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Article de revue

La gestion paradoxale de la sécurité dans les parcs de loisirs

Pages 43 à 51

Notes

  • [1]
    Parcs de Loisirs : Etat du marché et facteurs clés d’évolution, 2004 (réactualisé par le SNELAC en 2007). Les cahiers de l’AFIT.
  • [2]
    Syndicat National des Espaces de Loisirs, d’Attractions et Culturels.
  • [3]
    Convention collective des Espaces de Loisirs, d’Attractions et culturels, n°3276, Les Journaux Officiels.
  • [4]
    David LE BRETON, La Sociologie du risque, PUF 1996.
  • [5]
    L’Association française de Normalisation (AFNOR) a été créée en 1926. Reconnue d’utilité publique, elle est placée sous la tutelle du ministère chargé de l’Industrie. En effet, dans le cadre du décret du 26 janvier 1984, l’AFNOR anime le système central de normalisation composé de bureaux de normalisation sectoriels, des pouvoirs publics et de 20 000 experts. L’AFNOR est le membre français du Comité Européen de Normalisation (CEN) et de l’International Standard Organisation (ISO) et assume les responsabilités attribuées à la France à ce titre. Le SNELAC, membre de l’AFNOR, participe activement à l’ensemble des travaux visant à la mise en place de normes européennes, spécifiques et adaptées aux sites de loisirs. Ces travaux concernent notamment les attractions, les espaces de jeux pour enfants, les équipements de protection individuelle, les parcours acrobatiques en hauteur.
  • [6]
    Le taux d’accidentologie, même s’il demeure en soi inacceptable, reste extrêmement faible au regard des dizaines de millions de visites annuelles.

1Toutes les cinq minutes, en banlieue parisienne, un ascenseur plein à craquer fait une chute libre de 20 étages, occasionnant chez ses passagers une peur panique.

2Ce n’est pas une scène extraite d’un film de série B, mais un événement bien réel aisément vérifiable. A ceci près qu’il ne survient pas dans une barre HLM mal entretenue, mais au sein du premier parc de loisirs de France. Il constitue même la toute dernière attraction du secteur en mêlant les grandes tendances du moment : mise en scène hyperréaliste et prouesse technologique.

3Car aux côtés des divertissements plus souriants - parades et autres plongées dans des univers enchantés - les parcs de loisirs se font concurrence dans une surenchère d’attractions « hard » (roller coasters, toupies géantes…) dont l’objectif est de procurer des sensations fortes aux visiteurs.

4Le principal ressort utilisé pour parvenir à ce résultat consiste à placer les visiteurs dans une situation périlleuse à l’extrême limite de son dénouement dramatique, dans un grand luxe de réalisme : brutal catapultage d’une fusée, déraillement de train, chute libre dans des conditions rappelant celles d’un avion en détresse…

5Quels sont les éléments volontairement créés pour ces nouvelles attractions ? Rupture d’un équilibre, défaillance de grande ampleur avec aggravation exponentielle, absence de maîtrise du temps : on joue sur les critères de vitesse et de durée, qui caractérisent la crise de sécurité. Le visiteur fait l’expérience d’une situation d’urgence qui déborde ses capacités et menace de désintégrer son univers de référence. C’est là la grande spécificité de la question de la sécurité dans un parc de loisirs, qui n’existe dans aucun autre secteur industriel et commercial : créer, à chaque instant, des conditions de crise tout en conservant la maîtrise du processus. Cette alchimie est destinée à un public si nombreux qu’elle s’apparente à la gestion complexe d’une foule, dans un environnement si vaste qu’il rend plus complexe la délimitation des frontières entre espace public et privé.

6Comment gérer de fausses crises sans en susciter de vraies ? En prenant en compte deux paradoxes.

Logique de divertissement, logique de sécurité

7C’est le premier paradoxe, et non le moindre, car ces deux logiques s’opposent a priori. Se divertir, c’est : « se détourner de la réalité ». Distraire, c’est « détourner quelqu’un de son occupation ». Les parcs de loisirs mettent donc en scène un monde hors du réel, voire extraordinaire, pour détourner les visiteurs de leurs occupations habituelles.

8Mais la logique de sécurité impose parallèlement un retour à la réalité, et d’assurer des conditions d’exploitation ordinaires qui garantissent l’intégrité des visiteurs.

