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Article de revue

Le réel du crime : une mère infanticide

Pages 41 à 51

Notes

  • [*]
    Renata Salecl, chargée de recherche à l’université de Ljubljana (Slovénie), professeur à l’université du Michigan (États-Unis). Traduction Annie Bourgois.
  • [1]
    Jacques Lacan, « Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie », Communication pour la xiiie conférence des psychanalystes de langue française, 29 mai 1950, dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 135.
  • [2]
    Ibid., p. 131.
  • [3]
    Ibid., p. 132.
  • [4]
    Plus tard, le sujet tentera de récupérer cette livre de chair en la prélevant sur un autre. Un meurtrier découpe un morceau du corps de sa victime et le conserve parfois. Prendre le scalp ou le cœur de l’ennemi participait de rites culturels guerriers. Lors des guerres récentes, des soldats gardaient un souvenir de leurs victimes, un bout du corps ou un objet symbolique (bijou, journal, portefeuille). Par ce geste, le sujet récupère ce qui lui manque.
  • [5]
    Time Magazine, 28 janvier 2002.
  • [6]
    Elle expliqua sa tentative de suicide comme une façon de se soustraire à l’autorité des voix et des visions. Elle ajouta : « J’avais peur de blesser quelqu’un. Je pensais qu’il était préférable de mourir. »
  • [7]
    Time magazine, le 28 janvier 2002.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Houston Chronicle, le 6 mars 2002.
  • [10]
    New York Times, le 24 février 2002.
  • [11]
    Examinons brièvement comment les différences sociales ont infléchi la perception de ce cas. 1) Un grand nombre de féministes, et particulièrement l’Association des Femmes du Texas, prirent la défense d’Andréa Yates en axant le débat sur l’oppression des mères. Les associations plus conservatrices répliquèrent que, dans la mesure où les femmes ont désormais la possibilité de choisir leur vie, on ne peut plus les considérer exclusivement comme les victimes d’une société oppressive. 2) Certains commentateurs ont souligné que le débat sur la santé mentale en Amérique restait entaché de racisme. Si la question de la folie de « cette petite bourgeoise blanche » a fait l’objet d’un débat, quand il s’agit de Noirs condamnés à mort et manifestant des signes clairs et incontestables de psychose, le problème n’est jamais soulevé. 3) Un large débat, animé par des psychiatres et des psychologues, sur la très légitime question de l’obsession des Américains à l’égard des médicaments psychiatriques et du lobby pharmaceutique s’est ouvert. Certains chercheurs ont même signalé qu’un mélange de médicaments prescrit lors des dernières années aurait pu avoir eu des effets secondaires regrettables et déclencher l’épisode psychotique. On a également dit que l’image de la féminité, différente selon les époques, influencerait le choix des médicaments prescrits. Dans les années 50, on prescrivait volontiers du Valium, supposé permettre d’atteindre l’idéal de la femme d’intérieur passive, alors que, de nos jours où la femme doit rester une travailleuse et une consommatrice énergique, on lui préfère le Prozac. 4) La piètre qualité du traitement psychiatrique qu’Andréa Yates a reçu a suscité un débat public sur l’influence du système d’assurance médicale sur la durée et le type des traitements.
  • [12]
    Houston Chronicle, 8 mars 2002.
  • [13]
    Houston Chronicle, 4 avril 2002.
  • [14]
    People versus Schmidt, 216ny. 324, 110ne.945 (1915).
  • [15]
    abc News.com http// www. belifnet. com// story/ 103/ story-10342. html.

1 En 2002, le meurtre de cinq petits enfants par leur mère texane, Andréa Yates, monopolisa l’attention des médias américains. La presse ne cessait de décrire une mère dévouée entièrement consacrée à l’éducation de ses enfants, cuisinière accomplie, infatigable organisatrice de fêtes familiales, fille exemplaire à l’égard de son vieux père malade, épouse soumise à l’autorité de son mari. La famille était très croyante, adepte des enseignements apocalyptiques du révérend évangéliste itinérant Michael Woroniecki, qui prêchait la fin de notre société de consommation et stigmatisait les mères pécheresses. Les cinq enfants portaient des noms bibliques et les parents étaient prêts à en accueillir autant que Dieu leur en enverrait.

2 Qu’une mère si pieuse puisse se retourner ainsi contre ses enfants et les noyer dans une baignoire bouleversa l’opinion américaine. Après les meurtres, on apprit qu’Andréa Yates avait déjà tout un passé psychiatrique et que sa santé mentale s’était détériorée à chaque accouchement, et plus particulièrement après la naissance de la petite dernière, Mary.

3 L’État du Texas a une approche légale assez réductrice de la folie qui requiert simplement que l’accusé sache distinguer le bien du mal. Dans la mesure où Andréa Yates avait elle-même appelé la police après son crime, il fut facile au procureur d’affirmer qu’elle savait que son acte était illégal. Bien que les experts psychiatres des deux parties s’accordassent sur un diagnostic de psychose sévère, celui de l’accusation maintint qu’Andréa était capable de distinguer le bien du mal. À l’issue d’une courte délibération, le jury reconnut la culpabilité d’Andréa et prononça une peine de réclusion à perpétuité.

