Savoirs 2015/3 N° 39

Couverture de SAVO_039

Article de revue

Modes d’engagement des stagiaires au prisme des représentations des formateurs

Pages 65 à 87

Notes

  • [1]
    Benjamin Saccomanno est post-doctorant en sociologie. Ses travaux de recherche portent sur les mondes de l’éducation et de la formation pour adultes, du point de vue de leur organisation, du travail de leurs agents ainsi que de la rencontre avec les dynamiques identitaires de leurs publics.
    CERTOP (UMR5044) – Centre Associé CEREQ, Université Toulouse Jean Jaurès, benjamin.saccomanno@univ-tlse2.fr
  • [2]
    Ce que montrent par exemple Neuville et Van Dam (2006) qui, à partir de deux cas individuels très proches selon certaines variables objectives, distinguent une variété de causalités qui configurent ces dimensions du sens attaché au passage en formation.
  • [3]
    La règle du recrutement à l’AFPA veut qu’un formateur ait, au moins, cinq années d’exercice professionnel.
  • [4]
    Sur ce point, voir notamment Bonnet (1999) ainsi que De Lescure et Frétigné (2010).
  • [5]
    Ma présence sur le terrain a été négociée après sollicitation de la direction régionale de l’AFPA. Elle ne s’inscrit pas dans le cadre d’une commande de l’organisme mais d’une autorisation de ce dernier à me laisser me déplacer librement dans les centres afin de mener une recherche sur les conditions d’engagement volontaire d’adultes en formation qualifiante. Seul un premier formateur en maintenance industrielle m’a été présenté, contact ayant permis ensuite d’amorcer des échanges avec d’autres sur place et d’ainsi constituer progressivement un corpus de données qualitatives.
  • [6]
    Mené entre 2008 et 2010, le recueil empirique s’est déroulé en pleine reconfiguration de l’organisation du système de formation, traduite notamment par la mise en marché des actions de formation qualifiante et la mise en concurrence des opérateurs.
  • [7]
    Une présence régulière m’a également permis de mener des observations sur le vif dans les espaces collectifs des centres (foyer, cantines, parties extérieures, bureaux, salles de pause des formateurs, etc.) et d’avoir de nombreux échanges informels lors des temps de pause ou de travail, ou encore après les journées de formation, avec les formateurs et les stagiaires.
  • [8]
    L’aise indique le degré de familiarisation dans un environnement dans lequel se déroulent les engagements. Dans un environnement familier où tous les objets sont connus et à leur place, elle s’exprime par une convergence entre les personnes, les autres êtres et les objets.
  • [9]
    Dispositif de financement accessible à ceux qui ne bénéficient pas de l’Aide au Retour à l’Emploi. Son montant varie selon l’âge et si l’on a déjà travaillé ou pas.
  • [10]
    « Généralement » car il m’a été donné d’observer un cas où le formateur (électronique, en poste depuis deux ans) organisait une présélection à partir d’un travail de communication sur sa filière afin de centraliser les demandes de renseignements, puis d’organiser des entretiens avec les potentiels candidats, avant d’adresser les profils jugés pertinents vers les psychologues en charge du recrutement. Il interroge leurs connaissances techniques, leur parcours et leurs connaissances des contraintes du secteur (mobilité, etc.) : « Tout ça, c’est pour essayer de détecter ceux qui n’ont pas de réel projet professionnel, qui ne se sont pas questionnés en amont, pour éviter que des gens viennent ici se mettre à l’abri un an. »

1 – Introduction

1Dans le domaine de la formation, le concept d’engagement a permis d’aller plus loin que celui de motivation dans la mesure où il traite du lien entre les déterminants motivationnels et les comportements engendrés (Kiesler et Sakumura, 1966 ; Kiesler, 1971). Ce lien est également interrogé à la fois dans le contexte formatif des personnes (Vonthron, Lagabrielle et Pouchard, 2007), mais aussi du point de vue de leur parcours biographique et de leur construction identitaire (Bourgeois, 2006 ; Kaddouri, 2011). Comme le souligne De Ketele (2014), l’effet de la motivation sur l’engagement est loin d’être automatique et univoque : deux adultes aux parcours d’apparences similaires peuvent se côtoyer en formation sans poursuivre les mêmes objectifs ni adopter les mêmes postures. Le concept d’engagement éclaire ainsi la pluralité des manifestations du sens attaché par les personnes à leur passage en formation, c’est-à-dire dans leurs activités d’apprentissage, leurs relations avec le groupe et les formateurs et dans la mise en perspective de la séquence avec leur parcours passé et à venir [2].

2Toutefois, une grande majorité de travaux traitent de l’engagement en formation à partir d’auto-évaluations des individus. Jorro et De Ketele relèvent les biais de ces méthodologies (2013, pp. 165-173), particulièrement celui d’un risque de décalage entre la perception de soi-même et les comportements réels. Ajoutons que ces formes d’auto-évaluation peuvent se heurter à une difficile objectivation du regard sur soi, faute d’avoir stabilisé suffisamment de repères nécessaires pour se représenter et interpréter sa situation (Ardoino et Berger, 1986). Ceci s’expliquerait par une faible capitalisation d’expériences de formation comparables, ainsi que par le fait que les données sont recueillies auprès de personnes encore en formation, c’est-à-dire face à une incertitude incompressible quant à l’issue de leur démarche. Toute évaluation prend en effet appui sur des opérations de rapprochement et de comparaison entre des éléments commensurables à l’intérieur d’un même système évaluatif. Or le principe même de se mettre en position d’apprenant est justement d’aborder un terrain inconnu du point de vue des savoirs, de leur complexité, mais aussi de l’espace social de la formation (nombre de stagiaires ont par exemple besoin d’un certain temps afin de se détacher de leur seul modèle de référence qui était jusque-là l’Éducation nationale). Difficile dès lors de qualifier ses comportements à partir d’expériences souvent nouvelles et de savoirs dont l’apprentissage constitue l’objet même de l’engagement en formation.

