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Article de revue

S'approprier les politiques de développement : nouvelle mode ou vieille rengaine ? une analyse à partir des expériences du Burkina Faso et du Rwanda

Pages 625 à 649

Notes

  • [*]
    Consultant, ancien conseiller GTZ aux ministères chargés de l'Économie et des Finances, Burkina Faso.
  • [**]
    Université Paris-Dauphine, EURIsCO, DIAL.
  • [1]
    Les auteurs ont effectué de nombreux travaux d'expertise en Afrique dans le domaine de l'analyse et de la prévision macro-économique. Ils s'expriment ici à titre personnel et leurs propos n'engagent en aucun cas les agences de coopération. Ils remercient en particulier la GTZ.
  • [1]
    Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) pour le FMI et Crédit pour la réduction de la pauvreté et la croissance (CRPC) pour la Banque mondiale.
  • [2]
    Voir entre autres World Bank (2004) et International Monetary Fund (2004).
  • [1]
    Nous ne parlerons pas ici des intérêts des autres bailleurs de fonds (notamment de la Banque mondiale), qui fournissent souvent d'importantes aides budgétaires et interviennent à divers degrés dans le processus.
  • [1]
    Cette expression désigne généralement des éléments assez hétérogènes, tels que des insuffisances dans l'organisation, la coordination, la délégation, l'animation (monitoring), ou encore la maîtrise technique qui sont nécessaires pour concevoir, élaborer et exécuter un programme de réformes économiques. Ce diagnostic induit des tentatives pour mettre en place une assistance technique et financer des actions en vue d'un renforcement institutionnel (capacity building).
  • [2]
    Inversement, les négociateurs du FMI devraient divulguer aux cadres nationaux toutes les informations dont ils disposent, ce qui ne semble pas toujours être envisagé d'une manière aussi systématique.
  • [1]
    Ainsi, au Burkina Faso, la production de coton fait l'objet de deux estimations souvent très divergentes : l'une est faite par les enquêtes agricoles focalisées sur les céréales et peu représentatives en ce qui concerne la production du coton ; l'autre, plus fiable, est établie par la SOFITEX, l'unique société chargée de la commercialisation du coton, qui comptabilise tous les achats réalisés au cours de la campagne.
  • [2]
    Assez souvent, une confusion persiste entre estimations préliminaires, données semi-définitives et définitives, parce que les services utilisateurs ne sont pas, ou seulement très tard, mis au courant d'une révision des différentes séries.
  • [3]
    L'impact positif de l'intervention des organismes internationaux sur l'organisation du système national des informations peut aussi être remarqué dans d'autres circonstances et d'autres régions. Citons à titre d'exemple C. Gruson (dans Fourquet, 1980, p. 188) qui explique comment de telles demandes ont considérablement contribué en France au développement des services nationaux après la guerre.
  • [1]
    Voir la « Note explicative sur l'estimation des Comptes nationaux 1986-1991 », rédigée par la mission du FMI, le 14 juin 1992.
  • [1]
    Publiée dans International Monetary Fund (1993). Quant aux tentatives d'harmoniser les séries, voir Burkina Faso (1997).
  • [1]
    Ces accords préalables conclus entre les IBW étaient consignées dans les briefing papers et issue papers remis aux délégations avant leur départ.
  • [2]
    L'acceptation des subventions apparaît d'autant plus incompréhensible que cette pratique est contraire à la libéralisation couramment inscrite dans les programmes de l'époque. Les IBW ont évolué aujourd'hui. Après avoir appuyé dans le passé les réductions du prix du coton au producteur, et leur « arrimage » aux prix mondiaux, elles ont félicité les autorités burkinabè en 2002 pour avoir refusé de baisser les prix aux producteurs et ainsi contribué d'une manière significative à la réduction de la pauvreté. Pourtant, les producteurs de coton peuvent difficilement être présentés comme les plus pauvres parmi les paysans.
  • [1]
    Les accords internationaux qui lient les pays introduisent un élément de diversité dans les Documents-cadres de politique économique. C'est pourquoi, pendant longtemps, la dévaluation n'a pu être imposée aux pays de la zone franc, avant que les IBW réussissent à l'imposer à la zone franc en bloc. Pourtant, dans le cas du Burkina Faso, rien n'autorisait un tel diagnostic sur la base des propres critères du Fonds (le taux de change effectif réel).
  • [1]
    Un premier modèle macro-économique opérationnel, baptisé UMUGANDA fut présenté en 1986. Cet instrument fut perfectionné par la suite, et a servi pour faire des prévisions et tester les scénarios discutés lors de l'élaboration du programme. Un tableau de bord de l'économie rwandaise fut élaboré pour suivre l'évolution des principaux indicateurs économiques et alimenter le modèle.
  • [2]
    Le programme de réformes fut adopté lors d'une session commune du Comité central du MRND (Mouvement révolutionnaire national pour le développement) et du gouvernement réunis à Kigali du 6 au 12 décembre.
  • [3]
    De même, les démarches des administrations burkinabè pour améliorer la confection des tableaux des opérations financières de l'État, et adapter la méthodologie de collecte et de présentation des statistiques des finances publiques aux normes du FMI, n'ont pas reçu un soutien enthousiaste de la part du FMI.
  • [4]
    Visiblement, ces pratiques méprisantes ont du mal à disparaître. Au Mali, la Banque mondiale a refusé initialement de prendre en considération la stratégie de lutte contre la pauvreté établie par le gouvernement malien comme base du CSLP (Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté) – alors que dans d'autres pays, cela s'est fait sans problèmes.
  • [1]
    Les études des programmes d'ajustement structurel par Killick (1995, p. 117) montrent que les projections des IBW sont généralement over-optimistic.
  • [1]
    Si le bouclage du programme s'appuyait sur la mise en place en commun d'une sorte d'instrument technique de référence, cela améliorerait beaucoup la qualité du travail, en valorisant les administrations locales. Que les instruments techniques qui sont élaborés par les administrations locales ne soient pas toujours actualisés ni irréprochables n'est pas un obstacle, à condition de prendre le temps de les examiner et de les amender.
  • [1]
    Dans le cas du Burkina Faso, la balance des paiements du premier programme mentionnait l'imminence du démarrage d'exportations de zinc et de manganèse. Dix ans plus tard, cela relève toujours de la chimère, malgré l'amélioration des incitations à l'implantation d'entreprises minières étrangères.

1 Depuis 1999 tout programme appuyé par le FMI ou la Banque mondiale doit s'aligner sur une stratégie de réduction de la pauvreté. Le FMI et la Banque mondiale ont affirmé haut et fort que cette stratégie doit être définie par le gouvernement bénéficiaire lui-même, de manière participative. Cette insistance sur l'appropriation (ownership) a souvent été perçue comme une inflexion majeure par rapport aux pratiques antérieures. Pourtant, ce thème a toujours été présent, formellement, dans les discours des Institutions de Bretton Woods (IBW) et faisait partie des consignes données aux missions chargées d'élaborer les programmes. Cela pose (entre autres) la question des capacités des gouvernements à élaborer de telles politiques.

2 Le présent article analyse l'élaboration des « cadrages macroéconomiques » qui sont la traduction chiffrée des programmes conclus avec le FMI. Avant 1999, ils étaient consignés dans un Document-cadre de politique économique (DCPE) nécessaire pour bénéficier d'une Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR). Dorénavant le cadrage macro-économique doit faire partie d'un Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). Le programme conclu avec les IBW doit s'aligner sur le DSRP. Une évaluation conjointe de celui-ci est réalisée par les services du FMI et de la Banque mondiale en vue de déterminer s'il permet de justifier l'octroi par ces institutions d'une aide concessionnelle [1].

