Notes
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[1]
Babson College Entrepreneurship Research Conference « Frontiers of Entrepreneurship Research » en 1981.
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[2]
Academy of Management Journal, The Academy of Management Review, The Strategic Management Journal, The Journal of Management, Organization Science, Management Science, Administrative Science Quarterly. La part des articles sur l’entrepreneuriat dans ces sept revues est passée de 1,8 % pendant la période 1985-1999 à 4,9 % entre 2000 et 2009.
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[3]
En 2015, la division comporte 2921 membres et constitue le 3e groupe d’intérêt sur 25.
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[4]
Rapports Mortier (1996), Béranger, Chabbal et Dambrine (1998), Fayolle (1999).
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[5]
L’ANCE devient en 1996 l’APCE, Agence pour la Création d’Entreprise.
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[6]
Source : rapport OSEO (2011) 10 ans de création d’entreprises innovantes en France, disponible en ligne sur le site de BPI France.
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[7]
Considérée ici au sens large, comprenant par exemple les amis, la famille, les fournisseurs, les parrains, les mentors, les accompagnateurs, les clients potentiels…
1 – L’éducation entrepreneuriale, ce nouveau venu
1L’éducation entrepreneuriale rencontre aujourd’hui un succès qui rallie les quatre mondes (politique, éducatif, scientifique et professionnel) et s’immisce dans toutes les couches sociales de notre société occidentale. Pourquoi ce succès ? Traduit-il une révolution culturelle, sociale, économique dans notre relation au travail ? Marque-t-il les premiers contours d’une réponse sociétale au monde incertain, non prédictible qui nous environne ? L’entrepreneuriat porte-t-il une réponse univoque aux maux de notre société, en particulier celui du chômage ? Est-il la traduction de valeurs individualistes poussées à leur extrême en rupture avec une vision collective et partagée du travail et de la création de valeur ? Ou bien l’entrepreneuriat offre-t-il une opportunité pour se réinventer un avenir, porter une vision et des valeurs sociétales d’un nouvel ordre dans un espace mondialisé qui abolit le lieu et le temps ? Pourquoi, finalement, l’entrepreneuriat est-il qualifié aujourd’hui de phénomène social ? En quoi ce phénomène turbulent renouvelle-t-il les pratiques de formation et d’accompagnement des adultes ?
2Au regard du développement exponentiel des formations et des dispositifs d’accompagnement des porteurs de projet, tenter de comprendre ce qui se joue actuellement devant nos yeux relève d’un défi, tant la complexité est grande, mais également d’un devoir pour, tout simplement, essayer de donner du sens à ce qui se joue. Dans le domaine entrepreneurial, la formation des adultes est indissociable de l’accompagnement à la création d’entreprise et de la formation initiale, ceci pour trois raisons principales.
3La première est historique. Avec l’apparition du chômage structurel dans les années 1970, deux groupes de pionniers ont cherché une solution par la formation des adultes à l’entrepreneuriat : des professeurs en Business Schools ou à l’université et des cadres militants de structures associatives alternatives. Alors que les structures universitaires sont progressivement remontées vers la formation initiale des étudiants en développant en parallèle la recherche en entrepreneuriat, les structures d’accompagnement ont inventé un métier original de soutien aux porteurs de projet grâce au financement de l’État et des régions. Les deux missions s’interpénètrent à nouveau depuis les années 2000 avec le lancement d’incubateurs technologiques au sein des universités. Les structures d’accompagnement et de formation entretiennent dès lors des relations complexes de coopération et/ou de compétition sur le même territoire géographique.
4L’interdépendance des processus de formation et d’accompagnement constitue la deuxième raison de cet enchevêtrement : entraîner l’esprit d’entreprendre, sensibiliser aux carrières entrepreneuriales, former les compétences entrepreneuriales ou accompagner des projets de création/reprise/transformation d’entreprise se présente en réalité comme un continuum de processus complémentaires répondant à des besoins de développement personnel et professionnel tout au long de la vie, de l’école à la retraite. La sensibilisation et la formation sont le plus souvent accompagnées de projets, et l’accompagnement développe des compétences comme tout processus de formation.
5Enfin, la troisième raison est la proximité des problématiques rencontrées par les deux types d’acteurs : quels objectifs de performance à court ou long terme, peut-on/doit-on définir ? Et par qui ? Sur quels critères et par quelle démarche peut-on mesurer les effets des dispositifs justifiant l’investissement public ? Est-il raisonnable de penser que tous les profils peuvent développer des capacités entrepreneuriales et d’ériger l’affrontement des incertitudes et la responsabilisation comme une norme de comportement ? Faut-il plutôt encourager à réaliser des projets dont l’issue est difficilement prédictible ou mettre en garde contre les risques au plus tôt ? Quel partage des rôles apparaît le plus efficient et quel mode de régulation serait souhaitable entre les différents acteurs d’un même territoire ?
6Ainsi histoire, missions et questionnements de l’enseignement et de l’accompagnement des entrepreneurs potentiels seront abordés conjointement au fil de cet article.
7Nous avons entrepris, en toute conscience des limites de l’exercice, de décrire dans un premier temps la genèse de l’éducation et de l’accompagnement entrepreneurial afin d’en comprendre les origines et les enjeux actuels. Dans la deuxième partie de notre article, nous porterons notre attention sur l’enseignement de l’entrepreneuriat en tant que tel. Nous montrerons la rapide évolution de ce champ en relation avec une très grande diversité de pratiques actuelles et de forts questionnements ontologiques et pédagogiques. Dans la troisième partie de notre article, nous nous intéresserons à l’évolution du métier d’accompagnement et, surtout, à la prise en considération de l’environnement dans lequel se développent ces pratiques professionnelles. Nous verrons les liens qui unissent les acteurs des territoires (élus, associations, entrepreneurs, habitants), les politiques de soutien à l’entrepreneuriat, les structures d’accompagnement, les entrepreneurs et de plus en plus clairement, l’université. Nous montrerons comment l’émergence de cet écosystème complexe contribue à démystifier l’entrepreneur et à prendre de la distance avec la définition néoclassique jusqu’à présent dominante dans les consciences collectives.
1.1 – D’où vient l’éducation entrepreneuriale ? Histoire de la reconnaissance des entrepreneurs comme moteurs du changement économique, et de la montée en puissance d’éducateurs et accompagnateurs spécialisés
8La pensée sur l’entrepreneuriat est née au sein des sciences économiques au moment du démarrage du capitalisme (1re section). Elle est devenue une discipline scientifique à part entière à partir des années 1960 (2e section), permettant de créer ainsi les conditions d’émergence de professions dédiées à l’éducation et l’accompagnement (3e section).
1.1 – Des précurseurs aux années 1960 : identification et débats sur la fonction des entrepreneurs au sein de l’économie de marché
9Les entrepreneurs ont probablement existé depuis des siècles voire des millénaires et dans les nombreux domaines d’échanges entre les individus et les groupes. Par exemple, des fouilles réalisées en Mésopotamie montrent que les négociations commerciales sont aussi vieilles que le monde. Mais l’identification du rôle des entrepreneurs dans ces échanges, de leur mode de raisonnement et d’action orientés sur la détection et l’exploitation d’opportunités apparaît vraiment au XVIIIe siècle, au moment où la création de richesse par habitant décolle grâce à l’essor de la propriété privée, de l’industrialisation et de la division du travail. La pensée sur l’entrepreneuriat se construit pendant cette période exclusivement au sein de la discipline économique.
1.1.1 – Cantillon, précurseur dans la définition de l’entrepreneur
10Selon de nombreux auteurs (Van Praag, 2005 ; Murphy, Liao et Welsch, 2006 ; Hébert et Link, 2006, 2009 ; Landström et Benner, 2010 ; Landström, Harirchi et Åström, 2012), le premier auteur qui définit le rôle des entrepreneurs dans les mouvements économiques est le banquier et financier Richard Cantillon dans son Essai sur la nature du commerce en général, écrit et circulant sous forme de manuscrit dès 1720 et édité après sa mort en 1755. Il donne le premier une signification plus directement économique au terme plus ancien d’« entreprendeur » désignant dès le Moyen Âge celui qui entreprend un projet au sens large d’un constructeur d’ouvrage. Pour Cantillon (1680-1734) l’entrepreneur est défini à partir de sa capacité à acheter les « moyens nécessaires à l’activité » à un prix connu et à revendre biens et services « à un prix incertain ». Il applique cette conception de l’entrepreneur à tous les fermiers, commerçants ou artisans qui vendent leur production pour leur propre compte sans fonds de départ, ainsi qu’aux marchands achetant et revendant la production d’autrui grâce à un fonds de départ et même aux voleurs et aux gueux. L’incertitude fondamentale des gains des entrepreneurs les oppose à deux autres catégories d’acteurs : d’une part les princes et propriétaires fonciers qui sont financièrement indépendants grâce à leur richesse associée à une place sociale dominante déterminant les goûts et les préférences de l’époque, et d’autre part, les « gens à gage » dont les revenus sont certains. Les entrepreneurs, qui sont à l’affût des préférences de la demande et assument le risque des transactions (avec possibilité de profit ou de perte), apparaissent dès lors comme les acteurs pivots de la production et des échanges dans une économie de marché où il existe des offreurs et des demandeurs.
11Les économistes physiocrates réfléchissant sur l’économie agricole préindustrielle apportent quelques nuances supplémentaires par rapport à la définition de l’entrepreneur de Cantillon basée sur l’affrontement de l’incertitude des gains. Quesnay (1694-1774) assimile les entrepreneurs aux grands agriculteurs qui, par opposition aux petits, possèdent leur terre et peuvent la rendre profitable par leur intelligence et leur richesse (Quesnay, 1888). Le surplus est donc associé à la possession d’un capital. L’un de ses disciples, l’abbé Nicolas Baudeau (1730-1792) ajoute la dimension d’invention et d’innovation, en proposant que l’entrepreneur soit celui qui invente et applique des nouvelles techniques ou idées pour réduire les coûts et augmenter son profit (Hébert et Link, 2006).
1.1.2 – La contribution fondamentale de Say
12Plus tard, Jean-Baptiste Say (1767-1832) synthétise ces apports dans le contexte du démarrage de l’industrie française : « L’entrepreneur d’industrie est celui qui entreprend de créer pour son propre compte, à son profit et à ses risques un produit quelconque » (Say, 1803). Il définit l’entrepreneur avec davantage de précision en mettant l’accent « sur ce qu’il doit être ». Pour J.-B. Say, l’activité entrepreneuriale ne se définit pas seulement par une activité risquée de production et/ou d’achat-revente, mais également par le talent de l’entrepreneur. Dans cette voie, il critique également Smith et les économistes anglais en mentionnant que le profit n’est pas généré mécaniquement par le capital. En d’autres termes, l’entrepreneur influe par ses compétences et sa personnalité sur la création du profit. Il crée donc de la valeur dans la société et, dans ce sens, occupe une position sociale aussi importante que reconnue. L’entrepreneur apparaît ainsi comme un acteur économique qui sert l’État. Mais l’entrepreneur n’agit pas seul dans le processus de création de richesses : il se saisit des connaissances nouvelles produites par le champ de l’éducation au sens large : « Les académies, les bibliothèques, les écoles publiques, les musées, fondés par des gouverneurs éclairés, contribuent à la production des richesses en découvrant de nouvelles vérités, en propageant celles qui sont connues, et en mettant ainsi les entrepreneurs d’industrie sur la voie des applications que l’on peut faire des connaissances de l’homme à ses besoins. On en peut dire autant des voyages entrepris aux frais du public, et dont les résultats sont d’autant plus brillants que, de nos jours, ce sont en général des hommes d’un mérite éminent qui se vouent à ce genre de recherches » (Say, 1803, p. 193). En définitive, Jean-Baptiste Say situe l’entrepreneur comme un acteur omniprésent dans le processus de création de richesse, qui ne figure pas seulement comme dirigeant d’une grande industrie, mais également comme l’ouvrier qui participe à la fabrication collective de la richesse, avec des niveaux de compétence et d’expertise très variés.
