Couverture de SEVE_053

Article de revue

Les innovations dans le secteur du médicament

Pages 49 à 57

Notes

  • [1]
    Q.L. Choo, G. Kuo, A.J. Weiner, L.R. Overby, D.W. Bradley, M. Houghton, « Isolation of a cDNA clone derived from a blood-borne non-A, non-B viral hepatitis genome », Science, 244 (4902), 359-362, 1989 Apr. 21.
  • [2]
  • [3]
  • [4]
    A. Cousien, V.C. Tran, S. Deuffic-Burban, M. Jauffret-Roustide, J.S. Dhersin, Y. Yazdanpanah, « Hepatitis C treatment as prevention of viral transmission and liver-related morbidity in persons who inject drugs », Hepatology, 63, 4, 1090-1101, 2016.
  • [5]
    Haute Autorité de santé, Prise en charge de l’hépatite C par les médicaments antiviraux à action directe (AAD), juin 2014.
  • [6]
    Sovaldi, Gilead Sciences.
  • [7]
    ANRS-AFEF, Prise en charge des personnes infectées par les virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C, rapport de recommandations, 2014.
  • [8]
    Avis de la commission de la transparence du 14 mai 2014.
  • [9]
    Arrêté du 18 novembre 2014 relatif aux conditions de prise en charge de spécialités pharmaceutiques disposant d’une autorisation de mise sur le marché inscrites sur la liste visée à l’article L. 5126-4 du code de la santé publique, JORF n° 268 du 20 novembre 2014.
  • [10]
    Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015, JORF n° 297 du 24 décembre 2014.
  • [11]
    Recommandations AFEF sur la prise en charge des hépatites virales C, février 2016.
  • [12]
    Arrêté du 10 juin 2016 relatif aux conditions de prise en charge de spécialités pharmaceutiques disposant d’une autorisation de mise sur le marché inscrites sur la liste visée à l’article L. 5126-4 du code de la santé publique, JORF n° 135 du 11 juin 2016, et Arrêté du 10 juin 2016 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l’usage des collectivités et divers services publics, JORF n° 135 du 11 juin 2016.
  • [13]
    W.B. Coley, « The treatment of inoperable sarcoma with the mixed toxins of erysipelas and Bacillus prodigiosus: immediate and final results in one hundred and forty cases », JAMA, 31, 389-395, 1898.
  • [14]
    W.H. Fridman, « Historique de l’immunothérapie, Changement de paradigme ? », Bull. Cancer, 2016 (http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2016.01.013).
  • [15]
    Ibid.
  • [16]
    H. Neves, H.F. Kwok, « Recent advances in the field of anti-cancer immunotherapy », BBA Clinical, 3, 280-288, 2015.
  • [17]
    Opdivo, Bristol-Myers Squibb.
  • [18]
    Avis n° 2016.0002/AC/SEM du 13 janvier 2016 du collège de la Haute Autorité de santé en vue de l’inscription sur la liste prévue à l’article L. 5123-2 du code de la santé publique de la spécialité Opdivo (nivolumab) dans le traitement du mélanome avancé (non résécable ou métastatique).
  • [19]
    Avis de la commission de la transparence du 3 février 2016.
  • [20]
    Avis de la commission de la transparence du 5 octobre 2016.
  • [21]
    OMS, Global strategy for dengue prevention and control, 2012.
  • [22]
    OMS, Relevé épidémiologique hebdomadaire, 30, 91, 349-364, 2016.
  • [23]
    HAS, Diagnostic biologique direct précoce de la dengue par détection génomique du virus avec RT-PCR, janvier 2013.
  • [24]
    Ibid.
  • [25]
    OMS, Dengue et dengue sévère, Aide-mémoire n° 117, 2016.
  • [26]
    J. Schmitz, J. Roehrig, A. Barrett, J. Hombach, « Next generation dengue vaccines: a review of candidates in preclinical development », Vaccine, 29, 7276-7284, 2011.
  • [27]
    Ibid.
  • [28]
    Dengvaxia, Sanofi Pasteur.
  • [29]
    L. Villar et al., « Efficacy of a tetravalent dengue vaccine in children in Latin America », New England Journal of Medicine, 372, 2, 113-123, 2015.
  • [30]
    S.R. Hadinegoro et al., « Efficacy and long-term safety of a dengue vaccine in regions of endemic disease », New England Journal of Medicine, 373, 13, 1195-1206, 2015.
  • [31]
    L. Villar et al., « Efficacy of a tetravalent dengue vaccine… », art. cité.

