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Article de revue

Mythes et réalités des erreurs médicales : pourquoi la crise des assurances n'est pas une crise de la judiciarisation

Pages 59 à 81

Notes

  • [*]
    Cet article est fondé en partie sur un livre blanc rédigé par les auteurs pour le Center for Progressive Reform. Il a fait l’objet d’une première publication, sous le titre « Medical Malpractice Myths and Realities: Why an Insurance Crisis is not a Lawsuit Crisis », dans la Loyola of Los Angeles Law Review (39, 2, 785, 2006). Le lecteur français désireux d’approfondir pourra se référer à l’important appareil de notes de la version originale, dont nous avons choisi de ne traduire en français que les principales afin de faciliter la lecture.
  • [1]
    Baker T., The Medical Malpractice Myth, The University of Chicago Press, 2005.
  • [2]
    Pear R., « Bush Begins Drive to Limit Malpractice Suit Awards », New York Times, 6 janvier 2005.
  • [3]
    Baker T., The Medical Malpractice Myth, op.cit.
  • [4]
    Thompson C.W., « Medical Boards Let Physicians Practice Despite Drug Abuse », Washington Post, 10 avril 2005.
  • [5]
    Une organisation « astroturf » est une association financée par une entreprise ou un groupe d’intérêt qui représente un mouvement « populaire » de citoyens. Voir : Beder S., « Public Relations’ Role in Manufacturing Artificial Grass Roots Coalitions », Pub. Rel. Q., 21, 1998.
  • [6]
    Baker T., The Medical Malpractice Myth, op.cit.
  • [7]
    Black et al., « Stability, Not Crisis: Medical Malpractice Claim Outcomes in Texas, 1998-2002 », J. Empirical Legal Stud., 207, 2005.
  • [8]
    Horvath S., « Study Finds Tort Reform Not the Answer for Medical Malpractice Crisis », Palm Beach Post, 22 mars 2005.
  • [9]
    Vidmar N. et al., « Uncovering the “Invisible” Profile of Medical Malpractice Litigation: Insights from Florida », DePaul L. Rev., 315, 353, 2005.
  • [10]
    Vidmar N., « Medical Malpractice and the Tort System in Illinois: A Report to the Illinois State Bar Association », 2005 (wwww. isba. org/ downloadnow/ medicalmalpracticestudy.pdf).
  • [11]
    Baker T., « Medical Malpractice and the Insurance Underwriting Cycle », DePaul L. Rev., 393, 394, 2005.
  • [12]
    Kessler D., McClellan M., « Do Doctors Practice Defensive Medicine? », Q. J. Econ., 353, 372-378, 1996.
  • [13]
    Baicker K., Chandra A., The Effect of Malpractice Liability on the Delivery of Health Care, NBER, Working Paper No. 10, 709, 2004.
  • [14]
    Voir Mencimer S., « False Alarm: How the Media Helps the Insurance Industry and the GOP Promote the Myth of America’s “Lawsuit Crisis” », Wash. Monthly, octobre 2004.

1Le Président Bush a fait de la réforme de la justice civile une priorité de son second mandat, en alléguant que le remplacement au niveau fédéral d’une législation traditionnelle aiderait à résoudre la crise du système de santé du pays et soutiendrait l’économie. Les propositions pour la « réforme de la responsabilité civile » soulèvent des questions majeures et d’une portée considérable. Bien entendu, une analyse attentive doit précéder toute tentative de modifier par la loi plusieurs siècles de sagesse accumulée chez les juges, les jurés de citoyens et les plaideurs sur la meilleure façon de rendre les défendeurs comptables de comportements fautifs et de garantir la justice pour les victimes. Malheureusement, le débat actuel sur la justice civile est moins caractérisé par une analyse attentive que par des plaintes infondées, une rhétorique retentissante et des anecdotes fallacieuses.

2La situation est particulièrement grave en ce qui concerne le débat sur la législation relative aux fautes professionnelles médicales, dans lequel l’importante désinformation s’est révélée si durable et influente que Tom Baker l’a qualifiée de « mythe des fautes professionnelles médicales ». Comme il l’observe dans son livre majeur paru récemment [1] : « Fondé sur une légende urbaine combinée à des histoires parfois vraies, étayé par des références sélectives aux études académiques et répété si souvent que même les inventeurs du mythe oublient l’exagération, la demi-vérité et la désinformation totale employées au service de leur plus grand bien, le mythe de la faute professionnelle médicale a empli les médecins, les patients, les législateurs et les électeurs du type de peurs qui court-circuitent la pensée critique. » Comme il est expliqué dans cet article, les États-Unis souffrent sans aucun doute d’une crise du système de santé – dont un symptôme est le nombre anormalement élevé d’accidents causés par des médecins et d’autres professionnels de santé – et également d’une crise des assurances contre les fautes professionnelles médicales. Cependant, contrairement aux arguments de ceux qui soutiennent la limitation des possibilités de recours, il n’y a pas de crise du contentieux médical.

3Les compagnies d’assurance, les organisations de soins et d’assurance intégrés de type managed care, les associations de médecins et d’autres groupes d’intérêt ont lourdement investi dans des campagnes médiatiques pour convaincre les décideurs et le public que les augmentations récentes des primes d’assurance responsabilité professionnelle sont dues à une justice civile qui tolère trop facilement les plaintes abusives pour faute professionnelle médicale. Un nombre croissant d’études conclut cependant que le contentieux civil en général, et celui lié à la responsabilité pour faute professionnelle en particulier, ont été relativement stables au cours des deux dernières décennies. De plus, des études approfondies sur l’évolution du secteur des assurances ont montré que ce sont les pratiques commerciales des assureurs, plus que les indemnisations pour fautes professionnelles médicales, qui sont la source principale de la volatilité des primes. De fait, comme l’observe Baker, les assureurs en responsabilité médicale sont pris essentiellement dans un cycle de forte expansion et de récession qui provoque les montées vertigineuses des primes, quels que soient l’encadrement des dommages et intérêts pour faute professionnelle médicale ou les autres limitations législatives.

4Les partisans des « réformes » de la responsabilité pour faute professionnelle ont essayé de rendre la justice civile responsable de l’augmentation des primes d’assurance professionnelle et les victimes des fautes professionnelles médicales et leurs avocats responsables du manque alarmant d’accès à des soins de qualité abordables aux États-Unis. Ces partisans de la réforme allèguent que la judiciarisation excessive conduit les médecins à pratiquer une « médecine défensive » ou à quitter le secteur médical. Ils prétendent que ces réactions augmentent les coûts de santé et diminuent la disponibilité des soins. Cependant, étant donné la stabilité patente du contentieux civil, l’argument de la médecine défensive ou de la fuite des médecins doit faire l’objet d’un examen minutieux. Il apparaît qu’une seule étude – que deux agences de recherche non partisanes du Congrès ont rejetée comme non fiable – soutient l’argument selon lequel la peur des poursuites conduit les médecins à demander des examens et actes médicaux inutiles. Des études de suivi mieux conçues n’ont apporté que peu ou pas d’éléments en faveur de cet argument. De même, en ce qui concerne l’assertion que la menace des primes pour faute professionnelle a entraîné une fuite des médecins, un rapport récent du Government Accountability Office (GAO) a indiqué que l’offre de médecins dans ce pays avait excédé la croissance de la population au cours de la dernière décennie.