13Dans ce sens, l’identité d’entrepreneur repose sur une fonction de responsabilité qu’il se doit de porter vis-à-vis de la société dans laquelle il vit. Reprenant les propos de Sismondi (1819), Say souligne que ce n’est pas la société qui doit prendre soin des ouvriers, mais les entrepreneurs qui les emploient. Cheysson développera également une approche comportementale de l’entrepreneur. Il ira cependant plus loin que Say en ajoutant des éléments politiques et moraux : l’intérêt public et celui des salariés sont essentiels.
14Malgré l’origine française du mot et l’apport de Say, les conceptions françaises sur la nature de l’activité et la fonction sociale de l’entrepreneur chercheur d’opportunités, organisateur d’échanges incertains et innovants vont tomber dans un oubli relatif pendant longtemps, car c’est l’ouvrage d’Adam Smith en 1776 (La richesse des nations), qui dirigera la théorie économique dite classique (Smith, 1999). Pour Smith, la figure centrale de la création de richesse est celle du détenteur du capital, et non celle de l’entrepreneur organisateur du travail dans les manufactures. Dans l’approche anglaise, la conceptualisation de la création de richesse est très influencée par le développement des institutions financières de la Cité de Londres. La richesse des nations est le produit de trois types de revenus : les revenus du travail, les rentes de la terre et les profits en tant que revenus proportionnels à la valeur du capital investi. Plus les produits sont manufacturés, plus le capital est important et plus les profits sont élevés. Chez Malthus, Ricardo et Smith, « le personnage qu’est l’entrepreneur et l’institution qu’est l’entreprise (comme réalité productive et industrielle) sont quasiment absents » (Bachet, 2007). Chez Marx, c’est aussi la figure du capitaliste qui domine, en tant que propriétaire des moyens de production cherchant à en maximiser le profit. Marx fait bien référence à l’entreprise, mais il n’opère pas de distinction entre la fonction productive de l’entreprise et la fonction financière de la société anonyme de capitaux (Bachet, 2007). Par conséquent, l’entrepreneur a quasi disparu de l’histoire économique pendant très longtemps (Landström et Lohrke, 2010).
1.1.3 – Schumpeter réincarne l’entrepreneur
15L’entrepreneur, tel qu’il était perçu par Cantillon puis Say, refait son apparition avec l’économiste autrichien Joseph Schumpeter (1999 [1re éd. all. 1911]) qui propose une théorie économique alternative aux théories classiques et néoclassiques. Son idée majeure est que la croissance économique ne résulte pas tant de l’accumulation du capital que de nouvelles combinaisons productives (Landström et Lohrke, 2010). L’entrepreneur apparaît au centre des processus d’innovation, laquelle présente une double face de destruction et de création. L’entrepreneur rompt l’équilibre économique précédent en introduisant de nouveaux produits, de nouveaux moyens et méthodes de production, ou en réorganisant les industries en place. Si de nouveaux marchés et de nouvelles organisations sont créés, d’autres disparaissent au passage. Deux autres économistes importants renforcent la conception entrepreneuriale schumpétérienne basée sur l’innovation. Kirzner (1973) met en avant les capacités entrepreneuriales de perception des déséquilibres du marché entre offreurs et demandeurs, et de coordination plus efficace des ressources (Kirzner, 1980). Knight dans sa thèse Risk, Uncertainty and Profit (1916, révisée en 1921) distingue le risque mesurable de l’incertitude fondamentale, laquelle n’est pas prédictible (Knight, 2009). Il montre que les entrepreneurs se définissent essentiellement par leur capacité à affronter l’incertitude fondamentale (non prédictible) des retours de leur activité productive, donnant ainsi des contours plus précis à la notion initiale de gains incertains de Cantillon. Ce qui caractérise dès lors l’entrepreneur n’est plus la possession d’un capital et l’optimisation de ses placements sur un marché qui s’équilibre de manière invisible mais des capacités de nature cognitive inaliénables de l’individu : savoir détecter des opportunités au sein des imperfections du marché, prendre des décisions sur la base d’informations incomplètes…
16Dès lors, des chercheurs vont s’intéresser aux caractéristiques du comportement entrepreneurial au-delà du rôle des entrepreneurs dans les mécanismes macroéconomiques de création de richesse. Le rôle des entrepreneurs dans la création de richesse va d’ailleurs être supplanté dans les théories économiques néoclassiques par celui des grandes entreprises (Chandler, 1977, 1994 ; Chandler et Chandler, 1962). C’est donc hors de l’économie que l’entrepreneuriat se construit comme discipline à part entière à partir d’emprunts conceptuels à d’autres disciplines des sciences humaines.
1.2 – L’entrepreneuriat comme phénomène complexe et multifactoriel – naissance et structuration d’un champ disciplinaire dédié
17Sur la base de plusieurs études récentes sur l’histoire de la discipline (Busenitz, Plummer, Klotz et al., 2014 ; Carlsson, Braunerhjelm, McKelvey et al., 2013 ; David Audretsch, 2012 ; Filion, 1997 ; Landström, Harirchi et Åström, 2012 ; Landström et Lohrke, 2010), on peut recenser plusieurs étapes dans la construction et la légitimation du champ en tant que discipline scientifique. La construction commence dans les années 1960, lorsque des chercheurs issus de plusieurs disciplines (au départ la psychologie et la sociologie) s’intéressent aux comportements spécifiques des entrepreneurs. Le nombre de chercheurs augmente régulièrement. Jusque dans les années 1990-2000, c’est un champ de recherche pionnier, où les approches, les objets étudiés et les méthodologies ne forment pas d’unité cohérente. L’ensemble apparaît fragmenté et complexe, sans accord sur l’essence du phénomène entrepreneurial.
1.2.1 – L’approche par les traits
18L’étude reconnue comme ayant marqué le démarrage de la discipline est The Achieving Society du psychologue McClelland (1961) qui met en avant les normes et valeurs des entrepreneurs fondées sur un fort besoin d’accomplissement. Cette motivation fondatrice constituerait l’origine de leur rôle et de l’influence dans le développement économique d’une société. De nombreuses études ont cherché à tester le lien entre le besoin d’accomplissement et la réussite des entrepreneurs ou la création d’organisation. Elles ont ouvert la voie à une série d’études sur les comportements entrepreneuriaux qui ont dominé la discipline jusque dans les années 1980. Filion (1997) résume dans le tableau ci-dessous les traits le plus souvent attribués aux entrepreneurs par ces recherches.
Caractéristiques le plus souvent attribuées aux entrepreneurs par les psychologues du comportement selon Fillion (1997, p. 138)
19Mais au final, la validation de ces différents traits est controversée : les résultats des études sont variables et souvent contradictoires du fait notamment de problèmes d’échantillons : la définition de l’entrepreneur sur laquelle s’appuie le recrutement des répondants ne fait pas consensus, le délai entre la réponse au questionnaire et la création effective de l’entreprise varie entre 2 et 20 ans, les situations professionnelles des répondants ne sont pas forcément comparables entre la franchise, la direction de PME, le travail autonome… Tous ces éléments influent sur les résultats, sans parler d’autres facteurs comme les emplois antérieurs, la religion, les valeurs issues de la culture familiale ou le type de formation suivie… Il est impossible de définir un profil type de l’entrepreneur permettant de prédire si un individu peut ou non devenir entrepreneur sur la base de ses traits de personnalité.
20Plusieurs courants alternatifs à l’approche par les traits émergent à partir des années 1980. La discipline augmente en visibilité au sein des sciences administratives et attire de plus en plus de chercheurs d’autres disciplines des sciences humaines. Plusieurs événements clés rapportés par les historiens de la discipline marquent cette transition : la création d’une conférence annuelle dédiée [1], la publication d’une première encyclopédie sur l’état des connaissances dans le domaine (Kent, Sexton et Vesper, 1982), l’apparition de doctorats en entrepreneuriat, mais aussi le regain d’intérêt pour les petites entreprises à partir du rapport de David Birch (1979). Ce rapport affirme à partir de données longitudinales collectées entre 1969 et 1976 qu’aux États-Unis ce ne sont pas les grandes entreprises qui créent de l’emploi, mais les PME et les start-up. Il a considérablement renforcé la légitimité de l’entrepreneuriat aux États-Unis. Le phénomène entrepreneurial est dès lors reconnu comme un phénomène complexe à multiples facettes et remis à l’honneur dans l’analyse des cycles économiques. En 2011, Wiklund et ses collègues (2011) notent que l’entrepreneuriat est devenu l’un des domaines les plus dynamiques et influents au sein de la plus grande société savante du management (plus de 2700 membres).
1.2.2 – Les quatre grands paradigmes scientifiques en entrepreneuriat
21Le débat sur les contours et la structuration du champ s’intensifie à partir des années 2000. À partir de l’analyse de 310 articles parus dans les 7 principales revues en management depuis 1985 [2], Busenitz et ses collègues (2014) rendent compte de la structuration du champ. Ils identifient quatre grands paradigmes ou domaines conceptuels principaux dont plusieurs études bibliométriques précédentes avaient commencé à repérer les communautés d’auteurs (Gartner, Davidsson et Zahra, 2006 ; Henri A. Schildt, 2006 ; Grégoire, Noël, Déry et al., 2006 ; Teixeira, 2011). Parmi les 216 articles parus dans ces revues pendant la période 2000-2009, ils pointent aussi les 10 articles les plus cités parus entre 2000 et 2005 auxquels sont ajoutés trois articles parus après 2005 qui se démarquent déjà nettement par le nombre de citations. Le tableau suivant établi à partir de leur étude donne donc une idée des principaux thèmes et auteurs les plus influents depuis 15 ans.
Domaines conceptuels de la recherche en entrepreneuriat entre 1985 et 2009 dans les sept principales revues du management (à partir de Busenitz et al., 2014)
22À partir des données de cette étude, nous avons construit une représentation graphique qui illustre la progression de la discipline au sein du management ainsi que l’évolution du poids et des relations entre les quatre paradigmes structurants. Les cercles du schéma ci-dessous sont proportionnés au nombre d’articles repérés par domaine conceptuel ou à leurs intersections.
Nombre d’articles par domaine conceptuel de l’entrepreneuriat dans les sept principales revues du management (à partir de Busenitz et al., 2014)
Nombre d’articles par domaine conceptuel de l’entrepreneuriat dans les sept principales revues du management (à partir de Busenitz et al., 2014)
23On voit dans ces graphiques que le concept le plus mobilisé et structurant est celui des modes d’organisation. Mais désormais la thématique de l’opportunité connaît le plus fort développement. Au sein de ce courant, Sarasvathy (2001) a fait considérablement avancer la compréhension du mode de raisonnement et d’action des entrepreneurs face à l’incertitude radicale par opposition au mode de raisonnement managérial classique. Les cinq principes d’action qu’elle a mis en évidence proposent un modèle intégrateur sous la forme d’un processus itératif d’engagement de moyens et de ressources : à partir de ses aspirations, compétences et ressources relationnelles initiales, l’entrepreneur définit les effets possibles des transactions qu’il peut contrôler ainsi qu’un niveau des pertes acceptables (les moyens qu’il engage sans être sûr de leur rentabilité). Au fur et à mesure qu’il atteint ou non ces effets, il redéfinit ses buts ou bien augmente ses moyens et ressources, ce qui ouvre un nouveau cycle de définition de buts plus ambitieux. Ce processus nommé effectual (moyens disponibles => effets possibles) distingue les entrepreneurs en situation d’incertitude des managers qui adoptent un raisonnement inverse de type causal et prédictif partant d’objectifs prédéfinis (effets recherchés => moyens à mettre en œuvre).