4 De nos jours, la justice tient compte des expertises psychiatriques. Toutefois, le cas d’Andréa Yates montre qu’alors même que les psychiatres des deux parties diagnostiquent une psychose, leur appréciation des capacités du sujet à distinguer le bien du mal peut varier radicalement. Ces dernières années, on a vu la psychiatrie s’émanciper de la psychanalyse et chercher à s’imposer comme une science capable de trouver les causes physiques de la maladie mentale (par exemple, dans les gènes) et de proposer des remèdes appropriés. Or, l’appréhension qu’un sujet a de la loi et, surtout, la différence qu’il établit entre le bien et le mal dépendent de mécanismes conscients et inconscients extrêmement complexes. Grâce à la compréhension qu’elle a de ces mécanismes, il est probable que la psychanalyse serait plus à même de contribuer au jugement pénal que la psychiatrie.

5 En essayant d’analyser pourquoi Andréa Yates pouvait tout à la fois connaître la différence entre le bien et le mal et soutenir que ce qu’elle avait fait était bien, je voudrais montrer comment l’approche psychanalytique de la psychose peut nous permettre de comprendre la question de l’infanticide. Si la loi juge le psychotique en fonction de sa capacité à distinguer le bien du mal, le fait qu’il puisse faire cette distinction tout en soutenant que son crime était juste peut la dérouter. Si la loi s’appuie sur l’idée que le sujet se sent coupable et s’interroge toujours sur l’adéquation de sa conduite aux normes, un psychotique qui saurait ce qui est bien ne peut manquer de la troubler.

Psychanalyse et criminologie

6 Lacan soutenait que la psychanalyse permettrait de résoudre « […] un dilemme de la théorie criminologique : en irréalisant le crime, elle ne déshumanise pas le criminel. Bien plus, par le ressort du transfert, elle donne cette entrée dans le monde imaginaire du criminel, qui peut être pour lui une porte ouverte sur le réel [1] ». Que faut-il entendre par irréaliser le crime ? Distinguons avec Lacan les crimes symboliques et les crimes réels. Les crimes symboliques peuvent aller d’une tentative de suicide par un névrosé à la kleptomanie, ou encore aux faux aveux d’un innocent. Lacan affirme que ces conduites s’éclairent à la lumière de l’œdipe. « Mais ce qui les distingue comme morbides, c’est leur caractère symbolique. Leur structure psychopathologique n’est point dans la situation criminelle qu’elles expriment, mais dans le mode irréel de cette expression [2]. » Ceci ne signifie pas que certains de ces crimes ne se réalisent pas, mais qu’ils avaient une signification symbolique pour leur auteur. Ensuite, Lacan complexifie le lien entre crime symbolique et crime réel en prenant le cas d’une situation de guerre où une femme est violée en présence d’un homme plus vieux réduit à l’impuissance. Ceci est un crime réel bien qu’il emprunte une forme œdipienne. Ce n’est pas l’individu qui en est responsable mais le groupe. Lacan conclut par ces mots : « […] les structures de la société sont symboliques ; l’individu en tant qu’il est normal s’en sert pour des conduites réelles ; en tant qu’il est psychopathe, il les exprime par des conduites symboliques [3] ». Lacan devait complexifier encore la distinction entre réel et réalité en montrant que la perception qu’a un sujet de la réalité intègre toujours un scénario fantasmatique qui recouvre le manque ou l’incohérence qui marquent la structure symbolique sociale. Ce manque est le noyau non symbolisable que Lacan appelle le réel. Un sujet névrosé normal perçoit la réalité différemment d’un psychotique. Alors que le névrosé structure son monde par le fantasme qui recouvre le manque, dans la psychose, le réel fait irruption sous la forme d’une voix ou d’un regard persécuteurs qui hantent le sujet et troublent radicalement sa perception du réel. Souvent, le psychotique commet un crime pour se débarrasser de la voix ou du regard et modifier sa perception du réel. C’est parfois un autre qui est perçu comme persécuteur, ce qui peut conduire le sujet psychotique à des actes d’une grande brutalité, voire à des meurtres.

7 Essayons d’abord de comprendre ce qui fait qu’un être humain est perçu comme dangereux par le sujet. La psychanalyse invoque la notion de l’Autre qui désigne aussi bien un autre être humain que l’Autre du langage, c’est-à-dire l’ordre symbolique social. Alors que Freud s’intéressa plutôt aux raisons qui rendraient la rencontre avec l’autre – et plus particulièrement avec les parents – traumatisante, Lacan a orienté sa recherche vers les causes structurelles des traumatismes. La rencontre avec l’Autre du langage provoque un type de traumatisme qu’il appelle « troumatique ». Ce qui perturbe le sujet dans cette rencontre, c’est le manque dans l’Autre, le fait que l’Autre ne soit pas tout, qu’il soit incohérent.