1Le Conseil stratégique des industries de santé, réuni le 11 avril 2016 sous la présidence du Premier ministre, a rappelé que les progrès représentés par « l’augmentation de l’espérance de vie, la transformation de maladies rapidement mortelles en maladies chroniques et la guérison de maladies infectieuses et évolutives » constituaient également un défi avec la prise en charge des pathologies associées au grand âge ou d’affections devenues de longue durée. Le système de santé nécessite une innovation permanente pour non seulement répondre à ces défis identifiés mais aussi faire face à de nouvelles menaces, dont les maladies émergentes. Ces innovations sont notamment apportées par les industries de santé qui ont su adapter un modèle de produits issus de la chimie à un modèle plus large incluant les biotechnologies, la transformation numérique et les solutions multitechnologiques. En 2015, 93 traitements ont été approuvés par l’European Medicines Agency (EMA) contre 82 en 2014 ; 39 de ces traitements sont de nouvelles substances actives, dont un tiers dans le domaine du cancer et 18 médicaments pour les maladies rares. Il s’agit du nombre le plus élevé de ces dernières années.

2Si le présent article recouvre électivement et très partiellement le champ des innovations dans le secteur du médicament, il ne revendique pas d’aborder l’innovation plus générale en santé qui, hormis le médicament, inclut également, notamment, les diagnostics, les technologies médicales et numériques ainsi que les systèmes experts.

3L’objectif étant d’examiner des innovations médicamenteuses sur la période 2012-2017, nous avons volontairement exclu des produits de santé plus anciens même lorsque leurs indications se sont élargies, tels les anti-TNF alpha. Notre choix s’est arbitrairement porté sur un médicament qui guérit une pathologie virale, le sofosbuvir, un médicament qui accroît l’espérance et la qualité de vie de personnes atteintes de cancers déjà avancés, le nivolumab, et un vaccin qui a vocation à prévenir une pathologie pouvant concerner plus de 2 milliards de personnes, le vaccin contre la dengue.

Une rupture dans le traitement de l’hépatite C : les antiviraux à action directe

4Le virus de l’hépatite C (VHC) n’a été découvert qu’en 1989 [1]. Auparavant ces hépatites étaient étiquetées « non A-non B ». La contamination est principalement parentérale : transfusion, injection, hémodialyse, contamination nosocomiale. D’autres contaminations sont décrites mais plus rares : transmission sexuelle, transmission materno-fœtale, etc. Dans 20 % des cas, aucun facteur de risque n’est identifié. L’incubation dure 4 à 12 semaines, puis se développe une hépatite aiguë qui est anictérique et asymptomatique dans 80 % des cas ; sinon sont décrits asthénie, prurit et ictère. La survenue de l’hépatite aiguë permet de dater le contact avec le virus. Si, dans 20 % des cas, la guérison est spontanée, l’affection devient chronique dans 80 % et les hépatites chroniques évoluent vers la cirrhose dans 20 % des cas. Après une vingtaine d’années, 3 à 4 % des malades ayant une cirrhose développent un cancer hépatocellulaire.

5Les modes de contamination liés aux facteurs de risque sont différents en métropole et dans les territoires d’outre-mer. Pour exemple, l’Observatoire de la santé de la Martinique a publié, en 2009, une étude caractérisant l’hépatite C en Martinique [2], [3] en analysant les données des 430 patients pris en charge dans le service d’hépato-gastro-entérologie du Centre hospitalier universitaire de Fort-de-France entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 2004 pour une hépatite C. Les résultats montrent que la contamination par exposition nosocomiale est suspectée chez 82,3 % des patients et que « la transfusion sanguine avant 1991 est le deuxième facteur de risque suspecté » pour 47,9 % des patients. L’utilisation des produits sanguins chauffés date de fin 1985.

