Notes
-
[1]
Ce que l’on appelle en français « œuvres» correspond aux « gesammelte Werke» ou « collected works», littéralement « œuvres collectées» ou « œuvres choisies», et les « œuvres complètes» correspondent aux « sämtliche Werke» ou « complete works». Si le français tend parfois à utiliser à tort la locution « œuvres complètes», celles-ci sont, en fait, très souvent incomplètes, en particulier pour les auteurs ayant laissé un Nachlass dont des extraits sont sélectionnés pour publication. J’utiliserai seulement « œuvres».
- [2]
-
[3]
Citons, notamment, [Barrow-Green 2006], [Bret, Chatzis et al. 2008], [Remmert & Schneider 2008, 2010], [Brechenmacher 2010], [Verdier 2009], [Peiffer, Conforti, et al. 2013] et [Rollet & Nabonnand 2013].
-
[4]
Sauf indication contraire, les traductions sont les miennes.
-
[5]
Voyez par exemple [Netz 1998, 2012], [Chemla 1999, 2005], [Saito & Sidoli 2012], [Vitrac 2012].
-
[6]
Sur les sens que prend un texte mathématique selon ses lecteurs, voyez [Goldstein 1995].
-
[7]
Les Nachlässe de Riemann et Dedekind sont conservés à la Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek Göttingen, et référencés respectivement [Cod. Ms. Bernhard Riemann], et [Cod. Ms. Richard Dedekind]. En revanche, il a été impossible de localiser le Nachlass de Weber [Scheel 2014, 16] et communications personnelles.
-
[8]
Dedekind a aussi publié les Vorlesungen über Zahlentheorie [Leçons de théorie des nombres] de Lejeune-Dirichlet [Lejeune-Dirichlet 1863] et participé à l’édition des œuvres de Gauss.
-
[9]
On pourra, à ce sujet, se référer à [Cahn 1997, 2005], [Remmert & Schneider 2010] et [Ehrhardt 2011].
-
[10]
Ces documents sont dans le Nachlass de Riemann [Cod. Ms. Riemann].
-
[11]
Ces recherches ont été publiées dans [Sinaceur 1990].
-
[12]
Notamment son manuel Lehrbuch der Algebra, ses travaux en théorie des groupes et ce que l’on appelle aujourd’hui théorie des corps de classe.
-
[13]
Par exemple, dans [Weber 1870], il tente de prouver le « principe de Dirichlet» et explique vouloir « compléter, à certains endroits vulnérables, la preuve qui était plus suggérée que menée par Riemann» [Weber 1870, 29].
-
[14]
[Weber 1877b]. C’est la seule recension française que j’ai trouvée pour la première édition des œuvres de Riemann. Je cite la version française.
-
[15]
Les notes de fin sont clairement identifiées comme étant de la main des éditeurs. Cependant, certaines des notes de bas de page, dans les textes mêmes sont également des ajouts des éditeurs, et ne sont pas toujours signalées comme telles.
-
[16]
Par exemple, lors d’un exposé à SPHERE en décembre 2015, Maarten Bullynck (Université Paris 8) a mis en lumière de quelle manière l’édition des œuvres de Gauss, en particulier lorsque Felix Klein en était directeur, a été un des instruments de reconstruction rétrospective d’une tradition de mathématiques « conceptuelles» à Göttingen. C’est également le cas des œuvres de Dedekind, principalement éditées par Emmy Noether, qui tronquent les premières versions de sa théorie des nombres algébriques et publient surtout des extraits tardifs du Nachlass, donnant une image très « moderne» et « structuraliste» de Dedekind.
-
[17]
Les contrats avec Teubner sont reproduits dans [Scheel 2014, 382–386].
-
[18]
Il s’agit de [Riemann 1854b], [Riemann 1854a], [Riemann 1858].
-
[19]
Ce texte s’est finalement révélé essentiel pour la théorie des séries divergentes de Borel, voyez [Dugowson 1997].
-
[20]
Une liste des mémoires non publiés dans la version française est donnée à la fin du volume, avant la table des matières.
-
[21]
Dans la seconde édition de 1892, le texte n’est pas non plus modifié, car Weber semble être revenu en arrière, en précisant en note qu’il n’y a « pas une inadvertance» mais que la rotation est indiquée comme décrite par « un observateur placé au centre et suivant des yeux le point décrivant le circuit» [Riemann 1876c].
-
[22]
Les anneaux de Nobili sont les anneaux colorés produits par l’action de courants électriques sur des plaques de métal.
-
[23]
Ce travail est longuement discuté avec Weber dans [Scheel 2014, 101–127].
-
[24]
Je me permets de renvoyer à [Haffner 2017] à ce sujet.
-
[25]
En particulier, Dedekind et Weber publient ensemble Theorie der algebraischen Funktionen einer Veränderlichen [Dedekind & Weber 1882], où ils proposent une nouvelle approche de la théorie riemannienne des fonctions.
1La seconde moitié du xixe siècle voit une augmentation significative des éditions d’œuvres [1]. Des œuvres sont publiées en mathématiques, physique, littérature, philosophie ; elles sont publiées en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, en Italie ; elles concernent des auteurs contemporains comme des auteurs du passé proche et lointain. Une recherche avec les mots-clefs « Werke », « works », « œuvres » dans le Jahrbuch über die Fortschritte der Mathematik donne une quarantaine de résultats (parfois plusieurs volumes des mêmes œuvres). La bibliographie développée par Steven W. Rockey (Mathematics Library, Cornell University [2]) donne 60 références au xixe siècle, mais moins de 30 aux xviie et xviiie siècles. La production de journaux et de publications scientifiques, comme les manuels ou les monographies, a augmenté de manière significative au xixe siècle, et ce phénomène a été largement étudié par l’histoire des mathématiques. En revanche, la question spécifique de l’édition des œuvres en mathématiques a été assez peu abordée. L’importance des pratiques de publication et des politiques de publication en histoire des mathématiques montrées par les travaux récents sur le sujet [3] suggèrent qu’une étude de l’édition des œuvres est féconde pour l’histoire des mathématiques.
2Ces œuvres étant très souvent prises pour référence unique (par les mathématiciens comme par les historiens) sur la pensée de l’auteur édité, il est essentiel de bien comprendre ce phénomène, en particulier dans la mesure où, comme le souligne [Cahn 2005], ces éditions constituent « une forme culturellement sur-déterminée de publication, qui offre plus qu’un texte fiable » [Cahn 2005, 91] [4]. Cahn insiste également sur le rôle joué par les éditeurs dans l’édition :
Les éditeurs jouent un rôle central dans l’histoire, au cours de laquelle les textes changent de sens dans les mains et esprits des lecteurs. Alors qu’ils se pensent policiers de la justesse textuelle, ils sont en fait des tyrans de la manipulation textuelle, créant et recréant non seulement les textes, mais les auteurs également. [Cahn 2005, 84]
4Le travail de Cahn s’insère dans des travaux historiques et historiographiques sur les pratiques éditoriales, soulignant le rôle joué par les philologues éditeurs dans le processus d’édition. Ces travaux interrogent les relations des historiens à leurs sources, et considèrent des questions liées aux contexte éditorial, choix et intention(s) des éditeurs, bases textuelles et matérielles de leur travail, méthodes utilisées, et changements opérés sur les textes originaux lors de l’édition [5]. Je pousserai plus loin, ici, l’analyse de Cahn, en étudiant le processus spécifique d’édition de ces travaux.
