Savoirs 2010/3 n° 24

Couverture de SAVO_024

Article de revue

Comptes rendus de lecture

Pages 101 à 111

English version

Barbier Jean-Marie, Bourgeois Étienne, Chapelle Gaëtane, Ruano-Borbalan Jean-Claude (dir.) (2009). Encyclopédie de la formation. Paris : PUF

1Rendre les acquis de la recherche accessibles aux professionnels du champ de pratiques de la formation, tel est l’objectif premier de cette épaisse encyclopédie de la formation. Sans en rabattre sur les exigences académiques, le souci constant d’éviter tout jargon superfétatoire est exprimé par les directeurs de l’ouvrage. Leur volonté expresse de couper court au débat entre initiés évite, dans une très large mesure, ce qui est généralement vécu comme dissuasif par les professionnels du domaine : des controverses qui, d’un point de vue « profane », sont clairement ésotériques et peu heuristiques. De ce point de vue, l’ouvrage est une réussite. On entre sans difficultés dans chacun des 34 chapitres, très didactiques sans en devenir pour autant assommants de formalisme.

2On ne peut résumer une telle somme. Tout au plus peut-on effectuer quelques coups de sonde et souligner certains tours de force majeurs des directeurs de l’ouvrage : réunir un ensemble de spécialistes francophones autour d’un projet éditorial de longue haleine ; faire une place à un ensemble de perspectives fréquemment distinctes dans les publications qui balisent le domaine ; lier les acquis consolidés de la recherche et des perspectives émergentes ; fournir des notices biographiques des principaux penseurs de la formation depuis les années 1960, des notes de lecture d’ouvrages qui ont contribué à faire avancer la connaissance et la présentation des principales revues académiques et professionnelles qui marquent le champ de la formation.

3L’ouvrage fait varier les échelles d’observation. Il met tantôt l’accent sur les dynamiques individuelles d’engagement en formation, les politiques d’entreprises, les programmes nationaux de formation en direction de publics spécifiques, les orientations européennes en matière de lifelong learning. Les dispositifs de formation, des plus formels et habituels que sont les stages aux plus innovants ou informels, sont par ailleurs détaillés. La dialectique formation / travail fait également l’objet d’amples développements. Quant au substrat idéologique qui sous-tend les pratiques mises en œuvre, il est appréhendé sous le jour des fonctions que la formation est présumée satisfaire, les auteurs montrant que le spectre est particulièrement large : en entreprise, fonctions de mobilisation, d’anticipation, d’accompagnement du changement ; pour le salariés, adaptation au poste, montée en compétences, développement de la professionnalisation ; pour les demandeurs d’emploi, fonctions de socialisation, qualification, restauration de l’« employabilité ». Les liens entre recherche et formation sont enfin fortement travaillés, directement ou incidemment par les auteurs. Différentes postures de recherche se dégagent mais un accord autour de la figure du chercheur qui articule la recherche à l’action et à la formation apparaît au fil des pages.

4La prétention à l’exhaustivité est d’emblée tenue à distance par Jean-Marie Barbier (p. 1).Cette précision, plus qu’une précaution d’usage, est une invitation à prendre cette encyclopédie pour ce qu’elle est : un formidable outil de travail qui ne saurait se suffire à lui-même. Au demeurant, il est heureux que la bibliographie (commentée) soit comptée au nombre des chapitres, manière de lui donner plus encore qu’à l’accoutumée son plein statut d’élément à part entière du projet éditorial et de signifier au lecteur l’importance de s’y plonger (et de se plonger dans les publications qui y sont mentionnées).

5Exhaustif ou non, c’est un maître-ouvrage que cette Encyclopédie de la formation. Il faut saluer l’entreprise éditoriale et remercier ses directeurs d’avoir réuni cet ensemble d’analyses. Pour les éditions futures, on peut suggérer un encart sur un « oublié » parmi les précurseurs figurant dans l’ouvrage, Antoine Léon. Un chapitre sur la formation en Afrique francophone (à tout le moins, un développement faisant état de la recherche dans cette aire géographique et encourageant les chercheurs à tourner leurs regards en cette direction) permettrait également de mettre en lumière des travaux plus confidentiels aux côtés des articles traitant des situations françaises, belges, suisses et québécoises généralement mieux connues.

