Couverture de SAVA_054

Article de revue

Itinéraire d’un trader

« Il y a aussi l’adrénaline : ce côté-là est hyper plaisant parce qu’on n’a jamais de routine »

Pages 87 à 94

Notes

  • [1]
    Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, Paris, Le Livre de poche, 1979. Tome II.
  • [2]
    Le système de Law est mis en place en France de 1716 à 1720 : la monnaie-papier remplace l’usage de pièces métalliques favorisant l’investissement et la soutenabilité de la dette française laissée par Louis XIV. Cependant, l’ampleur de la spéculation sur les titres boursiers émis rend instable les cours, et la défiance gagne les actionnaires qui réclament leur or investi. Dans l’incapacité de rembourser, le système imaginé par l’écossais John Law se déclare en banqueroute.
  • [3]
    Dans le domaine de la finance, l’effet de levier désigne une technique permettant l’amplification des profits. Sur les marchés financiers, l’effet de levier autorise des positions potentiellement sources d’importants profits mais aussi très risquées.
  • [4]
    Le terme de front-office (littéralement « boutique ») est essentiellement utilisé en finance : il désigne la partie frontale de la banque, directement en contact avec la clientèle et qui constitue l’interface avec les marchés financiers.
  • [5]
    Romain Lecler, « IV. Inégales mobilités », in Romain Lecler, Sociologie de la mondialisation. Paris, La Découverte, 2013, p. 61-88.
  • [6]
    Le broker – ou courtier – est chargé de transmettre quasiment en temps réel les prises de positions des traders sur les plateformes d’échanges boursières.

1Blâmés, fantasmés ou tout simplement ignorés, les marchés financiers et leurs petites mains, presque invisibles en période de croissance, démontrent leur potentielle dangerosité aux yeux du monde lors des cycles de crise économique, à l’instar de celle de 2008. Le caractère mondialisé, mathématisé et informatisé du système financier actuel découle cependant d’un long processus d’institutionnalisation et de codification entamé il y a plus de cinq siècles en Europe. L’ouverture de la bourse d’Amsterdam en 1531 suivie par le Royal Exchange à Londres en 1571 marque les premiers pas de la finance européenne [1] en tant que communauté spécialisée dans les transactions et les spéculations sur des titres, essentiellement d’État. C’est en 1724 que la Bourse de Paris voit le jour rue Vivienne dans le 2e arrondissement, à la suite d’un décret du Conseil d’État royal décidé par Louis XV après l’épisode de la banqueroute de Law [2]. Peu à peu, les pratiques boursières évoluent et tendent à s’institutionnaliser : la Bourse devient une activité journalière exercée par un professionnel dans un lieu désigné et non plus à l’occasion des foires. Une cotation fixe le juste prix des échanges pour une période déterminée et l’accord conclu entre le vendeur et l’acheteur repose sur une promesse réciproque puisque la marchandise n’est plus donnée à voir. Le symbole supplante ainsi la matérialité de l’échange. Ces usages constituent le socle de fonctionnement des marchés financiers modernes.

2Mais l’échange de simples actions d’entreprises privées ou d’obligations d’État sur des Bourses nationales ou européennes laisse place dans les années soixante à des instruments financiers plus complexes, où les effets de levier [3] sont nettement plus intéressants. La recomposition de la sphère financière en un ordre transnational, globalisé, unifié et complexifié s’accompagne d’un mouvement de démonopolisation des travailleurs de la finance en lien avec la multiplication des investisseurs institutionnels que sont les banques, les fonds de pension, les sociétés d’assurance ou encore les fonds spéculatifs (hedge funds). En outre, d’autres éléments participent à la reconfiguration de la communauté financière traditionnelle : la suppression des normes corporatistes, l’élaboration d’instruments financiers complexes, la mathématisation de la tarification, mais également l’informatisation des procédés. Les investissements financiers se professionnalisent et encouragent l’émergence de nouveaux métiers droitement associés aux marchés comme celui de trader, de vendeur ou encore d’analyste quantitatif.

