Notes
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[*]
Directeur, Université de Californie, Centre de Sacramento.
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[1]
- CRYSTAL, DAGES et GOLDBERG (2002) défendent cette thèse à partir de données incomplètes couvrant les années 1997-2000 fournies par les organismes de cotations boursières et les banques sur les sociétés bancaires nationales et étrangères opérant en Amérique latine.
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[2]
- CLARKE et al. (2002), dans un article de fond écrit pour le World Development Report de 2002, observent que les travaux sont peu nombreux sur les motivations ou sur les effets des fusions bancaires transfrontalières. La littérature est abondante s’agissant des fusions à l’intérieur d’un pays ; voir DYMSKI (1999) et BERGER et al. (1999). L’approche que nous suivons ici est implicitement soutenue par les résultats d’AMIHUD et al. (2002) montrant que les fusions transfrontalières ont peu ou pas d’impact sur le risque bancaire ou sur la valeur.
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[3]
- Les banques coréennes détenaient à la fin des années 1980 de 15 à 20 % de créances douteuses (CLIFFORD, 1988). Notons que ces « prêts politiques » étaient l’une des composantes d’une structure économique qui aboutit à l’extraordinaire croissance économique des 30 années qui ont précédé la crise de 1997 (DEMETRIADES et FATTOUH, 1999 ; DEMETRIADES et LUINTEL, 2001).
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[4]
- De nouvelles dettes douteuses s’accumulaient, qui aggravaient le problème des anciennes. Le Far East Economic Review (4 octobre 2001) notait qu’ « entre septembre 2000 et mars 2001, les 16 plus grandes banques japonaises vendirent ou annulèrent pour 4 400 milliards de yens de prêts accordés à des emprunteurs répertoriés comme “en faillite” ou “probablement en faillite”. Le montant des prêts entrant dans ces catégories a pourtant à peine chuté, passant seulement de 12 700 milliards à 11 700 milliards de yens parce que de plus en plus d’emprunteurs se montraient incapable de faire face à leurs échéances ».
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[5]
- Depuis 1983, le système coréen intégrait un certain degré de participation étrangère, depuis la création de la KorAm par Bank America et 17 partenaires coréens. Bank America détenait 49,9 % des parts de KorAm.
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[6]
- BAE et al. (2002) montrent que les chocs que subissent les banques coréennes affectent également les entreprises qui sont leurs clientes.
-
[7]
- BOGNINI, FERRI, et KANG (2000), et BOGNINI, CLAESSENS, et FERRI (2000).
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[8]
- Selon le Far Eastern Economic Review (23 Août 2001) : [CEO] « Kim veut faire de Kookmin un colosse dans le domaines des services aux consommateurs, en empruntant sur les bénéfices de ses activités lucratives telles que les cartes de crédit et les prêts immobiliers privés. Il envisage d’abandonner la clientèle de masse pour offrir des services privés aux clients fortunés. Le glissement sera effectué vers les services financiers personnalisés, tels la vente d’assurances par les agences de la banque et la gestion de fonds communs de placement. »
-
[9]
- D’autres analystes (CROTTY et DYMSKI, 2001 ; LANDSBERG-HART et BURKETT, 2001 ; SHARMA, 2004) sont plus sceptiques et attribuent en partie la crise coréenne de 1997 à une libéralisation financière inconsidérée intervenue au milieu des années 1990.
-
[10]
- Par exemple, la HCB (Housing and Commercial Bank) se vit donner en juillet 1997 une nouvelle orientation stratégique : elle devait se privatiser et se développer au-delà du secteur de l’habitat dans lequel elle était spécialisée depuis 1967. La crise financière s’en mêla : HCB se vit confier la tâche de reprendre une banque régionale à Pusan (la Banque Dongnam), alors même qu’elle devait affronter une chute catastrophique de 20 % ou plus du marché de l’immobilier.
-
[11]
- Les problèmes de stabilisation de la rentabilité des prêts peuvent être attribués à la fois à la réduction de la valeur marchande des entreprises après la crise (MARONY, NAKA et WANSI, 2004) et aux difficultés rencontrées par les banques coréennes à fournir au moment voulu des crédits suffisants aux entreprises emprunteuses (BAE, KANG et LIM, 2002).
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[12]
- Comme le notent KLINGEBIEL et al. (2001), un sauvetage subventionné par l’État n’est pas le moyen le plus crédible pour donner le signal que sont engagées des réformes financières libérales.
-
[13]
- Le coût du sauvetage des banques atteignait 133 milliards de dollars en 2003 (ECONOMIST INTELLIGENCE UNIT, 19 juin 2003).
1 De tous les pays affectés par la crise financière asiatique de 1997, c’est la Corée du Sud qui mène le peloton : la croissance du PIB y est forte, et les réserves ont atteint des niveaux records. Il peut donc paraître surprenant de devoir constater que le secteur financier coréen a connu des turbulences pendant presque toute la période postérieure à la crise. Cet article réexamine les causes et les conséquences de ces turbulences bancaires, plus particulièrement s’agissant de la vague actuelle de fusions dans le secteur bancaire. Il sera accordé une attention particulière aux conséquences économiques et sociales des changements intervenus dans le système bancaire au cours de la dernière décennie, plus particulièrement depuis 1997.
2 Beaucoup d’analystes ont affirmé que les économies impliquées dans la crise financière asiatique obtiendraient de meilleurs résultats si la gestion financière était améliorée, si les flux transfrontaliers de capitaux étaient libérés et les fusions transfrontalières entre établissements bancaires plus facilement autorisées. Améliorer la gestion, c’est à la fois mieux assurer le contrôle de la discipline financière des banques nationales et éliminer les rentes improductives réclamées par de puissants intérêts locaux (AGENOR, 2001). Dans cette hypothèse, la restructuration actuelle du système bancaire coréen apparaît comme la conséquence inévitable de l’exposition d’un secteur bancaire coréen inopérant à la concurrence mondiale. Les acquisitions par les mégabanques mondiales des banques des économies en développement améliorent manifestement les performances du secteur bancaire puisque ces mégabanques sont plus efficaces, qu’elles sont plus liées aux marchés, et qu’elles sont régulées par des autorités bancaires plus expérimentées. De sorte que l’expansion mondiale des mégabanques du premier monde (et dans le cas de la Corée, les fusions et acquisitions qui aboutissent à la pénétration de nouvelles mégabanques étrangères) permettra d’atteindre des niveaux de bien être universellement plus élevés [1].
3 Nous contestons ici cette thèse. Il n’existe a priori aucune raison de penser qu’une vague de fusions transfrontalières n’aurait que des conséquences bénéfiques pour la Corée. D’une part, la crise bancaire n’est pas en Corée le résultat de l’improductivité de ses intermédiaires, ou de leur politique de recherche de rentes (rent seeking), mais ses racines plongent au contraire dans la crise financière structurelle régionale régnant en Asie orientale depuis 1990. D’autre part, les nombreuses fusions bancaires qui ont eu lieu depuis 1997 ont surtout débouché sur l’augmentation de la dette publique, tandis que les gains allaient essentiellement à des fonds privés d’investissement étrangers. Les fusions les plus récentes sont liées à un projet tendant à faire de la Corée un pôle régional des affaires ; si le projet échoue, il alourdira le poids de la dette pour les citoyens coréens.
4 On a jusqu’ici ignoré l’impact que pourrait avoir cette évolution du secteur bancaire sur les ménages aux revenus modestes et sur les petites entreprises coréennes ; cet impact pourrait bien être néfaste en ce qu’il prépare à la Corée un avenir d’inégalités économiques et de fracture sociale. L’expansion des mégabanques dans les économies en développement est certainement un facteur d’amélioration du bien-être de certaines catégories économiques, mais cette expansion est associée à des évolutions dans le secteur bancaire qui génèrent des perdants autant que des gagnants.
5 La section suivante pose le cadre de l’évaluation des fusions bancaires transfrontalières. Puis, nous résumerons et réexaminerons l’histoire récente de la crise financière en Asie orientale. Nous passerons ensuite en revue l’évolution du système bancaire coréen depuis la crise de 1997, avant de tenter une évaluation critique de ses possibilités d’avenir.