3 De plus, il est dorénavant exigé que l'impact du programme sur la pauvreté soit pris en considération dès sa conception, et mesuré lors du suivi. Cela complique la tâche puisque maintenant l'on demande de concilier stabilité macro-économique et politiques favorables aux pauvres. Le DSRP doit gérer ces exigences antagonistes et réaliser des compromis, afin de devenir une feuille de route opérationnelle pour la prise de décision politique.

4 Il n'est donc pas étonnant que les évaluations des premières expériences d'élaboration des DSRP soulignent de nombreuses carences dans l'application de la démarche préconisée [2]. Elles constatent notamment l'absence d'une véritable intégration entre le cadre macro-économique et les autres aspects de la Stratégie de réduction de la pauvreté. Elles déplorent le manque crucial de réalisme sous-jacent du cadre macro-économique et l'insuffisance des anticipations pour parer aux chocs imprévus. En outre, elles constatent que les interactions entre la politique macro-économique et les politiques sectorielles ne sont généralement pas analysées (notamment sur la contribution des politiques sectorielles aux objectifs macro-économiques).

5 Face à ce constat, il est donc intéressant de revenir sur la pratique antérieure et d'analyser comment les cadrages macro-économiques ont été confectionnés dans les années 1980 et 1990 pour les programmes d'ajustement structurel. Nous étudierons les étapes de l'élaboration de ces cadrages macro-économiques, définis comme l'ensemble des tableaux chiffrés qui traduisent les évolutions économiques projetées après application des réformes que le gouvernement s'engage à mettre en œuvre avec l'appui des IBW et des autres partenaires extérieurs. Nous illustrerons ces analyses principalement à partir des cas du Burkina Faso et du Rwanda. Il est clair que des changements sont intervenus. Jusqu'au milieu des années 1990, les négociations étaient secrètes, et les textes qui en étaient issus étaient hautement confidentiels (ce qui n'exclut pas les fuites, volontaires ou non). Aujourd'hui, si le gouvernement est d'accord, ces textes se trouvent sur le site internet du FMI dès la fin des négociations.

6 La manière dont le FMI entend réaliser en pratique les cadrages macro-économiques est décrite dans plusieurs manuels publiés par l'Institut du FMI et il existe un guide pour les économistes du FMI (Caiola, 1995). Il s'agit de méthodes simplifiées par rapport aux approches sophistiquées que le FMI développe par ailleurs, adaptées à un travail rapide effectué à partir de données lacunaires et peu fiables. Cette méthodologie a été critiquée pour n'avoir pas intégré les apports récents de la théorie économique. Elle est néanmoins relativement sophistiquée par rapport aux pratiques habituelles des administrations africaines.

7 L'élaboration comprend trois phases : il s'agit d'abord de se mettre d'accord sur un diagnostic de la situation, en analysant l'évolution passée et l'impact des politiques jusque-là mises en œuvre ; dans un second temps, il s'agit de choisir les politiques à mener ; dans une troisième phase, de traduire ces politiques en données chiffrées.

I. ANALYSER L'ÉTAT DE L'ÉCONOMIE NATIONALE OU FAIRE UN DIAGNOSTIC À SA CONVENANCE ?

8 L'élaboration du programme commence par la construction des données du passé récent, l'analyse des politiques menées et de l'évolution probable de l'économie à court terme sans réformes. Logiquement, cela constitue la base pour définir un programme (un ensemble de politiques économiques). Mais les données sur le passé récent sont souvent fragmentaires ou incohérentes. De plus, les intérêts du FMI [1] et du gouvernement introduisent de nombreuses distorsions.

1. L'accord sur la situation de départ

9 Cette étape devrait comprendre deux volets : le chiffrage de la situation de départ et la prise en compte des particularités nationales. Idéalement, le travail technique et de concertation avec l'ensemble de l'administration et les opérateurs économiques devrait être accompli par les services nationaux avant même que débutent les négociations. Les débats avec les IBW se concentreraient sur l'identification des objectifs et des mesures du programme.

10 Compte tenu de la « faible capacité technique des administrations » [1], les équipes des IBW avaient pris l'habitude de préparer les documents-cadres de politique économique à Washington. Elles disposent d'un avantage technique parce qu'elles entretiennent des équipes permanentes de professionnels bénéficiant de moyens de travail adéquats. Ces équipes peuvent comparer l'impact des réformes dans de nombreux pays. Enfin, les IBW ont constitué leurs propres banques de données informatisées, qu'elles considèrent généralement comme supérieures aux sources nationales. En revanche, les administrations des pays africains au sud du Sahara ne disposent pas, en général, de conditions de travail efficaces et stimulantes.

11 La première tâche des missions des IBW consiste à faire révéler l'information disponible au niveau national [2]. Pour vérifier leur fiabilité, elles utilisent la critique interne des données et les recoupements internationaux.

La critique interne des données

12 La première technique consiste simplement à vérifier la cohérence des chiffres produits par les différentes entités administratives (Institut de la statistique, ministère des Finances, Banque centrale, etc.). Il s'agit par exemple de demander le montant des droits de douanes perçus tel mois à la Direction des douanes d'une part, à la Direction du Trésor d'autre part. C'est un moyen rapide de repérer des dysfonctionnements au sein de l'administration, et parfois des tentatives (maladroites) de manipulation des données. Ce mode d'intervention perd souvent son efficacité puisqu'à la longue les administrations locales apprennent à présenter un ensemble cohérent de données (justes ou non) aux IBW. Il est cependant surprenant de constater que des incohérences continuent à apparaître des années après le début du processus.

13 Malgré sa simplicité apparente, ce travail s'avère difficile. L'instabilité des équipes venues de Washington rend malaisée l'accumulation des connaissances sur l'économie du pays. Les cadres locaux doivent reprendre sans arrêt le travail d'explication des spécificités locales et doivent parfois même expliquer aux missions extérieures les redressements effectués par les missions précédentes. Les membres des délégations FMI connaissent souvent assez mal les circuits d'information dans le pays et ne sont pas en mesure d'apprécier la fiabilité des différentes sources d'information, souvent contradictoires et incohérentes [1]. En fait, les données chiffrées sont souvent manipulées et « les “bricolages” sont nombreux » (Hibou, 1996, p. 62). On peut expliquer cela par le manque de moyens, par l'absence de cadres nationaux qualifiés, ou par le manque de continuité de la coopération technique, mais aussi par la faible collaboration entre les différents services, qui empêche l'échange et la circulation des informations économiques et financières [2]. Mais les IBW contribuent fréquemment à cette situation et ont une part de responsabilité dans la défectuosité du système statistique de ces pays. Souvent, la production de statistiques est organisée à l'attention des missions FMI, et les données ne sont pas mises à la disposition des autres services nationaux.

14 L'intervention des IBW est importante, car la mise en cohérence des données n'est généralement pas faite sans leur intervention [3], notamment dans le cas des Tableaux des opérations financières de l'État (TOFE). En effet, cela suppose la mise en cohérence des données budgétaires (impôts et taxes, dépenses), des données sur le financement interne (par le système bancaire ou d'autres entités parapubliques) et sur le financement externe. Cette mise en cohérence conduit à une amélioration souvent spectaculaire de l'information économique et financière. Elle produit des effets politiques, en mettant au jour des « caisses noires » qui servent à financer certaines opérations discrètes, souvent en dehors de toute procédure budgétaire.