3Dans le même temps, la nature sociale et relationnelle de l’engagement justifie de le questionner du point de vue de ceux qui l’accompagnent. Dans plusieurs disciplines, des travaux abordent l’engagement comme une dynamique dont le maintien constitue une activité en soi pour les professionnels interrogés (Breviglieri, 2005 ; Valeau, 2006 ; Wittezaele, 2007). Partir du travail, de ses enjeux, de ses contraintes ou de ses évolutions institutionnelles donne à voir les indices que les professionnels cherchent à repérer dans les comportements des individus afin de se coordonner avec eux. Les modalités de ce repérage nous informent d’une part sur les indicateurs d’engagement pertinents pour les professionnels, d’autre part sur les modes relationnels adoptés. En outre, les engagements qualifiés présentent l’avantage d’être directement mis en relation avec les modes opératoires et les finalités de l’organisme dans lequel ils sont observés.

4L’article prend ce parti et s’intéresse à des formateurs de l’AFPA qui, pour remplir leur fonction d’organisateurs d’apprentissage, selon l’expression de Jean-Marie Barbier (2009), s’appuient sur leurs savoirs techniques [3] et sur des savoirs relationnels capitalisés cohorte après cohorte. La combinaison de ces ressources vise à concilier une progressivité commune au collectif d’apprenants en regard des référentiels, avec une singularisation de l’accompagnement qui constitue une exigence grandissante des politiques de l’emploi. Nous comprenons que cette conciliation – un objectif caractéristique des formations d’adultes contemporaines (Nizet et Bourgeois, 2005) – mobilise les cadres interprétatifs à travers lesquels les formateurs perçoivent les engagements de leurs stagiaires. D’année en année, leur expérience se traduit par la consolidation d’indices de catégorisation des publics selon : les rapports aux activités d’apprentissage, les façons d’être avec les personnes côtoyées (eux compris), ainsi que les projets professionnels poursuivis. Par ailleurs, ces cadres interprétatifs peuvent difficilement être déconnectés de l’institution d’appartenance et donc des évolutions de logiques et prescriptions relatives à la dynamique des politiques de l’emploi [4].

5Dans cette perspective, notre approche considère les cadres interprétatifs des professionnels comme un de leurs principaux outils de travail, dont l’étude aide à la compréhension de leurs activités et donc des modes d’engagement en formation qu’ils rencontrent. À partir des indices de catégorisation des stagiaires relevés lors d’entretiens et de séances d’observation, l’article reconstruit les indicateurs qui agrègent ces indices. Le croisement de ces indicateurs (autonomie et projet) rend compte de la perception de quatre modes d’engagement en formation du point de vue des formateurs, laquelle va générer des modes d’accompagnement spécifiques. Le premier enjeu de cet article réside donc en la proposition d’une grille d’analyse des engagements des apprenants du point de vue des formateurs. Le second concerne la compréhension du travail du groupe des formateurs qui, par leur appartenance institutionnelle, apparaissent illustratifs de recompositions en cours dans le domaine de la formation pour adultes. L’article débutera donc par une présentation du mode d’analyse, ainsi que des données et de la méthodologie à partir desquelles seront ensuite présentées les quatre catégories d’engagement en formation.

2 – La posture et le projet : indicateurs de l’engagement

6Dans le cadre d’une enquête sur les ambitions d’adultes engagés volontairement en formation qualifiante, je me suis intéressé aux formes de coordination entre des adultes stagiaires et les multiples professionnels intervenant au cours de la mise en œuvre de ces ambitions. L’hypothèse de travail était que les échanges avec ces professionnels contribuaient à affiner, stabiliser ou même réorienter la dynamique d’amélioration des situations que vise l’ambition (Saccomanno, 2012, à paraître). Le choix de terrain s’est arrêté sur l’AFPA afin de questionner les relations d’incidences entre les politiques de l’emploi et cette dynamique de construction de soi [5]. Malgré de fortes incertitudes structurelles pesant sur de nombreuses catégories de professionnels [6] et la diversité des styles rencontrés (Chartier, 2003), l’étude par entretiens et observations du travail des formateurs étaye l’affirmation de Barbier et al. (2009, p. XIII) selon qui « tout le secret de la formation des adultes consiste à transformer le vécu en expérience, les expériences en savoir-faire, puis les savoir-faire en connaissances qui permettent l’autonomie ».

7Ce point de convergence quant à la finalité de leur travail a en effet été saisi à partir de quatorze entretiens semi-directifs réalisés auprès de formateurs ayant entre deux et vingt-huit années d’ancienneté dans l’organisme. Mises à part quelques exceptions (management et communication), ceux-ci sont également responsables des groupes qu’ils suivent dans les domaines de l’industrie (maintenance ; automatismes, niveaux IV et III), de l’électronique (conception de systèmes embarqués, niveaux IV et III), de l’informatique (conception-développement, niveau II), du bâtiment (dessinateur ; économiste, niveaux IV et III). Ces données s’ajoutent à celles recueillies lors de séries d’observation dans les centres de formation [7] : journées de formation en atelier (10), présentations de retours de périodes d’application en entreprise (2), délibérations de jurys de fin de stage (2). Par-delà les domaines, les formateurs s’accordent sur l’autonomie des stagiaires en tant que finalité cohérente avec les enjeux institutionnels affichés. Ils insistent surtout sur l’importance de celle-ci dans la relation pédagogique, ce qui en justifie une évaluation tout au long de la formation :

8

Certains arrivent et sont dans une représentation très scolaire de la formation : « Le prof va dire les devoirs qu’il y a à faire. » Or ce n’est pas du tout notre schéma à l’AFPA. Nous, on est dans l’accompagnement, pas dans le « faire à la place de ». Donc on les amène à être le plus autonomes possible et surtout à se déconnecter de cette représentation : on n’est plus à l’école, on les traite comme en entreprise.
(Formateur Management et communication depuis 8 ans)

9Leur travail commence donc souvent par le repérage des types d’apprenants qu’ils ont en face d’eux afin, comme le souligne l’extrait ci-dessus, de clarifier la relation qu’ils vont tenter d’établir. Le questionnement de ce repérage nous met sur la piste de leur compréhension des engagements en formation : les postures adoptées ne sont pas uniquement affaire de compétences détenues, elles font également écho au parcours ayant mené la personne vers la formation. L’extrait suivant montre bien comment le rapport à l’échec ou à l’erreur dénote un comportement lié à l’état d’esprit dans lequel se situent les stagiaires, ce que les formateurs prennent en compte dans leurs échanges avec eux :