I – LES FUSIONS BANCAIRES TRANSFRONTALIÈRES : LE CADRE
6 Beaucoup d’analystes ont avancé l’idée que les fusions bancaires seraient la conséquence quasi automatique de la croissance continue des évolutions des technologies bancaires tendant à améliorer les économies d’échelles. C’est ce que nous contestons ici : cette hypothèse présuppose l’existence de marchés efficaces, l’existence d’économies d’échelles dans la majeure partie des activités principales des banques et que les banques ont peu ou pas d’impact sur l’équilibre des marchés financiers, de sorte que les prêts seraient accordés quoi qu’il arrive (DYMSKI, 1999, 2002). Dans cette section, nous apportons une réponse structuralo-institutionnelle au problème de l’explication des fusions bancaires [2]. Très simplement, les fusions bancaires transfrontalières ont lieu à l’occasion de conjonctions particulières dans le temps et dans l’espace, entre les stratégies des banques et les conditions macrostructurelles.
1 – Stratégie bancaire et fusions bancaires
7 Avant d’aborder le problème des relations entre fusions et stratégies bancaires, nous examinerons d’abord le rôle de la stratégie dans le comportement per se des banques. Les deux choix stratégiques clés sont : quels sont les moyens permettant de générer des recettes et quels sont les clients ciblés. Les deux catégories de rentrées les plus importantes sont : les intérêts et les frais prélevés sur les services. Ces deux catégories sont liées à deux stratégies de marketing différentes. L’accent sera-t-il mis sur les clients avec lesquels la banque espère faire longtemps affaire, ou sur les services qui génèrent ponctuellement un maximum de bénéfices ? Dans le premier cas, la banque doit satisfaire aux besoins fondamentaux du client et façonner ses préférences et habitudes financières en utilisant pour le retenir l’outil des bonifications. Notons que les banques extraient à la fois des intérêts et des frais bancaires aussi bien sur les clients fidèles que sur les clients ponctuels (par exemple les pénalités de retard sur les remboursements sur cartes de crédits).
8 À l’inverse, préférer les rentrées ponctuelles implique que la banque mette l’accent sur la fourniture de services (transferts télégraphiques, dossiers de prêts, garanties d’émission, etc.) pour lesquels les clients vont payer des frais. Il y a plusieurs manières de générer ces rentrées ponctuelles sur frais bancaires. L’une est de fournir des services pour des clients à la recherche d’outils ponctuels (par exemple les dernières méthodes de stérilisation des risques) ; une autre est de fournir des facilités rares sur le marché (être en capacité de garantir ou fournir un prêt relais pour une fusion de 30 milliards de dollars). Une troisième méthode consiste à trouver le moyen de fournir un service existant (transferts télégraphiques pour travailleurs migrants) à des prix inférieurs à ceux pratiqués par les autres banques. Les clients reviendront s’ils ne peuvent trouver le même service ailleurs ou s’ils ne trouvent pas moins cher. Chaque fois qu’ils reviennent, ils génèrent des rentrées pour la banque. La ligne stratégique n’est plus l’entretien des relations avec la clientèle, mais la création et l’amélioration de services très demandés au juste prix.
9 Notons que les banques peuvent avoir des approches stratégiques mixtes. Par exemple, Citibank offre à la fois des services suivis pour une élite de clients, des services suivis standards pour ses clients haut de gamme, et des services ponctuels, à la transaction, pour les clients à plus faibles revenus. Elle finance également des sociétés qui fournissent des prêts à intérêts élevés à des clients à risques.
10 Voyons maintenant le choix stratégique que doit opérer une banque lorsqu’elle décide de fusionner avec une autre banque ou de l’acheter. Notons d’abord qu’une fusion entraîne un accroissement de l’échelle des activités bancaires. La question clé est donc celle de savoir quelles seront les opérations qui prendront de l’ampleur. Si l’objectif est d’attirer plus de clients fidèles, une fusion n’est faisable que si la banque dispose des moyens lui permettant de s’engager dans une politique de relations clientèle. Les rentrées nettes à long terme résultant de cette amélioration du contact avec les clients doivent être supérieures aux coûts à court terme générés par la transition, le recyclage du personnel et la perte de clients. Si la clientèle traditionnelle de la banque a des exigences particulières, ou si le personnel possède une base de connaissances qui ne peut être reproduite, une fusion exigera de bouleverser la culture interne à la banque. Supposons à l’inverse que la banque qui fusionne cherche à avoir accès à un plus grand nombre de clients ponctuels, c’est-à-dire à augmenter la masse des services financiers payants. Là encore le calcul du rendement sur capital doit être fait : le surcroît des frais engrangés doit être supérieur aux coûts de la mise en place de nouveaux points de vente.
11 Autre décision stratégique connexe : celle de la banque décidant de se spécialiser soit dans la gestion des patrimoines, soit dans l’octroi de prêts. Il s’agit ici d’adapter une distinction faite par le CEPAL (2001) entre investissements directs étrangers partant à la « chasse aux clients » (customer-seeking) et investissements directs étrangers dirigés « vers la production » (production seeking). Dans le monde de la banque, une fusion ou acquisition ayant pour objectif la « chasse aux clients » (l’équivalent de l’investissement direct étranger) signifie que la banque cherche à accroître son passif, c’est-à-dire ses comptes sur dépôts et autres outils de gestion de patrimoines. À l’inverse, une fusion orientée vers un surcroît de production vise à augmenter les opérations de prêts. La recherche de nouveaux clients n’a pas à être équilibrée par la production de nouveaux prêts puisque les actifs drainés peuvent être opposés aux crédits et autres instruments financiers issus d’autres marchés nationaux.
2 – Les éléments macrostructurels des fusions bancaires transfrontalières
12 Toute banque potentiellement en recherche de fusion, comme toute banque ciblée par elle, est insérée dans une situation macrostructurelle comme suit :
- Le cadre national et international des politiques de régulation du système bancaire, ajouté à la structure nationale traditionnelle de ce système, lesquels déterminent les combinaisons possibles à l’intérieur comme au-delà des frontières, les risques encourus par toute institution cherchant à y pénétrer et la facilité ou la difficulté avec laquelle il sera possible d’en sortir.
- Au sein de tout marché national, la taille relative du marché, le niveau des prix des actifs (surtout s’agissant du solde bancaire net) et les possibilités d’une extension des lignes de produits, sont les conditions qui déterminent pour une banque étrangère l’attractivité d’une fusion. La taille du marché bancaire dépend à son tour de la répartition des revenus et de la richesse, de la taille de la population, ainsi que du nombre d’entreprises non financières et de leurs moyens.
- La présence de capitaux permettant de financer les fusions bancaires (et de se débarrasser des créances douteuses), que ces capitaux soient publics ou privés (plus particulièrement l’accès des banques locales à des marchés boursiers vigoureux).
14 Les premiers éléments déterminent le type d’opportunités réalisables sur les marchés bancaires locaux. Les deuxièmes déterminent le niveau d’attractivité de ces opportunités pour les sociétés financières mondialement nomades. Les troisièmes permettent de savoir s’il y a suffisamment de capitaux pour financer les fusions et acquisitions bancaires. Sur le marché bancaire des économies en développement, l’accès des mégabanques aux marchés financiers et boursiers mondiaux est presque toujours un facteur favorable clé.
15 Pris tous ensemble, ces facteurs macrostructurels et stratégiques nous permettent de savoir quelles fusions peuvent être envisagées en un temps et en un lieu donnés. Connaissant sa taille, l’ampleur du marché financier au sein duquel elle opère et son niveau d’accessibilité à des marchés de capitaux, toute banque peut décider de prévoir ou non des fusions ou acquisitions. Il est également utile d’opérer ici une distinction entre les fusions défensives et les fusions offensives. Les fusions défensives exigent un surcroît d’efforts pour préserver les activités bancaires principales dans certaines zones données du marché, face à une concurrence externe accrue. Ces fusions exigent normalement de tailler dans les coûts, de se débarrasser des créances douteuses et de prendre toutes les autres initiatives ayant toujours pour but de décourager les concurrents susceptibles de vouloir pénétrer les marchés existants. Les fusions offensives élargissent l’éventail des activités bancaires, soit en pénétrant des marchés de produits nouveaux, soit en augmentant la base clientèle, l’objectif étant de capitaliser sur une supériorité stratégique.