5En effet, dans la mesure où l’édition des textes de grands mathématiciens au xixe siècle est prise en charge par des mathématiciens professionnels de premier plan, on peut se demander s’il est possible d’identifier une trace des éditeurs sur ces textes similaire à ce qui est observé par les travaux cités ci-dessus pour les sources anciennes. Réciproquement, comment cette activité philologique participe-t-elle à la pratique mathématique des éditeurs ? Le travail de philologue du mathématicien éditeur implique de statuer sur la validité des textes, sur lesquels il lui arrive de projeter ses propres valeurs et normes. L’activité d’éditeur s’accompagne souvent d’un processus de lecture et de réappropriation [6]. L’éditeur est ainsi celui qui à la fois lit et fabrique le texte à publier. Cette fabrication du texte devient déterminante dans la manière dont une édition donne un texte à lire, et donc dans sa réception. De plus, et c’est un aspect qui semble échapper aux remarques de Cahn, le travail d’édition devient une activité mathématique à part entière. Le mathématicien éditeur n’est alors pas seulement un « tyran » comme l’avance Cahn, mais intègre pleinement le travail éditorial à son activité mathématique, qui peut s’en retrouver considérablement enrichie.
6Pour illustrer cela, j’étudie le cas de l’édition des œuvres du mathématicien allemand Bernhard Riemann (1826-1866) par Richard Dedekind (1831-1916) et Heinrich Weber (1842-1913), publiées pour la première fois en 1876, puis republiées en 1892 et en 1902 par Teubner, et partiellement traduites en français en 1898 par Léonce Laugel chez Gauthier-Villars. Dans la version allemande originale, les œuvres de Riemann sont en un seul volume, divisé en trois parties et deux annexes. La première partie contient les onze textes publiés par Riemann de son vivant. La seconde partie contient sept textes publiés dans divers journaux après son décès. La troisième partie contient douze textes inédits extraits du Nachlass de Riemann. En annexe sont publiés trois textes philosophiques et une biographie de Riemann écrite par Dedekind sur la base des lettres d’Elise Riemann. Je reviendrai, dans l’article, sur les ajouts et suppressions des éditions suivantes.
7Dedekind, qui était l’ami et le collègue de Riemann lorsqu’ils étaient tous deux Privatdozenten à Göttingen entre 1855 et 1858, est chargé à la demande de Riemann de l’édition de ses œuvres. Cette édition était une tâche colossale, en particulier en raison de l’ampleur et de la difficulté du Nachlass. Pour en venir à bout, Dedekind a tout d’abord collaboré avec Alfred Clebsch (1833-1872). Mais Clebsch meurt de la diphtérie en 1872, et c’est finalement Heinrich Weber qui rejoint Dedekind pour le seconder dans la tâche. Il faut encore deux années de travail pour parvenir à la version finale des œuvres.
8Le cas des œuvres de Riemann est particulièrement intéressant pour étudier et comprendre le processus d’édition menant à la publication des œuvres, car une large majorité du travail éditorial de 1876 s’est effectué par lettres, qui ont été conservées et récemment publiées [Scheel 2014]. Ces lettres, ainsi que les Nachlässe de Riemann et Dedekind [7], fournissent une documentation exceptionnellement riche. Il est ainsi possible d’obtenir une vision détaillée du processus d’édition. On observe qu’il se fait en l’absence de tout cadre formel pouvant diriger les décisions des mathématiciens éditeurs qui construisent leur expérience au fur et à mesure [8], et peut-être même, parfois, avec une certaine part d’improvisation. De plus, ces lettres montrent que Dedekind et Weber ont eu à cœur de vérifier chaque texte de Riemann, d’en refaire les preuves, et parfois de clarifier les manuscrits – allant jusqu’à en rédiger certaines parties eux-mêmes. Leur travail d’éditeur a donc inclus une part conséquente de recherche mathématique.
9L’analyse proposée dans cet article reposera largement sur les « paratextes » tels que définis dans [Genette 1987]. J’utiliserai à la fois les péritextes (notes, préfaces, commentaires) et les épitextes (correspondance, présentations, recensions). Ces deux habillages des textes ne sont pas de la main de Riemann, mais de celle des éditeurs. Il s’agit ici de considérer les œuvres comme un texte global dont la fabrication dépend non seulement des textes de l’auteur mais également du travail des éditeurs. Ainsi, la délimitation et la fonction des paratextes sont liées à la nature spécifique du texte. Ils agissent comme un cadre pour effectivement intégrer les textes dans le produit de Dedekind et Weber, le volume des œuvres. La quantité de paratextes n’est pas équilibrée pour chaque version des œuvres. En effet, le volume de notes augmente significativement entre la première et la seconde édition des œuvres (voyez p. 8). En revanche, pour la première édition, nous disposons de nombreux documents comme la correspondance ou les brouillons des auteurs, qui enrichissent considérablement l’analyse. Pour cette raison, et parce que le cœur de cet article est la fabrication des œuvres par les éditeurs, accomplie dès 1876, mon attention se portera surtout sur la première édition de 1876.
1 Contexte scientifique de l’édition des œuvres de Riemann
10Comme le souligne Cahn, l’une des raisons pour l’importance des œuvres est leur statut de « monuments de fierté nationale ». Toutefois je ne considérerai pas, ici, les questions relatives aux contextes institutionnels, nationaux, culturels de ces éditions, aux politiques d’édition et modalités de circulation des connaissances [9]. Par ailleurs, les archives de Teubner ayant été perdues, il est difficile de considérer le rôle effectif joué par la maison d’édition, les lettres reproduites dans [Scheel 2014, 331–348] donnant peu d’informations. Dans ce paragraphe, je donnerai d’une part des éléments pour comprendre le travail mené par les éditeurs ; d’autre part des éléments sur la présentation des œuvres.
1.1 La correspondance Dedekind–Weber
11La riche correspondance entre Dedekind et Weber, publiée dans [Scheel 2014], nous dit qu’une large majorité de leur travail éditorial s’est fait par lettres. Entre le 1er novembre 1874 et la fin 1876, sont envoyées 20 lettres par Dedekind, 50 par Weber, 10 par la femme de Weber, et 30 lettres de Teubner, Elise Riemann, Hattendorff et Schwarz (qui ont expertisé certains manuscrits ; la plupart sont envoyées à Weber). Dedekind et Weber ont également échangé les manuscrits de Riemann, leurs notes les concernant et des travaux qu’ils considéraient comme liés à certains textes [10]. Ces lettres offrent un témoignage d’une grande valeur et une vision très claire, bien que non exhaustive, de ce qu’a pu être le travail éditorial. Elles permettent de retracer les étapes de leur travail et de mieux comprendre la chronologie de l’édition. Dedekind et Weber échangent sur tous les aspects de l’édition : les questions pratiques liées à Teubner, à la veuve de Riemann, à la publicité pour les œuvres, aux droits et à leur paiement ; tous les aspects scientifiques et philologiques, comme le choix des manuscrits, les difficultés à comprendre les textes de Riemann, les changements infligés aux textes jusqu’aux changements typographiques. Le travail d’édition est minutieux, dévoué dit la veuve de Riemann. Dedekind a souvent exprimé son admiration pour les travaux de Riemann, et a suivi ses cours lorsqu’ils étaient tous deux à Göttingen. Ils ont toutefois travaillé avec des approches significativement différentes. Si Riemann possédait, d’après Dedekind, une « pensée brillante et profonde » qui l’amenait fréquemment à faire de « grands pas que les autres ne pouvaient suivre si facilement » [Riemann 1876c, 518–519], Dedekind, lui, insiste souvent sur l’importance de déplier soigneusement et explicitement chaque étape des raisonnements. Cette approche, effectivement mise en œuvre dans ses travaux mathématiques, est aussi appliquée à sa lecture de Riemann. Signalons un manuscrit de 20 à 30 pages daté de 1854-1858 contenant des recherches analytiques sur la thèse d’habilitation de Riemann afin de mieux saisir les idées de Riemann [Riemann 1854a] [11]. Cette lecture précise, parfois laborieuse, se retrouve dans son travail d’édition, comme en attestent les lettres à Weber.