15 Très souvent, toutefois, on se borne à mettre en cohérence les principaux documents. Par exemple, le tableau des opérations financières de l'État est mis en relation avec la situation monétaire et la balance des paiements, mais la cohérence globale avec la sphère réelle et le secteur privé (qui impliquerait la construction d'un tableau de flux de fonds) est laissée de côté. Compte tenu de la brièveté des négociations (pas plus de deux semaines sur place en général), procéder autrement serait probablement impossible. Les données nécessaires sur l'économie sont longues à réunir et à analyser. C'est pourquoi, au moins lors des premières négociations, les missions FMI procèdent à de nombreuses « estimations de la mission », qui complètent (ou remplacent) l'information fournie par les autorités locales, ajoutant ainsi encore à la confusion décrite ci-dessus. Il n'est pas rare que ces estimations deviennent ensuite des « données officielles », et que personne ne se rappelle plus comment elles ont été confectionnées !

16 Le choix des données pour apprécier l'état de l'économie du pays par l'équipe du FMI est biaisé par la référence à « l'approche monétaire de la balance des paiements ». Pour le FMI, ce modèle a l'avantage de pouvoir fonctionner, dans sa version simplifiée, avec très peu de données, en principe rapidement disponibles même dans les pays en développement (Polak, 1997). Il s'agit de données financières habituellement compilées par la Banque centrale ainsi que de statistiques sur le commerce extérieur qui devraient être collectées et traitées par les services des douanes. En fait, cette disponibilité est toute relative, comme le montrent les délais importants avec lesquels l'agence burkinabè de la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest valide les tableaux des situations des banques (Banque centrale comprise). Les rectifications des chiffres provisoires sont importantes et fréquentes avant que la situation définitive soit arrêtée. De même, les douanes burkinabè fournissent les états des importations et des exportations avec des retards importants malgré l'installation d'un dispositif informatisé. De surcroît, ces statistiques ne comprennent que les opérations officielles.

17 Souvent, l'équipe du FMI essaie de décrire l'évolution de l'économie réelle à partir des données monétaires et fiscales. Par exemple, après la dévaluation de 1994 au Burkina Faso, le FMI a cherché à interpréter la forte croissance des impôts sur les bénéfices comme un signe de relance de l'activité, en laissant de côté les explications alternatives, comme l'absence de réévaluation des bilans. Au début de l'année 1995, une mission du FMI tenta d'expliquer la pénurie de pièces et de petites coupures par une forte augmentation de la demande de monnaie, alors que l'on pouvait soupçonner que la préparation des élections municipales y était pour quelque chose.

Les recoupements internationaux

18 Les données internationales sont utilisées par « effet de miroir » : on reconstitue, par exemple, le commerce extérieur ou les mouvements de capitaux d'un pays à partir de ceux de ses partenaires. Cela permet souvent de relever des distorsions. Par ailleurs, les données internationales sont utilisées pour établir des normes pour l'évaluation rapide de la situation. Par exemple, un pays dont la pression fiscale est plus faible que la « norme » (moyenne ou médiane) de pays comparables (même niveau de revenu par habitant), sera catalogué comme « peu efficace », et le FMI préconisera une réforme fiscale. Cette méthode ne peut se justifier que par sa facilité de mise en œuvre. En effet, rien ne prouve que si certaines caractéristiques structurelles d'un pays divergent par rapport à son groupe, la situation médiane sera meilleure. De plus, l'homogénéité des groupes ainsi constitués est souvent artificielle. Des pays à revenus par tête voisins peuvent différer considérablement sous d'autres aspects (culture, types de produits exportés, mode de gouvernement, etc.)

19 Ces méthodes conduisent parfois à rejeter les chiffres des statisticiens locaux en raison de leur trop grande différence avec ceux de pays jugés similaires. Au Burkina Faso, le FMI a rejeté en 1991 une nouvelle série de comptes économiques 1985-1990 parce que le PIB était jugé trop élevé par rapport aux autres pays sahéliens. Cette nouvelle série avait été pourtant élaborée avec soin. Le secteur agricole et le secteur informel avaient été revalorisés grâce à de nouvelles enquêtes, effort appréciable car, faute d'enquêtes, de nombreuses comptabilités nationales africaines sous-estiment le secteur informel et aboutissent ainsi à des niveaux de revenu par habitant irréalistes. Le FMI était gêné car ce PIB « élevé » faisait apparaître une pression fiscale très faible : il n'était plus possible de présenter le Burkina Faso comme un pays « sérieux » à qui un programme d'ajustement relativement doux pourrait suffire. Pour justifier son diagnostic, le FMI élabora des chiffres de son cru, en réduisant arbitrairement de moitié la valeur ajoutée du secteur informel en 1985 [1]. La mission imposa ses estimations au gouvernement, qui n'hésita pas à désavouer ses techniciens pour faciliter la conclusion d'un accord. Les techniciens acceptèrent ces modifications et rangèrent leurs arguments techniques au placard après que la mission du FMI eut expliqué les conséquences du maintien d'un PIB « surévalué » : une pression fiscale trop faible, telle que celle calculée par les services nationaux, aurait rendu inévitable un relèvement des impôts, notamment de l'impôt unique sur les traitements et salaires. Les premiers touchés auraient été... les fonctionnaires eux-mêmes ! Le résultat était schizophrène : deux séries coexistaient, la série « FMI » étant utilisée à usage externe seulement [1].

20 Ces pratiques n'ont pas disparu dans la période récente, malgré l'invocation de l'ownership. Au Mali, une « grève du coton » a eu lieu en 2000 en raison du faible prix proposé aux producteurs. La production de coton a diminué de moitié. La grève étant intervenue tardivement, les paysans n'ont pu substituer des céréales. De plus, la pluviométrie a été mauvaise. Les premières estimations maliennes montraient une légère réduction du PIB, ce qui semblait réaliste. Après le passage d'une mission du FMI, ce taux a été révisé à + 1,5 % – le FMI ne voulant pas donner l'impression qu'un pays qui reçoit son satisfecit pour ses réformes, bénéficie de réductions de dettes et lutte contre la pauvreté, puisse connaître une croissance négative. Au Burkina Faso au contraire, la mission du FMI a rejeté un taux de croissance « excessif » qui résultait en fait de la très bonne récolte de 2001 (après une très mauvaise année précédente, ce qui est assez fréquent dans un pays sahélien), sous prétexte que si un pays connaît de tels taux, il n'a pas besoin d'assistance. Les estimations provisoires (moins favorables) fournies par les services des statistiques agricoles en début de campagne agricole furent conservées, écartant les chiffres définitifs publiés par ces mêmes services.

21 Cela ne signifie évidemment pas que les données nationales seraient irréprochables. Les comptes nationaux sont des estimations qui comprennent toujours un certain degré de subjectivité et souvent des erreurs. Mais c'est la manière de procéder qui importe ici. Au lieu d'une confrontation technique fondée sur des arguments solides, le FMI a imposé une évaluation qui ne reposait sur aucune donnée technique, par le seul poids de son autorité et de sa prééminence en termes de financement extérieur : pourquoi réduire le secteur informel de moitié, plutôt que du tiers ? Inutile de souligner l'effet qu'une telle situation peut exercer sur l'ardeur des techniciens nationaux, dont le travail est ainsi tout simplement nié.

22 En fin de compte, la double comptabilité du PIB au Burkina Faso prit fin au bout d'une huitaine d'années. Le FMI finit par s'aligner pratiquement sur la série nationale à laquelle elle avait d'abord dénié toute validité, en grande partie du fait que les équipes du FMI qui se sont succédé n'étaient plus en mesure d'expliquer les divergences entre leurs chiffres et ceux des comptables nationaux. En effet, elles ne disposaient plus d'aucune mémoire sur les raisons ayant conduit leurs prédécesseurs au retraitement de la série et sur la « méthodologie » que ces derniers avaient appliquée. Cela illustre aussi une pratique du FMI qui consiste à se polariser sur les chiffres qui ont une implication pour le programme en cours, et à s'en désintéresser par la suite.

