Notes
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[1]
D’après une citation de Frantz Fanon. Les lecteurs pressés pourront lire son article dans Télérama et son entretien à France culture en octobre 2010, sa contribution à Ruptures postcoloniales (La découverte, 2010) et son article dans Politique africaine (n? 119, octobre 2010).
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[1]
Voir Jean-François Bayart, 2010, « Les très-fâché(e) s des études postcoloniales », Fasopo, n? 23, mars, en réponse notamment à l’article de Florence Bernault, 2010, « Les Barbares et le rêve d’Apollon » in Mbembe A., Verges F., Bernault F., Boubekeur A., Bancel N., Blanchard P., Ruptures postcoloniales, Les nouveaux visages de la société française, Paris, La découverte.
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[2]
Ashcroft B., Griffiths G., Tiffin H., 1989, The Empire Writes Back, Londres, Routledge ; Spivak G.C., 1988, « Can the Subaltern Speak ? » in Nelson C., Grossberg L., Marxism and the Interpretation of Culture, Chicago, University of Illinois Press ; Spivak G.C., 1999, A Critique of Post-Colonial Reason : Toward a History of the Vanishing Present, Harvard University Press.
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[1]
Lisbonne, Tinta-da-China, 2009, 469 pages.
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[2]
L’auteur fait référence au plus grand marché informel de Luanda.
DÉVELOPPEMENT
Barbara Harriss-White, Judith Heyer (dir.), The Comparative Political Economy of Development. Africa and South Asia, Londres/New York, Routledge, 2010, 358 pages, ISBN : 978-0-415-55288-2, 108 €
1 Cet ouvrage est un vibrant et convaincant plaidoyer en faveur de l’économie politique et comparative du développement et de la pauvreté. Face à la suprématie des approches économiques fondées sur un individualisme méthodologique et bien souvent aveugles à la dimension politique de la pauvreté et des inégalités, l’ouvrage démontre à quel point les processus de pauvreté sont des construits sociaux, politiques, et culturels. Prenant acte des excès structuralistes des approches marxistes qui ont inspiré toute une partie de l’économie politique du développement, l’ouvrage propose un cadre théorique qui tienne compte à la fois des mécanismes structurels d’oppression et de discrimination (en reprenant les notions de conflits de classe, d’encastrement de l’économie et de « structures sociales de l’accumulation) et des capacités individuelles d’agency.
2 L’introduction générale présente le cadre théorique général. On retiendra deux idées centrales : le fait que la pauvreté soit à la fois la cause et le résultat des inégalités d’intégration et de participation au marché, à l’État ou à la société civile, et l’importance des relations sociales. Les auteurs considèrent que « l’on ne peut comprendre la situation des pauvres indépendamment des relations sociales qui les exploitent et les oppriment ».
3 Les trois premiers chapitres sont plutôt d’ordre théorique en traitant trois grandes questions : pauvreté, emploi et diversification des économies rurales.
4 Le chapitre de Lucia La Corta passe en revue les évolutions récentes des approches théoriques de la pauvreté et plaide pour une repolitisation de la théorie. Certes, des progrès considérables ont été réalisés par les approches « mainstream » aucoursdesdernières décennies, reconnaît l’auteur, avec en particulier un approfondissement de notre connaissance des stratégies individuelles (les approches en termes de « livelihood », les travaux centrés sur les dynamiques de pauvreté, les approches participatives visant à rendre compte de la voix des pauvres). Mais la pauvreté et les dynamiques de pauvreté restent expliquées uniquement en termes de caractéristiques et de capacités d’action individuelles, niant la dimension structurelle des mécanismes de pauvreté et accordant de ce fait une responsabilité considérable aux pauvres.
5 S’appuyant sur une expérience de plusieurs décennies dans les pays de l’Afrique subsaharienne, le chapitre de Franck Ellis traite de la diversification rurale. L’auteur met en évidence les interdépendances rural / urbain et la nécessité de penser la pauvreté rurale en lien avec le développement urbain. Il décrit l’importance croissante des revenus non agricoles et des transferts urbains pour les ménages ruraux (en moyenne 50 %), mais aussi les inégalités face à la diversification. Les exploitants les plus aisés, dit-il, tendent à diversifier avec des activités commerciales et l’emploi salarié non agricole tandis que pour les petits paysans, le salariat journalier agricole reste la principale alternative. Les implications politiques sont très claires. Alors que nombre de politiques de lutte contre la pauvreté rurale misent sur le développement de l’agriculture, l’auteur plaide pour une meilleure prise en compte des interdépendances rural / urbain, seul moyen selon lui de sauver le monde rural et la petite exploitation familiale.
6 Basé sur l’expérience indienne, l’article de Jens Lerche plaide pour une analyse de l’emploi en termes de différenciation sociale et de classe plus qu’en termes de distinction rural / urbain. Il montre comment la notion « d’emploi rural » ne fait plus vraiment sens, compte tenu des brouillages urbain / rural, de la dépendance croissante à l’égard des revenus non agricoles mais aussi urbains, de l’importance grandissante de la circulation des travailleurs. En revanche, la différenciation sociale des travailleurs, en particulier les discriminations de caste, sont plus que jamais d’actualité. L’auteur dresse également un bilan plutôt pessimiste des politiques d’emploi. Il considère que la lutte contre les employeurs a été remplacée par des mesures se contentant de garantir un filet de sécurité aux travailleurs. Le système capitaliste et l’informalisation croissante de l’emploi ne sont nullement remis en cause : les politiques se limitent à des mesures palliatives permettant de les rendre acceptables. Et la persistance des discriminations sociales, combinée à l’immobilisme des autorités publiques et des syndicats, a pour principale conséquence de nourrir des formes de revendications communautaires, parfois très radicales.
7 Le reste de l’ouvrage comprend des études de cas extrêmement précises, issues de travaux empiriques d’une très grande richesse. Certains auteurs insistent plus fortement sur les dimensions macro et les effets de structures tandis que d’autres se focalisent davantage sur les stratégies et les trajectoires individuelles. Toutes ces études ont néanmoins pour point commun d’illustrer la dialectique permanente entre institutions et actions individuelles. Elles mettent également en évidence l’importance fondamentale des relations sociales, à la fois dans la production de la pauvreté et dans les réponses et les formes de résistance que les pauvres mettent en œuvre.
8 Les différents thèmes abordés sont les suivants : l’importance des réseaux sociaux et des relations de pouvoir dans la manière dont les pauvres gèrent et s’accommodent de la pauvreté en Afrique du Sud (Francis) ; la diversité des réponses des pauvres aux crises alimentaires saisonnières en Afrique et la manière dont ces réponses renforcent des inégalités préexistantes (Devereux) ; les contestations des petits exploitants kenyans aux politiques agro-industrielles et à l’agriculture contractuelle, mais aussi leur vulnérabilité aux manipulations des groupes dominants (Ochieng) ; la complexité et la diversité des stratégies sociales des entrepreneurs de l’économie informelle au Nigeria, et la manière dont cette diversité de réseaux accentue des inégalités préexistantes (Meagher) ; l’encastrement social des relations de production dans le secteur du vin en Afrique du Sud (Williams) ; de l’opium en Afghanistan (Pain) ; et dans la création d’entreprises par les basses castes en Inde (Prakash ; Harriss-White et Vidyarthee) ; la triple discrimination que subissent les femmes pauvres de basse caste en Inde du Sud (caste, classe et genre) et la manière dont leur exploitation nourrit l’économie indienne (Kapadia) ; la diversité avec laquelle les basses castes de l’Inde du Sud s’approprient (ou pas) l’industrialisation et l’urbanisation des campagnes (Heyer ; Gorringe).
