Notes
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[*]
INED, Paris.
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[1]
Aux différences abyssales de revenus, liées à la présence d'une masse très importante de revenus dérisoires, on peut ajouter de spectaculaires inégalités épidémiologiques à un niveau local fin : « Dans l'état de São Paulo..., les inégalités ne sont pas seulement de nature quantitative, mais également de nature qualitative, découlant d'un processus de polarisation épidémiologique au niveau social et spatial où, concentrés par secteur, les niveaux les plus élevés de mortalité sont associés à des profils épidémiologiques anachroniques... Il y a par exemple dans les zones les moins privilégiées de la ville un surplus de décès d'enfants de moins de 4 ans qui est de l'ordre de 77 % par rapport aux zones les plus privilégiées, reflet de profils épidémiologiques très différenciés » (Ferreira, Waldwogel, 1997, p. 86).
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[2]
Le contraceptive mix est un concept utilisé dans la littérature anglo-saxonne, qui signifie « la gamme de méthodes contraceptives disponibles dans un contexte donné ».
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[1]
La plus importante est la Bemfam, Sociedade Civil Bem Estar Familiar no Brasil, affiliée à l'IFPF (International Planned Parenthood Federation).
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[1]
L'enquête Gravad – Grossesses à l'adolescence. Étude sur les jeunes : la sexualité et la reproduction au Brésil – a été réalisée en 2002 auprès de 4 634 jeunes âgés de 18 à 24 ans, dans trois grandes villes brésiliennes (Rio de Janeiro, Porto Alegre et Salvador de Bahia).
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[1]
Une historienne brésilienne écrit : « (la pilule) ne figure pas dans la mémoire des femmes comme un fait marquant dans la lutte pour leur autonomie. Les femmes des couches moyennes que notre équipe a interviewées ne considèrent pas la contraception comme une conquête. La pilule est pensée comme quelque chose de nécessaire pour définir une famille de dimension plus réduite, mais aussi comme un risque constant pour la santé » (Pedro, 2003, p. 376).
1 Vaste comme seize fois la France et deux fois et demie l'Inde, le Brésil présente de considérables différences entre ses régions et, à l'intérieur de chaque région, des inégalités extrêmement fortes entre groupes sociaux (Théry, 1999). La différence d'espérance de vie entre le Nordeste et le Sudeste (États de São Paulo, Rio de Janeiro et de Minas Gerais) est par exemple de cinq ans, tandis que le revenu par tête dans le Sud et dans le Sudeste atteint trois fois celui du Nordeste et deux fois celui du Nord. Si le Brésil est devenu l'un des pays les plus urbanisés du monde (80 %), les villes connaissent des fossés sociaux qui se sont fortement accrus au cours des dernières décennies entre des groupes qui vivent selon les modèles des pays développés (couramment appelés au Brésil le « premier monde ») et des populations, nombreuses, qui doivent lutter pour obtenir l'indispensable [1]. Entre les années 1960 et les années 1990, le Brésil a pourtant connu une transition démographique dont la rapidité et la relative homogénéité sont surprenantes (Bozon, Enoch, 1999). Une comparaison avec l'Inde (Martine et al., 1998) fait apparaître la singularité brésilienne. Toutes les régions du Brésil ont atteint dans les années 1990 des indices synthétiques de fécondité compris entre deux et trois enfants par femme, alors que ce pays continental n'a jamais connu d'action gouvernementale cohérente en faveur de la planification familiale. Comment expliquer cette évolution surprenante ?