5En bref, la crise de la judiciarisation semble ne rien être d’autre qu’une opération de relations publiques bien coordonnée visant à restreindre radicalement les voies de recours juridictionnel. Les données disponibles permettent de penser que la justice civile n’est pas inondée de plaintes infondées, que les pertes des compagnies d’assurance dans les procès pour faute professionnelle médicale n’entraînent pas de montée en flèche des primes, que les médecins ne s’en vont pas et qu’il n’y a pas de vague de médecine défensive contribuant à l’augmentation des coûts de santé. Par conséquent, les restrictions imposées par voie judiciaire ou législative à la responsabilité pour faute professionnelle médicale serviront à limiter la responsabilité des professionnels de santé négligents et de leurs compagnies d’assurance sans améliorer de façon significative la quantité ou la qualité des soins médicaux. Pire encore, ces restrictions priveront des victimes innocentes de leur droit de réparation pour un préjudice dû à une faute et elles réduiront fortement la capacité de la justice civile à tenir les professionnels négligents comptables de leur comportement fautif.

Le contexte politique du debat actuel

6Peu après sa victoire à l’élection de 2004, le Président Bush a lancé une campagne agressive pour une refonte nationale de la responsabilité civile médicale, en demandant au Congrès de promulguer une législation limitant la responsabilité, non seulement des professionnels de santé, mais également des fabricants de médicaments et d’autres produits médicaux. Plusieurs États ont adopté une législation similaire, et la Chambre des représentants des États-Unis a par le passé voté des projets de loi sur la responsabilité médicale à plusieurs reprises. À ce jour cependant, l’opposition du Sénat a empêché l’application de la législation sur les fautes professionnelles au niveau fédéral. Néanmoins, le Président Bush et les différentes organisations professionnelles dont les membres bénéficieraient des restrictions de la responsabilité civile médicale croyaient apparemment que sous cette administration, le Congrès promulguerait finalement la « réforme sur la responsabilité civile médicale réelle », puisque le candidat Bush « avait souvent parlé des procès pour erreur médicale dans [sa] campagne » et que par conséquent « il avait maintenant un mandat pour le faire » [2].

7Bien que la guerre en Irak et l’ouragan Katrina aient relégué le débat sur la responsabilité pour faute professionnelle médicale au second plan, elle reste une priorité élevée pour l’administration et pour de nombreux législateurs influents. Les projets de loi débattus actuellement à la Chambre des représentants et au Sénat limiteraient la responsabilité des professionnels de santé et des fabricants de produits médicaux en restreignant, entre autres choses, les dommages et intérêts compensatoires non financiers (appelés « pretium doloris ») à deux cent cinquante mille dollars, en encadrant la disponibilité et le montant des dommages et intérêts « pour l’exemple », en imposant aux plaignants de déposer plainte dans les trois ans suivant la manifestation du préjudice, et en limitant les montants que les avocats peuvent collecter dans le cadre des honoraires au pourcentage. Même si les projets de loi semblent servir le fédéralisme, s’ils sont promulgués ils empièteront fortement sur la capacité à long terme des tribunaux d’État et des législateurs nationaux à mettre en place des règles législatives communes et à réguler la profession médicale dans le cadre de leurs compétences. Selon le Président Bush, cette législation est nécessaire parce que la prolifération de « poursuites infondées » s’étendant « dans tout ce pays » a entraîné des primes d’assurance élevées, la pratique de la médecine défensive et un abandon de la profession médicale par les médecins.

La réalite de la crise

8Comme dans toute activité ou profession, les professionnels de santé commettent des erreurs ; mais contrairement à de nombreuses autres activités ou professions, les conséquences des erreurs sont souvent plus graves parce que les professionnels de santé se consacrent à sauver des vies. Selon la National Academy of Science’s Institute of Medicine (IOM), « les erreurs médicales sont la première cause de décès accidentel aux États-Unis ». L’IOM estime que « chaque année, au moins 44 000 personnes, et peut-être près de 98 000, décèdent à l’hôpital à la suite d’erreurs médicales qui auraient pu être évitées. » En outre, l’IOM avertit que ces chiffres sont « une estimation très modeste de l’ampleur du problème puisque les patients hospitalisés ne représentent qu’un petit pourcentage de la population à risque d’erreurs médicales ».

9À première vue, cette évaluation qui donne à réfléchir semble expliquer l’affirmation – répétée par ceux qui proposent un plus grand contrôle fédéral sur la justice civile d’État – que les procès pour faute professionnelle médicale inondent les tribunaux. Cependant, le Congressional Budget Office (CBO) a conclu récemment que très peu de préjudices médicaux font en réalité l’objet d’une plainte en responsabilité civile. Par exemple, les données compilées dans l’étude princeps Harvard Medical Practice Study, qui reste à ce jour la tentative la plus importante de documenter l’ampleur des fautes professionnelles médicales dans le système de santé, étayent la conclusion que le système de responsabilité civile est grandement sous-utilisé. En utilisant une méthodologie prudente pour identifier les fautes professionnelles médicales par négligence, les chercheurs de Harvard ont observé que sur les 27 179 cas de négligences médicales dans les hôpitaux de l’État de New York en 1984, 1,5% des victimes seulement avaient déposé une plainte pour faute professionnelle médicale. Plusieurs études plus récentes étayent la conclusion qu’il y a trop peu de procès intentés contre les professionnels de santé négligents. Comme l’observe Baker, « selon la façon dont on compte, il y a entre sept et vingt-cinq préjudices graves dus à des erreurs médicales pour chaque procès pour faute professionnelle médicale » [3].

10Bien que les observations indiquent que seul un faible pourcentage de victimes d’erreurs médicales cherchent à obtenir réparation devant la justice civile, la responsabilité civile reste le principal moyen de tenir les professionnels de santé responsables des erreurs médicales. Il n’existe pas de système national pour punir les professionnels de santé négligents. La surveillance limitée qui existe réellement est exercée par des commissions médicales d’État composées essentiellement de médecins. Les observations permettent de penser que ces commissions n’ont pas suffisamment prévu de mesures disciplinaires nécessaires pour limiter à des niveaux acceptables les préjudices dus à des fautes professionnelles médicales. Par exemple, même si un très petit nombre de médecins négligents semblent être responsables de la majorité des fautes professionnelles dans ce pays, les médecins semblent peu disposés à annuler des autorisations de pratiquer ou à prendre d’autres mesures disciplinaires contre ces quelques « mauvais acteurs ». Selon un rapport, les commissions médicales d’État n’ont pris des mesures disciplinaires que contre 8% des 35 000 médecins qui ont versé deux indemnisations ou plus pour des plaintes pour faute professionnelle de 1990 à 2002 et contre 17% seulement des 2 744 médecins qui ont versé cinq indemnisations ou plus pour faute professionnelle médicale pendant cette période.

11De même, une analyse récente des rapports de la commission médicale d’État publiée par le Washington Post a montré qu’« il a été accordé à un grand nombre de médecins dans les [districts de Columbia, de Virginie et du Maryland] et dans tout le pays des chances répétées de pratiquer, malgré des problèmes de drogue et d’alcool avérés ». Selon le Post, les dossiers montrent que ces médecins « sont restés en activité avec l’autorisation des commissions médicales d’État et des hôpitaux, même si nombre d’entre eux avaient rechuté plusieurs fois et représentaient un danger pour les patients » [4].

