Notes
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[1]
Adoptée au lendemain de l’élection de Nicolas Sarkozy, la loi LRU a notamment accru les prérogatives des présidents d’université et a dévolu aux établissements la gestion de l’ensemble de leurs moyens matériels, des rémunérations des personnels et du patrimoine immobilier.
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[2]
Passage de la licence au master pour le titre d’accès aux métiers de l’enseignement. Cette réforme a été réalisée en 2009-2010 par création de nouveaux masters, intégrant une partie des anciens contenus de la formation préparatoire et consécutive aux concours, ou par adjonction de parcours « enseignement » dans des masters universitaires classiques. Il en a résulté une grande diversité des conditions de formation et un affaiblissement global de la dimension professionnelle de la formation des enseignants.
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[3]
Adopté sous la présidence de Jacques Chirac, il s’est principalement traduit par un encouragement aux fondations permettant le financement privé de la recherche publique, le développement de crédits d’impôt pour recherche destinés aux entreprises et la création d’agences chargées de la coordination et de l’évaluation de la politique de recherche, reprenant une part des prérogatives des organismes de recherche et composées de personnels nommés.
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[4]
CNRS, INSERM, INRA, etc.
-
[5]
Lettre ouverte de 14 présidents d’université à Madame Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Paris, 12 novembre 2012.
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[6]
Bertrand Geay, Samuel Bouron et Pierre Clément, « Université : contre la bureaucratie de marché », in : Louis Pinto (dir.), 2012 : les sociologues s’invitent dans le débat, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2012 ; Isabelle Bruno, À vos marques, prêts… cherchez ! La stratégie européenne de Lisbonne, vers un marché de la recherche, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2008 ; Christian de Montlibert, Savoirs à vendre. L’enseignement supérieur et la recherche en danger, Paris, Raisons d’agir, 2004.
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[7]
Cf. François Delapierre, La bombe de la dette étudiante. Le capitalisme contre l’université, Paris, Bruno Leprince, 2013.
1 dans un quasi-silence médiatique, la conformation néolibérale de l’Enseignement supérieur et de la recherche se poursuit. Bien peu des étudiants, des chercheurs et des universitaires qui s’étaient mobilisés ces dernières années n’espéraient de mesures très audacieuses de la part du Parti socialiste et de François Hollande. Mais on pouvait au moins penser que quelques aménagements budgétaires et organisationnels seraient consentis, pour tenir compte du profond désaveu qui s’était exprimé à l’encontre des politiques conduites depuis une dizaine d’années. Il faut croire que, dans ce secteur, le pire est toujours probable.
2 S’agissant tout d’abord de la loi Libertés et Responsabilités des Universités (LRU) [1], force est de constater qu’elle n’a été réaménagée qu’à la marge. Les discours de la ministre, Geneviève Fioraso, prétendent que la collégialité et le service public ont retrouvé leurs droits. Certains passages de la loi le proclament. Mais les articles-clés de la nouvelle loi sont sans ambiguïté. Ainsi les personnalités extérieures, issues du « monde socio-économique », pourront participer à l’élection des présidents d’université. Cette disposition donnera la possibilité à un petit groupe de personnels réuni autour du candidat de s’allier avec elles pour construire un pool technocratique majoritaire au sein du conseil d’administration. Par ailleurs, les conseils scientifiques (CS), où les représentants des enseignant-chercheurs avaient une place prépondérante, et les conseils des études et de la vie universitaire (CEVU), où les représentants des étudiants jouaient un rôle pivot, sont fusionnés dans de nébuleux conseils académiques, qui risquent fort d’être rapidement engorgés dans leur fonctionnement et réduits au rôle d’organes-croupions. Les Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES), fédérations d’établissements dont la « gouvernance » bureaucratique avait été critiquée, se voient remplacés par des Communautés d’établissements dont la direction sera encore moins démocratique, les membres nommés ou siégeant ès qualité pouvant être en majorité dans leurs conseils. Le « mille feuilles » institutionnel de l’enseignement supérieur n’est ainsi nullement simplifié et les décisions les plus stratégiques pourront être confiées à des instances sur lesquelles les personnels et les étudiants n’exerceront qu’un contrôle des plus limités.