6L’hépatite C n’est pas une maladie rare dès lors qu’il est estimé que 3 % de la population mondiale en est affectée. Son évolution est silencieuse, ce qui explique le grand nombre de personnes infectées. Elle est responsable d’environ 350 000 morts par an dans le monde [4]. En France, les chiffres avancés sont de l’ordre de 360 000 patients séropositifs dont 65 % atteints d’hépatite chronique, soit environ 230 000 patients [5], et d’environ 3 000 décès par an.

7Le traitement de l’hépatite C antérieur aux antiviraux à action directe associait interféron pégylé et ribavirine, un médicament antiviral. Mais l’efficacité restait modérée, de l’ordre de 40 % de guérison selon le génotype du VHC, et les effets secondaires étaient nombreux. L’émergence des antiviraux à action directe (AAD) a considérablement amélioré le pronostic de l’hépatite C et constitue ainsi une innovation thérapeutique majeure. Parmi ces AAD, le sofosbuvir [6], inhibiteur de la polymérase NS5B, en association avec d’autres traitements, a montré une efficacité importante, supérieure à 90 % sur la réponse virologique soutenue, et une meilleure tolérance.

Un enjeu pour les politiques publiques

8Dès lors que l’efficacité était démontrée et qu’il s’agissait d’une rupture dans la prise en charge de l’hépatite C, les pouvoirs publics devaient d’une part préciser les recommandations de traitement par les AAD et d’autre part rendre les dépenses de ces médicaments compatibles avec l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, en raison du prix de vente élevé de ces médicaments :

  • l’ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales) et l’AFEF (Association française pour l’étude du foie) ont recommandé, en 2014 [7], de « traiter en priorité », d’une part les patients ayant un score de fibrose ≥ à F2 (la fibrose peut être comparée à une « cicatrice » provoquée par l’atteinte des cellules hépatiques par le VHC et peut évoluer vers la cirrhose), d’autre part, quel que soit le degré de fibrose, les patients ayant des manifestations extra-hépatiques, les patients en attente de transplantation d’organe, les femmes ayant un désir de grossesse, les usagers de drogue et les personnes détenues ;
  • la commission de la transparence a considéré, en mai 2014 [8], que le sofosbivir, en association à l’interféron alpha pégylé et/ou à la ribavirine, apportait une amélioration du service médical rendu importante (ASMR II) dans la prise en charge de l’ensemble des patients adultes infectés par le VHC, excepté pour les patients de génotype 3 naïfs de traitement antiviral. Pour les autres patients, l’ASMR est qualifiée de modérée (ASMR III) ;
  • l’arrêté du 18 novembre 2014 [9] a précisé « les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge ou au remboursement du médicament », conformément à ces recommandations ;
  • la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 [10] a créé une « contribution au titre de médicaments destinés au traitement de l’hépatite C », qualifiée de montant « W », qui doit être versée si la somme des chiffres d’affaire issus de l’exploitation de médicaments de l’hépatite C, inscrits sur une liste définie par la HAS, est supérieure à un montant défini dans la LFSS, en l’occurrence 700 millions d’euros ;
  • l’AFEF, dans ses recommandations de 2016 [11], a préconisé que le traitement antiviral soit proposé à tous les patients qui ont une hépatite chronique C et a affirmé que les critères d’indication thérapeutique « uniquement liés à la sévérité de la fibrose hépatique sont obsolètes » et qu’il n’existe « aucun argument médical pour refuser à un patient un traitement efficace et sans effet indésirable majeur » ;
  • les deux arrêtés du 10 juin 2016 [12] ont étendu la prise en charge des AAD aux patients présentant un stade de fibrose hépatique F2 ainsi qu’à des patients sans fibrose hépatique mais dans des situations spécifiques telle, notamment, l’attente de transplantation d’organe ou l’hémodialyse ou la présence de manifestations extra-hépatiques de l’hépatite C.

