1En mars 2009, l’attention portée par les entreprises au risque de pandémie grippale humaine semble atteindre un niveau exceptionnellement bas. Les difficultés liées à la crise économique viennent renforcer la lassitude qui se développe face à ce qui ressemble à un désert des Tartares. Rien n’a changé depuis l’alerte à la « grippe aviaire » en 2005-2006. Malgré la présence constante de cas humains et une extension géographique qui continue à se développer (256 morts pour 413 cas dans 15 pays au 30 mars 2009 d’après l’OMS), les médias ne se font plus que très rarement le relais d’informations sur le sujet. Au sein des entreprises, ceux qui se sont emparés du dossier sont bien conscients que les risques de mutation du virus n’ont pas évolué, que la menace reste présente, voire se développe : le temps et la diffusion géographique du virus aviaire augmentent les chances de mutation. Mais l’agitation des premiers temps est retombée et le remplacement des stocks de masques arrivant à péremption paraît difficile à négocier face à d’autres impératifs financiers, cruellement actuels.
2C’est dans ce contexte qu’une alerte à un nouveau virus grippal humain a lieu en avril 2009. Ses premières manifestations sont repérées au Mexique, où l’épidémie, identifiée fin mars, culmine en avril. Il est issu de la recomposition de virus de souches humaine, aviaire et porcine (Le Monde, 30 avril 2009), ce qui explique les premiers noms qui lui ont été donnés : « grippe porcine » et « grippe mexicaine ». Le CDC (Center for Disease Control) américain publie le 21 avril un rapport sur deux cas d’enfants contaminés en Californie. A partir du 24 avril, les grandes agences de presse se font l’écho des inquiétudes suscitées par l’apparition de ce virus. Dans la foulée, l’OMS publie une déclaration le 25 avril, lançant ainsi une mobilisation mondiale.
3Comment les grandes entreprises ont-elles réagi à cette alerte ? De manières très diverses, visiblement. Dans cet article, nous nous attacherons à décrire la réaction de l’une d’entre elles, un grand groupe pharmaceutique, Sanofi-Aventis, sous forme d’une chronique. Elle est issue de l’observation de la cellule d’urgence mise en place pour répondre à ces événements.
4Ce récit historique, se déroulant de fin mai à fin juin 2009, ne présume bien entendu pas de l’avenir de la pandémie grippale. En formulant les questions que ce groupe s’est posé, il espère cependant offrir aux praticiens soucieux de cette menace quelques pistes de réflexion.
Le déclenchement : entre effervescence et incertitudes
5Tout commence au sein de l’entreprise le 24 avril 2009 sur le réseau d’alerte HSE du groupe, à 20h18, par un message de la filiale mexicaine. Elle prévient la Direction Centrale HSE de l’existence d’une épidémie de grippe qui se développe et inquiète les pouvoirs publics dans son pays. Ces derniers viennent de prendre des mesures de prévention drastique, notamment la fermeture des écoles et universités dans l’Etat de Mexico et dans la capitale, ainsi que le lancement d’une vaste campagne de vaccination et de communication auprès de la population.
6Depuis septembre 2005, Sanofi-Aventis s’est préparé à ce type de menace, à l’origine pour faire face au risque engendré par le développement de la grippe aviaire. Un programme, « Vigiflu », avait alors été lancé pour assurer la veille épidémiologique, la protection des salariés, la continuité des opérations stratégiques (notamment la production des vaccins et des médicaments « critiques »). Cette préparation s’appuyait sur une structure transversale, rassemblant notamment des représentants de la Direction Centrale HSE, de la fonction RH, de la Production, de la R&D, des Systèmes d’Information, des Sites Tertiaires et de la Sûreté.
7Dans cette phase de déclenchement, le premier enjeu pour l’entreprise est de comprendre la situation. Les informations manquent, les premiers chiffres sont alarmants : l’OMS avance le chiffre de 59 morts pour 854 cas à Mexico dans son bulletin du 24 avril. Parallèlement, plusieurs messages en provenance de la cellule de veille médicale du groupe viennent qualifier cette information, en soulignant les inquiétudes et les incertitudes des chercheurs sur ce nouveau virus, qui se transmet d’homme à homme et touche en priorité adolescents et jeunes adultes. La menace est perçue comme sérieuse.