II – LES CRISES FINANCIÈRES EST-ASIATIQUES ET LES FUSIONS
16 En Asie orientale, les systèmes bancaires ont un passé différent des autres, comme ils entretiennent des rapports différents avec les économies nationales. On peut identifier assez facilement cinq points de divergences entre l’édifice institutionnel du système bancaire états-unien et celui des pays d’Asie orientale. Premièrement, en Asie, les autorités étatiques sont souvent étroitement mêlées aux décisions, notamment dans le domaine de l’allocation des prêts. Dans certains cas, les ministres des Finances ont littéralement décidé du montant et du type de prêts devant être alloués à certains emprunteurs par des banques données. Deuxièmement, les grandes banques asiatiques sont souvent très proches des groupes industriels, souvent sur des bases familiales ou régionales, ce qui est moins courant ailleurs. Troisièmement, les banques asiatiques sont souvent nationalisées et/ou sont quasiment des établissements publics. L’État demande souvent aux banques de prêter des capitaux à des emprunteurs incapables de rembourser (souvent des sociétés en difficultés, publiques ou politiquement influentes). Ces « prêts politiques » aboutissent à l’accumulation de créances douteuses qui compromettent la capacité des banques à se maintenir dans le cadre des normes globales du ratio capital/actif [3]. Quatrièmement, dans les systèmes bancaires asiatiques, la fourniture de certains services financiers cruciaux aux ménages et aux entreprises est souvent organisée par des institutions publiques. À l’inverse, il n’existe pas aux États-Unis d’organismes publics fournissant des services bancaires aux secteurs vulnérables, lesquels forment précisément le secteur non bancaire du pays. Cinquièmement, les crédits à la consommation et les prêts au logement sont beaucoup moins développés en Asie qu’aux États-Unis.
17 Les pays de la région ont connu deux crises structurelles majeures depuis 1990 : l’éclatement de la bulle financière au Japon en 1990, suivie par une stagnation économique persistante du Japon, et la crise financière d’Asie orientale en 1997. Ces crises sont liées et font montre de similitudes structurelles que nous allons examiner.
1 – Crise, stagnation et système bancaire au Japon
18 Les grandes banques japonaises ont de tout temps entretenu avec l’industrie des relations analogues à celles qui liaient les banques allemandes au secteur industriel. Grâce à un fort leadership étatique et au système des keiretsu, les vastes ressources financières des banques, liées aux forts taux d’épargne des travailleurs, étaient à la disposition des objectifs des entreprises et de l’État. Voici 20 ans, ce maillage serré entre banques et groupes industriels a commencé à se fissurer. Les sociétés japonaises avaient suffisamment de liquidités pour assurer leur autofinancement de sorte que les grandes banques japonaises ont cherché de nouveaux débouchés, tels l’immobilier et le marché des valeurs. Ce fut là l’un des facteurs de la création de la bulle financière japonaise. Lorsque celle-ci éclata, en 1990, les banques japonaises se trouvèrent lestées d’une masse énorme et irréductible de prêts improductifs et de clients insolvables. Le secteur des grandes banques dans son ensemble devint insolvable.
19 L’une des réponses à cette crise d’insolvabilité bancaire fut une nouvelle vague de déréglementation, dont le Big Bang, et d’incitations en faveur des investissements directs étrangers et des fusions. Malades, les grandes banques japonaises se sont lancées dans une série de fusions défensives garanties par l’État qui les aida à se débarrasser des créances douteuses. Les plus grandes banques japonaises s’engagèrent en 1990, 1991, 1996, 1999, et 2000 dans des processus de fusions. Ces fusions nées du principe qui veut que « plus on est gros plus on est fort » n’ont pas résolu les problèmes du secteur des grandes banques : les gains en efficacité microéconomique furent faibles et l’incapacité dans laquelle se trouvaient ces banques de prêter des capitaux ont compromis toute possibilité de rétablissement économique.
20 C’est ainsi que dix ans après la période post-bulle, presque toutes les grandes banques japonaises sont impliquées dans des fusions et beaucoup d’analystes se déclarent favorables à une accélération de celles-ci (HELWEG 2000), même s’ils n’ont pas beaucoup d’espoirs de voir ces fusions résoudre les problèmes de créances douteuses des banques ou renverser la tendance de la faible croissance de l’économie japonaise [4]. La présence des banques japonaises sur les marchés états-uniens s’est également réduite, tandis que des banques d’affaires états-uniennes (MERRILL LYNCH et RIPPLEWOOD HOLDINGS) pénétraient le marché japonais (ROWLEY, 2000). Ces fusions ont pour une grande part été imposées aux banques par le ministère des Finances. La majorité de ces fusions furent, sans surprise, des fusions défensives qui n’améliorèrent pas beaucoup l’État de paralysie des banques. Ce n’est que très récemment qu’on a pu observer des signes indiquant que les banques japonaises pourraient être en train d’effectuer des mises au point stratégiques et de s’engager dans des fusions reflétant une lutte pour les positions dominantes, à la manière de Wall Street (FREDERICK, 2004, et ZAUN, 2004).
2 – La crise de 1997 en Asie orientale
21 Le déclin du Japon jusqu’à la stagnation à partir de 1989 fut suivi par un accroissement prodigieux des investissements directs étrangers et des flux de capitaux étrangers vers d’autres pays d’Asie orientale ou du Sud-Est. Ces investissements et flux de capitaux étaient attirés aussi bien par l’émergence de ces pays en tant qu’avant postes exportateurs des processus de production globalisés, que par l’accélération des phénomènes d’urbanisation et de construction d’infrastructures (ce qui aboutit à la montée en flèche des loyers et prix des terrains). La Corée joua un rôle complexe au cours de la période : elle investissait dans la construction de la capacité productive dans d’autres pays d’Asie (comme le faisait le Japon), tout en bénéficiant en même temps elle-même d’une forte augmentation des flux de capitaux entrant dans le pays. Et les banques japonaises, pourtant affaiblies par la bulle financière, accordèrent de nombreux prêts en Asie orientale et du Sud-Est au début et au milieu des années 1990, prêts beaucoup plus importants que ceux alloués par des banques européennes (qui à leur tour prêtèrent alors beaucoup plus à l’Asie orientale que les banques états-uniennes). En conséquence, lorsqu’éclata la crise, elle acheva ce qu’avait entamé la bulle financière. Comme il est montré dans DYMSKI (2002), les grandes banques états-uniennes, autrefois éclipsées par les banques japonaises, tant au niveau de leur valeur marchande que par la taille de leurs actifs, sont passées en tête et leur domination sur la scène mondiale n’a cessé de croître depuis 1990.
3 – La crise financière de 1997 en Asie et la maladie du système bancaire asiatique
22 La plupart des fusions transfrontalières effectuées parmi les banques asiatiques non japonaises sont liées au désarroi né de la crise financière. Le scénario s’est renouvelé dans tous les pays affectés par la crise financière asiatique de 1997-1998. Prenons la Corée et son système financier régenté par l’État, où les banques étaient l’outil utilisé par l’État pour distribuer les prêts (CROTTY et DYMSKI, 2001). L’efficacité du système bancaire coréen a été très largement reconnue pour son rôle dans la hausse rapide des taux de croissance du pays. Deux banques états-uniennes (la Bank of America et la Citibank) y avaient une présence limitée et aucune autre banque étrangère n’opérait en Corée [5]. Le système évolua au milieu des années 1990, lorsque la Corée demanda à entrer dans l’OCDE dont l’une des conditions était la déréglementation des activités financières. L’État autorisa la création de 24 banques d’affaires pour les activités bancaires déréglementées. Ces banques financèrent l’expansion de la production à l’étranger des chaebol, tout en se livrant à la spéculation sur les marchés étrangers.
23 Le surdimensionnement des plans de production des chaebol et l’effondrement de la monnaie coréenne provoquèrent une crise monétaire et aboutirent à la signature, le soir de Noël 1997, d’un accord avec le Fonds Monétaire International (FMI). Les restructurations industrielles et financières furent mises à l’ordre du jour : dans une économie aux liens si forts entre finance et industrie, la guérison du système bancaire était une condition préalable au rétablissement économique [6]. Les grandes banques coréennes avaient plus de chances d’être gravement affectées, mais elles avaient aussi moins de chances de se faire fermer [7].
24 Le système bancaire coréen fut décimé par les faillites et par la déstabilisation : dès mars 1998, sa valeur collective nette chutait au-dessous du milliard de dollars. Une politique nouvelle encouragea les fusions d’entreprises coréennes, financières ou pas, avec des entreprises étrangères ou nationales, de même que furent favorisés les investissements étrangers dans les entreprises coréennes. Dès 2001, selon l’Institut de Recherches SAMSUNG, cinq des 12 plus grandes banques coréennes étaient détenues par des capitaux étrangers majoritaires ; deux autres sont à participation étrangère. Les sociétés détenant des parts dans les banques coréennes sont notamment JP Morgan, Bank of America, Commerzbank, Allianz, Goldman Sachs, Bank of New York et ING. Ces banques restructurées concentrent leurs activités sur les clients haut de gamme [8].
