sécurité des soins tout en maîtrisant les coûts. Pour cela, le développement d’un « management » par l’amélioration continue de la qualité est nécessaire, faisant en sorte que tous les professionnels s’approprient les objectifs stratégiques du triple aim [21] grâce à la force créatrice de chacun [22]. Il faut passer d’un management taylorien, qui promeut du volume sans qualité, à un management par l’amélioration continue de la qualité, qui favorise l’efficience des actions et des offres de santé standardisées, adaptées aux spécificités territoriales et de chaque usager (mass customisation) [23].
19La réduction des gaspillages, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, la diminution des préjudices pour l’usager, le développement de la prévention dans un secteur ambulatoire articulé avec le secteur hospitalier, le vieillissement de la population, la santé environnementale, l’exigence de démocratie et la réduction des inégalités [24] sont les huit défis que les systèmes de santé du XXIe siècle ont à relever. Il faudra transformer un dispositif souvent basé sur les soins hospitaliers en un système ne luttant pas seulement contre la maladie mais favorisant une production de santé. L’ARS est l’autorité publique déconcentrée qui doit conduire ces transformations, en associant localement les acteurs de la santé pour les impliquer plus facilement dans les processus de décision (professionnels, usagers, élus, responsables institutionnels, organismes d’assurance maladie, etc.). De telles évolutions exigent de se projeter dans le temps pour les mener à bien. L’outil « politique » pour les déterminer est le PRS, qui permet d’analyser collectivement les besoins au niveau des différentes échelles territoriales d’une région, de hiérarchiser ses priorités en fonction des ressources disponibles et de programmer les mesures à prendre pour les mettre en œuvre. Le management par l’amélioration continue de la qualité, quant à lui, doit prendre toute sa place au sein d’un processus de planification capable d’engager les mesures nécessaires pour, en permanence, faire évoluer et adapter aux réalités changeantes des besoins les organisations, les fonctionnements des équipes en réseau, les pratiques de santé, les financements des activités [25].
Ajuster les financements aux besoins de santé et à la qualité du système
20L’ajustement des financements représente un levier important pour passer d’un système consommateur de soins à un système producteur de santé répondant aux besoins par territoire de santé [26]. La principale marge de manœuvre financière aujourd’hui à la disposition de l’ARS est le Fonds d’intervention régional (FIR), créé par l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2012. Ce levier financier est précieux mais n’est pas suffisant pour rééquilibrer les dépenses entre les différents domaines d’intervention en faveur de la santé au profit des actions les plus efficientes, tout en maîtrisant la dépense publique.
21Dans ce but, les mécanismes de fongibilité entre enveloppes de l’Ondam devraient être facilités, en étant davantage à la main des ARS, dans des conditions qui assurent la maîtrise globale de la dépense par le niveau national. Par ailleurs, en respectant un cadre et des principes de financement définis au niveau national, devrait être expérimentée la possibilité de modulations tarifaires des activités de santé, en hospitalier comme en ambulatoire et dans le médico-social, décidées par l’ARS, dans le cadre de négociations locales avec les professionnels de santé et les établissements, pour faciliter la mise en œuvre des priorités et objectifs du PRS. Enfin, et c’est sans doute la mesure la plus importante à expérimenter d’abord, pour la généraliser ensuite si les résultats sont concluants, les gains financiers obtenus grâce à une meilleure efficience des organisations et des actions de santé (soins, préventions, prises en charge médico-sociales) devraient, au moins en partie, servir à mieux répondre aux besoins de santé de la région, à mieux rémunérer les professionnels et les établissements engagés dans ces efforts. Il est impératif de concevoir des mécanismes de « retour sur investissement » qui permettront à chacun, au niveau local, de réaliser les conséquences concrètes et positives des dynamiques vertueuses dans lesquelles il a accepté de s’engager. L’amélioration continue de la qualité, sur le plan des organisations et des pratiques en santé, et ses effets sur la maîtrise des dépenses, s’obtiendront en se fondant sur la preuve plus que sur la seule force de conviction, qui n’est pas pour autant à ménager.