8L’urgence est alors d’assurer la sécurité des salariés au Mexique. Le samedi 25 avril, de nombreux contacts ont lieu entre la direction HSE, les managers de la filiale mexicaine et la Direction de la Sûreté. Le management de la filiale prend la décision d’arrêter l’activité des visiteurs médicaux, particulièrement exposés lors de leurs rencontres avec les médecins. Il s’agit ensuite de localiser les collaborateurs en déplacement dans le pays et d’évaluer la pertinence et la faisabilité d’un rapatriement des familles des expatriés.
9La direction HSE anticipe un passage rapide en phase 4 OMS, théoriquement déclenché par la preuve d’une transmission interhumaine du virus : il faut s’organiser pour faire face. La mobilisation est forte et rapide. Les principaux membres de la cellule Vigiflu sont contactés et une conférence téléphonique est organisée le dimanche 26 avril, à 15h. L’enjeu est de réagir rapidement pour réactiver ce qui a été préparé : vérifier les stocks mondiaux de solutions hydro-alcooliques et de masques, s’assurer de leur mise à disposition sur les sites, informer le personnel sur les mesures d’hygiène et de décontamination.
10La composition de la cellule de crise est finalisée le lendemain, pour réunir toutes les fonctions clés et intégrer quelques renforts, puisés dans l’équipe de la Direction HSE. Le travail s’organise autour de deux réunions journalières internes à la Direction HSE et d’une téléconférence rassemblant toutes les fonctions et le management des pays touchés par l’épidémie. Il faut contacter, réactiver, organiser la logistique, informer. La veille épidémiologique s’organise, se heurte à l’ambigüité de sources multiples : l’InVS, l’ECDC, le CDC américain, le GROG… Chacun publie des bulletins à différents moments de la journée, avec des chiffres parfois discordants. Tous les voyageurs du groupe au Mexique (en mission professionnelle) sont rapatriés. La mobilisation remonte jusqu’au Comité de Direction du groupe, qui se réunit en urgence pour évoquer ce sujet. Le passage en phase 4, attendu, est promulgué par l’OMS. Les premières actions aboutissent dès le lendemain : au Mexique, l’organisation du retour des familles d’expatriés est finalisée (elles arriveront à Paris le 30 avril) ; masques et Tamiflu sont distribués aux employés. Un réapprovisionnement depuis les Etats-Unis est organisé sous protection pour en assurer la sûreté. Le site Intranet du groupe dédié à la menace pandémique est à jour. Enfin, quelques échanges ont lieu avec d’autres grandes entreprises du secteur pharmaceutique sur les mesures prises et à prendre. Le mardi 29 avril, pour répondre à l’évolution de la situation et aux demandes du gouvernement, le Plan de Continuité des Activités (PCA) monte en puissance au Mexique.
11Dans les usines, la production se concentre sur les médicaments critiques, en accord avec les autorités publiques. L’effectif mobilisé atteint 20% de l’effectif normal et des mesures de protection sont appliquées : distribution de masques, formation, mise en place des mesures d’hygiène, organisation du travail permettant une distanciation sociale, transport individuel par taxi pour éviter les transports en commun. Au niveau du groupe, une note est diffusée à l’ensemble des sites pour en activer les cellules de crise et relancer la préparation (notamment par la formation du personnel et la vérification des stocks). Le circuit de diffusion pose des questions : on veut limiter les échelons pour une action rapide. Qui inclure dans la liste de diffusion ? Comment assurer une information optimale ? La cellule opte pour des notes formelles. Une hotline par email est mise en place pour répondre aux questions des collaborateurs sur les événements et la préparation de l’entreprise.
12Le renforcement des mesures continue le 30 avril : sur les sites administratifs au Mexique, seuls 5% des collaborateurs sont présents pour assurer les activités essentielles. Un extranet y est mis en place pour informer ceux qui restent chez eux de l’évolution de la situation. Le groupe décide de restreindre les voyages intercontinentaux, et de les interdire à destination du Mexique. L’OMS passe en phase 5, ce qui correspond à une transmission communautaire du virus dans deux pays au moins d’une région OMS.