24Ainsi en 40 ans, la recherche en entrepreneuriat s’est autonomisée par rapport à son origine dans les sciences économiques et s’est constituée comme une discipline en clarifiant ses objets au sein du management. La construction de ce corpus de savoirs reconnus comme scientifiques a pour corollaire la montée en puissance de deux groupes d’acteurs ayant vocation à transmettre et diffuser ces nouveaux savoirs et compétences : les enseignants-chercheurs en entrepreneuriat d’une part et les professionnels de l’accompagnement entrepreneurial d’autre part.
1.3 – La montée en puissance d’éducateurs et de professionnels dédiés à la diffusion et la transmission des savoirs et compétences entrepreneuriales
25L’histoire des structures d’accompagnement et d’éducation à l’entrepreneuriat commence de la même façon que dans le monde de la recherche par des pionniers qui anticipent de nouveaux besoins éducatifs, dès l’après-guerre aux États-Unis, et à partir de la révolution de 1968 en Europe. Le mouvement prend de l’ampleur à partir des années 1980 lorsque le chômage structurel apparaît et que les États et les régions perçoivent dans la création d’entreprise un moyen de redonner du souffle à l’économie. Leur appui est déterminant pour financer des postes et des structures dédiées. Au départ, enseignement et accompagnement sont disjoints car ils ne s’adressent pas aux mêmes populations, ne font pas intervenir les mêmes acteurs et leur effort est perçu comme étant de nature différente. Mais depuis les années 2000, les missions tendent à se rejoindre et s’interpénétrer. Les structures se mettent à engager des relations complexes de coopération et/ou de compétition sur un même territoire géographique. Pour plus de clarté, nous exposerons d’abord l’évolution de l’offre d’enseignement, puis celle en matière d’accompagnement, mais il faut garder en tête que les frontières sont de plus en plus poreuses.
1.3.1 – L’évolution de l’offre d’enseignement à l’entrepreneuriat
26L’offre d’enseignement a démarré au niveau universitaire, auprès de publics adultes en formation professionnelle, puis en formation initiale au sein des facultés de gestion. Elle s’est développée dans un deuxième temps dans les autres disciplines puis est remontée en amont jusqu’au primaire (Pépin, 2011b, 2011a ; Champy-Remoussenard, 2012 ; Verzat et Toutain, 2013). Nous nous limiterons ici au public des étudiants et des adultes.
27Le premier cours connu d’entrepreneuriat a été donné à Harvard en 1947. Mais le mouvement de création de postes d’enseignement et de recherche en entrepreneuriat a vraiment démarré aux États-Unis à partir des années 1970 et s’est accéléré à partir des années 1980 (Katz, 2003 ; Kuratko, 2005). À la suite du rapport de Birch (1979) affirmant que les PME américaines ont créé plus d’emplois que les grandes entreprises, une véritable prise de conscience s’opère dans les milieux politiques, économiques et académiques sur l’importance d’encourager l’entrepreneuriat par l’éducation et par des moyens dédiés à l’accompagnement dans le but de créer des emplois. Analysant l’histoire de la discipline aux États-Unis entre 1947 et 1999, Katz (2003) démontre une triple progression du nombre des cours, des professeurs titulaires et des revues académiques avec désormais un doublement tous les quatre ans au point de craindre une saturation de la discipline. Kuratko (2005) estime au contraire qu’après avoir démontré sa spécificité par rapport à l’éducation managériale, la croissance de l’entrepreneuriat en tant que discipline académique continuera au détriment des autres domaines de la gestion au sein des Business Schools et étendra son territoire sur les autres facultés grâce aux modules interdisciplinaires. La constante progression observée de la division Entrepreneuriat au sein de l’Academy of Management [3] jusqu’à aujourd’hui tend à lui donner raison. L’effort a été suivi avec un décalage sur tous les continents, à la faveur d’enquêtes internationales comme GEM ou GUESSS et surtout de réunions d’experts organisées par le World Economic Forum, l’Union européenne, l’Unesco, l’OCDE. L’offre éducative dans les universités européennes a beaucoup progressé mais reste jugée insuffisante par l’ensemble des experts, plus de la moitié des étudiants n’ayant pas accès à une quelconque formation entrepreneuriale (Verzat, 2009 ; Sieger et Zellweger, 2014). Les MOOC (Massive Online Open Courses) offrent depuis 2012 une alternative qui se développe à grande vitesse comme instrument de sensibilisation et de formation des adultes à la création d’entreprise.
28En France, quelques professeurs pionniers ont lancé des cours d’entrepreneuriat à HEC et ESCP ainsi qu’à l’Université de Lille dans les années 1970. Fayolle raconte à partir de l’exemple d’EM-Lyon qui démarre en 1984, que ces cours sont d’abord destinés à un public extérieur de porteurs de projets dans le cadre de programme de formation continue, puis ils atteignent le cœur de l’institution dans le corpus de la Grande École (Verzat, 2014). Il faut attendre la fin des années 1990 pour que prenne forme une politique ministérielle structurée d’encouragement à l’entrepreneuriat au sein de l’enseignement supérieur. Plusieurs rapports commandés par le ministère de l’Industrie [4] finissent par déboucher sur le lancement en 2004 de six maisons de l’Entrepreneuriat sur le modèle expérimental grenoblois inter-établissements démarré en 2001. En 2009, un nouvel appel à projet permet d’étendre le dispositif à 20 Pôles Entrepreneuriat Étudiants, coordonnés au sein du Plan National Entrepreneuriat 2010-2013 (Boissin et Schieb-Bienfait, 2012). L’effort se poursuit en 2014 par la création de 29 Pôles Étudiants Pour l’Innovation, le Transfert, l’Entrepreneuriat (PEPITE). La mission de ces pôles au sein de bassins étudiants très vastes poursuit quatre types d’objectifs : 1) la sensibilisation à l’entrepreneuriat par des conférences, 2) la formation aux compétences de création d’entreprise via des modules spécifiques insérés dans les cursus d’enseignement des établissements, 3) le pré-accompagnement afin d’orienter les étudiants porteurs de projet vers les professionnels de la création d’entreprise et depuis peu, 4) l’accompagnement des porteurs de projet via l’accès au statut étudiant entrepreneur créé en 2014.
29L’enseignement de l’entrepreneuriat dans l’enseignement supérieur cherche ainsi non seulement à développer les intentions et compétences entrepreneuriales, mais aussi de plus en plus à accompagner des projets concrets. Ceci a fini par conduire les institutions universitaires à se rapprocher des structures professionnelles dont c’était la mission d’origine.
1.3.2 – L’évolution de l’accompagnement entrepreneurial en France
30Retraçant l’histoire des structures d’accompagnement en France, plusieurs auteurs (Duquenne, 2009 ; Darbus, 2009 ; Fayolle, 2012) montrent qu’elles sont issues de la rencontre entre des acteurs institutionnels publics et des initiatives privées afin de trouver des solutions à la problématique du chômage.
31Les premières structures associatives sont nées dans les mouvements alternatifs prônant un retour à la campagne et de nouvelles règles de vie sociale à partir des années 1970. Des militants diplômés de gestion aidaient bénévolement les néoruraux à lancer leur activité afin de pallier leur manque de connaissances en comptabilité et gestion. En parallèle, la politique de l’emploi se repositionne progressivement en faveur de l’auto-emploi. Dès 1973, le rapport Mialaret préconise la création de PME pour faire face à la décroissance des industries traditionnelles (charbonnage, textile, métallurgie). Le Premier ministre Raymond Barre se prononce à l’Assemblée nationale en 1976 en faveur d’une incitation à l’entreprise plutôt qu’à l’assistance des chômeurs. En 1979, une aide financière destinée aux cadres chômeurs, créateurs ou repreneurs d’entreprise (ACCRE) est instituée et dans la foulée l’Agence Nationale pour la Création d’Entreprise [5]. La passerelle entre initiatives privées et institutionnelles se produit au sein de la revue Autrement en 1979 où les praticiens de l’économie alternative, des hauts fonctionnaires, hommes politiques, syndicalistes et universitaires se mobilisent en faveur de l’entrepreneuriat individuel. De leurs propositions sont issues les « Boutiques de Gestion » en 1980 fédérant les associations locales nées au départ pour aider les néoruraux.
32En 1982, dans le cadre de la loi sur la décentralisation, deux pas supplémentaires décisifs sont franchis aboutissant à la multiplication des structures d’accompagnement locales. Une subvention de l’État est accordée pour la création de toute association de conseil aux entrepreneurs. D’autre part, les plates-formes d’initiatives locales (PIL) composées de partenaires publics (Caisse des dépôts, DATAR), d’entreprises et de banques sont instituées dans le but d’octroyer des prêts à taux zéro aux créateurs d’entreprise. Les plates-formes de financement locales organisées en réseau se multiplient à partir la fin des années 1980. De nouvelles aides se développent dans le milieu des années 1990 en faveur des publics défavorisés (RMIstes, chômeurs longue durée, femmes seules, travailleurs handicapés, jeunes…). Face à la diversité de ces initiatives, un ensemble d’acteurs publics et privés proposent des prestations d’accompagnement spécifiques aux différents publics : antennes spécialisées au sein des chambres de commerce et d’industrie et des chambres des métiers, couveuses, missions locales, foyers de jeunes travailleurs, Centres d’Informations sur les Droits des Femmes (CIDF), associations de cadres retraités qui développent le parrainage, experts-comptables qui cherchent à recruter leurs clients le plus en amont possible…
33En 1999, les universités intègrent le paysage de l’accompagnement à partir de la loi Allègre sur l’innovation et la recherche. Une trentaine d’incubateurs publics sont ainsi labellisés par le ministère de la Recherche et de la Technologie dans le but de favoriser l’émergence d’entreprises innovantes à partir de la recherche technologique. Il apparaît que les entreprises créées dans ces incubateurs ont une meilleure pérennité que la moyenne des entreprises nouvelles [6], malgré un pic de mortalité classique à 3 et 5 ans. Leurs besoins d’accompagnement spécifiques sont centrés sur le développement des compétences managériales des dirigeants et sur l’accessibilité des financements (Bessière, Gomez-Breysse, Gonnard et al., 2014). Parallèlement, à partir du lancement des Maisons de l’Entrepreneuriat en 2004, la plupart des universités et grandes écoles se mettent à développer des modules, filières et diplômes en création d’entreprise œuvrant à la fois dans le sens de la sensibilisation, de la formation et de l’accompagnement à la création d’entreprise.
34Un tournant supplémentaire se produit à partir de 2009 avec la révolution numérique qui a fait naître de nouveaux lieux privés et publics de travail collectif inspirés de modèles américains (coworking, living labs et fablabs). Toutes ces structures cherchent à générer des communautés collaboratives axées sur la rencontre, le partage de connaissances et – pour les fablabs – des outils numériques (machines-outils, imprimantes 3D, ordinateurs et logiciels) (Eychenne, 2012 ; Nedjar-Guerre et Gagnebien, 2015). Si le partage gratuit est une composante essentielle de leur philosophie initiale, il semble que ces espaces fonctionnent désormais sur des modèles hybrides de financement (subvention publique + abonnement ou location payante) et visent la production d’innovations dans un cadre d’entreprises nouvelles ou non. La sélectivité des projets à l’entrée des espaces de coworking semble moins forte que dans les structures antérieures (incubateurs, pépinières, couveuses, etc.) (Pierre et Burret, 2015). D’autre part, ces auteurs montrent que la fonction d’accompagnement au sein de ces espaces est moins axée sur l’apport d’expertises techniques ou l’apport de capitaux que sur l’animation d’événements, l’intégration des nouveaux membres et l’activation des échanges entre les coworkers.