9La logique de divertissement, tout d’abord, s’appuie sur trois notions :

  1. l’absence de contraintes, qui encourage une tendance à la déresponsabilisation via l’exacerbation des émotions, dont une qui est bien particulière : la peur.
  2. le sentiment de liberté découlant de cette absence de contraintes, et qui est la première impression ressentie dans un parc de loisirs. Le visiteur est plongé dans un monde de rêve (Disneyland Paris) ou voyage dans le temps (Parc Astérix ou Grand Parcours du Puy du Fou) : autant de transports qui lui donnent l’impression que tout est possible, que les contraintes de la vie quotidienne, ennuyeuses et frustrantes, ont disparu comme par enchantement.
  3. la déresponsabilisation du visiteur est une conséquence logique des deux premiers points : les décisions qu’il doit prendre n’auront que des conséquences agréables, principalement le divertir. Il est pris en charge à travers un parcours étudié, depuis la caisse d’entrée jusqu’à la vérification de sa ceinture de sécurité à bord du « train fou ».

10Il aura donc tendance à oublier la routine, à se laisser aller. Encouragé à devenir, le temps d’une attraction, un homme qui sort de l’ordinaire, il va trouver en lui des forces ou des émotions dont il ignorait l’existence. Un « grand huit », par exemple, constitue un moment de dépassement de soi, une mise à l’épreuve de la résistance personnelle à la peur.

11Car la peur est bel et bien le ressort principal des attractions les plus spectaculaires. Peur de l’imprévu dans « la maison hantée », peur du vide lors du saut à l’élastique et, fondamentalement, crainte du pire : peur de l’accident. L’exacerbation de ce dernier sentiment n’est possible que si le visiteur imagine, avant, pendant ou après s’être retrouvé la tête en bas à 20 mètres du sol, ce qui lui arriverait si son garde-corps venait à lâcher.

12A la peur « artificielle » créée par l’exploitant s’ajoute donc, chez le visiteur, la peur « réelle », celle qui le rapproche le plus de ce qu’il pourrait ressentir en cas de crise dans la « vraie vie ». Cette analyse renforce de deux manières le paradoxe de la sécurité du divertissement moderne.

13Elle peut d’abord permettre de comprendre pourquoi le véritable accident qui affecte une attraction, heureusement rare mais généralement très médiatisé, ne fait pas chuter au même moment la fréquentation des attractions semblables ou équivalentes. Comment interpréter cela si ce n’est en postulant, à l’extrême, que l’amateur d’attractions spectaculaires a besoin de se dire que l’accident peut se produire s’il veut éprouver une peur réelle au-delà de sa peur artificielle ?

14Elle explique ensuite pourquoi ce sentiment est décuplé par l’hyperréalisme des situations. Les grands studios hollywoodiens se sont dotés d’attractions dont le succès provient, certes, des importants moyens technologiques investis, mais surtout du scénario qu’elles mettent en scène.

15Revenons à notre ascenseur tombant inexorablement dans le vide. Elle s’apparente exactement à la classique nacelle des fêtes foraines qui hisse les visiteurs en haut d’un mât avant de les faire chuter brusquement. Mais la peur est exacerbée lorsque le visiteur qui cherche à sortir de la réalité quotidienne est replongé dans celle-ci.

16Quand la nacelle devient l’ascenseur de ce qui pourrait être un bureau ou un grand magasin, l’attraction cherche à approcher au plus près les conditions de la « vraie » peur. Les parcs américains vous font ainsi vivre le déraillement du métro en pleine station, ou l’accident de voiture provoqué par un camion-citerne rempli d’essence.

17En d’autres termes, plus la situation de crise de sécurité est réaliste - plus la mise en scène rappelle le quotidien - plus l’émotion est décuplée ; les visiteurs recherchent cette émotion de façon inversement proportionnelle à ce qu’ils feraient dans la réalité.

18Alors que l’exigence en matière de sécurité ne cesse de croître dans la vie quotidienne, le goût pour les attractions scénarisant les plus éprouvant « risques quotidiens » ne cesse de grandir, dans le cadre d’industries de divertissement qui, paradoxalement, sont là pour « détourner » le public de son quotidien.