9L’innovation thérapeutique majeure représentée par les AAD constitue un cas d’école associant une efficacité thérapeutique pouvant être qualifiée de rupture et des mesures de contrôle des dépenses associant des recommandations cliniques et un contingentement de l’ensemble des dépenses. Sur le plan de la santé publique, la rapidité de réaction des pouvoirs publics a permis de traiter et donc de guérir des patients présentant une hépatite C en respectant des priorités cliniques, mais en étendant rapidement les indications. L’étape suivante, en accord avec les recommandations cliniques internationales (American Association for the Study of Liver Diseases, 2016), devant être l’extension à tous les patients présentant cette affection et donc un accès universel à ces traitements.

L’avancée de l’immunothérapie des cancers : les inhibiteurs du point de contrôle immunitaire PD-1

10Il peut paraître anachronique de ranger l’immunothérapie des cancers parmi les innovations tant sa conception et les espoirs suscités sont anciens. Toutefois, les récents résultats thérapeutiques justifient pleinement de les développer dans un article dédié aux innovations dans le secteur du médicament.

11Les traitements en cancérologie reposent sur plusieurs modalités apparues successivement : la chirurgie en est la plus ancienne, puis la radiothérapie dans la première moitié du XXe siècle, la chimiothérapie et l’hormonothérapie dans la seconde moitié, et les thérapies ciblées au début du XXIe siècle.

12Il est classique de considérer William B. Coley comme le pionnier de l’immuno-oncologie avec sa publication princeps en 1898 [13]. Pour le moins contestable sur le plan éthique, W.B. Coley, après avoir injecté des préparations de streptocoques tués dans les tumeurs, a constaté la régression de certaines tumeurs. Sur la base de ces travaux, l’immunothérapie est apparue comme un traitement possible des cancers malgré la toxicité du traitement proposé.

13Ultérieurement, dès lors que l’incidence de cancers est plus élevée chez des individus immunodéprimés, il a été suggéré que les cellules cancéreuses ne sont pas reconnues par l’hôte comme différentes des autres cellules et ont la possibilité de se développer si elles ne sont pas éliminées par le système immunitaire du patient. Les progrès de la génétique moléculaire ont permis de conforter cette hypothèse en créant des lignées de souris totalement immuno-incompétentes et en démontrant que ces souris développaient spontanément des cancers [14].

14Dès le milieu du XXe siècle a été introduit le traitement par greffe de moelle allogénique, notamment dans les leucémies et les lymphomes, considéré comme « la première immunothérapie efficace des cancers humains [15] ». Les cellules souches hématopoïétiques greffées détruisent les cellules leucémiques.

15L’immunothérapie actuelle, qui consiste également à induire ou augmenter les réponses immunitaires anticancéreuses, est plus précise et cible des récepteurs, activateurs ou inhibiteurs, présents sur la membrane des lymphocytes T. Il est constaté que certains ligands présents à la surface des cellules tumorales ou de certaines cellules immunitaires sont capables, lorsqu’ils inter­agissent avec les récepteurs du lymphocyte T, d’inactiver celui-ci et donc d’inactiver la réponse immunitaire antitumorale. L’objectif thérapeutique est de bloquer l’interaction entre ces récepteurs, nommés « check-point inhibitors » (CKI), et leurs ligands au moyen d’anticorps spécifiques. Parmi ces CKI, le récepteur PD-1 a été particulièrement ciblé. Son blocage par des anticorps monoclonaux anti-PD1 (programmed cell death 1) permet, a contrario, aux lymphocytes T de reconnaître les tumeurs et ainsi au système immunitaire d’être stimulé [16].

16La HAS a rendu trois avis sur un anti-PD1, le nivolumab [17], respectivement dans le traitement du mélanome avancé, du cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) de type épidermoïde localement avancé ou métastatique après une chimiothérapie antérieure et dans le traitement du carcinome à cellules rénales avancé après traitement antérieur. Il s’agit pour le mélanome d’un traitement de première ligne et pour le cancer bronchique ainsi que pour le cancer du rein d’un traitement de deuxième ligne.