9 Hormis les matériaux empiriques très riches, les différentes études de cas et leurs avancées théoriques sont utiles bien au-delà de la spécificité des terrains étudiés, en particulier pour ce qui est de l’analyse des relations sociales. On citera par exemple la complexité des arrangements familiaux et l’ambiguïté des relations familiales, qui oscillent en permanence entre support et obligation (Francis), la diversité des stratégies de mobilisation de réseaux et l’ambiguïté de certaines formes associatives, qui peuvent se révéler très individualisantes (Meagher), les contradictions et les oppositions entre des objectifs de bien-être matériel et de dignité, la construction très localisée et l’importance de la territorialité dans les processus de changements sociaux, l’inertie mais aussi la rapidité de changement de certaines normes sociales, une même communauté pouvant connaître des trajectoires très diverses (Heyer ; Gorringe).
10 Cet ouvrage n’est pas de la recherche appliquée (avec par conséquent des difficultés récurrentes de financement, dans un contexte où la recherche est de plus en plus guidée par des résultats opérationnels de court terme). Pourtant, comme le mentionne l’introduction, les implications politiques de ce type d’approche sont considérables. Le cadre théorique mobilisé et les différentes études de cas expliquent très clairement l’échec des politiques actuelles : les impasses d’une croyance aveugle aux bienfaits du marché, puisque l’ouvrage montre bien à quel point le marché à lui seul ne saurait être « inclusif », bien au contraire ; l’hypocrisie de politiques socialement neutres face à des alliances quasi-systématiques entre classes dominantes, factions politiques et État ; les limites d’approches standards et universalisantes aveugles aux spécificités locales et territoriales, etc.
11 Les spécialistes de l’Amérique latine seront probablement très frustrés, puisque l’ouvrage se focalise sur l’Afrique et l’Asie (et plus précisément l’Inde). On peut regretter que les implications politiques ne soient pas poussées plus loin. Certes, l’ouvrage est très convaincant dans son plaidoyer pour une re-politisation du développement. Mais concrètement, qu’est ce que cela signifie en matière d’élaboration de politiques ? On peut également regretter que la question des ONG, qui sont aujourd’hui des acteurs incontournables des politiques de développement, soit peu abordée.
12 Au final, l’ouvrage offre un panorama très complet de certaines grandes questions posées aujourd’hui dans le milieu du développement. Il démontre de manière très concluante ce que l’économie politique peut apporter à la compréhension de ces questions. L’ouvrage démontre également la nécessité de dépasser les clivages disciplinaires et la pertinence du champ des development studies (dont la plupart des auteurs se revendiquent tout en étant d’origine disciplinaire diverse). Alors que le système académique français tend à se crisper sur les frontières disciplinaires habituelles, on peut espérer qu’un ouvrage de ce type contribuera à faire bouger les mentalités.
13 Isabelle Guérin
14 IRD
AFRIQUE
Achille Mbembe, Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée, Paris, La découverte (coll. « Cahiers libres »), 2010, 252 pages, ISBN : 978- 2-707-16670-8, 17 €
15 Dix ans après De la postcolonie, Achille Mbembe (A.M.), nous offre un nouvel essai : Sortir de la grande nuit [1]. Il est toujours difficile de résumer ou de critiquer un livre d’A.M., avec son style tourbillonnant, ses inventions verbales, ses analyses décapantes, ses intuitions, son humanisme optimiste (« la politique de montée en humanité » ou le nouveau cosmopolitisme). De plus, d’après l’auteur, ce livre n’est pas véritablement construit, mais est plutôt « le fruit de longues conversations avec Françoise Vergès, (...) la reprise de réflexions développées au cours de ces dix dernières années sous la forme d’articles dans les revues, de notes de cours, séminaires et ateliers ou d’interventions dans la presse africaine et autres médias internationaux ». D’où parfois quelques redites ou plutôt l’analyse des mêmes thèmes sous d’autres facettes.
16 Dans une introduction stimulante, A.M. analyse le dernier demi-siècle, ressaisit le sens primitif de la décolonisation, propose cinq tendances lourdes qui circonscrivent l’avenir, décrit les conditions d’émergence et les freins de la démocratisation et appelle à de nouvelles mobilisations.
17 Le premier chapitre raconte la trajectoire d’une vie, depuis son enfance dans un village camerounais, dans une famille qui a milité dans les maquis de l’UPC, sa scolarité sous le régime autoritaire d’Ahidjo et son désir de quitter le pays. Son itinéraire le mène de Paris à New York, puis Johannesburg où il réside depuis 1999. C’est ce qui lui permet une analyse comparative de ce que représentent ces trois villes et alimente sans doute son intérêt pour les diasporas, la fluidité, le cosmopolitisme. Curieusement, il ne parle pas de Dakar et de son long passage au Codesria.
18 Le chapitre suivant, « Déclosion du monde et montée en humanité », part des deux âges du colonialisme et de la volonté d’en sortir. « Déclosion » désigne l’ouverture d’un enclos dans lequel le regard de l’Autre et le pouvoir de l’Autre cherchent à enfermer le sujet, mais aussi « inclut l’idée d’éclosion, de surgissement, d’avènement de quelque chose de nouveau, d’épanouissement ». Autour des années 1980, notamment avec le livre d’Edward Saïd, L’orientalisme, puis les subaltern studies, on assiste à la naissance d’une pensée-monde. La critique postcoloniale n’est certes pas homogène, c’est plutôt « une constellation intellectuelle... le rêve d’une polis universelle et métisse ». Devant cette nouvelle donne, la France et l’Europe se crispent et se ferment. Dans « Société française : proximité sans réciprocité », A.M. essaye de comprendre le refus de la France de prendre en compte la critique postcoloniale. D’abord, le refus de regarder en face notre histoire et sa face obscure, comme le racisme et la violence, bien illustrés par les citations du « doux » Tocqueville (pages 97 et 108), sur la conquête de l’Algérie, le refus de reconnaître la présence du monde en France, notamment dans les banlieues, « le refus de transformer le passé commun (avec les anciens colonisés) en histoire partagée ».
19 La deuxième raison vient de notre universalisme abstrait, hérité de la Révolution française, avec ses conceptions de République et de laïcité, qui nie les « différences individuantes ». Mais, derrière cette « institution imaginaire » de la République, il y a « l’impensé de la race » et de la brutalité originaire, un moyen de se donner bonne conscience et de se poser en donneur de leçons.
20 A.M. propose, en utilisant les critiques postcoloniales et antiracistes, les réflexions sur les diasporas et le féminisme, de repenser les problèmes de différence et d’altérité. Pour lui, « la globalisation consiste autant en un processus de mise en relation des mondes qu’en un processus de réinvention des différences ». Et d’opposer l’universalisme abstrait à la française à un cosmopolitisme respectueux des différences, à un « projet de l’en-commun » et du partage des singularités.