2. Des normes à géométrie variable

23 Il est souvent impossible, pour des raisons politiques, de satisfaire certaines normes édictées par le FMI. Il arrive alors que la mission du FMI propose elle-même un « toilettage » des chiffres pour les rendre « acceptables ». En fonction de ses objectifs de négociations, le FMI autorise, quand il ne les préconise pas lui-même, des manipulations des données tout à fait contraires aux normes comptables qu'il a pourtant lui-même définies.

24 Au Burkina Faso, par exemple, le FMI avait fixé comme objectif la maîtrise de la masse salariale de l'État. Un objectif difficile à atteindre, car le programme d'ajustement structurel imposait le recrutement d'un nombre non négligeable de fonctionnaires dans les secteurs de la santé et de l'éducation de base, ainsi que dans les administrations financières chargées de la collecte des recettes. Comme il était visiblement impossible de stabiliser la masse salariale, les dépenses de personnel inscrites au tableau des opérations financières de l'État (TOFE) ont été contenues dans des limites acceptables grâce à l'inscription d'une partie de ces dépenses à la rubrique « transferts ». Ces transferts sont versés à des établissements publics (hôpitaux, etc.) bénéficiant d'une « autonomie » financière plus ou moins fictive afin qu'ils prennent en charge leur propre personnel. Les salaires de ces personnels (qui continuent à être fonctionnaires) n'apparaissent plus dans les « dépenses de personnel » du TOFE (titre II du Budget), mais dans les « transferts à d'autres administrations publiques » (titre IV). D'autres modifications de nomenclature ont été effectuées, toujours avec l'aval du FMI, afin de rendre le TOFE plus « présentable ». Dans le budget 1997, par exemple, de nouvelles catégories de personnel appartenant aux services décentralisés de l'agriculture sont passées dans les transferts ; l'entretien routier, qui y figurait avant comme un transfert au Fonds routier, figure parmi les dépenses d'investissement, tandis qu'on « omit » d'enregistrer un emprunt intérieur contracté par l'État au cours de la même année.

25 Le gain de transparence qui semblait résulter de l'intervention du FMI disparaît alors en grande partie. Au Burkina Faso, seul un spécialiste ayant suivi l'élaboration du budget depuis le début de l'ajustement est en mesure d'interpréter correctement l'évolution du TOFE. En validant des manipulations, le FMI donne signal dangereux. Au lieu de s'attacher à résoudre les problèmes d'une manière efficace, même si cela prend du temps, les administrations locales sont incitées à manipuler les données.

3. Établir un diagnostic ou imposer une approche standard ?

26 L'analyse des dysfonctionnements est souvent rapidement menée. C'est à ce niveau que l'aspect idéologique du travail est le plus visible jusqu'à la fin des années 1990. Dans les années 1980 et 1990, le diagnostic posé par le FMI confinait souvent à la caricature : si l'économie fonctionne mal, c'est parce que l'État empêche le libre fonctionnement du marché. Ce diagnostic passe-partout a été sérieusement critiqué, notamment par J. Stiglitz (2002) lors de la crise asiatique de 1997. Tout diagnostic devrait tenir compte des particularités de l'économie considérée. En fait, le FMI n'en tient que très peu compte. Pourtant les économies africaines sont fort diverses. De nombreux exemples d'interactions entre les chiffres utilisés, les positions doctrinales a priori et les tactiques internes aux institutions peuvent être observés.

27 Le cas de la zone franc est exemplaire. Polak (1997, p. 17) reconnaît explicitement que « dans cette zone, le modèle semble avoir perdu la plus grande partie, sinon toute possibilité d'application ». Pourtant, les interventions du FMI y sont conduites comme si l'on se trouvait dans des pays ayant leur propre monnaie. Les normes de la zone franc limitent la création monétaire, notamment le financement bancaire du déficit public. Avec la fixité du taux de change par rapport au franc français, il en résultait une inflation très faible et une absence remarquable de « culture d'inflation ». Les variations de prix reflètent essentiellement le niveau des récoltes (les prix baissent lorsque les récoltes sont bonnes), et l'inflation importée. Il était donc inutile de resserrer la politique monétaire dans la zone franc après la dévaluation, ce qui a empêché les banques de financer les activités nouvelles rendues rentables par les nouveaux prix relatifs.

28 Un autre exemple est le refus, lors des négociations menées après la dévaluation de 1994, d'accepter les estimations des techniciens burkinabè qui faisaient état d'une légère récession (voir GTZ, 1995, p. 3  et s.). Ces estimations ont été remplacées par une estimation du FMI difficile à justifier, selon laquelle le taux de croissance était faiblement positif – le tout pour justifier la mesure en lui accordant une bien surprenante efficacité à court terme. Contrairement aux indicateurs produits par les services burkinabè, pour le FMI, l'impact négatif d'une pluviométrie trop forte sur la production céréalière, le frein de l'activité des secteurs utilisant des intrants importés et le quasi-arrêt des activités des BTP (bâtiment et travaux publics) en raison d'une réévaluation de tous les marchés publics auraient été largement compensés d'une part, par une hausse de la production de coton en 1994- 1995 encouragée par le relèvement de 40 % des prix aux producteurs et, d'autre part, par une plus grande compétitivité des produits de l'élevage et des fruits et légumes ainsi que de la production des biens de substitution aux importations.

29 Pour justifier son optimisme, l'équipe du FMI a utilisé d'autres arguments difficilement vérifiables, notamment le dynamisme du secteur informel, ce même secteur dont le FMI n'avait pourtant pas hésité à minimiser l'importance lors de consultations antérieures. Quant à son dynamisme après la dévaluation, une analyse approfondie aurait dû conduire les négociateurs cette fois-ci à plus de retenue. En effet, les appréhensions des techniciens et statisticiens locaux ont été confirmées par l'enquête réalisée par des chercheurs de l'Université de Ouagadougou (Camilleri, 1996, p. 87 et s.). Selon cette enquête, la valeur ajoutée des secteurs informels a, en effet, baissé en moyenne de 14 % en 1994. Pour saisir les opportunités, les entrepreneurs auraient dû disposer d'une capacité d'adaptation très importante, ce qui n'était pas le cas – d'autant que le secteur bancaire se refusait à prêter pour cause de politique monétaire restrictive.

30 La hausse spectaculaire des exportations d'animaux vivants était essentiellement alimentée par des prélèvements sur les effectifs, qui étaient importants après plusieurs années de bonne pluviométrie dans le Sahel, sans stimuler véritablement la production animale. Pour l'augmenter, il aurait été nécessaire de mettre en place de nouvelles structures d'élevage et d'investir en vue d'une meilleure valorisation de la viande. Sauf rares exceptions, la rapidité de réaction des secteurs manufacturiers pour saisir des opportunités d'exportation et de substitution à l'importation a également été exagérément gonflée par le FMI. L'inscription de ces projections dans le tableau entrées-sorties montrait bien l'impossibilité d'établir des équilibres ressources-emplois cohérents. Il n'est donc pas étonnant qu'une mission postérieure du FMI, appelée en juillet 1997 à examiner la soutenabilité de la dette du Burkina Faso, ait dû procéder à une profonde révision à la baisse des exportations. Les exportations inscrites dans le programme en 1994 étaient trop élevées pour justifier un allègement de la dette au titre de l'initiative PPTE (pays pauvres très endettés) !