3 Les nouveaux managers imposent le mode de « gouvernance » qui leur est le plus favorable. Présidents d’université qui cherchent à prolonger leur carrière et sont parfois devenus conseillers du pouvoir en place – quel que soit le gouvernement –, technocrates recrutés aux fins de « modernisation », corps hiérarchiques de l’Éducation nationale à la recherche de nouveaux territoires, représentants du patronat et des collectivités territoriales : la nouvelle alliance qui régit le monde des universités a conservé l’essentiel du terrain conquis ces dernières années. Mieux, elle a amélioré ses positions.
Les progrès de l’hétéronomie
4 Une étape supplémentaire est en effet franchie sur la voie du démantèlement du service public. Les universités se voient attribuer une nouvelle mission de transfert des résultats de la recherche publique vers les entreprises. Que l’on ne s’y trompe pas. Les relations avec l’industrie et la valorisation de la recherche sont légitimes. Elles ont connu leur premier essor avec le développement de la science et de l’université moderne, au dix-neuvième siècle, et elles n’ont depuis cessé de se développer. L’enjeu est ailleurs. Il s’agit surtout de renforcer les partenariats pour tout ce qui relève de la rentabilité à court terme et de concentrer les pouvoirs de décision dans les mains de quelques « décideurs » locaux. Partout où ces nouvelles logiques trouveront à se déployer, l’indépendance des chercheurs se trouvera gravement atteinte. Plus largement, l’espèce d’appel au dévoiement que porte avec lui ce type de disposition législative ne fait que miner un peu plus la passion pour la connaissance et le sens de l’intérêt public sur lesquels devrait plus que jamais reposer l’édifice universitaire.
5 Les éléments de langage du nouveau pouvoir font aussi une bonne place à la réussite des étudiants. Comme souvent avec le social-libéralisme, la tonalité est moins à l’injonction qu’au volontarisme pédagogique. La thématique du « décrochage », qui avait fait les beaux jours du gouvernement de Lionel Jospin, a refait surface. Il s’agit donc de « mobiliser tous les acteurs » pour « lutter contre les décrochages dans les premiers cycles ». Mais ni les conditions de vie des étudiants, ni les conditions d’étude, ne sont réexaminées en profondeur. Au-delà de menus aménagements permettant de mieux accueillir les nouveaux étudiants et de suivre quelques poignées de ceux qui se trouvent ensuite en difficulté, les filières générales restent toujours aussi faiblement encadrées, en particulier en lettres et sciences humaines. Le fossé qui existe entre les universités et les grandes écoles, tant du point de vue budgétaire que de leur recrutement social, n’est nullement remis en cause.
6 S’agissant de la formation des enseignants des premier et second degrés, réduite à la portion congrue dans le cadre de la trop fameuse « mastérisation » [2], les nouvelles dispositions restent insuffisantes. Le besoin de former les enseignants à leurs métiers est de nouveau reconnu. Mais faute d’une réflexion d’ensemble sur les cursus d’accès et sur les contenus des masters de formation à l’enseignement, rien ne garantit que l’élévation du titre d’accès soit synonyme d’élévation des compétences scientifiques et professionnelles des futurs enseignants. Le refus de mettre en place un véritable pré-recrutement des enseignants dès la licence ou lors de l’entrée en master fait courir le risque d’une éviction des étudiants d’origine populaire. L’apprentissage pratique et progressif des métiers aurait quant à lui nécessité de mettre sur pied des expériences de formation mutuelle et des stages accompagnés où les futurs enseignants auraient bénéficié du soutien de maîtres expérimentés, reconnus pour leurs compétences et libérés partiellement de leurs charges pédagogiques. La disparité des cultures professionnelles des différents métiers de l’enseignement et de la formation d’enseignants aurait pu être comblée en créant une école nationale de formation de formateurs d’enseignants. Assurément, le rafistolage en urgence de la formation n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels est confronté le système d’enseignement.
7 Du côté de la politique scientifique, les dispositifs du Pacte pour la Recherche [3] restent quasiment inchangés. Les agences créées pour piloter de l’extérieur les grands organismes de recherche [4], telles que l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et l’Agence d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES) avaient pourtant été vivement critiquées, tant en raison du fait que leurs experts étaient tous nommés par le pouvoir politique que pour l’opacité de leurs décisions. Tout juste a-t-on réalisé une petite opération cosmétique en remplaçant l’AERES par une haute autorité nommée dans des conditions analogues et disposant des mêmes prérogatives.