25 Les fusions transfrontalières qui ont été réalisées dans le reste de l’Asie du Sud-Est s’apparentent à celles de la Corée : ce sont des fusions nées de la situation désespérée des banques qui voient des partenaires étrangers acheter leurs actifs au rabais. Singapour et Taïwan sont les deux exceptions. Ces fusions consécutives à la crise soulignent le passage d’un système d’allocation de prêts géré par l’État et usant d’instruments de dépôts assez homogènes, vers des opérations de détail haut de gamme, les décisions de prêts étant prises au vu de l’état du marché. C’est ainsi que, à Tokyo, le chef de l’association des banques nous dit en juillet 2000 : « Nous cherchons des clients rentables. » La concurrence faite par les institutions étrangères, telles que la Citibank, dans la chasse aux clients aux revenus les plus élevés n’a fait que renforcer ce glissement. Ces consolidations ont renforcé la tendance à la concentration. Les systèmes asiatiques sont généralement plus concentrés que dans les autres pays. En outre, dans tous les pays d’Asie orientale et du Sud-Est, à l’exception de l’Indonésie, les plus grandes banques ont systématiquement des ratios prêts-fonds propres inférieurs à ceux des autres banques (voir DYMSKI, 2003). La croissance du montant des prêts est parfois ralentie par le problème des créances douteuses qui persiste au sein de beaucoup d’institutions financières.
4 – Les analogies structurelles entre les crises japonaise et coréenne
26 La crise japonaise est la conséquence du succès même du complexe industrialo-financier japonais. Les grandes entreprises japonaises non financières étaient devenues si rentables qu’elles ne dépendaient plus de leurs partenaires bancaires privilégiés, réduisant ainsi le rôle des grandes banques, ce qui amena ces dernières à effectuer des investissements qui contribuèrent à l’apparition de la bulle spéculative, laquelle dégénéra jusqu’à entraîner la stagnation. La crise coréenne est également la conséquence du succès de la politique industrielle du pays. C’est l’expansion des entreprises coréennes sur de nouveaux marchés qui amena les autorités à demander à entrer dans l’OCDE. Cette demande aboutit à l’ouverture des marchés financiers coréens. Comme nous l’avons vu, ceci mena à la création de banques d’affaires, avec des résultats mitigés. C’est également ce qui attira un surcroît de prêts étrangers, avec des effets pervers qui aboutirent à la crise monétaire de la fin de l’année 1997. Comme nous le verrons dans la section suivante, on peut également trouver des analogies entre les deux pays dans la manière dont s’organisèrent les fusions bancaires consécutives à la crise. Dans les deux pays, les directives étatiques furent un élément clé dans l’orchestration des fusions bancaires ; et les deux gouvernements utilisèrent les outils fiscaux pour apurer les bilans des banques de leurs créances douteuses. Dans les deux pays, les initiatives prises pour augmenter les rentrées par l’extension du marché des emprunteurs ont eu des effets pervers. Dans le cas du Japon, il faut noter le rôle des prêts à l’Asie du Sud-Est et à la Corée avant 1997 ; le cas de la Corée est examiné ci-dessous.
III – LA CRISE BANCAIRE CORÉENNE CONSÉCUTIVE À LA CRISE ASIATIQUE
27 En pleine crise financière coréenne, le ministère des Finances et de l’Économie, conseillé par le FMI, se dépêcha de fermer les institutions les plus touchées. Les licences d’exploitation de dix banques coréennes insolvables furent annulées le 30 janvier 1998 (Business Korea, février 1998) ; d’autres furent supprimées au cours des mois suivants. Certaines banques d’envergure nationale furent aussi désignées pour reprendre les opérations des banques régionales insolvables ; c’est ainsi que Kookmin reprit l’actif de la Banque Daedong de Daegu, et que Shinhan reprit Dongwha.
28 Presque tout le secteur bancaire se retrouvait avec de graves problèmes d’équilibre des comptes. Beaucoup d’universitaires et de membres de groupes de réflexion de la région identifièrent les faiblesses structurelles du secteur financier coréen comme étant les causes premières de la crise et affirmèrent la nécessité d’effectuer des réformes fondamentales portant sur la structure du marché (facilité de pénétration, niveau de concurrence, et ainsi de suite) et sur le contrôle financier, réformes qui devaient assurer le retour de la prospérité en Corée (voir par exemple OH et PARK, 1998) ; ces réformes devaient être profondes pour éviter que les chaebol ne puissent continuer d’en fausser la portée économique par leur ingérence politique (LEE, LEE et LEE, 2002) [9]. Dès le milieu de l’année 1998, les fusions entre banques commerciales d’envergure nationale, puissantes ou faibles, furent planifiées et mises en place : la Banque Commerciale de Corée et la Banque Hanil fusionnèrent pour former la Banque Hanvit ; la Banque Hana reprit la Banque Chungchong en juin 1998, puis fusionna avant la fin de l’année avec la Banque Boram ; la Banque Kookmin fut amalgamée à la Banque de Crédit à Long Terme de Corée (KLB), et ainsi de suite. L’idée était à la fois de réduire les coûts en éliminant les redondances (personnel et exploitation) et de créer des « mégabanques » plus diversifiées. Par exemple, Kookmin était traditionnellement bien placée pour les opérations de prêts aux petites et moyennes entreprises, tandis que KLB était une banque de développement dont les clients étaient de grandes entreprises (Business Korea, janvier 1999).
29 Ces fusions forcées ne pouvaient être une garantie de stabilité. Tout d’abord, lorsqu’éclata la crise, nombre de ces institutions avaient entamé une transition stratégique vers une orientation définie par les marchés. Une atmosphère d’incertitude fut donc créée lorsque les ajustements exigés par le gouvernement à la suite de la crise s’ajoutèrent aux ajustements structurels ; les banques se trouvèrent ébranlées dans leurs domaines de compétences traditionnels, sans que s’installent de nouvelles directions institutionnelles [10]. Ensuite, le problème des créances douteuses ne fut pas résolu et ce n’est même que longtemps après la crise qu’en fut prise toute la mesure. Les banques qui survécurent et reprirent les institutions défaillantes se virent injecter de nouveaux fonds propres (obligations sur la KDIC – Korea Deposit Insurance Corporation) et se déchargèrent sur l’état des créances douteuses dont elles avaient hérité. Mais rien ne garantissait que les actifs qu’elles avaient conservé ne finiraient pas, à leur tour, par devenir improductifs [11].
30 L’État travailla ensuite avec les prêteurs et les emprunteurs pour réduire le problème à un niveau plus acceptable. C’est ainsi que l’État libéral, favorable aux réformes tendant à laisser faire le marché, se trouva dans la position paradoxale d’avoir à participer de près à la supervision de la réorganisation du secteur financier (LEE, 2002), participation qui ne fit que renforcer l’opinion de beaucoup qui pensaient que ce premier round de réformes devrait être suivi d’un second (par exemple, AHN, 2001) [12]. Dans certains cas, on trouva des partenaires nationaux pour les fusions. La HCB (Housing and Commercial Bank) fut vendue à Hana en 2002. Ces ententes coûtèrent très cher à l’État. Quelques banques étrangères furent donc appelées en renfort pour soutenir le capital de certaines banques. Dès 2001, Carlyle Group possédait 40 % de KorAm, Goldman Sachs 11 % de Kookmin, ING 10 % de la HCB, et Newbridge Capital 51 % de Korea First.
31 La place prépondérante prise par les fonds privés d’investissement (tels Carlyle et Newbridge Capital) souleva des inquiétudes en Corée parce que ces fonds sont à la recherche de rendements à court terme (les bénéfices sont spéculatifs) et ne se sentent nullement impliqués dans le processus de restauration de la stabilité bancaire en Corée (MIN, 2004). Mais, de toute façon, les acquisitions par des intérêts étrangers se firent moins nombreuses lorsque l’État menaça d’appliquer aux banques à capitaux étrangers la règle (valable pour les banques nationales) selon laquelle elles seraient obligées de continuer à fournir du crédit à des emprunteurs en difficulté ( « prêts politiques »). C’est ainsi que Deutschebank se retira des négociations pour l’acquisition de Seoulbank (CHOI et SOLOMON, 2001). L’ironie sera qu’un autre fonds privé d’investissement étranger, Lone Star Funds, entra alors dans la course. Le gouvernement coréen décida finalement de ne pas autoriser cette acquisition et en 2002 Seoulbank fut cédée à Hana, et non à Lone Star.