2 Plusieurs détours sont nécessaires pour éclaircir le paradoxe de cette partition sans chef d'orchestre. Tout d'abord, il faut reconstituer l'histoire sociopolitique de la transition de la fécondité et de la non-implication du gouvernement et de la société civile, qui n'ont pas empêché l'action vigoureuse et ciblée d'organismes privés et une transformation rapide des attitudes à l'égard de la taille des familles. Le résultat de ce processus est d'avoir produit une culture reproductive très spécifique, marquée par une médicalisation poussée, un contraceptive mix [2] caractérisé par une grande pauvreté d'options, ainsi que par les retombées inattendues des politiques de prévention du sida. Enfin, des données sociologiques individuelles permettent de comprendre comment les femmes se sont appropriées les nouvelles composantes de la culture reproductive : dans un contexte où la faible implication masculine dans les choix reproductifs reste une constante, les comportements sexuels des femmes se sont transformés au fil des générations, mais sans que les différences et inégalités entre groupes sociaux dans les conditions de déroulement de la vie reproductive ne s'amenuisent, bien au contraire.
LES CONDITIONS HISTORIQUES, SOCIALES ET POLITIQUES D'UNE TRANSITION INFORMELLE DE LA FÉCONDITÉ
3 Les prémices d'une baisse générale de la fécondité apparaissent au Brésil dans la première moitié des années 1960, baisse qui s'accentue au cours des années 1970 (Bozon, Enoch, 1999). Le recensement de 1980 est le premier à faire apparaître un fort ralentissement de la croissance de la population, confirmé par l'enquête sur les ménages de 1986 (enquête PNAD), qui révèle une baisse accélérée de la fécondité et les progrès spectaculaires de la contraception, utilisée par 70 % des femmes en couple de 15 à 54 ans (sous la forme de la pilule, employée par 41 % des utilisatrices, et de la stérilisation, qui concernait 44 % d'entre elles). De 1965 à 1996, l'indice synthétique de fécondité tombe de 5,7 à 2,3 enfants. Toutes les régions sont concernées par cette transition vers une faible fécondité, qui s'opère partout selon un rythme à peu près identique. Ainsi en trente ans, le Nordeste voit sa fécondité passer de 7,2 à 2,9 enfants par femme, tandis que le Sud qui, dans les années 1960, avait un indice proche de 6 tombe en 1996 à 2,1 enfants par femme et le Sudeste, seul à avoir vraiment entamé sa transition avant les années 1960, de 4,7 à 2,0. Des différences réelles subsistent entre les régions, mais elles paraissent faibles au regard des énormes disparités régionales qui existent en matière de fécondité dans un pays comme l'Inde, auquel le Brésil est souvent comparé. Par sa vitesse et son calendrier, la transition brésilienne est comparable à celle du Mexique (Cosio-Zavala, 1994 ; Quilodrán, 2002), alors qu'elle se distingue fortement de celle de l'Argentine voisine (Chesnais, 1986), où la baisse de la fécondité a commencé à la fin du XIXe siècle et s'est étalée sur près d'un siècle, à la manière de certains pays européens. Vu l'immensité et l'hétérogénéité sociogéographique du pays, cette relative homogénéité du rythme de la baisse étonne.
Une transition non classique
4 Aucune des interprétations classiques n'est satisfaisante pour expliquer de manière adéquate la forme et la rapidité de cette évolution. Les théories qui relient la transition à la modernisation et au développement, par l'élévation du revenu et du niveau d'instruction des femmes, ne rendent pas bien compte, dans un pays marqué par l'hétérogénéité des revenus ainsi que par l'inégalité et la lenteur relative des progrès en matière d'éducation, de l'uniformité de la baisse de la fécondité, quel que soit le degré de développement de la région ou le milieu social. La théorie inverse, d'une transition démographique qui serait une réponse à la pauvreté et aux crises (le « malthusianisme de pauvreté », voir Cosio-Zavala, 1998), peut difficilement rendre compte du fait que la baisse a eu lieu au même rythme lors de la période de forte croissance du « miracle économique brésilien » (années 1970) et lors de la période de forte crise des années 1980, et ce, qu'il s'agisse du Sud développé ou du Nordeste « en développement ».