12Heinrich Weber est aujourd’hui surtout connu pour ses travaux en algèbre [12], mais au moment de l’édition des œuvres de Riemann, il travaille essentiellement en théorie des fonctions dans le sillage de Riemann. Il partage la volonté exprimée par Dedekind d’une lecture de Riemann rigoureuse mais fidèle à ses idées et méthodes initiales [13], et tendant vers une interprétation de ses mathématiques comme étant « conceptuelles ».
1.2 Présentations des œuvres de Riemann
Préfaces
13Les préfaces écrites par Weber pour les éditions de 1876 et 1892 sont assez courtes (respectivement 3 pages et une page et demie) et remplissent leur rôle de préface sans beaucoup en dire : elles situent l’ouvrage, donnent des éléments de sa genèse, mais n’entrent que peu dans le détail.
14La préface de 1876 donne quelques informations qui permettent d’avoir déjà une première idée de l’étendue du travail éditorial mené par Weber et Dedekind. Weber commence par souligner l’importance de la parution de ces œuvres : les travaux de Riemann sont considérés parmi les « outils les plus essentiels des mathématiciens » et la parution de ce volume devrait permettre de contrer l’idée que ces travaux sont trop difficiles. Après une courte histoire de la naissance laborieuse du volume, qui lui permet de rappeler son arrivée tardive mais son rôle décisif dans la publication, Weber développe sa présentation du travail éditorial effectué, signalant d’une part les interventions éditoriales fondées sur l’utilisation du Nachlass, et d’autre part les textes qui lui semblent les plus importants – ou demandant quelques mots d’introduction, comme [Riemann 1861] (pour lequel il a été en contact avec l’Académie des sciences afin de localiser la version la plus récente), [Riemann 1876a] ou les fragments philosophiques (voyez p. 9). Il ne donne pas de description exhaustive du contenu du volume.
15La préface de 1892 signale à quel point les travaux de Riemann sont toujours d’actualité, et Weber se félicite brièvement du fait que « la forme et la manière de l’édition de ces œuvres aient trouvé l’approbation des mathématiciens » [Riemann 1876c, édition de 1892, vi]. Tenant compte de certaines critiques envers les notes des éditeurs, la nouvelle édition contient de nombreux nouveaux commentaires, et ceux existants ont été modifiés et amendés. Nous ne ferons pas ici une comparaison systématique de ces commentaires. Signalons seulement que dans l’édition de 1876, 4 textes sont commentés (30 pages en tout), contre 10 dans l’édition de 1892 (60 pages au total).
16La préface de l’édition de 1902 ne commente que les ajouts des nouveaux éditeurs (voyez p. 10). La préface de l’édition française, rédigée par Hermite, est essentiellement un éloge de Riemann.
Annonces et recensions
17Dans l’annonce des œuvres de Riemann qu’il rédige pour le Repertorium der literarischen Arbeiten aus dem Gebiete der reinen und angewandten Mathematik de Koenigsberger et Zeuner, qui a été traduite en français et publiée dans le Bulletin des sciences mathématiques et astronomiques [14], Weber explique les circonstances dans lesquelles l’édition s’est déroulée :
On a seulement corrigé quelques légères inexactitudes qui sont parvenues à la connaissance de l’éditeur et qui pouvaient être regardées comme certaines. Quelques additions, rédigées d’après des remarques manuscrites de Riemann et des éclaircissements nécessaires ont trouvé place dans des notes finales [15]. [Weber 1877b, 7–8]
19Ses propos sont, ici, similaires à ceux de la préface de l’édition de 1876. Weber remarque, de plus, que l’une des raisons de ce travail est propre à Riemann, et en particulier à l’édition de ses manuscrits, puisque pour lui « l’exposition écrite et méthodique de ses recherches a toujours été une tâche difficile ». Cela, et sa maladie dans les dernières années de sa vie, expliquent
le caractère de la majeure partie de ses écrits posthumes qui ne contiennent, outre les formules, qu’extrêmement peu d’indications pour en trouver la liaison. Ainsi, beaucoup de passages écrits sous une forme très fragmentaire ont dû être établis aussi bien qu’on a pu, et beaucoup d’autres sont encore enfouis dans ses papiers, faute d’avoir pu être déchiffrés. [Weber 1877b, 8]
21Weber choisit, dans sa présentation, de ne pas s’attarder sur les mémoires publiés auparavant et résume le contenu de chaque texte extrait du Nachlass et publié dans les œuvres.
22C’est également ce que fait Felix Müller dans sa recension des œuvres de Riemann pour le Jahrbuch über die Fortschritte der Mathematik. Il mentionne seulement les textes des deux premières parties, et consacre le reste de sa recension au résumé des textes de la troisième section.
2 Sélection des textes publiables
23Les choix qui se trouvent au cœur du travail des éditeurs constituent un élément essentiel pour une étude historique. Les éditeurs des œuvres étaient en effet amenés à statuer sur la valeur et la validité des textes « dignes » de publication. Dans ces choix, ils imposent leurs propres critères et valeurs aux textes. Il est également possible que les éditeurs aient une certaine idée de l’image de l’édité et de ses travaux que devraient renvoyer les œuvres. Le choix des textes à publier est responsable en grande partie de la fabrication d’un texte global et vecteur de circulation des travaux de l’édité. Sans généraliser sur la possibilité de tels biais éditoriaux, l’histoire des mathématiques fournit des exemples pour lesquels les travaux des mathématiciens ont été largement reconstruits par les éditeurs [16]. Bien entendu, la question de ces choix devient encore plus prégnante lorsqu’il s’agit de publier des textes extraits du Nachlass. Ici, et dans la mesure où il est souvent difficile de savoir si l’auteur avait eu l’intention de publier ces textes, les critères pour considérer un texte digne de publication prennent une importance considérable.
2.1 En 1876
24Quelques mois avant son décès le 7 novembre 1872, Clebsch considérait que l’édition était terminée [Dugac 1976, 212]. Le désir de Dedekind de publier une sélection de textes extraits du volumineux Nachlass de Riemann, qui a d’abord rencontré les réticences de Clebsch et Wilhelm Weber, a constitué une charge de travail supplémentaire ralentissant considérablement la complétion de l’édition, en particulier après la mort de Clebsch. Alors que Dedekind se retrouve seul face à cette tâche colossale, l’édition reste au point mort jusqu’à ce qu’il contacte Heinrich Weber et lui propose d’endosser la responsabilité d’éditeur principal [Scheel 2014, 1-11-1874, 43–45]. Les œuvres de Riemann sont finalement publiées en 1876, grâce aux efforts joints de Weber et Dedekind, par la maison d’édition Teubner avec qui Clebsch avait établi un contrat [17].