10

Si le type, moralement, c’est un peu difficile pour lui, tu fais attention quand il fait une erreur : si tu lui parles d’échec, si tu pointes le négatif, il va tout de suite comprendre que tu le prends pour quelqu’un qui n’est pas bon. Tu vois, il y a aussi la personnalité des gens. Il faut faire vachement gaffe. Sinon, les types tu peux les perdre.
(Formateur industrie depuis 3 ans)

11L’autonomie attendue d’un adulte en formation pourra donc être ajustée au regard d’un faisceau d’éléments allant des compétences objectives à des variables plus subjectives mais reconnues comme influentes sur le rapport à l’apprentissage. Cet ajustement se définit donc à partir de la représentation que parviennent à se faire les formateurs de l’engagement en formation du stagiaire, c’est-à-dire le sens que ce dernier attache à son passage en formation saisi à partir de ses façons de mener les activités demandées, de ses relations avec autrui et de la mise en perspective biographique de celui-ci. Sur la base des données recueillies ont émergé deux variables synthétisant la construction du jugement des formateurs à propos de ces engagements : l’appréciation de l’autonomie et la présence d’un projet sous-jacent. Ces variables sont binaires, et le croisement de leurs modalités nous permet de proposer un système de catégorisation en quatre figures archétypales, c’est-à-dire des catégories modales qui cristallisent un certain nombre d’attributs typiques repérés par les acteurs qui vont ensuite s’en servir comme repères de classification des sujets rencontrés (Desrosières et Thévenot, 1979). Ces figures servent de repères aux jugements des formateurs, c’est-à-dire que les indicateurs repérés vont leur permettre de positionner les stagiaires par rapport à l’une d’entre elles ou de les rapprocher de l’une d’entre elles. Nous parlons de jugement car, nous allons le voir, ces perceptions des engagements s’adossent à une figure de référence qui correspond au modèle vers lequel leur travail tend à conduire les stagiaires. Détaillons les deux variables, ce qu’elles nous disent et comment nous les avons analysées avant de présenter ces quatre figures.

12L’appréciation de l’autonomie qualifie la façon d’investir les activités d’apprentissage et les relations avec autrui. Elle se distribue entre, d’un côté, des postures estimées attentistes et/ou faiblement mobilisées, repérées chez des stagiaires faiblement coopératifs avec les autres apprenants et dont les relations avec les formateurs reproduisent la verticalité du maître vers l’élève ; et de l’autre, des postures décrites comme actives (voire proactives qui cherchent à anticiper les problèmes à traiter), parfois même curieuses, de stagiaires démontrant une capacité spontanée à échanger et coopérer entre eux, et qui sollicitent les formateurs dans une quête d’appropriation des outils et techniques. Les jugements s’appuient par exemple sur le repérage d’indices que Thévenot (2006) assimile à l’aise[8] du régime d’engagement familier : des petits gestes, habitudes et réflexes ou éléments de langage qui se développent conjointement à la familiarisation qui s’opère avec un environnement au départ inconnu. Suivant cet auteur, l’aise favorise donc la coordination avec les éléments (matériels et humains) de l’environnement en ce qu’elle fluidifie les mouvements, permet de contourner des difficultés déjà expérimentées et favorise l’appréhension de nouvelles situations grâce à l’intériorisation de pratiques à la faveur des expériences passées. Concrètement, les formateurs prêtent par exemple attention à la prise en main d’une nouvelle machine, à la mise en place d’une méthode de travail pour résoudre un exercice, à l’aisance à trouver les informations pertinentes, ou encore à la fréquence de sollicitation d’autrui en cas de blocage.

13La seconde variable concerne le projet individuel sous-jacent, c’est-à-dire la finalité du passage en formation. Les formateurs souscrivent en effet à l’hypothèse – notamment formulée par Boutinet (2003) – de la capacité mobilisatrice d’un projet dont la réalisation future cadre les actions présentes. D’après eux, la présence d’un projet renforce la reconnaissance du sens de leurs actions par les stagiaires, ce qui générera une implication soutenue durant l’année de formation. Au contraire, l’absence de projet laisserait les stagiaires dans un flou désengageant car ils n’auraient que trop de mal à orienter leur engagement vers un but précis. Comme nous le verrons avec la troisième figure, dans ce type de cas une implication durable ne pourra être obtenue qu’au bénéfice de la découverte d’un support de projection de soi dans le métier préparé. Plus généralement, nous verrons que tous les stagiaires n’entrent pas en formation avec un projet parfaitement stabilisé. Le travail des formateurs dépasse alors la transmission de savoirs techniques lorsqu’ils mobilisent leur expérience de professionnel (et parfois leur réseau) pour conseiller les stagiaires quant à leur orientation sur le marché, par exemple pour les amener à préciser leur projet afin de se positionner sur une niche ou un segment jugés à la fois plus porteurs conjoncturellement, ou plus adaptés au stagiaire qui sollicite leurs conseils. Néanmoins, cette activité demande que le stagiaire ait déjà balisé le champ de ses aspirations professionnelles. Cette variable se renseigne donc par le repérage d’une préoccupation de leur avenir professionnel, ce qui commence dès les premières séances de formation et se prolonge dans la recherche des périodes d’application en entreprise qui, si elles ne sont pas pensées en lien avec une insertion future, rendraient faiblement compte d’un questionnement relatif à la sortie de formation.

14Les figures archétypales de stagiaires issues des représentations des formateurs ont donc été obtenues par le croisement de ces deux variables qui synthétisent leur appréciation des engagements en formation :

Tableau 1

Figures de stagiaires selon les formateurs AFPA

Tableau 1
Pas de projection définie au-delà de la formation Présence d’un projet Posture attentiste Stagiaire au chaud (1) Stagiaire consommateur (2) Posture active Stagiaire adressé (3) Stagiaire engagé (4)

Figures de stagiaires selon les formateurs AFPA

15Ces quatre figures permettent de repérer le modèle de stagiaire « attendu » (4) par les formateurs. Les trois autres en représentent alors des déviations. Lorsque les repères ne sont pas conformes à leurs représentations – comme dans les deux premières figures –, les formateurs estiment plus aléatoire leur apport à la co-construction de projets professionnels réalistes, particulièrement lorsqu’ils font face à une absence de projet. La troisième figure illustre la possibilité de requalification positive d’un engagement. La dernière figure représente le modèle de référence qui sert d’étalon au jugement.