21 Le chapitre 4 analyse « Le long hiver impérial français » et constate « l’apparente rémanence et reproduction dans la France contemporaine de pratiques, schèmes de pensée et représentations héritées d’un passé d’infériorisation juridique et de stigmatisation raciale et culturelle... le désir de frontière et le contrôle des identités ». Ainsi, « pour les catéchistes de la laïcité » et du modèle républicain... l’islam radical, objet fantasmatique par excellence... sert de frontière imaginaire à la nationalité et à l’identité française ». De même, « le féminisme républicain est transformé en une couveuse de l’islamophobie ». Le colonialisme provoque encore « des maladies posthumes de la mémoire... Loin d’être à la repentance, l’ère est plutôt à la bonne conscience européenne... un mélange de laisser-faire, d’indifférence et de promptitude à se décharger des responsabilités ».
22 Dans « La casesansclés », A.M. montrela difficulté d’interpréter la situation actuelle de l’Afrique selon des facteurs simples, dans cette période de transition et de bouillonnement. « Un énorme travail de réassemblage est en cours... Destruction et réassemblage sont d’ailleurs si étroitement liés que, l’un isolé de l’autre, ces processus deviennent incompréhensibles ». L’auteur retrace les anciennes et les nouvelles cartographies, notamment les formes de contrôle des territoires et la multiplicité et l’hétérogénéité des régimes religieux. Il analyse les évolutions des économies et des États, la violence du marché et la violence sociale, le double processus de transnationalisation des sociétés africaines et de repli sur les origines, l’apparition de nouveaux conflits. Il souligne l’informalisation de l’économie, la diffraction du politique et la concomitance de ces phénomènes avec l’apparition de la démocratie. Il observe les pratiques de contournement des acteurs sociaux et le climat de méfiance, d’insécurité et de violence. Il note le maintien des élites au pouvoir et l’assimilation des oppositions. Il décrit enfin l’émergence du militarisme en tant que culture de la masculinité, qui modifie les rapports entre la vie, le pouvoir et la mort, et d’un lumpenradicalisme qui débouche sur des émeutes sans projet.
23 Dans le dernier chapitre, « Circulation des mondes : l’expérience africaine », Achille Mbembe revient sur les profondes recompositions sociales, sur la redéfinition des termes de la souveraineté de l’État et de la citoyenneté. Il note l’absence de passage automatique au modèle de la démocratie libérale et de sa réappropriation. Il insiste sur les transnationalismes, le rôle des diasporas, le cosmopolitisme pratique des migrants, des commerçants à longue distance ou des pentecôtistes et le cosmopolitisme des élites, à la recherche de l’émergence d’une vie privée. Il analyse les luttes sexuelles et les nouveaux styles de vie, « avec la distance sociale entre cadets et aînés sociaux qui se creuse » et, particulièrement, le renforcement des inégalités déjà existantes entre les sexes.
24 Pour lui, l’Afrique entre dans un nouvel âge de dispersion et de circulation, avec de nouvelles populations venues d’ailleurs, dont beaucoup se considèrent comme des Africains à part entière. Il faut inventer une culture transnationale (afropolitanisme) que le laboratoire sud-africain est peut-être en train de construire. Dans son épilogue, Achille Mbembe invite les anciens colonisés « à sortir de cette interminable lamentation », à refonder la pensée critique, à subvertir « les relations mentales soumettant le sujet à une tradition faite loi et nécessité », à briser les forces mortes et à inventer un imaginaire alternatif. « Il leur faudra se mettre debout et marcher... et regarder ailleurs qu’en Europe. Celle-ci n’est sans doute pas un monde qui s’effondre. Mais, lasse, elle représente désormais le monde de la vie déclinante et des couchers de soleil empourprés. Ici, l’esprit s’est affadi, rongé par les formes extrêmes du pessimisme, du nihilisme et de la frivolité... l’Afrique devra porter son regard vers ce qui est neuf... se mettre en scène... et ouvrir, pour elle-même et pour l’humanité, des temps nouveaux ». Au-delà de la poésie et, parfois, de la grandiloquence, Achille Mbembe, en retraçant les histoires et en croisant les regards sur les économies, les États, les sociétés et les imaginaires, en soulignant les pesanteurs mais aussi les mutations et les inventions en cours, nous offre une vision renouvelée de l’Afrique mais aussi de l’Europe et du monde, et une invitation à construire un monde en commun, un nouveau cosmopolitisme ou, en reprenant Derrida, « une démocratie à venir ».
25 Ce livre montre notamment :
- l’intérêt des analyses postcoloniales. Le poids de la colonisation continue de peser sur les nouveaux États, avec ce style autoritaire et arbitraire de commandement qui se perpétue chez les « satrapes africains », qui en rajoutent en inventant de nouvelles formes de domination ; mais il pèse aussi sur les anciens colonisateurs, qui « ont décolonisé sans s’autodécoloniser », avec le maintien d’anciennes structures mentales de supériorité et de racisme, plus ou moins masquées par le paternalisme (cf. le discours de Dakar).
- le déclin de l’Europe et, particulièrement, de la France, incapable de s’ouvrir au monde, engluée dans son universalisme abstrait, son laïcisme républicain, son islamophobie et son contrôle de l’immigration.
- la difficulté d’analyser l’Afrique actuelle avec des clés trop simples, tant celle-ci est en déconstruction et réassemblage, avec un enchevêtrement de phénomènes, des lignes obliques, de nouvelles stratifications sociales, des réactivations des réseaux religieux, des citoyennetés à inventer, du rôle actif des diasporas et des minorités.
- une Afrique en train de s’inventer, notamment en Afrique du Sud, et de retrouver une place dans le monde. Cela passe, notamment, par une pensée de la démocratie, comme alternative au modèle prédateur en vigueur. « Si les Africains veulent la démocratie, c’est à eux d’en imaginer les formes et d’en payer le prix... Il faudrait qu’elle soit portée par des forces sociales et culturelles organisées, des institutions et des réseaux sortis tout droit du génie, de la créativité et surtout de la lutte quotidienne des gens eux-mêmes... Ils auront néanmoins besoin de s’appuyer sur de nouveaux réseaux de solidarité internationale, une grande coalition morale en dehors des États ».
27 Une Afrique nouvelle doit s’inscrire ainsi dans une perspective cosmopolite, « l’idée d’un monde commun, d’une commune humanité et d’un avenir que l’on peut s’offrir en partage ».