Des outils adaptés aux besoins d’une meilleure régulation
22La politique nationale de santé doit, par ses priorités et objectifs, servir de cadre à l’élaboration des stratégies régionales qui, elles-mêmes, conditionnent les programmes infrarégionaux. Elle doit fournir des référentiels d’action utiles à la définition par les ARS des orientations adaptées aux réalités locales. Il reste à la structurer en conséquence [27].
23La conception et la mise en œuvre d’une politique globale de santé, à différentes échelles territoriales, nécessitent le développement d’outils modernes de pilotage et de régulation pour plus d’efficience et d’efficacité. Il faut pouvoir identifier les problèmes de santé, les variations d’activité de l’offre de santé et les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés. À cette fin, un système de collecte de données est à organiser, complété par des enquêtes socio-sanitaires et épidémiologiques.
24La connaissance des variations d’activité de l’offre de santé est indispensable pour identifier et localiser les meilleures organisations et pratiques. Aux États-Unis, le Dartmouth Atlas permet cela. Ce dispositif montre que les différences d’efficience sont dues au manque de coordination des soins à l’échelon territorial. Par les informations qu’il livre, il incite à améliorer les réseaux, les parcours, les schémas et les programmes, afin de réduire les inégalités territoriales d’organisation et de pratiques médicales. En rendant visibles ces différences d’efficience aux décideurs, mais aussi aux professionnels et aux usagers, cet atlas permet de les engager à améliorer l’organisation et les pratiques. Sont ainsi économisés près de 40 % des dépenses de santé consacrées par l’assurance maladie aux assurés de 65 ans et plus présentant des maladies chroniques [28]. Un atlas français devrait être conçu sur le modèle du Darmouth Atlas. Le National Health Service britannique a fait cet investissement il y a des années et a créé le NHS Atlas [29].
25Sur la base de ces informations comparatives, il devient possible de procéder à l’ajustement des financements sur les prises en charge les plus efficientes et de cibler les contrôles et les inspections de l’autorité publique en santé.
26La mise en place de tels systèmes d’information peut aussi avoir un intérêt pour accroître la régulation des assurances maladies complémentaires (AMC) par l’État, grâce à une plate-forme de type « health insurance exchange » existant aux États-Unis. Cette plate-forme est un lieu public où les usagers et les entreprises peuvent comparer et acheter des contrats d’assurance répondant à des standards minimaux de qualité [30]. Les systèmes de soins et les assurances ont aussi l’obligation de faire remplir à leurs usagers des questionnaires de satisfaction dont l’exploitation peut apporter des informations utiles pour améliorer la qualité du dispositif de santé.
27Une autre plate-forme peut connecter les différents systèmes de dossiers médicaux électroniques de façon à créer un dossier médical complet pour tous les usagers.
28Un système informatique national de santé, ultrasécurisé, regroupant les données cliniques (garantissant le secret professionnel), administratives, financières et sociales pour l’ensemble du parcours de santé doit être mis en place pour cela. L’Institut national des données de santé de la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 devrait aider au développement d’un tel système, qui devra être soutenu par des spécialistes du « requêtage », des informaticiens et des analystes.
29Ce système informatique pourrait produire des tableaux de bord, tant nationaux que régionaux, permettant aux responsables du système de santé et aux ARS de mesurer, en temps réel, les évolutions des résultats obtenus par rapport aux objectifs du triple aim, de l’ACO et de réduction des inégalités, et ce par programme, parcours et réseau, au niveau national, des régions et des territoires de santé [31]. Ce système permettrait de dynamiser l’émulation entre régions et territoires de santé et de tirer l’ensemble des résultats vers l’excellence.