32 Ces mesures bouche-trou étaient, entre autres, un moyen d’essayer de conserver au moins quelque maîtrise étatique sur les finances. Mais plusieurs années après la crise initiale de 1997, le plan de redressement du système bancaire coréen était toujours en difficulté. La gestion et la cession par l’État des banques insolvables avaient coûté très cher [13]. Le marché coréen était pénétré par des banques d’affaires visant des gains à court terme et non par des banques commerciales orientées sur le long terme. Enfin, vers la fin de l’année 2001, le plan tendant à faciliter l’allocation de nouveaux prêts en apurant les bilans des banques des prêts improductifs rencontra également des difficultés : Hynix (précédemment Hyundai Industries Electroniques) menaça de se mettre en cessation de paiement et donc de ne pas régler sa dette de 6,6 milliards de dollars aux nombreuses banques propriétaires des créances, surtout la Banque coréenne d’Échanges, mais aussi KorAm, Kookmin et presque toutes les autres sociétés de prêts coréennes (CHOI, 2001).
33 Les efforts que faisaient les banques coréennes pour ouvrir de nouvelles lignes de crédit rencontrèrent également des difficultés. Le crédit à la consommation ouvrait une fenêtre sur un monde totalement nouveau : en 2002, ces prêts à la consommation représentaient 42 % du total des crédits, contre moins de 25 % deux ans auparavant. Au cours de la même période, les prêts à la consommation de la Banque Shinhan grimpèrent de 31 % à 50 % du total des crédits (DAY et CHOI, 2002). Mais à la fin de 2002, le poids de ces emprunts était devenu trop lourd pour les ménages coréens. Les taux d’intérêts furent relevés dans l’espoir de ralentir les secteurs de la consommation et de l’immobilier, les deux secteurs clés dans la croissance coréenne tirée par la consommation intérieure.
34 Le problème ne fut identifié que très tard. En novembre 2002 encore, un rapport de l’Economist Intelligence Unit notait des signes d’alerte, mais la croissance rapide du crédit à la consommation (la plus rapide au monde) avait « des effets plutôt positifs sur les mutations structurelles en cours... [lesquelles] sont simplement le reflet d’une économie en train de devenir mature... accompagnées de la libération d’une demande réfrénée depuis des dizaines d’années et de l’atténuation des comportements traditionnellement hostiles à l’emprunt » (ECONOMIST INTELLIGENCE UNIT, 2002).
35 En 2003, le secteur bancaire connut des problèmes de rendements suite à une hausse du nombre des crédits douteux à la consommation. Les banques furent mises en difficulté non seulement par les prêts qu’elles avaient consentis directement, mais aussi par les crédits ouverts à des prêteurs n’appartenant pas au système bancaire, tels SK Networks et LG Card (WON, 2004). Dès novembre 2003, le taux moyen des défauts de paiement des huit sociétés coréennes de cartes de crédit atteignait 14 % (SEO, 2003). Les profits des banques furent divisés par deux par rapport à 2002 lorsqu’elles durent provisionner des fonds pour compenser les pertes. À la fin de septembre 2003, le secteur bancaire avait mis en réserve 34 milliards de wons pour couvrir les pertes sur ces prêts.
36 Pendant ce temps, l’État recommençait à encourager les cessions et même les reventes des actifs bancaires à des intérêts étrangers, alors que s’aggravait la contestation sociale. Dès 2003, Hana, qui avait repris Seoulbank, était en mauvaise posture et recherchait de nouveaux capitaux à l’étranger (SINGER et CHOI, 2003). Après avoir racheté pour des milliards de créances douteuses, Lone Star Funds, qui était « l’un des plus agressifs des nombreux fonds de placement en actifs non cotés états-uniens ayant investi en Corée » (CHOI, 2003) finit par prendre des participations coréennes en acquérant la Banque d’Échanges Coréenne. Depuis juillet 1998, celle-ci était allemande à 33 % par la Commerzbank ; ses problèmes chroniques de créances douteuses poussèrent la Commerzbank à chercher à céder ses parts plutôt qu’à injecter de nouveaux capitaux. L’achat par Lone Star de 51 % de cette banque en fait la plus grande acquisition étrangère de l’histoire de la Corée (SINGER et CHOI, 2003).
IV – LE SECTEUR BANCAIRE CORÉEN À LA CROISÉE DES CHEMINS
37 Cette crise consécutive à la première crise provoqua une résistance de la part des travailleurs du secteur et aboutit à l’organisation d’importantes négociations portant sur l’avenir du système bancaire coréen. Voici sept ans, le gouvernement de Kim Dae-Jung tenta de maîtriser la crise qui avait accompagné sa nomination en prenant des mesures allant dans le sens de la modernisation économique, plus particulièrement l’ouverture de l’économie aux investisseurs étrangers et la réduction de la domination des chaebol sur le marché et de leur puissance de monopole. C’était faire de nécessité vertu puisque le FMI exigeait ces mesures (et d’autres) comme condition de son intervention (LEE, 2000). L’objectif espéré était la transmutation de travailleurs mécontents et de chefs d’entreprises insatisfaits en consommateurs heureux.
38 Les pires souffrances économiques et psychologiques de cette époque de crise sont passées. L’économie coréenne actuelle recense de nombreux paradoxes. Le système bancaire tenait le premier rôle dans la vision que se faisaient les libéraux d’une économie coréenne moderne. Les nouvelles règles libérales d’allocation de crédits, suivant les lois du marché, devaient permettre de financer une nouvelle génération shumpeterienne d’entrepreneurs innovants, et donneraient l’occasion aux ménages coréens de créer un marché de consommateurs alimenté par ces entrepreneurs.
39 Le secteur FAI (finance, assurance, immobilier) a effectivement tiré l’économie coréenne renaissante et beaucoup de Coréens ont beaucoup gagné à y avoir participé. Mais les institutions qui sont au cœur du système ne sont nullement stabilisées : elles sont au contraire déstabilisées à la fois par le conflit des générations au sein des équipes dirigeantes et parce que les efforts de consolidation institutionnelle ont échoué. Deux fois depuis mars 1998 le cycle s’est répété : tentatives de création de sociétés financières nationales plus solides et recherche de partenaires étrangers intéressants pour les institutions coréennes en difficulté. Les premières tentatives ont engouffré une grande part des recettes fiscales de l’État, sans créer de grandes banques à capitaux coréens, tandis que les secondes ont attiré des sociétés étrangères motivées essentiellement par la spéculation et la perspective de bénéfices à court terme.
40 Si l’on examine le dernier round des fusions bancaires, il faut noter que celles-ci durent depuis maintenant plus de six ans, que ce soit avec des partenaires nationaux ou étrangers. Depuis quelque temps, les analystes émettent des doutes quant à la capacité de ces fusions à guérir le secteur, même si l’État soutient cette stratégie (KIM, 2002). Un autre round de fusions a pourtant été lancé. Comme pendant toute la période post-crise, des fusions offensives et défensives ont lieu en même temps. Les fusions défensives par les banques coréennes sont de plus en plus rares, au fur et à mesure que diminue le nombre de banques à capitaux coréens majoritaires. La proposition de fusion la plus importante récemment fut celle de l’acquisition par Shinhan de la Banque Chohung, le quatrième plus grand prêteur et la plus vieille banque du pays. La nouvelle que l’État allait céder sa participation de 80 % dans la banque provoqua une panique bancaire, ce qui obligea la banque centrale à injecter 1,7 milliard de dollars de liquidités. Beaucoup des membres du personnel de la banque protestèrent par une grève de la faim. Shinhan proposa de payer 3 milliards de dollars pour la part de l’État dans Chohung ; en juin 2004, Shinhan avait fini de racheter l’ensemble du capital de Chohung. L’idée derrière la fusion de deux banques essentiellement coréennes (sauf pour une participation de BNP Paribas à hauteur de 4 % dans Shinhan) était que l’institution qui allait en sortir serait plus productive, plus stable et plus prospère. Et effectivement, les plans sociaux sur le licenciement des employés de Chohung furent annoncés en février 2005, avant même que soit achevé le processus de fusion en 2006 (Wall Street Journal, 14 février 2005, p. 1)
41 Dans les premières années postérieures à la crise de 1997, des banques étrangères se positionnèrent sur le marché coréen, ce qui était le moyen de prendre une option sur la pénétration de ce marché (par exemple la Commerzbank) ; certains détenteurs étrangers de parts dans des banques coréennes y entrèrent sous une forme spéculatrice déguisée (comme ces sociétés privées états-uniennes qui prirent des parts dans les banques coréennes après la crise de 1997-1998). Plus récemment, des banques étrangères sont entrées en Corée pour se poser en concurrents autonomes cherchant à attirer les consommateurs coréens. Cette transition est définie par l’acquisition de la Banque KorAm par Citibank (NORTON, 2004). KorAm appartenait récemment à un consortium mené par le groupe Carlyle et JP Morgan. L’offre de Citibank se heurta à forte résistance : en juin 2004, 2 500 syndiqués de KorAm se mirent en grève pour défendre leur emploi. Le marché fut approuvé. Citibank Korea ouvrit officiellement ses portes le 1er novembre 2004, marquant ainsi « la première fois qu’une banque étrangère opérationnelle reprenait une banque nationale... une réelle concurrence sur le terrain » pour les banques locales (ECONOMIST INTELLIGENCE UNIT, 24 février 2004). Citibank, qui n’avait que 12 agences en Corée avant l’acquisition, achetait une institution possédant 222 agences (en huitième place) et 6 millions de clients.