12En outre, du fait des faiblesses du système national à rendre compte des mesures disciplinaires d’État, même les quelques médecins dont l’autorisation de pratiquer est annulée par les commissions médicales peuvent souvent obtenir une autorisation dans d’autres États et avoir ainsi l’occasion de commettre à nouveau des fautes professionnelles médicales. Pour traiter ce problème, le Congrès a créé un système de notification national, appelé National Practitioner Data Bank (NPDB), « pour permettre aux commissions d’octroi de l’autorisation d’exercer et aux employeurs de vérifier les dossiers des médecins avant de les engager et pour éviter que les médecins à problèmes passent d’un État à l’autre »4. Cependant, la NPDB est incomplète parce que de nombreux médecins ayant fait l’objet d’une mesure disciplinaire ne sont jamais entrés dans la base de données ou sont entrés si tardivement qu’ils peuvent déménager et commencer à pratiquer ailleurs avant d’être détectés.

13En bref, les arguments limités disponibles sur la performance des commissions médicales d’État concordent avec le dicton selon lequel il n’est pas sage de faire confiance à un renard pour garder le poulailler. De façon compréhensible, les médecins regardent la justice civile avec inquiétude. S’étant consacrés à une vie d’étude et de pratique au service de la santé publique, ils perçoivent facilement la justice civile comme une tentative ingrate et désinformée de la société d’anticiper leur travail. Pourtant, la majorité des litiges pour faute professionnelle médicale sont le résultat inévitable de l’échec de leurs propres associations professionnelles à s’autoréguler. Il est peu probable que la profession médicale, laissée à ses propres moyens, contrôle les activités de ses propres membres avec l’enthousiasme adéquat et qu’elle impose des sanctions strictes à ceux qui ont enfreint les normes professionnelles.

14Le choix pour les médecins n’est donc pas entre la législation sur les fautes professionnelles médicales et l’autorégulation, mais entre la législation sur les fautes professionnelles médicales et une certaine forme de surveillance gouvernementale plus directe et importune. Comprise de ce point de vue avantageux, la loi sur la responsabilité civile semblerait être un moyen intéressant de garantir la sécurité des patients, même pour les groupes d’intérêt qui cherchent actuellement sa « réforme ».

15En outre, en joignant leurs forces à celles des compagnies d’assurance et des autres géants de l’industrie de la santé, les associations de médecins laissent échapper une opportunité politique très réelle de se joindre aux consommateurs, aux contribuables et aux citoyens dans une tentative de résister aux transformations commerciales en cours qui limitent bien plus l’exercice quotidien du jugement médical des praticiens que la menace éloignée de poursuites. Ironie de l’histoire, au moment où les assureurs, les organisations de soins intégrés et les autres acteurs institutionnels exercent un plus grand contrôle sur les décisions des médecins, ils obtiennent également une plus grande protection par les réglementations du gouvernement et la responsabilité civile de la common law.

16Si les fonctionnaires aux niveaux national et fédéral ne modifient pas sérieusement la façon dont ils surveillent le système de santé – une éventualité peu probable dans la mesure où les associations de médecins apportent un soutien politique et constituent un front public attirant pour les forces avantagées par le statu quo –, la justice civile restera le principal moyen de réglementation pour indemniser les victimes de fautes professionnelles et empêcher les futures erreurs médicales. Par conséquent, à cause en grande partie des décisions politiques de leurs propres associations professionnelles, les médecins seront pris dans un corset de plus en plus inconfortable, car il restent les cibles principales de la justice civile, même si leur capacité à influer sur l’issue pour le patient est régulièrement érodée par des modifications structurelles dans la gestion et la dispensation des soins.

Une crise des assurances bien réelle

17En plus d’une épidémie de fautes professionnelles médicales, le pays souffre d’épisodes récurrents au cours desquels les compagnies d’assurance augmentent de façon spectaculaire le coût des polices couvrant les fautes professionnelles. Cette augmentation a eu lieu de la fin des années 1990 jusqu’à l’année 2002 environ, lorsque les compagnies d’assurance ont réclamé des primes de plus en plus élevées à de nombreux assurés souhaitant une couverture responsabilité civile médicale. Au Texas par exemple, un des États au sujet duquel l’American Medical Association (AMA) a déclaré récemment qu’il connaissait une « crise de la responsabilité médicale », les primes des assurances responsabilité professionnelle ont augmenté de 135% de 1999 à 2002. Ces augmentations énormes entraînent des difficultés financières très importantes pour les médecins, qui doivent généralement souscrire leur propre assurance responsabilité professionnelle, même lorsqu’ils pratiquent à l’hôpital ou dans le cadre d’une organisation de soins intégrés et qu’ils ont tendance à ne récolter qu’une faible partie des profits générés par le système de santé.

18Les partisans de la restriction d’accès à la justice civile pour les victimes d’un préjudice médical mettent en avant le fait que ces épisodes de volatilité des assurances pour faute professionnelle sont la preuve que leurs propositions politiques sont nécessaires. Ils sont toutefois enclins à ignorer certaines réalités gênantes. Par exemple, lorsque l’assemblée législative du Texas (à la demande pressante du gouverneur de l’époque, George W. Bush) a promulgué en 1995 une loi limitant le montant des dommages et intérêts « pour l’exemple » que les jurys pouvaient évaluer pour un comportement particulièrement anormal du défendeur, les primes d’assurance ont continué à augmenter malgré les modifications législatives. Plutôt que d’admettre la possibilité que la justice civile n’était pas responsable de l’augmentation du coût des assurances responsabilité professionnelle, les lobbyistes agissant pour les compagnies d’assurance et les professionnels de santé ont même demandé d’autres réductions des montants que les victimes de fautes professionnelles médicales pouvaient toucher à titre de dommages et intérêts compensatoires non financiers.

19La crise récente des assurances responsabilité professionnelle n’est pas la première : des crises similaires ont eu lieu au milieu des années 1970, puis à nouveau au milieu des années 1980. Comme la crise actuelle, ces deux épisodes précédents sont survenus après une période de relative stabilité dans les litiges pour faute professionnelle médicale et paiements d’indemnisations. Les compagnies d’assurance, l’establishment médical et différents « groupes de réflexion » ont saisi l’occasion pour lancer un appel urgent pour limiter les droits des victimes dans le cadre de la justice civile.

20Pour essayer de régler la première crise des assurances médicales, la Californie a promulgué en 1975 le Medical Injury Compensation Reform Act (MICRA), qui sert de modèle pour la législation fédérale que le Président Bush incite actuellement le Congrès à adopter. Dans un discours important au cours duquel il a recommandé une limitation fédérale à deux cent cinquante mille dollars des dommages et intérêts non financiers, il a indiqué que le MICRA prévoyait une limitation comparable et fait remarquer que « depuis 1975, les primes d’assurance pour les médecins de Californie sont devenues beaucoup plus abordables que nulle part ailleurs dans le pays – que dans la plupart des États ». Le Président n’a pas mentionné que les primes ont continué à augmenter en Californie longtemps après la promulgation du MICRA. De fait, le montant des primes ne s’est pas stabilisé avant 1988, lorsque les Californiens ont voté en faveur de la « réforme la plus stricte des tarifs et pratiques du secteur des assurances de la nation ». Maintenant, contrairement aux régulateurs nationaux des assurances qui manquaient traditionnellement du pouvoir ou des ressources nécessaires pour surveiller efficacement les pratiques commerciales des assureurs en responsabilité professionnelle, les régulateurs de Californie bénéficient de réformes qui leur ont permis d’apporter une stabilité indispensable aux pratiques de tarification des primes.

21L’inefficacité des mesures restreignant la responsabilité civile à stopper l’augmentation des primes n’est pas surprenante. Les compagnies d’assurance ne basent pas les montants des primes uniquement – ni même essentiellement – sur les montants des indemnités versées. Du fait du décalage inévitable entre la réception des primes par les compagnies d’assurance et leur obligation de régler les demandes d’indemnisation, les compagnies investissent les primes payées en obligations et autres instruments financiers. Contrairement à l’opinion populaire, c’est le retour de ces investissements, plutôt que la réception des primes présentes ou passées, qui génère la majorité des profits des compagnies d’assurance.