8 Deux autres types d’horreur vont surgir. D’un côté, l’incohérence de l’Autre horrifie le sujet et, dans une certaine mesure, affecte sa relation à la loi. Le sujet névrosé ne cessera de se plaindre de l’impuissance des autorités, de l’incohérence des lois, il se sentira menacé parce que personne ne semble contrôler quoi que ce soit. De l’autre côté, le sujet a souvent le sentiment qu’il y a un Autre qui a dérobé la jouissance, qu’il existe quelque part une autorité suprême qui ne connaît pas le manque et est donc capable d’une jouissance dont les autres sont privés. Dans sa relation à l’Autre du langage, le sujet perd quelque chose. Dès son origine, la psychanalyse a conçu la naissance comme un processus traumatisant au cours duquel le sujet rencontre une perte qu’on interprétera soit comme perte de l’abri du ventre maternel, soit comme perte d’une partie du corps – le placenta. Les premières théories de l’angoisse s’interrogeaient pour savoir si l’origine de l’angoisse du sujet coïncidait avec la naissance. Pour Otto Rank, la naissance était la première expérience traumatisante anxiogène du sujet. Freud contesta cette thèse en signalant qu’à la naissance le sujet n’est pas encore concerné par la question de la perte de l’objet qui ne surgira que plus tard dans ses relations avec la mère ou toute autre personne nourricière. Lacan interprète la perte que le sujet expérimente en naissant comme perte structurelle. Dès que le sujet est marqué par le langage, il devient marqué par le manque. Alors que la perte est purement symbolique, le sujet la perçoit comme la perte d’un morceau de chair. Lacan dit qu’en entrant dans l’ordre symbolique, le sujet semble sacrifier une livre de chair [4].

9 Si la psychanalyse a d’abord centré ses recherches sur le traumatisme de la naissance, elle tend désormais à s’intéresser au traumatisme que représente l’accouchement pour la mère et plus particulièrement aux dépressions postnatales. En naissant, le sujet perd la protection de l’utérus, mais la mère aussi vit la naissance de son enfant en terme de perte. Lacan remarque que le sujet mélancolique confond perte et manque. Par son attachement mélancolique à l’objet perdu, il résout le problème du manque. Le sujet qui tombe dans une profonde mélancolie après un accouchement trouve peut-être dans le retrait mélancolique une solution à son manque. Toutefois, en faisant le deuil du fœtus, la mère dénie le manque et le vit comme une simple perte. Les débats récents sur la dépression post-partum ont porté sur l’angoisse que suscite l’accouchement chez la mère. Il semblerait que ce soit la dépression ou l’angoisse qui poussent parfois la mère à se débarrasser du bébé à la naissance. Peut-on reconnaître la même logique quand une mère tue ses enfants plus âgés ? Quelle angoisse est susceptible de précipiter de tels actes ?

L’infanticide

10 L’infanticide est le meurtre le plus difficile à comprendre. C’est l’horrible histoire de Médée qui se répète, avec cette même violence insupportable infligée par une mère à ses enfants. Quand on les compare, le crime d’Œdipe pâlit devant celui de Médée. Œdipe ne savait pas ce qu’il faisait, Médée, en revanche, agit par calcul, elle sait que sacrifier ses enfants est le plus sûr moyen de blesser Jason. Après son crime, Œdipe s’énuclée car il est horrifié, Médée, quant à elle, n’éprouve aucun remords. Même de nos jours, les cas d’infanticide les plus odieux sont ceux commis par des mères qui n’en conçoivent aucune culpabilité. Andréa Yates a choqué l’Amérique précisément par son absence de remords, sa froide préméditation et surtout par la certitude d’avoir agi pour le bien.

11 Examinons ce qui a pu précipiter un tel acte. Les problèmes psychologiques d’Andréa Yates datent de la naissance de son quatrième enfant. À partir de ce moment, elle s’absente de plus en plus, « restant des jours entiers au lit, elle s’arrache des cheveux à force de se gratter le crâne, elle s’acharne sur des plaies dans son nez. Elle se griffe les jambes et les bras avec une silencieuse obsession [5] ». Elle a des visions et entend des voix. Elle entend une voix qui lui dit de prendre un couteau. Elle eut sa première vision d’un couteau et d’une personne poignardée après la naissance de son premier enfant, puis de nouveau après la naissance du quatrième avec l’issue que l’on sait. Elle pensait que les psychotropes étaient des sérums de vérité et détestait perdre son self-control sous leur emprise. Pour se débarrasser des voix, elle tenta de se suicider, fut hospitalisée et mise sous antidépresseurs. Elle ne reçut aucun traitement psychiatrique sérieux, quitta l’hôpital et cessa de prendre ses médicaments [6].