31 Ces exemples illustrent un problème fréquent lors de l'établissement du diagnostic de la situation économique : ni l'équipe gouvernementale, ni l'équipe du FMI ne disposent de beaucoup de données fiables sur l'évolution récente de l'économie. Des indicateurs rapides n'existent que pour un petit nombre d'activités modernes (l'administration centrale, quelques grandes entreprises privées ou publiques, l'exportation des principaux produits de rente) ou sur la production céréalière. En revanche, il manque des indications précises pour appréhender l'activité de secteurs entiers qui contribuent pourtant largement à la formation de la valeur ajoutée dans ces pays ainsi que des données sur l'évolution de certaines variables importantes telles que l'emploi et les investissements privés. Ce n'est pas un problème technique de collecte car certains opérateurs retiennent volontairement les informations. Dans ces conditions, l'appréciation de la situation économique récente et même des tendances passées plus longues est fondée sur un nombre d'indicateurs très réduit et sur des observations éparses dont la représentativité reste souvent douteuse, ce qui rend leur explication largement subjective et permet toutes sortes d'interprétations arbitraires.

32 L'imposition de chiffres « satisfaisants » par le FMI et l'alignement du gouvernement sur cette position exercent de profondes conséquences négatives. La question n'est pas de savoir si les chiffres des uns sont meilleurs que les autres car les marges d'incertitude sont considérables. Le problème principal est que tout cela démobilise les techniciens locaux : à quoi bon s'évertuer à collecter des données, les recouper et les rendre cohérentes, si tout ce travail peut être balayé par la première mission venue ? Dans ces conditions, améliorer les « capacités de l'administration » n'est pas un problème d'assistance technique, ou de « renforcement des capacités », ni même un problème de rémunération (pourtant important). Des techniciens souhaitent aussi être valorisés par la prise en considération de leurs travaux.

II. CHOISIR DES POLITIQUES ADAPTÉES

33 Il s'agit de se mettre d'accord sur les mesures à prendre par le gouvernement afin de redresser la situation économique. Éclairer la prise de décision consiste à mesurer aussi précisément que possible l'impact prévisionnel de ces décisions sur les agrégats macro-économiques et sur la situation des groupes sociaux. La nécessité de garantir l'internalisation du processus par les acteurs nationaux et la participation de la « société civile » s'avère cruciale pour garantir la bonne exécution du programme. En effet, les mesures préconisées sont susceptibles d'affecter le niveau de vie de nombreuses personnes Des considérations de répartition des revenus et des considérations proprement politiques jouent donc un rôle majeur dans le choix final. Si l'on se réfère aux publications et déclarations des IBW, même avant 1999, la prise en compte de ces contraintes lors du choix des mesures devait être assurée : « Les équipes de la Banque et du Fonds ont la flexibilité de modifier le document pendant la mission de négociation pour refléter les préoccupations du gouvernement et sa sensibilité » (World Bank, 1989, p. 6).

34 En réalité, le choix des politiques a souvent été limité à une discussion au sein d'un groupe très restreint, sans que les principaux intéressés soient véritablement associés aux choix. Tout au plus, ces derniers étaient sommairement informés des décisions prises au moment où il fallait passer à l'acte. Au Burkina Faso, les fréquentes modifications en matière fiscale et budgétaire imposées par les IBW, faisant fi du cycle budgétaire, ont obligé le Parlement à voter de nombreuses lois de finances rectificatives, à la rédaction desquelles les parlementaires étaient à peine associés. Selon le président de l'Assemblée des députés du peuple, las de cet éternel recommencement, il aurait été préférable d'avoir un fax à la place du gouvernement pour que les députés puissent travailler directement avec les bailleurs de fonds (Journal du Soir, n° 590 du 6 mars 1996, p. 3) !

1. Le choix des mesures : un catalogue préétabli ?

35 C'est dans le domaine des mesures préconisées que la prédétermination par les IBW est la plus visible, au moins jusqu'en 1999. Leurs équipes donnaient souvent l'impression de chercher à appliquer un catalogue de mesures préétabli sans s'être posé la question de sa pertinence. Les chefs de mission n'avaient pas l'habitude de réagir rapidement aux changements de la position de négociation des interlocuteurs (Martin, 1991, p. 35) et ils craignaient surtout de rouvrir des discussions internes qu'ils avaient « réglées » auparavant, non sans problèmes, entre les différents services des IBW impliqués [1]. Duruflé (1996, p. 16) distingue un noyau de mesures qui se retrouve dans tous les documents-cadres des sept pays d'Afrique de l'Ouest de son échantillon : toutes les mesures du domaine du FMI (politique budgétaire et monétaire) s'y trouvent systématiquement. Duruflé souligne que les mesures du noyau ont été préconisées dans des situations très diverses. Par exemple, la réduction de la masse salariale de l'État est toujours préconisée, alors que cette masse variait, suivant les pays, entre 4 et 12% du PIB.

36 Il est compréhensible que toutes les études nécessaires ne soient pas envisageables dans le cadre de l'élaboration des programmes. Mais l'urgence sert parfois à justifier des hypothèses de comportement qui n'ont pour seule vertu que de conduire aux conclusions prédéfinies. Ainsi, en 1992, le FMI chercha et réussit à imposer au Burkina Faso une réduction du prix au producteur du coton, pour faire des économies budgétaires. Mais, en même temps, l'équipe du Fonds voulut présenter des perspectives optimistes en matière de balance des paiements, et projeta donc une augmentation de la production et des exportations de coton. La contradiction semblait évidente, car toutes les études disponibles montraient que la réduction du prix serait suivie d'une réduction des quantités produites. Rien n'y fit, le programme fut adopté sur cette base contradictoire. La baisse de la récolte suivante (de l'ordre de 30 %) confirma les études et enquêtes, mais les négociateurs avaient déjà l'esprit ailleurs, défendant maintenant l'idée (exacte, cette fois) qu'une augmentation du prix au producteur, décidée dans la foulée de la dévaluation du début 1994, relancerait la production cotonnière. Mais ils ne tinrent pas compte des problèmes structurels du secteur cotonnier (probablement intentionnellement, car ces problèmes sont décrits dans de nombreux documents, tels que Konaté, 1993), notamment l'endettement des groupes de paysans. De plus, ils ne voulaient pas admettre que le relèvement des prix aux producteurs était insuffisant, malgré l'acceptation d'une subvention aux intrants proposée par le gouvernement en dépit de son inadaptation au contexte sous-régional [2].

37 Dans un autre domaine, les IBW ont fréquemment préconisé un recensement des fonctionnaires, de manière à éliminer les personnels en situation irrégulière. Il y a des pays où le désordre est tel qu'une mesure de ce type peut paraître adaptée, malgré son coût généralement élevé. Mais les IBW ont imposé cette mesure dans des pays tels que le Burkina Faso où les dossiers sont généralement bien tenus, et où le gain potentiel est sans commune mesure avec le coût de l'opération. Dans le domaine bancaire aussi, l'application de mesures préconçues peut engendrer des résultats mitigés. Très souvent, l'état sinistré du système bancaire et financier fait de son assainissement l'une des priorités du programme. L'exemple du Burkina Faso montre que l'opération de restructuration du système bancaire, appliquée d'une manière stéréotypée, a eu « des résultats relativement modestes, en ce qui concerne l'objectif de favoriser le développement de l'intermédiation financière pour le financement des investissements » (Brand, 1995, p. 43), malgré le coût extrêmement élevé pour l'État burkinabè. La responsabilité de ce dernier n'étant de surcroît que « rarement engagée sur les créances privées », Brand (p. 44) assimile cette opération « à une prime à la mauvaise gestion, contraire à l'objectif poursuivi ».

