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Article de revue

Potentiel de production de biogaz à partir de résidus agricoles ou de cultures dédiées en France

Pages 64 à 72

1Le potentiel biogaz en France à partir des surfaces agricoles est encore relativement peu documenté. La France présente un retard dans le développement de la méthanisation agricole par rapport à d’autres pays d’Europe, par exemple en Allemagne, où il existe environ 3 500 unités de méthanisation. De plus, la méthanisation est un processus important dans la notion de « développement durable » puisqu’elle peut valoriser des ressources organiques très diverses : déchets organiques, effluents chargés, boues d’épuration, produits, coproduits et déchets agricoles. En agriculture, les sources de matière organique possible sont les lisiers, les résidus agricoles et les cultures dédiées. Contrairement aux autres techniques de conversion énergétique de la biomasse, elle laisse les matériaux ligneux intacts. Le digestat restant se présente comme un humus. Le processus n’élimine pas les éléments nutritifs pouvant être recyclés dans la production agricole. Les potentiels azote et phosphate sont notamment conservés (Moletta, 2008). type de filière se développe pour différents usages possibles (chaleur, électricité, carburant, injection sur le réseau...). Les usages chaleur et carburant (pour moteurs stationnaires ou véhicules automobiles) comptent parmi ceux dont le rendement énergétique global est le meilleur. Les opportunités de développement de filières biogaz dépendent de deux aspects : l’étendue des ressources mobilisables, et la performance énergétique et environnementale de la filière. C’est pourquoi ces deux aspects sont abordés dans ce travail, qui présente une première évaluation du potentiel biogaz en France à partir des résidus de différentes cultures (blé, maïs, colza, tournesol) et à partir de cultures dédiées (luzerne, maïs ensilage) dans l’ensemble des départements sur le territoire métropolitain en 2006. L’étude des bilans environnementaux est très utile pour analyser et comparer les coûts et bénéfices environnementaux des différentes options de développement de ces filières. Elle est conduite ici, à titre d’exemple, sur un territoire particulier : celui du Groupement de recherche sur les cultures et techniques agricoles des sols forestiers d’Aquitaine (GRCETA.SFA). Le présent travail est ainsi conduit à différentes échelles : nationale, départementale, groupement d’exploitations.

Le potentiel de production de biogaz en agriculture : ressources mobilisables, méthode d’évaluation

2Cette étude est focalisée sur le potentiel des résidus et de cultures dédiées en France. Elle utilise les données de statistiques agricoles AGRESTE en 2006. Les données de production et de rendement agricole sont converties en matière sèche. Le potentiel biogaz est calculé à partir de données issues de la bibliographie, et de l’étude CLIP « eau et biocarburants 2030 » en collaboration avec l’Institut français du pétrole (IFP) et l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) (Lorne et Bonnet, 2009).

Les résidus agricoles

3Les quatre cultures considérées sont le blé, le maïs, le colza et le tournesol, bien que ce dernier soit réputé peu intéressant en termes de valorisation des pailles. Les chiffres retenus sont présentés dans le tableau 1. Il est à noter que ces valeurs peuvent différer selon les hypothèses retenues, en particulier pour l’ampleur de la collecte : la présente estimation constitue certainement une estimation basse du taux de valorisation des résidus disponibles (équation 1).

Tableau 1

Coefficients retenus pour l’évaluation (présent travail, et données de Lorne et Bonnet, 2009)

Tableau 1
Culture Matière sèche/ matière brute Indice de récolte Taux de résidus Collecte agro admissible Collecte e ective Rendement biogaz (tep/t MS) Blé 87 % 60 % 40 % 50 % 50 % 0,26 Maïs 85 % 52,5 % 47,5 % 80 % 80 % 0,3 Colza 87 % 30 % 70 % 80 % 80 % 0,3 Tournesol 85 % 40 % 60 % 80 % 80 % 0,3

Coefficients retenus pour l’évaluation (présent travail, et données de Lorne et Bonnet, 2009)

4Équation 1

5

equation im2

6L’indice de récolte IR décrit la proportion de la partie utile de la plante au total récolté. Les valeurs retenues sont celles de l’étude « 2030 ». Le taux de résidus est donné par (1-IR).

7La collecte admissible décrit la part maximale susceptible d’être exportée de la parcelle sans pénaliser les rendements agricoles. La valeur utilisée (dire d’expert) est ici une estimation haute. Elle pourrait être revue à la baisse, en particulier pour maintenir des teneurs en carbone organique dans les sols plus élevées.