12 Andréa Yates avait dans la vie deux attachements puissants : le premier pour son père malade et le second pour le pasteur Michael Worniecki qui lui exposait ses thèses religieuses extrémistes dans les lettres qu’il lui adressait. Dans l’une d’elles, il écrivit que le rôle de la femme résulte du péché d’Ève et que les mauvaises mères enfantent de mauvais enfants. À la mort de son père, l’état d’Andréa se détériora rapidement : « Elle s’abîma dans la lecture de la Bible… Elle portait constamment le bébé sans toutefois le nourrir. Elle cessa de parler. Elle passait des journées entières sans boire. Elle recommença à se gratter le cuir chevelu jusqu’à se faire de larges plaques chauves. Après une brève hospitalisation au cours de laquelle on lui administra des antipsychotiques, le psychiatre autorisa la sortie sur cette parole optimiste : “Soyez positive [7] !”. » Lors de l’entretien avec les psychiatres, elle laissa tranquillement son mari parler sans jamais manifester la moindre envie de vouloir sortir de son silence.

13 Le 20 juin 2001, Andréa attendit le départ de son mari pour son travail et, après le petit déjeuner, elle noya ses cinq enfants l’un après l’autre dans la baignoire. Elle déposa leurs cadavres sur le lit, posant les mains des garçons autour du bébé Mary, puis elle appela la police. Elle dit aux policiers qu’elle n’avait aucune haine pour ses enfants, qu’elle ne leur en voulait pas. Elle les avait tués parce qu’ils ne se développaient pas correctement. Elle reconnut qu’elle y pensait depuis deux ans, depuis qu’elle avait compris qu’elle n’était pas une bonne mère. « Plus tard, elle dit aux docteurs de la prison que sa conviction d’être une mauvaise mère était absolue. La mort de ses enfants était sa punition, pas la leur. Elle expliqua que tuer ses enfants était l’acte de pitié ultime d’une mère. La Bible ne dit-elle pas qu’il vaut mieux jeter celui qui risque d’entraîner la chute de plus faibles dans la mer avec une meule autour du cou ? Or elle avait failli comme mère. » Afin d’apporter la preuve que le diable la possédait, elle demanda aux docteurs de lui raser la tête afin de découvrir le nombre 666 – marque de l’antéchrist – sur son crâne. Elle demanda également qu’on lui coupe les cheveux en forme de couronne, ce qu’on interpréta comme une tentative de gagner le pardon de Jésus [8].

14 Alors que le procureur affirmait que l’accusée savait que ce qu’elle faisait était un péché et donc illégal, Andréa, quant à elle, ne cessa de clamer, lors de ses entretiens avec les psychiatres de la prison, que tuer ses enfants était la chose à faire : puisque Satan l’avait repérée, sa seule façon de les sauver était de les tuer. Andréa Yates leur dit : « C’était le septième péché mortel. Mes enfants étaient mauvais. Par ma faute. Avec moi, ils ne pouvaient pas être sauvés… Mieux valait les jeter à l’eau avec une meule autour du cou plutôt que de les voir sombrer dans le péché. Ils étaient condamnés. » Puis elle s’écria : « J’ai été bête, j’aurais dû n’en tuer qu’un pour accomplir la prophétie. Pourquoi n’ai-je pas offert Mary [9] ? » Le psychiatre rapporta au New York Times qu’elle ajouta : « Je mérite d’être punie. Je suis coupable [10]. » Il importe de noter ici qu’en la punissant, l’État allait détruire Satan.

15 Les associations de femmes américaines, ainsi que des femmes célèbres, ont profité de ce cas pour dénoncer la solitude, l’isolement et la détresse des mères et démystifier l’image d’Épinal de la bonne mère comblée par le bonheur de ses enfants [11]. Ce cas de psychose révéla les dessous pathologiques de l’image très répandue de la maternité épanouie, ainsi que l’ambivalence des sentiments que même les mères dites normales peuvent avoir à l’égard de leurs enfants.

16 Désormais, le discours féministe voit dans le cas d’Andréa Yates un symptôme terrifiant qui révèle la face cachée de l’idéologie conservatrice et montre comment un fondamentalisme ancré dans la crainte de Dieu et couplé à l’amour protecteur d’une mère dévouée a pu déclencher une violence aussi dévastatrice. Toutefois, la dénonciation de la représentation de la femme dans la religion fondamentaliste et du stress provoqué par la maternité conduirait à tort à imputer l’acte d’Andréa à une idéologie conservatrice. La psychanalyse nous enseigne clairement qu’aucun événement extérieur, aucune idéologie ne sont susceptibles de déclencher une psychose à moins qu’une structure psychotique ne soit déjà en place.