30Il devrait enfin venir renforcer ceux qui existent déjà, tels Score-Santé, de la Fédération nationale des observatoires régionaux de santé (Fnors), qui mesure des états de santé en fonction des déterminants de la santé, les portails Parhtage sur l’offre de soins et C@rtoSanté sur les professionnels de santé, le Programme de médicalisation du système d’information (PMSI), le Système national d’information interrégimes de l’assurance maladie (Sniiram), l’Atlas des variations de pratiques médicales du ministère des Affaires sociales et de la Santé, de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih) et de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes).
31Il existe déjà à l’étranger de tels systèmes regroupant les données de santé et permettant des productions de tableaux de bord utiles au développement d’une stratégie de renforcement de l’efficience du dispositif de santé et d’atteinte des objectifs du triple aim, de l’ACO, et de réduction des inégalités. Leur acquisition reviendrait moins cher que ce que nous dépenserions en essayant de les produire.
32Il est temps de rattraper notre retard et de devenir l’un des leaders mondiaux du pilotage et de la régulation d’un système régional producteur de santé basé sur une territorialisation des stratégies de santé.
Des strategies de santé territorialisées
33La définition des besoins de santé à partir de laquelle se détermine une stratégie régionale de santé nécessite d’adopter une démarche d’analyse ascendante-descendante entre région et territoire. Agir ensuite sur les déterminants de santé et développer les coordinations organisant les parcours des personnes ayant un problème de santé et leur prise en charge exige des formes concrètes qui ne peuvent se déterminer qu’au niveau territorial, au plus près de la population et des acteurs de santé et du social. Les ARS ont l’autorité pour mobiliser les moyens de la santé et travailler à leur articulation avec tous les acteurs et professionnels de santé, dont les services sociaux relevant des collectivités territoriales, tant pour construire une stratégie que pour la mettre en œuvre. Pour ce faire, elles peuvent s’appuyer sur leur réseau de délégations territoriales et s’engager dans des contrats locaux de santé passés notamment entre acteurs de la santé et du social. Cela suppose de reconnaître à ces délégations une responsabilité dans la conception et la mise en œuvre de programmes de santé collectifs. Un tel modèle d’organisation interne et de relations de l’ARS avec ses partenaires locaux est à développer grâce aux outils nouveaux précédemment décrits et mis en œuvre, seul moyen de territorialiser les stratégies de santé, capables de mobiliser et d’impliquer tous les acteurs de la santé et du social dans un projet d’amélioration efficient, efficace et durable de la santé de la population.
Les recherches et les enseignements à développer
34Des recherches utiles à l’atteinte des objectifs décrits sont à mettre en œuvre, sachant qu’elles sont actuellement peu développées en France. Elles devraient porter sur la régulation et le pilotage de la transformation du système de santé, la stratégie et la planification en santé, la démocratie en santé, l’amélioration continue de la qualité du système et des soins de santé, la prise de décision basée sur des preuves scientifiques. Il faut aussi développer la recherche comparative sur les démarches d’efficience, la recherche pour faciliter les innovations. Il est également nécessaire d’investir la recherche translationnelle, afin de réduire le temps estimé à dix-sept années pour que les avancées organisationnelles et médicales intègrent partout la pratique courante. Certains systèmes de santé américains nous montrent l’exemple en la matière, comme Intermountain Healthcare de la HVHC qui a réduit ce temps à quelques mois.
35Il faut aussi affiner l’identification et la compréhension des différences d’organisations, de pratiques des soins et d’actions portant sur l’ensemble des déterminants de la santé. Il est nécessaire pour cela de capitaliser sur les progrès en informatique et en application d’algorithmes, tout en développant ces axes de recherche.