35Ainsi, l’entrepreneuriat est devenu en une quarantaine d’années un enjeu économique incontournable, une discipline scientifique légitime et le cœur de métier de plusieurs professions gravitant en réseau dans un écosystème complexe : les enseignants qui préparent les créateurs d’entreprise potentiels, les accompagnateurs qui soutiennent les porteurs de projet engagés dans une création d’activité effective et les investisseurs qui diagnostiquent et financent les projets. Mais devenir entrepreneur ne se fait pas en un jour, c’est un processus long et aléatoire, relié aux phases et enjeux de construction de l’identité et de l’organisation. Il s’agit d’apprendre à devenir entrepreneur, d’acquérir des attitudes et compétences particulières, de découvrir des opportunités, de construire une organisation pour les exploiter au sein d’un écosystème complexe dans lequel il est impératif de faire reconnaître sa place. C’est le défi éducatif autour duquel toutes ces professions gravitent. Ce processus éducatif est-il spécifique en termes de finalités, de contenus, de méthodes, d’environnement ? Est-il pertinent pour tout le monde ? Quels débats éthiques et critiques émergent aujourd’hui au sein de la recherche axée sur l’apprentissage de l’entrepreneuriat ? Ces questions font l’objet de la 2e partie de notre article.
2 – Apprendre à entreprendre – des objectifs pluriels et des processus turbulents en plein questionnement critique
36La recherche focalisée sur l’éducation à l’entrepreneuriat a émergé au sein de la discipline à partir des années 1990 et ne cesse de progresser depuis. À partir de revues de littérature systématiques (Dana, 1992 ; Garavan et O’Cinneide, 1994 ; Gorman, Hanlon et King, 1997 ; Katz, 2003 ; Klandt, 2004 ; Béchard et Grégoire, 2005 ; Grégoire, Noël, Déry et al., 2006 ; Binks, Starkey et Mahon, 2006 ; Matlay, 2005 ; Matlay et Matlay, 2006 ; Solomon, 2007 ; Pittaway et Cope, 2007 ; Mwasalwiba, 2010 ; Naia, Baptista, Januario et al., 2014 ; Byrne, Fayolle et Toutain, 2014 ; Li Ge et Xu-mei Peng, 2012) on peut recenser l’évolution des débats. Le premier débat qui ressort concerne la définition des finalités et objectifs de l’éducation entrepreneuriale.
2.1 – Des finalités souvent confondues
37Parallèlement à l’évolution de la recherche, les enseignements apparus d’abord dans les écoles privées d’enseignement supérieur (essentiellement les écoles de commerce) se sont rapidement développés. Cette très forte expansion s’accompagne d’une grande diversité dans les manières de bâtir les programmes, d’enseigner et de définir les objectifs d’apprentissage (Béchard et Grégoire, 2005). Toutefois deux grandes familles de finalités souvent confondues sont repérables.
38Tous les auteurs s’accordent à dire que les termes entrepreneurial education, enterprise education, entrepreneurship education sont la plupart du temps interchangeables et que la définition des finalités et objectifs éducatifs n’est pas claire. Mwasalwiba (2010, p. 26) distingue par exemple 4 types de finalités : la création d’entreprises et d’emplois, la contribution à la société, la stimulation des capacités entrepreneuriales, le développement de l’esprit d’entreprendre, de la culture et des attitudes. Kirby (Kirby, 2007) relève quant à lui deux types d’objectifs finaux : augmenter le nombre de créations d’entreprise et former des jeunes entreprenants capables de repérer des opportunités et d’innover dans toutes les sphères de la vie économique et sociale. Derrière ces deux finalités, il distingue plusieurs objectifs éducatifs : faire prendre conscience du rôle des entrepreneurs dans l’économie et la société (education ABOUT entrepreneurship), développer les qualités et comportements des entrepreneurs qui réussissent (education FOR entrepreneurship), développer les connaissances du business et les capacités spécifiques à la création transférables lors d’un lancement d’activités (education THROUGH entrepreneurship).
39D’une manière plus générale, et dans la mouvance de Kirby, ces objectifs différents peuvent s’organiser en deux grandes catégories génériques.
2.1.1 – Deux catégories génériques
40Dans la première se classent les programmes dont l’objectif va de la sensibilisation à la formation à l’esprit entrepreneurial. Les enseignements reposent donc principalement sur la recherche d’acquisition de soft skills, c’est-à-dire des capacités et des attitudes comme la motivation, la confiance en soi, l’adaptation à l’environnement et à l’incertitude, l’identification des ressources dans l’environnement, la mesure du risque, la créativité, la projection, l’empowerment, le leadership, le travail en équipe ou encore la remise en question. Dans la seconde catégorie figurent les formations qui ont pour but d’aider les apprenants à devenirs entrepreneurs en créant leur entreprise. Le networking, l’élaboration de business plan, de business model, les problématiques de gestion financière, de ressources humaines, de stratégie marketing ou encore d’organisation juridique et fiscale sont les sources des savoirs enseignés en vue de permettre aux étudiants de développer et concrétiser leur projet.
41De ces deux catégories génériques, nous déduisons quatre niveaux d’objectifs qui s’adressent à des populations d’étudiants et d’adultes différents. Ils ne s’adossent pas aux mêmes activités et surtout mettent le focus sur deux finalités complémentaires mais bien différentes de la dialogique personne/projet. Les deux premiers objectifs cherchent à développer le potentiel des personnes par le moyen d’activités variées liées à l’entrepreneuriat. Les deux derniers visent la performance des projets, l’acquisition des connaissances et compétences étant le moyen pour y parvenir. Ces quatre objectifs sont présentés dans le tableau suivant.
Finalités et objectifs éducatifs en entrepreneuriat
Finalités et objectifs éducatifs en entrepreneuriat
2.1.1.1 – Sensibiliser à l’entrepreneuriat
42Le premier objectif éducatif de sensibilisation au métier et au milieu entrepreneurial en vue du choix de carrière occupe une place prépondérante dans la littérature mondiale interdisciplinaire sur l’éducation entrepreneuriale. Elle concerne en effet 5 clusters de co-citations au sein de la cartographie de Li Ge et Xu-mei Peng (2012). La base historique de cette préoccupation de recherche est le modèle RIASEC (Holland, 1978, 1985, 1996) qui identifie l’entrepreneuriat comme l’un des 6 choix de référence dans les préférences de carrières. Plus tard, d’autres recherches ont démontré que le modèle RIASEC est consistant avec un modèle plus récent du développement de carrière issu de la notion d’auto-efficacité de Bandura (Armstrong et Vogel, 2009).
2.1.1.2 – L’esprit d’entreprendre, une compétence clé
43La définition de l’esprit d’entreprendre correspondant au deuxième objectif repéré dans ce tableau est au cœur des programmes éducatifs actuels. L’Union européenne la positionne comme une compétence clé pour la formation tout au long de la vie. Mais la notion est loin de faire consensus et comporte bien des ambiguïtés. S’agit-il d’attitudes au sens de dispositions stables du comportement liées à la personnalité ou bien de compétences enseignables ? S’agit-il de dispositions intellectuelles et/ou de dispositions à agir ? Cet état d’esprit est-il spécifique des entrepreneurs ou concerne-t-il toute personne quelles que soient ses perspectives professionnelles ?
2.1.1.3 – L’esprit d’entreprendre, une question d’attitude
44Un certain nombre d’auteurs suggèrent que l’esprit d’entreprendre correspond à une prédisposition favorable, s’appuyant sur la notion psychologique d’attitude. Léger-Jarniou (2008) explique que l’esprit d’entreprendre renvoie à la volonté d’essayer de nouvelles choses ou de faire des choses différemment parce qu’il existe une possibilité de changement, indépendamment de toute intention de créer une entreprise. Ce point de vue se rapproche de la notion d’attitude proactive définie par Bateman et Crant (1993) comme une disposition stable des personnes à initier des changements, vérifiée chez les personnes ayant l’intention d’entreprendre (Crant, 1996) et plus généralement chez les leaders transformationnels. La modélisation la plus courante sur le développement d’une intention entrepreneuriale (Krueger et Carsrud 1993) assimile ces attitudes à des valeurs favorables au choix de carrière entrepreneurial (recherche d’opportunités économiques, le goût pour les défis, l’autonomie, le goût pour la responsabilité, le besoin d’accomplissement, la volonté de participer à l’ensemble d’un processus) par opposition à une carrière de salarié (recherche de stabilité et de sécurité, désir de limiter la charge et la complexité du travail, besoin de collégialité, aversion pour les responsabilités, recherche d’opportunités de carrière) à partir des travaux de Kolvereid (1996).
2.1.1.4 – L’esprit d’entreprendre, mobiliser des ressources pour résoudre un problème incertain
45Pour notre part, en nous appuyant notamment sur la notion de compétence de Le Boterf (1994), nous comprenons l’esprit d’entreprendre comme une dynamique de mobilisation de ressources internes et externes afin de résoudre un problème incertain. Il se traduit par le fait que lorsqu’elles sont confrontées à des problèmes qu’elles considèrent comme importants et qui les concernent mais dont l’issue et la solution sont complexes et inconnues, les personnes entreprenantes adoptent un comportement proactif : elles se projettent dans l’avenir, elles imaginent qu’une solution créative est possible et mettent en œuvre tout ce qui est en leur pouvoir pour élaborer une solution réaliste. Elles s’engagent personnellement mais aussi mobilisent autrui, combinent leurs ressources personnelles et celles de leur environnement afin de résoudre ce problème. Les compétences spécifiques résultantes que l’on peut observer sont les suivantes : le repérage et la construction d’opportunités, la conception de projets innovants réalistes, l’engagement et la gestion des ressources ad hoc, la vente de la démarche et de la solution (Verzat, 2011, 2012). C’est une dynamique collective : plus on entraîne les personnes à réagir en groupe collaboratif de manière entreprenante à des situations problèmes de degrés de complexité et d’incertitude progressifs et qu’on les y encourage, plus elles sont susceptibles de réussir. Et plus leur réussite est reconnue, plus elles construisent une perception d’auto-efficacité qui renforce leur motivation, leurs ressources personnelles, leur réseau et par voie de conséquence leurs compétences résultantes.
46Cette conception dynamique de l’esprit d’entreprendre a pour corollaire qu’il s’apprend. Cette affirmation ne fait plus débat, mais les modalités pédagogiques de cet apprentissage sont en revanche encore mal connues. C’est le deuxième débat actuel du domaine.
2.2 – Apprendre à entreprendre, une pédagogie spécifique ?
2.2.1 – D’une vision transmissive et positiviste à une approche socio-constructiviste
47Un certain nombre d’auteurs affirment qu’on est à l’aube de la compréhension des processus éducatifs en jeu en entrepreneuriat. Une première raison avancée est que la littérature reste majoritairement descriptive, centrée sur le « quoi » enseigner ou le « comment » mais sans aborder le « pourquoi », c’est-à-dire la cohérence entre les objectifs poursuivis, les activités proposées, le mode d’évaluation adopté et les principes éducatifs sous-jacents (Fayolle, 2013 ; Naia, Baptista, Januario et al., 2014). Analysant un vaste corpus de littérature à partir d’un point de vue éducatif, Béchard et Grégoire (2005) montrent que les questions des chercheurs sur l’éducation à l’entrepreneuriat privilégient une vision essentiellement socio-économique, techniciste (quelles technologies utiliser ?), académique (quels contenus ?) et personnaliste de l’éducation (quels besoins individuels des étudiants ?) au détriment de questionnements d’ordre psycho-cognitif, socio-cognitif et éthique.