17 Comment expliquer qu’une idéologie, en l’occurrence le fondamentalisme chrétien dans le cas d’Andréa Yates, ne puisse pas déclencher une psychose ? Remarquons tout d’abord que le psychotique se situe hors des relations sociales normales, ce qui implique qu’il est hors la loi. Dans la mesure où la loi symbolique n’a pas opéré dans le développement du psychotique, ce dernier ne ressent pas le manque et ne réalise pas que l’Autre est manquant. C’est ce qui explique que le psychotique ait une relation extérieure à la loi. Contrairement à l’hystérique qui ne cesse de se demander si la loi est juste ou cohérente, le psychotique n’entretient aucun doute de ce type. Un psychotique peut être religieux mais, en fait, il ne croit en rien, car il produit ses propres réponses. Tandis que l’hystérique ne cesse de se demander ce que Dieu veut, comment Dieu le perçoit, le psychotique a des certitudes. Il connaît le message de Dieu. Il y a une certaine naïveté psychotique pour qui l’Autre est toujours celui qui exerce la maîtrise, persécute et contrôle ses pensées. Lorsqu’elle explique les raisons de son acte, Andréa Yates témoigne de cette certitude psychotique. Elle n’a pas le moindre doute quant à ce danger satanique dont elle voulait protéger ses enfants. Elle n’exprime aucun remords et, même quand elle reconnaît sa culpabilité, elle le fait avec une certaine innocence, convaincue qu’elle, la mauvaise mère, voulait simplement éviter un danger réel : Satan. Le fait qu’elle ait pu appeler la police et avouer tranquillement son crime a beaucoup intrigué les médias. Toutefois, rapporté à ce qui vient d’être dit des relations que le psychotique entretient avec la loi, son geste n’a rien de surprenant. Le psychotique peut parfaitement connaître la loi sans toutefois avoir intériorisé l’interdiction comme l’a fait le névrosé. Ce dernier ne cesse de se demander ce qui est permis ou non, il est capable de se sentir coupable de crimes dont il est innocent, voire même de commettre un crime pour tester la loi. Le psychotique, au contraire, ne cherchera pas à savoir si la loi est cohérente ou pas, il la perçoit comme un mécanisme extérieur qui ne le touche pas personnellement.

18 Dans sa croyance religieuse paranoïaque, Andréa considérait la loi comme une force positive susceptible de l’aider à se libérer de l’emprise de Satan. Dans cette perspective, il est presque pathétique qu’elle en soit arrivée à croire que l’État pouvait pratiquer une sorte d’exorcisme et que George Bush était le sauveur qui, en la punissant, la libérerait de Satan. Puisque les Écritures nous enseignent que le gouvernement est un ministère divin, alors l’État qui la condamnait la purifiait du mal qu’elle avait en elle.

19 Si on s’intéresse à l’aspect pénal du cas, il est tout aussi pathétique de constater que le docteur Park Diaz, engagé par l’accusation pour démontrer qu’Andréa distinguait le bien du mal, ait pu dire qu’elle ne s’était pas comportée comme il s’y attendait de la part d’une mère qui voulait sauver ses enfants de l’Enfer : « Elle ne leur a pas dit qu’ils allaient retrouver Jésus, elle ne les a pas consolés [12]. » La défense nota également que le docteur Diaz estimait qu’elle avait pu être influencée par une émission de télévision, « Loi et ordre », traitant du cas d’une femme qui avait noyé ses enfants et avait été acquittée pour folie. Quelques jours après la sentence, on apprit que l’émission n’avait pas été diffusée [13]. Ce témoignage peu fiable a pu influencer les jurés, mais deux autres facteurs ont joué : l’identification à l’image de la mère et à la religion.

20 La nature conflictuelle des relations d’une mère à ses enfants est difficile à admettre. Même Freud suggéra que l’amour maternel ne connaissait pas ce mélange d’amour et de haine présent dans toutes les autres relations amoureuses. La psychanalyse postfreudienne a toutefois souligné le caractère ambivalent de l’amour maternel. Cette ambivalence ne doit pas nous inquiéter. Si les enfants étaient exclusivement objets d’amour ou de haine, alors, en effet, ils pourraient avoir des problèmes. Mais l’ambivalence des sentiments maternels ouvre paradoxalement un espace qui permet aux enfants de prendre leurs distances et de gagner ainsi une certaine autonomie. Si l’opinion américaine eut du mal à comprendre comment il était possible qu’une mère aimante tue ses enfants, il lui fut également difficile de comprendre le rôle que la religion avait joué dans cette affaire. La plupart des commentateurs qui, au moment du procès, estimaient que Andréa Yates ne s’en sortirait pas par des raisons psychiatriques rappelaient que, dans un pays aussi religieux que l’Amérique, l’idée que des sentiments religieux puissent être trompeurs serait inacceptable. À cet égard, il n’est donc pas surprenant qu’au cours du procès on n’ait pas recouru au test M’Naghten qui permet de savoir si des visions religieuses sont symptomatiques d’une folie ou pas. Déjà, en 1915, la justice américaine se demandait comment juger une personne qui dit avoir tué parce que Dieu le lui a ordonné. Dans le cas d’un homme qui avait tué une femme après avoir entendu la voix de Dieu exigeant un sacrifice, le juge Benjamin Cardozo avait formulé « la doctrine du décret divin [14] ». Cette doctrine critique le test M’Naghten dans la mesure où la seule question qu’il permet de trancher touche à la capacité du sujet à distinguer ce qui est licite ou pas, et non ce qui est moral ou pas. Le juge Cardozo appuie ses conclusions sur l’exemple suivant : « Une mère tue son bébé auquel elle était très attachée. Elle reconnaît la nature de son acte, elle sait que la loi la condamne, mais elle est inspirée par la folle illusion que Dieu lui est apparu et lui a ordonné le sacrifice. Il serait absurde de prétendre qu’elle a conscience du mal qu’elle a commis. » Dans l’histoire du droit américain, le juge Cardozo a un statut de saint. Il est perçu comme l’incarnation de la vertu et de la bienveillance et on l’a comparé à saint Paul, saint François et Thomas More. Dans le cas cité, il conclut que l’accusée était folle et qu’il serait inhumain de la tenir pour responsable. Donc, si l’on suit la logique de cette doctrine, un accusé qui est capable de reconnaître que son acte était illégal mais qui, sous l’influence d’une croyance religieuse, est convaincu qu’il a agi pour le bien, doit être reconnu malade et ne peut être condamné. Toutefois la justice a rarement fait appel à cette doctrine. Certains en ont conclu qu’« il n’existe pas beaucoup de mères dévouées ou de pères affectueux qui aient entendu Dieu leur ordonner de sacrifier leurs enfants ou qui s’exécutent ».