25Lorsque Weber prend en charge l’édition, sélectionner et éditer les extraits du Nachlass est la principale tâche restante. Dans sa première lettre, Dedekind lui explique qu’il a tenté de le faire lui-même, mais n’est parvenu à identifier et éditer que trois textes [18]. Les textes formant [Riemann 1876a] ont été confiés à Hattendorff [Riemann 1876c, vi]. Le texte [Riemann 1867] a été confié à Jakob Henle. Le reste, écrit Dedekind, « se trouve dans un état chaotique, et [il] n’[a] pu, qu’au prix de beaucoup d’efforts, rassembler que quelques fragments, qui à [s]on avis sont prêts pour une publication » [Scheel 2014, 1-11-1874, 43–44].
26En novembre 1874, Weber reçoit l’intégralité du Nachlass de Riemann et entame sa propre exploration, plus féconde que celle de Dedekind. La correspondance donne à voir les étapes de son exploration et ses commentaires sur chaque texte. Cette réflexion continue jusqu’au début de 1876, montrant de quelle manière Weber explore le Nachlass de Riemann et apprivoise son contenu. Ainsi, on apprend qu’il confie un texte sur les corpuscules de Vater (qui ne sera pas publié) au professeur de physiologie de Zurich, met de côté des notes qu’il considère comme trop périphériques ou anecdotiques (sur le magnétomètre bifilaire ou la pension des veuves, par exemple) [Scheel 2014, 24-11-1874, 51]. Il ajoute :
[I]l me semble que le travail « Recherche sur une approche générale de la différentiation » [Riemann 1847], d’après ce que j’en comprends jusqu’ici, n’est pas vraiment approprié pour la publication. Mais je voudrais quoi qu’il arrive, avant de l’exclure définitivement, encore le soumettre à une vérification plus précise. [Scheel 2014, 24-11-1874, 52]
28À cela, Dedekind répond qu’il s’agit « [d’]un travail de jeunesse, qui date peut-être encore de l’école ou plutôt du début de l’université », soulignant que selon lui « [c]ette partie du Nachlass n’a [...] qu’une valeur historique pour une appréciation du développement de Riemann » [Scheel 2014, 14-03-1875, 58]. Le texte est finalement publié, avec une remarque similaire en note de bas de page [Riemann 1876c, 331] [19]. Ainsi, la valeur historique et la possibilité d’obtenir une meilleure compréhension du développement intellectuel de Riemann font partie des arguments en faveur de la publication d’un texte, même si celui-ci ne donne pas de résultats nouveaux ou importants.
29Des remarques similaires sont faites au sujet des textes philosophiques de Riemann dans la correspondance comme dans la préface [Riemann 1876c, v]. Les textes philosophiques présentent deux difficultés spécifiques. D’une part, il est important de s’assurer que les textes sont effectivement la pensée originale de Riemann, et non pas des notes ou extraits de ses lectures [Scheel 2014, 59]. D’autre part, il est indispensable de parvenir à les distinguer de sa production scientifique, sans pour autant décourager les lecteurs, d’où leur mise en annexe [Scheel 2014, 96].
30Dans les œuvres mêmes se trouvent quelques notes de la main de Weber indiquant certains de ces choix, en particulier pour les extraits du Nachlass. Ainsi, dans [Riemann 1857], Weber note l’endroit où le manuscrit de Riemann passe d’un texte « entièrement rédigé » à des feuilles contenant seulement des esquisses de développement, et explique de plus son choix de reproduire un passage que Riemann aurait souhaité supprimer :
Jusqu’ici on n’a eu besoin que de suivre un manuscrit complètement rédigé par Riemann. À l’endroit où se trouve le crochet on trouve écrit en marge dans la suite du manuscrit de Riemann : à partir d’ici inexact. Néanmoins, je n’ai pas cru devoir supprimer le passage suivant (entre crochets), car il contient le germe d’un développement ultérieur des profondes théories, qui y sont indiquées. Sur quelques feuilles du brouillon de Riemann on trouve une esquisse de ces développements. Je les ai reproduits, dans ce qui vient ensuite, en les modifiant le moins possible. [Riemann 1876c, note, 363 dans l’édition de 1876, 362 dans la traduction française]
32Dedekind et Weber expriment donc plusieurs critères distincts pour que des textes soient considérés comme publiables. Ils doivent être scientifiquement intéressants, solides, et généralement corrects – ou aussi corrects que possible, mais l’intérêt scientifique prime. Ils doivent être compréhensibles, et pour certains manuscrits, les éditeurs doivent intervenir pour les rendre tels. Ils doivent être représentatifs des recherches de Riemann, avoir une place reconnaissable dans l’ensemble de son travail intellectuel, et (bien entendu) en offrir une image flatteuse – ce qui est particulièrement important dans le cas des textes philosophiques dont la justesse est plus difficile à juger. Il est également essentiel, pour Dedekind et Weber, de s’assurer que les textes publiés seront bien reçus. Ils sont notamment attentifs au contexte scientifique ou philosophique dans lequel sont publiées les œuvres.
33Dans ce processus, Dedekind et Weber imposent leurs propres critères (de valeur, d’intérêt, etc.) aux textes de Riemann, et leur propre conception de l’image que devraient renvoyer ses œuvres. De ce point de vue, il est intéressant de rappeler que l’insistance de Dedekind au sujet des mathématiques « conceptuelles » de Riemann est sensiblement contredite par son Nachlass. Cela a déjà été souligné par Siegel [Siegel 1932] et Edwards [Edwards 2010] : les calculs tiennent, dans le Nachlass de Riemann, une place importante, montrant que loin de les avoir complètement éliminés, comme le voudrait une certaine interprétation des mathématiques conceptuelles, il a bâti ses travaux sur une grande maîtrise des calculs. On constate, ici, une tension entre ce que Dedekind et Weber présentent, et la manière dont ils le présentent. Comme le souligne Edwards, Dedekind a joué un rôle important dans la diffusion de l’image de Riemann comme mathématicien conceptuel. Bien entendu, il ne s’agit pas ici d’affirmer que Dedekind et Weber ont complètement construit l’image trompeuse d’un Riemann conceptuel mais de signifier que leur rôle en tant qu’éditeurs a infléchi les lectures suivantes dans cette direction (d’ailleurs proche de ce qu’en dit Klein dans [Klein 1894]) qu’ils considéraient comme la plus cohérente et élogieuse, sans qu’il y ait consensus avec les autres héritiers de Riemann, comme Gustav Roch.
2.2 Rééditions
34L’édition de 1892 se distingue de celle de 1876 par le seul ajout du texte Verbreitung der Wärme im Ellipsoid, que Weber avait éliminé en 1876. Weber n’explique pas, dans la préface, pourquoi le texte est inclus en 1892, et la correspondance de cette période n’est pas disponible. Comme indiqué p. 8 (voyez aussi p. 14), les notes et commentaires des éditeurs sont donc mis à jour.