28 Un grand essai, riche et original, à déguster lentement, à lire et à relire.
29 Dominique Gentil
Jean-François Bayart, Les études post coloniales, Un carnaval académique, Paris, Karthala, 2010, 126 pages, ISBN : 978-2-8111-0323-1, 15 €
30 Couronnant un cycle de rencontres, d’échanges et de productions scientifiques sur les questions du postcolonial, depuis son arrivée tardive en France, l’ouvrage de Jean-François Bayart paru chez Karthala en avril 2010 et intitulé Les études postcoloniales, Un carnaval académique décontenance. Politiste de renom spécialiste de l’Afrique noire, l’auteur livre ici une synthèse partisane au goût amer. Noyé de références, assorti d’une bibliographie fort utile mais qui eut gagné à être commentée un peu, ce texte souffre du dédain marqué de l’auteur pour les différentes positions qui animent le champ postcolonial. Il souffre également de cette simplification volontaire des positions plurielles de la partie adverse. Peut-être cela tient-il aux limites de l’exercice ? Répondre à trente ans de production intellectuelle, scientifique et politique internationale comme de sa réception française d’« après la bataille » en 126 pages, bibliographie comprise, est une gageure incontestable. Car si la richesse de l’ouvrage ne fait pas débat, la caricature de ses détracteurs, la violence discursive qu’il met en scène (et dont il s’étonnera ailleurs qu’elle suscite réaction [1]) et quelques contradictions formelles laissent insatisfaits. Les travers énoncés des postcolonial studies tiennent à plusieurs aspects : risque d’essentialiser les espaces, les temps et les populations et d’ainsi réifier « le colonial », d’en livrer une lecture mécaniste, univoque et de contribuer plus ou moins sciemment à l’ethnicisation des questions sociales, en France notamment. La parution tardive en France de certains ouvrages issus de ce mouvement critique, épars, mondial et finissant, est perçue à l’étranger comme le stigmate de l’arriération française, provincialiste et sourde aux productions internationales. Manifeste à propos des études postcoloniales, Bayart répond que « l’accusation [...] revient à blâmer un adulte qui avait contracté une primo-infection dans son enfance de ne pas être devenu tuberculeux à l’âge mûr » (p. 20) ! Or de qui parle Bayart quand il nous dit, railleur, que ces « “héritiers” de Fanon ou de Senghor sont assez peu soucieux de décider s’ils doivent porter les valises du Hamas ou d’Al Qaida » (p. 21) ? N’y a-t-il pas trop de dramaturgie à clamer que « [l] es prisons universitaires seront vite pleines, car les postcolonial studies s’emparent désormais de toutes les situations de domination à travers les âges, sans craindre les anachronismes et les non-sens » (p. 17) ? Anachroniques et sans objet, sans « démonstration heuristique de leur pertinence à ce jour » (p. 19), « [f] idèles à leurs habitudes, les postcolonial studies essentialisent “la France” ». Qui donc sont ceux qui « [m] ett [ent [...] en cause la société française » (p. 18), ou reprochent à l’Université française « de ne pas prendre en compte la critique épistémologique dont sont porteuses les postcolonial studies » ou « de ne pas parler un nouveau pidgin global et de contribuer de la sorte à l’image d’une France marginalisée sur la scène internationale » ou encore « de se tenir à l’écart des rituels civiques d’affliction qui tiennent désormais lieu d’engagement » (p. 19) ? Jamais les ennemis, les essentialistes, les faux-engagés, les anachronismes n’apparaissent. De la sorte, il faut, ou refaire soi-même le travail, ou croire sur parole quelqu’un qui, pour crédible qu’il soit, pourrait éviter au lecteur et à ses interlocuteurs anonymes des facilités de langage peu communes dans ce type d’ouvrage et quasi systématiques à propos des postcolonial studies.
31 L’ouvrage reconnaît à son objet quelques mérites (« l’originalité des postcolonial studies est d’avoir fait le lien entre la critique du colonialisme et d’autres formes de domination », p. 22), comprend certaines genèses de la critique et apporte alors les nuances et la critique nécessaires qui fondent une démarche concernée et à plus large échelle : « [...] l’essentiel est de ne pas se méprendre sur le souci d’universalisme critique d’une partie au moins des postcolonial studies, alors que beaucoup sont tentés d’en faire une pensée indigéniste ounativiste » (p. 15). Et l’argument est bon chaque fois que la mise en scène du rapport de force le cède à la réflexion. Le point fort du texte tient dans la maîtrise de la généalogie complexe des postcolonial studies et dans, selon les termes de Bayart, la mise en évidence des dimensions contingentes et concaténatoires de celles-ci également, et dans lesquelles la France fut un initiateur : de la critique de la colonisation au tropisme de la francophonie, des philosophies politiques des années 1960-1970 à la cristallisation post-moderne. On regrette que Bayart ne se soit pas livré à ce propos à un exercice de sociologie micro-historique de cette théorie critique transnationale au regard des phénomènes d’extraversion idéologique que, de toute évidence, elle a mis en branle dans des trajectoires complexes, sans non plus évoquer ce qu’elle a cherché à ouvrir comme espace au regard de ce qui lui préexistait là où elle est apparue.
32 Mais la position lapidaire de Bayart veut que les postcolonial studies en France n’existent que par leur « posture de dénonciation ». Tout en même temps, le livre présente ce ressentiment français à la vulgarisation de son patrimoine intellectuel, jugé dévoyé, sans répondre aux théories opposées, et qui suscitèrent partout ailleurs un engouement non forcément béat. Pourquoi ne pas s’interroger sur les défauts de formulation du projet critique, que ne suffisent pas à rabaisser les accusations spécifiquement françaises d’intellectuels tiers-mondistes « petty-bourgeois » en quête d’une aura politique et sociale. Le fait est que les chercheurs français arrivent, pour la plupart, bien après la guerre. Ces questions ont été discutées, remises en cause, revues et corrigées dans plusieurs pays, plusieurs disciplines pendant des années, depuis les parutions d’Ashcroft en 1989 ou de Spivak en 1988 et 1990 [2]. Et il s’agit encore, in fine, d’un débat franco-français entre des positions peu explicitées et de fait inconciliables, en plus d’être saisies dans des contextes hétérogènes et non différenciés (militantisme, recherche, réception populaire).
33 Pourtant, la position de Bayart est certainement juste quand il condamne l’« illusion identitaire » qui sourd très clairement des dernières productions du genre, ou encore le positionnement avantageux de la dissidence académique face au réservoir d’audience populaire. La fin de l’ouvrage, passée l’expression de la colère, fait advenir enfin quelques grilles d’interprétations dont la pertinence ne se dément pas : « La difficulté est alors d’appréhender simultanément l’irréductible incommensurabilité des durées constitutives des sociétés lors du moment colonial (ou postcolonial) et les processus de formation d’échelles de commensurabilité qui sont inhérents aux entreprises impériales, quels que soient les concepts par lesquels on les désigne : recherche hégémonique ou hégémonie, gouvernementalité, savoir colonial, marché ou... « mission civilisatrice » ! D’une part, il faut tenir compte de l’hétérogénéité des espaces-temps qui institue l’empire ; de l’autre des « malentendus opératoires » qui assurent les interactions en son sein. » (p. 76), et expliquent une position : « [...] l’intérêt de banaliser les empires coloniaux en tant qu’empires est d’échapper à la caractérisation normative des transactions hégémoniques sur lesquelles ils étaient bâtis » (p. 81). Le refus d’une démarche de synchronisation mémorielle offre plus à une critique sociale, puisqu’elle est mobilisée, que la complaisance qui accueillit l’esthétique sociale et politique de cette « nébuleuse », mais la fin de non-recevoir opposée ici ne peut que confirmer ses membres dans leur critique de l’arrogance et du provincialisme français, tant la « fable » française est convoquée avec sérieux alors même qu’elle ne convainc plus personne et que l’université française s’acharne à ignorer nombre de productions internationales. Peut-elle alors se contenter de les dénigrer ?