22Par conséquent, même si les montants payés pour indemniser des fautes professionnelles médicales restent stables, les compagnies peuvent subir des pertes importantes si leurs pratiques de tarification antérieures ont été fondées sur des projections indûment optimistes des futurs retours sur investissement ou des futures obligations de paiement. Les pertes peuvent être particulièrement sévères si, pendant ces périodes d’optimisme excessif, une compagnie offre des tarifs artificiellement bas pour essayer d’élargir sa part de marché. Et naturellement, la présence sur le marché de concurrents soumis aux mêmes incitations financières et comportementales peut amplifier significativement la pression pour s’engager dans des pratiques de tarification qui manquent de vision. Enfin, ce comportement du secteur crée un profil d’expansion-récession – appelé « cycle de souscription » – auquel les compagnies ne peuvent pas échapper.

23Ce schéma a été observé avant chaque « crise » des primes d’assurance au cours des deux dernières décennies. Par conséquent, même si des législations qui limitent sévèrement les montants que les victimes d’erreurs médicales peuvent toucher de la part des professionnels de santé négligents peuvent en fait diminuer le montant des indemnités versées par les compagnies d’assurance, ces indemnités sont le type même de paiements que les compagnies d’assurance sont supposées verser en tant qu’assureurs. De plus, cette législation ne prend pas en compte la dynamique commerciale sous-jacente qui entraîne le « cycle de souscription » problématique.

24Pour être sûr, un secteur de la santé fonctionnant avec succès nécessite un secteur des assurances médicales en bonne santé. Mais les droits et responsabilités créés par la justice civile répondent à bien plus qu’un simple souhait social que les compagnies d’assurance restent créditrices. Les principaux objectifs de la justice civile sont d’indemniser les victimes, d’inciter les professionnels de santé à respecter des normes de soins minimales et de donner à la société un moyen de condamner les comportements fautifs graves. Au lieu de traiter les symptômes d’une maladie du secteur des assurances avec un autre cycle d’excisions et d’amputations de la justice civile – cette fois par une intrusion brute du gouvernement fédéral dans les domaines de l’administration d’État traditionnelle –, le Congrès devrait s’abstenir et permettre aux États d’envisager des réformes comparables aux réglementations du marché de l’assurance couronnées de succès en Californie.

Le mythe d’une crise de la judiciarisation

25Un large éventail de politiciens, professionnels de santé, organisations professionnelles, groupes de réflexion conservateurs et organisations « astroturf » [5] financées par l’industrie se sont donné beaucoup de mal pour convaincre le public que les plaintes pour faute professionnelle médicale infondées avaient chargé la justice civile jusqu’au point de rupture. Ces groupes étayent leur procès contre les supposés « abus de poursuites judiciaires » non en citant des études rigoureuses, mais par la répétition constante d’anecdotes isolées et en situant adroitement le débat par des termes vagues mais évocateurs comme « inondation », « prolifération » et « explosion ». Ces groupes n’effectuent pas d’analyses factuelles des données existantes sur la façon dont les plaideurs utilisent en fait la justice civile. Malgré leur grossièreté, ces machinations perceptuelles ont été couronnées de succès, même auprès de publics subtils et engagés : « Lorsqu’on leur demandait de citer les deux problèmes les plus importants aujourd’hui dans le domaine de la santé et de la médecine, près d’un tiers des médecins américains ont mentionné les poursuites pour faute professionnelle et les assurances, alors que 5% seulement ont cité les erreurs médicales, les préjudices ou les sujets associés » [6].

La prétendue crise de la judiciarisation

26Les données disponibles sur le fonctionnement de la justice civile n’étayent pas l’argument selon lequel les États-Unis connaissent actuellement une crise de la judiciarisation. Premièrement, la grande majorité des plaintes civiles ne sont pas des plaintes pour faute professionnelle. Selon l’analyse la plus récente du Bureau des statistiques du ministère de la justice, les actions en responsabilité professionnelle n’ont représenté que 10% des plaintes civiles en 1993 et elles sont restées stables depuis 1986. Deuxièmement, les types d’actions en responsabilité professionnelle qui sont visées par ceux qui préconisent une restriction de la justice civile (à savoir les fautes professionnelles médicales et les actions en responsabilité du fait d’un produit) ne représentent qu’un très faible pourcentage du nombre total d’actions en responsabilité civile intentées dans le pays. La très grande majorité des procès en responsabilité civile concerne plutôt les accidents de la circulation (60,1%), tandis que la deuxième catégorie de plaintes en responsabilité civile concerne les assurances de locaux (17,3%). Seules 4,9% des plaintes allèguent une faute professionnelle médicale.

27Troisièmement, s’il y a une « explosion » des procès civils, ce n’est pas dans les poursuites pour faute professionnelle, mais dans les actions pour infraction aux lois sur les brevets, rupture de contrat et délits commerciaux. Le National Center for State Courts a observé que, de 1998 à 2002, le nombre de procès en responsabilité civile a été « rattrapé » par le nombre en progression « régulière » de cas relatifs au droit des contrats, qui sont plus susceptibles d’impliquer des professionnels poursuivant d’autres professionnels et qui, sans surprise, ne font généralement pas partie de la justice civile ciblée par la « réforme ». Enfin, les observations empiriques semblent indiquer que le nombre de plaintes en responsabilité civile diminue en fait depuis le début des années 1990. Le National Center for State Courts a observé que le nombre d’actions en responsabilité civile intentées dans trente-cinq États représentant 77% de la population des États-Unis avait diminué de 4% pendant la période de 1993 à 2002. Après ajustement à la population, la diminution des actions en responsabilité civile sur la même période est même plus importante : pour les trente et un États transmettant des données ajustées au Centre, la modification moyenne du nombre d’actions en responsabilité civile pour 100 000 personnes a diminué d’environ 13,6%.

28Si l’on ne considère que les procès pour faute professionnelle, la base empirique des allégations d’une crise de la judiciarisation semble toujours faible. Au niveau national, le nombre ajusté à la population des actions pour fautes professionnelles médicales intentées dans les États qui alimentent le National Center for State Courts a diminué en fait de 1% de 1992 à 2001. Une étude plus détaillée des actions intentées pour faute professionnelle médicale au Texas, réalisée par les professeurs Black, Silver, Hyman et Sage, affaiblit fortement l’assertion que la justice civile est à l’origine de la crise récente des assurances couvrant les fautes professionnelles médicales [7]. L’étude a examiné une base de données de toutes les plaintes réglées mise à jour par le Texas Department of Insurance entre 1988 et 2002. Après ajustement à la population, le nombre de sinistres ayant fait l’objet d’un règlement de plus de 25 000 $ est resté relativement constant et le nombre d’indemnisations plus faibles a en fait diminué. De plus, le montant versé par sinistre important n’a augmenté que de 0,1 à 0,5% par an après correction de l’inflation. N’ayant observé « aucune preuve de l’évolution des actions en justice dans la crise des assurances couvrant les fautes professionnelles médicales qui a fait les gros titres depuis plusieurs années et qui a conduit à la réforme légale au Texas et dans d’autres États », les auteurs ont conclu que « en grande partie, l’augmentation des primes traduit la dynamique du marché des assurances et non la dynamique des litiges ».