Que dirait la psychanalyse du crime d’Andréa Yates ?

21 En ce qui concerne la relation du sujet à la loi, on remarque des différences très nettes dans les cas de névrose, de perversion et de psychose. Tandis que le névrosé, qui a été marqué par le manque (celui de la castration), doute de la cohérence de la loi et se sent coupable à l’égard des interdits et du surmoi, le pervers tente de s’approprier la loi et de la manipuler pour achever la castration qui n’a pas abouti pour lui. Ainsi le masochiste, par exemple, qui aime à établir un contrat avec une maîtresse pour qu’elle le punisse. Souvent le pervers commettra un crime et s’arrangera pour être pris afin, par son geste, de rendre la loi effective. Le psychotique, lui, ne cherche pas la punition pour soulager sa culpabilité, comme le fait le névrosé, pas plus qu’il ne cherche à rendre la loi efficace comme le souhaite le pervers. Lorsque le psychotique cherche la punition, c’est avec l’espoir que la loi va l’aider à lutter contre le persécuteur. Même s’il peut lui arriver de l’utiliser, il ignore la loi et ne connaît pas son pouvoir punitif.

22 Il est significatif que l’état d’Andréa Yates se soit détérioré radicalement après la mort de son père. On sait peu de chose sur cet homme en dehors de son état dépressif et de sa maladie d’Alzheimer. Il semblerait que l’un des frères d’Andréa souffrait de désordre bipolaire et qu’il y ait d’autres cas attestés de maladie mentale dans sa famille. On peut également se demander si le sexe du dernier enfant eut pour elle une signification particulière. D’après ce que dit son mari, il apparaîtrait qu’il s’attendait à avoir d’abord assez de garçons pour former une équipe de basket, et seulement après une fille. La naissance d’une fille affecta-t-elle alors Andréa ? Pourquoi regretta-t-elle de n’avoir pas sacrifié uniquement cette enfant ? Alors que la religion ne peut pas déclencher une psychose, nous ne devons pas oublier la relation transférentielle qui l’unissait à son mentor, Michel Woroniecki, qui annonçait la fin du monde. « Nous allons en enfer ; Dieu se fiche bien de notre petit monde opulent égoïste [15]. » D’après la psychanalyse, il est bien connu qu’existe ce qu’on appelle « la folie à deux » – une forme de folie dans laquelle l’un copie l’acte d’un autre. Toutefois, Woroniecki n’a pas commis l’acte qu’Andréa aurait copié. Il n’est pas impossible que Woroniecki soit lui-même halluciné mais, à la différence d’Andréa Yates, il est parvenu à socialiser sa folie, à en faire une religion.

23 La relation de la mère à l’enfant implique souvent un scénario fantasmatique qui médiatise son désir. Elle forge une histoire autour de ce plus que l’enfant possède et que la psychanalyse nomme l’objet petit a – objet qui compense le manque qui marque le sujet. Dans la psychose, un tel scénario n’existe pas : dans la mesure où l’objet a n’a pas été exclu du symbolique, nul fantasme n’a été convoqué pour combler le manque. On assiste, en revanche, au retour du réel, comme si l’objet du fantasme maternel surgissait dans le réel. Quand cet objet se matérialise sur le corps de l’enfant, confrontée à la relation directe avec l’objet qui s’impose alors, la mère peut vouloir le détruire.