42 Que cherche Citibank en pénétrant sur le marché bancaire coréen ? Ses objectifs sont offensifs et non pas défensifs. Elle cherche certainement les clients haut de gamme qu’elle a su attirer au Japon et en Amérique Latine. Cette nouvelle entité « cherche à se spécialiser avant tout dans les cartes de crédit et la gestion des patrimoines » (Wall Street Journal, 3 novembre 2004). Citibank offrira à ces clients un éventail d’instruments d’investissement et de crédit. Citibank offrira également des services sophistiqués aux grandes entreprises coréennes, surtout à celles à participation étrangère. Cela signifie qu’elle cible le haut de la clientèle des marchés bancaires coréens.
43 Cette entrée par fusion offensive de la Citibank a soulevé des réactions de la part des acteurs nationaux et étrangers. La révélation de l’affaire en mars 2004 amena Woori, le deuxième prêteur coréen, à annoncer ses plans d’expansion, laquelle pourrait se faire par l’acquisition de Korea First, ou de la Banque Coréenne d’Échanges, paradoxalement dans le but de concurrencer la concurrence étrangère. Les espoirs de Woori ne se sont pas réalisés. La Banque Coréenne d’Échanges reste une banque (à capitaux étrangers) rentable ; Korea First fit l’objet d’une guerre de surenchères entre Standard Charter et HSBC. Standard Charter finit par l’emporter et racheta Korea First (le septième plus gros prêteur coréen) en janvier 2005. La société d’investissement Newbridge Capital a engrangé dans l’affaire un bénéfice de 300 % sur la part qu’elle avait prise en 1999 dans Korea First.
44 Si Citibank et d’autres concurrents potentiels sont autorisés à pénétrer sur le marché bancaire coréen à leurs propres conditions, et à poursuivre leurs propres stratégies bancaires, le secteur va se trouver bouleversé en Corée, quelle que soit la nationalité des capitaux engagés. La concurrence que leur font Citibank et Standard Charter implique non seulement que les banques coréennes doivent grossir, mais aussi qu’elles se tournent vers les clients haut de gamme et génèrent le type d’instruments mis en place par Citibank et les autres banques haut de gamme. Combinée aux efforts tendant à toujours plus d’efficacité, cette concurrence aboutira non seulement à la mise au chômage des personnels, mais aussi à la réduction des salaires et heures de travail pour les travailleurs du secteur. Le processus tendant à transformer une main d’œuvre à plein temps et à hauts salaires en main d’œuvre précaire et mal payée est très avancé aux États-Unis. Il pourrait, au nom de la productivité, se voir transplanté en Corée, surtout dans le contexte de la défense des banques coréennes contre la concurrence étrangère. L’ironie est amère de constater que les institutions qui s’engagent dans cette voie dans l’espoir de survivre sont aussi engagées dans le processus de l’augmentation des frais bancaires pour les ménages à faibles revenus.
V – TROIS VOIES POUR L’AVENIR DU SECTEUR BANCAIRE EN CORÉE
45 Où vont les banques coréennes ? Dans cette section, nous décrirons trois voies possibles pour l’avenir du système bancaire coréen. La première est la création d’un pôle bancaire régional. La deuxième est celle de la diversification de l’activité, direction qui, à notre avis, aboutirait à une augmentation du morcellement du marché bancaire sur la base des revenus et de la richesse. La troisième est la construction d’un secteur bancaire coréen mieux orienté vers le social. Chacune sera examinée à son tour.
1 – Voie 1 : La construction d’un pôle bancaire régional
46 Depuis plusieurs années, un gros effort public/privé est produit tendant faire de la Corée un pôle d’excellence asiatique dans les domaines de la logistique, des affaires et de la finance (The Banker, 2003 ; The Economist, 2003). L’État coréen appuie fortement ce projet. C’est ainsi par exemple que le Ministre coréen des Finances, Duck-Soo Han, écrivait récemment que de gros efforts sont faits pour accroître « l’efficacité des fonctions de supervision financière. Les fondations sont posées au niveau institutionnel et juridique pour faire de la Corée un pôle financier en Asie nord-orientale, centré autour de la gestion des actifs et la création de la KIC (Korea Investment Corporation) » (HAN, 2005).
47 Les analystes qui se sont penchés sur l’idée du pôle financier sont soit prudemment optimistes (LEE, 2003), soit prudemment sceptiques (GRAHAM, 2005) quant à la viabilité du concept. FELLER (2003) résume ainsi les potentiels et les limites de cette stratégie :
Par essence, la stratégie du pôle exploite les opportunités nées dans les pays voisins. Elle tentera en même temps de produire des biens et services à haute valeur ajoutée en attirant en Corée du Sud des entreprises multinationales de classe mondiale, des capitaux étrangers et la technologie étrangère, sans oublier les professionnels spécialisés...
Pour exister, ce pôle doit devenir un centre financier régional parce qu’on ne fait pas d’affaires au niveau international sans des services financiers efficaces et de grande qualité. Dans ce domaine, la Corée du Sud rencontre plusieurs difficultés... Son marché intérieur est plus étroit que celui de la Chine ou du Japon et il était déjà trop tard pour entrer dans la compétition, représentée surtout par Shanghai et Taïwan.
50 Malgré ces mises en garde, la Corée poursuit ses efforts de création d’un pôle d’affaires et d’un centre financier. Il y faudra une flexibilité accrue du marché du travail, et la poursuite des réformes financières devenues plus indispensables encore (JUNG et CHUNG, 2004).
51 La prudence est de mise. Il est improbable que les multinationales choisiront la Corée pour y installer leur siège régional. La Chine a les moyens d’offrir des incitations plus attractives et son marché intérieur offre des possibilités beaucoup plus vastes ; il est donc plus probable que c’est sur elle que se portera le choix lorsqu’il s’agira d’installer les sièges régionaux. En outre, laissant de côté Shanghai et Hong Kong, la Chine est en train de créer ses propres grosses infrastructures financières : par exemple, un nouveau complexe proposant une gamme complète des services financiers et connecté au monde entier a été créé dans la zone économique de Tianjin, près de Beijing.
52 En outre, l’examen de l’expérience des banques états-uniennes indique que la logistique financière n’est jamais suffisamment vaste pour en venir à générer l’essentiel des revenus de la structure bancaire de tout un pays. Aux États-Unis, quelques banques – Mellon, Bankers Trust et Norwest (aujourd’hui Wells Fargo) – se sont spécialisées soit dans la vente de services de gestion post-négociation des opérations financières (back office), soit sur les aspects logistiques des instruments d’emprunts sécurisés (démembrements, ventes par lots, ventes, service de l’emprunt). Les recettes tirées de ces activités n’ont jamais été suffisantes pour que ces dernières deviennent, pour aucune banque, le point de focalisation des flux de revenus. En principe, ces activités pourraient être liées à celles d’investisseur, de courtier négociant, ou même d’acteur sur le marché des fonds spéculatifs (hedgefunds), mais il faut noter que les mégabanques états-uniennes ont connu des déboires précisément dans ces domaines. C’est ainsi par exemple, qu’après avoir enregistré des déceptions et soulevé des polémiques dans ces domaines d’activité (Wall Street Journal, 21 janvier 2003), Citibank a mis en place un plan destiné à étendre sa présence et son activité sur le marché des services aux consommateurs (ATLAS, 2003).