13Cette période de déclenchement de la réaction est marquée par une grande effervescence et une certaine tension. La cellule de crise est confrontée à un défi en terme de communication : comment faire comprendre aux collaborateurs le sens des consignes et leur importance sans les affoler ? Ses membres perçoivent un certain décalage entre leur propre perception de la situation, préoccupante, et ce qui pourrait passer pour l’insouciance de certains sites situés loin du Mexique, qui « ne réalisent pas » l’urgence. Mais, de manière ambiguë, on s’appuie également sur ce qui avait été préparé pour « dédramatiser » la situation aux yeux des collaborateurs : le plan a été annoncé depuis longtemps et son application est logique, presque automatique, étant donnée la position de l’OMS. On maîtrise la situation en appliquant le plan et en mettant, pour le moment, les incertitudes de côté.
14Commence aussi à apparaître la fatigue : cela fait à présent cinq jours que l’équipe est mobilisée. Avec une certaine « routine » qui s’installe au sein de la cellule, chacun a trouvé ses marques, pris possession de sa mission, et l’effervescence et la tension diminuent. Mais la question des backups et d’un mode de fonctionnement plus durable pour faire face à une crise qui s’annonce longue se fait lancinante : « On a commencé un marathon comme un sprint. »
Adapter l’effort : ne pas se relâcher trop vite, tenir dans la durée
15La mobilisation se maintient le week-end du 1er mai (du vendredi au dimanche). Comme la situation ne semble pas justifier une présence continue des membres de l’équipe, qui ont par ailleurs besoin de se reposer, une conférence téléphonique est organisée chaque jour pour suivre l’évolution de la situation et les actions engagées. Un cas est suspecté au sein d’une usine au Mexique. La filiale aux Etats-Unis se mobilise à son tour face à l’augmentation du nombre de cas sur son territoire : la restriction des voyages est décidée.
16Le lundi suivant, un certain « ralentissement » dans l’évolution de la situation est perçu : la menace se dessine plus clairement. On en sait un peu plus sur ce virus : hors du Mexique, son taux de létalité semble beaucoup moins important. Mais l’épidémie continue à s’étendre et de nombreuses incertitudes demeurent ; une mutation n’est pas à exclure. L’enjeu est désormais de mobiliser dans la durée, de ne pas donner non plus le sentiment de sur-réagir pour ne pas perdre en crédibilité au sein de l’entreprise. Mais le curseur est difficile à ajuster ! Comment savoir et prévoir, là où les experts eux-mêmes sont incapables de dire ce qui va se passer ? La cellule de crise s’attend à passer en phase 6 sous une à deux semaines.
17Le lendemain, mardi 5 mai, le président du Mexique déclare que l’épidémie est sous contrôle dans son pays. Les activités économiques reprennent, bien que des mesures de protection (masques, mesures d’hygiène,…) soient maintenues. Au sein du groupe, il faut continuer à réactiver la préparation, même si l’urgence semble diminuer : des directives supplémentaires sont envoyées aux sites, concernant notamment les voyages et le nettoyage renforcé des surfaces de contact. Les stocks de masques sont livrés dans les sites parisiens qui en étaient dépourvus, d’autres sont approvisionnés. Les « backups » s’organisent et les départs en vacances prévus au mois de mai sont maintenus.
18Le mercredi, l’équipe teste une salle de gestion de crise de secours, et intègre des renforts pour organiser les « backups ». Les actions s’articulent alors autour de quatre enjeux majeurs.
19Il s’agit tout d’abord d’assurer la cohérence de l’information au sein du groupe sur tous les sites, dans une situation qui évolue de jour en jour. Il faut ensuite ajuster les plans prévus à la situation : s’adapter à un « scénario intermédiaire », différent de celui prévu pour un virus similaire au A(H5N1), beaucoup plus virulent. Les critères de passage de phase de l’OMS, qui ne prennent pas en compte la gravité de la maladie, posent problème. Le passage en phase 6 ne devrait plus déclencher automatiquement la montée en puissance des PCA. Une adéquation à la situation locale, à ses conditions particulières et aux mesures édictées par les gouvernements, devient cruciale. Mais l’adaptation nécessaire n’est pas sans difficultés : ce critère simple et global écarté, quels signes retenir pour qualifier la situation ? A partir de quand un pays doit-il être considéré comme touché par l’épidémie ? Quel seuil doit-on atteindre avant de mettre en place des restrictions sur les voyages, par exemple vers le Canada et les Etats-Unis où la maladie prend de l’ampleur ?