19On peut ici résumer le premier paradoxe de la sécurité d’un parc de loisirs, un paradoxe qui lui est propre : sa logique de divertissement utilise beaucoup de ressorts opposés à sa logique de sécurité.

20Si l’attraction peut, dans certains cas, ramener le visiteur à la vie de tous les jours, le parc dans son ensemble doit cependant répondre à sa promesse de divertissement, de détournement du quotidien.

21Et la première condition pour que le visiteur se distraie est de lui offrir un climat de confiance plutôt subtil : il doit se sentir en sécurité dans le parc pour apprécier au mieux les situations de crise de sécurité qu’il va vivre. Il va de soi, en effet, que s’il n’a pas confiance dans la sécurité générale du parc et celle, particulière, des installations, la peur réelle de l’accident l’emportera sur la peur artificielle générée par l’attraction, qu’il désertera aussitôt. Cet équilibre original réside dans la combinaison de deux facteurs : la visibilité et l’information.

22Les mesures de sécurité ne doivent pas être trop visibles. La patrouille de vigiles identifiés comme tels, la circulation de véhicules de pompiers, l’installation aux carrefours stratégiques de postes de secouristes, cassent le rêve. Loin de distraire le visiteur, ces éléments le ramènent à la réalité d’un monde qu’il connaît trop bien : le sien. Ils contribuent en outre à lui rappeler l’existence des risques traditionnels dans les établissements recevant du public : rixes, incendies, malaises… D’où la nécessité de camoufler les équipes de sécurité, sans que cela nuise en rien à leur capacité opérationnelle.

23Plus que dans tout autre environnement, la prévention est nécessaire pour étouffer la crise dans l’œuf et limiter son impact sur le « rêve ». Dans ces conditions, comment faire prendre conscience au visiteur déresponsabilisé qu’il doit tout de même accorder un minimum d’attention aux règles élémentaires de sécurité ? Il s’agit ici d’un autre équilibre subtil : informer sans alerter.

24Le parc est ainsi jalonné d’une signalétique mêlant astucieusement des informations de repérage avec celles de sécurité. Les panneaux interdisant l’accès de certaines attractions aux personnes enceintes ou cardiaques sont thématisés à l’image du site : l’information est délivrée, mais toujours replacée dans le cadre du divertissement.

De l’individu à la foule

25Ce premier paradoxe entre logique de divertissement et logique de sécurité se double d’un second, tout aussi délicat : celui des visiteurs eux-mêmes.

26Les parcs de loisirs doivent tourner à plein. Pas seulement pour des impératifs économiques, mais aussi pour garantir une ambiance bien précise.

27Un grand nombre d’individus mus par le même objectif, à la recherche des mêmes émotions, encouragés à se « laisser aller », constitue un phénomène bien connu des spécialistes de la sécurité publique : celui de la foule. Mais il s’agit ici d’une foule particulière, que les parcs plongent volontairement, à un rythme soutenu, dans des situations de crise toutes plus intenses les unes que les autres.

28Comment gérer ce passage de l’individu à la foule sans créer d’authentiques crises de sécurité ?

29En prenant en compte trois notions propres aux parcs de loisirs : l’ambiance, le public et le service d’ordre.

30L’ambiance constitue un nouveau problème paradoxal. Les études le montrent, les clients préfèrent visiter un parc lorsqu’il y a du monde et non quand il est déserté.

31Les inconvénients des files d’attente, des cohues, de la difficulté à circuler, sont amplement compensés par l’atmosphère qui se dégage d’une foule cherchant à se distraire. Pas de fête sans un minimum de convives, il n’existe pas de liesse solitaire. C’est l’effet « chaleur communicative des banquets ».

32Les attractions les plus spectaculaires, les défilés les plus animés, la musique la plus entraînante, ne sauraient créer une ambiance dans un parc à moitié vide. C’est pourquoi le parc ne s’adresse pas à des clients solitaires mais à des groupes : la famille, la bande de copains, qui eux-mêmes fusionnent dans l’émergence d’un phénomène de foule.

33Ce public particulier peut ensuite développer deux caractéristiques qui compliquent sa gestion. Nous avons déjà évoqué plus haut la tendance à la déresponsabilisation. Elle peut s’accompagner aussi de volontés transgressives.