17Mélanome avancé : en France, environ 1 700 décès ont été secondaires à un mélanome cutané en 2012. Le taux de survie à 5 ans d’un mélanome, cancer cutané, est de l’ordre de 88 % en cas de détection à un stade précoce mais de moins de 5 % au stade métastatique, sans traitement par le nivolumab [18]. Par un avis du 13 janvier 2016, la HAS a jugé que le nivolumab démontrait un « bénéfice clinique supérieur en termes de survie globale et sans progression » par rapport à d’autres traitements et a conclu d’une part que le service médical rendu par le nivolumab était important en « monothérapie dans le traitement des patients adultes atteints d’un mélanome avancé (non résécable ou métastatique) », et d’autre part que l’amélioration du service médical rendu était modérée (ASMR III) dans la stratégie thérapeutique de prise en charge de ces patients.

18Cancer bronchique non à petites cellules dans une forme avancée : en France, le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer, toutes populations confondues. Le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) représente environ 85 % de l’ensemble des cancers du poumon [19]. Près de 40 000 nouveaux cas de CBNPC sont diagnostiqués par an, dont environ 20 % de type épidermoïde, au sein desquels de l’ordre de 70 % des patients sont diagnostiqués à un stade avancé ou métastatique, soit plus de 5 000 patients par an. Dans son avis du 3 février 2016, la commission de la transparence de la HAS a considéré que le nivolumab apportait un service médical rendu important dans le traitement des CBNPC localement avancés ou métastatiques et une amélioration modéré du service médical rendu (ASMR III).

19Cancer du rein à cellules claires ou comportant un contingent de cellules claires au stade avancé après échec d’un traitement antérieur par anti-VEGF : en France, l’incidence du cancer du rein est de l’ordre de 11 500 cas et le cancer à cellules rénales représente environ 85 % de ces cancers. Selon des critères pronostiques, le taux de survie à 5 ans des patients d’emblée métastatiques est compris entre 8 et 41 %. L’avis de la commission de la transparence de la HAS du 5 octobre 2016 [20] est en faveur d’un service médical rendu par le nivolumab qualifié d’important « uniquement dans le traitement du cancer du rein à cellules claires ou comportant un contingent de cellules claires au stade avancé après échec d’un traitement antérieur par anti-VEGF ». De plus, ce même avis souligne que la supériorité du nivolumab sur l’évérolimus, inhibiteur de tyrosine kinase, est démontrée en termes de survie globale dans la seule population des patients ayant un cancer du rein à cellules claires, conduisant à une amélioration du service médicale rendu modérée (ASMR III) par rapport à l’évérolimus.

20Dans ces trois pathologies, le nivolumab démontre une supériorité en survie globale dans les formes avancées. Il s’agit d’un traitement de deuxième ligne dont l’extension à d’autres cancers avancés est à l’étude. L’immunothérapie des cancers repose sur un paradigme original puisqu’il s’agit, non d’attaquer directement les cellules cancéreuses, mais d’exploiter le système immunitaire du patient pour combattre le cancer. Les anti-PD1 contribuent à ce nouvel arsenal thérapeutique.

21Politiques publiques de prise en charge de ces produits de santé innovants : le nivolumab a été accessible pour les patients français au moyen d’autorisations temporaires d’utilisation (ATU) nominatives puis d’ATU de cohorte, accordées de décembre 2014 à août 2015. Les AMM, selon les indications, ont été accordées de juin 2015 à mai 2016. Enfin, les malades qui relèvent des indications post-ATU de cohorte sont pris en charge au titre de l’article L.162-16-5-2 du code de la sécurité sociale.

Le vaccin contre la dengue

22Pour l’OMS la dengue soulève un problème majeur de santé publique en raison d’une part de son étendue géographique dans les zones tropicales et subtropicales et d’autre part de la rapidité de son extension depuis 50 ans [21]. Sa propagation géographique est spectaculaire avec 0,4 million de cas annuels notifiés à l’OMS en 1996 et 3,2 millions en 2015 [22], mais on constate une forte sous-notification des cas. L’estimation du nombre de cas est de 50 à 100 millions par an, dont 1 % de formes sévères, y compris des formes hémorragiques, causant environ 10 000 décès. L’OMS estime que près de la moitié de la population mondiale vit dans des régions d’endémie. La maladie est endémique « dans plus de cent pays en Afrique, dans les Amériques, en Méditerranée orientale, en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique occidental [23] ». La France est concernée dans les trois départements d’Amérique, mais il existe également des cas importés en France métropolitaine. Un des moustiques vecteurs du virus de la dengue, Aedes albopictus, également vecteur du chikungunya, « s’est implanté depuis 2004 en France métropolitaine, dans le sud-est du pays [24] ».