34 Ariel Planeix
35 IEDES
Paulo de Carvalho, Até você já não és nada !..., Luanda, Kilombelombe (« Cien cias Humanas e Sociais », Série Socio logia e Antropologia », n? 4), 2007, 346 pages, pas d’ISBN
Paulo de Carvalho, Exclusão social em Angola. O caso dos deficientes físi cos de Luanda, Luanda, Kilombelombe (« Ciências Humanas e Sociais », Série Sociologia e Antropologia », n? 3), 2008, 438 pages, pas d’ISBN
36 Dans l’édition portugaise de Douglas L. Wheeler et René Pélissier, História de Angola [1], j’ai sélectionné quelque 450 livres actualisant la bibliographie parue initialement dans notre Angola, publié en anglais en 1971 et épuisé depuis longtemps. Sur ces quatre centaines d’entrées nouvelles, à peine plus de 3 % ont été éditées en Angola. Mépris de ma part ? Certainement pas ! Simple impossibilité d’obtenir des éditeurs locaux qu’ils daignent faire connaître leur production hors de leurs frontières, ne serait-ce qu’aux rares angolanistes étrangers. Des dizaines d’ouvrages en portugais auraient probablement mérité de figurer sur notre liste, si nous avions pu nous les procurer. Mais, apparemment, il est plus facile de recevoir un livre tchèque – écrit en tchèque – sur l’Angola qu’un texte en portugais sorti à Luanda s’il ne s’agit pas d’une simple œuvrette de propagande ou des mémoires d’un hiérarque historique bien en cour ou ayant un circuit de distribution modérément efficace.
37 C’est donc avec plaisir et même soulagement que l’on apprend enfin qu’il existe des chercheurs angolais qui publient des travaux d’une très grande qualité et qu’ils ont assez d’entregent pour les voir patronnés par des entités gouvernementales – et même des banques locales – alors qu’ils sont loin de peindre en rose la situation de l’écrasante majorité des Angolais. Consacrer peut-être un milliard de dollars à la construction prioritaire des stades de football en espérant ainsi attirer l’attention fugitive des médias internationaux est une chose relativement facile. Venir en aide aux millions de citoyens qui croupissent dans la boue et la misère des bidonvilles semble moins urgent aux autorités, selon toute vraisemblance.
38 Et parmi ces oubliés de la pétrocratie, s’attacher à décrire le sort des handicapés, de ces dizaines de milliers de malheureux qui ont sauté sur une mine et n’ont plus qu’une solution, la mendicité, pour survivre sans jambes, sans yeux, sans bras, ne me semble pas un choix de thème propre à se gagner la reconnaissance du pouvoir et de ses satellites. Or, le sociologue angolais Paulo de Carvalho, officiant à l’Universidade Agostinho Neto de Luanda, nous livre en près de 800 pages, somptueusement éditées, une somme qui me paraît mériter les éloges de tous, tant pour la science que pour la conscience de l’auteur.
39 Le premier titre, qui sert de substrat à sa thèse de sociologie (Lisbonne, ISCTE) que constitue le second ouvrage, est évidemment le plus accessible. Il reproduit dix-huit entrevistas approfondies, réalisées en 2000, exposant le quotidien luandais d’autant de handicapés, la plupart étant d’anciens soldats du MPLA. Les autres mutilés de guerre dans le camp de l’Unita ne semblent pas avoir choisi Luanda comme source de leurs revenus. Entre la faim et l’entraide familiale ou confessionnelle, le lecteur parcourt donc un itinéraire périlleux allant de Jérome Bosch à Buñuel, dans une mégapole impitoyable et dangereuse pour tous les pauvres, mais franchement infernale pour ceux que la vie ou la guerre civile a broyés et laissés sur le carreau.
40 Mais comme nous sommes en Afrique, c’est-à-dire à l’école de l’endurance, tout n’est pas désespérément noir. Sans parler d’optimisme, certains de ces malchanceux ont atteint un niveau de résignation impuissante que l’on chercherait longtemps parmi les déshérités des sociétés mieux organisées en matière de charité et d’assistance sociale. N’ayant rien à attendre de l’État – sinon quelques soins pour certains anciens combattants ayant les documents et / ou les relations nécessaires –, les handicapés interviewés ont leurs réseaux et même leurs combines (pas toujours honnêtes) pour survivre au jour le jour. Bien que d’origines ethniques diversifiées, tous ou presque se déclarent Angolais et non prioritairement membres de tel ou tel groupement linguistique ou politique. Des décennies de malheurs personnels auraient-elles conduit – sur des béquilles – vers une amorce de cohésion nationale ? À Luanda tout au moins ? Exclusão social em Angola surprend encore plus. Même lorsqu’elle est excellente comme celle-ci, une thèse de sociologie n’est pas synonyme de lecture « lisse ». Mais relever, au hasard d’une page (p. 169), que l’État n’existe pas en Angola pour servir la société et garantir le bien-être des citoyens, mais simplement pour garantir la survie et l’enrichissement des élites, et constater que ce « brûlot » a, malgré tout, été publié sous le timbre de la Faculdade de Letras e Ciências sociais de l’Université Agostinho Neto – lequel Neto est de plus implicitement accusé d’avoir ordonné ou couvert des « exécutions sommaires pour des raisons de nature politique, intervenues pendant les quatre premières années de l’indépendance » (note 63, p. 169) – consolera peut-être les rarissimes béquillards qui liront un des mille exemplaires publiés. On se demande d’ailleurs un peu dans quelles bibliothèques angolaises ils le trouveront. Peut-être à la Bibliothèque Nationale de Roque Santeiro [2]. De tels tirages, que n’oserait espérer aucun chercheur angolaniste étranger (même anglophone) pour sa thèse de doctorat, montrent qu’il y a peut-être quelques lueurs de changement dans le panorama éditorial en Angola. J’applaudis donc et j’attends avec gourmandise de recevoir enfin les dizaines de titres que publient, publieront, ou ont publiés les INALD, Nzila, Kilombelombe et autres conservatoires de la jeune science angolaise.
41 Alors, pourrais-je enfin faire passer de 3 % à peut-être 30 % la part des ouvrages angolais dans l’actualisation de ma bibliographie angolaise si coupablement sous-informée. [Le compte rendu de ces deux ouvrages a été transmis à la Revue Tiers Monde par la revue Lusotopie qui a suspendu sa parution depuis son dernier volume de décembre 2009 : <www.lusotopie.sciencespobordeaux.fr>]
42 René Pélissier
Jean-Bernard Ouédraogo, Habibou Fofana (dir.), Travail et société au Burkina Faso. Technique, innovation, mobilisation, Paris, L’Harmattan, 2009, 248 pages, ISBN : 978-2-296-09292-1, 23 €
43 Cet ouvrage est composé de huit chapitres rédigés par différents auteurs qui traitent de la situation du travail au Burkina Faso. Ce monde du travail burkinabè est analysé à partir des domaines suivants : le système de production des menuisiers-soudeurs de la ville de Ouagadougou, l’expérience des « Cercles de qualité » dans trois institutions, la politique syndicale étudiante au sein de l’université de Ouagadougou, les bénéficiaires de la sécurité sociale, la riziculture moderne à Tiébélé, le travail à l’usine de textile Faso Fani de Koudougou, l’innovation technologique dans l’Ouest du pays et, enfin, les usages sociaux du manège d’ânes dans le Zoundwéogo.