6Cédric Frétigné

Richard Wittorski (2007). Professionnalisation et développement professionnel. Paris : L’Harmattan coll. Action et savoir

7La question de la professionnalisation et son intention introduit des changements majeurs dans la façon de concevoir ce qui est de l’ordre des moments, des occasions et des dynamiques participant au développement des personnes. Elle interroge nos conceptions de la formation et du travail. Elle s’intéresse aux mécanismes de développement professionnel des sujets dans des situations de travail / formation.

8C’est dans ce cadre qu’intervient cet ouvrage qui tente d’ériger tout à la fois un modèle d’action et un modèle d’intelligibilité des questions de professionnalisation. La première partie en pose les enjeux sociaux ; la seconde analyse l’offre de professionnalisation existante pour en déceler les enjeux implicites, et propose un outil d’analyse de celle-ci.

9Théorico-pratique, cet ouvrage éclaire des idées, décrit des dispositifs et ouvre des perspectives pratiques pour le champ de la formation et du travail, mais aussi pour la recherche. Le formateur tout comme l’ingénieur pédagogique trouvera un outil de lecture de ses pratiques pédagogiques, de l’ingénierie pédagogique qu’il met en œuvre et de ses effets sur la professionnalisation des sujets, lui permettant non plus d’opposer mais de rapprocher travail et formation, action et savoir, pratique et théorie. Dans l’espace de travail, ce n’est pas l’organisation pédagogique qui est interrogée mais l’organisation du travail, son environnement. Toutes les organisations du travail ne sont pas toutes de la même manière facilitatrice en termes d’apprentissage ; mais sans vouloir revendiquer des organisations apprenantes, qualifiantes ou formatrices, l’auteur insiste sur la qualité des environnements et des situations de travail pour produire des apprentissages.

10Que retenir de cet ouvrage ? Sans doute l’idée que la professionnalisation ne peut faire l’impasse sur l’articulation de trois théories : celle du sujet, celle de l’action, celle de l’organisation. C’est dans les interrelations entre ces dernières que peuvent se penser des objets de recherche. C’est entre le sujet, l’action et l’organisation que peuvent se penser des pratiques de travail formatrices, apprenantes.

11Ouvrage à lire et à relire pour tous ceux qui s’intéressent à la question de la professionnalisation de leurs pratiques de formation, aux dispositifs qu’ils mettent en place et, chemin faisant, qui se professionnalisent eux-mêmes en étant en dehors et dans l’action, en somme en marchant et en se regardant marcher.

12Solveig Oudet

Christian Alin (2010). La geste formation : gestes professionnels et analyse des pratiques. Paris. L’harmattan coll. Savoir et formation

13Le livre de Christian Alin est consacré à l’analyse des pratiques, à la question des gestes professionnels et à celle de leur transmission. L’auteur est professeur des universités en sciences de l’éducation à l’université de Lyon. Les pratiques et les gestes auxquels il s’intéresse sont ceux des enseignants et des formateurs. C’est par une analyse multiréférentielle, sémiologique et anthropologique qu’il rédige un texte souhaité comme une « chanson de geste ».

14Six études constituent la matière de l’ouvrage. Toutes ont été reformulées pour l’occasion à partir d’articles publiés dans des revues académiques. Elles s’appuient sur la discipline de prédilection de l’auteur, l’éducation physique et sportive. Si elles peuvent être lues de façon indépendante, chacune a été organisée autour de grandes questions : la précision de la langue ; l’identification des principaux gestes du métier d’enseignant face aux « allants de soi » ; la relation pédagogique entre un conseiller pédagogique et un stagiaire ; l’autre sujet de langage et d’écoute ; la place et le rôle des récits dans l’analyse des pratiques ; la culture.

15L’étude sur la précision de la langue ou l’analytique du langage est présentée comme une méthode de clarification de sens se posant en complémentarité avec d’autres méthodes d’attribution de sens (analyse de contenu, analyse de discours, analyse sémiotique, analyse textuelle, analyse du non verbal, analyse des fonctions langagières, etc.). Dès lors, son ambition se limite à décrire la grammaire des jeux de langage que forment les pratiques. L’exemple du « référentiel bondissant », qui a désigné le ballon dans les articles scientifiques sans jamais transformer les pratiques, le montre. Ainsi, Alin nous rappelle avec Wittgenstein que les mots n’ont pas de sens, ils n’ont que des emplois. Il s’agirait donc de contribuer à désigner, clarifier et réaliser avec les praticiens des distinctions utiles en interrogeant en particulier leurs actions et leurs gestes. Il s’agirait de participer à la venue des sciences du langage, de la pragmatique linguistique, des théories contemporaines de la métaphore et de la sémiotique dans les recherches sur les pratiques de l’enseignement et de la formation.

