SAY : Il n’est pas rare que les risques géopolitiques ou économiques deviennent des prophéties qui se réalisent d’elles-mêmes, comme on peut le voir dans les relations entre la Chine et les États-Unis. Dans quels autres domaines ce risque est-il le plus important ?JS : Les mots ont leur importance, pour le meilleur ou pour le pire. L’ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, en sait quelque chose : sa célèbre promesse de faire « Whatever it takes », tout ce qu’il faut pour sauver l’euro restera dans l’histoire comme un point d’inflexion de l’intégration européenne. Un pessimisme excessif peut contribuer à des résultats négatifs : c’est le piège de Hobbes, souvent associé aux attaques préventives, fondé sur la croyance que les êtres humains sont des créatures fondamentalement mauvaises. Il faut lire à ce propos Humankind : A Hopeful History, de l’historien Rutger Bregman, qui montre comment la vision hobbesienne de la nature humaine peut alimenter la méfiance et les conflits. Mais un optimisme excessif est également dangereux. La pandémie Covid-19 en est un exemple. Les experts de la santé publique ont averti pendant des années qu’un virus respiratoire pandémique était probable. Nous aurions dû les écouter.SAY : Vous avez récemment déclaré que l’Organisation mondiale de la santé devrait disposer d’un personnel et d’une capacité suffisants pour inspecter et imposer des sanctions contraignantes aux États membres. De manière réaliste, quels sont les mécanismes envisageables …