34Les attractions spectaculaires mettant à l’épreuve le courage des visiteurs, au vu et au su du groupe, peuvent aussi inciter ces derniers à un dépassement de soi hors des limites de sécurité prévues ; soit pour se valoriser aux yeux de tous, soit pour amplifier l’effet de peur réelle.

35Ainsi les recommandations de ne pas se tenir debout dans un wagonnet de grand huit, de ne pas se pencher hors du train fantôme ou de ne pas étendre ses bras dans un roller coaster peuvent-elles être interprétées comme autant d’incitations transgressives, d’attraits du défendu bien connu des adolescents, dans ce monde enchanté qui transforme le visiteur en « grand enfant ».

36La gestion d’une foule si spécifique fait appel à des principes d’intervention qui s’apparentent, en termes de sécurité publique, à des techniques de service d’ordre, voire de rétablissement de l’ordre. Il faut en effet prévoir la menace de rixes, ponctuelles et imprévues, ou de bagarres, volontaires et provoquées entre groupes. Celles-ci peuvent engendrer des mouvements de panique dans une foule qui ne s’attend pas à de tels événements.

37La crise de sécurité n’est alors plus une distraction maîtrisée, mais une préoccupation qui peut dégénérer. Elle est en effet rendue complexe, à la fois par le caractère massif et multiple des attractions et par la superficie des parcs ; avec leurs boutiques, restaurants, allées et espaces verts, ce sont de véritables petites cités.

38Avec de tels enjeux, une réflexion sur la notion de territoire et la frontière entre espace public et domaine privé s’impose.

La mise en œuvre d’une politique de sécurité

39Les visiteurs se rendent en masse dans les parcs de loisirs français : plus de 64 millions de visites en 2007 pour un peu moins de 400 entreprises. [1] Les 160 adhérents du SNELAC [2] représentent 98% du chiffre d’affaires du secteur. Ils génèrent 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploient 22 000 salariés. Ce secteur relève d’une double appartenance.

  • L’univers industriel, qui se caractérise par des investissements importants (bâtiments et attractions) et un modèle d’exploitation relevant de la logique industrielle, à savoir l’emploi de personnels qualifiés : ouvriers, techniciens, ingénieurs, au service de l’installation et de la maintenance des matériels et des infrastructures ;
  • L’univers des services, qui s’articule autour de trois pôles constitutifs du chiffre d’affaires des sites : l’accueil et le divertissement du public en toute sécurité, la restauration (rapide ou classique) et la vente de produits dérivés dans des boutiques.
    Une distinction essentielle s’impose entre parcs de loisirs et fêtes foraines. Les parcs d’attractions, contrairement aux fêtes foraines, sont des espaces clos à guichet d’entrée unique. Cela induit une gestion spécifique de la sécurité et une obligation de résultat en la matière à partir du moment où le visiteur a franchi l’entrée. Les parcs sont constitués en sociétés dont l’organisation est fondée sur l’accueil et la sécurité. Sur le plan social, la convention collective des espaces de loisirs (qui ne s’applique pas aux Forains) intègre des métiers dédiés à la sécurité et à la maintenance. La formation professionnelle est d’ailleurs une priorité.[3] Sur le plan technique, les parcs d’attractions répondent à une logique industrielle : process de maintenance, procédures de contrôles internes, respect des cahiers des charges, tests, audits, etc.

40Si, comme dans toute industrie, le « zéro défaut » ne peut exister, il doit néanmoins représenter un idéal à atteindre, et initier toute action en matière de sécurité. De fait, le parc de loisirs en tant qu’espace ouvert au public est un lieu possible d’accidents. La sécurité mise en œuvre dans le parc par l’exploitant est aussi importante que la façon dont ses visiteurs vont occuper et utiliser celui-ci. En d’autres termes, les visiteurs autant que les employés vont contribuer à la qualité du site. La sécurité doit se faire entendre autant dans les menaces de dysfonctionnement technique que dans les stratégies informelles d’ordre social (phénomènes de groupes, de bandes dans les attractions ou les files d’attentes, etc). L’exploitant doit donc gérer en finesse les comportements de publics très variés - jeunes enfants, adolescents, jeunes adultes, parents, seniors - qu’il convient de faire cohabiter.