44 La contribution de Jean-Bernard Ouédraogo a le grand mérite de centrer son investigation sur un des secteurs économiques les plus florissants, le secteur dit informel. L’auteur étudie une vingtaine d’ateliers de menuiserie métallique de la ville de Ouagadougou pour montrer que la question des logiques et des mécanismes de « l’entreprise » nécessite la prise en compte des modalités historiques de constitution des unités de production. Le co-directeur précise aussi que l’enjeu de l’apprentissage est énorme. Le commentaire de Jean-Bernard Ouédraogo est pertinent et il se fonde sur une littérature abondante. Mais il ne dit pas exactement combien de chefs d’ateliers et combien d’apprentis menuisier-soudeurs ont été interrogés. Par ailleurs, le témoignage des apprentis quant à leurs conditions de vie et de travail n’apparaît pas au grand jour. Cela aurait permis, à notre sens, d’analyser le type de relation qui existe entre apprenti et chef d’atelier au sein d’une entreprise privée à la recherche de profits. Dans son chapitre, l’autre directrice de l’ouvrage, Habibou Fofana, analyse les conditions techniques, sociales et idéologiques des possibilités de « dialogue » en situation de travail, qui sont toujours liées à la dynamique des appartenances et des configurations sociales au sein de l’entreprise. Pour justifier sa thèse, Habibou Fofana s’intéresse particulièrement au Cercle de qualité (CQ) des entreprises Carfo, Fasoplast et des Services de chirurgie et de pédiatrie du Centre hospitalier national Yalgado Ouédraogo. Si, dans sa « formation des identités sociales », le recrutement du personnel permet de distinguer les catégories de travailleurs à la Carfo et à Fasoplast, le critère de recrutement des travailleurs de l’hôpital Yalgado Ouédraogo n’est pas défini. Quant à la partie de ce chapitre qui traite de la qualification, de la qualité et de la compétence, la co-directrice du présent ouvrage ne nous renseigne pas du tout sur le niveau d’instruction des travailleurs de l’hôpital Yalgado Ouédraogo. Enfin, sa « logique des mobilisations du travail » ne montre pas comment le CQ a fonctionné dans cet hôpital avant d’être suspendu.
45 L’auteur du troisième chapitre, Gabin Korbéogo, rend compte des manœuvres syndicales étudiantes au sein de l’université de Ouagadougou. Les principaux responsables syndicaux étudiants ont apporté leur témoignage sur la politique syndicale à l’université de Ouagadougou. Mais, pensons-nous, il aurait été aussi intéressant d’avoir des entretiens avec des responsables des associations de la Fédération africaine de parents d’élèves et d’étudiants, des responsables de l’Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB), des enseignants chercheurs de l’université de Ouagadougou, des responsables en charge du ministère des Enseignements secondaires, supérieurs et de la recherche scientifique (MESSRS), le recteur de l’université de Ouagadougou. Leurs avis sur la politique syndicale étudiante burkinabè en général, leur soutien ou non aux luttes syndicales des étudiants du Burkina Faso, sont tout aussi importants à prendre en considération.
46 Ousséni Domba, dans le quatrième chapitre, a à cœur de comprendre l’articulation des logiques de deux acteurs que sont la sécurité sociale et ses bénéficiaires. Il montre dans son analyse, un développement industriel et de nouveaux rapports sociaux, de nouvelles fonctions sociales de l’assistance, la recherche des valeurs perdues... Son argumentation prend en compte les témoignages des bénéficiaires. Cependant, nous pensons qu’il aurait été intéressant d’obtenir des entretiens approfondis auprès d’autres catégories sociales de bénéficiaires (fonctionnaires, retraités, veuves, orphelins...), afin qu’ils se prononcent sur les avantages que l’institution leur offre, les investissements réalisés par et grâce aux allocations, les difficultés rencontrées pour bénéficier des allocations.
47 L’auteur du cinquième texte, Alexandre W. Darga, souligne que la rencontre de deux logiques productives ne peut manquer de fabriquer un ordre différent issu d’un nouvel équilibre, fondement de valeurs et d’intérêts confrontés au sein d’une modernité paysanne locale. Il définit clairement la répartition des tâches, les rites et interdits dans la riziculture. Il traite des discours critiques dans la plaine rizicole de Tiébélé. L’auteur affiche également des statistiques. Cependant, quelques précisions s’avèrent nécessaires : si les Gurunsi de Tiébélé constituent 95 % dela population dont 72 % à Kasséna et 23 % à Nankana, les 5 % restants de la population totale de Tiébélé sont des ressortissants de quel groupe ethnolinguistique ? Quel est exactement le nombre d’exploitants enquêtés à Tiébélé ?
48 Avec Salomon Ouédraogo, nous nous situons résolument dans l’univers de l’usine Faso Fani. Selon l’auteur, trois moments pertinents des relations dans le travail sont pris en compte dans leur interrelation. Il s’agit fondamentalement de la force de travail ouvrière, de la normalisation capitaliste et de l’espace social général. L’auteur ne précise cependant pas combien d’ouvriers permanents et temporaires ont été enquêtés. De même, il conviendrait d’harmoniser les données statistiques qui sont indicatives et très significatives pour obtenir des totaux de 100 %.
49 Ahmed Aboubacar Sanon étudie, dans le septième chapitre, l’évolution technique liée au passage de la houe à la charrue. À la question centrale de savoir quelles modalités, quels ajustements s’opèrent dans la production entre le geste et la croyance, l’auteur de ce chapitre explore non seulement l’univers bobo dans l’ouest du Burkina Faso, mais encore, s’appesantit sur les usages sociaux de la houe et de la charrue. Malheureusement, nous ne disposons pas de quelques retranscriptions écrites des entretiens avec les usagers sociaux de la houe et de la charrue.
50 Le dernier chapitre est consacré aux bénéficiaires du manège d’ânes pour puiser l’eau dans le Zoundwéogo, chef-lieu de la province de Manga. Zakaria Compaoré analyse le mode d’adoption du manège et de sa (ré) appropriation sociale dans des villages. L’auteur avance des analyses intéressantes, mais ne se fonde sur aucun témoignage retranscrit des responsables du PDI/Z, ni des populations des cinq villages concernés par l’innovation technologique.
51 Les textes proposés ici répondent à l’objectif initial d’une (re)connaissance du travail dans sa complexité et son historicité propre. La situation du travail au Burkina Faso connaît en effet des bouleversements sociaux et des transformations de liens sociaux inédits. Dans ce contexte précisément, oser entreprendre une étude de sociologie de travail comme l’ont fait ce collectif d’auteurs, c’est comprendre d’abord et interpréter ensuite le travail laborieux au quotidien que font les burkinabè dans tous les secteurs de la vie ; c’est également percevoir et analyser le tissu social qui se lie et qui se désintègre aussi.
52 L’extrême diversité des cas pose néanmoins un problème de théorisation plus globale et comparative, tant au Burkina Faso qu’entre ce pays et d’autres pays africains. Entre une dédicace à Michel Verret, l’un des initiateurs marxistes de la sociologie du travail française, des références africanistes à l’anthropologue Claude Meillassoux ou à l’historien Frederick Cooper ou aux auteurs de l’ouvrage collectif dirigé par Michel Agier, Jean Copans et Alain Morice, il est difficile de saisir une méthodologie rigoureuse. Mais remettre le travail à l’ordre du jour de la recherche africaniste est une bonne chose (le titre de l’introduction est d’ailleurs symbolique : « Le travail africain introuvable ? »). Encore faut-il que les réflexions des auteurs soient mieux partagées et débattues car on a trop l’impression de lire une collection de textes disparates qu’une sociologie assumée de manière plurielle et collective à la fois.