29Cet exemple n’est pas valable qu’au Texas. L’assemblée législative de Floride a réduit sévèrement en 1986 les droits à réparation des victimes de fautes professionnelles médicales pour lutter contre une prétendue crise des assurances induite par le système de responsabilité civile. Malgré cette législation, les compagnies d’assurance ont augmenté les primes d’assurance responsabilité civile professionnelle de « 30% à 50% en moyenne depuis 2000 » [8]. De fait, même après avoir convaincu les législateurs de Floride de limiter encore plus les droits des victimes de fautes professionnelles médicales en 2003, les compagnies d’assurance ont réussi à obtenir l’autorisation de l’administration de tutelle d’État d’appliquer des augmentations de tarif allant jusqu’à 45%. L’explication de ces développements ne doit pas être recherchée dans une explosion des procès pour faute professionnelle médicale : une étude des actions intentées en Floride, comparable à l’étude texane, a montré que le système de responsabilité civile médicale en Floride était resté pratiquement stable pendant la période de quatorze ans entre 1990 et 2003.

30Les chercheurs de Floride ont observé en particulier que les compagnies d’assurance de l’État ont réglé à peu près le même nombre moyen par tête de sinistres dus à des fautes professionnelles médicales de 1999 à 2003 que de 1990 à 1994. Même si le nombre de sinistres sur la période a été relativement stable, ils ont observé en fait une tendance à la hausse des dommages et intérêts moyens et médians, et l’ont attribuée en grande partie à une modification de la composition des cas rapportés, avec plus de préjudices graves et de décès, ainsi qu’éventuellement à des augmentations des coûts de santé supérieures à l’inflation.

31Observation particulièrement révélatrice, près de 93% des indemnisations accordées d’un montant d’un million de dollars ou plus étaient le fait de règlements privés plutôt que de verdicts prononcés par des jurys. À certains égards, ce pourcentage n’est pas surprenant, étant donné que la très grande majorité des actions civiles font plus généralement l’objet d’un règlement que d’un procès. En revanche, l’image sous-jacente de cohérence et de prédictibilité des pratiques d’un jury insinuées par l’observation diffère totalement du tableau des « jurys emballés » qui alimente une grande partie du mouvement pour la « réforme » de la législation sur la responsabilité civile et les fautes professionnelles médicales. Contrairement à la conception « loterie de la responsabilité civile » chaotique et extrémiste des décisions des jurys, ces pratiques de règlement semblent plutôt indiquer que les avocats de la défense et d’autres acteurs subtils sont relativement capables d’estimer l’issue d’un procès. Les chercheurs de Floride ont donc indiqué qu’au minimum, leurs observations permettent de penser que « le débat sur le rôle des jurys dans ce que l’on appelle les “méga indemnités” n’a pas lieu d’être en ce qui concerne la Floride » [9].

32Une étude récente des litiges pour faute professionnelle médicale dans l’Illinois affaiblit à son tour l’argument d’une justice civile à l’origine de verdicts prononcés par des jurys « hors de contrôle ». Les conclusions de l’étude sont particulièrement révélatrices parce que deux des comtés d’Illinois analysés – les comtés de Madison et de Saint Clair – ont été désignés de façon spectaculaire en 2004 comme les « enfers judiciaires » numéros un et deux du pays par l’American Tort Reform Association (ATRA), une organisation professionnelle créée spécialement pour défendre les restrictions législatives dans le système de responsabilité civile. L’ATRA a inventé le terme « enfer judiciaire » pour désigner les régions du pays où les prétendus partis pris des juges et des jurys en faveur des plaignants des procès en responsabilité civile entraînent des verdicts injustifiables et le versement de dommages et intérêts exorbitants. Cependant, l’étude d’Illinois montre que les plaignants n’ont eu gain de cause que dans onze des quarante procès impliquant des demandes d’indemnisation pour faute professionnelle médicale dans les comtés de Madison et de Saint Clair sur la période de quatorze ans allant de 1992 à 2005. Parmi ces cas, seuls deux règlements versés ont excédé un million de dollars. Comme a conclu l’auteur de l’étude, le professeur Neil Vidmar de la Duke University Law School, « il n’y a pas de preuve étayant la perception que dans ces comtés, les procès devant jury pour faute professionnelle médicale sont fréquents ou que les verdicts des jurys en faveur des demandeurs sont scandaleux » [10]. Il a noté également que « dans la mesure où cela concerne les litiges pour fautes professionnelles médicales, la réputation d’“enfer judiciaire” des comtés de Madison et de Saint Clair n’est pas justifiée ».

33Enfin, l’étude récente de Baker à l’échelon national sur les montants versés par les compagnies d’assurance pour des sinistres dus à des fautes professionnelles médicales jette encore plus le doute sur l’assertion qu’un système de responsabilité civile professionnelle « hors de contrôle » nécessite des hausses des primes [11]. En fait, selon les données du Department of Health and Human Services, les règlements des sinistres dus à des fautes professionnelles médicales ont diminué de 8,9% l’année dernière. En faisant allusion à la confluence de ses observations avec celles des études du Texas et de la Floride, Baker a observé que « si on obtient la même réponse en utilisant des méthodes de recherche complètement différentes, on peut être vraiment sûr d’avoir raison ». Il a donc indiqué que « si on veut protéger les médecins de la prochaine crise des assurances pour faute professionnelle médicale, ce n’est pas la réforme de la responsabilité civile qui le fera ».

Contraintes actuelles de l’abus de poursuites judiciaires

34Ceux qui proposent des restrictions supplémentaires des droits des victimes de fautes professionnelles médicales prétendent que des avocats cupides intentent trop de procès « futiles » contre des professionnels de santé innocents. Bien qu’il existe sans aucun doute des exemples isolés dramatiques, l’argument est peu fondé. Une étude de cent procès dans lesquels des juges fédéraux dans tout le pays ont imposé des sanctions en vertu de la règle 11 des Règles fédérales de procédure civile a révélé que la probabilité d’être sanctionné pour avoir intenté un procès « futile » était supérieure de 69% pour les entreprises par rapport aux particuliers ayant porté plainte en responsabilité civile. Ce résultat n’est pas surprenant puisque le système d’honoraires au pourcentage constitue un contrôle implicite des procès « futiles » par les avocats qui représentent des particuliers. Alors que les avocats d’affaires sont généralement rémunérés à l’heure quel que soit le résultat, les avocats qui travaillent sur une base d’honoraires au pourcentage ne sont rémunérés que si leur client gagne le procès. De plus, contrairement aux avocats d’entreprises, les avocats plaidants doivent payer les coûts de préparation et de jugement des cas – souvent des centaines de milliers de dollars pour les procès pour faute professionnelle médicale – et ils ne sont remboursés que si le procès est gagné. Comme l’a observé succinctement un avocat plaidant spécialisé dans les fautes professionnelles médicales : « Nous faisons tout ce que nous pouvons pour éliminer les cas sans valeur. Nous devons le faire. C’est notre propre argent qui est à risques. »

35Alors qu’il y a actuellement peu de preuves empiriques que des avocats de demandeurs trop agressifs intentent des procès « futiles », les tribunaux sont bien équipés pour décourager et punir ces abus s’ils deviennent un problème important dans l’avenir. La règle 11 des Règles fédérales de procédure civile et ses analogues au niveau des États donnent aux juges le pouvoir d’imposer différentes sanctions – incluant réprimandes, pénalités, déboutés et injonctions – pour punir les litiges abusifs, empêcher les conduites fautives dans l’avenir et indemniser les parties qui encourent des frais inutiles. En outre, comme l’a reconnu la Cour suprême des États-Unis, les tribunaux peuvent utiliser différentes sanctions pour traiter « tout un éventail d’abus de poursuites en justice » en vertu de leur pouvoir judiciaire inhérent, qui précède et continue à coexister avec la règle 11. Par conséquent, « si à l’appréciation éclairée de la Cour », les règles existantes « [ne] sont pas à la hauteur, la Cour peut s’appuyer en toute sécurité sur son pouvoir inhérent » pour imposer des sanctions pour un comportement de mauvaise foi dans le procès. Fait important, contrairement aux législateurs fédéraux éloignés qui produisent des instruments brutaux tels que les restrictions sur les honoraires au pourcentage, les juges peuvent s’assurer qu’ils n’utilisent ces dispositifs au cas par cas que lorsque c’est nécessaire et seulement de façon personnalisée.

