1En 2002, l’office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) recensait quelque 3 403 faits délictueux ayant touché le transport de fret. En 2008, ce même chiffre atteignait quelque 1 474 faits, enregistrant ainsi une baisse de -57 %. Hélas, cette diminution est en quelque sorte l’arbre qui cache la forêt. En effet, si le nombre de faits a considérablement diminué, l’impact économique de ces vols ainsi que la violence avec laquelle ils sont perpétrés ne font qu’augmenter. Il peut être précisé que ces vols ont lieu pour 85 % d’entre eux pendant la phase de transport des marchandises.

2Parmi les objets les plus volés, nous trouvons : l’alcool, le tabac, l’alimentaire, l’électroménager, les parfums et cosmétiques, les médicaments, la TV et Hi-fi, l’informatique et la téléphonie, le carburant ou bien encore les métaux. D’une manière générale, tous les biens ont une valeur marchande, il suffit simplement pour les auteurs de trouver l’acheteur. Il y a quelques années, les métaux ne faisaient que l’objet de rares vols avant que les cours des métaux ne flambent. Aujourd’hui, ce sont les vols de carburants qui explosent littéralement. Demain, ce seront peut-être des camions de pâtes qui feront l’objet de toute l’attention de ces nouveaux pirates.

3Ces pirates d’un nouveau genre appartiennent à deux familles distinctes de délinquants. La première famille peut être qualifiée d’opportunistes. Ces acteurs malveillants agissent au hasard et profitent généralement d’une faille dans la chaîne de sûreté du transporteur. Il peut s’agir, en l’espèce, de vols sur les aires de repos des autoroutes alors même que le chauffeur est en pause, ou bien encore de vols lors de tournées de livraison en profitant de la négligence du chauffeur.

4Le deuxième groupe appartient à la famille des professionnels organisés. Le hasard n’a plus sa place, leurs actions sont préparées et planifiées. Leurs cibles peuvent être diverses et aller de l’alcool aux matériels hi-fi et vidéo en passant par la téléphonie qu’ils exportent. Certains de ces bandits de grand chemin n’hésitent pas à être d’une violence inouïe avec les chauffeurs qui n’obtempèrent pas à leurs injonctions.

5Ce phénomène n’est pas franco-français puisqu’une étude européenne menée par l’IRU démontre qu’il s’agit bien d’un problème qui touche toute l’Europe dans sa globalité. Face à cette situation, les transporteurs se sont organisés. En 2004, TLF a signé une charte avec le Ministère de l’Intérieur pour essayer de comprendre cette situation et aussi pour pouvoir mieux l’endiguer. La commission sûreté de TLF a rédigé un manuel intitulé « La sûreté du fret, pourquoi et comment ». Ce fascicule a été remis aux quelque 5 000 adhérents de cette fédération de transport pour leur permettre de prendre toutes les mesures pour protéger les biens qui leur sont confiés.

6Dans ce contexte, TNT Express France a déployé de considérables moyens humains et matériels pour faire face à ces attaques. La direction de la sûreté compte aujourd’hui 54 personnes dont la seule mission est prévenir et protéger les biens de leurs clients. En 5 ans, TNT Express France a investi 10 millions d’euros en matériels de vidéosurveillance, GPS et autres matériels de protection.

Une organisation adaptée

7Très rapidement et sous l’impulsion de Marie-Christine LOMBARD [1] puis celle d’Eric JACQUEMET [2], TNT Express France a su prendre toutes les mesures pour prévenir et maîtriser ce qu’il allait devenir rapidement un véritable fléau pour les transporteurs. Si les moyens qui ont été mis en œuvre allaient contribuer à augmenter de manière très significative le niveau de sûreté de TNT Express France, l’organisation même de la direction sûreté ainsi que son rattachement au président ont permis de réellement crédibiliser cette direction.

8En effet, la sûreté ne peut atteindre ses objectifs sans le concours indéfectible de tous les collaborateurs et partenaires sociaux de l’entreprise. Pour ce faire, il faut avant toute chose être compris, écouté et respecté. Ce respect est d’autant plus facile à obtenir lorsque la direction sûreté est directement rattachée au Président de l’entreprise. Un tel rattachement permet de crédibiliser l’engagement de l’entreprise aussi bien en interne qu’en externe. De plus, la sûreté, pour trouver toute son efficacité, ne doit en aucun cas être sous l’influence directe ou indirecte d’une autre direction afin de pouvoir mener à bien l’ensemble de ses missions.