16La deuxième étude ouvre sur le métier et l’identité professionnelle. Elle rappelle que chaque métier a son inventaire, ses archives de techniques et de connaissances, son référentiel de gestes qui portent la marque de sa pratique. Si le terme « geste professionnel » est utilisé par les chercheurs, les parents et les enseignants, les élèves parlent de mission, de tâche, de responsabilité. Le geste est lié au corps, c’est un mouvement, une gesticulation signifiante inséparable de la situation. Alin identifie le dialogue, le regard, l’implication, l’ordre, l’écoute, l’autorisation, le partage, le jugement, l’improvisation, le rapport au savoir, la présence et le contrôle. Il s’agit là pour lui des enjeux symboliques propres aux gestes du métier d’enseignant. À la maîtrise de ces enjeux s’ajoutent dans la construction de l’identité professionnelle la prise de décision, le langage verbal ou non verbal, l’image de soi, l’intentionnalité, l’altération, le travail en équipe, l’éthique, la discipline, la théorie personnelle de l’action, les faits, les imprévus, la proxémie. Finalement l’auteur nous indique que la transmission de l’expérience se situe entre le technique et le symbolique, d’où l’importance de comprendre les structures de langage et leur évolution dans le temps.

17La troisième étude est une présentation de dispositifs, notamment sur la question des gestes et des obstacles didactiques. Elle conclut sur la part de symbole, de partage, d’altérité, de valeurs, d’identité professionnelle, contenue dans le conseil pédagogique. Une architecture éthique s’élabore dans la relation, un dire-vrai, un franc-parler, un souci de soi et de l’autre.

18La quatrième étude approche ce qui est nommé sémiologie des pratiques. L’auteur présente une définition de la sémiologie comme un système de signes correspondant à l’inscription, dans une langue, d’une pratique sociale concrète. Dès lors se posent des enjeux éthiques, théoriques et méthodologiques traduits en un programme de recherche consacré à la sémiologie des pratiques sportives. Ainsi l’auteur définit-il les actes en leur qualité de faits qui relèvent de l’instant présent ou sous le jour de récits qui se racontent. Ces actes impliquent un sujet acteur - auteur situé, daté et présent. Les gestes professionnels sont, quant à eux, des représentations qui s’inscrivent dans la durée. Ce sont des discours qui décrivent et se montrent. Ils impliquent un sujet énonciateur anonyme et historique. Actes et gestes sont inter-reliés dans la manifestation d’une identité professionnelle. Finalement son appréhension peut s’opérer par l’analyse des gestes et des pratiques auxquelles ils sont liés, par la métacommunication qui se produit lors de narration, ou encore par l’analyse comparée d’incidents critiques.

19La cinquième étude aborde logiquement la place et le rôle du récit en analyse des pratiques. Pour les enseignants, les récits mythiques font passer du hussard noir de la République à la figure de l’enseignant professionnel. Quoiqu’il en soit et à partir d’une riche mise en perspective des auteurs-clés sur l’analyse réflexive de l’expérience (praticien réflexif, histoire de vie, groupe Balint, dispositif d’autoconfrontation simple ou croisée, entretien d’explicitation, incidents critiques), Alin situe la force des récits dans la signification, la mise en intrigue, l’expérience subjective de la connaissance, la construction herméneutique, l’acte de faire, le travail de distanciation. Le récit est mis en valeur dans sa fonction d’adressage d’un contenu et d’une identité. Le récit résonne comme une nécessité de prise de conscience.

20La sixième étude traite des langues et des cultures. L’étude expose un programme de recherche sur l’impact du créole dans l’enseignement et l’apprentissage des activités physiques et sportives. L’hypothèse émise est que la langue utilisée peut avoir un impact sur les processus cognitifs moteurs. Dans la relation éducative, le créole agirait sur la compréhension, la motivation ou l’attention, l’expression des émotions ou l’évocation d’images afin de réguler les conduites motrices.