8La « collecte effective » désigne la fraction de la collecte envisagée sur l’ensemble des parcelles agricoles d’un département.

9Elle apporte une réduction du potentiel mobilisable, en considérant que la totalité du potentiel peut ne pas être mobilisée et méthanisée sur l’ensemble des exploitations, pour des contraintes techniques, pratiques, ou selon le niveau de mobilisation des résidus qui est susceptible de varier selon les exploitations.

10Le rendement biogaz est issu de données bibliographiques.

11La superficie cultivée, le rendement agricole (t/ha) et la production récoltée totale pour chaque département (2006) ont été fournis par AGRESTE. Le potentiel par département, ainsi que le potentiel national résultant ont été calculées, en distinguant en particulier les valeurs de rendement agricole pour chaque département. Enfin, on a utilisé le système d’informations géographiques (SIG) MAPINFO pour traiter et représenter les résultats sous une forme cartographique par département en France.

Les cultures dédiées La luzerne

12Dans cette étude, on a utilisé une proportion de 10 % des prairies et des surfaces en herbes et 50 % des jachères pour faire pousser la luzerne comme une culture énergétique. Sur les jachères, la proportion de 50 % tient compte de la présence possible d’autres cultures énergétiques sur ces mêmes surfaces. Les superficies et les rendements de la production de la luzerne à chaque département ont été pris des données AGRESTE. Sur cette base, on a calculé le potentiel départemental et national. De la même façon, les résultats sont présentés en exploitant MAPINFO pour produire les cartes.

Le maïs ensilage ou la luzerne

13Une variante avec une culture dédiée de maïs fourrage, à la place de la luzerne dans un certain nombre de départements, a également été étudiée. Dans ce cas, on a choisi le maïs ou la luzerne selon les orientations agricoles des départements (selon les statistiques AGRESTE). Cette variante vise à situer la différence de productivité avec une culture produite, dans un certain nombre de départements, avec de hauts rendements agricoles.

Présentation des résultats de l’évaluation Les résidus agricoles

14Le tableau 2 présente les surfaces agricoles utilisées, le potentiel biogaz estimé à partir des résidus et le rendement moyen par hectare sur l’ensemble du territoire français pour les quatre cultures mentionnées. Le total estimé se monte à 5 100 ktep/an. Il est rappelé qu’avec un taux de collecte plus élevé, la production potentielle pourrait être significativement augmentée par rapport à cette estimation conservatoire, i.e. relativement prudente ici.

Tableau 2

Surfaces, production et rendement à l’hectare en valeurs nationales

Tableau 2
Superfi cie Production biogaz Rendement kha ktep/an tep/ha Blé 5 246 1 333 0,25 Maïs 1 504 1 875 1,25 Colza (et navette) 1 406 1 590 1,13 Tournesol 645 347 0,54 Potentiel France 8 800 5 146 0,58

Surfaces, production et rendement à l’hectare en valeurs nationales

Les cultures dédiées

15Le calcul de potentiel a été réalisé selon deux hypothèses :

  • (a) 100 % de luzerne sur les surfaces considérées comme disponibles,
  • (b) culture de maïs ou de luzerne selon le département.

Tableau 3

Surfaces, production et rendement à l’hectare en valeurs nationales en culture dédiée de luzerne et de maïs

Tableau 3
Superfi cie Production biogaz Rendement kha ktep/an tep/ha Prairies artifi cielles et temporaires 311 Jachères 634 Surfaces toujours en herbe des exploitations 815 Sur face toujours en herbe hors exploitations (collectifs et hors champs) 178 Potentiel France en culture luzerne (a) 1 938 4 851 2,50 Potentiel France en culture maïs ou luzerne (b) 1 938 5 507 2,84

Surfaces, production et rendement à l’hectare en valeurs nationales en culture dédiée de luzerne et de maïs

Analyse cartographique

16La figure 1 présente les résultats pour chacun des départements métropolitains, pour chacune des ressources potentielles considérées. On remarque que le potentiel des résidus est majoritairement situé dans les départements du Nord et de l’Ouest de la France, compte tenu de la présence des grandes cultures concernées sur ces zones. La paille de blé est majoritaire dans le Nord, avec bien entendu un fort potentiel dans les départements du Centre, de la Champagne et de la Picardie. Il est à noter que pour la paille de blé, partiellement utilisée en élevage, le résultat tient compte du fait que la fraction mobilisable est plus faible que pour d’autres résidus habituellement non valorisés, comme les cannes de maïs.