Médecine « défensive » et « fuite » des médecins

36L’absence d’arguments étayant la crise de la judiciarisation jette un sérieux doute sur les affirmations que les médecins pratiquent la médecine défensive ou quittent la profession médicale par peur d’être poursuivis en justice. Ces deux affirmations sous-tendent l’impression plus générale que la justice civile rend les soins plus coûteux et moins accessibles aux citoyens ordinaires, parce que les primes des assurances responsabilité professionnelle seules n’ont qu’un effet nominal sur les dépenses de santé globales. Comme l’a noté le Congressional Budget Office (CBO) dans un rapport récent analysant la législation fédérale proposée sur les fautes professionnelles médicales, « même de grandes économies sur les primes peuvent n’avoir qu’un petit impact direct sur les dépenses de santé – privées ou publiques – car le coût des fautes professionnelles médicales ne représente que 2% de ces dépenses ». Par conséquent, sauf si ceux qui proposent des modifications de la responsabilité civile ont des arguments solides pour étayer les conclusions que la menace de la responsabilité pour faute professionnelle médicale conduit les médecins à utiliser des examens médicaux inutiles ou à s’arrêter d’exercer, l’effort pour lier la crise du système de santé à une prétendue crise de la judiciarisation n’est pas du tout plausible.

37Ceux qui prétendent que la médecine défensive est responsable de l’augmentation des coûts de santé s’appuient souvent sur une étude de 1996 publiée dans le Quarterly Journal of Economics dans laquelle deux économistes ont comparé les coûts des soins de patients Medicare âgés hospitalisés pour deux types de cardiopathies dans des États avec et sans certaines limitations de la responsabilité civile imposées par voie législative [12]. Les chercheurs ont conclu que les limitations de la responsabilité civile entraînaient des économies de 5 à 9% des coûts hospitaliers, et ils ont ensuite spéculé que ce chiffre « pourrait entraîner des réductions des dépenses de plus de 50 milliards de dollars par an sans conséquences délétères graves pour la santé » si les résultats « sont généralisables aux dépenses médicales en dehors de l’hôpital, aux autres maladies et aux patients plus jeunes ». Il semble que l’administration Bush se soit appuyée uniquement sur cette étude de 1996 et sur son extrapolation hautement spéculative pour estimer les coûts nationaux totaux de la médecine « défensive ». Cependant, le Government Accountability Office (GAO) américain a indiqué dans un rapport de 2003 qu’il y avait peu de fondement empirique ou analytique pour généraliser les conclusions limitées de l’étude à tous les patients dans tout le pays comme les chercheurs et l’administration Bush l’avaient fait.

38Des études ultérieures d’une portée plus large réfutent l’argument selon lequel la peur des poursuites en responsabilité civile entraîne des dépenses médicales inutiles. Lorsque le CBO a utilisé les mêmes méthodes que l’étude de 1996, développées pour « un ensemble plus large de pathologies », l’agence n’a observé « aucune preuve que les limitations de la responsabilité civile réduisaient les dépenses médicales ». Le CBO a confirmé ce résultat dans une autre étude utilisant « un ensemble de données différent », en concluant qu’il n’y avait « pas de différence statistiquement significative dans les dépenses de santé par tête entre les États avec et sans limitations sur la responsabilité civile pour faute professionnelle médicale ». En observant que l’étude de 1996 reposait sur « des arguments indirects venant de la réforme de la responsabilité civile, plutôt que sur des arguments directs sur les coûts eux-mêmes des fautes professionnelles médicales », deux universitaires du National Bureau of Economic Research (NBER) ont étudié la question de la médecine défensive avec précision en observant les profils de traitement des médecins à la lumière des tarifs réels des assurances responsabilité médicale des États plutôt qu’à celle des restrictions de la responsabilité civile des États. Avec cette méthodologie améliorée et un faisceau d’informations plus large que ceux utilisés dans l’étude de 1996, les universitaires du NBER ont observé « peu de preuves d’une modification des profils de traitement en réponse aux augmentations des primes » [13].

39Dans la rhétorique de ceux qui proposent des restrictions de la responsabilité pour faute professionnelle médicale, le terme « médecine défensive » signifie des traitements qui n’améliorent pas la qualité des soins. Cependant, lorsqu’on évalue ces études, il est important de garder à l’esprit que même si un changement dans l’utilisation d’une procédure médicale par un médecin en réponse aux modifications de la menace des fautes professionnelles médicales a été observé, il serait quand même extrêmement difficile de déterminer si ce changement constitue de la médecine défensive. Après tout, l’utilité sociale des modifications thérapeutiques en réponse aux coûts des fautes professionnelles médicales est liée au fait de savoir si les pratiques protégeaient suffisamment le bien-être des patients avant l’influence des incitations liées à la responsabilité civile. Par conséquent, le fait que les universitaires du NBER aient observé une corrélation entre les augmentations des coûts des fautes professionnelles médicales et l’augmentation des mammographies chez les patients Medicare ne permet pas de penser que l’examen en lui-même n’était pas justifié. Il pourrait plutôt représenter précisément le type d’effort destiné à améliorer les soins et à diminuer les coûts globaux d’accidents que la législation sur la responsabilité civile doit encourager.

40Bien entendu, il existe des préoccupations légitimes sur les coûts cumulés des innombrables tests de dépistage, dont chacun peut sembler individuellement souhaitable et nécessaire du point de vue de la législation sur les fautes professionnelles médicales. Mais ces préoccupations sont mieux prises en compte dans le cadre d’un débat politique plus large sur la façon de concevoir un système de santé équitable et durable qui serve les besoins de tous les Américains, riches ou pauvres, jeunes ou âgés, en bonne santé ou malades. Ce débat élargi devrait débuter, non en faisant une fixation sur le problème de la responsabilité pour faute professionnelle médicale, qui représente au plus 2% des dépenses de santé annuelles du pays, mais en reconnaissant les grandes disparités existant dans les couvertures d’assurance, les options thérapeutiques et la qualité des soins qui caractérisent le système de santé américain. Fait particulièrement notable, environ un Américain sur six, dont 11,4% des enfants américains, n’a pas actuellement d’assurance santé de quelque type que ce soit.