21En conclusion de son ouvrage, l’auteur nous rappelle la dette que nous avons à l’égard de notre passé, la façon dont notre expérience s’appuie sur cette dette et, notamment, comment le langage nous unit dans une identité collective narrative.

22Au-delà du regard sur un métier, ses gestes, ses pratiques et son langage, l’ouvrage éclaire la tension d’un homme aux prises avec un projet de recherche. Il témoigne d’une manière de faire de la recherche qui inclue, à travers ses méthodes, ses thèmes, le vécu même du chercheur. Cet ensemble d’études confirme qu’il est possible de lier une intention subjective à la rigueur d’un processus d’exploration et d’analyse. La geste que nous offre Christian Alin est ainsi une forme de déploiement qui ouvre sur l’autre.

23Denis Cristol

Marc Durand, Laurent Fillietaz (dir.) (2009). Travail et formation des adultes. Paris, PUF : coll. Formation et pratiques professionnelles

24L’intérêt porté par les travaux universitaires à la relation entre formation et travail est récent. Les recherches à son endroit relèvent de différents courants, approches et disciplines en sciences humaines et sociales. Elles contribuent à la définition d’un champ de pratiques et d’un espace épistémologique original. La variété des organisations du travail et de la formation en font un espace diversifié et composite. Ce livre collectif nous offre un voyage au cœur de développements théoriques, d’expériences de terrain, de synthèses programmatiques, de recherches empiriques ayant en commun de porter sur des pratiques articulant travail et formation, et autorisant le lecteur à concevoir la formation autrement que sur un mode instrumental au service du travail et des organisations. Au fil des textes, les auteurs permettent d’envisager des pratiques de formation plus émancipatrices, moins asservies aux demandes des entreprises (ajustement des compétences, perspective d’adaptation) et plus orientées vers le développement des sujets (déploiement des compétences, perspective d’adaptabilité). Cette montée en puissance de la prise en compte du travail dans les pratiques de formation endogènes ou exogènes au travail n’est alors pas sans interroger les pratiques de formation de manière plus générale et la professionnalité des formateurs qui sont, selon les situations, conduits à vivre le travail du dedans (appropriation du travail) ou du dehors (analyse du travail, prise de distance).

25Des dispositifs multiples et multiformes naissent de-ci de-là et leur analyse a permis de faire émerger des concepts nouveaux ayant vocation à éclairer ces dernières, leurs fondements épistémologiques et leurs effets sur les personnes. La pratique, le travail et l’action deviennent objet de réflexion, d’investigation, de déprise ; chemin faisant ces dispositifs rapprochent deux mondes au départ traditionnellement distincts, la pratique et la théorie, et permettent de voir émerger de nouveaux savoirs (pratique, d’action, empirique, praxéologiques, etc.) et donc de nouvelles formes de rapport au savoir et à la formation.

26Les coordonnateurs de l’ouvrage soulignent l’insuffisance des pratiques permettant de réfléchir, au sens scientifique et pragmatique du terme, la relation entre travail et formation, savoir et action, mais témoignent de leur montée en puissance et de leur intérêt pour construire une nouvelle épistémologie tout à la fois praxéologique et pragmatiste.

27Ce qui nous a semblé très intéressant au fil de notre lecture relève d’un mariage de disciplines (ergonomie, sociologie, didactique professionnelle, sciences de gestion, etc.) concourant à éclairer et à opérationnaliser un même objet : l’énigme de la relation formation / travail.

28L’autre point fort de cet ouvrage tient à la place donnée au sujet dans les dispositifs de formation, qu’ils soient formels ou informels, académiques ou non, et à sa capacité d’apprenance et d’autorégulation. Les termes ne sont pas utilisés en tant que tels mais ils auraient pu l’être ; l’idée est présente. En filigrane, s’il est possible de parler de développement potentiel des individus, tout porte à croire qu’il existe également d’innombrables possibilités de développement d’environnements d’apprentissages. C’est la force de cet ouvrage qui ouvre des perspectives tout à la fois pratiques et scientifiques pour aider les organisations et les individus à se rencontrer, se développer conjointement, voire « énactivement ».