8 Là encore, pour les tenants de la prétendue réforme, l’adversaire désigné à mots à peine couverts, c’est la démocratie scientifique, surtout lorsque les représentants des personnels sont élus sur listes syndicales. On ne prétendra pas ici que la composition des listes dans les instances représentatives est toujours chose aisée, lorsqu’il faut à la fois vérifier la sincérité des engagements syndicaux et les qualités scientifiques des candidats. Mais pour quelques dysfonctionnements de cette forme de gestion démocratique et d’évaluation par les pairs, faudrait-il s’en remettre à un système fondé sur le copinage et qui ne garantit que l’accroissement des inégalités et des passe-droits ? Si, comme il est envisagé, ce dispositif institutionnel est décliné à l’échelle locale, il faut s’attendre au développement des pires luttes de pouvoir. Les multiples Clochemerle de l’Université française n’ont pas fini de bruisser de rumeurs de règlements de compte.
Le « sale boulot » chacun chez soi
9 Dans l’immédiat, ce sont surtout les conséquences directes du maintien et de l’application des dispositions principales de la LRU qui ont plongé les universités dans une crise d’une ampleur inédite. Le transfert de la gestion des salaires et du patrimoine immobilier aux établissements a eu exactement les effets envisagés par tous ceux qui ont milité contre la réforme. Faute de transférer en totalité les moyens financiers de cette gestion, l’État a placé les universités dans des situations budgétaires intenables. À bas bruit, puisque ce sont désormais les établissements et leurs composantes qui se chargent du « sale boulot », c’est à un vaste plan de réduction d’emplois et de dépenses de fonctionnement que sont acculées les directions des établissements et de leurs composantes. Nicolas Sarkozy avait promis un nouveau lustre à la science française ? C’est à un regain de paupérisation que l’on assiste actuellement.
10 Toutes les lignes budgétaires sont concernées : offre de formation, nombre d’étudiants par cours et par groupe de travaux dirigés ou de travaux pratiques, budgets pédagogiques, avancées de carrière pour les personnels, budgets des laboratoires de recherche. Et bien sûr, les quelques nouveaux droits acquis dans le cadre de la réforme, comme la réduction temporaire du service d’enseignement des nouveaux maîtres de conférences. Les conseils d’administration se déroulent désormais au rythme des arbitrages entre missions et entre composantes des établissements. Dans la mesure où la masse budgétaire constitue la plus grosse part de leurs budgets annuels, ce sont d’abord les emplois qui constituent la variable principale de ces ajustements. La technique la plus courante pour réaliser des économies consiste à différer le remplacement des postes vacants en raison de départs à la retraite ou de mutations. Ainsi, les organisations syndicales estiment à 1 500 le nombre d’emplois gelés pour l’année passée. Le salaire des personnels, dans la mesure où il peut être épargné, est devenu la nouvelle poule aux œufs d’or des technocrates de l’enseignement supérieur.
11 Ici ou là, tel collectif s’engage dans une action de résistance institutionnelle, telle composante refuse d’appliquer les directives de « sa » présidence. Mais l’impact de ces résistances locales reste pour l’heure minime. Car cette espèce de changement de régime institutionnel a aussi, en quelque sorte, des vertus pédagogiques. C’est d’abord la défense de telle discipline, de telle catégorie ou de tel droit particulier qui mobilise les personnels. Peu à peu, c’est une logique de concurrence à base économique qui s’instaure comme mode de régulation à part entière. Aux uns la manne financière des équipements ou laboratoires « d’excellence » (soutenus par le « Grand Emprunt »), aux autres les quelques milliers d’euros avec lesquels il faut financer, d’un côté, les photocopies pour l’enseignement, de l’autre, les missions pour participation à colloques. Et bien sûr, pour toute chose, il convient de rédiger projets, bilans d’étape, comptes-rendus d’activités ; il s’agit de se doter de ratios et d’indicateurs, permettant aux évaluateurs de tout poil de s’acquitter de plus en plus rapidement de leur tâche.
12 Les relations entre établissements, déjà fortement affectées par la mise en compétition découlant du Pacte pour la recherche et du Grand Emprunt, sont désormais minées par les effets de l’autonomie de gestion budgétaire. Les échanges de service d’enseignement entre établissements, qui peuvent désormais être facturés en fonction de fractions de salaire et non plus des heures de vacations à assurer en remplacement, font l’objet de marchandages multiples, les écarts de remboursement pouvant aller de un à dix.