3Nicolas travaille dans une banque d’investissement, nommée X, spécialisée dans le courtage en ligne et permettant aux particuliers expérimentés en finance de marché d’effectuer instantanément des opérations en bourse pour leur propre compte, grâce à la plateforme de trading mise à leur disposition. Il est à la tête d’une mince équipe située dans la partie front-office [4], responsable des relations avec les meilleurs clients de la banque, c’est-à-dire ceux qui déposent au moins 100 000 euros sur la plateforme. Outre sa position de manager, Nicolas pratique une activité de trading en ligne pour le compte de sa « clientèle VIP ». Expert en finance de marché, il passe des opérations sur les marchés financiers afin de faire fructifier le portefeuille de ses clients. Son activité se rapproche de celle des traditionnels traders en salle des marchés et consiste à réaliser des opérations d’achats ou de ventes en bourse.

4Loin de l’image du golden boy traditionnellement attribuée aux professionnels des marchés financiers, l’entretien lève le voile sur la « carrière » d’un trader, Nicolas, au prisme de son parcours antérieur à la banque X, de son rapport au travail exercé et de ses perspectives professionnelles futures. Si l’appétence pour les chiffres et les mathématiques constitue un argument commode et classique pour justifier le choix du trading, la description de sa trajectoire sociale met aussi en lumière l’utilisation professionnelle des dispositions familiales valorisées par et dans cet univers financier à travers les capitaux économique et international accumulés. Des parents chefs d’entreprise et plus précisément patrons de presse à l’étranger peuvent expliquer une assimilation précoce des codes et aptitudes correspondant à l’ethos du commercial où la communication, l’écoute, la diplomatie mais aussi la combativité, le goût pour le challenge et la gestion de la pression en sont de nobles qualités requises. D’ailleurs, la question de la pression est centrale dans un univers comme celui de la finance de marché perçu comme extrêmement fluctuant, imprévisible, volatile. Être sous pression au front-office apparaît même comme une situation valorisante, démontrant l’adrénaline du milieu et le changement permanent, imprévisible et intrinsèque aux marchés financiers. Le stress devient alors un objet positif puisque pourvoyeur de performance et facteur d’amélioration de la productivité individuelle.

5De surcroît, la familiarité avec la dimension internationale à l’ère du cosmopolitisme valorisé est pourvoyeuse de dispositions avantageuses réunies au sein d’un capital international. La mobilité à l’échelle du globe devient alors un « objet d’investissement et un moyen de distinction [5] » qui permet d’acquérir les ressources rares que sont les codes culturels, le réseau à l’échelle mondiale ou encore la connaissance de langues étrangères. Par son caractère globalisé, l’univers de la finance de marché n’échappe pas à la valorisation du capital international possédé par ses travailleurs. Effectivement, la fluidité des marchés financiers exprime cette dynamique de l’exploitation dans un monde connexionniste : aux salariés les mieux dotés en capitaux les meilleures places, prestigieuses et sur le devant de la scène, et aux autres l’acceptation des aléas du marché, œuvrant en coulisses.

6E : Quel poste occupez-vous actuellement chez X et en quoi ce dernier consiste-t-il ?

7N : Alors je suis responsable de tout ce qui est relationship management donc on dit sales trading mais on peut traduire par activités de marché. Donc concrètement mon équipe et moi on est responsable des relations avec les meilleurs clients de la banque et la deuxième partie c’est tout ce qui est vraiment propre aux produits et à l’exécution. Ça veut dire que typiquement un client qui n’a pas la possibilité de passer un ordre à un instant T il va passer par nous, des contrôles qui sont rejetés ou contacter les clients pour des raisons techniques liées à une position ou à une exécution c’est nous qui les gérons. Puis moi j’ai une casquette un petit peu spéciale aussi parce que j’interviens dans les médias sur des analyses de marché ou autre.

8E : Et ça fait combien de temps que vous êtes chez X ?

9N : Je suis arrivé ici en décembre 2010 donc ça fait 8 ans.

10E : Et vous avez exercé d’autres activités ici ?