23La dengue est une arbovirose transmise par des moustiques Aedes. Lors d’une piqûre, le moustique prélève le virus de la dengue sur une personne infectée et, à l’occasion d’une autre piqûre, peut le transmettre à une personne saine. L’infection peut se traduire par différentes formes cliniques, depuis des formes asymptomatiques, des fièvres indifférenciées, un tableau classique de dengue, jusqu’à, dans environ 1 % des cas, une forme sévère pouvant entraîner des manifestations hémorragiques mais aussi une détresse respiratoire allant dans de très rares cas jusqu’au coma. Il n’existe pas de traitement antiviral spécifique contre la dengue mais la prise en charge clinique immédiate et appropriée de la forme sévère permet de réduire le taux de mortalité, qui est d’environ 20 % en l’absence de traitement [25].

24Il existe quatre virus de la dengue, DENV-1 à DENV-4. Les différents virus peuvent circuler, simultanément, dans des régions d’endémie. L’infection par un sérotype confère une protection de longue durée en cas de réinfection par le même sérotype, mais une protection transitoire, de l’ordre de deux ans, en cas d’infection secondaire par un des trois autres sérotypes [26]. À cette très faible protection croisée s’ajoute le risque accru de dengue sévère lors d’une seconde infection par le virus. En revanche, les infections ultérieures à une seconde infection sont plus rarement à l’origine d’une dengue sévère.

25En raison de la faible protection croisée, le vaccin, pour être efficace, doit être tétravalent et apporter une protection, à long terme, contre les quatre sérotypes [27]. Le premier vaccin homologué est le vaccin CYD-TDV [28], qui contient les quatre virus vivants atténués représentant les quatre sérotypes. Deux essais cliniques conduits à large échelle [29], [30] ont montré une efficacité de la vaccination chez les enfants à partir de 9 ans de l’ordre de 65 % contre la dengue et de 93 % contre sa forme sévère, ainsi qu’une diminution de 80 % des hospitalisations [31]. Toutefois, l’efficacité est discutée chez l’enfant de moins de 5 ans. L’innocuité du vaccin est comparable à celle d’autres vaccins vivants atténués. L’OMS recommande l’introduction de ce vaccin dans les contextes géographiques de forte endémicité et notamment ceux dont la présence d’une séroprévalence est d’environ 50 % ou plus dans la tranche d’âge ciblée et selon l’indication du vaccin à partir de 9 ans.

26La diplomatie française a soutenu l’introduction du vaccin CYD-TDV, produit par l’industrie pharmaceutique française, en mettant en avant le sujet de santé publique représenté par la dengue dans ses relations avec les pays endémiques. Ainsi, la diplomatie française a facilité les interactions avec les autorités locales et favorisé la signature d’accords qui ont ouvert la voie à l’introduction du vaccin dans les pays où cette maladie constitue une préoccupation de santé publique majeure. Lors des visites du président de la République François Hollande au Mexique en avril 2014 et aux Philippines en février 2015, la déclaration conjointe des présidents de la République se félicitait respectivement de la « prochaine introduction du vaccin contre la dengue » et de « leur collaboration pour faire face aux maladies évitables par le biais de la vaccination et de la prochaine introduction du vaccin contre la dengue ».

Conclusion

27Si les trois innovations retenues apportent des avancées significatives dans la prise en charge ou la prévention des pathologies ciblées, elles ouvrent également des opportunités en recherche pour mieux comprendre ces pathologies et mieux les traiter, notamment au travers des résultats négatifs. Ces derniers interrogent sur les autres cibles cellulaires pour l’immunothérapie des cancers, sur la caractérisation clinique et biologique des hépatites ne répondant pas aux AAD, et sur l’efficacité de la vaccination contre la dengue chez l’enfant de moins de 9 ans.