38 La dévaluation était aussi prescrite dans le cadre de la plupart des programmes d'ajustement structurel [1]. Pourtant, ses effets potentiellement pervers sont décrits dans nombre d'études, mais rarement évalués lors de la conception des programmes. Par exemple, la dévaluation du FCFA en janvier 1994 a eu une grande incidence – imprévue dans le programme – sur la structure des bilans et les résultats du secteur bancaire burkinabè. Grâce aux dépôts auprès de leurs correspondants à l'étranger, les banques commerciales ont dégagé d'importantes plus-values tandis que la Caisse nationale de crédit agricole (CNCA), dépourvue de tels dépôts mais fortement endettée en devises, risquait des pertes élevées. Comme le programme visait à encourager l'intermédiation bancaire, il était donc paradoxal que la CNCA, « seule banque finançant le développement du secteur agricole avec des résultats encourageants, soit si lourdement pénalisée par la dévaluation du FCFA » (Brand, 1995, p. 47).

39 La dévaluation du FCFA était censée favoriser les investissements et relancer la production et les exportations. Or Faure (1996) montre comment, dans le secteur des fruits et légumes, l'une des principales filières désignées dans le programme pour relancer les exportations, l'existence d'autres facteurs non pris en compte dans sa conception ont contribué à contrecarrer les effets escomptés. Le manque de sécurité foncière explique que les investissements nécessaires pour assurer l'exploitation régulière sur une période longue ne seront pas réalisés. De plus, les exportateurs n'ont pas été incités à augmenter les rémunérations des paysans après la dévaluation, de sorte que « les revenus de l'“or vert” ne profitent en rien aux populations » (Faure 1996, p. 180).

40 D'une manière plus générale, la méconnaissance des structures sociales, de l'importance des transferts entre ménages ou de la manière dont les groupes sociaux africains instrumentalisent les mesures empêche souvent d'anticiper les réactions. Cette difficulté pour les IBW à intégrer dans les programmes la réalité sociale des pays aurait dû les pousser à prendre largement en compte les programmes élaborés localement.

2. Les programmes élaborés localement – un rejet systématique ?

41 Certains gouvernements ont délibérément renoncé à élaborer leurs propres propositions de programmes, parce qu'ils trouvent plus facile de rejeter la responsabilité d'un échec sur les IBW. Mais, à partir de 1985 de nombreux gouvernements ont commencé à penser que la formulation précise de politiques économiques permettait d'améliorer leur pouvoir de négociation et d'obtenir des concessions de la part des IBW (Martin, 1991, p. 28). La demande pour obtenir une assistance technique capable d'appuyer les gouvernements dans l'élaboration de leurs propres programmes de réformes économiques s'accroît.

42 Visiblement, les IBW n'ont pas beaucoup encouragé ces efforts. Si elles n'ont pas carrément essayé d'étouffer ces tentatives nationales, elles ont du moins feint de les ignorer. Cart (1995), fonctionnaire au Département fédéral des Affaires étrangères suisse, a été témoin de l'attitude dogmatique des IBW au Rwanda au cours des années 1987- 1990, refusant de prendre connaissance des plans d'ajustement préparés par le pays. Les IBW ne voulaient en aucun cas « reconnaître leur bien-fondé même partiel et (...) insistaient pour imposer des vues ne reflétant pas une connaissance très profonde du Rwanda » (ibid., p. 475). Pourtant, un important effort national avait été entrepris pour élaborer un programme économique. De plus, les outils d'analyse macro-économique, de collecte et de traitement des indicateurs économiques et financiers avaient été améliorés [1]. Depuis 1987, l'économie rwandaise avait été étudiée pour faire des propositions d'ajustement et de relance. Plus de 50 cadres des principaux services économiques et financiers effectuèrent une analyse approfondie de la situation économique et proposèrent une liste de mesures de redressement (République rwandaise, 1989 a) [2] lors d'un important séminaire, du 30 octobre au 10 novembre 1989. Bien entendu, un tel document présentait des lacunes, mais il fut refusé par les IBW, même comme base de discussion.

43 Un scénario analogue s'est déroulé au Burkina Faso dans les premières années du programme d'ajustement structurel. Le gouvernement avait entrepris de grands efforts – certes pas toujours concluants – pour intégrer les nouvelles méthodes de programmation financière dans le dispositif de planification existant [3]. En septembre 1989, le gouvernement burkinabè avait élaboré un projet de document-cadre de politique économique (DCPE). Les négociations proprement dites ont duré d'octobre 1989 à mars 1991. Malgré ces efforts, le DCPE final de 1991 était fort éloigné des propositions burkinabè, et ressemblait à une liste de recommandations standard du FMI (à l'exception de la dévaluation, qui fut discutée à un autre niveau). La politique économique qui s'y trouvait tracée se situait en rupture frontale avec tout ce qui avait été préconisé et mis en œuvre jusque-là par le gouvernement burkinabè, et notamment avec tout ce qui avait été fait en matière de lutte contre la pauvreté, comme le montre une étude du ministère de l'Économie et des Finances et de la GTZ (1998). On comprend donc que ce document-cadre de politique économique (DCPE) ait été très peu diffusé à l'époque [4].

44 Ultérieurement, les choses se sont parfois passées différemment. Début 1995, aussi bien les autorités burkinabè, représentées par le ministère de l'Économie, des Finances et du Plan, que le FMI ont présenté chacun une proposition de DCPE pour la période 1995-1997. Les autorités burkinabè ont déployé beaucoup d'efforts pour élaborer une première version accompagnée d'un cadrage macro-économique avant l'arrivée du FMI. Ces deux propositions ont été discutées avec une délégation du Fonds qui a séjourné à Ouagadougou en février 1995. La version finale commune a été réalisée lors d'une visite d'une délégation burkinabè à Washington. Elle est devenue le DCPE définitif pour la période 1995-1997 (voir GTZ, 1995).

III. TRADUIRE EN CHIFFRES L'IMPACT DES POLITIQUES

45 Il faut choisir des hypothèses sur les variables indépendantes des autorités nationales (exogènes), avant d'effectuer des prévisions de croissance et de « boucler » le programme. C'est particulièrement délicat dans des économies très fluctuantes comme celles des pays africains.

1. La projection des évolutions exogènes et des paramètres

46 C'est un domaine où existe, par définition, une marge d'incertitude importante. Pour la prévision des prix mondiaux, les IBW utilisent généralement les projections qu'elles réalisent elles-mêmes (Global Development Finance pour la Banque mondiale et World Economic Outlook du FMI). L'analyse rétrospective menée par Deaton et Miller (1995) montre toutefois que les prévisions de la Banque mondiale sont très rarement vérifiées. Elles sont affectées dans le cas du coton d'un optimisme systématique : « Les prédictions d'un boom à venir (mais jamais réalisé) se sont seulement légèrement effacées » (Deaton et Miller, 1995, p. 22). Cela n'est pas aussi vrai pour le café, mais les prévisions pessimistes sont exceptionnelles et on constate un « optimisme erroné après le boom » (ibid., 1995, p. 21).

47 En pratique, les équipes qui élaborent le programme disposent d'une marge de manœuvre importante. Lorsqu'elles cherchent à obtenir un programme peu contraignant, elles peuvent avoir recours à des projections optimistes des cours des matières premières – et vice versa lorsqu'elles recherchent un programme « dur ».

2. Les prévisions de croissance

48 Conformément à l'approche monétariste, le FMI considère le taux de croissance du PIB comme exogène, laissant à la Banque mondiale le soin de « justifier » les évolutions supposées par les mesures et investissements adéquats. Le modèle RMSM (Revised minimum standard model) est en grande partie destiné à cela, quoique fort peu utilisé en pratique. Il repose sur des liens fixes entre l'investissement et l'accroissement de la production. J. Polak (1997, p. 12) qualifie cette méthode de « douteuse », avant qu'Easterly (1999) n'en présente une critique ravageuse. Plusieurs tentatives ont été faites pour combiner les deux modèles du Fonds et de la Banque mondiale, conduisant à des formulations sophistiquées. Ces efforts n'ont pas débouché sur des maquettes opérationnelles. Polak (1997, p. 11 et s.), soutient même que les deux approches sont intrinsèquement incompatibles.