9Chez TNT, la France a été découpée en sept régions. Dans chacune des régions, l’on trouve un responsable régional sûreté, un adjoint et dans certaines d’entre elles un ou plusieurs contrôleurs régionaux sûreté. Dans un souci d’homogénéisation des connaissances, les responsables sûreté et leurs adjoints ont tous suivi le cycle technique malveillance du CNPP [3]. Cette formation a permis d’avoir une approche commune des problèmes de sûreté et surtout de parler un même langage. La direction de la sûreté est aussi composée de deux responsables qui sont en charge du suivi et des relations avec les clients pour tous les envois les plus sensibles. Un département sûreté aérienne s’assure quant à lui du parfait respect de la réglementation en la matière. La direction sûreté est complétée par un département analyse et audits ainsi que par des opérateurs qui gèrent notre centre de contrôle. Au total, pas moins de 54 personnes qui travaillent exclusivement à la direction de la sûreté.

Des moyens matériels conséquents

10Afin de sécuriser nos dépôts et nos véhicules, 10 millions d’euros ont été investis sur ces 5 dernières années. Ces investissements concernent la détection d’intrusion, le contrôle d’accès, la vidéosurveillance ainsi que l’équipement GPS de nos véhicules qui transportent les marchandises les plus sensibles.

11En la matière, nous nous devions d’acquérir des matériels qui puissent allier fiabilité et solidité afin de pouvoir être utilisés dans des environnements où les variations de température peuvent être importantes. Pour ce faire, nous avons réalisé un cahier des charges et lancé un appel d’offres afin de référencer le fournisseur qui pourrait avoir le meilleur rapport qualité/prix, mais aussi un rayonnement national afin d’intervenir sur nos centres et dépôts sur tout le territoire. Depuis 2003, la société Eryma (anciennement Siemens) a remporté par deux fois nos appels d’offres.

12Nos dépôts sont tous équipés au minimum en détection d’intrusion, généralement par des détecteurs bivolumétriques longue portée et/ou par des détecteurs infrarouges passifs 360°. Ces matériels sont tous certifiés NFA2P 2 étoiles. La fiabilité de ces matériels nous a permis de faire échec à un nombre très important de tentatives de cambriolage depuis ces dernières années.

13Des lecteurs de badge de type proximité permettent de contrôler les entrées et sorties de nos dépôts et nous assurent ainsi une parfaite étanchéité notamment de nos zones les plus sensibles.

14Six cents caméras (dômes et caméras fixes) viennent compléter ce dispositif. Des stockeurs numériques permettent de conserver 30 jours d’images, à raison de 25 images par seconde. L’enregistrement de ces caméras s’effectue sur détection de mouvement et, pour les zones les plus sensibles, l’enregistrement est continu. Enfin, nos véhicules les plus sensibles sont équipés de balise GPS [4]. Pour les chargements à très forte sensibilité, nous injectons des balises au sein même des chargements. Ces balises qui sont en veilles ne sont activées que si le signal de la balise principale venait à être altéré.

15À titre d’exemple, en 2004, une de nos semis remorques en provenance de Belgique a été interpellée par de faux policiers sur l’autoroute A1. Malgré une réactivité indiscutable des forces de l’ordre, la semi-remorque a été rapidement retrouvée vidée de son contenu. Les auteurs au nombre de 11 ont mis, selon nos estimations, moins de 30 minutes pour transborder les palettes dans un autre véhicule. Fort heureusement, nous avions injecté dans ce chargement à très forte valeur ajoutée des balises au cœur même des palettes. Moins de 24 heures après les faits, au moment même où les malfaiteurs déchargeaient le fruit de leur larcin, nous recevions plusieurs signaux GPS qui nous ont permis d’orienter les forces de l’ordre. L’ensemble des auteurs a ainsi pu être interpellé. Parmi eux, deux étaient activement recherchés et condamnés à de lourdes peines par contumace.

16Enfin, conformément aux textes en vigueur, nous informons et consultons le Comité d’Entreprise [5] et le Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail [6] préalablement à l’installation et l’utilisation de ces matériels. Afin de rassurer les partenaires sociaux, mais aussi l’ensemble de nos collaborateurs, Eric JACQUEMET ainsi que moi-même avons signé une charte sûreté qui définit de manière non équivoque l’utilisation qui est faite de ces matériels. Si cette démarche a permis de rassurer nos collaborateurs, elle a aussi permis de renforcer nos relations avec les Instances Représentatives du Personnel [7].