41Il est nécessaire de distinguer le niveau objectif de sécurité mis en œuvre par l’exploitant de la perception de ce niveau par le visiteur. L’exploitant va ainsi travailler sur une « chaîne de sécurité » qui jalonne le parcours du visiteur, depuis son arrivée sur le parking du site jusqu’à son départ.

42Le niveau objectif de sécurité nécessite un travail « technique » important : application des normes, investissement, professionnalisation, formation, évaluation, exercices de crise, etc. Il nécessite un relevé précis de « l’accidentologie » et de son traitement médiatique. La perception de ce niveau par le visiteur implique une analyse de l’image que le parc renvoie au public : sa construction, son entretien, les facteurs de sa dégradation.

43La clientèle des sites, à la recherche d’émotions et de sensations fortes, trouve satisfaction dans des attractions de toutes sortes qui la feront virevolter à plusieurs mètres de hauteur, tout en sachant que les « machines » sont sécurisées. [4] Dès lors, on constate une demande de « risques sécurisés » par les visiteurs. Celle-ci implique une approche transversale de la maîtrise des risques et de la nécessaire adaptation des textes réglementaires consacrés à la sécurité, à l’accueil et à l’accessibilité des établissements recevant du public (E.R.P.). La loi sur la sécurité des manèges (13 février 2008) impose désormais l’agrément technique du contrôle des matériels. Elle doit être complétée par la mise en œuvre d’une information et d’une pédagogie de sécurité destinées à sensibiliser le public. Rappelons que la très grande majorité des accidents provient du comportement de visiteurs.

La chaîne de sécurité dans un parc d’attractions

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La chaîne de sécurité dans un parc d’attractions

44La gestion de la sécurité diffère dans un site « en état de marche » et dans un site « en état de crise ». En état de marche, l’exploitant d’un parc de loisirs doit savoir, contrôler, former, informer.

45La maintenance préventive se fonde avant tout sur l’analyse technique : l’exploitant doit mettre en œuvre un ensemble de moyens lui permettant de faire face aux risques. Deux éléments fondent le plan de contrôle des attractions : les données du constructeur et l’analyse de risques du matériel et de son installation. Chaque attraction est considérée comme unique : un contrôle technique initial est effectué pour les matériels se trouvant dans l’une des situations suivantes :

  1. Mise en service d’un matériel neuf.
  2. Mise en service d’un matériel ayant fait l’objet d’une modification substantielle.
  3. Mise en service d’un matériel reconstitué à partir d’éléments d’occasion ou déjà utilisés par l’exploitant et, éventuellement, d’éléments neufs.

46Le contrôle consiste en des vérifications multiples :

  • la vérification de l’exhaustivité des éléments du dossier technique en référence à la norme NF-EN 13814 ;
  • la vérification de l’existence d’une analyse de risques établie par des personnes ou organismes qualifiés en calcul de structure et en sûreté de fonctionnement, précisant les points critiques du matériel et d’un plan de contrôle technique ;
  • la vérification du respect des dispositions techniques d’installation et de montage, et des dispositions d’information du consommateur prévues dans la documentation technique fournie par le fabricant ;
  • les contrôles spécifiques prévus par le plan de contrôle technique (détermination des points critiques).
    Ces contrôles permettent de détecter des anomalies susceptibles, à elles seules, de constituer un danger grave pour les personnes.
    L’inspection des installations est effectuée en respectant la logique du circuit du visiteur : l’entrée de l’attraction, la file d’attente, le débarquement et la sortie. Elle respecte ainsi l’impératif de la chaîne de sécurité.

47Pour chacune de ces étapes, les contrôles vont porter sur :

  • l’état de la structure et sa stabilité ;
  • la stabilité de la structure du matériel en mouvement ;
  • la conformité du matériel et des assemblages au dossier technique préparé par l’exploitant ;
  • la mécanique, l’installation électrique ;
  • les énergies autres qu’électrique (mécanique, pneumatique, hydraulique) ;
  • l’énergie utilisée pour les process de commande ;
  • la protection de l’intégrité physique du visiteur ;
  • les bâtiments et aménagements périphériques ;
  • la localisation et l’état des éclairages
  • la présence de consignes de sécurité adaptées et conformes aux prescriptions du constructeur et à la réglementation applicable.