49 Pour le FMI, les contraintes sont les suivantes : d'une part, la croissance ne doit pas être trop vive pour ne pas donner l'impression que le pays est capable d'engendrer une croissance rapide jugée incompatible avec le besoin d'assistance extérieure ; d'autre part, il faut que le taux de croissance du PIB par tête soit assez rapide pour « vendre » le programme aux autorités nationales et éviter la critique externe. C'est pourquoi certains pays africains se retrouvent avec des programmes tablant sur une croissance analogue à celles des dragons d'Asie du Sud-Est, sans que l'on puisse comprendre l'origine de ce miracle [1]. Les objectifs de PIB sont simplement des valeurs « qui devraient permettre de réaliser le programme ». De plus, l'amour des chiffres ronds et des croissances régulières occulte la forte instabilité caractéristique des économies africaines, liée aux fluctuations climatiques et à celle des cours de matières premières.

50 Il est surprenant que le FMI ait toujours présenté un seul scénario, et considéré comme suspecte toute déviation par rapport à la voie qui est ainsi tracée. Il en va ainsi en partie parce que les critères et repères des programmes sont établis par référence à cette évolution – mais cela ne permet pas de gérer correctement l'instabilité.

3. Le « bouclage » du programme

51 Le « bouclage » du programme consiste à valider un scénario considéré comme « finançable ». Par nature, c'est un processus itératif qui vise à ramener le gap de financement à un niveau « réaliste ». Il ne s'agit pas d'un processus technique, mais plutôt d'une sorte de marchandage. La puissance du FMI à ce niveau tient beaucoup au fait que sans son aval, le financement extérieur du pays est bloqué faute d'accès direct au marché financier international.

52 En pratique, sur le plan technique, il est souvent difficile d'utiliser la totalité de la méthodologie préconisée par le FMI. Cela supposerait un nombre excessivement élevé d'itérations, ainsi que des arbitrages délicats. Les mesures d'ajustement sont souvent contradictoires, au moins à court terme. Il est difficile d'équilibrer le budget de l'État ou la balance des paiements sans que le secteur privé en pâtisse à court terme. Par ailleurs, les mesures de libéralisation du commerce extérieur ont eu un effet pour le moins déstabilisant sur les entreprises privées tournées vers le marché intérieur dans de nombreux pays.

53 Enfin, rien ne garantit que l'on converge vers un programme acceptable. Il n'existe pas forcément de programme réaliste qui permette de satisfaire l'ensemble des critères, voire seulement un nombre raisonnable de critères à court terme. C'est pourquoi beaucoup de programmes sont fondés sur des hypothèses irréalistes (Sachs, 1989, p. 115). Il en résulte que les bouclages laissent souvent de côté certains aspects gênants des interrelations décrites par la méthodologie officielle [1].

54 Les missions du FMI peuvent agir ainsi parce que :

55

  • la programmation financière, sous sa forme généralement pratiquée, n'implique pas un fort niveau de cohérence. Ainsi l'équilibre « ressources - emploi » ne vérifie jamais l'équilibre « offre - demande » (en retraçant le circuit « production - revenus - consommation »), ni la cohérence des projections sectorielles (par l'utilisation d'un tableau entrées sorties). La décomposition sectorielle du PIB est alors purement arithmétique. Cela permet, par exemple, de présenter des projections où les dépenses publiques se réduisent, tout en supposant un accroissement des productions liées à la demande interne, ou encore de prévoir une baisse des investissements publics parallèlement à une croissance des BTP ;
  • les équipes du FMI en Afrique n'utilisent pas en général de modèle spécifiant les principales interactions macro-économiques. Chaque membre de l'équipe se préoccupe de son propre secteur, et l'essentiel du travail final consiste à « toiletter » l'ensemble pour établir les correspondances de base entre les documents (situation monétaire, tableaux des opérations financières de l'État, balance des paiements, équilibre ressources - emplois).

56 La croissance du PIB qui sert d'hypothèse de base à la projection du FMI est généralement élevée, du moins par rapport aux tendances passées. Elle impliquerait normalement une croissance importante des importations. Il faut donc trouver un moyen de faire croître les recettes en devises pour que la situation prévisionnelle de la balance des paiements s'améliore. En dehors du financement extérieur, qui sert à combler le gap final, les possibilités sont limitées pour les pays africains. En dehors de l'optimisme systématique sur les prix mondiaux déjà évoqué, il faut alors dans la plupart des cas :

57

  • « inventer » des exportations « non traditionnelles » en forte croissance : c'est une solution « élégante » puisqu'elle peut être mise en relation avec d'autres aspects du programme. Par exemple, la libéralisation de l'économie est censée produire un élan spontané des entrepreneurs locaux vers les marchés extérieurs [1] ;
  • « minimiser » l'accroissement des importations, malgré les besoins d'importations liés à la croissance supposée (consommations intermédiaires et biens d'équipement).

58 Il en résulte le paradoxe suivant : alors que les programmes sont à court terme (trois ans est un délai très court pour que se manifestent les impacts positifs des réformes structurelles du fonctionnement d'une économie), les équipes du FMI introduisent dans les projections des effets qui ne sauraient se produire qu'à moyen terme. « Les missions ont trouvé nécessaire de tabler sur des vitesses d'ajustement qu'elles savent irréalistes » (Killick, 1995, p. 151). Pour que l'impact des réformes soit visible à l'horizon de trois ans, il faudra supposer une flexibilité de l'économie exceptionnelle en matière de prix et de salaires, de réponse de l'offre, de modifications des techniques, etc. Pour cela, on confond souvent le libre jeu du marché (« libéralisation ») avec la possibilité d'une adaptation quasi instantanée des courbes d'offre (qui suppose des investissements, des entrepreneurs, etc.) et de demande (qui suppose des modifications des habitudes, etc.). Les économies africaines se caractérisant par leur faible flexibilité, les résultats tardent souvent à se manifester. De plus, les réformes commencent souvent par avoir des effets négatifs, parce qu'elles remettent en cause les « moteurs » traditionnels de la croissance dans ces pays et désorganisent le corps social en profondeur (Jarret et Mahieu, 1991).

CONCLUSION

59 Il est surprenant que le thème de l'appropriation ait toujours été présent lors de l'élaboration des programmes avec le FMI, même lorsque la pratique était diamétralement opposée. Les équipes du FMI ont généralement eu tendance à établir un diagnostic à leur convenance, à négliger les spécificités locales et à rejeter les programmes élaborés localement. En raison des approches standard employées, elles ont souvent choisi des politiques peu adaptées aux spécificités du pays. Fréquemment, les mesures ont été sélectionnées dans un catalogue préétabli et les effets attendus étaient rarement analysés dans un cadre macro-économique cohérent. Le « bouclage » du programme était obtenu en se fondant sur des prévisions de croissance irréalistes sans étude de variantes d'aléas économiques et politiques.

60 Ce constat doit amener à suivre avec attention les modifications des pratiques mises en avant par les IBW depuis 1999. Dans des économies très pauvres, les capacités des administrations nationales sont faibles. Les cadres locaux ont besoin d'être valorisés par la prise en considération de leurs travaux. C'est la meilleure incitation pour leur permettre d'améliorer leur technicité. Sans cela, aucun programme de formation ou de capacity building ne peut être efficace. Mais cela prend du temps, et les IBW ne semblent considérer que le court terme. Cette conduite est due à l'obligation qu'ont les équipes du FMI de revenir à Washington avec un accord qui passe sans difficulté au conseil d'administration (Martin, 1991, p. 34). Elles ne disposent que d'un laps de temps très réduit pendant lequel elles doivent présenter un programme conduisant à une situation « acceptable » et « finançable ».