41Comme la médecine défensive, la « fuite » des médecins est plus fondée sur la rhétorique que sur la réalité. D’un point de vue empirique, il n’y a tout simplement pas eu d’exode massif de médecins quittant la profession médicale. En fait, comme l’a rapporté récemment le GAO, non seulement le nombre de médecins a augmenté pendant la dernière décennie, mais cette augmentation a dépassé celle de la population des États-Unis. Selon le GAO, « le nombre de médecins aux États-Unis au augmenté d’environ 26% de 1991 à 2001, soit [environ] deux fois plus que la population du pays ». Par conséquent, le nombre de médecins rapporté à la population (pour 100 000 personnes) a augmenté de 12% entre 1991 et 2001. En outre, de 1996 à 2001, période au cours de laquelle est survenue la montée en flèche la plus récente des primes pour fautes professionnelles médicales, l’augmentation rapportée à la population du nombre de médecins a été supérieure de 2% à l’augmentation du nombre de médecins ajusté à la population entre 1991 et 1996, période pendant laquelle les compagnies d’assurance proposaient des primes excessivement basses parce qu’elles rivalisaient pour élargir leurs parts de marché.

42Il est difficile de concilier une augmentation de la population de médecins plus rapide que celle de la population américaine totale avec les allégations de fuite des médecins et de problèmes d’accès aux soins qui en résultent. Lorsque le GAO a essayé de confirmer ces allégations en menant des investigations dans cinq États que l’AMA avait considérés comme des États « en crise », l’agence a observé que « la plupart des mesures rapportées prises par les professionnels de santé en réponse aux pressions sur la responsabilité médicale [pourraient] ne pas [être] corroborées par des preuves ou n’ont pas affecté dans une large mesure l’accès aux soins ». Le GAO a noté en particulier que, même s’il y avait une « large couverture médiatique » des rapports des organisations de professionnels de santé indiquant que « certains médecins dans chacun des cinq États déménagent, prennent leur retraite ou ferment leur cabinet en réponse aux pressions sur la responsabilité médicale », ces rapports étaient « inexacts ou concernaient un nombre relativement faible de médecins » et par conséquent que « ce phénomène n’affectait pas dans une large mesure l’accès aux soins ». De fait, les seuls problèmes d’accès aux soins que le GAO a pu « confirmer […] étaient limités à des situations géographiques dispersées, souvent rurales, et dans la plupart des cas les professionnels de santé identifiaient, en plus des pressions sur la responsabilité médicale, des facteurs de longue date qui affectaient la disponibilité des services ».

43Certaines anecdotes de « fuite » des médecins observées comme inexactes par le GAO concernaient des obstétriciens. Les défenseurs d’un accès réduit à la justice civile citent souvent ces anecdotes, sans doute parce qu’elles étayent fortement les inquiétudes compréhensibles du grand public concernant la disponibilité de soins de haute qualité pour les femmes enceintes. En dépit du fait que les gynécologues-obstétriciens sont souvent confrontés à des augmentations des primes particulièrement élevées, rien ne prouve que les fortes augmentations aient entraîné des problèmes étendus d’accès aux soins à cause de la fuite des praticiens. Une étude récente, par exemple, n’a pas étayé les allégations d’exode des gynécologues-obstétriciens et d’autres médecins de l’Illinois en général ou des deux comtés de Madison et Saint Clair désignés par l’ATRA comme des « enfers judiciaires ». L’étude a plutôt indiqué, selon les propres statistiques de l’AMA, que le nombre de gynécologues-obstétriciens, de neurochirurgiens et d’autres médecins dans l’Illinois avait « régulièrement augmenté » en nombres absolu et rapporté à la population entre 1993 et 2003.

44Les universitaires du NBER ont également examiné l’argument selon lequel le système de responsabilité médicale a entraîné une diminution de l’offre de médecins. Leur conclusion que « en moyenne, la taille des effectifs de médecins dans chaque État ne semble pas répondre aux augmentations des primes » renforce les conclusions du GAO et d’autres chercheurs. L’étude du NBER a mis en évidence « des arguments faibles que certains médecins à la marge de leur carrière prennent des décisions d’installation et de départ fondées en partie sur le montant et le nombre des indemnisations pour faute professionnelle médicale » et que les augmentations des coûts des fautes professionnelles médicales « pourraient [diminuer] la taille des effectifs de médecins ruraux ». Néanmoins, même si certains médecins ruraux arrêtent de travailler ou s’installent ailleurs pour des questions d’assurance responsabilité civile, le nombre de médecins continue à augmenter dans les zones rurales et urbaines. De fait, le nombre de médecins ruraux a augmenté plus rapidement que celui des médecins urbains. En se fondant sur cette observation, le CBO a conclu que les cas de médecine défensive et de « fuite » des médecins en tant que problèmes sociaux significatifs sont actuellement « faibles et peu concluants ».

L’actuelle campagne de relations publiques

45Au lieu de se fonder sur une réalité, la « crise de la judiciarisation », très médiatisée, est le résultat d’une campagne de relations publiques soigneusement orchestrée organisée par des associations professionnelles et d’autres entités ayant intérêt à la réduction de l’accès à la justice civile. Après avoir échoué à modifier les attitudes du public avec une première campagne de publicité directe dénigrant l’irrationalité prétendue de la justice civile dans les années 1950, ces entités ont modifié leurs stratégies pour essayer de faire passer des messages comparables par l’intermédiaire de sources apparemment indépendantes. À partir du milieu des années 1980 notamment, ceux qui proposaient des restrictions de la responsabilité civile ont commencé à financer la création de matériels destinés aux journalistes par des groupes de réflexion nominalement indépendants, en transformant ainsi le message de la précédente campagne de publicité ratée en « actualités ».

46Le principal groupe de réflexion utilisé à ce titre pendant les vingt années écoulées a été le Manhattan Institute for Policy Research, qui a lancé en 1986 son projet de réforme de la justice civile avec le soutien du secteur des assurances. Comme l’expliquait William Hammett, président du Manhattan Institute dans un mémorandum de 1992 décrivant la mission du projet : « Les journalistes ont besoin de copie et c’est un fait établi qu’avec le temps, ils “pencheront” dans le sens du courant. Pour cette raison, il est impératif de générer un flux régulier d’études, d’analyses et de commentaires compréhensibles étayant la nécessité d’une réforme de la responsabilité civile. Si à un moment de la présente décennie, il apparaît un consensus en faveur d’une réforme judiciaire sérieuse, ce sera parce que des millions d’esprits auront changé et une seule institution a le pouvoir suffisant pour amener ce résultat : la force combinée des médias imprimés et radiotélévisés, l’instrument le plus puissant qui existe pour l’éducation – ou la désinformation – du public. » [14]

47La répétition constante d’anecdotes trompeuses ou même totalement fausses concernant des procès ridicules intentés par des plaignants et des avocats opportunistes favorise également la perception par le public d’une « crise de la judiciarisation ». Par exemple, une anecdote fréquemment répétée décrit de façon fallacieuse le procès pour faute professionnelle médicale intenté par Judith Richardson Haimes pour des préjudices qu’elle prétendait avoir subis du fait d’une réaction allergique sévère au produit de contraste radioactif administré en préparation d’une tomodensitométrie (TDM). Dans les documents du groupe de réflexion, les articles de journaux et les discours politiques, le cas est décrit comme le procès dans lequel un jury a accordé à Mme Haimes près d’un million de dollars en règlement de sa plainte alléguant qu’elle avait perdu ses pouvoirs psychiques à cause d’une TDM.