53 La dernière mise en garde s’agissant de la création d’un pôle logistique financier concerne l’externalisation. Les mégabanques états-uniennes qui ont étendu leurs opérations de back-office et de logistique ont également externalisé certaines activités, pour partie ou entièrement ; voir REUTERS (2002). Quel que soit donc le volume des affaires attirées par les banques coréennes, une partie des emplois générés sera créée à l’étranger et non pas en Corée.
2 – Voie 2 : La diversification des activités
54 L’autre voie est celle qui voudrait que les banques coréennes continuent de s’engager dans des activités autres que celles qui traditionnellement en faisaient les financeurs des grandes entreprises. Les banques coréennes innovent furieusement dans cette voie. Comme nous l’avons dit, la première initiative a porté sur les prêts à la consommation. Ce fut un désastre pour les banques coréennes, nous l’avons vu. On peut en éviter la répétition en imposant une réglementation plus sévère et peut-être grâce à d’autres fusions (parce que cela permettrait de freiner la tendance vers toujours plus de concurrence sur le marché des prêts à la consommation). Quelles autres activités de diversification serait-il possible de mettre en place ? Il y en a quatre : le paiement des services bancaires, les dérivatifs, les prêts aux petites entreprises et les prêts au secteur informel.
55 Les banques coréennes essayent de s’orienter vers des services payés à l’acte ou qui n’étaient pas traditionnellement de leur domaine, dans l’espoir de renforcer leur base capital trop étroite et de réduire leur dépendance vis-à-vis des recettes tirées des seuls intérêts (PARK, 2004). Il est certain que les banques étrangères comptent de plus en plus sur les bénéfices réalisés sur les frais bancaires pour améliorer leur situation face à la concurrence (JEON et MILLER, 2004). L’expérience états-unienne incite pourtant à la prudence. Les banques états-uniennes ont également connu une vague de fusions et de diversification agressive. Mais la diversification ne fut pas en soi la panacée. Le cas le plus voyant est sans doute celui de Bank America. Celle qui est aujourd’hui l’une des trois plus grandes banques états-uniennes a rencontré de gros problèmes lorsqu’elle a essayé de se diversifier en pénétrant le domaine de Wall Street (MCGEEHAN et RIVAS, 2003). Même Chase et Citibank n’ont continué à tirer des profits fiables que sur leurs activités commerciales ; les activités de courtier/négociant, de trader, ou de banquier d’affaires ne génèrent que des pertes ou des gains décevants.
56 Pour leur part, pendant vingt ans, les dérivatifs ont séduit par la perspective de gros profits ; pourtant, chacune des mégabanques ayant fait preuve de beaucoup d’agressivité en cherchant à faire des bénéfices sur les dérivatifs et autres activités hors bilan a échoué, s’est réorganisée ou a rencontré des difficultés : voir Security Pacific National Bank, Bankers Trust, et CSFB pour n’en citer que trois.
57 Les prêts aux petites entreprises, qui étaient autrefois la spécialité de Shinhan, ont été difficiles à incorporer dans les nouvelles pratiques mises au point par les banques états-uniennes, et introduites en Corée. Le problème tient du fait que ces prêts sont par nature hétérogènes (les risques ne sont pas uniformes et les dates de maturation disparates), ce qui en fait des instruments coûteux et difficiles à sécuriser.
58 L’une des diversifications possibles et assez attrayante serait la fourniture de services financiers sur le marché informel. Dans le monde entier, ce champ d’activités s’avère très attractif. Liée à celle des flux migratoires de main d’œuvre, la croissance explosive des transferts d’argent a attiré beaucoup de banques. Aux États-Unis, certaines mégabanques proposent actuellement à leurs clients latino-américains des comptes DAB spéciaux et autres instruments incitatifs leur permettant de récolter les frais bancaires au passage. De même, s’agissant des clients à faibles revenus, les mégabanques offrent un nombre toujours plus grand de possibilités, par exemple les cartes de crédit collatéralisées, les cartes de retrait et de débit, ainsi que les cartes de petite monnaie. Les mégabanques s’intéressent également de plus en plus, directement ou indirectement, aux produits des emprunts à court terme dont les taux d’intérêts sont élevés, tels les emprunts immobiliers hostiles et les emprunts sur salaires. Ces services de « cash & crédit » sont effectivement en expansion dans beaucoup de pays, dont l’Afrique du Sud, l’Inde et le Brésil. Dans ces pays aussi, les mégabanques et même les banques publiques offrent des services financiers très coûteux ou qui génèrent des obligations de remboursement très onéreuses pour les emprunteurs (DYMSKI, 2005).
59 Que les banques coréennes songent à prendre le chemin d’un tel morcellement des marchés est une chose. C’en est une autre de savoir si la pression de la concurrence les obligera à fragmenter les marchés. Elles peuvent y être contraintes en raison de l’importance croissante que les banques étrangères ont prise sur le marché coréen.
3 – Voie 3 : Le rôle du secteur bancaire dans la cohésion sociale en Corée
60 La Corée poursuit ses objectifs de consolidation comme si seules comptaient la stabilité des banques et leur productivité, et elle suit à la lettre les politiques libérales dictées par le FMI et la Banque des Règlements Internationaux (HAWKINS et MIHALJEK, 2001). C’est présupposer que la consolidation peut apporter de réels gains de productivité. Mais les voies 1 et 2 reposent toutes deux sur une représentation idéale du monde empirique de la banque. Comme nous l’avons vu (voie 2), la diversification des activités offre peu de bénéfices concrets pour les sociétés agissant sur des marchés matures. En ce qui concerne la voie 1, CAROW, KANE et NARAYANAN (2005) montrent que les emprunteurs sont souvent maltraités lors des mégafusions. JEON et MILLER (2004) démontrent en outre que les banques étrangères sont en meilleure position que les banques coréennes dans la concurrence qu’elles se livrent entre elles.
61 Une autre voie est peut-être ouverte au système bancaire coréen. Celle-ci ne sera pas facile à trouver car elle implique que soient entièrement reconceptualisées les relations entre la société coréenne, l’industrie, le personnel des banques et leur direction. Avant la libéralisation, les banques coréennes entraient dans le cadre de relations État-industrie structurellement hiérarchisées, organisées du haut vers le bas. Dans la période actuelle, les banques coréennes se cherchent une nouvelle fonction dans la relation industrie-société.
62 Nous pouvons identifier deux grands objectifs allant dans le sens du resserrement des liens entre les banques, le public et les entreprises locales, et les communautés nationales :
- Améliorer l’accessibilité des services bancaires pour les clients à revenus modestes et éviter le départ de clients issus des communautés rurales et à faibles revenus. L’idée, enracinée dans la pratique bancaire aux États-Unis telle qu’elle apparaît dans la Loi sur le Réinvestissement dans la communauté (CRA) de 1977 (voir DYMSKI, 1999) est que toutes les institutions bancaires doivent prendre leurs responsabilités vis-à-vis de la société, soit directement en fournissant du crédit et/ou une assistance de démarrage aux ménages à revenus modestes ou aux communautés à faibles revenus, soit indirectement, en canalisant des ressources vers des fonds ou organisations qui pratiquent ces activités.
- Accroître les fonds d’investissement et les prêts aux micros, petites ou moyennes entreprises et aux projets d’infrastructures sociales. L’idée est que les banques ont une obligation morale s’agissant de la création d’entreprises et de la croissance, et qu’elles ne devraient pas s’intéresser uniquement aux grandes entreprises et aux clients les plus fortunés, de bonne réputation et qui offrent des garanties.
64 Durant les 30 années de développement qui ont précédé la crise financière asiatique, la Corée n’était peut-être pas une société aussi inégalitaire, avec autant de zones sous développées et ignorées, que dans les autres pays. Mais l’époque des « deux Corées (économiques) » est peut-être venue. Et si la menace des deux Corées est réelle, une stratégie de réinvestissement orienté vers la recherche d’une croissance plus équilibrée et d’une répartition plus équitable des chances serait à la fois opportune et socialement désirable.