35De même, pour l’édition de 1902 éditée par Max Noether et Wirtinger, nous ne disposons pas de la documentation exceptionnelle que constituent les lettres échangées par les acteurs de la première édition. Dans la préface de la réédition de 1902, Noether et Wirtinger expliquent que, depuis l’édition de 1892, de nouveaux documents ont émergé, « et en particulier sous la forme de notes de cours [...] qui montrent ou certifient que Riemann, dans ses cours, allait considérablement plus loin que dans ses publications » [Riemann 1876c, édition de 1902, III]. Ils décident donc de publier plus d’une centaine de pages de notes de cours (sur les fonctions abéliennes, elliptiques, hyperelliptiques, les suites hypergéométriques…) données par ses étudiants, comme Prym et Bezold, ou extraites de son Nachlass. L’introduction de Noether et Wirtinger montre bien qu’ici, l’enrichissement scientifique qu’apportent les cours a guidé les choix de publication.
36La version française des œuvres de Riemann, qui paraît en 1898 chez Gauthier-Villars, est traduite par L. Laugel, qui avait déjà traduit [Riemann 1859]. Elle est préfacée par Hermite, qui souligne l’importance des travaux de Riemann en mathématiques, et reproduit un discours de Felix Klein, « Riemann et son influence sur les mathématiques modernes » [Klein 1894]. Seule une partie des textes de l’édition de 1892 sont repris dans la traduction française [20]. Presque aucune justification n’est donnée pour le choix des textes, sauf pour [Riemann 1852], rédigé en latin par Riemann :
Comme ces fragments sont écrits en latin, il a paru superflu de les traduire. Ils consistent du reste surtout en formules. [Riemann 1876c, 397 de la version française]
38Toutefois, on remarque que les textes traitant de physique, d’électrodynamique et de physiologie ne sont pas édités, de même que les fragments philosophiques. Deux textes mathématiques supplémentaires ne paraissent pas : le texte sur l’approche générale de la différentiation, mentionné p. 8, et [Riemann 1861] envoyé en réponse à une question mise au concours par l’Académie des sciences.
3 Relecture et correction des textes
39Comme je l’ai indiqué, les éditeurs des œuvres de Riemann ont été amenés à relire, lisser et parfois modifier certains textes : correction d’erreurs typographiques ou orthographiques, erreurs ou imprécisions mathématiques d’importance variable, mais aussi adaptations des textes pour mieux correspondre aux critères de publiabilité. Naturellement, l’édition des extraits du Nachlass a demandé une relecture attentive des manuscrits et une discussion sur la nécessité de laisser les textes en l’état ou les corriger : jusqu’à quel point faut-il corriger les erreurs ? Ces corrections doivent-elles être indiquées ? Les manuscrits extraits du Nachlass doivent-ils être clarifiés ? Complétés ? Commentés ? En conséquence, certains textes publiés portent la trace du passage des éditeurs.
40Le lecteur des œuvres de Riemann est averti, dans la préface de 1876, des interventions des éditeurs, puisque Weber souligne que :
les textes publiés déjà par Riemann ou après sa mort sont révisés, éventuellement ici et là enrichis avec un complément trouvé dans le Nachlass, et des petites imprécisions sont améliorées, mais sinon ils gardent une forme inchangée. [Riemann 1876c, iv]
42Seul le texte sur les surfaces minimales [Riemann 1876a] est considérablement modifié. Hattendorff en avait en effet fait une première édition dans les Abhandlungen der Königlichen Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen en 1867, et en propose une version complétée et remaniée pour les œuvres.
3.1 Ce que nous disent les notes dans les œuvres
43Certaines de ces modifications, comme le souligne Weber en préface des œuvres et dans [Weber 1877b], sont indiquées en note. Par exemple, Weber et Dedekind indiquent que le mémoire de Riemann sur le développement du quotient de deux séries hypergéométriques en fraction continue infinie a été rédigé par H.-A. Schwarz [Riemann 1863]. Laugel, dans la version française ajoute des indications supplémentaires pour permettre au lecteur français de situer les passages propres à Riemann et ceux venant de Schwarz qui, dans le texte original, étaient écrits respectivement en italien et en allemand :
Les § I et II sont en italien. Le commencement du § III est encore en italien, sauf les additions de M. Schwarz, entre crochets, qui sont en allemand ; ensuite, à partir de la remarque de M. Schwarz, p. 372, ligne 29, le texte est allemand et, comme auparavant, tout ce qui est entre crochets est dû à cet illustre géomètre. [Riemann 1863, 400 de l’édition de 1876, 369 de la traduction française]
45De même pour le texte sur les surfaces minimales, dont certains passages ont été rédigés par Weber et d’autres par Schwarz :
Pour le premier de ces exemples, le résultat a été trouvé sous forme abrégée, mais complète, sur une seule feuille dans les papiers de Riemann. Relativement au second exemple, on ne trouve guère plus que l’indication de la possibilité de la solution. Ainsi l’éditeur (M. Weber) est responsable de l’exposition de cet exemple. Quelques cas particuliers du dernier problème ont été traités par M. H.-A. Schwarz. [Riemann 1876a, 417 de l’édition de 1876, 384 de la traduction française]
47Dedekind et Weber indiquent également l’état des manuscrits les plus fragmentés [par exemple Riemann 1876c, note, 378] et les difficultés rencontrées :
Ici l’on trouve encore dans le manuscrit quelques signes dont je [i.e. Weber] n’ai pu déchiffrer le sens. [Riemann 1876b, note, 449 de l’édition de 1876, 416 de la traduction française]
3.2 Ce que nous dit la correspondance
49Les indications laissées en note dans les œuvres trouvent de nombreux échos dans la correspondance, où les deux éditeurs discutent en profondeur les détails des textes et des possibles modifications. Ainsi on observe que leurs vérifications des textes (publiés et manuscrits) entraînent régulièrement des corrections qui, contrairement à ce qu’affirme Weber, ne sont pas toujours mentionnées en notes. S’il ne s’agit pas de résultats faux corrigés subrepticement, certaines des corrections sont notables.
50De plus, les lettres offrent la possibilité de comprendre les justifications de ces modifications, et même d’avoir connaissance de celles qui n’ont finalement pas été intégrées. Par exemple, dans les lettres échangées entre le 6 et le 14 novembre 1875, Dedekind et Weber discutent longuement d’une erreur possible dans [Riemann 1851]. L’erreur consiste simplement en une rotation indiquée dans le mauvais sens ([Riemann 1876c] et [Scheel 2014, 76–87]), sur laquelle Dedekind et Weber débattent pendant plusieurs lettres. Mais bien que Weber se soit laissé convaincre de la nécessité d’une correction, celle-ci n’est finalement pas imprimée pour une simple raison pratique : le temps de réponse de Dedekind était trop long, le texte était parti à l’imprimeur en l’état [21]. On entre ici pleinement dans le travail éditorial de Dedekind et Weber. Il est ainsi possible de localiser leurs interventions sur les textes originaux et de comprendre dans quelle mesure ils ont pu en publier une version adaptée voire réécrite.
51J’ai mentionné plus haut que certaines des modifications ne sont pas indiquées en note. Je donne ici un court exemple d’une telle occurrence.