48Une autre raison avancée porte sur la critique des principes pédagogiques sous-jacents. Byrne, Fayolle et Toutain (2014) expliquent que la plupart des recherches concernent des dispositifs adoptant un mode traditionnel d’enseignement par transmission de connaissances entre un maître et un élève basé sur une vision cognitiviste et positiviste de l’apprentissage. Des auteurs ont relevé d’importants écarts entre le contenu des manuels d’entrepreneuriat et l’activité quotidienne des entrepreneurs (Edelman, Manolova et Brush, 2008). Pour un nombre grandissant de chercheurs, l’apprentissage doit porter non sur l’acquisition de savoirs mais sur l’acquisition de savoir-agir et de savoir-être qui sont au centre de l’esprit d’entreprendre : la créativité, la prise d’initiative, l’affrontement de l’incertitude, le leadership, la construction de réseaux. Toutes ces compétences s’acquièrent en situation d’action et d’interaction avec d’autres (Gibb, 2002, 2011 ; Honig, 2004 ; Löbler, 2006 ; Neck et Greene, 2011 ; Mueller et Anderson, 2014 ; Sarasvathy et Venkataraman, 2011). Elles justifient une approche pédagogique basée sur une conception constructiviste ou socio-constructiviste de l’apprentissage, faisant appel aux notions d’apprentissage expérientiel (Kolb, 1984), de cognition située et distribuée (Lave et Wenger, 1991), d’apprentissage autodirigé (Knowles, 1975) et de métacognition (Flavell, 1979). À partir du modèle de Haynie et Shepherd (2009), Toutain montre que l’apprenant confronté à des situations entrepreneuriales développe des savoirs de type métacognitif : pour être en mesure de s’adapter aux situations nouvelles, il doit savoir solliciter ses ressources externes et internes dans un objectif donné, traiter et organiser les informations, analyser et intégrer son expérience antérieure, bâtir des stratégies et en mesurer l’efficacité in fine (Toutain, 2010). L’effort réflexif ne se produit toutefois pas spontanément, il a besoin d’être organisé au sein du dispositif pédagogique.
2.2.2 – Quatre principes pédagogiques fédérateurs
49À partir d’écrits de plusieurs praticiens réflexifs dans le domaine de l’éducation entrepreneuriale (Gibb, 2002 ; Pelletier, 2005 ; Surlemont et Kearney, 2009 ; Jones, 2011), on peut identifier quatre grands principes pédagogiques fédérateurs (Verzat, 2012). Ils présentent de nombreux points communs avec les activités d’apprentissage par problème et par projet qui s’appuient sur l’expérience, le travail en groupe autour de situations-problème, le guidage et l’accompagnement des conflits sociocognitifs encourageant la problématisation et la résolution collaborative, l’outillage de la réflexivité grâce à l’évaluation formative tout au long du projet. Ils présentent toutefois quelques spécificités liées à l’exigence d’immersion dans le monde entrepreneurial et l’affrontement de l’incertitude. Même si les niveaux de complexité et de risque sont très progressifs et adaptés aux niveaux des apprenants, les projets proposés s’ancrent dans le réel et comportent donc toujours une part d’incertitude : ils ne sont pas construits uniquement pour des besoins d’apprentissage mais explorent des opportunités nouvelles. Les apprenants sont donc responsabilisés par rapport à des enjeux externes au-delà de leurs propres enjeux d’apprentissage, ce qui les engage dans une collaboration entre eux mais aussi avec des acteurs extérieurs lesquels contribuent ainsi fortement au modelage et à la reconnaissance de l’estime de soi. Le tableau suivant résume ces points communs et différences.
50Ces principes ne font toutefois pas forcément l’unanimité. D’une part, la majorité des cours en entrepreneuriat restent enseignés de manière traditionnelle du fait des contraintes logistiques mais aussi de la résistance des enseignants au basculement vers les méthodes actives qui changent radicalement la posture éducative. D’autre part, l’évaluation des effets de ces différents types d’enseignement est encore embryonnaire et un débat critique, éthique et épistémologique s’amorce.
Principes éducatifs en entrepreneuriat spécificités et points communs par rapport aux méthodes actives (Verzat, 2012, p. 100)
2.3 – Les débats critiques actuels sur l’éducation et l’accompagnement à l’entrepreneuriat
51Un premier débat concerne l’effet de ces dispositifs d’éducation et d’accompagnement. Au bout de longues années de controverses sur la validité des instruments de mesure, les chercheurs ont constaté un effet global plutôt positif. La méta-analyse de Martin, McNally et Kay (2013) a compilé les résultats de 42 études scientifiques rigoureuses (avec échantillons de contrôle) sur l’impact des formations à l’entrepreneuriat au niveau universitaire représentant au total plus de 16 000 étudiants. Les auteurs concluent que les formations ont globalement un effet positif sur les critères associés à l’augmentation du capital humain, particulièrement sur les connaissances et habiletés entrepreneuriales, les perceptions de désirabilité de l’entrepreneuriat et les intentions d’entreprendre, mais aussi sur les résultats en termes de nombre de créations et de performances des entreprises créées.
52De même, l’enquête GUESSS de 2013 auprès de 109 000 étudiants constate un effet significatif de la formation à l’entrepreneuriat sur les intentions d’entreprendre des étudiants. En moyenne dans le monde, 6,6 % des étudiants interrogés ont l’intention d’entreprendre dès la sortie d’études, et 30,7 % des mêmes étudiants déclarent vouloir démarrer une activité après 5 ans d’activité professionnelle en tant que salarié. L’enquête montre que la force de ces intentions est significativement liée au fait que les étudiants perçoivent un climat favorable à l’entrepreneuriat au sein de l’université et attribuent à ces cours la progression de leurs attitudes et habiletés entrepreneuriales. Les deux graphiques suivants extraits du rapport GUESSS 2013-2014 représentent les relations entre l’intention d’entreprendre et chacune de ces deux variables.
Effets de l’éducation entrepreneuriale à l’Université sur les intentions d’entreprendre des étudiants (enquête GUESSS 2013-2014 – 109 000 étudiants)
Effets de l’éducation entrepreneuriale à l’Université sur les intentions d’entreprendre des étudiants (enquête GUESSS 2013-2014 – 109 000 étudiants)
53Mais on peut faire au moins deux critiques sur ces études. D’une part, elles focalisent les mesures sur la perspective de création ou la performance des startups. Or la promesse de la pédagogie entrepreneuriale, telle qu’elle est présentée par Surlemont et Kearney (2009) est aussi de développer en amont les sentiments de compétence, la motivation et la confiance en soi ainsi que la capacité à orienter les choix scolaires et professionnels. D’autre part, ces études ne mesurent pas les effets en lien avec le type de dispositif et ne précisent pas si ces dispositifs adoptent plutôt la perspective de développement des personnes ou plutôt celle de la création d’activité.
2.3.1 – Vouloir mesurer l’envie et l’engagement, au-delà de la création d’entreprise et de sa performance
54Nous avons repéré deux études qui apportent des débuts de réponse mais elles méritent d’être confirmées par d’autres. La première met en évidence un lien significatif entre l’attitude proactive et l’attitude apprenante chez 595 étudiants de niveau bac +1 et bac +4 ou bac +5 dans trois filières : entrepreneuriat, commerce et juridique (Jore, 2012). Trois corrélations principales apparaissent entre l’attitude proactive et l’attitude apprenante qui engage à s’investir dans l’apprentissage. Les deux attitudes proactives et apprenante ont en commun une disposition à saisir les opportunités, une forte envie d’agir et/ou d’apprendre qui repose sur le contrôle de l’action et la poursuite d’un épanouissement personnel. Cette corrélation est particulièrement nette dans la sous-population des étudiants suivant une formation en entrepreneuriat qui pratique de manière très significative une approche par projet.
55La deuxième étude de Möberg et Sternberg (2013) porte sur 2315 jeunes danois âgés de 15 à 16 ans et ayant suivi des formations en entrepreneuriat au collège. Cette étude mesure l’effet comparé de deux types de formations, l’une focalisée sur la création d’entreprise (bases de l’économie et du marché, rôle de l’entrepreneur, réalisation de business plan), l’autre focalisée sur l’esprit d’entreprendre (pensée créative, génération d’idées, traduction des idées en action, création de nouvelles activités). L’effet est mesuré sur l’intention d’entreprendre mais aussi sur l’image de soi (positive ou négative), sur la relation générale à l’école (aimer l’école et y réussir), sur la relation aux camarades (bien s’entendre avec les autres) et sur la relation aux professeurs (se sentir encouragé par eux). L’étude montre que la formation axée sur la création d’entreprise a un impact à première vue plus élevé sur les intentions d’entreprendre que l’autre approche. Mais lorsqu’on inclut les autres variables modératrices dans le modèle statistique testé, la formation axée sur l’esprit d’entreprendre révèle un impact très fort sur la relation aux camarades, à l’école et aux professeurs. Ces facteurs influent directement sur l’image positive de soi, ce qui influe à son tour sur l’intention d’entreprendre à un niveau légèrement plus élevé que la formation axée sur la création d’entreprise ; ce qui n’est pas le cas de la première formation, laquelle influe négativement sur la relation à l’école et n’a aucun effet sur la relation aux autres camarades et aux professeurs.
56Autrement dit, le développement d’une approche basée sur la création d’entreprise a tendance à remettre en question l’école et ses acteurs. À l’inverse, une pédagogie entreprenante développe des attitudes positives vis-à-vis de l’école, des camarades, par le biais du renforcement de la confiance en soi, et in fine aboutit à une désirabilité entrepreneuriale. Mais ces effets sont-ils produits pour tous ? Et dans quels contextes pédagogiques précis ces deux types d’effets sont-ils produits ?
2.3.2 – Mieux comprendre le rôle du contexte pédagogique
57Fayolle constate malheureusement que, dans la littérature académique, « la plupart du temps les interventions, les pratiques d’enseignement sont très faiblement décrites. Alors quand on veut essayer de les réutiliser, de les dupliquer, quand on essaie de les comparer à d’autres, cela devient très problématique, voire impossible » (Verzat, 2014).
58Honig (2004) et Neck et Greene (2011) suggèrent aux écoles, universités et aux enseignants en entrepreneuriat de définir d’abord la manière dont ils conçoivent l’enseignement de l’entrepreneuriat. Fayolle et Gailly (2008) présentent dans ce sens un cadre générique de réflexion à deux niveaux complémentaires : le niveau philosophique (qu’est-ce que l’éducation entrepreneuriale signifie ? Qu’est-ce que signifie éduquer dans le contexte de l’entrepreneuriat ? Quels sont les rôles respectifs des enseignants/éducateurs et des participants ?) et le niveau didactique (public cible, contenus, objectifs, méthode, résultats attendus). Les revues de littérature conduites par Byrne, Fayolle et Toutain (2014) et Naia, Baptista, Januario et Trigo (2014) montrent clairement que le questionnement ontologique abordé par la question du « Why ? » est très peu étudiée par les chercheurs en éducation entrepreneuriale.
59Fayolle (2013) poursuit la réflexion en proposant trois axes de réflexion stratégique pour définir la nature et les niveaux des programmes d’enseignement de l’entrepreneuriat : 1) cibler son enseignement en combinant culture, pensée, action, méthode et bricolage entrepreneurial afin d’aider les individus à acquérir des capacités de réflexion, d’action et de prise de décision dans des situations et des contextes diversifiés ; 2) connecter l’enseignement de l’entrepreneuriat avec les autres disciplines (en particulier les sciences de l’éducation) et les expériences réelles vécues par les entrepreneurs (en particulier pour résoudre les problèmes qu’ils rencontrent) ; 3) adopter une stratégie réflexive en portant un esprit critique permanent sur les connaissances scientifiques et académiques (issues de différentes disciplines) et les expériences d’enseignement de l’entrepreneuriat. De manière plus pragmatique, Blenker et al. (2011) proposent de relier le « quoi », le « pourquoi » et le « comment » en suggérant aux enseignants et aux éducateurs de répondre à une ou plusieurs des questions suivantes (qu’ils auront sélectionnées au préalable) : comment éduquer les étudiants 1) pour qu’ils démarrent une nouvelle entreprise ? 2) pour qu’ils créent une entreprise à forte croissance ? 3) pour qu’ils résolvent par l’entrepreneuriat un large éventail de problèmes sociétaux ? 4) pour qu’ils acquièrent un esprit entrepreneurial ?
60Alors qu’elles apparaissent déterminantes dans l’adoption des pédagogies actives, les postures éducatives liées au rapport au savoir des enseignants, à leurs croyances et leurs épistémologies sont sous-étudiées en entrepreneuriat (Fayolle, 2013). En analysant plusieurs cas d’innovations pédagogiques dans le domaine de l’entrepreneuriat, nous avons constaté que leurs promoteurs inscrivaient leur travail éducatif dans une recherche collaborative, proche de l’épistémologie de la recherche-action (Verzat, Toutain, O’Shea et al., à paraître) ou dans une recherche collaborative rapprochant praticiens, enseignants et chercheurs (Desagné, 1997, 2001).