20Il s’agit également d’avoir une vision claire de l’état de préparation sur les sites (146 sites dans plus de 100 pays) et des problèmes qui se posent. L’enjeu est ici de bien calibrer le reporting, de doser centralisation et liberté laissée aux sites de s’adapter à la situation locale. Enfin, des questions techniques doivent être résolues : procédures de distribution des masques, ajustements des calculs du nombre de masques nécessaires pour chaque site, contrôle des visiteurs à l’entrée des sites, mesures techniques et sociales à prendre lors du retour d’un salarié d’une zone infectée, traçabilité des voyageurs, mise à disposition de kits voyage, finalisation de certains PCA… Après une première semaine marquée par l’urgence d’une réaction immédiate à une menace inconnue, l’horizon d’anticipation de l’équipe s’élargit : « On commence à regarder plus proactivement ». Avec, en toile de fond, une interrogation : comment mobiliser dans la durée ? Quelle sera la capacité d’alerte lors d’une prochaine vague, si les gens s’accoutument à la phase 5 de l’OMS ?
21La cellule est confrontée au décalage entre la pression médiatique, qui diminue, et le besoin de maintenir les efforts de préparation. Au sein du groupe, il faut expliquer encore et encore les restrictions pesant sur les voyages ou l’importance de former au comportement « hygiène », maintenant, alors que la question de la disproportion de l’action par rapport à la situation est posée dans les média et sous-entendue par certains interlocuteurs. On craint un passage en phase 6 pendant le week-end. La cellule commence à se dire que ce passage ne changera rien « techniquement », mais que l’enjeu en termes de communication est majeur. On prépare donc des documents à diffuser lors de ce passage. L’idée qu’il n’est « pas étonnant » que la première vague soit peu sévère et que c’est la deuxième vague, beaucoup plus mortelle et attendue pour l’automne, qui est le défi à relever, se développe au sein de l’équipe. L’urgence diminue, la gestion des affaires courantes réapparaît dans les préoccupations quotidiennes. Un dispositif de téléconférences est mis en place pour le week-end du 8 mai, qui dure de nouveau 3 jours. Finalement, la situation évoluant peu, elles n’auront pas lieu les 9 et 10 mai.
22« La guerre peut bien arriver, on est prêt. Maintenant c’est de l’optimisation » : tel est le sentiment qui domine le 11 mai. Ce sera long, il faut s’organiser pour tenir, surveiller la situation et les actions lancées, mais le système est réactivé. La cellule de crise passe à deux réunions par jour. Le scénario qui s’impose est celui d’une deuxième vague en octobre avec, comme crainte, le risque de recombinaison avec A(H5N1), toujours présent dans de nombreux pays, notamment en Egypte et en Asie (un décès au Vietnam a encore été rapporté par l’OMS dans son bulletin du 6 mai consacré à la grippe aviaire).
23La question des restrictions sur les voyages reste épineuse : ne serait-ce pas maintenant qu’il faudrait les bloquer, pour éviter une diffusion rapide du virus ? Pourtant, la situation ne semble plus aussi « sévère », et l’OMS et les gouvernements ne se sont pas prononcés pour cette mesure. On s’interroge sur les mesures prises par les autres entreprises. La filiale au Mexique, où la situation est redevenue « normale », fait un premier bilan de son expérience qui servira aux nouveaux pays touchés, et refait ses stocks. Parallèlement, la préparation s’accélère aux Etats-Unis.
24Dans les jours qui suivent, les regards se portent sur l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Amérique Latine, cette dernière étant désignée comme la prochaine région touchée puisque l’hiver y débute. A quel moment faut-il faire rentrer un pays dans la cellule d’urgence ? A la confirmation du premier cas parmi les employés du groupe aux Etats-Unis, on vérifie que les services sanitaires de celui-ci sont informés et prêts.
25Parallèlement, l’archivage des documents et un premier retour d’expérience commencent à s’organiser. L’impression qui domine est que le dispositif prévu en 2006 a été globalement suivi, et que c’est cette préparation qui a permis de réagir rapidement. La cellule de crise baisse progressivement la fréquence de ses réunions. Le 15 mai, l’interdiction des voyages au Canada et aux Etats-Unis est levée, bien que les voyages intercontinentaux soient toujours fortement déconseillés.