13 S’agissant des conséquences pédagogiques et scientifiques de ce nouveau régime, on ne voit guère venir ces temps bénis d’une université mieux coordonnée et plus efficace que promettaient les réformateurs. On n’assiste pas davantage à un effondrement des activités ordinaires d’enseignement et de recherche. Chacun se recentre sur ce qui lui apporte le plus de satisfactions et tente de sauver ce qui peut l’être. Les facultés (Unités de Formation et de Recherche) et les laboratoires qui avaient instauré les formes de régulation les plus coopératives s’efforcent de les sauvegarder, laissant à d’autres la lutte de tous contre tous. Une minorité de présidents d’université, proches du SNESup-FSU, s’est même déclarée en dissidence ouverte avec la politique officielle de la Conférence des Présidents d’Université (CPU) [5]. Il reste que les menaces qui pèsent sur les filières les moins « rentables » et le climat général qui s’est installé dans les établissements n’en finissent plus de saper le moral des personnels.
De Kafka à la bulle financière
14 Cette politique de bureaucratisation marchande est absurde et contre-productive, par ses effets chronophages et délétères [6]. Elle ne fait qu’aggraver les travers du système français d’enseignement supérieur : la précarité s’accroît, les inégalités entre filières s’accentuent, la sélectivité sociale des filières les plus prestigieuses se perpétue, le niveau global de qualification de la population reste bloqué à son niveau de la fin des années 1990. Là où l’on aurait besoin de développer de grands programmes de recherche coordonnés et durables, il faut fractionner et renouveler sans cesse les demandes de financement. Quand il s’agirait d’aider à l’internationalisation des parcours étudiants et des activités scientifiques, on réduit les budgets et l’on promeut l’enseignement en langue étrangère à des fins de marchandisation de certaines filières.
15 Si cette politique se poursuit, si le sous-financement des universités et le climat de compétition marchande s’installent progressivement dans les faits et dans les têtes, elle pourrait produire des effets bien plus redoutables encore. La seule voie de financement qui restera possible sera en effet l’augmentation du coût des études pour les étudiants.
16 Comme en Grande-Bretagne, au Québec, au Chili et un peu partout dans le monde, la mise en faillite des universités pourrait à terme conduire à une élévation considérable des droits d’inscription et à une compétition effrénée entre établissements pour recruter les meilleurs et les plus solvables des étudiants. Cette tendance existe déjà, à l’état larvé, dans notre pays. On connaît l’exemple de certaines écoles de commerce, qui habillent d’un diplôme une formation de faible niveau au coût exorbitant et fonctionnent, selon un processus de sélection de la main d’œuvre et de labellisation, comme sas d’entrée sur le marché du travail pour jeunes de bonne famille en mal de reproduction sociale. Dans le secteur proprement universitaire, chaque année, nombre d’établissements tentent de contourner le plafonnement officiel des droits d’inscription. En juillet 2013, le syndicat étudiant UNEF en a ainsi recensé 24 qui avaient instauré des frais supplémentaires illégaux allant de 10 à 9 000 €. Les rapports officiels publiés depuis le début des années 1990 ont d’ailleurs constamment préconisé une telle augmentation, au motif qu’elle pourrait être compensée par une élévation des bourses pour les plus démunis et participerait ainsi d’une politique de plus grande « équité ». Mais face au risque d’une mobilisation d’ampleur des étudiants, le pouvoir politique a en France sans cesse reporté ce type de mesures, en donnant la priorité au remodelage des formations, de la recherche, des statuts et de l’organisation des universités. La pression financière découlant de la nouvelle configuration et le contexte de « crise » économique pourraient amener les uns et les autres à revoir leurs positions.