52Dans des lettres de novembre 1875, Dedekind et Weber discutent de l’article « Zur Theorie der Nobili’schen Farbenringe » [Riemann 1854c] publié dans les Annalen der Physik und Chemie en 1854 [22]. Dans une lettre du 13 novembre 1875, Dedekind explique avoir retrouvé son tiré à part de l’article de Riemann, qui lui avait été confié par Elise Riemann en 1866. N’ayant pas ouvert l’article depuis, Dedekind y trouve « non seulement des corrections, mais également [quelques] feuilles de la main de Riemann » [Scheel 2014, 84]. Le manque de temps et d’une bonne connaissance du sujet pour se pencher sérieusement sur la question et comparer les deux versions poussent Dedekind à tout envoyer à Weber et à lui confier la tâche. Dans sa réponse, le 14 novembre 1875, Weber confirme les corrections faites sur l’article. Si l’on compare la version de l’article de 1855 et celle de 1876, on trouve une dizaine de changements dans les formules mathématiques. En particulier, dans les notes laissées par Riemann, il est proposé de remplacer certaines indexations de séries infinies. Dans l’article original de Riemann, les séries sont indexées sur m de 0 à ∞, ce que Riemann lui-même propose de remplacer par m < 4q+1, stipulant ainsi une limite supérieure pour m. Dans la version reproduite dans les œuvres, certaines séries sont en effet transformées en utilisant l’indexation suggérée par Riemann. En revanche, pour d’autres demandant la même modification, les précisions sur l’indice m disparaissent complètement : il n’est indiqué ni 0 à ∞ comme en 1855, ni m < 4q+1. À ce sujet, Weber écrit à Dedekind :
La notation contient une stipulation sur la limite pour la convergence de la suite semi-convergente, que je n’ai, à vrai dire, pour l’instant pas eu le temps de prouver précisément. [...] Je n’ai transcrit cette détermination de la limite que dans les formules pour f(q), 𝜑 (q), tandis que dans la longue formule, qui vous a inspiré une si grande peur, j’ai retiré complètement la détermination de la limite et laissé seulement le Σ. Dans ces formules, q n’intervient pas du tout et l’on n’a pas non plus à lui assigner de valeur, ce qui serait trop compliqué. En général, il n’était pas nécessaire d’écrire cette formule de manière si détaillée. Je présume que Riemann avait fait cela pour les physiciens. [Scheel 2014, 24-11-1875, 87]
54Weber décide donc non seulement de ne pas suivre les indications de Riemann, mais choisit aussi de modifier la version originale du texte, pour éviter une possible erreur (ou peut-être contourner une difficulté). On voit également que Weber présume des raisons de Riemann, et qu’il s’agit d’une présomption charitable pour Riemann.
55Soulignons, par ailleurs, que la modification mentionnée ci-dessus n’est pas le seul changement de notation fait par Weber. À plusieurs occasions, celui-ci ajuste les notations de Riemann, vraisemblablement pour des raisons de clarté : pour uniformiser les notations, utiliser une notation plus commune, ou même des raisons purement pratiques (d’imprimerie, notamment). Il ne s’agit pas, ici, de changements insignifiants, les notations et manières d’écrire procédant d’une part importante des pratiques et conceptions des mathématiciens.
56Les notes des éditeurs dans les œuvres montrent bien qu’il a été nécessaire dans certains cas de compléter les manuscrits de Riemann pour les rendre intelligibles. Les lettres échangées entre 1874 et 1876 disent bien plus. Non seulement révèlent-elles l’existence de modifications qui ne sont pas signalées et éclairent les motivations des éditeurs, mais elles montrent également le processus philologique et mathématique, parfois fastidieux et difficile, de reconstitution des brouillons pour obtenir une version publiable :
De plus, j’espère pouvoir reconstituer une recherche sur la tangente double des courbes d’ordre 4 [Riemann 1876d], au sujet de laquelle il existe de nombreux feuillets avec des calculs mais malheureusement sans aucun texte. [Scheel 2014, 24-11-1874, 52]
58Ce travail à même les textes constitue une véritable activité mathématique et s’intègre pleinement dans la pratique mathématique des éditeurs. On peut observer, par exemple, dans le Nachlass de Dedekind, de nombreux documents concernant l’édition de [Riemann 1852] et la rédaction de son commentaire [23]. Dans [Cod. Ms. Dedekind XI 11-1, XI 11-2, XII 4], se trouvent des centaines de pages de notes de la main de Dedekind, montrant les étapes de la compréhension du texte de Riemann, de l’écriture des commentaires de 1876 et 1892 [Dedekind 1876], mais également les prolongements de recherches propres à Dedekind. Ces feuillets montrent l’étendue et l’ampleur du travail déployé et la profondeur de la réflexion mathématique dans laquelle s’ancre le travail éditorial [24].
4 Conclusion
59Cet article met en lumière certaines pratiques philologiques et mathématiques – intimement liées – sous-tendant l’édition des œuvres mathématiques au xixe siècle. Il est important de souligner que l’étude de cas sur laquelle repose cet article est riche d’une documentation relativement exceptionnelle. Ces documents permettent de distinguer des spécificités importantes de l’édition des œuvres au xixe siècle. Malheureusement, il n’est pas garanti qu’il soit possible d’étendre une telle analyse à d’autres éditions avec le même niveau de détail.
60Deux aspects essentiels se dégagent de cette analyse, qui sont inséparables du fait que ces éditions sont menées par des mathématiciens professionnels : d’une part, l’importance du rôle joué par les éditeurs dans le choix et la fabrication des textes ; d’autre part, l’intégration du travail d’édition dans le travail mathématique à proprement parler. Les éditeurs des œuvres étaient amenés à statuer sur la valeur et la validité des textes, à construire le contenu des œuvres. En tant que décideurs des textes dignes de publication, les éditeurs fabriquent les œuvres comme somme des travaux de l’édité. De plus, la relecture, le polissage et parfois la correction des textes édités – et en particulier des manuscrits extraits du Nachlass de l’édité, peuvent amener à la publication de textes effectivement adaptés par les éditeurs qui ont, alors, fabriqué un nouveau texte.
61Le travail précis, et parfois difficile, de relecture et correction des textes de Riemann par Dedekind et Weber montre que l’édition contient une part non négligeable de travail effectivement mathématique. Ce travail sur les textes mêmes peut – c’est le cas pour Dedekind et Weber [25] – prendre la forme d’un travail mathématique profond, parallèle à l’édition, et avoir des effets à plus long terme sur les mathématiques des éditeurs eux-mêmes.
- Barrow-Green, June [2006], Gösta Mittag-Leffler and the foundation and administration of Acta Mathematica, dans Mathematics Unbound: the Evolution of an International Mathematical Research Community, 1800-1945, édité par K. H. Parshall & A. C. Rice, Providence; Londres: American Mathematical Society; London Mathematical Society, 162–187.
- Brechenmacher, Frédéric [2010], Le Journal de M. Liouville sous la direction de Camille Jordan (1885-1922), Bulletin de la Sabix, 45, 65–71.
- Bret, Patrice, Chatzis, Konstantinos & Hilaire-Pérez, Liliane (éds.) [2008], La Presse et les Périodiques techniques en Europe 1750-1950, Paris : L’Harmattan.
- Cahn, Michael [1997], Wissenschaft im Medium der Typographie. Collected Papers aus Cambridge, 1880–1910, dans Fachschrifttum, Bibliothek und Naturwissenschaft im 19. und 20. Jahrhundert, édité par C. Meinel, Wiesbaden: Harrassowitz, 175–208.