11N : En gros moi quand je suis arrivé j’étais dans une équipe qui s’occupait uniquement de la partie technique, marché, exécution. Cette équipe n’existe plus aujourd’hui et elle a été transformée en relationship management donc voilà à la base j’étais juste ce qu’on appelait un vendeur. Et après du coup quand c’est devenu relationship management je suis devenu relationship manager puis responsable de l’équipe.

12E : Et vous avez fait d’autres entreprises avant X ?

13N : Oui j’étais dans une société de gestion, Rothschild, et là j’étais dans la gestion de fonds.

14E : Comment êtes-vous parvenu à occuper ce poste chez X ?

15N : Je cherchais du travail et je suis tombé sur une annonce, je ne connaissais pas forcément X au début parce que ce n’était pas trop dans ce que je faisais, c’était beaucoup plus technologique, fintech, bourse en ligne, investisseurs particuliers… enfin c’était pas trop mon business. Finalement je suis venu passer l’entretien et ça s’est bien passé avec les équipes donc l’aventure a commencé à ce moment-là.

16E : Pourquoi avez-vous choisi le domaine de la finance ?

17N : Je ne sais pas, je pense qu’il y a plusieurs raisons : le côté déjà hyper changeant du métier parce qu’il n’y a pas une seule journée qui se ressemble. Il y a aussi l’adrénaline, le côté pas forcément stressant parce que ça je pense que c’est chacun par rapport à sa nature, mais ce côté-là est finalement hyper plaisant parce que ça rend les journées vraiment animées et on n’a jamais de routine. Le côté assez technique et global : aujourd’hui ce qui influence les marchés c’est à la fois la politique, la géopolitique, l’économie, enfin il y a tout et n’importe quoi aujourd’hui qui peut influencer les marchés et ça, ça rend la chose aussi intéressante parce que je n’avais pas forcément un domaine de prédilection. J’aimais beaucoup la géopolitique, j’aimais beaucoup l’économie enfin il y avait pas mal de choses qui m’intéressaient dans plusieurs domaines, du coup je trouve que ça permet d’englober beaucoup de choses. Et puis après je voulais aussi un métier où il y avait du relationnel, je ne voulais pas un métier derrière un bureau et c’est ce qui manquait d’ailleurs quand j’étais chez Rothschild. Du coup le côté contact client, nouer des relations, essayer de les entretenir, c’est un truc qui me plaisait pas mal.

18E : Parce que vous êtes souvent en relation avec les clients que vous gérez ?

19N : Oui alors moi j’en ai un peu moins que les autres du coup mais j’ai encore 100 clients à peu près que je gère personnellement et on est souvent en contact, soit parfois par nécessité parce qu’il faut leur donner une information, soit tout simplement aussi pour prendre des nouvelles et essayer d’entretenir la relation. Et avec certains la relation elle n’est pas loin d’être amicale parce qu’on se connait depuis longtemps, il y a un respect mutuel, on s’entend bien et il y a des points communs. C’est le côté assez plaisant de ne pas être seulement derrière son bureau, derrière ses écrans, de pouvoir partir en rendez-vous avec ses clients, de faire des événements avec ses clients et d’avoir ce côté vraiment développer une relation de confiance avec eux… c’est assez sympa.

20E : Et vous avez fait quelles études ?

21N : Alors j’ai fait deux ans de classe préparatoire et après une école de commerce à Reims.

22E : Et est-ce-que vous pensez avoir été influencé par vos parents dans le choix de vos études ?

23N : Non pas du tout.

24E : Que font vos parents ?

25N : Mon père est journaliste et ma mère elle s’est occupée de ses enfants.

26E : OK et journaliste dans quel domaine ?

27N : On est d’origine libanaise et on a un journal de famille là-bas donc patron de presse.

28E : Et est-ce que vous avez des personnes de votre entourage qui ont choisi la finance ?

29N : Oui c’est vrai, il y en a mais pas proches. Mon frère est avocat donc non et j’ai des cousins qui ont fait de la finance comme moi mais la sphère très proche dans ma famille n’est pas du tout dans ce domaine-là.

30E : Et quelles qualités selon vous doit-on posséder pour exercer votre métier ?