17 Au-delà des frais d’inscription, c’est plus largement le coût des études qui risque de d’augmenter de manière considérable. La massification de l’enseignement supérieur au cours des années 1980-1990 s’était déjà accompagnée d’une dégradation importante des conditions de vie des étudiants : la construction de résidences et de restaurants universitaires était loin d’avoir suivi l’accroissement des effectifs, le volume des bourses n’avait pas été augmenté en conséquence et les emplois réservés aux étudiants étaient devenus de plus en plus rares. Le travail salarié s’était alors largement développé, contribuant à une forme de désocialisation de la vie étudiante et à l’accroissement de l’échec. Dans le contexte actuel, l’augmentation des prix du logement – qui résulte d’ailleurs en partie de l’abandon d’une politique ambitieuse de construction de logements sociaux et étudiants – et la stagnation des revenus des familles pourraient conduire les étudiants à s’endetter beaucoup plus massivement qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici. La situation française rejoindrait ainsi celle des pays anglo-saxons.
18 On connait les conséquences de ce type d’évolution. Socialement, c’est la consécration d’une forme de marchandisation de l’accès aux études : à la solidarité entre générations, on substitue la reconnaissance de dettes à l’égard de son banquier. Du point de vue universitaire, c’est un encouragement pour les établissements à investir toujours plus dans la communication et les dépenses de prestige pour mieux se distinguer sur le marché de l’accès aux diplômes. Économiquement, c’est la constitution d’une nouvelle bulle financière, dont l’État devient le seul garant par le financement de faibles taux d’intérêt et la prise en charge des anciens étudiants demeurés non solvables. Ainsi, aux États-Unis, la dette étudiante a atteint le niveau de 1 000 milliards de dollars. Le coût pour le budget de l’État des taux accordés aux étudiants est de plus de 6 milliards de dollars par an. Et, malgré tout, la part des étudiants qui ne parviennent pas à rembourser leur dette a doublé en trois ans et se situe actuellement à 10 % [7].
19 C’est à ce type de mécanismes que nous condamne la politique actuelle de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les étudiants, dont on a pu observer les capacités de résistance au cours des dernières années, pourront-ils vraiment accepter une telle évolution ? Et qu’en sera-t-il des personnels, dont le mouvement de 2009 a montré que, dans certaines configurations, ils parvenaient à dépasser leurs multiples divisions ? Mais la prise de conscience et le travail d’unification politique autour de ces questions devraient assurément être beaucoup plus large. Les organisations politiques de gauche devraient s’en saisir comme d’enjeux prioritaires, au même titre que les retraites et la politique d’austérité. Car elles concernent non seulement les conditions de vie et l’avenir de la jeunesse – posée comme priorité par l’actuel Président de la République… – mais représentent un véritable choix de société. ?
Notes
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[1]
Adoptée au lendemain de l’élection de Nicolas Sarkozy, la loi LRU a notamment accru les prérogatives des présidents d’université et a dévolu aux établissements la gestion de l’ensemble de leurs moyens matériels, des rémunérations des personnels et du patrimoine immobilier.
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[2]
Passage de la licence au master pour le titre d’accès aux métiers de l’enseignement. Cette réforme a été réalisée en 2009-2010 par création de nouveaux masters, intégrant une partie des anciens contenus de la formation préparatoire et consécutive aux concours, ou par adjonction de parcours « enseignement » dans des masters universitaires classiques. Il en a résulté une grande diversité des conditions de formation et un affaiblissement global de la dimension professionnelle de la formation des enseignants.
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[3]
Adopté sous la présidence de Jacques Chirac, il s’est principalement traduit par un encouragement aux fondations permettant le financement privé de la recherche publique, le développement de crédits d’impôt pour recherche destinés aux entreprises et la création d’agences chargées de la coordination et de l’évaluation de la politique de recherche, reprenant une part des prérogatives des organismes de recherche et composées de personnels nommés.
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[4]
CNRS, INSERM, INRA, etc.
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[5]
Lettre ouverte de 14 présidents d’université à Madame Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Paris, 12 novembre 2012.
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[6]
Bertrand Geay, Samuel Bouron et Pierre Clément, « Université : contre la bureaucratie de marché », in : Louis Pinto (dir.), 2012 : les sociologues s’invitent dans le débat, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2012 ; Isabelle Bruno, À vos marques, prêts… cherchez ! La stratégie européenne de Lisbonne, vers un marché de la recherche, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2008 ; Christian de Montlibert, Savoirs à vendre. L’enseignement supérieur et la recherche en danger, Paris, Raisons d’agir, 2004.
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[7]
Cf. François Delapierre, La bombe de la dette étudiante. Le capitalisme contre l’université, Paris, Bruno Leprince, 2013.