48En réalité, Mme Haimes a présenté au jury la preuve que le radiologue défendeur avait fait pression sur elle pour qu’elle accepte l’administration test d’une petite dose d’un produit de contraste contenant de l’iode, bien qu’elle l’ait averti qu’il lui avait été conseillé d’éviter ce type de produit de contraste en raison d’une réaction allergique antérieure. L’injection du produit de contraste aurait entraîné un choc anaphylactique avant le début de la TDM et Mme Haimes aurait ensuite souffert pendant plusieurs jours de nausées et vomissements sévères et de maux de tête invalidants. Elle a témoigné qu’elle continuait à souffrir de ces maux de tête sévères à chaque fois qu’elle était engagée dans une concentration mentale profonde, ce qui l’a obligée à s’arrêter de pratiquer en tant que médium professionnel. Mme Haimes a demandé une réparation pour la douleur et la souffrance immédiates qu’elle avait subies ainsi que pour sa perte de revenus. Mais le juge n’a pas autorisé le jury à prendre en compte la requête pour perte de revenus parce qu’elle n’a pas présenté de témoignage d’expert montrant que le produit de contraste était responsable de ses maux de tête permanents. Le juge a décrété ensuite que le montant attribué par le jury était excessif et ordonné un nouveau procès, qui a finalement fait l’objet d’un non-lieu après qu’un autre juge a déterminé que l’expert médical de Mme Haimes n’avait pas les qualifications adéquates.

49Des anecdotes comme la version médiatisée du cas Haimes, qui présentent des versions simplistes des faits et omettent sélectivement des informations essentielles, sont facilement réduites à des grands titres accrocheurs mais elles font peu de choses pour favoriser la compréhension et l’appréciation de la justice civile par le public. Le public ne peut tirer aucun bénéfice de ces histoires qui dépeignent invariablement les plaignants, les jurés et les avocats abusant de la justice civile plutôt que s’employant à combattre et à prévenir les actes fautifs. Le fait que la législation sur la responsabilité civile soit devenue un problème politique violemment partisan augmente seulement le risque que la rhétorique, les anecdotes et les obscurcissements empêchent une réelle compréhension des problèmes par le public. Les détails complets du cas Haimes présentent un tableau de la justice civile très différent de l’interprétation des militants contre la responsabilité civile : celui d’une plaignante ayant subi un préjudice grave, d’un effort sincère pour comprendre la cause de sa souffrance et d’un processus judiciaire bien équipé pour arrêter cette recherche de réponses et de comptabilité lorsqu’elle n’était plus justifiée.

Conclusion

50L’Amérique est réellement confrontée à une crise de la santé, à la fois sous la forme d’une montée en flèche des coûts médicaux et d’une diminution de la disponibilité des assurances médicales et sous la forme d’erreurs médicales largement répandues, souvent méconnues et non réparées. Le pays est également confronté à une crise des assurances pour faute professionnelle médicale, car les compagnies d’assurance et les groupes d’intérêt alliés ont réussi à détourner l’attention des législateurs et du public du type de réforme des assurances qui s’est révélé efficace pour décourager la dynamique commerciale qui a donné lieu au cycle de souscription qui, à son tour, entraîne des crises périodiques des primes d’assurance. Mais l’Amérique n’est pas confrontée à une crise de la judiciarisation des fautes professionnelles médicales.

51Dans un rapport prémonitoire de 1994, le Congressional Office of Technology Assessment avertissait que, « étant donné les nouvelles raisons d’en faire moins plutôt que plus » dans un système de santé de plus en plus contrôlé par les HMO à but lucratif et les compagnies d’assurance, les restrictions sur la responsabilité médicale « qui réduisent ou suppriment les raisons de pratiquer une médecine défensive pourraient réduire ou supprimer un garde-fou évitant de dispenser trop peu de soins au moment même où ces mécanismes sont les plus nécessaires ». Si la campagne politique actuelle pour restreindre les conditions de mise en jeu de la responsabilité médicale au niveau national est finalement couronnée de succès et si des contrôles réglementaires externes puissants ne sont pas mis en place pour remplacer les incitations perdues qui étaient fournies par la justice civile, les forces économiques qui entraînent l’industrie de la santé rencontreront peu de résistance à la pression constante de minimiser les coûts et de maximiser les profits. Les résultats sont prévisibles : les coûts sociaux des préjudices et de la souffrance dus aux négligences médicales – des coûts généralement invisibles dans les débats politiques mais tous trop réels dans nos vies – augmenteront.

52Un an après avoir publié son rapport de 1994, l’Office of Technology Assessment a été victime d’un mouvement pour une « réforme réglementaire » mené par un Congrès déterminé à mettre en œuvre son « contrat avec l’Amérique » autoproclamé. Pendant les dix années qui ont suivi, les mêmes forces qui avaient tué le messager ont efficacement étouffé le message sur les fautes professionnelles médicales et elles sont sur le point de supprimer la dernière protection efficace pour les victimes d’un système de santé de plus en plus dépersonnalisé. Le Congrès devrait comptabiliser attentivement les coûts sociaux avant de céder aux pressions de l’industrie de la santé visant à supprimer les modestes contraintes restantes que la justice civile impose au pouvoir de cette industrie pour influer sur les vies de ceux qui ont besoin de services médicaux.

Notes

  • [*]
    Cet article est fondé en partie sur un livre blanc rédigé par les auteurs pour le Center for Progressive Reform. Il a fait l’objet d’une première publication, sous le titre « Medical Malpractice Myths and Realities: Why an Insurance Crisis is not a Lawsuit Crisis », dans la Loyola of Los Angeles Law Review (39, 2, 785, 2006). Le lecteur français désireux d’approfondir pourra se référer à l’important appareil de notes de la version originale, dont nous avons choisi de ne traduire en français que les principales afin de faciliter la lecture.
  • [1]
    Baker T., The Medical Malpractice Myth, The University of Chicago Press, 2005.
  • [2]
    Pear R., « Bush Begins Drive to Limit Malpractice Suit Awards », New York Times, 6 janvier 2005.
  • [3]
    Baker T., The Medical Malpractice Myth, op.cit.
  • [4]
    Thompson C.W., « Medical Boards Let Physicians Practice Despite Drug Abuse », Washington Post, 10 avril 2005.
  • [5]
    Une organisation « astroturf » est une association financée par une entreprise ou un groupe d’intérêt qui représente un mouvement « populaire » de citoyens. Voir : Beder S., « Public Relations’ Role in Manufacturing Artificial Grass Roots Coalitions », Pub. Rel. Q., 21, 1998.
  • [6]
    Baker T., The Medical Malpractice Myth, op.cit.
  • [7]
    Black et al., « Stability, Not Crisis: Medical Malpractice Claim Outcomes in Texas, 1998-2002 », J. Empirical Legal Stud., 207, 2005.
  • [8]
    Horvath S., « Study Finds Tort Reform Not the Answer for Medical Malpractice Crisis », Palm Beach Post, 22 mars 2005.
  • [9]
    Vidmar N. et al., « Uncovering the “Invisible” Profile of Medical Malpractice Litigation: Insights from Florida », DePaul L. Rev., 315, 353, 2005.
  • [10]
    Vidmar N., « Medical Malpractice and the Tort System in Illinois: A Report to the Illinois State Bar Association », 2005 (wwww. isba. org/ downloadnow/ medicalmalpracticestudy.pdf).
  • [11]
    Baker T., « Medical Malpractice and the Insurance Underwriting Cycle », DePaul L. Rev., 393, 394, 2005.
  • [12]
    Kessler D., McClellan M., « Do Doctors Practice Defensive Medicine? », Q. J. Econ., 353, 372-378, 1996.
  • [13]
    Baicker K., Chandra A., The Effect of Malpractice Liability on the Delivery of Health Care, NBER, Working Paper No. 10, 709, 2004.
  • [14]
    Voir Mencimer S., « False Alarm: How the Media Helps the Insurance Industry and the GOP Promote the Myth of America’s “Lawsuit Crisis” », Wash. Monthly, octobre 2004.
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