- Cahn, Michael [2005], Opera Omnia: The production of cultural authority, dans History of Science, History of Text, édité par K. Chemla, Dordrecht: Springer, Boston Studies in the Philosophy of Science, t. 238, 81–94, doi: 10.1007/1-4020-2321-9_3.
- Chemla, Karine [1999], Commentaires, éditions et autres textes seconds : quel enjeu pour l’histoire des mathématiques ? Réflexions inspirées par la note de Reviel Netz, Revue d’histoire des mathématiques, 5, 127–148.
- Chemla, Karine (éd.) [2005], History of Science, History of Text, Boston Studies in the Philosophy of Science, t. 238, Dordrecht: Springer.
- Dedekind, Richard [1876], Erläuterungen zu den vorstehenden Fragmenten, dans [Riemann 1876c], Leipzig : Teubner, 1 éd., 438–448, 2e éd. (1892), 466–479 ; trad. fr. (1898) : 397-413.
- Dedekind, Richard & Weber, Heinrich [1882], Theorie der algebraischen Funktionen einer Veränderlichen, dans Journal für reine und angewandte Mathematik, t. 92, 181–290.
- Dugac, Pierre [1976], Richard Dedekind et les fondements des mathématiques, Paris : Vrin.
- Dugowson, Stéphane [1997], L’élaboration par Riemann d’une définition de la dérivation d’ordre non entier, Revue d’histoire des mathématiques, 3(1), 49–97.
- Edwards, Harold M. [2010], The algorithmic side of Riemann’s mathematics, dans A Celebration of the Mathematical Legacy of Raoul Bott, édité par R. Bott & P. Kotiuga, Providence: American Mathematical Society, CRM proceedings & lecture notes, 63–68.
- Ehrhardt, Caroline [2011], Évariste Galois. La fabrication d’une icône mathématique, Paris : Éditions de l’EHESS.
- Genette, Gérard [1987], Seuils, Paris : Seuil.
- Goldstein, Catherine [1995], Un théorème de Fermat et ses lecteurs, Saint-Denis : Presses Universitaires de Vincennes.
- Haffner, Emmylou [2017], Insights into Dedekind and Weber’s edition of Riemann’s Gesammelte Werke, Mathematische Semesterberichte, 64(2), 169–177, doi: 10.1007/s00591-017-0194-3.
- Klein, Félix [1894], Riemann et son influence sur les mathématiques modernes, dans Œuvres mathématiques de Riemann, édité par B. Riemann, Paris : J. Gabay, xiii–xxxv.
- Lejeune-Dirichlet, Johann Peter Gustav [1863], Vorlesungen über Zahlentheorie, Braunschweig : Vieweg und Sohn, 1 éd., rééd. 1871, 1879, 1894.
- Netz, Reviel [1998], Deuteronomic texts : Late Antiquity and the history of mathematics, Revue d’histoire des mathématiques, 4, 261–288.
- Netz, Reviel [2012], The texture of Archimedes’ writings: through Heiberg’s veil, dans The History of Mathematical Proof in Ancient Traditions, édité par K. Chemla, Cambridge: Cambridge University Press, 163–205.
- Peiffer, Jeanne, Conforti, Maria & Delpiano, Patrizia (éds.) [2013], Les Journaux savants dans l’Europe moderne. Communication et construction des savoirs, Archives internationales d’histoire des sciences, t. 63, Turnhout : Brepols.
- Remmert, Volker & Schneider, Ute (éds.) [2008], Publikationsstrategien einer Disziplin : Mathematik in Kaiserreich und Weimarer Republik, Wiesbaden : Harrassowitz.
- Remmert, Volker & Schneider, Ute [2010], Eine Disziplin und ihre Verleger. Disziplinenkultur und Publikationswesen der Mathematik in Deutschland, 1871-1949, Mainzer Historische Kulturwissenschaften, t. 4, Bielefeld : Transcript.
- Riemann, Bernhard [1847], Versuch einer allgemeinen Auffassung der Integration und Differentiation, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 331–344, 2e éd. (1892), 353–366.
- Riemann, Bernhard [1851], Grundlagen für eine allgemeine Theorie der Functionen einer veränderlichen complexen Grösse (Inauguraldissertation), dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 3–45, 2e éd. (1892), 3–45 ; trad. fr. (1898), 1–60.
- Riemann, Bernhard [1852], Fragmente über die Grenzfälle der elliptischen Modulfunctionen, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 427–438, 2e éd. (1892), 455–465.
- Riemann, Bernhard [1854a], Über die Hypothesen, welche der Geometrie zu Grunde liegen (Habilitationsvotrag), dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 254–269, 2e éd. (1892), 272–287 ; trad. fr. (1898), 280–299.
- Riemann, Bernhard [1854b], Über die Darstellbarkeit einer Function durch eine trigonometrische Reihe, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 213–253, 2e éd. (1892), 227–271 ; trad. fr. (1898), 225–279.
- Riemann, Bernhard [1854c], Zur Theorie der Nobili’schen Farbenringe, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 54–61, 2e éd. (1892), 55–63.
- Riemann, Bernhard [1857], Zwei allgemeine Lehrsätze über lineäre Differentialgleichungen mit algebraischen Coefficienten, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 357–369, 2e éd. (1892), 379–390 ; trad. fr. (1898), 353–368.
- Riemann, Bernhard [1858], Ein Beitrag zur Electrodynamik, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 270–275, 2e éd. (1892), 288–293.
- Riemann, Bernhard [1859], Über die Anzahl der Primzahlen unter einer gegebenen Grösse, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 136–144, 2e éd. (1892), 145–153 ; trad. fr. 165–176.
- Riemann, Bernhard [1861], Commentatio mathematica, qua respondere tentatur quaestioni ab Illma Academia Parisiensi propositae, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 370–383, 2e éd. (1892), 391–404.
- Riemann, Bernhard [1863], Sullo svolgimento del quoziente di duo serie ipergeometricho in frazione continua infinita, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 400–406, 2e éd. (1892), 424–430 ; trad. fr. (1898), 369–371.
- Riemann, Bernhard [1867], Mechanik des Ohres, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 316–330, 2e éd. (1892), 338–352.
- Riemann, Bernhard [1876a], Beispiele von Flächen kleinsten Inhalts bei gegebener Begrenzung, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 417–426, 2e éd. (1892), 338–352 ; trad. fr. (1898), 384–396.
- Riemann, Bernhard [1876b], Fragment aus der Analysis Situs, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 448–451, 2e éd. (1892), 479–482 ; trad. fr. (1898), 414–419.
- Riemann, Bernhard [1876c], Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, éd. H. Weber en collaboration avec R. Dedekind. Références à cette éd. Repr. 1892. Repr. avec Nachträge (1902), éd. M. Noether et W. Wirtinger, Teubner, Leipzig. Rééd. (1953), Dover, New York. Rééd. (1990), Springer/Teubner. Trad. fr. Œuvres mathematiques de Riemann, Paris : Gauthier-Villars.
- Riemann, Bernhard [1876d], Zur Theorie der Abel’schen Functionen für den Fall p =3, dans Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Leipzig : Teubner, 1 éd., 456–476, 2e éd. (1892), 487–508 ; trad. fr. (1898), 426–448.