3 – Résultats : figures d’identification des stagiaires

3.1 – Le stagiaire « au chaud »

16Le stagiaire « au chaud » représente la figure la plus éloignée des attentes des formateurs. Il semble en effet n’avoir d’autre projet que celui d’être en formation. Pour les formateurs, il démontre très rapidement un investissement limité dans les activités quotidiennes d’apprentissage, jusqu’à parfois aller à l’encontre de la dynamique collective d’apprentissage (Duchesne et Gagnon, 2014). Le qualificatif « au chaud » souligne la rationalité à très court terme qui paraît les animer du point de vue des formateurs. Le choix de la spécialité de formation est bien plus secondaire que l’entrée dans un dispositif financé. Les formateurs assimilent des stagiaires à cette première figure lorsqu’ils repèrent une très faible connaissance du métier préparé sans pour autant se montrer mobilisés pour compenser leurs retards. Par exemple, des formateurs nous expliquent mettre en place des séances de travail complémentaires. Ceux qui les évitent systématiquement sans autre motif que de vouloir rentrer chez eux dès l’heure légale de sortie commencent alors à être rapprochés de cette figure, qualifiée également par certains de « touriste ». Chaque promotion a son lot de stagiaires qui se « retrouvent là comme ils auraient pu être ailleurs » nous explique l’un d’eux, « qui passent à travers les mailles du filet pour venir chercher un moment au chaud, tout en sachant qu’ils ne sont pas à leur place » d’après un autre.

17Les formateurs se heurtent à une inertie alors qu’ils attendent des postures actives. Cette inertie concerne les activités d’apprentissage mais aussi la réflexion sur l’après-formation. Nous avons vu plus haut que l’autonomie en formation était un sujet d’attention quotidienne pour les formateurs. La sociologie des organisations définit l’autonomie comme la capacité à produire des normes et règles d’action, mais aussi à s’emparer de celles déjà existantes afin d’ajuster au mieux l’agir à ses propres finalités (Terssac et Maggi 1996). Dans les discours des formateurs, cette figure de stagiaire met au contraire en évidence des comportements dont le seul rapport à la règle consiste à repérer les attentes minimales de l’institution pour ne pas se faire exclure (justifier d’une présence quotidienne). La prise d’initiative est ainsi quasi inexistante chez ce type de stagiaire qui « sait qu’il doit être là le matin à huit heures, on lui dit ce qu’il a à faire, donc c’est un temps relativement confortable », nous dit un formateur en industrie en poste depuis 16 ans. L’autonomie n’est donc absolument pas tournée vers le développement d’une familiarité avec les éléments physiques et humains de l’espace de formation ni même vers une appropriation des règles de comportement dans le groupe de stagiaires : en dehors des obligations institutionnelles, celles régissant le collectif d’apprenants et la relation avec le formateur n’ont que très peu d’effet coercitif sur les postures. Une formatrice en dessin technique du bâtiment nous raconte à propos d’un stagiaire qu’« il avait beau prendre des mauvaises notes, des commentaires de ma part, ou même des menaces de sortie de formation, il s’en foutait, c’est tout. Il s’était calé là pour avoir pendant dix mois son minimum de rémunération stagiaire[9]. »

18Suivant Boutinet (2003), nous voyons bien que l’absence de projet bloque cette mise en cohérence des comportements que l’anticipation favorise. Ceci se retrouve ici dans l’évitement des pratiques d’appropriation inhérentes à l’apprentissage. Des travaux en psychosociologie expliquent également ce type de posture attentiste (Mercure, 1995 ; Cohen-Scali, 2000) ou occupationniste (Tapia, 1994) par un défaut de projet d’avenir qui rend toute action présente dénuée de sens et/ou par un fort manque de repères et de ressources pour se repérer, s’impliquer et se mettre en conformité avec les exigences comportementales d’un nouvel univers traversé. On comprend mieux alors pourquoi ce premier archétype permet souvent de caractériser des jeunes ayant quitté les bancs de l’école depuis peu sans avoir eu depuis de véritable expérience professionnelle qui les aurait socialisés à des savoir-être dont l’AFPA revendique la réappropriation (cf. premier verbatim de l’article).

19Cette première forme d’engagement rend donc difficile le travail d’accompagnement car les formateurs ne trouvent que peu de support d’échanges dans les activités techniques, l’intérêt pour le métier ou l’existence d’un projet professionnel. De plus, l’inertie face à l’apprentissage limite fortement les possibilités de transmission de savoirs techniques. Le cadre de la formation ne fournit pas les ressources aux formateurs pour développer une relation avec ce type de stagiaire. D’après Goffman, seule la capacité des acteurs à renégocier ce cadre le permettrait. Mais nous venons bien de voir que ces stagiaires ne sont pas enclins à le faire car cela va à l’encontre de leur rationalité à court terme et, quant aux formateurs, une fois qu’ils ont rapproché un stagiaire de cet archétype, ils préfèrent généralement consacrer leur temps aux autres. Lors d’observations en atelier, je m’aperçois que certains semblent en effet laissés à eux-mêmes, naviguent entre les postes, observent quelque peu le travail des autres mais ne posent quasiment jamais de questions ni ne demandent de vérification de leur avancée au formateur qui, par contre, peut passer jusqu’à une heure entière sur le tableau de montage d’un stagiaire jugé plus impliqué.

20Enfin, la mention des composantes de cette figure s’accompagne souvent d’une critique récurrente de la qualité irrégulière du processus de recrutement dont ils sont généralement exclus [10]. En effet, le mode de sélection ne procède pas par classement mais par traitement chronologique des dossiers jusqu’à ce que le nombre de places soit atteint. Du moment qu’il est retenu par le psychologue du travail du service public de l’emploi (SPE), un candidat « moyen » que les formateurs auraient refusé ne sera pas rétrogradé au bénéfice du dossier d’un candidat plus au fait de la réalité du métier préparé. Cette critique d’une inexacte justesse des recrutements leur permet de valoriser leur propre expertise de professionnel qui ferait défaut aux psychologues. Elle sert également à illustrer le travail d’accompagnement de projets indécis ou peu précisés qui peut leur incomber, alors que cela est théoriquement l’objet de dispositifs préalables à l’entrée en formation. En cela, notre enquête corrobore des résultats observés auprès d’autres opérateurs des politiques de l’emploi (Divay, 2010) qui démontrent une tendance au morcellement et à la multiplication des activités périphériques, en conséquence d’une centralisation des enjeux de l’évaluation. Ainsi, sur notre terrain, l’efficacité des programmes s’évalue notamment à travers le remplissage des groupes. Cet enjeu est d’autant plus central que le secteur de la formation s’est ouvert à la concurrence. Par cette première figure, les formateurs déplorent donc une déviation de la finalité première de leur fonction, l’accompagnement de projets professionnels apparaît en tant que contrainte dès lors qu’il se surajoute à l’apprentissage technique et risque de limiter la progression collective. Avec les figures suivantes, cette partie du travail des formateurs apparaît comme un facteur favorisant leur coordination avec les stagiaires.