31N : Patience et empathie sur tout ce qui est relationnel : pour nouer une bonne relation, je pense que c’est indispensable d’avoir de l’empathie parce que ce n’est pas toujours facile. De la patience parce qu’il faut ce côté pédagogique, éducation, et il y a aussi ce côté où les clients ne vont pas forcément se décider tout de suite donc faut savoir être patient et persévérer. Il faut certainement une bonne gestion du stress parce que ça reste un métier stressant, on est assez dépendant des actualités des marchés, on a des objectifs qui sont souvent élevés, donc oui je pense qu’il faut une bonne gestion du stress. Et puis après il faut quand même avoir un bagage technique, surtout chez X : on est une banque d’investissement multi-produits donc on ne travaille pas comme la plupart des banques traditionnelles où les équipes sont souvent spécialisées sur un type de produit comme les actions, obligations etc. Ici on fait tout, donc on est obligé quand même d’avoir une expertise sur chacun de ces produits même si on vend potentiellement des produits qui sont moins techniques et moins sophistiqués que peuvent le faire certaines personnes en salle des marchés. Mais malgré tout on est obligé de connaître les produits, donc il faut un bagage technique assez important pour aller loin.

32E : Vous avez déjà travaillé en salle des marchés ?

33N : Pas vraiment, en stage oui mais chez Rothschild c’est différent parce que c’est une société de gestion donc il n’y a pas vraiment de salle de marché.

34E : À propos du métier de trader, est-ce-que c’est vraiment une profession stressante qui correspond un peu aux clichés que l’on peut imaginer ?

35N : Oui. Ça dépend des équipes, j’ai plein d’amis qui y sont, moi je suis passé par-là en stage et c’est vraiment hyper… ça dépend des banques parce qu’il y a des mentalités différentes dans chaque banque mais j’ai beaucoup d’amis qui sont passés par la Société Générale, et ils disaient que dans certaines équipes l’ambiance était vraiment dure, pesante etc. Et ça dépend des marchés parce qu’il y a des salles de marché chez les brokers[6] … et chez un broker l’ambiance est difficile aussi parce qu’il y a une grosse compétition entre les différents brokers et c’est vraiment à celui qui réussira le meilleur chiffre, quitte à faire un coup dans le dos à son collègue. Donc ça dépend vraiment des ambiances. Après il y a des moments où c’est hyper stressant mais même ici, il y a une pression en fonction de ce qui se passe sur les marchés. Par exemple j’ai connu le krach du franc suisse en 2015 et tout le monde a connu du stress et à tous les bureaux je pense, c’était une période compliquée, il y a eu un mouvement de marché jamais vu historiquement donc voilà ça dépend, c’est difficile de généraliser. Je pense qu’il y en a qui sont dans ces métiers-là et qui le vivent de manière très sereine et d’autres de façon moins sereine parce qu’il y a des objectifs plus élevés, qu’il y a un management qui marche beaucoup plus à la pression etc. Mais après c’est sûr que d’être dans le domaine du trading et gérer un portefeuille, c’est stressant parce qu’il y a des risques de perte pour la banque. Mais aujourd’hui tout est réglementé, le risque est plus du tout celui qu’il était à l’époque donc le stress n’est plus tout à fait le même quoi. Pour moi le vrai stress qui me plait c’est l’adrénaline et le fait que c’est un environnement qui change tout le temps et encore une fois il n’y a pas une journée qui se ressemble. Et dans le fonctionnement même des marchés où il y a une part de psychologie qui est hyper importante : ça change tout le temps, dans la perception des choses, dans la façon dont les gens analysent et donc l’aspect psychologique, encore une fois, il change assez souvent et pour moi c’est plus ça qui peut générer du stress. Mais ça peut être un stress hyper positif encore une fois en fonction de la façon dont on le gère.

36E : D’accord, donc la pression par rapport aux résultats ce n’est pas forcément majoritaire ?