- Rollet, Laurent & Nabonnand, Philippe [2013], Un journal pour les mathématiques spéciales : les Nouvelles annales de mathématiques (1842-1927), Bulletin de l’Union des Professeurs de Spéciales, Union des Professeurs de Spéciales, 86, 5–18.
- Saito, Ken & Sidoli, Nathan [2012], Diagrams and arguments in ancient Greek mathematics : lessons drawn from comparisons of the manuscript diagrams with those in modern critical editions, dans The History of Mathematical Proof in Ancient Traditions, édité par K. Chemla, Cambridge: Cambridge University Press, 135–162.
- Scheel, Katrin (éd.) [2014], Der Briefwechsel Richard Dedekind – Heinrich Weber, Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften in Hamburg, t. 5, Berlin : De Gruyter.
- Siegel, Carl L. [1932], Über Riemanns Nachlaß zur analytischen Zahlentheorie, Quellen und Studien zur Geschichte der Mathematik, Astronomie und Physik, 2, 45–80.
- Sinaceur, Mohammed Allal [1990], Dedekind et le programme de Riemann. Suivi de la traduction de Analytische Untersuchungen zu Bernhard Riemann’s Abhandlungen über die Hypothesen, welche der Geometrie zu Grunde Liegen par R. Dedekind, Revue d’histoire des sciences, 43(2), 221–296, doi: 10.3406/rhs.1990.4165.
- Verdier, Norbert [2009], Le Journal de Liouville et la presse de son temps : une entreprise d’édition et de circulation des mathématiques au xixe siècle (1824-1885), Thèse de doctorat, Université Paris-Sud.
- Vitrac, Bernard [2012], The Euclidean ideal of proof in The Elements and philological uncertainties of Heiberg’s edition of the text, dans The History of Mathematical Proof in Ancient Traditions, édité par K. Chemla, Cambridge: Cambridge University Press, 69–134.
- Weber, Heinrich [1870], Note zu Riemann’s Beweis des Dirichlet’schen Prinzips, Journal für die reine und angewandte Mathematik, 71, 29–39.
- Weber, Heinrich [1877], Anzeige von Bernhard Riemann’s Gesammelte mathematische Werke und wissenschaftlicher Nachlass, Repertorium der literarischen Arbeiten aus dem gebiete der reinen und angewandten Mathematik, I, 145–154.
- Weber, Heinrich [1877b], Comptes rendus et analyses. Bernhard Riemann’s « Gesammelte Werke und wissenschaftlicher Nachlass ». Traduction de [Weber 1877], dans Bulletin des sciences mathématiques et astronomiques, 2e série, t. 1, 7–17.
Notes
-
[1]
Ce que l’on appelle en français « œuvres» correspond aux « gesammelte Werke» ou « collected works», littéralement « œuvres collectées» ou « œuvres choisies», et les « œuvres complètes» correspondent aux « sämtliche Werke» ou « complete works». Si le français tend parfois à utiliser à tort la locution « œuvres complètes», celles-ci sont, en fait, très souvent incomplètes, en particulier pour les auteurs ayant laissé un Nachlass dont des extraits sont sélectionnés pour publication. J’utiliserai seulement « œuvres».
- [2]
-
[3]
Citons, notamment, [Barrow-Green 2006], [Bret, Chatzis et al. 2008], [Remmert & Schneider 2008, 2010], [Brechenmacher 2010], [Verdier 2009], [Peiffer, Conforti, et al. 2013] et [Rollet & Nabonnand 2013].
-
[4]
Sauf indication contraire, les traductions sont les miennes.
-
[5]
Voyez par exemple [Netz 1998, 2012], [Chemla 1999, 2005], [Saito & Sidoli 2012], [Vitrac 2012].
-
[6]
Sur les sens que prend un texte mathématique selon ses lecteurs, voyez [Goldstein 1995].
-
[7]
Les Nachlässe de Riemann et Dedekind sont conservés à la Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek Göttingen, et référencés respectivement [Cod. Ms. Bernhard Riemann], et [Cod. Ms. Richard Dedekind]. En revanche, il a été impossible de localiser le Nachlass de Weber [Scheel 2014, 16] et communications personnelles.
-
[8]
Dedekind a aussi publié les Vorlesungen über Zahlentheorie [Leçons de théorie des nombres] de Lejeune-Dirichlet [Lejeune-Dirichlet 1863] et participé à l’édition des œuvres de Gauss.
-
[9]
On pourra, à ce sujet, se référer à [Cahn 1997, 2005], [Remmert & Schneider 2010] et [Ehrhardt 2011].
-
[10]
Ces documents sont dans le Nachlass de Riemann [Cod. Ms. Riemann].
-
[11]
Ces recherches ont été publiées dans [Sinaceur 1990].
-
[12]
Notamment son manuel Lehrbuch der Algebra, ses travaux en théorie des groupes et ce que l’on appelle aujourd’hui théorie des corps de classe.
-
[13]
Par exemple, dans [Weber 1870], il tente de prouver le « principe de Dirichlet» et explique vouloir « compléter, à certains endroits vulnérables, la preuve qui était plus suggérée que menée par Riemann» [Weber 1870, 29].
-
[14]
[Weber 1877b]. C’est la seule recension française que j’ai trouvée pour la première édition des œuvres de Riemann. Je cite la version française.
-
[15]
Les notes de fin sont clairement identifiées comme étant de la main des éditeurs. Cependant, certaines des notes de bas de page, dans les textes mêmes sont également des ajouts des éditeurs, et ne sont pas toujours signalées comme telles.
-
[16]
Par exemple, lors d’un exposé à SPHERE en décembre 2015, Maarten Bullynck (Université Paris 8) a mis en lumière de quelle manière l’édition des œuvres de Gauss, en particulier lorsque Felix Klein en était directeur, a été un des instruments de reconstruction rétrospective d’une tradition de mathématiques « conceptuelles» à Göttingen. C’est également le cas des œuvres de Dedekind, principalement éditées par Emmy Noether, qui tronquent les premières versions de sa théorie des nombres algébriques et publient surtout des extraits tardifs du Nachlass, donnant une image très « moderne» et « structuraliste» de Dedekind.
-
[17]
Les contrats avec Teubner sont reproduits dans [Scheel 2014, 382–386].
-
[18]
Il s’agit de [Riemann 1854b], [Riemann 1854a], [Riemann 1858].
-
[19]
Ce texte s’est finalement révélé essentiel pour la théorie des séries divergentes de Borel, voyez [Dugowson 1997].
-
[20]
Une liste des mémoires non publiés dans la version française est donnée à la fin du volume, avant la table des matières.
-
[21]
Dans la seconde édition de 1892, le texte n’est pas non plus modifié, car Weber semble être revenu en arrière, en précisant en note qu’il n’y a « pas une inadvertance» mais que la rotation est indiquée comme décrite par « un observateur placé au centre et suivant des yeux le point décrivant le circuit» [Riemann 1876c].
-
[22]
Les anneaux de Nobili sont les anneaux colorés produits par l’action de courants électriques sur des plaques de métal.
-
[23]
Ce travail est longuement discuté avec Weber dans [Scheel 2014, 101–127].
-
[24]
Je me permets de renvoyer à [Haffner 2017] à ce sujet.
-
[25]
En particulier, Dedekind et Weber publient ensemble Theorie der algebraischen Funktionen einer Veränderlichen [Dedekind & Weber 1882], où ils proposent une nouvelle approche de la théorie riemannienne des fonctions.