3.2 – Le stagiaire consommateur

21Cette deuxième figure concerne des stagiaires qui multiplient les passages en formation sans une réelle mise en œuvre sur le marché du travail qui permettrait de capitaliser les compétences apprises. « Beaucoup viennent simplement chercher un bout de papier », regrette ce formateur en informatique. « Ils vont décrocher ou vouloir repartir sur autre chose au bout de deux mois parce que c’est pas ce qu’ils imaginaient », raconte un responsable de formation qui traite les demandes de réorientation. Cette figure archétypale synthétise la critique d’engagements focalisés sur le titre à obtenir sans viser une montée en autonomie professionnelle au cours de l’apprentissage ni être véritablement au fait des réalités professionnelles auxquelles prépare la formation. À la différence du stagiaire « au chaud », le stagiaire consommateur sera donc mobilisé au cours de la formation, du moins dans les premiers temps. Cependant, les formateurs estiment trop peu réaliste leur projet lorsque les stagiaires pensent que la formation pourra se substituer à l’expérience du métier. Le principal indice qui les met sur cette voie est le constat d’un enchaînement, passé ou annoncé, de formations à la faveur duquel les apprenants pensent réaliste de pouvoir atteindre des positions professionnelles, alors que l’accès à celles-ci nécessite pourtant de faire montre d’une solide expérience en emploi :

22

Là où ils vont te dire qu’ils sont dans une visée de carrière, etc., moi je trouve qu’ils sont un peu en dehors des clous. Oui, il y a des carrières qui se construisent grâce à la formation professionnelle. Mais pour qu’elles soient vraiment pertinentes, elles doivent se faire dans le temps. […] Donc on a des gens qui, lorsqu’ils accumulent des formations sans aller les mettre en pratique, construisent sur quelque chose qui n’est pas solide.
(Formateur industrie depuis 16 ans)

23Surtout, ce défaut de réalisme des projets accroîtrait la probabilité d’un désengagement. La posture consommatrice conduirait les personnes à se déplacer régulièrement au sein de l’offre de formation. Ceci révèle que la qualité de l’engagement se mesure entre autres à la persévérance dans l’apprentissage selon les formateurs interrogés. Même si les stagiaires les justifient suivant une recherche de positions qui leur correspondraient toujours plus, ces fréquentes réorientations soulèvent chez les formateurs la critique d’une versatilité des projets de stagiaires chez lesquels, par contre, plusieurs formateurs reconnaissent une compétence stratégique insoupçonnée : la capacité à naviguer dans le système de formation et à jouer avec ses règles de financement et d’admission. Le repérage de telles stratégies remet ainsi en question l’objet même du passage en formation. En poste depuis 25 ans, un formateur en automatisme industriel remarque qu’« avec les difficultés de recrutement sur certaines filières ils sont accueillis à bras ouverts », alors que « la finalité ce n’est pas de bosser, c’est le bout de papier ». Il nous semble que c’est surtout une divergence de finalités entre les individus et l’institution qui apparaît. Divergence qui éclaire l’ordonnancement de leurs missions par les formateurs.

24En effet, dans une certaine mesure, nous sommes proches du rapport de contingence soulevé par Kaddouri (2011) à propos d’une fragilité d’engagement pour ceux chez lesquels la formation vise à se défaire d’une « identité de chômeur devenue insupportable ». Dans ce type de cas, le désengagement ou la réorientation s’envisagent avec la prise de conscience que les savoirs appris ne permettront pas véritablement de se défaire des stigmates identitaires ressentis. Dans les autres cas, le stagiaire consommateur remet facilement son projet en question faute de réelles assurances de pouvoir le mener à bien, que ces assurances soient fournies par une connaissance du marché du travail ou qu’elles proviennent de la confiance en ses propres capacités. En effet, les discours des formateurs mettent souvent en relation des attitudes quotidiennement hésitantes en atelier et en salle de cours avec des projets professionnels pouvant du jour au lendemain être révisés en profondeur. D’après ces discours, la relation avec ce type de stagiaires tendrait à délaisser l’aspect technique pour se concentrer sur des attentes proches du bilan de compétences, voire parfois de réassurance psychologique pour ceux dont les passages sur le marché du travail ont été éprouvants. Il faut en effet considérer que ces engagements répondent bien souvent à la crainte d’une impossible insertion durable sur le marché du travail.

25Le profil type navigue depuis plusieurs années entre formation et marché du travail, sans n’avoir jamais réussi à obtenir un poste cohérent avec sa formation ou ses aspirations. Les formateurs insistent en effet sur des trajectoires cantonnées au marché externe que Doeringer et Piore (1971) caractérisent par des emplois atypiques, faiblement protégés et n’ouvrant que rarement à des programmes de formation. Les opérateurs des politiques de l’emploi tels que l’AFPA sont alors souvent les seuls recours connus pour renforcer leur profil. Cependant, la propension à réviser leur orientation professionnelle produit une discontinuité entre apprentissage et exploitation des savoirs. D’une part, cette discontinuité rend difficile la formation à de nouvelles compétences lorsque les bases sont chancelantes. D’autre part, les formateurs avouent avoir des difficultés à mettre en place une relation efficace de leur point de vue quand l’application en entreprise des compétences apprises leur apparaît comme une finalité qui échappe aux stagiaires. Par leur posture active durant la formation, les deux figures suivantes soutiendraient un échange plus fécond avec les formateurs selon ces derniers.