29Solveig Oudet

Céreq (2009). Quand la formation continue. Repères sur les pratiques de formation des employeurs et des salariés. Marseille, Céreq

30Que représente la formation, en France, dans les entreprises de plus de dix salariés ? Restituant les principaux résultats de deux enquêtes européennes déclinées à l’échelon national, cette publication rend compte des grandes tendances observées en la matière. Le document s’appuie sur les données de l’enquête Adult education survey (et sur son volet français FC 2006) qui entreprend d’interroger les salariés, et sur celles de l’enquête de troisième génération Continue vocational training survey (CVTS3) conduite auprès des entreprises. Originalité appréciable, le Céreq propose de manière complémentaire un traitement croisant les résultats des deux sources d’interrogations, dans le cadre d’un « Dispositif d’information sur la formation employeur salarié » (DIFES1).

31Organisés par grands thèmes et exposés de manière particulièrement didactique sur des doubles pages comportant, à gauche, le texte de commentaire et, à droite, les principales données statistiques, le document conforte certains résultats connus de longue date et ménage néanmoins quelques surprises.

32Concernant l’origine de la formation, première thématique investiguée, on a confirmation que les grandes entreprises mettent plus fréquemment en œuvre des procédures de recueil des besoins et que la catégorie professionnelle qui, de son côté, exprime le plus de besoin, est bien celle des cadres. On peut en dire de même concernant l’information sur la formation, dont la diffusion d’un côté, l’appropriation de l’autre relèvent plutôt des mêmes catégories d’entreprise et de salariés. Les obstacles à la formation enregistrés corroborent ce que les enquêtes montrent depuis 35 ans : une petite entreprise forme nettement moins qu’une grande ; l’absence de besoin de formation, associée à l’argument du manque de temps des personnels pour se former, figure en tête des réponses formulées par les employeurs. Il reste que, côté salariés, 1/5e d’entre eux expriment des besoins de formation non satisfaits et, classique parmi les classiques, ce sont les salariés déjà formés durant la période de référence qui manifestent le plus fréquemment des besoins restés insatisfaits.

33Au sujet de l’accès à la formation proprement dit, des inégalités demeurent. Premier constat amplement documenté par d’autres enquêtes, plus l’entreprise est grande, plus elle forme et meilleurs sont les taux d’accès. Idem pour l’observation suivant laquelle la formation va à la formation, les salariés accédant plus massivement à la formation continue lorsqu’ils disposent d’une solide formation initiale. Idem encore pour l’observation suivant laquelle l’accès à la formation baisse avec l’âge, interrogeant au passage l’effectivité des pratiques conduites au nom de la formation tout au long de la vie (professionnelle). Un premier résultat contre-intuitif fait état qu’« être embauché en contrat à durée déterminée pénalise peu l’accès à la formation au regard d’un contrat à durée indéterminée, que l’on soit salarié du secteur public ou du secteur privé » (p. 50). Un second concerne l’égal accès des hommes et des femmes à la formation. Il convient toutefois de préciser qu’abstraction faite des professions intermédiaires, en croissance numérique d’un recensement à l’autre et fortement féminisées, toutes les autres catégories prises en compte donnent un avantage aux hommes en termes de taux d’accès.

34L’avant-dernier pan de l’enquête, dédié à l’organisation et aux modalités de la formation, confirme l’omniprésence des financements par l’employeur. On constate que pour près de 6 entreprises formatrices sur 10, « la politique de formation est peu organisée », les procédures sont quant à elles peu formalisées : la formation est essentiellement assurée à l’extérieur par un prestataire et n’est que rarement prise en compte comme un élément central de la gestion des carrières.

35Les effets de la formation sont consignés en quelques doubles pages. Une corrélation s’observe entre mobilités professionnelles et formation, sans que l’on puisse en l’état établir de lien de causalité entre l’un et l’autre des deux phénomènes considérés. Lorsqu’elles sont appréciées, les incidences du passage en formation se bornent fréquemment à saisir la satisfaction des salariés. Plus rarement, les entreprises entreprennent-elles de mesurer les compétences acquises via notamment des batteries de tests. Idem pour la mesure de la performance. La recherche de l’impact de la formation sur la performance de l’entreprise, véritable serpent de mer de l’évaluation, est une pratique relativement exceptionnelle. Plus prosaïquement, il semble toutefois que dans 80 % des cas, les connaissances acquises en formation soient mises en application sur poste de travail.