37N : Ah si bah forcément c’est un stress naturel, il y a une part de stress mais dans n’importe quel métier. Je ne pense pas que ça soit propre à la finance de marché. Mais oui, il y a une pression des résultats, on envoie des statistiques tous les jours avec les objectifs de chaque vendeur en face, il y a des statistiques qui sont affichées sur des écrans… Donc en effet, il y a une culture du résultat qui est hyper présente dans la finance et donc oui ça peut être une source de stress ou de pression quand les résultats ne sont pas au rendez-vous.

38E : Et vous avez une part fixe et une autre variable dans votre salaire j’imagine en fonction des résultats ?

39N : En fonction des résultats bien sûr mais chez X on appelle ça… c’est discrétionnaire ça veut dire que le fixe est fixe mais la part variable est discrétionnaire. Après les éléments qui permettent de juger du revenu variable, c’est la performance bien sûr mais aussi l’attitude, la gestion des équipes, la performance de l’équipe donc il y a pas mal d’aspects qui rentrent en compte mais finalement ça reste discrétionnaire. Donc ce n’est pas une grille comme il y a pu en avoir à l’époque chez X en fonction de tels objectifs, si tu as tel résultat t’auras tant etc. Ce n’est pas vraiment quelque chose de très explicite on va dire mais comme partout aujourd’hui.

40E : Et ça n’est pas synonyme de pression cet enjeu de la part variable ?

41Si naturellement, à ce niveau c’est un challenge et une pression tous les jours de se dire… je dirais plus un challenge. On peut se dire voilà il y a encore ce travail à faire, là-dessus on pourrait s’améliorer et puis il y a aussi une notion d’anticipation par exemple si les chiffres ne sont pas bons aujourd’hui, comment peut-on faire pour que demain ça aille mieux etc. Il ne faut pas attendre la dernière minute, faut prévoir pour justement réduire cette pression. On est dans un travail d’anticipation tout le temps.

42E : Et en termes de volume horaire vous en pensez quoi ?

43N : On fait beaucoup d’heures… bah on commence tôt le matin enfin surtout moi je préfère commencer tôt le matin comme ça je suis un peu l’actualité, voir ce qu’il s’est passé dans la nuit parce qu’il y a des marchés qui restent ouverts toute la nuit comme le marché asiatique donc on commence généralement à 8 heures et après c’est rare qu’on termine je ne sais pas… on va dire qu’on ne termine pas après 20 heures sauf en cas d’extrême urgence. À l’époque du franc suisse moi j’étais venu travailler les week-ends, j’avais terminé un soir à plus de 2 heures du matin enfin voilà il peut y avoir des périodes où il y a des situations d’urgence qui justifient que l’on travaille plus longtemps. Mais voilà c’est du 8h-20h maximum et comparé à des personnes qui sont en finance genre fusion-acquisition là eux ce sont des nuits blanches et des week-ends aussi à travailler donc on n’est pas les plus à plaindre là-dessus. Globalement la difficulté ici quand on a vraiment une dure journée c’est pas l’horaire auquel on va arriver et repartir c’est plus l’intensité de la journée genre on va manger devant nos bureaux et on va vraiment pas pouvoir lever la tête de 8 heures à 20 heures quasiment. Donc c’est plus ça qui va rendre la journée difficile. Je pense que nos horaires comparés à d’autres c’est largement supportable mais si certains ne diraient pas ça à ma place mais franchement ça va.

44E : Est-ce-que vous pensez que votre métier est source d’utilité sociale ?

45N : (rires) oui je pense oui. À partir du moment où il y a un besoin, il y a forcément une utilité sociale. Aujourd’hui une personne qui veut intervenir sur les marchés elle a grâce à X la possibilité de le faire directement depuis sa plateforme en utilisant toute notre technologie, en étant complètement indépendant, en ayant accès à des systèmes d’informations auxquels elle n’aurait jamais eu accès à l’époque donc oui, je pense qu’il y a une évolution aujourd’hui qu’apportent les sociétés fintech. Quand X a été créée, il y avait un besoin et aujourd’hui je pense qu’il s’est pas mal développé parce qu’il n’y a plus grand monde qui ne passe pas par une banque en ligne pour telle ou telle opération que ce soit une opération de bourse ou une opération de banque au quotidien.