2.3.2.1 – L’attente d’un renouveau épistémologique et éthique
61D’une manière plus générale, un renouveau épistémologique est attendu en entrepreneuriat, afin de saisir les processus sociaux dans la diversité de leurs contextes de manière pragmatique et de sortir d’une approche positive réductrice qui idéalise l’entrepreneur individuel (Watson, 2013 ; Jones et Spicer, 2009).
62De leur côté, Lundmark et Westelius (2014) repèrent deux métaphores de l’entrepreneuriat qui traversent la plupart des travaux de recherche et construisent des soubassements de croyances et de valeurs inconscientes. Dans la métaphore de l’élixir, l’entrepreneuriat est présenté comme un remède vital, prometteur d’émancipation, de développement social, de création de richesse et d’emplois, grâce à la liberté d’action et d’innovation possible sur un marché ouvert et la croyance optimiste dans le succès. Cette vision a toutefois tendance à exclure, négliger ou minorer les facettes amères de la potion, telles que les activités illégales voire criminelles créatrices de richesses, les externalités non gérées par l’entreprise innovante (par exemple la pollution), ou les entrepreneurs de nécessité qui ne réussissent pas à vivre de leur entreprise par opposition aux entrepreneurs dits d’opportunité supposés plus aptes à créer de la valeur. La deuxième métaphore empruntée à la théorie évolutionniste présente l’entrepreneuriat comme un gène mutant, en tant que connaissance stratégique permettant les variations et la sélection des organisations les mieux adaptées. Dans cette approche, la prédiction est impossible, les changements introduits peuvent être intentionnels mais émergent dans la déviance et chez des acteurs plutôt myopes du fait des limites de leur rationalité. Ces changements ne sont pas forcément les plus désirables et la croissance globale générée n’est pas forcément reliée au nombre de variations produites mais plutôt à leur adaptation au contexte. Le propos des auteurs est donc de mettre en garde sur le pouvoir des croyances sous-jacentes aux travaux scientifiques révélées par ces métaphores et d’inciter les chercheurs à questionner leurs postulats implicites derrière la neutralité souvent revendiquée dans une approche scientifique positiviste.
63Ces propositions critiques ouvrent selon nous un devoir de vigilance quant aux faces amères et aux processus de sélection sous-jacents dans l’éducation ou l’accompagnement à l’entrepreneuriat.
2.3.2.2 – Les risques de l’engouement d’une éducation centrée sur le développement de l’individu
64Est-il raisonnable de penser que « tous les apprenants peuvent développer leurs capacités entrepreneuriales », d’ériger l’affrontement des incertitudes et la responsabilisation comme une norme de comportement ? Faut-il plutôt encourager à réaliser des projets dont l’issue est difficilement prédictible ou mettre en garde contre les risques au plus tôt ? En nous appuyant sur les analyses de Ehrenberg (1991, 1995, 1998) et de Perrenoud (1999), nous savons que la normalisation de l’autonomie fragilise les individus. Nous savons aussi grâce à Perrenoud (1999) et Watzlawick, Beavin et Jackson (1972) que l’autonomie se construit à partir de l’image de soi et des encouragements perçus mais aussi se conquiert activement dans des projets librement choisis ; en d’autres termes, elle ne se décrète pas. Enfin nous connaissons par les psychologues et sociologues du travail à la fois l’importance des solidarités et des espaces de coopération mais aussi les risques d’épuisement lorsque la compétition économique est excessive. Dans ces conditions, comment susciter des comportements basés sur la liberté sans tomber dans les injonctions paradoxales ? Et comment profiter de la dynamique entrepreneuriale qui permet à des individus de prouver leur valeur vis-à-vis d’eux-mêmes et d’autrui par la création de valeur sur un marché, sans pour autant être submergés par la compétition économique et l’exigence de performance qui ravale les humains au statut de ressource instrumentalisée ?
65Plusieurs propositions permettent de résoudre ces paradoxes. La première est d’être particulièrement attentif dans le dosage de responsabilisation, de prise de risque, de confrontation à l’incertitude et de valorisation économique de chaque activité, tant dans la conception des activités que dans la rédaction des critères de performance. Il est impératif de veiller à ce que ces critères soient suffisamment ambitieux pour être motivants tout en restant accessibles. Ce qui rejoint en éducation, la notion de zone de développement proximal de Vygotski (1934). Plus loin, nous pensons que ces critères devraient être rédigés de manière à rester accessibles à tous les apprenants concernés par l’activité, afin que la dynamique de réussite s’appuie d’abord sur une finalité de solidarité et de développement humain avant la finalité de performance économique. Dans la même veine, nous pensons que la finalité économique doit rester un moyen au service de l’apprentissage et non l’inverse. La troisième proposition est d’accepter que tous les apprenants n’atteignent pas nécessairement le même niveau de performance sans que cela nuise à leur évolution globale ; en d’autres termes, d’accepter le principe de différenciation pédagogique y compris dans les niveaux d’objectifs à atteindre. Chacun à sa vitesse et à sa hauteur devrait être la règle.
66Poser ces trois exigences revient à questionner les postures pratiquées par les éducateurs et accompagnateurs en entrepreneuriat. L’accompagnement, en tant que « posture professionnelle spécifique » (Paul, 2004) correspond à une attente centrale dans le milieu entrepreneurial. Mais cette attente est difficile à cerner compte tenu de la multiplicité des objectifs et de la complexité des parties prenantes concernées sur un territoire donné. Ce paradoxe typique de la postmodernité est très présent dans la réflexion actuelle en entrepreneuriat tant dans le milieu éducatif que dans les structures d’accompagnement. Nous le développons dans notre troisième partie.
3 – Accompagner, une posture de métier partout sollicitée en entrepreneuriat mais en pleine recomposition
3.1 – L’accompagnement en éducation entrepreneuriale au service d’un apprentissage actif autodirigé
3.1.1 – Des postures d’accompagnement bricolées
67L’enseignement de l’entrepreneuriat apparaît protéiforme : chaque école intéressée propose une manière d’enseigner qui lui est propre, en s’inspirant des expériences produites dans son réseau et en s’appuyant sur ses ressources internes (expérience, savoir et savoir-faire des enseignants).
68Cependant, malgré cette forte hétérogénéité dans les raisons, les buts et les manières d’enseigner l’entrepreneuriat, la place occupée par l’accompagnement privilégiant l’expérience en contact avec la vie réelle, à l’extérieur de l’école, devient incontournable. La proximité du domaine d’enseignement (l’entrepreneuriat) avec ce qui le fonde (un ancrage dans l’activité professionnelle) incite les écoles et les enseignants à privilégier les pédagogies actives. Au passage, l’enseignant se transforme en accompagnateur et se place progressivement en coulisses (Paul, 2004 ; Vial, 2007). L’apprenant devient le centre des préoccupations. Dans ce sens, « l’accompagnement consiste à aider, guider et conduire le processus d’apprentissage et de construction identitaire des apprenants » (Raucent et Villeneuve, 2010). Mais d’une manière générale, comme le soulignent Raucent et al. (2010) en citant Paul (2004), « les professionnels de l’accompagnement bricolent et adaptent leur technique aux circonstances. […] L’accompagnement revêt trois postures types : fonctionnaliste (faire appel à des ressources d’expert en vue d’aider à résoudre un problème), herméneutique (écouter dans une logique compréhensive afin de mobiliser les ressources de la personne accompagnée et de l’aider à trouver ses propres valeurs et critères personnels), réflexive et critique (articuler la dimension individuelle au travers du projet et la dimension collective afin d’aider à penser choix et décisions » (Raucent et Villeneuve, 2010). Plus généralement, en aidant l’apprenant dans sa construction des connaissances (Avenier, 2000), endosser le rôle d’accompagnateur implique donc pour l’enseignant un changement prononcé de posture.
69Or ces changements de posture génèrent des comportements parfois proches de la dissidence vis-à-vis des programmes éducatifs nationaux et des manières d’enseigner qui s’y rattachent (Toutain, Mueller, Gaujard et al., 2014). L’étude de dispositifs novateurs d’enseignement de l’esprit d’entreprendre dans des écoles, allant de l’enseignement primaire jusqu’à l’enseignement supérieur, situés en Finlande, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Espagne montre que 1) ces dispositifs sont menés par des leaders souvent charismatiques qui s’entourent de quelques personnes clés ; 2) le comportement dissident peut-être modéré (intégration physique du dispositif d’enseignement au sein de l’école ou de l’université) ou radical (création d’une école totalement indépendante).
3.1.2 – L’apprenant autodirige son apprentissage en interagissant avec son environnement
70Ainsi, l’introduction de la posture d’accompagnateur dans le monde de l’éducation entrepreneuriale voisine souvent avec une recherche d’innovation pédagogique ouverte qui tend à accroître la porosité des frontières entre l’école et le monde professionnel. La dissidence s’appuie fortement sur le développement de projets en partenariat avec des entreprises, des entrepreneurs, des associations et des professionnels du monde de l’accompagnement qui environnent l’école. L’accompagnateur et l’apprenant entrent alors dans un processus de co-construction de l’apprentissage qui repose à la fois sur la définition d’objectifs généraux et sur une manière de faire non programmatique : le projet se construit avec les parties prenantes et les ressources humaines, matérielles, financières disponibles durant le processus de développement du projet. Dans ce contexte, la réussite de l’apprentissage repose sur la capacité de l’apprenant à s’adapter à son environnement en bricolant avec les ressources présentes dans son environnement (Baker et Nelson, 2005 ; Fischer, 2014 ; Toutain et Fayolle, 2011, 2009) et, surtout, à conserver le contrôle de son apprentissage, à l’autodiriger.
71Ce type d’apprentissage repose sur une croyance initiale que Schwartz (1989) résume en soulignant notamment qu’« un adulte n’est prêt à se former que s’il y trouve une réponse à ses problèmes, dans sa situation ». Dans cette approche, la quête de sens (capacité à donner une direction), l’action et la motivation sont les fers de lance qui positionnent l’apprenant aux commandes de son propre apprentissage. Cela suppose ainsi qu’il mobilise et développe des capacités visant à diriger un « processus mental intentionnel » et des activités comportementales basées notamment sur la recherche d’informations (Long, 1989). En d’autres termes, l’apprentissage autodirigé suppose que l’apprenant puisse contrôler les processus cognitifs de son propre apprentissage (Long, 1989). Cette manière d’apprendre se différencie donc clairement de l’apprentissage fondé sur la transmission d’informations. Les apprenants sont encouragés à se former eux-mêmes : « les capacités d’autodirection deviennent la compétence clé des sujets sociaux appelés à devenir apprenants permanents » (Carré, 2010). Les dispositions cognitives et comportementales attendues chez l’apprenant sont ainsi très proches des capacités demandées aux entrepreneurs pour savoir agir et s’adapter dans un contexte incertain et peu prédictible. Les entrepreneurs apparaissent en effet plutôt plus autodirigés que la moyenne (Guglielmino et Klatt 1994). L’autodirection apparaît donc comme une compétence clé à acquérir dans le domaine entrepreneurial. Elle contribue à transformer les représentations de la formation appelée à devenir une activité permanente, tout au long de la vie (Carré, 2010).
72Aujourd’hui, l’éducation entrepreneuriale entre dans une nouvelle ère, qui n’occulte pas les précédentes (l’attention portée sur le portrait type de l’entrepreneur, l’entreprise créée ou encore la manière d’agir et de penser de l’entrepreneur), mais l’enrichit. Démasquer l’entrepreneuriat revient pour un nombre grandissant d’enseignants et de chercheurs, à casser le mythe de l’entrepreneur individuel à succès. Le processus entrepreneurial est un processus collectif. Un entrepreneur entreprend en interaction avec les acteurs d’une communauté qui s’engagent – formellement ou non – et jouent un rôle crucial dans son cheminement. Dans ce sens, les bénéfices produits ne relèvent pas seulement de la richesse créée par l’entreprise ou de l’organisation qui émerge. La valeur ajoutée produite bénéficie de différentes manières à l’ensemble des acteurs de la communauté impliqués.