36Les résultats de la recherche irrigueront les enseignements en santé publique pluridisciplinaires et interinstitutionnels. Pour que les responsables du système de santé et des établissements et services de santé conçoivent et portent des approches de santé publique avec les professionnels et les usagers, il convient de renforcer le développement des formations sur la méthode et le processus d’élaboration de la politique de santé et sur ses principes de mise en œuvre et de suivi. Ces formations doivent permettre d’apprendre à prioriser ses objectifs, en prenant en compte les contraintes financières, dans un cadre de démocratie en santé, en se projetant dans le temps, pour mettre en œuvre des dispositions concrètes dont les résultats seront évalués en continu. Un « programme national et régional de formation avancée en amélioration continue de la qualité des soins et de la sécurité des patients » [32] doit permettre le partage d’une culture commune sur ce sujet, l’apprentissage du management stratégique et l’acquisition des compétences en efficience organisationnelle pour soutenir de réelles transformations permettant de mettre en œuvre le triple aim, l’ACO et de réduire les inégalités, tout en contenant les dépenses de santé par habitant [33].
37Il faudrait engager une stratégie régionale de recrutements et de partenariats pour développer les compétences manquantes, tout en construisant une dynamique capable de fédérer les forces existantes dans ces domaines de la recherche et de la formation au niveau régional ou interrégional. Il conviendrait pour ce faire de constituer des « écoles interrégionales ou régionales des hautes études en santé publique » [34], comme au Canada et en Allemagne où un tel dispositif a été récemment créé après des crises sanitaires [35]. Ces écoles pourraient être constituées en regroupant les unités de recherche et d’enseignement en santé publique disséminées dans les services hospitaliers, relevant de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l’université, avec l’appui des grandes écoles comme l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et l’École nationale supérieure de sécurité sociale (EN3S) ou de l’industrie informatique par exemple. Ces écoles pourraient favoriser l’émergence de « pôles de compétitivité en santé publique ». Elles comprendraient un laboratoire de recherche appliquée pour améliorer l’efficience du système de santé. Ce laboratoire serait en charge du programme régional de formation avancée en amélioration continue de la qualité des soins et de la sécurité des patients. L’État est en train de s’engager sur cette voie avec la mise en place de centres d’expertise et de recherche régionaux en santé publique (Cerresp) [36].
Conclusion
38La feuille de route est longue. Seules ses grandes lignes sont ici ébauchées. Sa mise en œuvre peut représenter une formidable dynamique capable d’entraîner responsables régionaux et nationaux du système de santé et d’assurance maladie, professionnels, gestionnaires d’établissements et de services, représentants d’associations d’usagers, vers plus d’efficience et de qualité du dispositif de santé. L’ARS peut être l’artisan principal de cette dynamique, à condition d’être dotée de moyens de régulation nouveaux, mis en œuvre selon des processus de décision associant l’ensemble des acteurs professionnels et usagers concernés, dans le respect des responsabilités des offreurs de santé. Seul l’engagement de chacun dans un projet collectif durable appuyé sur un effort de solidarité permettra de progresser dans la réduction des inégalités de santé tout en maîtrisant la dépense. C’est à notre portée. Les outils et les formations existent et sont accessibles facilement et rapidement. Pour cela, il faut recourir largement à des expérimentations, en adoptant un cadre juridique qui le permette. Ces ARS « expérimentatrices » devront tester notamment la mise en place de nouveaux principes de financement [37]. Des premiers résultats significatifs peuvent être espérés en peu de temps [38].
39C’est ainsi que le scénario de la renaissance souhaité par un observateur sera réalisé : « Les ARS sont opérationnelles, les services de l’assurance maladie et de l’État se sont répartis harmonieusement […]. La santé publique est devenue le pivot de la programmation en santé […]. Les effets sanitaires et financiers de cette politique volontariste se font sentir et les comptes de l’assurance maladie s’améliorent […]. Médecine générale de premier recours et médecine de second recours ont rationalisé l’accès aux soins […]. Les conférences régionales de santé et de l’autonomie jouent le rôle de véritable “parlements sanitaires” où sont débattues en toute transparence les priorités régionales de la politique de santé […] [39] ». Il suffit pour cela d’encore un peu d’efforts.