17Figure 1
Potentiel biogaz des départements

a) résidus des cultures

Figure 1

a) résidus des cultures

b) culture dédiée de luzerne

Figure 1

b) culture dédiée de luzerne

c) culture dédiée de maïs ou luzerne

Figure 1

c) culture dédiée de maïs ou luzerne

d) potentiel total (résidus et culture dédiée de luzerne)

Figure 1

d) potentiel total (résidus et culture dédiée de luzerne)

e) potentiel total (résidus et culture dédiée de maïs ou luzerne)

Figure 1

e) potentiel total (résidus et culture dédiée de maïs ou luzerne)

18Dans le Sud-ouest, les résidus proviennent majoritairement de la maïsiculture. Ils permettent d’envisager, sur les départements concernés, un potentiel de production important, pour peu que la collecte et la valorisation de ces résidus s’y développe.

19Le potentiel de cultures dédiées de type pérenne, quant à lui, est davantage localisé dans les départements d’élevage, en particulier dans le Massif Central, mais aussi dans l’Ouest. Les deux types de ressources, résidus et cultures dédiées, apparaissent donc complémentaires dans la formation d’une ressource biogaz significative. De nombreux départements, dont les sols sont peu aptes aux grandes cultures, ne présentent pas un potentiel significatif par l’exploitation des résidus, mais permettent d’envisager la récolte de cultures fourragères dédiées. Celles-ci peuvent par ailleurs être méthanisées en co-digestion avec des lisiers, ces derniers venant renforcer le potentiel estimé ici.

Le potentiel total (résidus et cultures dédiées)

20Pour l’ensemble des résidus et des cultures dédiées en France, on obtient un potentiel de presque 10 Mtep, avec la luzerne seule, et de 10,6 Mtep avec le maïs et la luzerne. Ce chiffre confirme la technologie du biogaz comme une source énergétique significative. On rappelle que cette valeur ne constitue pas une limite supérieure aux estimations de potentiel biogaz, car les hypothèses ont tenu compte d’une exploitation incomplète des résidus, mais qu’elle fournit une évaluation réaliste, selon les hypothèses retenues, dans l’optique d’un développement significatif.

Bilan énergétique et gaz à effet de serre des systèmes de production biogaz : étude de cas GRCETA.SFA

21La valorisation énergétique de résidus ou de récoltes dédiées n’est opportune que si les bilans énergie et gaz à effet de serre sont favorables. Dans ce travail, on a choisi d’établir ces bilans à partir de données techniques provenant d’un ensemble des exploitations agricoles, pour toutes les étapes agricoles du processus. Compte tenu de l’intérêt que semblent présenter les résidus de maïs, le terrain de l’étude se situe dans le Sud-ouest : il s’agit du périmètre du de recherche sur les cultures et techniques agricoles des sols forestiers d’Aquitaine (GRCETA.SFA), qui rassemble plus de cent-quarante exploitations et près de trente mille hectares.

22La figure 2 présente la localisation des exploitations sur le territoire d’intervention du groupement. L’étude de cas a été conduite sur la base des données techniques collectées et suivies par le groupement dans le cadre de ses missions d’appui aux exploitants : ces données permettent d’obtenir des valeurs réalistes, spécifiques au territoire étudié, dans les évaluations de bilans énergétiques, en particulier.

Figure 2

La localisation des exploitations GRCETA.SFA

Figure 2

La localisation des exploitations GRCETA.SFA

23On considère trois localisations du digesteur :

  • un digesteur à petite échelle dans l’exploitation (situation décentralisée) ;
  • un digesteur centralisé à grande échelle à une distance moyenne de l’exploitation de 20 km (cette position correspond au cas où il y a plusieurs digesteurs centralisés dans le territoire GRCETA.SFA) ;
  • un digesteur centralisé à grande échelle à une distance moyenne de l’exploitation de 80 km (cette position correspond au cas où il y a un seul digesteur dans le territoire GRCETA.SFA).
Les systèmes étudiés du biogaz sont présentés sur la figure 3. On a deux schémas selon le type du substrat, le premier en cas des cultures dédiées (schéma à gauche), l’autre en cas des résidus agricoles (schéma à droite).