48La formation du personnel est déterminante, et doit se soumettre à la contrainte de saisonnalité. En effet, hormis Disneyland Resort Paris (ouverture 365 jours par an et opérations de maintenance effectuées de nuit), la majorité des sites sont ouverts d’avril à septembre. La saisonnalité est très forte puisque 75% des visites ont lieu en juillet et août. La durée de visite la plus estivale caractérise les parcs aquatiques, la plus longue les sites culturels. Un opérateur d’attractions, même s’il n’est employé que pour une saison, reçoit une formation sur les conditions d’exploitation de l’attraction en termes de sécurité. Le support de cette formation prend la forme d’un livret de sécurité qu’il contresigne.

49La communication, enfin, apparaît comme un élément constitutif de la chaîne de sécurité. Qu’elle soit interne (échange d’information sur les risques, les « presque accidents », modifications techniques ou de procédures) ou externe (informations à destination des visiteurs), elle reste un élément clé de cette chaîne. L’exploitant utilise donc tous les moyens à sa disposition pour assurer son efficacité : intranet, brochures, site Internet, communiqués, etc…

50En état de crise, l’exploitant doit faire face En cas de crise, le parc doit faire face techniquement à la situation, en mettant en œuvre tous les moyens qu’il aura soigneusement préparés et testés lors d’exercices de simulation. Il est ici nécessaire d’anticiper. Il doit faire face psychologiquement à un processus dynamique de dégradation d’image continu de son parc auprès du public. Ce processus peut également être discontinu, car étendu à d’autres parcs de même nature ou d’autres segments par la simple méconnaissance du grand public qui pratique, et on le comprendra aisément, l’amalgame. Il est donc nécessaire d’informer. Le parc doit, enfin, faire face économiquement au développement de la communication d’autres produits de loisirs issus de la concurrence, venant se présenter comme dépourvus de tout risque et consommables en toute sécurité.

51Les accidents dans les parcs sont particulièrement marquants ; cela tient d’une part à leur rareté, de l’autre au décalage qu’ils provoquent entre la réalité du parc et l’image que celui-ci véhicule auprès des visiteurs.

52Le degré de risque perçu à se rendre dans un parc doit être mis en perspective avec les enjeux pour le visiteur (plaisir, détente, divertissement) et les conséquences positives qui découleront (satisfaction, plaisir partagé). Si le degré de risque perçu est trop important - financier (on dépensera trop d’argent), psychologique (effet de foule, conflit avec des « bandes de jeunes »), physique (accident de manège) - le visiteur s’abstiendra.

53Tout dépend donc de la position du curseur, sur l’échelle du degré d’incertitude acceptable, pour prendre la décision de se rendre dans un parc. C’est à chaque visiteur de déterminer ce degré, qui n’est pas le même pour tous.

54L’ « aversion du risque » est donc un objectif prioritaire, qui peut prendre différentes formes. Il y a d’abord la garantie de fiabilité : normalisation (attractions, parcours acrobatiques en hauteur, espaces de jeux pour enfants) et certification (qualisite, qualité France) sont des facteurs crédibles pour asseoir la confiance du visiteur.

55Vient ensuite la garantie de fourniture d’information : identifier le niveau de risque perçu et la nature des risques perçus, puis adapter l’information nécessaire à fournir afin de convaincre que la perception du risque est infondée. Lister la nature des risques (physiques, psychologiques et financiers) implique également de lister les questions, objections et craintes face à ces risques.

56Garantir une communication adéquate nécessite :

  • de l’information sur le secteur d’activité : le parc doit communiquer de façon objective sur le thème :
    « espace de loisirs = espace sûr » ;
  • de l’information générale. Elle peut être technique et/ou réglementaire (ce site est labellisé, il est contrôlé par le SNELAC, il a obtenu tel prix à tel concours…) ou toucher aux Ressources Humaines (ici, x personnes spécialement formées sont à votre disposition pour vous accueillir…) ;
  • de l’information produit, notamment en termes de maintenance et d’investissement (cette attraction est contrôlée tous les jours, elle a été vérifiée le tant par telle autorité, les spécifications techniques d’un « dark » 6…) ;
  • de l’information « objective », véhiculée par des certificat de type AFNOR, AFAQ etc. Le parc doit être dans une logique de démonstration, étayée par des avis autorisés (certification, expertise, étude) et des références [5] ;
  • de l’information « subjective ». Il convient de lister les preuves disponibles et de ne pas oublier l’effet de masse : 60 millions de visites = 60 millions de consommateurs. La multiplication des sites internet, blogs et autres moyens de communication renforcent le pouvoir du « consommateur de masse ».