De la dictature à la démocratie : la faiblesse de l'action publique en faveur de la planification familiale
5 Un autre type d'explication se réfère aux effets de l'action des acteurs publics, parmi lesquels les pouvoirs publics, mais aussi l'Église, les milieux médicaux, le secteur de la planification familiale, les mouvements sociaux et politiques, comme le mouvement féministe par exemple. Dans les années 1960, prévalait l'idée que le pays, en raison de son immense superficie, était sous-peuplé, notamment dans les zones frontalières et dans l'« intérieur », et que le risque de surpopulation ne le concernait pas : l'orientation pronataliste était alors largement dominante, dans tous les secteurs politiques. Telle fut la position initiale du gouvernement militaire qui prit le pouvoir en 1964 (et le conserva jusqu'en 1985), mais celle-ci évolua avec le temps. À la Conférence mondiale sur la population de Bucarest (1974), la représentation brésilienne afficha en effet une volonté politique de fournir à la population à bas revenu des moyens de contrôler sa fécondité, que l'on pourrait qualifier de « malthusianisme socialement sélectif » (Bemfam, 1997, p. 10). Il n'en découla cependant aucune mesure concrète dans un premier temps, d'autant qu'à l'époque l'Église, mais aussi les mouvements de gauche et les mouvements féministes, affichaient une hostilité de principe au contrôle des naissances (critiqué sous le nom de controlismo) : la priorité qu'ils donnaient à la question de la pauvreté, mais aussi le contexte de la dictature et l'appui nord-américain aux organisations privées de planification familiale expliquent en partie ces attitudes. L'engagement gouvernemental ne s'est concrétisé que vers la fin de la dictature et de façon assez restrictive : les objectifs de planification familiale ont été transcrits dans un Programme d'Assistance Intégrale à la Santé de la Femme, aux objectifs multiples, créé en 1983 par le ministère de la Santé et mis en œuvre au plan local de façon très inégale (plus dans la région Sud, beaucoup moins au Nordeste), le Brésil étant un pays fédéral. C'est à ce moment, alors que des méthodes comme la pilule ou la stérilisation féminine sont déjà largement diffusées, que l'attitude des mouvements féministes évolue de manière radicale : ils prennent leurs distances à l'égard de l'Église et s'engagent dans une défense résolue des « droits reproductifs » des femmes, critiquant la pauvreté des options qui leur étaient proposées (pilule ou stérilisation). En somme, contrairement au Mexique à la même période, le Brésil n'a pas connu d'action publique ferme et cohérente en matière de planification familiale (Martine et al, 1998 ; Pedro, 2003).
6 Si l'attitude du gouvernement militaire a évolué vers un soutien modéré à la planification familiale, même si celui-ci n'a guère eu de conséquences pratiques, c'est en partie parce que dès les années 1960, des organisations non gouvernementales et des organismes privés de planification familiale [1], avec des financements internationaux et une tolérance gouvernementale tacite, avaient commencé à agir vigoureusement en faveur d'un contrôle des naissances en créant des programmes de formation, des cliniques et des centres d'information. À la fin des années 1980, lorsque les premières enquêtes font apparaître l'importance de la proportion de femmes stérilisées, de violentes polémiques éclatent au point que ces organismes se voient accusés d'un génocide de la population noire et pauvre. En réalité, il ne semble pas que l'action sur le terrain des organismes de planification familiale ait été très développée à l'échelle du pays, sauf dans le contexte particulier du Nordeste ; nous y reviendrons (Caetano, 2001). Leur influence essentielle a été indirecte, et a plutôt été celle d'un groupe de pression qui a maintenu la question de la population constamment à l'ordre du jour, dans une perspective néo-malthusienne (Martine, 1998).
Politique de population indirecte et médicalisation de la santé
7 Deux autres types de facteurs ont été avancés pour expliquer, sinon les causes, du moins le contexte qui a favorisé la transition démographique brésilienne. On peut tout d'abord considérer qu'il y a eu au Brésil, sous le gouvernement militaire, une politique de population indirecte, liée à des éléments de politique économique et sociale qui, sans avoir pour objectif la transformation des attitudes à l'égard de la taille de la famille et la diffusion des méthodes de planification familiale, les auraient facilitées. Ainsi, l'essor massif de l'accès aux moyens de communication, lié à des investissements lourds dans les télécommunications, fait passer le nombre de ménages urbains qui reçoivent la télévision d'une proportion infime en 1960 à 78 % en 1991. Même s'il est à peu près impossible de prouver que la télévision aurait été le vecteur d'une propagande explicite en faveur des familles de petite taille, elle a introduit dans ses fictions (novelas), mais aussi dans des émissions de débats, des thèmes et des contenus favorisant, au sein de la population, la discussion et la mise en cause des attitudes traditionnelles à l'égard de la famille, de la sexualité et des rapports entre hommes et femmes.