3.3 – Le stagiaire adressé

26Cette troisième figure représente une charnière car elle pointe un état intermédiaire entre le stagiaire engagé et celui en décrochage. La présence du stagiaire adressé à l’AFPA est le produit d’une préconisation par un proche ou bien d’une prescription par un professionnel de l’accompagnement. Cette détermination extérieure du projet se traduit par de faibles représentations des métiers préparés. Si les formateurs ne critiquent pas cet état initial, ils craignent par contre la fragilité de projets qui trouveront ou non confirmation en formation. Le mode d’engagement dépendrait donc de la cohérence que le stagiaire percevra entre son identité vécue et les représentations du métier préparé émergentes durant son stage. La reconnaissance de cette cohérence dépendrait alors des effets positifs des contenus de la formation sur les projets identitaires des individus (Bourgeois, 1996 ; Kaddouri, 1996). Le stagiaire adressé est un archétype intermédiaire dont les caractéristiques sont les indices d’une conversion vers un engagement réussi selon les formateurs. Il étaye la nature dynamique et non pas figée des postures et projets des stagiaires. Lorsqu’ils assimilent les stagiaires à cette figure, les formateurs soulignent leur nécessité d’investir cet état intermédiaire afin de favoriser une appropriation des savoirs qui renforcerait la projection dans le métier et donc leur engagement en formation. Cette figure étaye ainsi également la responsabilité qu’ils attendent des stagiaires.

27Qu’ils parlent de « déclic » ou de « découverte », les formateurs chevronnés comme les plus récemment recrutés se rejoignent sur le fait qu’ils ont à de nombreuses reprises repéré un point de basculement entre deux rapports à l’apprentissage. Ils s’appuient sur l’observation du développement d’une familiarité avec l’environnement matériel et humain censé reproduire dans le centre de formation les conditions du métier préparé. D’abord repéré car son projet a été élaboré par un tiers, le stagiaire adressé est ensuite observé du point de vue de son appropriation des gestes et techniques, du langage et, plus généralement, des réalités du métier.

28Cet archétype s’oppose au précédent car, ici, les formateurs trouvent des prises dans l’implication active des stagiaires, même si leur projet est très peu assuré ou réaliste comme dans le cas des stagiaires consommateurs. Le stagiaire adressé démontre ainsi le rôle fondamental du formateur en tant qu’instance socialisatrice œuvrant à stabiliser une projection identitaire justifiant d’engager une démarche de conversion. Mentionner ces déclics réussis permet aux formateurs de valoriser leur rôle de « dispositif de médiation » au sens de Berger et Luckmann (1996) :

29

J’en ai formé plein qui sont arrivés ici sans trop savoir pourquoi et qui se sont découvert un intérêt pour quelque chose dont ils n’avaient pas idée : ça, ce sont des gens qu’on a pu aider.
(Formateur bâtiment depuis 3 ans)

30

Jusqu’au bout, je vais être là pour qu’ils aient le déclic qui me montre qu’ils sont passés de l’autre côté et qu’ils ont envie d’être dans ce nouveau métier. C’est un peu mon objectif : qu’ils aient envie et qu’ils s’y voient, qu’ils se projettent vraiment dans le métier, même s’ils font des erreurs parce que ça fait partie de la vie.
(Formatrice bâtiment depuis 14 ans)

31Alors que les figures précédentes mettaient en exergue une difficile coordination avec les stagiaires en raison de postures jugées inactives, nous voyons ici comment le repérage d’une volonté d’implication dans l’apprentissage a un effet positif sur l’accompagnement prodigué. Nous touchons là une dimension essentielle des activités des formateurs que nos entretiens ont fait émerger comme point d’accord au-delà de l’ancienneté et des façons d’incarner leur métier. C’est leur représentation d’eux-mêmes en tant qu’agents de transaction identitaire qui va aider les stagiaires à stabiliser l’identité professionnelle à acquérir grâce à la formation. Dire cela permet d’affirmer que, pour les formateurs, la dimension identitaire n’est donc pas secondaire dans leur travail comme pourraient le donner à penser les deux archétypes précédents. Les formateurs ne s’opposent donc pas à la normalisation d’activités d’accompagnement subjectif dans leurs fonctions, lesquelles vont croissantes dans la mise en œuvre des politiques sociales et de l’emploi (Cantelli et Genard 2007). Ils insistent cependant sur la responsabilité qui incombe en contrepartie aux publics concernés, car sans le soutien de leur implication l’accompagnement sera vain et conduira à rapprocher les stagiaires de la première figure analysée. En reprenant la définition de l’autonomie vue précédemment, un indice fort de celle-ci est donc la capacité à se saisir des règles institutionnelles qui cadrent les interactions au cours de la formation, en l’occurrence ici la règle selon laquelle les publics sont acteurs de leur démarche et non pas sujets passifs face aux savoirs.

32Le déclic mentionné dans les discours n’en demeure pas moins un phénomène incertain. Pour aller plus loin qu’une lecture binaire de celui-ci (l’avoir ou pas), il faut en fait considérer l’enrichissement progressif d’un projet par l’appropriation des savoirs formels et informels relatifs au métier. Cette appropriation – qui consiste à être en capacité de remobiliser les savoirs techniques pour mieux les ajuster à sa propre action (Bernoux, 1981) – peut donc s’avérer effective mais limitée en raison soit d’une distance initiale trop élevée en termes de capacités techniques que la formation ne pourra complètement rattraper, soit d’une adhésion partielle aux activités traduisant un projet d’insertion plus que de carrière :

33

Certains en cours de route vont s’approprier le projet, c’est vrai : le projet est venu à eux, il est dans leur bras et ils vont le tenir pendant un an. Ce ne sont pas des gens qui vont forcément rater le titre d’ailleurs. Mais ce sont des gens qui vont rester des techniciens, ils ne vont pas prendre la dimension de technicien supérieur qui est pourtant l’objet de la formation.
(Formateur industrie depuis 16 ans)

34Le stagiaire adressé témoigne donc de la possibilité qu’au cours de la formation, des rapports indécis à l’apprentissage se transforment en postures démontrant un engagement convergent avec les attentes de l’organisme. Cette troisième figure sert de charnière à notre exposé, car elle met en relief la conversion possible vers des postures valorisées par les formateurs et analysées ci-après.

3.4 – Le stagiaire engagé

35Les trois archétypes précédents peuvent se comprendre comme autant de déviations par rapport à un quatrième qui condense les attentes des formateurs en termes d’engagement. Le stagiaire engagé est celui qui leur permet d’exercer leur travail dans les meilleures conditions car sa présence n’est pas hasardeuse ni ne dévoie les finalités du dispositif. En atelier, il démontre rapidement des savoirs permettant de monter en complexité et d’explorer en profondeur les multiples situations caractéristiques du métier préparé, des situations dont le stagiaire engagé a une représentation assez juste dès l’entrée en formation.

