Les stratégies de contournement du niveau communautaire et de ré-étatisation, qui prévalent dans l’Union européenne en matière de libre circulation des personnes depuis les années 1980, ont vu le jour sous la forme de « traités séparés » (accord initial de Schengen, convention de Schengen, convention de Dublin) ou, après le traité de Maastricht en 1993, ont été intégrées au sein d’un troisième pilier intergouvernemental. Elles ont débouché sur un régime de plus en plus favorable au contrôle des mobilités, souvent au nom de préoccupations sécuritaires, au détriment de la liberté de circulation, tant intérieure qu’extérieure, initialement voulue par la Commission.
Pour autant, cette ré-étatisation ne s’est pas toujours faite au profit de logiques de retour à la souveraineté individuelle des États membres. Elle est davantage passée par le biais de logiques de mise en commun de souverainetés (pooling of sovereignty), suivant généralement le principe de la « reconnaissance mutuelle » par laquelle, à l’image de ce qui fut initialement fait pour le marché intérieur des biens, la logique d’harmonisation est sacrifiée à la libre circulation de décisions souveraines des États membres. À quoi, il faut ajouter les jeux politiques entre une Europe pleinement intégrée conçue comme un espace de contrôle unique et une Europe ayant autant d’espaces d’application de ses décisions que de pays membres. De ce point de vue, la tendance dans les dernières décennies a été favorable au deuxième terme de l’alternative malgré les volontés inverses qui se faisaient jour au sein de la Commission…