8 Le gouvernement militaire a par ailleurs promu une politique de santé qui a eu pour effet une forte médicalisation du secteur de la santé, se traduisant par une augmentation massive du nombre de médecins et du personnel médical, un développement de la médecine curative/hospitalière au détriment de la médecine préventive, une promotion de la médecine privée (subventionnée), et enfin un couplage du système de santé au système de sécurité sociale. Si, dans un premier temps, le nombre de personnes couvertes par des services de santé a fortement augmenté, il s'est produit à terme une baisse considérable du montant dépensé par personne, ce qui a conduit au développement d'un système d'assurances de santé privé pour ceux qui en avaient les moyens (Berquó, 1998). Il en est résulté un contact plus permanent de la population avec les médecins, les services médicaux et l'idéologie médicale. Ainsi, dès le milieu des années 1990, la quasi-totalité des accouchements s'effectuent dans des hôpitaux ou des cliniques – ce qui ne veut pas toujours dire dans de bonnes conditions. Et même si, comme on va le voir, l'avortement est toujours resté interdit, le traitement des complications éventuelles s'effectue très largement, en dernier recours, dans les hôpitaux et cliniques du secteur public.
Transition urbaine et déclin des idéaux familiaux traditionnels
9 Enfin, le Brésil est devenu l'un des pays les plus urbanisés du monde ; cette concentration de la population dans les villes s'est accomplie de manière bien plus rapide que dans d'autres pays, avec de fortes migrations interrégionales : alors que deux Brésiliens sur trois vivaient à la campagne en 1950, quatre sur cinq vivent en milieu urbain en 1996. Or les conditions de vie urbaines rendent obsolètes les idéaux de famille patriarcale, poussent, pour des raisons matérielles, à la réduction du nombre d'enfants, facilitent l'apparition de nouvelles aspirations sociales et la diffusion des techniques de réduction des naissances. Par ailleurs, la forte évolution de la scène religieuse – diversification de l'offre, accroissement de la mobilité religieuse (du catholicisme vers le pentecôtisme) et net mouvement de sécularisation – prend sa source dans les villes et accompagne cette perte de légitimité des idéaux traditionnels. L'urbanisation d'ensemble de la société produit des effets qui se font sentir jusque dans le milieu rural. La rapidité et l'intensité de la transition urbaine sont ainsi fortement liées à celles de la transition de la fécondité.
LA CULTURE REPRODUCTIVE BRÉSILIENNE AU TOURNANT DU XXIE SIÈCLE : MARCHÉ, MÉDICALISATION, SIDA
10 Lorsqu'un pays connaît une évolution aussi forte et aussi rapide sans qu'elle ait été explicitement organisée, une des questions qui se posent est celle des moyens utilisés par les actrices/acteurs et leur agencement. Dans le cas du Brésil, on peut dire qu'une culture reproductive composite s'est élaborée indirectement à partir de l'offre du marché, d'un processus de médicalisation très marqué et d'une mobilisation collective et ouverte contre le sida. Il est à noter qu'aucun de ces facteurs n'était explicitement destiné à agir sur la fécondité.