36Représentant, selon les formateurs, une part conséquente de leurs publics, cette figure apparaît donc comme la plus propice à la réalisation conjointe de l’objectif général de l’organisme et des enjeux de ses bénéficiaires. Les stagiaires engagés sont donc naturellement valorisés par l’institution. En premier lieu, la présence de ce type de stagiaires serait favorisée par un travail efficace d’objectivation des projets en amont de l’entrée en formation, à la fois d’un point de vue des trajectoires individuelles et du marché du travail. Le travail des formateurs peut alors se concentrer sur la dimension technique de l’apprentissage, en s’appuyant sur une autonomie déjà présente ou, tout au moins, en germe :

37

Il y a des gens qui sont motivés pour dire « Moi j’ai un projet, j’ai tel projet », c’est par exemple le gars qui fait de l’informatique de gestion, qui a fait le tour et qui s’ennuie dans ce qu’il fait, qui est mal payé, qui a des copains qui font de l’informatique industrielle et, après en avoir discuté, qui est très intéressé par ça et donc qui a le projet de retrouver un boulot en informatique industrielle.
(Formateur industrie depuis 28 ans)

38En situation, l’un des indicateurs concerne les échanges et les questions que pose le stagiaire. Le formateur évalue l’apprentissage d’une professionnalité à travers les rapprochements effectués par les stagiaires entre les gestes appris et leur application concrète en situation professionnelle. Le formateur trouve là l’indice d’un affranchissement du cadre scolaire pour intégrer celui du métier. L’assimilation de la « méthode AFPA » tournée vers l’autonomie des apprenants, l’investissement dans l’apprentissage et le soutien à une dynamique collective sont les repères de cette évaluation :

39

Pour que ça marche, la formation, il faut que la personne me montre que, un, c’est ce métier-là qu’elle veut faire. Et, deux, qu’elle s’en donne les moyens. Quand c’est comme ça, c’est des personnes qui me demandent de garder la clé jusqu’à dix-huit heures trente quand je m’en vais à dix-sept heures. Là, on sait qu’on a fait un bon recrutement et qu’ensuite, ça va amener une émulation : même ceux qui s’intéressaient pas vraiment à l’électronique sont épatés par l’intérêt que portent les autres au sujet et, du coup, vont essayer de voir ce qui se cache là derrière pour y trouver eux aussi un maximum d’intérêt.
(Formateur électronique depuis 2 ans)

40La réussite au titre n’apparaît alors pas toujours comme la validation la plus importante de l’engagement de ces adultes. C’est bien l’organisation personnelle autour d’un projet professionnel qui soutient ce type de jugement de la part des formateurs :

41

Une personne l’année dernière est venue. Il ne cherchait pas particulièrement le titre puisqu’il a arrêté en cours. Ce qu’il voulait, c’était créer sa boîte, donc il avait besoin de certaines connaissances qu’il est venu chercher et qui l’ont a priori satisfait. Il est pas allé jusqu’au titre, il a arrêté avant, pour monter son affaire : ça c’est une réussite pour moi.
(Formateur industrie depuis 28 ans)

42Cette dernière figure d’identification nous permet enfin de détailler les ressorts à la coordination entre les formateurs et les stagiaires autour du projet. En effet, leur accord repose sur la reconnaissance des registres de l’autonomie, de l’initiative, de la mobilisation personnelle et de la connaissance du marché du travail dans les postures d’apprentissage. Ces registres convergent avec ceux de la « fabrique de l’employabilité » par les institutions de formations (Barnier, Canu, Vergne et Maillard, 2014) qui normalisent un « modèle d’entreprise de soi » (Périlleux, 2005) uniformisant les comportements autour d’une conformité aux discours dominants quant à l’individualisation des causes d’entrée et facteurs de sortie du chômage (Darmon, Frade, Demazière et Haas, 2004). Aussi, en faisant de cette figure d’identification la référence à leur jugement, les formateurs reproduiraient les ordres de grandeur de leur institution d’appartenance, à partir des capacités individuelles à se mettre en adéquation avec le modèle de professionnel préconisé dont les décisions d’orientation sont construites avant tout sur la base d’une connaissance des mouvements du marché du travail.

43Toutefois, comme les trois précédentes, le stagiaire engagé représente une figure typique, reconstruite d’après les représentations des formateurs. Elle illustre cet « idéal » de l’autonomie (De Terssac, 2012) qui organise leurs relations avec les apprenants. Dans les faits, lorsque les formateurs rapprochent des stagiaires de cette figure, les projets individuels démontrent un réalisme et une portée dont le jugement indique une gradation bien plus fine qu’une réduction binaire entre présence ou absence de projet. C’est au sein de cette gradation que les formateurs vont établir un compromis entre la norme d’employabilité et leur propre évaluation du réalisme des projets :

44

Leur projet professionnel, il faut être honnête, il y en a peu qui en ont. C’est un beau mot « projet professionnel », c’est joli, ça brille, c’est beau, mais bon… Beaucoup choisissent le secteur informatique parce que ça reste un secteur assez vivant où il y a quand même de l’embauche. Mais bon, ce qui est des stagiaires qui ont vraiment un projet pour dire « Moi, je vais faire ça, ça, puis après je me vois là » : il y en a finalement très peu.
(Formateur informatique depuis 2 ans)

4 – Conclusion

45Notre premier élément de conclusion porte sur le concept d’engagement et l’intérêt de l’étudier du point de vue des accompagnateurs. Les catégorisations issues de l’expérience nous ont en effet fourni un point d’entrée pertinent pour comprendre comment se construisent leurs appréciations qui vont ensuite régler la relation à construire avec les stagiaires. Les quatre figures démontrent bien que leur perception de l’engagement en formation participe de la relation qu’ils essaient de mettre en place, une relation qui est elle-même structurée par les effets organisationnels comme nous avons pu le noter à propos du recrutement. Le travail des formateurs est loin de n’être que technique. C’est bien dans l’analyse des formes relationnelles négociées avec les stagiaires que les modes d’engagement de ces derniers gagnent en explicitation. À la différence de données issues d’auto-appréciations, interroger les formateurs confère à l’analyse le recul et la consistance permis par la comparaison entre de nombreuses situations d’accompagnement.