53 Jacques Philippe Nacoulma
54 Ceped
ASIE
Harish Kapur, India in our Times : An Experiment in Democracy, Delhi, Gyan Press, 2010, 314 pages, ISBN : 978-8- 1212-1065-2, 540 roupies
55 Professeur honoraire à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève, Harish Kapur présente une synthèse de la vie politique et sociale de son pays d’origine en distinguant l’ère coloniale, ses ombres, ses apports et l’évolution depuis l’indépendance en 1947.
56 L’auteur met en relief les grandes étapes du système politique : Nehru, sa fille, son petit-fils aux commandes avec un parti du Congrès dominant jusqu’en 1989. Puis commence la phase des gouvernements de coalition qui perdure jusqu’à aujourd’hui, avec ses inconvénients, ses lenteurs, ses marchandages. En même temps le niveau de la classe politique s’est dégradé : corruption, opportunisme, avec des différences au niveau des États. Les violences : troubles entre Hindous et Musulmans, districts secoués par des mouvements maoïstes... Et pourtant, l’Inde est restée un des États les plus stables d’Asie. Le système démocratique, grâce au règne de Nehru (1947-1964), a pris racine et n’est guère contesté. Les institutions fonctionnent de manière régulière.
57 Au plan économique, après la phase socialisante jusque vers 1980, l’Inde est entrée dans l’ère des réformes, de l’ouverture sur le monde, de la baisse des pesanteurs bureaucratiques. La croissance s’accélère accompagnée par la montée des classes moyennes, des débuts de la société de consommation. Les disparités de revenu augmentent, mais la misère recule. Du même coup, la société évolue. Les castes restent vivaces, mais connaissent des modifications, tandis que l’éducation progresse avec ici aussi les contrastes entre de brillantes élites dans tous les domaines, des centres d’études de très haut niveau, mais aussi des masses d’étudiants sortant d’universités médiocres et peinant à trouver du travail.
58 Malgré de sérieux handicaps, dont les infrastructures, le poids des nombres (environ 1,37 milliard d’habitants, malgré une baisse de la natalité), l’Inde est bel et bien un pays émergent comme le fait bien ressortir Harish Kapur.
59 Gilbert Étienne
60 IHEID, Genève
PROCHE ET MOYEN ORIENT
Alternatives Sud, État des résistances dans le Sud 2010, Monde arabe, vol. XVI, n? 4, Louvain-la-Neuve, Centre tricon tinental/Syllepse, 2009, ISBN : 978-2- 8495-0253-2, 13 €
61 Cette livraison de l’État des résistances dans le Sud, consacrée au monde arabe, prend comme point de départ un cliché, un ensemble de lieux communs, qui structurent l’imaginaire occidental en matière de dynamiques contestataires dans cette région : les autoritarismes auraient éliminé les forces de résistance et les acteurs potentiels de la contestation ne se manifesteraient que comme émeutiers irrationnels et violents, contrastant avec une apathie générale, ou encore comme fondamentalistes religieux anti-modernistes et antidémocratiques eux aussi. Les corporatismes autoritaires auraient absorbé les conflictualités de classe dans des organisations d’encadrement qui auraient permis la neutralisation des capacités protestataires par divers moyens, notamment par la répression. De surcroît, à prendre au pied de la lettre le tropisme des chercheurs, les mouvements islamistes seraient aujourd’hui quasiment les seuls objets d’étude dignes de leur attention.
62 Cet ouvrage, et en particulier les quinze courtes monographies qui traitent chacune d’un pays, montre au contraire la vitalité des mouvements sociaux dans le monde arabe et la grande diversité de leurs revendications, de leurs registres et de leurs formes. La « rue arabe », construite comme un mythe essentialisé (Bayat), ne représente qu’un lieu parmi d’autres d’observation de contestations et de protestations évolutives, qui se tournent vers des stratégies d’« empiètement silencieux », développent de nouveaux moyens de coordination, investissent de nouveaux espaces et les cybertechnologies. La contestation dans le monde arabe doit en effet compter avec la fermeture de l’espace politique, euphémiser certaines de ses causes, saisir les opportunités, au risque de sembler parfois éviter les débats politiques fondamentaux. Il est souvent difficile de distinguer les désaccords ou fronts idéologiques, religieux, corporatistes stratégiques, économiques ou de classe, de les ordonner, d’y lire des rapports de priorité ou de subordination, de faire sens d’actions et de positionnements qui peuvent sembler profondément contradictoires.
63 L’extrême pluralisme des acteurs en lice, et de leurs relations, transactions, jeux, alliances..., transparaît en particulier dans les analyses, qu’elles soient centrées sur un pays ou transversales, qui traitent de la « société civile ». Segmentées, polymorphes, inféodées ou contestataires, de service ou de plaidoyer, progressistes ou conservatrices, les organisations de la société civile se multiplient dans le monde arabe, entretenant des rapports complexes, et souvent dépendants, avec les pouvoirs (Ferrié, Khader).
64 Une ligne de clivage apparaît néanmoins comme transversale, divisant autant d’ailleurs les mouvements et tendances entre eux que les traversant (Dot-Pouillard) : la question sociale, pourtant souvent euphémisée en formulations catégorielles, voire anecdotiques. Les contradictions internes aux mouvements, entre visions néolibérales, contraction de l’État social et soutien populaire, sont aussi le reflet d’une crise de la gauche dans le monde arabe, qu’on l’observe du point de vue des projets socialistes et redistributeurs des États, ou de celui des organisations ouvrières. Ces dernières, étudiées par E. Gobe, ont essentiellement joué le rôle de rouage participant au maintien de l’ordre public et de la paix sociale, d’encadrement de la contestation et de protection des privilèges du pouvoir, nonobstant des épisodes d’autonomisation et de confrontation avec les structures de l’« autoritarisme bureaucratique ».
65 On pourrait se demander si une autre question, pourtant assez négligée par l’ouvrage, ne pourrait pas elle aussi être appréhendée comme une ligne de tension transversale aux organisations et mouvements : celle qui concerne les transformations de la famille et des relations de genre, qui font l’objet, dans la plupart des pays arabes, de fortes crispations. Dans l’ensemble des pays, on constate en effet l’extension et la visibilité accrue des féminismes, l’essor de débats autour de la réforme du droit de la famille, la poussée de remises en cause de l’impunité des auteurs de crimes d’honneur, la mise en route de chantiers d’aménagement des droits du travail et de la protection sociale pour accommoder la multiplication des femmes seules, actives ou responsables de foyer, et, enfin, le renforcement de la place des femmes dans l’espace public et politique. Cette puissante vague de fond, qui divise et rassemble des forces en alliances parfois inattendues, aurait peut-être mérité un peu plus d’attention.