36Au total, les résultats factuels produits constituent une précieuse source d’informations pour les chercheurs, experts et acteurs de la formation. Au demeurant, telle est bien l’intention première affichée par les auteurs et rappelée par le directeur du Céreq, Michel Quéré, dans son avant-propos. Cette perspective « infra-théorique » laisse toutefois quelque peu circonspect. C’est un truisme de le rappeler, mais ce que l’on nomme, par convention et assez improprement, les « données » sont au fond toujours des « construits ». Or, le document ne fournit pas d’annexe méthodologique qui informerait du mode de construction des questionnaires, du choix des items, des conditions d’administration, des procédures d’exploitation, etc. Cette forme de réalisme qu’exprime ce « parti-pris factuel » (p. 7) est par surcroît solidaire d’une logique de l’évidence non dénuée d’effets d’imposition discutables. Par exemple, est-on tenu de souscrire à cette proposition suivant laquelle on considère comme « formatrice » toute entreprise qui forme « au moins un » salarié dans l’année. Si l’on adoptait cette autre convention statistiquement aussi pertinente sinon plus légitime — est considérée comme formatrice toute entreprise formant « au moins la moitié » de ses salariés sur la période considérée — les résultats obtenus seraient manifestement différents. Et on constaterait alors que la formation, loin d’être continue, reste au contraire particulièrement sélective et discontinue.

37Cédric Frétigné

Véronique Bedin (dir.) (2009). L’évaluation à l’université. Évaluer ou conseiller ? Rennes : PUR coll. Des sociétés

38L’« évaluation-conseil » à l’université occupe des développements croissants dans la littérature spécialisée relative à la gouvernance des établissements d’enseignement supérieur, la formation des futurs enseignants-chercheurs, la valorisation des tâches pédagogiques des universitaires en poste ou la guidance par les directeurs de thèse de doctorants. L’hypothèse travaillée dans l’ouvrage est qu’une fonction nouvelle d’accompagnement se dessine dans l’espace académique. Cette émergence s’inscrit en réponse à un double défi auquel les organisations et les personnes sont désormais directement confrontées. Le premier relève d’une orientation très pragmatique qui vise à satisfaire aux exigences réitérées d’évaluation des pratiques. Quel que soit le contexte national de référence, l’ensemble des contributions précise ainsi que l’injonction à évaluer est désormais un incontournable de la pratique universitaire. Le second réfère à des considérations éthiques liées au souci de la qualité et qui renvoie aussi très directement à la satisfaction des usagers. Dans un souci de prise en compte des besoins, l’« évaluation - conseil » représenterait ainsi une manière d’analyseur de premier choix de l’évolution des pratiques et des organisations universitaires.

39Cédric Frétigné

« La construction des parcours professionnels ». (décembre 2009), Éducation permanente, n° 181

40Ce numéro d’Éducation permanente se fixe pour objectif de mieux cerner ce que recouvre la notion de parcours professionnel dans les entreprises, les branches et les territoires, et d’examiner en quoi et comment il peut être un cadre pertinent pour l’action. Il s’interroge sur la manière dont la société, les institutions ou les organisations, et les individus, participent à la construction de « sujets capables ». Le terme n’est pas utilisé au fil des textes, on y parle plutôt d’employabilité, de flexisécurité ou de parcours professionnels durables.

41Les questions sont nombreuses : quels dispositifs mettre en place pour participer au développement et au maintien des compétences, prévenir l’exclusion du marché du travail, l’obsolescence des compétences ou l’usure professionnelle, préparer les transitions ou les mobilités professionnelles ? Quels sont les démarches et les moyens à mettre en œuvre pour aller dans ce sens ? Quelles sont les pratiques existantes, pratiques territoriales, organisationnelles, managériales ou autorégulatives qui permettent aux uns et aux autres de cultiver leur capacité à naviguer dans l’emploi et sur le marché du travail.

42Au fil des treize textes qui composent ce numéro, on constate combien cette notion de sécurisation des parcours professionnels initie de nouvelles approches de la formation et vient bousculer les conceptions traditionnelles des ingénieries de formation, de professionnalisation et pédagogiques. Les exemples de pratiques qui nous sont présentés, qu’il s’agisse de pratiques de gestion des ressources humaines, de l’emploi ou des compétences, qu’elles concernent les politiques d’emploi et de formation, qu’elles soient nationales, territoriales ou locales, donnent à voir combien elles configurent les parcours, les sécurisent ou non… De fil en aiguille, un nouveau métier semble émerger, celui d’accompagnateur des parcours.

43Solveig Oudet

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