46E : Maintenant le rapport à l’avenir, si on se situe dans un premier temps à l’échelle de l’entreprise est-ce-que vous pensez rester encore longtemps chez X ?

47N : C’est hyper dur de répondre à cette question… je ne sais pas, ça dépend des perspectives, ça dépendra de comment évolue le poste et aussi de moi… je ne me vois pas être dans une société si je suis pas épanoui ou si je ne peux pas apporter quelque chose donc si demain pour diverses raisons j’ai l’impression d’avoir apporté tout ce que je pouvais apporter et de pas pouvoir développer davantage ce qu’on a déjà réussi à faire ici j’arriverai pas à me sentir bien chez X, je pense que j’irai chercher un nouveau challenge qui me permettra de découvrir de nouvelles choses et puis me sentir utile et efficace. On est dans un univers hyper concurrentiel où certaines personnes doivent être recherchées par des recruteurs ou autre donc si demain on me propose une opportunité qui ne se refuse pas bah malgré toute l’attache que j’ai pour X j’y réfléchirai à deux fois.

48E : Et changer de métier ?

49N : Oui j’ai toujours eu envie de monter ma boîte donc pourquoi pas, ça ne serait pas forcément dans la finance en l’occurrence je n’ai pas encore d’idée aujourd’hui mais j’ai toujours été attiré par l’expérience entrepreneuriale donc ça peut complètement être un changement de métier ou un changement de vie. Après là comme ça c’est assez compliqué, en tout cas en restant en France, changer complètement de métier… Enfin moi typiquement, les axes de sortie que je peux avoir c’est du conseil éventuellement et c’est tout (rires). Sinon il faut reprendre ses études et donc je pense que je ne me lancerai pas dans cette aventure. Non globalement, ça restera dans le même domaine je pense qu’après il peut y avoir de l’évolution hiérarchique mais faire complètement autre chose, à part me mettre à mon compte, je ne vois pas trop comme ça en tout cas en restant en France.

50E : Vous pensez qu’il est possible de continuer à exercer ce métier après 45-50 ans ?

51N : Le même vraiment non parce que… chacun se fixe des objectifs je pense dans son métier et je pense qu’aujourd’hui rester jusqu’à 50 ans au même poste non. Dans une autre structure avec beaucoup plus de personnes en-dessous de moi et beaucoup plus de clients pourquoi pas mais je ne pense pas qu’on puisse faire exactement le même métier pendant cinquante ans sans avoir de perspectives d’évolution. Justement je pense que l’important c’est de se sentir utile et efficace dans son métier et rester cinquante ans sur le même poste au bout d’un moment ne l’est plus.


Date de mise en ligne : 05/03/2021

https://doi.org/10.3917/sava.054.0087

Notes

  • [1]
    Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, Paris, Le Livre de poche, 1979. Tome II.
  • [2]
    Le système de Law est mis en place en France de 1716 à 1720 : la monnaie-papier remplace l’usage de pièces métalliques favorisant l’investissement et la soutenabilité de la dette française laissée par Louis XIV. Cependant, l’ampleur de la spéculation sur les titres boursiers émis rend instable les cours, et la défiance gagne les actionnaires qui réclament leur or investi. Dans l’incapacité de rembourser, le système imaginé par l’écossais John Law se déclare en banqueroute.
  • [3]
    Dans le domaine de la finance, l’effet de levier désigne une technique permettant l’amplification des profits. Sur les marchés financiers, l’effet de levier autorise des positions potentiellement sources d’importants profits mais aussi très risquées.
  • [4]
    Le terme de front-office (littéralement « boutique ») est essentiellement utilisé en finance : il désigne la partie frontale de la banque, directement en contact avec la clientèle et qui constitue l’interface avec les marchés financiers.
  • [5]
    Romain Lecler, « IV. Inégales mobilités », in Romain Lecler, Sociologie de la mondialisation. Paris, La Découverte, 2013, p. 61-88.
  • [6]
    Le broker – ou courtier – est chargé de transmettre quasiment en temps réel les prises de positions des traders sur les plateformes d’échanges boursières.

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