11 Après l'enquête PNAD de 1986, déjà citée, et diverses enquêtes locales menées dans le Nordeste et l'état de São Paulo (Berquó, 1995), l'Enquête démographique et de santé (EDS) de 1996 (Bemfam, 1997) fait apparaître une nouvelle hausse de la proportion d'utilisatrices de la contraception (77% parmi les femmes de 15 à 49 ans vivant en couple), mais surtout un progrès de la stérilisation (52 % parmi les utilisatrices), alors que la pilule marque le pas (27 %). D'une région à l'autre, les taux de pratique contraceptive sont proches, mais c'est dans les régions les moins développées (Nord, Nordeste, Centre-Ouest) que l'utilisation des méthodes irréversibles est proportionnellement la plus forte ; inversement le Sud est la seule région où la pilule l'emporte sur la stérilisation, alors que même dans l'état très développé de São Paulo, la stérilisation est largement dominante.
L'avortement, interdit mais largement pratiqué
12 Si les premières enquêtes de fécondité ont fourni des données sur le progrès des méthodes contraceptives, elles arrivaient un peu tard « dans la bataille » et ne suffisaient pas à expliquer la rapidité de la baisse de la fécondité dans les années 1960 et 1970. Par ailleurs, d'après l'enquête de 1986, l'immense majorité des stérilisations s'étaient produites après 1975. On peut en déduire que l'avortement a dû jouer un rôle important dans les débuts de la réduction de la fécondité. Il n'a d'ailleurs jamais perdu ce rôle. L'avortement provoqué est interdit au Brésil, sauf en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère, et les acteurs religieux (catholiques et pentecôtistes) ont organisé un travail de pression permanent pour empêcher la libéralisation de la loi. Il n'existe donc pas d'enregistrement systématique des avortements. Dès les années 1970, des enquêtes locales ont montré que les femmes connaissaient les méthodes pour avorter et que, dans les milieux pauvres, les avortements et les tentatives d'avortement étaient nombreux, en particulier chez les jeunes femmes (Martine, 1975). Des travaux anthropologiques ont évoqué l'existence de techniques pour « faire revenir les règles », pratiquées par les femmes à un stade précoce, avant même que leur grossesse soit socialement reconnue (Leal, Lewgoy, 1995). Au sein des classes moyennes et supérieures, des avortements clandestins sont également pratiqués, mais dans de bonnes conditions. En milieu populaire, les femmes utilisent des tisanes abortives, généralement associées à un médicament contre l'ulcère, le Cytotec, vendu en pharmacie et utilisé en automédication pour ses effets abortifs : quand le Cytotec a été retiré de la vente, il est réapparu sur le marché clandestin. Les hôpitaux publics accueillent les femmes pour complications liées à l'avortement, qui constituent la sixième cause d'hospitalisation et restent une cause importante de mortalité maternelle (Berquó, 1998). Une évaluation indirecte, menée à partir des complications d'avortements prises en charge à l'hôpital, a permis d'estimer qu'il y avait environ 44 avortements volontaires pour 100 naissances vivantes vers 1990 (Alan Guttmacher, 1994). Le recours à l'avortement n'a pas diminué. L'enquête Gravad [1] montre que, parmi les femmes qui avaient eu une grossesse avant 20 ans (30 %), 72 % seulement avaient mené leur grossesse à terme, 15 % déclarant un avortement provoqué et 10 % un avortement spontané. Il est possible que certains avortements spontanés soient en fait provoqués. Parmi celles qui ont mené leur grossesse à terme, 23 % déclarent avoir tenté un avortement ou y avoir pensé (Aquino et al, 2003).