Figure 3

Les systèmes étudiés

Figure 3

Les systèmes étudiés

24Pour chaque positionnement du digesteur, on étudie la situation des cultures dédiées (maïs) et celle des résidus agricoles (maïs), sachant que le maïs est la culture dominante dans le territoire GRCETA.SFA. Les symboles des systèmes sont illustrés dans le tableau 4.

Tableau 4

Les symboles des systèmes étudiés

Tableau 4
Cultures dédiées maïs Résidus maïs Digesteur 1 CM1 RM1 Décentralisé Digesteur 2 CM2 RM2 Centralisé (20 km) Digesteur 3 CM3 RM3 Centralisé (80 Km)

Les symboles des systèmes étudiés

Calcul des énergies introduites dans les systèmes

25Afin d’évaluer le bilan énergétique et CO2 dans divers systèmes de biogaz, les besoins énergétiques sont déterminés pour toutes les opérations exigées pour exploiter les systèmes. Par conséquent, l’énergie consommée pour la culture, la moisson et le transport des cultures dédiées (maïs fourrage) est incluse, puisque ces dernières sont cultivées principalement pour la production de biogaz dans les systèmes étudiés. Les résidus agricoles (résidus de maïs grain), quant à eux, sont considérés comme des sous-produits, voire des déchets. On collecte ces résidus par une adaptation technique sur la moissonneuse pour transmettre les résidus de maïs grain moissonné dans un autre tracteur à benne pour les transporter au stockeur. Ainsi, seule l’énergie additionnelle liée au transport a été considérée. Il est à noter que d’autres méthodes d’évaluation peuvent être envisagées (par exemple, allocation des impacts énergie et CO2 au prorata du contenu énergétique des produits agricoles et des résidus). On retient que la méthode employée, qui est la plus simple, fournit une estimation basse des impacts pour les résidus. valeurs retenues représentent les moyennes sur des exploitations de GRCETA.SFA. On a aussi considéré ces opérations, effectuées pour le maïs grain qui présente la culture dominante dans les exploitations GRCETA.SFA, pour le maïs fourrage.

26Compte tenu des pratiques culturales, les rendements obtenus sur la zone GRCETA.SFA sont supérieurs à la moyenne de la région Aquitaine pour le maïs grain, dans une proportion de 1,2. Pour le maïs fourrage, dont les rendements ne sont pas donnés sur la zone GRCETA.SFA, on a pris par hypothèse le même rapport de proportion. Par conséquent, nous avons un rendement moyen de 13,8 tMS.ha-1du maïs fourrage dans le cas des cultures dédiées. Le rendement moyen du maïs grain est de 9,84 tMS.ha-1 (équivalent à 79 % MS de 12,5 tMB). Ainsi, La quantité de résidus du maïs grain pour la production du biogaz est de 5,6 tMS.ha-1.

27Les énergies consommées et les émissions de gaz à effet de serre pour les opérations agricoles de la culture ou la collecte des résidus pour les différents systèmes du biogaz sont calculées sachant que les émissions de GES sont évaluées à partir du contenu GES de l’énergie consommée. quantités des fertilisants (N, P, K) et des herbicides ajoutées au champ ont été prises en compte dans les analyses des systèmes des cultures dédiées.

28L’installation est de type continu avec un digesteur qui fonctionne à une température mésophile et de type fosse infiniment mélangée. Le digesteur décentralisé est à petite échelle, alors que le centralisé est à grande échelle. Les besoins du digesteur en chaleur et électricité sont fournis par du gasoil. Ils sont présentés dans le tableau 5 calculé à partir de Berglund et al. (2003) et Berglund et al. (2006). Les valeurs des besoins en chaleur du digesteur pour le maintien en température à 35° C ont été adaptées aux conditions françaises, en comparant les données climatiques (degrés jour unifiés) dans le Sud-ouest de la France avec ceux en Suède. Ainsi, un coefficient de diminution des besoins thermiques du digesteur de 1,31 est retenu.