Normalisation de la situation et premiers bilans
26La semaine du 18 mai voit l’extension de la maladie au Japon, où le nombre de cas explose. Plusieurs continents sont touchés : passera-t-on en phase 6 ? L’OMS repousse cette option. On prépare des messages pour la communication interne à diffuser lors de ce passage et une note d’instructions aux sites. La prochaine vague en France est attendue en novembre. Le directeur HSE commence à présenter, en interne et en externe, l’action de la cellule d’urgence.
27L’épidémie continue à s’étendre géographiquement la semaine suivante (plus de 10 000 personnes contaminées dans 41 pays le 20 mai ; 15 000 dans 53 pays le 29, selon l’OMS), mais déclenche moins d’inquiétude à présent. La rumeur du passage en phase 6 va et vient. Les pouvoirs publics français demandent localement l’état des stocks de masques. L’équipe a la sensation de basculer vers la sortie de crise. La priorité reste la formation du personnel. Les PCA n’ont pas ou peu été activés, et l’on s’aperçoit que des questions qui semblaient complexes lors de la préparation trouvent une solution naturelle en situation réelle. La restriction sur les voyages est levée le 28 mai, mais tout voyageur doit passer à l’infirmerie pour se munir d’un kit en cas de déplacement à l’étranger.
28Une première réunion sur le retour d’expérience est organisée le 3 juin. Pour ne pas galvauder la communication de la menace envers les collaborateurs, l’équipe d’urgence décide de relâcher un peu la pression et le sujet quitte la zone actualité de la première page de l’Intranet, tout en restant présent, plus discrètement. Les actions se poursuivent pour finaliser les PCA et encourager la formation du personnel sur les sites.
29Après une première alerte le 5 juin, le comité de crise OMS se réunit de façon imprévue le matin du 11 juin. Vers 18h, le Dr Margaret Chan, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé, annonce le passage à la phase 6. Cela revient à reconnaître que la transmission communautaire se fait désormais dans plusieurs zones géographiques telles que définies par l’OMS. Roseline Bachelot avertit que la France restera au niveau 5, car il n’y a pas pour l’instant de circulation importante du virus en France (73 cas confirmés le 10 juin selon l’InVS). Ces différences d’affichage des gouvernements soulignent une nouvelle fois, aux yeux des gestionnaires de la préparation, la nécessaire adaptation des mesures et de la communication aux situations locales. Le soir même, un message de Chris Viehbacher, CEO de Sanofi-Aventis, est diffusé à l’ensemble des salariés du groupe. La cellule d’urgence se tient prête à un afflux de questions, qui ne se concrétise pas dans les jours qui suivent. Deux cas sont confirmés sur un site en France, sans gravité. C’est l’occasion de nouer des contacts avec les représentants des autorités sanitaires sur place, et de rappeler les règles de voyage, d’hygiène, de gestion des cas de contamination ou suspects sur un site.
30L’enjeu est alors de mettre en œuvre un reporting des cas suspects et confirmés au sein du groupe et d’expliquer, à nouveau, pourquoi les traitements des cas confirmés diffèrent entre les pays, selon les dispositions prises par les autorités sanitaires.
Maintenir la préparation…
31Deux mois après l’alerte, l’OMS recense 52 160 cas et 231 morts (bulletin du 22 juin 2009). Il y a 16 cas avérés parmi le personnel Sanofi-Aventis. Beaucoup a été fait au sein de l’entreprise pour réactiver et parfaire la préparation, mais une question domine : comment maintenir ce dispositif, cette mobilisation dans le temps, alors que le sujet a été remplacé depuis quelques semaines déjà dans les médias et que les vacances approchent ? Comment lutter, aussi, contre un potentiel effet de disqualification de la menace, alors que certains se demandent pourquoi toute cette agitation pour passer « en phase 6 de pandémie de rhinites » ? Plus généralement se pose la question de savoir où placer le curseur face aux incertitudes d’une menace émergeante : fallait-il se caler sur le pire scénario et prendre des mesures contraignantes ou ne rien faire ? Avec le sentiment, pour les gestionnaires de la réaction, que « si on n’avait pas escaladé (c’est-à-dire lancé les mesures prévues dans le plan de préparation), on aurait pu être dépassés à un moment… »