57Le syndicat professionnel joue un rôle déterminant pour aider les exploitants à relever les défis que constituent la mise en œuvre d’une rigueur technique absolue, la coordination sans faille des différents services du site de loisirs, la bonne gestion de la crise, la communication continue auprès des visiteurs et des medias.

58Le SNELAC a constitué une Commission Technique et Sécurité. Celle-ci réunit les principaux directeurs techniques, sécurité, maintenance des parcs de loisirs, afin de constituer une base d’échange d’informations et de bonnes pratiques, et de diffuser informations et guides pratiques. Forts de leur expérience, ces dirigeants de parcs de petite taille ou de « majors » contribuent à identifier les risques et les crises potentielles. Ils attachent une attention particulière à la notion de « presque accident », permettant de recueillir et de partager des signaux faibles des crises en sommeil.

59La Commission diffuse également un certain nombre d’outils auprès des adhérents du SNELAC : fiches techniques, carnets de maintenance, livrets de sécurité, manuels de gestion de crise… Elle veille à la bonne connaissance de l’ensemble des réglementations en vigueur dans les sites de loisirs. Afin de tenir compte de tous les signaux qui laisseraient présager une crise, ses membres ont en outre mis en place un observatoire des risques.

60En interne, dans un souci de formation et d’information, le syndicat s’efforce d’amener les acteurs du secteur à un niveau objectif de sécurité homogène, par exemple via une démarche de labellisation. En externe, il se doit être l’allié objectif des pouvoirs publics en matière de sécurité, en communiquant en profondeur et à long terme sur le thème « le parc de loisirs est un espace sûr ».

61La gestion de la sécurité dans un parc de loisirs relève, nous l’avons vu, d’un objectif prioritaire et essentiel pour l’exploitant. Elle nécessite une veille technique et comportementale au quotidien, et la mise à disposition de moyens humains et financiers à la hauteur de ces enjeux. Les exploitants l’ont bien compris, qui offrent aux visiteurs « le loisir le plus sûr hors de chez soi » [6]. Toutefois, provoquer de fausses crises tout en anticipant au mieux la gestion des potentielles vraies reste un paradoxe difficile à résoudre. La capacité à le faire permet, sans nul doute, de contribuer à faire perdurer ce qui donne sa noblesse à ce métier : divertir en toute sécurité.

Notes

  • [1]
    Parcs de Loisirs : Etat du marché et facteurs clés d’évolution, 2004 (réactualisé par le SNELAC en 2007). Les cahiers de l’AFIT.
  • [2]
    Syndicat National des Espaces de Loisirs, d’Attractions et Culturels.
  • [3]
    Convention collective des Espaces de Loisirs, d’Attractions et culturels, n°3276, Les Journaux Officiels.
  • [4]
    David LE BRETON, La Sociologie du risque, PUF 1996.
  • [5]
    L’Association française de Normalisation (AFNOR) a été créée en 1926. Reconnue d’utilité publique, elle est placée sous la tutelle du ministère chargé de l’Industrie. En effet, dans le cadre du décret du 26 janvier 1984, l’AFNOR anime le système central de normalisation composé de bureaux de normalisation sectoriels, des pouvoirs publics et de 20 000 experts. L’AFNOR est le membre français du Comité Européen de Normalisation (CEN) et de l’International Standard Organisation (ISO) et assume les responsabilités attribuées à la France à ce titre. Le SNELAC, membre de l’AFNOR, participe activement à l’ensemble des travaux visant à la mise en place de normes européennes, spécifiques et adaptées aux sites de loisirs. Ces travaux concernent notamment les attractions, les espaces de jeux pour enfants, les équipements de protection individuelle, les parcours acrobatiques en hauteur.
  • [6]
    Le taux d’accidentologie, même s’il demeure en soi inacceptable, reste extrêmement faible au regard des dizaines de millions de visites annuelles.
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