Tableau 5

Les besoins énergétiques du digesteur

Tableau 5
Besoin thermique Besoin électrique GJ.t-1MS GJ.ha-1 kgCO2.ha-1 GJ.t-1MS GJ.ha-1 kgCO2.ha-1 CM1 2,83 39 2 674,6 0,82 11,3 774,4 CM2 1,25 17,2 1178,6 1,38 19,1 1 310,5 CM3 1,25 17,2 1 178,6 1,38 19,1 1 310,5 RM1 2,83 15,9 1 087 0,82 4,6 314,7 RM2 1,25 7 479 1,38 7,8 532,6 RM3 1,25 7 479 1,38 7,8 532,6

Les besoins énergétiques du digesteur

29Le stockage se localise à coté du digesteur décentralisé. Ainsi, aucun transport additionnel n’a été considéré dans les calculs. Un camion est dédié pour le transport aller des substrats, entre la localisation du stockage et le digesteur, et le transport retour des digestats vers le collecteur pour le cas du digesteur centralisé. Les différentes phases (solide, liquide) du digestat se séparent après la digestion, et seuls les digestats solides sont transportés par camion (trajet retour). Par contre, les digestats liquides restants sont recyclés dans le digesteur. On considère, par approximation, que la masse des substrats équivaut à la masse transportée des digestats. La charge du camion est de douze tonnes et la consommation du gasoil est de 0,058 l.t-1.km-1pour un aller-retour en charge (Berglund et al., 2003).

30Pour l’épandage des digestats, on utilise un épandeur traditionnel porté par un tracteur qui consomme 9,1 l.ha-1. Avec une capacité du réservoir de douze mille litres, on peut épandre en moyenne 5,62 t.ha-1 de digestat plutôt solide pour une masse volumique du digestat de 0,47 kg.l-1 (Fuchs et al., 2006). Le bilan énergétique et le bilan gaz à effet de serre (présenté par g eq.CO2) du gasoil, de l’électricité, des fertilisants chimiques et des herbicides utilisés pour produire le biogaz selon les différents systèmes sont considérés. Les valeurs retenues sont les moyennes des celles présentées dans la bibliographie.

31Le rendement du biogaz retenu dans nos calculs est de 0,3 tep.t-1MS maïs (tep = 42 GJ).

Des systèmes de biogaz énergétiquement rentables

32Dans tous les cas, les systèmes biogaz sont énergétiquement rentables, la valeur de l’énergie nette produite se situant dans la gamme 90-105 GJ.ha-1 (2,1 à 2,5 tep/ ha) pour les cultures dédiées et 45-55 GJ.ha-1(1 à 1,3 tep/ ha) pour les résidus (figure 4). La production de biogaz brut représente environ 4,1 tep/ha pour les CM et 1,8 tep/ ha pour les RM. Ces valeurs sont cohérentes avec celles obtenues dans l’étude de potentiel au niveau national. L’énergie introduite dans les systèmes varie entre 40-48 % de l’énergie produite dans le biogaz pour les cultures dédiées, et entre 22-31 % pour les résidus maïs. Assurer les besoins thermiques et électriques du digesteur nécessite une proportion importante de l’énergie consommée dans le système. Ce résultat est en accord avec Berglund et al. (2006) en désaccord avec la considération retenue par Gerin et al. (2007). Cette proportion présente presque la majorité de l’énergie introduite dans les systèmes des résidus agricoles, et varie entre 48-61 % de l’énergie consommée dans les systèmes des cultures dédiées.

Figure 4

Le bilan énergétique des différents systèmes de la production

Figure 4

Le bilan énergétique des différents systèmes de la production

33Dans les systèmes des cultures dédiées, l’énergie introduite pour les opérations agricoles et la fabrication des fertilisants et des herbicides présente 38-44 % de l’énergie totale consommée dans le système. On peut voir l’influence de la distance de transport par la comparaison entre les systèmes pour les deux types des substrats. L’énergie consommée pour le transport présente 2,3 %, 8,6 %, 4 %, 14,3 % pour les systèmes CM2, CM3, RM2, RM3, respectivement.

34Le gasoil introduit est responsable de presque 45 % des émissions de CO2 dans le cas des cultures dédiées. La valeur des émissions CO2 varie entre 27-33 kgCO2.GJ-1 biogaz brut produit le cas des cultures dédiées et entre 16-21 kgCO2.GJ-1 biogaz brut produit dans le cas des résidus de maïs (figure 5). Les émissions CO2 par les opérations agricoles et la fabrication des fertilisants et des herbicides représentent 40-45 % des émissions totales pour les cultures dédiées et 2-3 % pour les résidus.