24 Comment une telle destruction de l’enfant peut-elle s’apparenter à l’amour ? Une célèbre caractérisation de l’amour chez Lacan est la suivante : « Je t’aime, mais, parce qu’inexplicablement j’aime en toi quelque chose plus que toi – l’objet petit a, je te mutile. » Tout amour comprend cette structure fantasmatique que le sujet élabore à propos de ce quelque chose dans l’Autre qui est plus que lui. Mais tandis que le névrosé s’hystérise autour de cette chose sublime dans l’Autre ou de ce que l’Autre veut de lui ou juge à son propos, le psychotique ignore ces dilemmes. La mère névrosée va s’interroger longuement pour savoir ce que ses enfants attendent d’elle, si elle fait bien, si elle est une bonne mère, comment la société va la juger, etc. Rien de tel chez la mère psychotique qui, elle, a des certitudes. Andréa Yates sait pertinemment qu’elle est une mauvaise mère et doit protéger ses enfants de sa propre influence. Qu’en est-il de l’amour psychotique ? Le psychotique est-il capable d’aimer ? Lacan a dit que toute énamoration avait un caractère psychotique. Les premiers temps, le sujet va, dans une sorte de délire, agrandir l’autre et lui attribuer l’objet a. Ce délire n’empêchera toutefois pas le névrosé de se demander comment l’autre le ressent, ce qu’il représente pour lui, tandis que le psychotique est celui qui persistera à avoir une relation spéciale avec cet objet dans l’autre, objet qui devient, en fait, son partenaire. Dans le délire psychotique, l’Autre – que l’on désigne ainsi l’Autre du langage ou un simple être humain – perd son identité et assume la forme spectrale de la voix ou du regard persécuteurs. Le persécuteur devient alors une image, ou un autre avec qui n’existe pas d’autre relation qu’agressive ou érotique, sans médiation symbolique. Une telle érotisation était à l’œuvre dans le célèbre cas du Président Schreber qui, dans son délire, crut qu’il était devenu la femme de Dieu.

25 Cette rencontre du psychotique avec l’Autre jouissant ou désirant peut être traumatique et le pousser à commettre des crimes sans motifs apparents. Toutefois, il arrive assez souvent que le psychotique tente de se retrouver dans l’image de l’Autre et qu’il existe une certaine transitivité dans la violence qu’il lui inflige. Dans le cas d’Andréa, cet autre jouissant était Satan, mais, comme elle se croyait possédée par lui, elle en devint le double. Lorsqu’elle se grattait le crâne pour dévoiler le nombre 666, il est clair qu’elle voulait tout à la fois révéler l’Autre dangereux en elle et le détruire. Ses deux tentatives de guérison confirment son désir de se débarrasser de l’Autre persécuteur.

26 Quel rôle ont joué ses enfants dans son délire ? On peut légitimement supposer qu’elle les aimait sincèrement et que par sa tentative de se débarrasser de l’Autre terrifiant – Satan – elle espérait trouver au paradis une place plus sûre pour eux que sur terre. Dans la mesure où Andréa Yates avait une absolue certitude quant au bien-fondé de sa conduite, elle ne pouvait s’embarrasser des lois humaines qu’elle transgressait – seules lui importaient les lois divines.

27 Il est intéressant de comparer les cas où des femmes tuent leurs enfants avec ceux où ce sont des hommes qui commettent de tels actes. La société est plus indulgente à l’égard de ces derniers et leur trouve des excuses dans l’alcool, le stress ou la dépression résultant de problèmes conjugaux. Le peu d’attention que les médias ont accordé au cas récent d’un Californien, Adair Garcia, qui a tué cinq de ses six enfants en les brûlant sur un barbecue avant de tenter de se suicider, est surprenant. Les médias semblaient imputer sa dépression au départ de sa femme, mais ils n’ont pas cherché outre mesure à expliquer son absence d’émotion lorsqu’il est sorti du coma à l’hôpital. La dépression est devenue un concept fourre-tout convoqué pour expliquer toutes sortes de crimes. Ainsi, alors que le cas Andréa tournait à l’obsession nationale, on a conclu l’affaire Garcia en remarquant simplement qu’un homme abandonné peut perdre les pédales.

28 Alors que je cherchais des informations sur Internet pour écrire cet article, je m’aperçus que plus personne ne pouvait ignorer le moindre détail de la vie privée d’Andréa Yates. On trouve des sites sur ses enfants morts, des photos de leur enterrement, des chapitres des livres consacrés à Andréa, des témoignages de personnes qui l’ont connue et, plus choquant encore, les rapports psychiatriques scannérisés. En cherchant mieux, je suis persuadée qu’on pourrait même trouver des sites avec les photos des cadavres et des vêtements qu’ils portaient le jour où ils furent noyés, que l’accusation avait fait circuler pendant le procès avec ravissement. Quelle est la logique d’un tel voyeurisme ? Est-ce que la passion pour les reality shows a trouvé, dans la violence la plus réelle, à satisfaire le goût du public pour les crimes les plus horribles ? Ou bien, doit-on y voir le désir d’atteindre la vérité de son acte, en cherchant dans les moindres recoins de la vie d’Andréa ?