Notes

  • [1]
    Q.L. Choo, G. Kuo, A.J. Weiner, L.R. Overby, D.W. Bradley, M. Houghton, « Isolation of a cDNA clone derived from a blood-borne non-A, non-B viral hepatitis genome », Science, 244 (4902), 359-362, 1989 Apr. 21.
  • [2]
  • [3]
  • [4]
    A. Cousien, V.C. Tran, S. Deuffic-Burban, M. Jauffret-Roustide, J.S. Dhersin, Y. Yazdanpanah, « Hepatitis C treatment as prevention of viral transmission and liver-related morbidity in persons who inject drugs », Hepatology, 63, 4, 1090-1101, 2016.
  • [5]
    Haute Autorité de santé, Prise en charge de l’hépatite C par les médicaments antiviraux à action directe (AAD), juin 2014.
  • [6]
    Sovaldi, Gilead Sciences.
  • [7]
    ANRS-AFEF, Prise en charge des personnes infectées par les virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C, rapport de recommandations, 2014.
  • [8]
    Avis de la commission de la transparence du 14 mai 2014.
  • [9]
    Arrêté du 18 novembre 2014 relatif aux conditions de prise en charge de spécialités pharmaceutiques disposant d’une autorisation de mise sur le marché inscrites sur la liste visée à l’article L. 5126-4 du code de la santé publique, JORF n° 268 du 20 novembre 2014.
  • [10]
    Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015, JORF n° 297 du 24 décembre 2014.
  • [11]
    Recommandations AFEF sur la prise en charge des hépatites virales C, février 2016.
  • [12]
    Arrêté du 10 juin 2016 relatif aux conditions de prise en charge de spécialités pharmaceutiques disposant d’une autorisation de mise sur le marché inscrites sur la liste visée à l’article L. 5126-4 du code de la santé publique, JORF n° 135 du 11 juin 2016, et Arrêté du 10 juin 2016 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l’usage des collectivités et divers services publics, JORF n° 135 du 11 juin 2016.
  • [13]
    W.B. Coley, « The treatment of inoperable sarcoma with the mixed toxins of erysipelas and Bacillus prodigiosus: immediate and final results in one hundred and forty cases », JAMA, 31, 389-395, 1898.
  • [14]
    W.H. Fridman, « Historique de l’immunothérapie, Changement de paradigme ? », Bull. Cancer, 2016 (http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2016.01.013).
  • [15]
    Ibid.
  • [16]
    H. Neves, H.F. Kwok, « Recent advances in the field of anti-cancer immunotherapy », BBA Clinical, 3, 280-288, 2015.
  • [17]
    Opdivo, Bristol-Myers Squibb.
  • [18]
    Avis n° 2016.0002/AC/SEM du 13 janvier 2016 du collège de la Haute Autorité de santé en vue de l’inscription sur la liste prévue à l’article L. 5123-2 du code de la santé publique de la spécialité Opdivo (nivolumab) dans le traitement du mélanome avancé (non résécable ou métastatique).
  • [19]
    Avis de la commission de la transparence du 3 février 2016.
  • [20]
    Avis de la commission de la transparence du 5 octobre 2016.
  • [21]
    OMS, Global strategy for dengue prevention and control, 2012.
  • [22]
    OMS, Relevé épidémiologique hebdomadaire, 30, 91, 349-364, 2016.
  • [23]
    HAS, Diagnostic biologique direct précoce de la dengue par détection génomique du virus avec RT-PCR, janvier 2013.
  • [24]
    Ibid.
  • [25]
    OMS, Dengue et dengue sévère, Aide-mémoire n° 117, 2016.
  • [26]
    J. Schmitz, J. Roehrig, A. Barrett, J. Hombach, « Next generation dengue vaccines: a review of candidates in preclinical development », Vaccine, 29, 7276-7284, 2011.
  • [27]
    Ibid.
  • [28]
    Dengvaxia, Sanofi Pasteur.
  • [29]
    L. Villar et al., « Efficacy of a tetravalent dengue vaccine in children in Latin America », New England Journal of Medicine, 372, 2, 113-123, 2015.
  • [30]
    S.R. Hadinegoro et al., « Efficacy and long-term safety of a dengue vaccine in regions of endemic disease », New England Journal of Medicine, 373, 13, 1195-1206, 2015.
  • [31]
    L. Villar et al., « Efficacy of a tetravalent dengue vaccine… », art. cité.
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