Figure 5

Le bilan gaz à effet de serre ACV des différents systèmes de la production

Figure 5

Le bilan gaz à effet de serre ACV des différents systèmes de la production

Perspectives : questions agronomiques, étude des autres aspects environnementaux

35Le présent travail est limité, pour l’évaluation quantitative, aux impacts environnementaux globaux (consommation de ressources énergétiques, émissions de gaz à effet de serre). Il est à noter que pour les résidus, les impacts des étapes agricoles pourraient être partiellement affectés au bilan, par une méthode d’allocation classique. Cette méthode n’a pas été retenue, considérant que la filière préexiste en l’absence de valorisation des résidus. En l’appliquant, le bilan énergétique de la valorisation des résidus serait moins favorable, mais toujours nettement meilleur que celui des cultures dédiées. Ce dernier apparaît par ailleurs satisfaisant, et pourrait être amélioré avec une valorisation agronomique des digestats qui réduirait le besoin en engrais azotés, qui nécessitent pour leur fabrication des quantités d’énergie importantes.

36De façon générale, la valorisation des résidus soulève d’importantes questions agronomiques. Collecter les résidus conduit à exporter des flux de matière en plus de la récolte et à réduire les retours au sol de matière organique. Les teneurs en carbone du sol, d’une part, et les teneurs en minéraux résiduaires, notamment l’azote, peuvent s’en trouver réduites. En ce sens, les filières biogaz présentent des atouts indéniables par rapport aux autres filières, grâce au retour au sol de carbone et d’azote que permet l’utilisation du digestat. Toutefois, ces atouts potentiels doivent encore faire l’objet d’évaluations et d’expérimentations. Il s’agit d’un compromis à rechercher entre la valorisation énergétique des résidus et la valeur agronomique de ces derniers, dans lequel une gestion optimale des digestats doit être recherchée.

37La prise en compte des autres aspects environnementaux est à inclure dans un travail ultérieur. L’étude de ces aspects nécessite une approche complémentaire.

Aspects environnementaux globaux

38Concernant les impacts globaux (ressources énergétiques, émissions de GES), plusieurs points sont à souligner dans la discussion des résultats :

  • en matière d’architecture des filières (organisation de la collecte, de la conversion en biogaz, de la distribution et de l’utilisation du biogaz), les combinaisons possibles sont nombreuses. Le présent travail montre que dans une limite d’une centaine de kilomètres, la distance de transport pénalise les bilans énergétiques de façon notable, mais non déterminante. Il y aura lieu de prendre en compte différentes possibilités dans l’aval des filières biogaz : usages thermiques directs (le séchage de maïs est une possibilité), injection sur réseau après épuration, usages carburant après épuration… L’étude de ces filières, assez diversifiées, justifiera d’élargir le champ de l’analyse environnementale. Les études existantes (Ademe et al., 2007) montrent que le choix de l’aval des filières peut prendre une place importante sur le bilan coût-bénéfices environnementaux. Il est à noter que les aspects logistiques peuvent jouer un rôle important sur l’économie et la faisabilité des filières ;
  • l’étude de cas GRCETA.SFA a été conduite en collectant les informations techniques locales réelles, en particulier pour les cultures, les pratiques culturales et les équipements agricoles. La partie concernant la conversion du biogaz a été traitée à partir de systèmes type (digesteurs) pour lesquels différentes données sont issues et adaptées de la bibliographie. Au moment de l’étude, aucun digesteur n’est encore en activité sur le périmètre. Il y aura lieu, dans un travail ultérieur, de chercher à analyser des situations réelles d’exploitations ou de regroupements mettant en œuvre un procédé de méthanisation ;
  • au niveau des cultures, les émissions de protoxyde d’azote n’ont pas été spécifiquement détaillées.

Aspects environnementaux locaux

39Partant du présent travail sur l’étude de cas, l’analyse qualitative des aspects environnementaux pertinents permet de lister les aspects environnementaux, et de les confronter à la spécificité des milieux naturels sur la zone GRCETA.SFA, relativement homogène en termes de sols, de ressources en eau, et de climat. Cette analyse qualitative fait ressortir plusieurs points particuliers. Ces points peuvent être abordés en analyse de cycle de vie (ACV) classique, et/ou par des approches plus spécifiquement territoriales.