61 Comme le montrent notamment les études du Centre de développement de L'OCDE consacrées à l'analyse du comportement des différents intervenants lors de la négociation des programmes (Lafay et Lecaillon, 1993 ; Haggard, Lafay et Morrisson, 1995), les équipes du Fonds poursuivent un certain nombre d'objectifs internes à l'organisme international, d'autant plus qu'ils disposent de pouvoirs non négligeables (voir aussi Harper, 1998). Dans une certaine mesure, la situation du FMI dans les négociations rappelle celle des cabinets d'audit qui conseillent en même temps de grandes entreprises. Le FMI dispose d'un pouvoir étendu pour manipuler les données et « valider » ainsi ses conseils de politique économique. Une plus grande transparence est nécessaire. Une meilleure implication des autres bailleurs de fonds dans le processus d'élaboration, de validation et de suivi de la Stratégie de réduction de la pauvreté, pourrait aller dans ce sens.

62 Mais de leur côté, les gouvernements devraient améliorer leur contribution au processus, notamment en responsabilisant davantage leurs propres cadres, en renforçant les équipes nationales, en constituant des bases de données locales fiables et en faisant réaliser les analyses économiques appropriées.

Bibliographie

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Notes

  • [*]
    Consultant, ancien conseiller GTZ aux ministères chargés de l'Économie et des Finances, Burkina Faso.
  • [**]
    Université Paris-Dauphine, EURIsCO, DIAL.
  • [1]
    Les auteurs ont effectué de nombreux travaux d'expertise en Afrique dans le domaine de l'analyse et de la prévision macro-économique. Ils s'expriment ici à titre personnel et leurs propos n'engagent en aucun cas les agences de coopération. Ils remercient en particulier la GTZ.
  • [1]
    Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) pour le FMI et Crédit pour la réduction de la pauvreté et la croissance (CRPC) pour la Banque mondiale.
  • [2]
    Voir entre autres World Bank (2004) et International Monetary Fund (2004).
  • [1]
    Nous ne parlerons pas ici des intérêts des autres bailleurs de fonds (notamment de la Banque mondiale), qui fournissent souvent d'importantes aides budgétaires et interviennent à divers degrés dans le processus.
  • [1]
    Cette expression désigne généralement des éléments assez hétérogènes, tels que des insuffisances dans l'organisation, la coordination, la délégation, l'animation (monitoring), ou encore la maîtrise technique qui sont nécessaires pour concevoir, élaborer et exécuter un programme de réformes économiques. Ce diagnostic induit des tentatives pour mettre en place une assistance technique et financer des actions en vue d'un renforcement institutionnel (capacity building).
  • [2]
    Inversement, les négociateurs du FMI devraient divulguer aux cadres nationaux toutes les informations dont ils disposent, ce qui ne semble pas toujours être envisagé d'une manière aussi systématique.
  • [1]
    Ainsi, au Burkina Faso, la production de coton fait l'objet de deux estimations souvent très divergentes : l'une est faite par les enquêtes agricoles focalisées sur les céréales et peu représentatives en ce qui concerne la production du coton ; l'autre, plus fiable, est établie par la SOFITEX, l'unique société chargée de la commercialisation du coton, qui comptabilise tous les achats réalisés au cours de la campagne.
  • [2]
    Assez souvent, une confusion persiste entre estimations préliminaires, données semi-définitives et définitives, parce que les services utilisateurs ne sont pas, ou seulement très tard, mis au courant d'une révision des différentes séries.
  • [3]
    L'impact positif de l'intervention des organismes internationaux sur l'organisation du système national des informations peut aussi être remarqué dans d'autres circonstances et d'autres régions. Citons à titre d'exemple C. Gruson (dans Fourquet, 1980, p. 188) qui explique comment de telles demandes ont considérablement contribué en France au développement des services nationaux après la guerre.
  • [1]
    Voir la « Note explicative sur l'estimation des Comptes nationaux 1986-1991 », rédigée par la mission du FMI, le 14 juin 1992.
  • [1]
    Publiée dans International Monetary Fund (1993). Quant aux tentatives d'harmoniser les séries, voir Burkina Faso (1997).
  • [1]
    Ces accords préalables conclus entre les IBW étaient consignées dans les briefing papers et issue papers remis aux délégations avant leur départ.
  • [2]
    L'acceptation des subventions apparaît d'autant plus incompréhensible que cette pratique est contraire à la libéralisation couramment inscrite dans les programmes de l'époque. Les IBW ont évolué aujourd'hui. Après avoir appuyé dans le passé les réductions du prix du coton au producteur, et leur « arrimage » aux prix mondiaux, elles ont félicité les autorités burkinabè en 2002 pour avoir refusé de baisser les prix aux producteurs et ainsi contribué d'une manière significative à la réduction de la pauvreté. Pourtant, les producteurs de coton peuvent difficilement être présentés comme les plus pauvres parmi les paysans.
  • [1]
    Les accords internationaux qui lient les pays introduisent un élément de diversité dans les Documents-cadres de politique économique. C'est pourquoi, pendant longtemps, la dévaluation n'a pu être imposée aux pays de la zone franc, avant que les IBW réussissent à l'imposer à la zone franc en bloc. Pourtant, dans le cas du Burkina Faso, rien n'autorisait un tel diagnostic sur la base des propres critères du Fonds (le taux de change effectif réel).
  • [1]
    Un premier modèle macro-économique opérationnel, baptisé UMUGANDA fut présenté en 1986. Cet instrument fut perfectionné par la suite, et a servi pour faire des prévisions et tester les scénarios discutés lors de l'élaboration du programme. Un tableau de bord de l'économie rwandaise fut élaboré pour suivre l'évolution des principaux indicateurs économiques et alimenter le modèle.
  • [2]
    Le programme de réformes fut adopté lors d'une session commune du Comité central du MRND (Mouvement révolutionnaire national pour le développement) et du gouvernement réunis à Kigali du 6 au 12 décembre.
  • [3]
    De même, les démarches des administrations burkinabè pour améliorer la confection des tableaux des opérations financières de l'État, et adapter la méthodologie de collecte et de présentation des statistiques des finances publiques aux normes du FMI, n'ont pas reçu un soutien enthousiaste de la part du FMI.
  • [4]
    Visiblement, ces pratiques méprisantes ont du mal à disparaître. Au Mali, la Banque mondiale a refusé initialement de prendre en considération la stratégie de lutte contre la pauvreté établie par le gouvernement malien comme base du CSLP (Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté) – alors que dans d'autres pays, cela s'est fait sans problèmes.
  • [1]
    Les études des programmes d'ajustement structurel par Killick (1995, p. 117) montrent que les projections des IBW sont généralement over-optimistic.
  • [1]
    Si le bouclage du programme s'appuyait sur la mise en place en commun d'une sorte d'instrument technique de référence, cela améliorerait beaucoup la qualité du travail, en valorisant les administrations locales. Que les instruments techniques qui sont élaborés par les administrations locales ne soient pas toujours actualisés ni irréprochables n'est pas un obstacle, à condition de prendre le temps de les examiner et de les amender.
  • [1]
    Dans le cas du Burkina Faso, la balance des paiements du premier programme mentionnait l'imminence du démarrage d'exportations de zinc et de manganèse. Dix ans plus tard, cela relève toujours de la chimère, malgré l'amélioration des incitations à l'implantation d'entreprises minières étrangères.
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