La coordination

17Si les moyens humains et matériels engagés sont importants, il était primordial pour que cette organisation soit optimale que notre réactivité en cas d’alerte soit quasi immédiate. En effet, si la qualité des matériels et son déploiement sont importants, il est encore plus important qu’une alarme soit traitée dans un laps de temps record. Nous avons rapidement fait le constat qu’en la matière, nous ne serions jamais mieux servis que par nous-mêmes. Par conséquent, nous avons monté notre propre centre de contrôle afin de superviser l’ensemble de nos équipements et ainsi faire preuve d’une réactivité sans égal.

18Notre centre de contrôle est actif 24/24 heures et 365 jours sur 365 jours. Ce centre de contrôle répond à des normes de sûreté extrêmement strictes. L’accès à ce centre s’effectue par un sas blindé, les murs et fenêtres sont eux aussi blindés, le système de climatisation est indépendant du bâtiment et protégé. D’autres mesures du même type sont mises en œuvre, mais ne peuvent être commentées.

19Les missions du centre de contrôle sont de plusieurs natures :

20D’une part, toutes les détections d’intrusions sont gérées à partir de ce centre. En cas d’alarme intrusion, l’opérateur prend la main sur les caméras vidéo installées dans le centre et procède ainsi à une levée de doute. En cas de levée de doute positive, l’opérateur contacte directement les forces de l’ordre afin de leur faire-part de la situation.

21Dans le cas où l’opérateur rencontrait un problème technique avec la vidéo, il déclenche alors immédiatement une intervention humaine. Pour ce faire, nous nous appuyons sur la société Aquila avec laquelle nous avons un délai moyen d’intervention de 23 minutes. La levée par vidéo, outre son efficacité, nous a permis de réaliser des économies substantielles en matière d’intervention. De plus, notre centre de contrôle dispose d’une baie de télésurveillance en back-up. En cas de paralysie de notre centre de contrôle, l’ensemble de nos installations peut être géré par un prestataire extérieur.

22D’autre part, le centre produit et gère toutes les cartes d’accès qui sont remises à nos collaborateurs et nos partenaires. Les opérateurs gèrent aussi un numéro vert qui est mis à la disposition de tous nos salariés afin qu’ils puissent signaler une situation non conforme. Dans une telle situation et selon sa gravité, cette information est immédiatement transmise aux personnes qui pourront engager les actions correctives. En cas de situation de crise majeure et sur ordre d’Eric JACQUEMET ou de moi-même, le centre de contrôle peut activer notre cellule de crise en contactant tous ses membres. En 2007, notre centre de contrôle a géré plus de 400 incidents.

23Enfin, la dernière mission des opérateurs consiste à effectuer le suivi des véhicules équipés de GPS. Là aussi, ce suivi s’effectue en temps réel. Outre le suivi en temps réel, les opérateurs peuvent, en cas de nécessité et après levée de doute, contacter directement les forces de l’ordre. En matière de vols de camions, cette réactivité est primordiale si nous voulons avoir une chance de retrouver le chargement intact.

24Si cette organisation nous permet d’avoir une coordination sans faille, elle nous permet aussi d’augmenter selon les situations que nous rencontrons notre niveau de sûreté. Nous pouvons, par exemple, surveiller en temps réel une zone sensible, avoir un contact direct et permanent avec un chauffeur qui transporte des marchandises sensibles ou être très réactifs en situation de crise.

25Gérer une crise, c’est l’anticiper. Pour ce faire, nous avons une cellule de crise composée entre autres par les membres du comité de direction de TNT Express France. Si toutes les mesures préventives sont prises, nous avons néanmoins identifié plusieurs typologies de crise qui pourraient impacter de manière significative notre activité. Ces crises vont de l’action terroriste qui pourrait impliquer un de nos avions, à la destruction accidentelle de l’un de nos hubs, ou bien encore à la gestion d’une pandémie grippale. Ces plans de crises font l’objet d’une révision tous les 6 mois ainsi que de tests en grandeur nature. Tous les membres de la cellule ont été formés et connaissent parfaitement leur rôle en cas de crise majeure.

26Comme vous l’aurez compris, le hasard n’a pas sa place au sein de notre organisation, mais, plus qu’une politique sûreté, nous avons su créer une véritable culture de la sûreté. Cette adhésion de la part de nos collaborateurs nous permet d’accroître encore plus notre niveau de sûreté. La sûreté, c’est avant tout l’affaire de tous.