Figure 1

La consommation d’eau est un critère local très important. Elle doit être mise en relation avec les ressources existantes et la sensibilité de ces dernières aux prélèvements d’irrigation

Figure 1

La consommation d’eau est un critère local très important. Elle doit être mise en relation avec les ressources existantes et la sensibilité de ces dernières aux prélèvements d’irrigation

En termes de consommation de ressources

40La consommation d’eau est un critère local très important. Elle doit être mise en relation avec les ressources existantes et la sensibilité de ces dernières aux prélèvements d’irrigation. Sur le périmètre étudié, les cultures sont irriguées du fait du climat mais aussi des sols à faible réserve en eau. L’évaluation pourra tenir compte des caractéristiques locales des ressources en eau utilisées (nappe de surface non déficitaire en base annuelle, avec des régimes d’étiage pouvant être marqués).

En termes d’émissions locales

41Acidification dans l’air : cet impact résulte des émissions de gaz acidifiants (NOx, SOx, NH3), exprimées en g éq. SO2, dans l’air, issus de la production ou de la combustion du biogaz. On pourrait s’attendre, en milieu rural avec des émissions gazeuses fortement diffuses, à ce que les impacts directs soient moins significatifs que dans des zones urbaines ou industrielles denses.

42Eutrophisation des eaux : présente les émissions de nitrates (NO-3) ou de phosphate (PO-4), exprimées en g éq. PO-4, dans l’eau. Ces aspects sont à prendre en compte, et mis en relation avec les ressources en eau recevant les fuites de minéraux. Sur le périmètre étudié, les analyses de qualité d’eau dans la zone traduisent la présence de l’activité agricole, mais ne démontrent pas une pression excessive compte tenu de la densité de présence des exploitations agricoles, relativement faible sur le territoire par rapport à d’autres zones agricoles (la SAU représente environ 15 % de la surface totale dans le périmètre).

43Pression phytosanitaire : cet aspect présente une importance particulière, notamment pour les cultures dédiées.

44La pression phytosanitaire est influencée par le choix de cultures plus ou moins résistantes, par les pratiques culturales, etc. En particulier, les cultures dédiées peuvent élargir le choix des cultures disponibles.

Les échelles prises en compte pour le potentiel biogaz

45En termes d’échelle, le présent travail a pris en considération quatre échelles principales : échelon national, échelon départemental, échelon du territoire agricole (GRCETA.SFA), échelon de l’exploitation (ainsi que celui de la parcelle). Le traitement ultérieur des aspects environnementaux locaux nécessitera de détailler d’autres échelles, en particulier celles en relation avec les hydrosystèmes (bassins versants) et leur gestion (grands bassins). À l’échelle des grands bassins, les potentiels de production de biogaz sont significatifs. Le potentiel des résidus de culture peut représenter 1 150 Mtep sur le Bassin Adour Garonne (présent travail ; Lorne et Bonnet, 2009), et approximativement 2 300 Mtep avec les systèmes de cultures dédiées définis ici (luzerne, maïs fourrage). Les périmètres de gestion tels que le celui du GRCETA.SFA apparaissent comme un échelon très important pour réaliser des études bilan, et pour anticiper l’utilisation opérationnelle des résultats.

Conclusion

46Un potentiel total de 10,6 Mtep/an biogaz peut être obtenu en France à partir du maïs fourrage ou luzerne comme des cultures dédiées et des résidus agricoles blé, maïs, colza et tournesol. En valorisation de résidus agricoles, un potentiel de 5,1 Mtep/an peut être obtenu. Ce chiffre montre l’importance du biogaz comme une source énergétique renouvelable. La valeur moyenne de l’énergie consommée dans les différents systèmes biogaz présente 44 % et 26 % de l’énergie produite pour les cultures dédiées et les résidus maïs respectivement. Ce travail se concentre sur le bilan énergie et gaz à effet de serre dans plusieurs systèmes de la production de biogaz. Des analyses étendues aux impacts locaux sont nécessaires pour approfondir la vue globale et l’analyse environnementale des systèmes, notamment pour la gestion et l’épandage des digestats et pour les aspects agronomiques de la gestion des résidus. Le développement de filières biogaz compétitives repose bien sur une mobilisation efficace des ressources, dans des filières gérant les flux (ressources, digestats, énergie produite) à meilleur rendement énergétique global et à moindres impacts environnementaux.

Remerciements

Les auteurs remercient le GRCETA.SFA pour l’échange d’informations utiles sur le territoire des sols forestiers d’Aquitaine, ainsi que son équipe technique pour la fourniture de données agronomiques et techniques locales ayant permis l’élaboration de l’étude de cas.

Bibliographie

Quelques références clés…

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Date de mise en ligne : 30/04/2013.

https://doi.org/10.3917/set.004.0064

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