66 Par-delà les clivages multiples, les tensions permanentes, les scissions et les brouilles, N. Dot-Pouillard montre que les mouvements islamistes, nationalistes et de gauche partagent des valeurs fondatrices, et en premier lieu une « “idéologie implicite” nationalitaire à caractère tiermondiste » (p. 176). La question nationale, entendue au double sens de droit à l’autodétermination des États-nations et d’anti-impérialisme s’opposant à un Occident colonisateur, fonctionne en effet comme un « élément surdéterminant du politique dans la région, et semble même définir la légitimité – et la longévité – de tel ou tel courant » (p. 185). Cet éclairage, qui actualise des analyses de Maxime Rodinson, pourrait faire écho à l’usage répété et presque incantatoire, mais non explicité, de l’épithète « post-colonial » pour définir les États arabes dans l’introduction de l’ouvrage (Duterne). Autant l’on comprend la prégnance de l’anti-impérialisme comme réponse idéologique structurante à la « contradiction principale » que mentionne N. Dot-Pouillard, autant le fait d’amalgamer tous les États sous le même qualificatif de « post-colonial », en dépit d’une grande diversité de trajectoires et de relations avec l’Occident, semble occulter le besoin d’analyses plus fines, comme le souligne d’ailleurs le débat actuel autour des études post-coloniales. Les ruptures historiques, contradictions et tensions autour des interventions et de la présence massive de puissances, de capitaux et d’armées étrangères dans un certain nombre d’États arabes, et l’occupation de la Palestine, constituent en effet autant de défis à une lecture en termes de « post ».
67 Blandine Destremau
68 CNRS/LISE
DIVERS
Pierre Tripier (coord.), Minoritaires et légitimes, Cahiers du Genre, 2010, 270 pages, ISBN : 978-2-296-11895-9, 24,5 €
69 Le titre indique bien les techniques – statistique et sociologie – qui seront utilisées dans les différentes contributions de ce numéro de la revue. La statistique qui permet de cerner la place limitée occupée par les femmes dans différents secteurs de l’activité économique, si elle est utilisée par tous les intervenants, l’est particulièrement dans la contribution de Paola Cappelin « Plafond, parois de verre ou ciel de plomb ? De la persistance des inégalités ». Elle étudie la place occupée par les femmes dans les postes élevés de direction et de management au Brésil au cours de la période 1996- 2006. Avec des salaires qui ne sont que de 57,6 % de ceux des hommes pour des niveaux d’études identiques, les femmes n’occupent que 10,39 % des postes de président et de l’encadrement supérieur ; elles sont confinées dans des fonctions de gestion (ressources humaines en particulier) ou de coordination bureaucratico-administrative, alors que les hommes se réservent les postes d’intermédiation financière. On voit ainsi ce que peuvent évoquer les expressions de parois et de plafond de verre ; l’interview d’une directrice commerciale retraçant les avatars de son cursus professionnel en donne une bonne illustration. Deux articles de Maximo Badaro et Emmanuèle Prévot consacrés respectivement aux carrières féminines dans l’armée en Argentine et en France soulignent l’importance de la virilité dans des métiers où l’on observe un « lien naturalisé entre les hommes, l’armée et la violence » (p. 61). À la division sexuée du travail militaire et au mode masculin de construction des identités et des moralités professionnelles (parfois intériorisés par les femmes elles-mêmes) correspondent des relations de sexe fortement typées et de stigmatisation des femmes qualifiées en Argentine de « cafards » et « nègres » tandis que les hommes se considèrent comme des « panthères ». On retrouve des stéréotypes analogues dans le transport aérien étudié (en particulier sous les angles du droit individuel à la formation (DIF) et de la validation des acquis professionnels (VAE)) par Louis Marie Barnier. La division sociale du travail s’inscrit ici dans des normes de genre avec métiers masculins techniques (pilotes, mécaniciens, marqués par « l’amitié virile du cockpit », p. 111) et métiers féminins commerciaux (hôtesses de l’air, stewards ou agents d’enregistrement, placés « presque constamment sous le regard des passagers », p. 112). Si la sociologie, avec l’analyse en termes de statut, était déjà présente dans les articles examinés, c’est essentiellement elle qui est utilisée dans les contributions suivantes. Martine Borelly étudie le métier de chef de cuisine avec ce paradoxe que si la cuisine domestique est un savoir-faire socialement construit comme féminin, le métier de cuisinier professionnel dans la cuisine gastronomique ou la grande cuisine est masculin. Organisé autour des valeurs de hiérarchie, de commandement, de force, de discipline et, dès lors, il y a un « coût de la transgression » (célibat, absence d’enfants) pour les femmes à vouloir y accéder. Dans un environnement machiste – « faire la cuisine : une tâche de femme, un métier d’homme » (p. 129) –, les femmes accèdent difficilement au poste de « cheffes de cuisine » et sont plutôt confinées dans les métiers de la salle. On observe la même difficulté pour les femmes à accéder à des positions artistiques légitimes dans le monde du jazz étudié par Marie Buscetto. Être leader au féminin est un parcours semé d’embûches, requérant des stratégies de transgression car il faut savoir « fermer la séduction » (p. 161) ou « trouver un conjoint homogame » pour espérer y faire carrière. Si nous quittons le monde du travail, nous ne sortons pas cependant du sexisme avec l’article d’Irène Jonas consacré à la photographie de famille. Dans les années 1960, apparaissent deux types d’appareils, soit le reflex 24x36 proche du matériel professionnel et qu’utiliseront les hommes, et l’Instamatic Kodak pour lequel « deux mouvement parallèles et évidemment liés sont observables, d’une part un processus de sexuation de l’objet Instamatic et, d’autre part, un processus de construction de la féminité dans la pratique photographique familiale » (pp. 175-176). On trouvera enfin dans ce riche numéro des Cahiers du genre une étude de l’œuvre de Colette Guillemin par Delphine Naudier et Éric Soriano, œuvre consacrée à l’analyse des rapports sociaux de race en France liant les notions de race et de sexe aux rapports et pratiques de pouvoir.
70 Guy Caire
71 Université Paris X – Nanterre
Notes
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[1]
D’après une citation de Frantz Fanon. Les lecteurs pressés pourront lire son article dans Télérama et son entretien à France culture en octobre 2010, sa contribution à Ruptures postcoloniales (La découverte, 2010) et son article dans Politique africaine (n? 119, octobre 2010).
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[1]
Voir Jean-François Bayart, 2010, « Les très-fâché(e) s des études postcoloniales », Fasopo, n? 23, mars, en réponse notamment à l’article de Florence Bernault, 2010, « Les Barbares et le rêve d’Apollon » in Mbembe A., Verges F., Bernault F., Boubekeur A., Bancel N., Blanchard P., Ruptures postcoloniales, Les nouveaux visages de la société française, Paris, La découverte.
-
[2]
Ashcroft B., Griffiths G., Tiffin H., 1989, The Empire Writes Back, Londres, Routledge ; Spivak G.C., 1988, « Can the Subaltern Speak ? » in Nelson C., Grossberg L., Marxism and the Interpretation of Culture, Chicago, University of Illinois Press ; Spivak G.C., 1999, A Critique of Post-Colonial Reason : Toward a History of the Vanishing Present, Harvard University Press.
-
[1]
Lisbonne, Tinta-da-China, 2009, 469 pages.
-
[2]
L’auteur fait référence au plus grand marché informel de Luanda.