Notes
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[1]
Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST).
-
[2]
A. Lopez, Réguler la santé, Presses de l’EHESP, 2013 ; A. Jourdain, P.-H. Bréchat (dir.), La Nouvelle Planification sanitaire et sociale, Presses de l’EHESP, 2012 ; B. Basset, A. Lopez, Planification sanitaire, Méthodes et enjeux, Éditions ENSP, 1997.
-
[3]
C. Courrèges, A. Lopez, « Les ARS, un an après : l’espoir, l’ambition et les vicissitudes de l’action », Droit social, 11, 1112-1117, 2011 ; C. Rolland, F. Pierru, « Les agences régionales de santé deux ans après : une autonomie de façade », Santé publique, 25 (4), 411-419, 2013 ; A. Lopez, P.-H. Bréchat, « La planification en santé : un essai à transformer », Les Tribunes de la santé, n° 50, 93-111, 2016.
-
[4]
D. Tabuteau, « Politiques de santé et territoire », Revue de droit sanitaire et social, n° hors-série, 7-15, 2009.
-
[5]
Smart Pharma Consulting, Agences régionales de santé (ARS), Missions, Objectifs, Organisation, Enjeux pour les laboratoires pharmaceutiques, Smart Pharma Consulting, 2010, p. 4-6.
-
[6]
V. Lidsky et al., Propositions pour la maîtrise de l’Ondam 2013-2017, IGF-Igas, juin 2012, p. 2.
-
[7]
F. Malye, J. Vincent, « Le palmarès des hôpitaux », Les Tribunes de la santé, n° 47, 65-74, 2015 ; F. Malye, J. Vincent, C. Lagrange, « Santé, Sommes-nous toujours les meilleurs ? », Le Point, 2241, 87-93, 2015.
-
[8]
P. Batifoulier, Capital santé, Quand le patient devient client, La Découverte, coll. Cahiers libres, 2014, p. 51-68.
-
[9]
M. Borgetto, « Les ARS dans l’organisation sociale et médico-sociale », Revue de droit sanitaire et social, 403-404, mai-juin 2016.
-
[10]
Baromètre Santé 360, « La place de la santé dans le débat public et électoral », Odoxa, 14 novembre 2016.
-
[11]
S. Godeluck, « Les hôpitaux réclament davantage d’autonomie », Les Échos, 6 février 2017.
-
[12]
Agence nationale de santé (v. C. Courrèges, A. Lopez, « L’agence nationale de santé : le défi d’un pilotage national unifié, refusant technocratie et centralisation », Santé publique, 24 (3), 229-240, 2012) ou Agence nationale de promotion et de régulation de la santé (v. D. Tabuteau, Démocratie sanitaire, Les nouveaux défis de la politique de santé, Odile Jacob, 2013, p. 248).
-
[13]
D.M. Berwick, T.W. Nolan, J. Whittington, « The triple aim: care, health, and cost », Health Affairs, 27 (3), 759-769, 2008.
-
[14]
Issu des travaux de R. Kelley et C. Béraud ainsi que d’une discussion avec C. Sorenson, B. James, B. Zimmerli et P. Briot à la suite de leur intervention « Régulation d’un système de santé et d’assurance maladie : l’expérience d’Intermountain Halthcare aux États-Unis (Utah) » à la conférence organisée par la Chaire santé de Sciences Po et l’Institut Droit et Santé de l’université Paris Descartes le 20 février 2015, cité dans : P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, Presses de l’EHESP, 2016, p. 130.
-
[15]
P.-H. Bréchat, P. Briot, « Éléments de stratégie en faveur du projet de loi santé et de l’évolution du système de santé et d’assurance maladie, Chronique 1 », Journal de droit de la santé et de l’assurance maladie, 1, 48-50, 2015.
-
[16]
Liste disponible sur highvaluehealthcare.org.
-
[17]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 90.