73Enseigner l’entrepreneuriat n’est plus l’affaire d’un enseignant et, surtout, de l’étudiant considéré comme l’apprenant individuel qui se transforme par lui-même. L’engagement des parties prenantes éducatives (enseignants, responsables de programmes, directeurs, personnels de l’école) et non éducatives (entrepreneurs, associations, parents d’élèves, famille, amis) forme une communauté qui joue un rôle de plus en plus important dans la réussite des programmes d’apprentissage de l’esprit d’entreprendre. Enseigner l’esprit d’entreprendre est donc une affaire de collaboration au sein de laquelle chaque membre possède un rôle et des attentes particulières.
3.2 – Recomposition des échanges au sein des écosystèmes locaux : l’importance des temps et des lieux
74Que ce soit dans le milieu éducatif ou professionnel, les collaborations naissent et se développent plus ou moins intentionnellement. En d’autres termes, elles ne constituent pas seulement le résultat de visées stratégiques planifiées. Le hasard, l’opportunité des rencontres et des alliances autour de centres d’intérêt communs conduisent les acteurs à développer des relations dans un milieu et pour un temps aléatoire, selon les projets et les motivations.
3.2.1 – La métaphore de l’écosystème pour décrypter le fonctionnement des milieux et des communautés entreprenantes
75Sous un angle métaphorique, cette approche rejoint la définition de l’écosystème produite notamment par Tansley (1935) (Trudgill, 2007). La botaniste britannique cherche à comprendre non seulement quelles sont les espèces qui composent un écosystème mais également comment ces espèces interagissent avec leur environnement. Plus récemment, Morin et Hulot (2007) attribuent une dimension paradigmatique au concept d’écosystème qui recouvre, selon lui, des interactions complexes entre le vivant et le non-vivant. Selon les auteurs, « il y a une combinaison des relations entre espèces différentes : rapports d’association (symbioses, parasitismes) et de complémentarité (entre le mangeur et le mangé, le prédateur et la proie), hiérarchies qui se constituent, et régulations qui s’établissent. Un ensemble combinatoire se crée, avec ses déterminismes, ses cycles, ses probabilités, ses aléas ». Plus généralement, la métaphore de l’écosystème offre un angle d’exploration et de compréhension des relations complexes qui s’instaurent entre les différentes parties prenantes du milieu entrepreneurial (éducateurs, entrepreneurs, accompagnateurs, financeurs, et responsables politiques…) afin de développer l’esprit d’entreprendre et de nouvelles entreprises. Elle est de plus en plus utilisée pour évoquer le fonctionnement des parties prenantes du milieu entrepreneurial sur un même territoire.
76Le territoire constitue de plus en plus nettement un élément structurant le développement de l’esprit d’entreprendre. Il se situe en quelque sorte à la croisée des mondes politique, académique, professionnel et scientifique. Cependant, la raréfaction des ressources et l’appareillage bureaucratique présents sur une grande majorité des territoires français malmènent les entrepreneurs naissants. Cette situation parfois très difficile à vivre par les entrepreneurs favorise l’émergence de nouveaux types d’accompagnement et de formation qui privilégient la prise en compte du collectif en signant la fin du mythe de l’entrepreneur faussement médiatisé comme un héros individuel.
3.2.2 – Le territoire, élément structurant l’accompagnement de l’esprit d’entreprendre
77Aujourd’hui la France compte environ 1500 structures d’accompagnement, représentant un budget de 2,7 milliards d’euros (Entreprendre, 2014). Ceci est unique en Europe. La décentralisation, qui a accru les responsabilités des collectivités locales et institué des subventions pour les structures d’accompagnement a généré, depuis les années 1990 des initiatives de plus en plus nombreuses en matière d’appui au développement de l’entrepreneuriat sur le territoire. Ceci a contribué à l’émergence d’une structuration territoriale. La multiplication des acteurs de l’accompagnement (associations, collectivités locales, chambres consulaires, cabinets conseils) offre ainsi de nombreuses opportunités aux habitants d’un territoire pour bénéficier d’une aide au développement d’un projet. Ce dernier qui concentre généralement toute l’attention des acteurs socio-économiques des territoires les plus fragiles peut être lu, visité, accompagné et soutenu financièrement par plusieurs acteurs de l’accompagnement en même temps.
78La complexité croissante des systèmes financiers et d’accompagnement qui se superposent et s’entrecroisent sur le chemin de l’entrepreneur traduit malgré tout l’existence et le fonctionnement d’écosystèmes territoriaux singuliers définis par leurs propres ressources. Par exemple, Froehlicher et Barès (2014) soulignent, à partir d’une recherche qualitative réalisée dans deux agglomérations (Grand Lyon et Grand Toulouse) et deux Régions (Alsace et Bretagne), que les réseaux informels formés par les acteurs de terrain sont source de créativité et capables de générer une dynamique entrepreneuriale. Cette dynamique naît autour d’activités informelles et peut mener à la mise en œuvre d’un cluster reconnu d’intérêt public régional. Le cluster, qui repose sur la collaboration entre « les trois mondes » (entreprises, collectivités et universités) concourt au développement de la créativité du territoire à travers des projets créateurs de richesse : « l’innovation est ainsi produite par un réseau interconnecté, situé dans un territoire proche, engagé dans un secteur d’activité donné et lié par un partage ou une complémentarité de compétences et/ou de ressources » (Surlemont, Toutain, Barès et al., 2014).
79Par ailleurs, tous les territoires sont concernés, avec plus ou moins de réussite, par le développement des écosystèmes entrepreneuriaux. Asselineau, Cromarias et Ditter (2014) montrent par exemple comment, dans un territoire rural défavorisé, la prise en compte des ressources locales et du tissu relationnel constitue des éléments structurants à partir desquels fleurissent des initiatives entrepreneuriales originales, combinant l’identité du territoire et la création de valeur socio-économique. La manière dont les groupes sociaux interagissent dans leur territoire, combinée avec la situation économique de ce dernier et avec son histoire détermine la qualité du fonctionnement des réseaux et leur capacité d’innovation. L’exemple de la Région wallonne est en ce point exemplaire. Pour faire face à la situation économique difficile de la Région, le programme Creative Wallonia a été conçu afin de permettre aux acteurs professionnels ainsi qu’aux habitants du territoire de s’exprimer de manière créative en mobilisant divers outils tels que les fablabs, les makerslab, les accélérateurs d’idées et l’organisation de rencontres « improbables » (Surlemont, 2014) dans l’optique de créer une dynamique de rupture inversant les représentations sociales dominantes, souvent négatives, portées par les habitants sur leur région.
80La structuration des territoires représente ainsi un enjeu important dans le soutien au développement de l’esprit entrepreneurial. Les exemples présentés ci-dessus montrent que certaines collectivités locales (notamment les régions) tentent de s’organiser dans ce sens en renforçant leurs stratégies d’intégration horizontale, regroupant les acteurs de l’accompagnement proposant des services similaires et/ou complémentaires (Bessière, Gomez-Breysse, Gonnard et al., 2014). Cette structuration devient ainsi une réalité acquise pour des décideurs, dont certains font leur cheval de bataille (Surlemont, 2014). Cependant, les stratégies horizontales prônées par les collectivités locales n’excluent pas des cohabitations avec les stratégies d’intégration verticale mises en place par exemple dans les grands réseaux nationaux d’accompagnement à la création d’entreprise, qui proposent des prestations depuis l’amont (la naissance d’une idée entrepreneuriale) jusqu’au suivi et à l’accompagnement du développement des entreprises créées. Dans ce cas de figure, les deux modes de structuration du territoire (ici national et régional) se superposent avec plus ou moins de succès.
81D’une manière générale, les stratégies des organisations qui ont pour objet de promouvoir l’entrepreneuriat dans leur territoire concourent au façonnement d’un paysage complexe, fait de « coopétition » (Theodoraki et Messeghem, 2014) parfois difficilement intelligible auprès de l’entrepreneur en devenir (Duquenne, 2014 ; Slimane, 2014 ; Entreprendre, 2014).
3.2.3 – Le territoire, un carrefour à la croisée des mondes
82Malgré ces difficultés, le territoire – en particulier celui des régions – représente aujourd’hui le support du développement de l’éducation entrepreneuriale qui réunit les quatre mondes politique, académique, professionnel et scientifique (Ballereau, Sinapi, Toutain et al., 2015). Conscient des enjeux, l’État français a lancé en 2013 le dispositif PEPITE et le statut national d’étudiant-entrepreneur dans la foulée des Assises de l’entrepreneuriat. Ces deux mesures visent à renforcer la formation à l’entrepreneuriat et la création/reprise d’entreprise par les jeunes en mobilisant des réseaux locaux composés essentiellement des enseignants des écoles supérieures aux côtés des professionnels de l’accompagnement et du financement de la création d’entreprise. Le succès de cette structuration de l’entrepreneuriat étudiant repose ainsi sur la capacité des acteurs régionaux de l’entrepreneuriat à mutualiser leurs moyens en vue de proposer une offre de service efficace auprès des étudiants de l’Enseignement supérieur.
83Indirectement, il s’agit également d’insuffler un esprit entrepreneurial dans les écoles supérieures dans la perspective de bénéficier, pour certaines d’entre elles, de la qualification d’« université entrepreneuriale » née en 1999 sous l’impulsion des scientifiques (Smith, 1999 ; Clark, 2001). Ces chercheurs, qui s’intéressent à l’étude de la métaphore de l’écosystème dans le champ de l’éducation entrepreneuriale, observent ce qui distingue les universités qui tentent d’insuffler un esprit d’entreprise en leur sein des autres établissements. Leurs travaux montrent que ces universités se distinguent des autres par leurs capacités d’adaptation à leur environnement et particulièrement au monde économique qui les entoure. Le nombre et la variété des connexions et des collaborations entre l’université et le monde économique définissent ainsi la nature et le fonctionnement de l’écosystème de l’université entrepreneuriale. D’autre part, face à un environnement de plus en plus complexe et changeant (autonomisation des universités, réduction des financements, augmentation de l’intensité concurrentielle…), elles proposent des solutions visant la différenciation (Clark, 2003) en recherchant des modèles hybrides (Toutain, Mueller, Gaujard et al., 2014). En 2011, Isenberg présente un modèle générique dans le but de faciliter l’analyse du fonctionnement de l’écosystème d’une université entrepreneuriale. Celui-ci comprend six dimensions (politique, financière, culturelle, d’accompagnement, du capital humain, du marché) qui font l’objet d’un très large consensus dans la communauté scientifique (Toutain, Mueller, Gaujard et al., 2014).
84Le territoire apparaît ainsi plus que jamais comme le théâtre des rencontres entre les différents mondes (politique, académique, professionnel et scientifique) ralliés autour de la promotion de l’entrepreneuriat. Bien que les délimitations soient variables, l’échelle régionale est une unité de mesure généralement partagée. Mais la structuration complexe de ces ensembles multiformes d’acteurs est difficilement lisible par les entrepreneurs et les étudiants auxquels ils sont pourtant destinés.
3.2.4 – Des entrepreneurs malmenés par la raréfaction des ressources et les contraintes bureaucratiques des territoires
85L’enchevêtrement des stratégies d’organisation horizontale et verticale du monde de l’accompagnement rend la lecture de ce paysage difficile pour l’entrepreneur en devenir, en particulier celui qui se trouve souvent dans une situation de transition professionnelle (chômage). La précarité de sa situation lui impose de réagir rapidement pour trouver une solution. L’entrepreneuriat apparaît comme une opportunité pour sortir du chômage. Ces entrepreneurs « par nécessité » représentent près d’un créateur sur deux en France et mobilisent une attention grandissante des chercheurs (Tessier Dargent, 2015). Le processus entrepreneurial déclenché est dépendant de la situation personnelle et professionnelle du porteur de projet. La durée de cette période de transition professionnelle varie selon la personne.