La pilule, largement utilisée, mal acceptée
13 Un élément important du dispositif reproductif au Brésil est la pilule, qui a été mise sur le marché dès 1962 : pour les femmes brésiliennes, cette légalisation est considérée moins comme une conquête ou le résultat d'une mobilisation féministe (à l'instar de certains pays développés) que comme une innovation médicale [1]. Sa promotion a d'ailleurs surtout été faite auprès des médecins. Facilement accessible, elle a longtemps été subventionnée (directement ou indirectement), donc peu coûteuse. Elle est achetée en pharmacie, le plus souvent sans prescription médicale, et prise sans suivi médical. Le paradoxe de la pilule réside dans le fait qu'elle a été utilisée, à un moment donné de leur vie, par un nombre très élevé de femmes (60 % des femmes de 15 à 49 ans en 1996, et 79% parmi celles qui sont en couple), mais qu'elle connaît une utilisation très discontinue, liée à la fois à des taux d'échec importants (11 % des utilisatrices sont tombées enceintes dans les cinq ans précédant l'enquête) et à l'insatisfaction forte due aux effets secondaires : parmi les femmes qui ont commencé à la prendre, 45 % en ont interrompu l'utilisation dans les douze mois. C'est donc une méthode à la fois très connue et très rejetée. Introduite sur le marché sans explication et sans contrôle, elle n'est pas toujours employée de façon cohérente : ainsi le cycle d'utilisation, avec l'interruption d'une semaine, est mal compris (Leal, 1995). Par ailleurs, elle est aujourd'hui devenue plus coûteuse, et donc plus difficile d'accès aux femmes de milieu populaire.
La stérilisation, un choix par défaut
14 La stérilisation s'est imposée au Brésil comme la forme de contraception d'arrêt par excellence, bien qu'elle n'ait jamais été préconisée officiellement. Elle a longtemps été condamnée par le Code pénal et n'est autorisée depuis 1997 que dans des conditions très précisément définies (Vieira, 2000). Son adoption massive est un choix contraint, lié à l'éventail restreint des techniques disponibles, à une mauvaise adaptation culturelle à la contraception orale, et à sa facilité de réalisation. Elle est également pratiquée dans tous les groupes sociaux et ethniques, et généralement effectuée dans un hôpital du secteur public. La démographe Elza Berquó (1998) a montré que les raisons déclarées par les femmes ayant subi une stérilisation avaient évolué entre les années 1980 et les années 1990 : alors que la raison la plus citée était les « problèmes de santé », les femmes déclarent plus souvent, dans les années 1990, que c'est pour ne plus avoir d'enfants. Cette raison est aussi plus souvent avancée dans les états les plus développés du pays. Cela signifie sans doute qu'une méthode proposée d'abord par les médecins pour résoudre les problèmes médicaux des patientes, dans un environnement de très faible choix, a connu ensuite un processus d'appropriation progressif par les femmes. Une méthode comme le dispositif intra-utérin (DIU ou stérilet), qui pourrait être utilisée comme une contraception d'arrêt réversible, est inconnue de 26 % des femmes interrogées en 1996, et employée par moins de 1 % d'entre elles. La vasectomie du partenaire n'est signalée que par 2,6 % des femmes en couple. Parmi les femmes qui n'utilisent pas de contraception, 28,5 % pensent avoir recours à une ligature des trompes dans les douze mois. Pratiquée par 27 % des femmes et 40 % des femmes en couple, la stérilisation, qui coïncide dans les trois quarts des cas avec le dernier accouchement souhaité, apparaît comme une solution pratique et peu coûteuse.
Un effet secondaire de la médicalisation, l'épidémie de césariennes
15 Une autre caractéristique de la vie reproductive au Brésil, où l'accouchement hospitalier est devenu la règle (92 % des naissances), est la fréquence très élevée des césariennes (36 % des naissances des cinq dernières années), l'une des plus élevées au monde, en particulier dans les régions développées du pays. Cette évolution est un des effets pervers de la médicalisation technique de la santé dans le pays. Dans la culture sanitaire brésilienne, à laquelle les médecins ont initié les femmes, la césarienne est considérée comme une simple forme « moderne » et confortable d'accouchement, plus sûre que l'accouchement naturel, souvent perçu comme imprévisible et douloureux. Choisir la césarienne permet en outre de prendre rendez-vous et d'avoir une place garantie pour son accouchement, au lieu d'avoir à faire le tour des cliniques et des maternités pour trouver un lit. La rétribution du médecin à l'acte (la césarienne étant mieux rémunérée que l'accouchement par voie naturelle) n'incite pas ces derniers à restreindre le recours à la césarienne aux indications cliniques. Après une suite de deux ou trois césariennes, la ligature des trompes est fortement recommandée pour éviter les risques d'un nouvel accouchement (rupture de l'utérus) : 59 % des stérilisations font suite à une césarienne. Demander une césarienne est devenu pour les Brésiliennes le moyen le plus commode et le moins coûteux d'obtenir une stérilisation ; la stérilisation en sus d'une césarienne impliquait d'ailleurs en général (au moins avant la loi de 1997 réglementant l'accès à la stérilisation) un dessous de table pour le médecin, payé par la patiente. D'où un cercle vicieux fortement dénoncé par les féministes, en raison de ses nombreuses conséquences sur la santé maternelle : l'association césarienne-stérilisation au Brésil est un exemple souvent cité de mauvaise pratique de santé reproductive (Berquó, 1995). Il ne semble pas que la nouvelle réglementation de la stérilisation ait jusqu'ici contribué à faire baisser le nombre de césariennes non nécessaires (Potter et al., 2003).