65 Les arguments en faveur d’une loi coréenne sur le réinvestissement dans la communauté sont nombreux. L’idée que les banques ont une obligation morale s’agissant de la création des ressources sociales et économiques de la société coréenne découle logiquement des milliers de milliards de wons de subventions et aides payées par l’État aux banques coréennes (ou en leur nom) au cours des sept dernières années. Les coûts du soutien aux banques, ou même de leur liquidation, ont été socialisés, mais les bénéfices ont été privatisés. Les banques détenues par des intérêts étrangers pourraient bien être en train de mettre en place des stratégies qui divisent économiquement la société coréenne, comme nous l’avons vu plus haut. Pourquoi ne pas demander à ces banques étrangères (et aux banques à participations étrangères), de participer à la création d’actifs destinés à préserver le rêve d’une Corée prospère et équitable ?
66 L’État coréen peut encourager dans le secteur bancaire des comportements orientés vers l’investissement et porteurs de cohésion sociale. Des fonds spéciaux peuvent être créés pour fournir le capital et le crédit qui manquent à beaucoup de catégories à faibles revenus : par exemple, la Corée est en retard dans le domaine du financement des micros entreprises.
67 La stratégie actuellement suivie par la Corée de création d’un pôle financier suppose l’installation d’un nombre important de banques étrangères. Cette stratégie du pôle régional implique aussi que l’État s’efforce d’influencer le marché, alors qu’il n’en a peut-être pas les moyens. La Corée du Sud n’est pas si vaste : le système bancaire coréen pourrait alors se voir comparé à celui du Mexique plus qu’à celui du Japon. Dans ce cas, il faudra accepter les conséquences d’un marché financier morcelé dans une Corée de plus en plus inégalitaire, la moitié supérieure étant servie par des banques étrangères engagées dans des activités commerciales haut de gamme. Il est bon de rappeler ici le cas de l’Argentine où deux grandes banques espagnoles ont essayé d’axer leur stratégie sur les prêts aux consommateurs et aux petites entreprises. Toutes deux (BBV et Santander) se sont retirées pour revenir à des activités de gestion de patrimoines, abandonnant les activités de prêts.
68 Si les banques étrangères pénètrent sur le marché coréen et finissent par dominer le secteur des banques commerciales haut de gamme, les banques coréennes devront alors travailler essentiellement avec les ménages à faibles revenus et les petites entreprises. C’est ce qui découle des deux aspects de l’activité commerciale des banques, celle qui s’adresse aux riches et aux revenus les plus élevés, et celle qui s’adresse aux pauvres et à la classe ouvrière, lesquelles activités peuvent se voir réparties dans deux ou plusieurs catégories assez distinctes du marché. Lorsque le marché est ainsi partagé, la répartition des risques et des coûts peut être affinée sur la base des caractéristiques de chacun de ses parties. Ce processus de morcellement peut susciter des ruptures explicites, comme en Afrique du Sud où les pauvres n’ont simplement pas accès à l’ouverture de comptes dans les grandes banques. Ou bien la fracture peut être plus subtile, entre les comptes bancaires proposés au sein d’une même mégabanque (ce qui est de plus en plus souvent le cas aux États-Unis avec des cartes collatéralisées pour les pauvres et des cartes de crédit pour les hauts revenus). Cette évolution pose inévitablement la question de savoir si ce morcellement du marché est compatible avec les pratiques bancaires actuelles de la Corée. C’est là que se manifeste la pertinence du cas du Japon, c’est-à-dire qu’une tradition nationale qui veut que tous les clients soient servis de la même manière est menacée par l’émergence de techniques bancaires qui offrent plus de profits aux banques, à condition qu’il soit possible de redéfinir les relations entre la banque et ses clients et de différencier les comptes.
69 La Corée devrait envisager la possibilité de créer des banques qui soient à la fois économiquement viables et socialement engagées, ou de soutenir de telles banques. Ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour envisager ce type de système bancaire. Mais ce moment où les banques étrangères repartent à la conquête du marché coréen et où l’État est à nouveau confronté à la nécessité de soutenir et de sauver les banques nationales, est précisément celui où il devient politiquement possible de demander ce que veut le peuple coréen – l’ensemble du peuple et non pas seulement les grandes entreprises coréennes contrôlées par les multinationales.
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Notes
-
[*]
Directeur, Université de Californie, Centre de Sacramento.
-
[1]
- CRYSTAL, DAGES et GOLDBERG (2002) défendent cette thèse à partir de données incomplètes couvrant les années 1997-2000 fournies par les organismes de cotations boursières et les banques sur les sociétés bancaires nationales et étrangères opérant en Amérique latine.
-
[2]
- CLARKE et al. (2002), dans un article de fond écrit pour le World Development Report de 2002, observent que les travaux sont peu nombreux sur les motivations ou sur les effets des fusions bancaires transfrontalières. La littérature est abondante s’agissant des fusions à l’intérieur d’un pays ; voir DYMSKI (1999) et BERGER et al. (1999). L’approche que nous suivons ici est implicitement soutenue par les résultats d’AMIHUD et al. (2002) montrant que les fusions transfrontalières ont peu ou pas d’impact sur le risque bancaire ou sur la valeur.
-
[3]
- Les banques coréennes détenaient à la fin des années 1980 de 15 à 20 % de créances douteuses (CLIFFORD, 1988). Notons que ces « prêts politiques » étaient l’une des composantes d’une structure économique qui aboutit à l’extraordinaire croissance économique des 30 années qui ont précédé la crise de 1997 (DEMETRIADES et FATTOUH, 1999 ; DEMETRIADES et LUINTEL, 2001).
-
[4]
- De nouvelles dettes douteuses s’accumulaient, qui aggravaient le problème des anciennes. Le Far East Economic Review (4 octobre 2001) notait qu’ « entre septembre 2000 et mars 2001, les 16 plus grandes banques japonaises vendirent ou annulèrent pour 4 400 milliards de yens de prêts accordés à des emprunteurs répertoriés comme “en faillite” ou “probablement en faillite”. Le montant des prêts entrant dans ces catégories a pourtant à peine chuté, passant seulement de 12 700 milliards à 11 700 milliards de yens parce que de plus en plus d’emprunteurs se montraient incapable de faire face à leurs échéances ».
-
[5]
- Depuis 1983, le système coréen intégrait un certain degré de participation étrangère, depuis la création de la KorAm par Bank America et 17 partenaires coréens. Bank America détenait 49,9 % des parts de KorAm.
-
[6]
- BAE et al. (2002) montrent que les chocs que subissent les banques coréennes affectent également les entreprises qui sont leurs clientes.
-
[7]
- BOGNINI, FERRI, et KANG (2000), et BOGNINI, CLAESSENS, et FERRI (2000).
-
[8]
- Selon le Far Eastern Economic Review (23 Août 2001) : [CEO] « Kim veut faire de Kookmin un colosse dans le domaines des services aux consommateurs, en empruntant sur les bénéfices de ses activités lucratives telles que les cartes de crédit et les prêts immobiliers privés. Il envisage d’abandonner la clientèle de masse pour offrir des services privés aux clients fortunés. Le glissement sera effectué vers les services financiers personnalisés, tels la vente d’assurances par les agences de la banque et la gestion de fonds communs de placement. »
-
[9]
- D’autres analystes (CROTTY et DYMSKI, 2001 ; LANDSBERG-HART et BURKETT, 2001 ; SHARMA, 2004) sont plus sceptiques et attribuent en partie la crise coréenne de 1997 à une libéralisation financière inconsidérée intervenue au milieu des années 1990.
-
[10]
- Par exemple, la HCB (Housing and Commercial Bank) se vit donner en juillet 1997 une nouvelle orientation stratégique : elle devait se privatiser et se développer au-delà du secteur de l’habitat dans lequel elle était spécialisée depuis 1967. La crise financière s’en mêla : HCB se vit confier la tâche de reprendre une banque régionale à Pusan (la Banque Dongnam), alors même qu’elle devait affronter une chute catastrophique de 20 % ou plus du marché de l’immobilier.
-
[11]
- Les problèmes de stabilisation de la rentabilité des prêts peuvent être attribués à la fois à la réduction de la valeur marchande des entreprises après la crise (MARONY, NAKA et WANSI, 2004) et aux difficultés rencontrées par les banques coréennes à fournir au moment voulu des crédits suffisants aux entreprises emprunteuses (BAE, KANG et LIM, 2002).
-
[12]
- Comme le notent KLINGEBIEL et al. (2001), un sauvetage subventionné par l’État n’est pas le moyen le plus crédible pour donner le signal que sont engagées des réformes financières libérales.
-
[13]
- Le coût du sauvetage des banques atteignait 133 milliards de dollars en 2003 (ECONOMIST INTELLIGENCE UNIT, 19 juin 2003).