46À propos des indicateurs mobilisés pour notre étude, sur l’autonomie, l’article a notamment cherché à mettre en avant les apports de la sociologie des organisations. L’autonomie ne doit donc pas se comprendre comme un attribut personnel mais comme une dimension négociée avec les formateurs à l’intérieur du cadre fixé par les règles à la fois institutionnelles mais aussi celles reconnues comme pertinentes par les formateurs. C’est-à-dire que les formateurs endossent une fonction de gardiens de la règle institutionnelle dont nous avons vu quelques-unes des évolutions majeures que sont l’individualisation, la responsabilisation et la capacité à se positionner soi-même dans les espaces pertinents du marché du travail du point de vue des emplois disponibles. La première figure démontrait bien comment certains stagiaires adoptent pour stratégie de se loger à la limite de ces règles pour conserver le confort de leur position.

47Sur les projets, les résultats montrent que les formateurs font bien souvent face à des projets plus ou moins ouverts alors que nombre de leurs stagiaires sont pourtant passés par des dispositifs de construction et de validation de projet avant d’entrer à l’AFPA. Outre les critiques émises sur le recrutement, ceci nous amène à notre second point conclusif qui interroge la place et le travail des formateurs dans le système de formation qualifiante pour adultes. Pris dans une double contrainte de répondre à l’objectif d’employabilité prescrit par leur institution et d’accompagnement personnalisé demandé par les stagiaires, les formateurs ont tout intérêt à repérer ceux dont la posture favorisera l’éclosion d’un véritable collectif d’apprenants utile au travail de formation (Saccomanno, à paraître). Le repérage de stagiaires engagés est alors d’autant plus essentiel que c’est sur eux que les formateurs peuvent s’appuyer pour remplir au mieux selon eux leurs fonctions professionnelles. Notre étude met ainsi en avant l’enjeu de la coordination entre les séquences de recrutement et de formation. L’objectif général d’employabilité aurait comme effet théorique de favoriser l’entrée dans les dispositifs de ceux dont les projets sont préalablement validés du point de vue des opportunités sur le marché du travail. Or les deux premières figures (et potentiellement la troisième) témoignent de ruptures dans la coordination, permettant l’entrée en formation qualifiante de stagiaires très peu assurés du point de vue d’un réalisme marchand. Il revient alors au formateur de remplir un rôle d’accompagnateur de projet en plus de celui de transmetteur de savoirs. Paradoxalement pourrions-nous dire, les formateurs interrogés, s’ils déplorent l’empilement des missions, parviennent à articuler positivement ces différents rôles pour favoriser l’engagement. Du côté des stagiaires, on observe justement que ce sont les retours d’expériences de travail qui sont parmi les éléments les plus à même de se faire une idée concrète du métier qu’ils se forment à exercer. Le travail des formateurs révèle ainsi une mission aussi cachée que centrale, celle d’être très souvent l’un des premiers modèles de professionnels que les aspirants au métier rencontrent.

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Mots-clés éditeurs : formateurs, autonomie, apprentissage, formation pour adultes

Mise en ligne 10/02/2016

https://doi.org/10.3917/savo.039.0065

Notes

  • [1]
    Benjamin Saccomanno est post-doctorant en sociologie. Ses travaux de recherche portent sur les mondes de l’éducation et de la formation pour adultes, du point de vue de leur organisation, du travail de leurs agents ainsi que de la rencontre avec les dynamiques identitaires de leurs publics.
    CERTOP (UMR5044) – Centre Associé CEREQ, Université Toulouse Jean Jaurès, benjamin.saccomanno@univ-tlse2.fr
  • [2]
    Ce que montrent par exemple Neuville et Van Dam (2006) qui, à partir de deux cas individuels très proches selon certaines variables objectives, distinguent une variété de causalités qui configurent ces dimensions du sens attaché au passage en formation.
  • [3]
    La règle du recrutement à l’AFPA veut qu’un formateur ait, au moins, cinq années d’exercice professionnel.
  • [4]
    Sur ce point, voir notamment Bonnet (1999) ainsi que De Lescure et Frétigné (2010).
  • [5]
    Ma présence sur le terrain a été négociée après sollicitation de la direction régionale de l’AFPA. Elle ne s’inscrit pas dans le cadre d’une commande de l’organisme mais d’une autorisation de ce dernier à me laisser me déplacer librement dans les centres afin de mener une recherche sur les conditions d’engagement volontaire d’adultes en formation qualifiante. Seul un premier formateur en maintenance industrielle m’a été présenté, contact ayant permis ensuite d’amorcer des échanges avec d’autres sur place et d’ainsi constituer progressivement un corpus de données qualitatives.
  • [6]
    Mené entre 2008 et 2010, le recueil empirique s’est déroulé en pleine reconfiguration de l’organisation du système de formation, traduite notamment par la mise en marché des actions de formation qualifiante et la mise en concurrence des opérateurs.
  • [7]
    Une présence régulière m’a également permis de mener des observations sur le vif dans les espaces collectifs des centres (foyer, cantines, parties extérieures, bureaux, salles de pause des formateurs, etc.) et d’avoir de nombreux échanges informels lors des temps de pause ou de travail, ou encore après les journées de formation, avec les formateurs et les stagiaires.
  • [8]
    L’aise indique le degré de familiarisation dans un environnement dans lequel se déroulent les engagements. Dans un environnement familier où tous les objets sont connus et à leur place, elle s’exprime par une convergence entre les personnes, les autres êtres et les objets.
  • [9]
    Dispositif de financement accessible à ceux qui ne bénéficient pas de l’Aide au Retour à l’Emploi. Son montant varie selon l’âge et si l’on a déjà travaillé ou pas.
  • [10]
    « Généralement » car il m’a été donné d’observer un cas où le formateur (électronique, en poste depuis deux ans) organisait une présélection à partir d’un travail de communication sur sa filière afin de centraliser les demandes de renseignements, puis d’organiser des entretiens avec les potentiels candidats, avant d’adresser les profils jugés pertinents vers les psychologues en charge du recrutement. Il interroge leurs connaissances techniques, leur parcours et leurs connaissances des contraintes du secteur (mobilité, etc.) : « Tout ça, c’est pour essayer de détecter ceux qui n’ont pas de réel projet professionnel, qui ne se sont pas questionnés en amont, pour éviter que des gens viennent ici se mettre à l’abri un an. »
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