-
[18]
Plutôt que ceux de la Health Maintenance Organization (HMO), organisation qui offre ou prévoit la gestion des soins (hôpitaux, médecins) pour l’assurance maladie. La HMO met en œuvre le concept de managed care développé aux États-Unis dans les années 1990, qui a pour objectif principal la réduction des dépenses de santé et prévoit que les économies éventuellement réalisées bénéficient aux assurances.
-
[19]
P.-H. Bréchat, P. Briot, « Éléments de stratégie en faveur du projet de loi santé… », art. cité, p. 48-50.
-
[20]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 141-154 et 161-163.
-
[21]
Il y a près de 5 000 bonnes idées par an par centre hospitalier régional à Intermountain Healthcare ; cité par D. Smith, « Intermountain, Continuous improvement », FHF, 2-7 septembre 2016.
-
[22]
Ibid.
-
[23]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 133-134.
-
[24]
J.A.M. Gray, How To Build Healthcare Systems, Oxford Press Ltd., 2011, p. 38-39 ; J.A.M. Gray, « Quel système de santé dans dix ans : réflexion stratégique prospective », Communication orale, Paris, 18-19 octobre 2011.
-
[25]
A. Lopez, P.-H. Bréchat, « La planification en santé… », art. cité.
-
[26]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 141-154.
-
[27]
A. Lopez, «Structurer la politique nationale de santé, une ambition raisonnable », Santé publique, 3, 241-251, 2012.
-
[28]
J.E. Wennberg, « Time to tackle unwarranted variations in practice », Bristish Medical Journal, 342, 687-690, 2011.
-
[29]
J.A.M. Gray, « Quel système de santé dans dix ans… », communication citée.
-
[30]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 154.
-
[31]
Ce peut être un « tableau de bord national de santé », cité dans : A. Lopez, Rapport sur les conditions d’élaboration et de mise en œuvre de la politique nationale de santé, Igas, 2010 ; sur le modèle de ce que développe Intermountain Healthcare, à partir par exemple de son programme de santé d’intégration clinique des spécialistes en santé mentale avec ceux des soins primaires, appelés « Mental Health Integration » (MHI), cité dans : P. Briot et al., « Prise en charge intégrée des maladies mentales : l’exemple d’Intermountain Healthcare (USA) », Santé publique, 27 (1), s199-s208, 2015.
-
[32]
Ce programme est issu de l’Advanced Training Program (ATP) in Health Care Delivery Improvement de l’Institute for Healthcare Leadership d’Intermountain Healthcare, considéré comme l’un des meilleurs du monde. Il va être mis en place en France par P.-H. Bréchat qui a obtenu ce diplôme et un fellow de l’Institute for Healthcare Leadership qui a validé le programme français. Cela permet de proposer l’obtention d’un diplôme français et d’un diplôme américain. Ce dernier ouvre la possibilité de faire partie d’Alumni, l’association des diplômés du programme ATP. Cette association organise tous les ans aux États-Unis le colloque qui fait le point sur les meilleures avancées de l’amélioration continue de la qualité des soins et des systèmes.
-
[33]
A. Lopez, P.-H.Bréchat, « La planification en santé… », art. cité.
-
[34]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 170-171.
-
[35]
S. Stachenko, « La santé publique au XXIe siècle : défis et nouveaux enjeux pour la formation – perspectives canadiennes », Communication orale, Séminaire de rentrée des enseignants de l’EHESP, Dinard, 31 août 2011.
-
[36]
A.C. Amprou, « Introduction », Journée de l’Association des médecins inspecteurs de santé publique (AMISP), Paris, 20 septembre 2016.
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[37]
P.-H. Bréchat, Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie, op. cit., p. 147-148.
-
[38]
Issu d’une discussion avec C. Sorenson, B. James, B. Zimmerli et P. Briot, v. note 15.
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[39]
D. Tabuteau, « Loi HPST : des interrogations pour demain ! », Santé publique, 1, 79-90, 2010.