29 Si, par miracle, Andréa cessait d’être cette femme silencieuse qui est parlée par les autres (son mari, les psychiatres, etc.), parviendrions-nous à mieux la comprendre ? Michel Foucault cite le cas d’un homme qui plaida coupable devant le tribunal. À la question du juge, l’accusé répondit qu’il n’expliquerait pas ses motifs mais acceptait d’être puni pour ses crimes. À ce moment, le juge perdit patience et déclara : « Mais la loi ne peut pas punir si vous ne dites pas pourquoi vous avez agi comme cela. » Foucault en conclut que, de nos jours, la loi ne peut plus fonctionner si le sujet refuse de se livrer et de confesser ses motifs et ses conflits intimes. Dans cette quête de la confession, la loi peut-elle juger le psychotique ? Il peut parfaitement admettre son crime et même chercher la punition comme Andréa Yates, expliquer ses motifs (par exemple être possédé par Satan), clamer que ce qu’il a fait était juste. À sa façon, il sait ce qui est bien ou non, mais, confiant dans ce savoir, il ne suit pas les règles convenues qui distinguent le bien du mal. Et comme ce sujet n’a pas été barré par la loi symbolique, il n’éprouve aucune angoisse devant la justice.

30 Les tribunaux déclarent souvent sain d’esprit un psychotique pour répondre au désir de punition du public. Cela peut procurer une certaine satisfaction chez le psychotique. Il est tout à fait possible qu’Andréa Yates ait pu vivre sa sentence comme la preuve que Satan existe vraiment et que l’État pouvait l’exorciser.

Notes

  • [*]
    Renata Salecl, chargée de recherche à l’université de Ljubljana (Slovénie), professeur à l’université du Michigan (États-Unis). Traduction Annie Bourgois.
  • [1]
    Jacques Lacan, « Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie », Communication pour la xiiie conférence des psychanalystes de langue française, 29 mai 1950, dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 135.
  • [2]
    Ibid., p. 131.
  • [3]
    Ibid., p. 132.
  • [4]
    Plus tard, le sujet tentera de récupérer cette livre de chair en la prélevant sur un autre. Un meurtrier découpe un morceau du corps de sa victime et le conserve parfois. Prendre le scalp ou le cœur de l’ennemi participait de rites culturels guerriers. Lors des guerres récentes, des soldats gardaient un souvenir de leurs victimes, un bout du corps ou un objet symbolique (bijou, journal, portefeuille). Par ce geste, le sujet récupère ce qui lui manque.
  • [5]
    Time Magazine, 28 janvier 2002.
  • [6]
    Elle expliqua sa tentative de suicide comme une façon de se soustraire à l’autorité des voix et des visions. Elle ajouta : « J’avais peur de blesser quelqu’un. Je pensais qu’il était préférable de mourir. »
  • [7]
    Time magazine, le 28 janvier 2002.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Houston Chronicle, le 6 mars 2002.
  • [10]
    New York Times, le 24 février 2002.
  • [11]
    Examinons brièvement comment les différences sociales ont infléchi la perception de ce cas. 1) Un grand nombre de féministes, et particulièrement l’Association des Femmes du Texas, prirent la défense d’Andréa Yates en axant le débat sur l’oppression des mères. Les associations plus conservatrices répliquèrent que, dans la mesure où les femmes ont désormais la possibilité de choisir leur vie, on ne peut plus les considérer exclusivement comme les victimes d’une société oppressive. 2) Certains commentateurs ont souligné que le débat sur la santé mentale en Amérique restait entaché de racisme. Si la question de la folie de « cette petite bourgeoise blanche » a fait l’objet d’un débat, quand il s’agit de Noirs condamnés à mort et manifestant des signes clairs et incontestables de psychose, le problème n’est jamais soulevé. 3) Un large débat, animé par des psychiatres et des psychologues, sur la très légitime question de l’obsession des Américains à l’égard des médicaments psychiatriques et du lobby pharmaceutique s’est ouvert. Certains chercheurs ont même signalé qu’un mélange de médicaments prescrit lors des dernières années aurait pu avoir eu des effets secondaires regrettables et déclencher l’épisode psychotique. On a également dit que l’image de la féminité, différente selon les époques, influencerait le choix des médicaments prescrits. Dans les années 50, on prescrivait volontiers du Valium, supposé permettre d’atteindre l’idéal de la femme d’intérieur passive, alors que, de nos jours où la femme doit rester une travailleuse et une consommatrice énergique, on lui préfère le Prozac. 4) La piètre qualité du traitement psychiatrique qu’Andréa Yates a reçu a suscité un débat public sur l’influence du système d’assurance médicale sur la durée et le type des traitements.
  • [12]
    Houston Chronicle, 8 mars 2002.
  • [13]
    Houston Chronicle, 4 avril 2002.
  • [14]
    People versus Schmidt, 216ny. 324, 110ne.945 (1915).
  • [15]
    abc News.com http// www. belifnet. com// story/ 103/ story-10342. html.
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