86Mais en parallèle, les contraintes budgétaires et administratives des acteurs de l’accompagnement et de leurs partenaires (en premier lieu les collectivités locales) conduisent à une tendance générale à la baisse de la durée des prestations d’accompagnement proposées aux porteurs de projet. Ce phénomène génère ainsi une « collision des temps » entre, d’un côté, la nécessité de prendre le temps d’explorer et de s’adapter au cheminement entrepreneurial en développant son projet et, de l’autre, la réduction du temps imparti pour le réaliser. La diminution des moyens alloués aux acteurs de l’accompagnement et aux porteurs de projet les place sous tension, face à l’impératif de réussir. Cette recherche de performance se traduit chez les porteurs de projet par la volonté de réussir leur transition professionnelle les conduisant le plus souvent à créer et autofinancer leur propre emploi. Pour les accompagnateurs, la réussite de leur mission pourra se manifester par le respect du cahier des charges de l’accompagnement (formalisé dans une convention avec le financeur de la prestation) permettant la validation financière, et plus généralement le financement de la structure d’accompagnement (Toutain, 2015 ; Duquenne, 2014).
87Ainsi, la rationalisation du métier d’accompagnateur soumis aux contraintes budgétaires et la recherche de solutions par la voie entrepreneuriale dans un marché de l’emploi très tendu génèrent des tensions. Celles-ci viennent s’ajouter au stress inhérent aux démarches que l’entrepreneur effectue pour créer son activité dans un contexte plus ou moins élevé d’incertitude selon le projet et le secteur d’activité. En d’autres termes, comme le soulignent McMullen et Shepherd, les entrepreneurs doivent juger et décider dans une situation d’incertitude concernant de possibles opportunités… (McMullen et Shepherd, 2006).
88Vue sous cet angle, l’activité entrepreneuriale apparaît comme un processus hautement émotionnel (Cardon, Foo, Shepherd et al., 2012) faisant alterner des cycles courts d’euphorie (quand les rencontres permettent d’imaginer une opportunité) et de dépression (dès lors qu’un contrat, une ressource ou un financement espéré n’est pas au rendez-vous). Les émotions de l’entrepreneur influencent fortement ses décisions d’agir au quotidien, dans toutes les étapes de développement de projet entrepreneurial (Baron, 2008 ; Degeorge et Fayolle, 2009). Cette approche montre plus que jamais la nécessité de centrer son attention sur l’individu ou le groupe qui entreprend. Pourtant, hormis quelques formations centrées sur le management des émotions entrepreneuriales dans des situations d’échec ou de deuil (Shepherd, 2003), cette dimension est quasi inexistante dans les processus d’accompagnement ou de formation de l’entrepreneur. L’évolution actuelle des conditions d’accompagnement des entrepreneurs présentée plus haut ne laisse malheureusement guère d’optimisme : il est peu probable que les accompagnateurs puissent accorder davantage de temps aux porteurs de projets afin de leur permettre de reconnaître et gérer les émotions impactant leurs décisions et ainsi favoriser la transformation identitaire du porteur de projet en entrepreneur.
89Pourtant, la santé de l’entrepreneur apparaît comme un élément déterminant du succès (Torres, 2012). Ne pas en tenir compte revient donc à ignorer cette relation d’influences réciproques entre le comportement entrepreneurial, la santé mentale et physique de l’entrepreneur et la pérennisation de son activité. Certains chercheurs suggèrent ainsi d’ouvrir la formation de l’entrepreneur à ces questions en activant la prise de conscience des effets pathogènes qui influent négativement sur la santé comme des effets salutogènes qui ont un effet positif et, par voie de conséquence, influent sur la pérennité de son entreprise (Gharbi et Torres, 2013).
3.2.5 – Vers de nouvelles formes de soutien aux entrepreneurs naissants
90Plus généralement, les conditions d’accompagnement et de formation s’effectuent dans un contexte de forts changements pour l’individu ou le groupe entreprenant. Ces changements génèrent également des effets dans les groupes sociaux et les territoires impliqués dans l’aventure entrepreneuriale. En d’autres termes, tout l’écosystème biotique (vivant) et abiotique (non vivant) évolue au gré des activités entrepreneuriales. Bien que l’activité entrepreneuriale soit reconnue professionnellement et socialement comme une activité individuelle, la réalité est souvent bien différente : l’environnement interagit de manière permanente avec la prise de décision de l’entrepreneur. L’implication des parties prenantes [7] est centrale dans la réussite du projet entrepreneurial avant, pendant et après la création de l’activité. Dans le champ scientifique, cette relation étroite qui lie l’entrepreneur avec son environnement a été théorisée par Sarasvathy (cf. § 1.2), dont la contribution fait aujourd’hui l’unanimité dans la communauté internationale (Sarasvathy, 2001, 2008, 2010).
91Ces constats scientifiques font écho dans le monde professionnel. Depuis quelques années, de nouvelles organisations collectives de soutien à l’entrepreneuriat fleurissent en France et dans le monde entier. Leur principe central repose le plus souvent sur le partage d’espaces communs, l’échange ouvert avec les différentes parties prenantes et d’autres entrepreneurs, et d’une manière plus générale l’apprentissage collectif formel (formation, rencontres régulières) et informel (cohabitation avec les autres entrepreneurs, coaches, accompagnateurs, autour d’un repas ou pendant les pauses…). Parmi les formes plurielles d’organisation, les espaces de co-working tels que La Ruche à Paris ou La Muse à Genève constituent l’une des illustrations se rapprochant le plus de ce modèle. Les compétences d’animation sont centrales pour donner vie au lieu en permettant à chacun des entrepreneurs d’avancer dans son projet tout en donnant et en bénéficiant à la fois des apports des autres membres de l’espace partagé ; ce que Pierre et Burret (2015) qualifient de « communauté de pairs ». Outre ces espaces très identifiés, des organisations nouvelles élargies émergent également, rassemblant dans un même lieu une couveuse d’entreprise, une pépinière, un hôtel d’entreprise et un espace de co-working (Ribeiro, 2014). Ces modèles intégrés sont le plus généralement portés par des professionnels de l’entrepreneuriat et des élus d’un territoire, qui partagent le souci commun de lutter contre le chômage, d’innover et de régénérer une identité territoriale dépréciée (Ribeiro, 2014 ; Surlemont, 2014).
92La raréfaction des ressources a plongé de nombreux territoires européens dans des situations sinistrées, en proie aux friches industrielles, au chômage et à l’absence de vision. Cet appauvrissement a également entériné la fin d’un cycle ou, pour reprendre la métaphore de l’écosystème, la disparition de certaines espèces. Les quelques exemples cités dans cette partie montrent tous des voies d’espérance marquées par des activités humaines novatrices, des recompositions sociales pour lesquelles l’entrepreneuriat peut jouer un rôle vertueux. Il ne s’agit plus dans ces conditions d’évoquer un entrepreneuriat individualiste visant uniquement l’enrichissement individuel, mais plutôt un esprit entrepreneurial infusé dans toutes les strates du territoire et des populations : un entrepreneuriat porteur de nouvelles valeurs qui bénéficie conjointement et réciproquement aux individus et aux membres de leur environnement. En d’autres termes, la fin d’un cycle annonce dans son sillage une renaissance dans laquelle les projets entrepreneuriaux peuvent jouer un rôle d’accélérateur.
Conclusion
93Les voies d’espoir par lesquelles nous avons terminé la partie précédente ne peuvent occulter les difficultés actuelles pour les soutenir. Former des jeunes et des créateurs d’entreprise à l’esprit d’entreprendre nécessite un projet politique d’envergure. Le financement de cette recomposition doit se réaliser autrement que par les seules forces du marché et de la transformation de l’éducation en produit (Nickolai, Hoffman et Trautner, 2012), au-delà de « l’empilement de mesures » décrites dans le rapport Beylat-Tambourin (Ben Slimane, 2014).
94Car, finalement, l’enjeu dépasse largement le seul fait de soutenir le développement d’activités entrepreneuriales. Lorsque nous observons les réactions des acteurs des territoires en difficulté, il existe une dimension culturelle évidente. Elle se définit par un socle de valeurs partagées soutenant durablement l’échange entre les acteurs et leur environnement (Coste, 2014 ; Verzat, 2014).
95Or, pour qu’elles puissent être visibles et grandir, ces valeurs nécessitent du côté des chercheurs une hydratation basée sur une ouverture à l’interdisciplinarité afin de rendre compte de la complexité du phénomène et des pratiques (Audretsch, 2012). Cela suppose également un renouvellement des philosophies économiques sous-jacentes (Pittaway, 2005) mais aussi une invitation aux chercheurs et aux éducateurs à provoquer les questionnements au-delà des mythes et des valeurs implicites sur l’entrepreneuriat (Lundmark et Westelius, 2014 ; Jones et Spicer, 2009) en créant un nouvel élixir propice à la mutation génétique.
96L’engouement actuel pour l’entrepreneuriat s’accompagne de la lourde responsabilité de former et d’accompagner des personnes en répondant à des enjeux sociétaux qui dépassent de très loin la création d’entreprise. Bien que les questions de pédagogies et plus généralement celles liées au développement d’innovations dans les quatre mondes (académique, scientifique, politique et professionnel) soient cruciales pour former à l’esprit d’entreprendre, celle qui consiste à poser la question du sens (pourquoi ?) demeure aussi simple que complexe à résoudre. Elle suppose des prérequis comportementaux qui s’ancrent dans l’esprit critique, la remise en question permanente, l’ouverture aux autres ainsi qu’aux ressources avoisinantes, le partage d’expériences et d’expertises et le développement de capacités d’adaptation aux mutations. Ces prérequis comportementaux sont indispensables pour imaginer des projets de société à l’échelle du groupe et du territoire qui fondent une culture, liant indispensable entre les individus.
97Le projet entrepreneurial peut permettre de contribuer à la fabrication de ce liant, s’il est le fruit d’une intelligence collective voulue au départ, à l’image des acteurs du territoire de Creative Wallonia que nous avons présentés dans cet article. Enfin, que ce soit dans le champ académique ou dans le champ professionnel, l’évolution des écosystèmes entrepreneuriaux qui permet de bâtir des visions nécessite indéniablement du temps. Cela nous renvoie vers une autre bataille, celle de l’accélération du temps qui nous ancre dans un présentisme (Rosa, 2013) difficilement compatible avec la durée nécessaire des projets entrepreneuriaux et la formation des futurs entrepreneurs.
Bibliographie
Bibliographie
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- Armstrong, P. I. et Vogel, D. L. (2009). « Interpreting the Interest–Efficacy Association From a RIASEC Perspective », Journal of Counseling Psychology, 56(3), pp. 392–407.
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Notes
-
[1]
Babson College Entrepreneurship Research Conference « Frontiers of Entrepreneurship Research » en 1981.
-
[2]
Academy of Management Journal, The Academy of Management Review, The Strategic Management Journal, The Journal of Management, Organization Science, Management Science, Administrative Science Quarterly. La part des articles sur l’entrepreneuriat dans ces sept revues est passée de 1,8 % pendant la période 1985-1999 à 4,9 % entre 2000 et 2009.
-
[3]
En 2015, la division comporte 2921 membres et constitue le 3e groupe d’intérêt sur 25.
-
[4]
Rapports Mortier (1996), Béranger, Chabbal et Dambrine (1998), Fayolle (1999).
-
[5]
L’ANCE devient en 1996 l’APCE, Agence pour la Création d’Entreprise.
-
[6]
Source : rapport OSEO (2011) 10 ans de création d’entreprises innovantes en France, disponible en ligne sur le site de BPI France.
-
[7]
Considérée ici au sens large, comprenant par exemple les amis, la famille, les fournisseurs, les parrains, les mentors, les accompagnateurs, les clients potentiels…