Une mobilisation exemplaire contre le sida et ses effets sur la contraception
16 Alors que l'introduction de la contraception dans le pays s'était faite dans l'inertie des pouvoirs publics et de la société civile, l'épidémie de sida au Brésil a suscité une mobilisation publique remarquable. Le secteur homo et bisexuel, initialement le plus touché dans les années 1980, a montré en particulier une puissante capacité de mobilisation et de plaidoyer. Alors que l'épidémie brésilienne inquiétait fortement les organismes internationaux au début des années 1990 par son caractère apparemment incontrôlable, sa gestion au Brésil est devenue dans les années 2000 l'exemple par excellence d'une politique de santé réussie. L'aspect le plus connu, que nous ne développerons pas ici, est la mise en place à partir de 1996 d'une stratégie thérapeutique, adossée à une politique de santé publique et à une politique industrielle de production de génériques, qui a permis un accès aux traitements pour tous les malades (Cassier, Correa, 2003 ; Teixeira, Vitoria, Barcarolo, 2003). Un second aspect est le lancement de campagnes de prévention massives, qui ont mis en avant la nécessité d'utiliser le préservatif masculin. Une enquête nationale sur les comportements sexuels dans la population générale, réalisée en 1998 (Ministerio da Saúde, 2000), fait apparaître des changements notables de comportements parmi les jeunes : ainsi, 53 % des hommes sexuellement actifs et 35 % des femmes avaient utilisé des préservatifs dans les douze derniers mois. La différence s'explique par le fait que l'usage du préservatif est plus fréquent dans les relations occasionnelles et que les hommes entrent plus tard en couple et en relation stable que les femmes. Si on se limite aux couples et aux relations stables, 21 % des hommes, et autant de femmes, disent l'utiliser dans le cadre de ces relations, donc avec une visée plus nettement contraceptive. Le taux d'utilisation le plus élevé est observé au premier rapport sexuel (Bozon, Heilborn, 2005 a) : l'enquête Gravad fait apparaître un taux d'usage de contraception ou de protection de 68 % pour les hommes comme pour les femmes (dont 62 % dus au préservatif pour les hommes et 56 % pour les femmes). Pour mémoire, au Chili, pays voisin qui n'a pas connu de campagnes de prévention aussi ouvertes, le taux de protection au premier rapport ne dépasse pas 25 % dans les mêmes générations en milieu urbain (Arredondo, Goldstein et al., 2000).
17 Les composantes actuelles de la culture reproductive au Brésil n'ont jamais été agencées comme les pièces d'une politique explicite. Cette culture résulte de la mobilisation de moyens divers, disponibles pour des raisons variées, par des actrices/acteurs décidés à résoudre les problèmes de leur vie reproductive. Ce « bricolage reproductif », dans lequel le marché joue un rôle majeur, ne s'effectue pas du tout de la même façon chez les femmes des différents milieux : même si la logistique est commune, elle est mise en œuvre au sein de scénarios sociaux de la vie reproductive qui restent très différenciés, en fonction des attentes et des ressources sociales et matérielles des femmes. Le caractère non régulé de la transition de la fécondité a même eu pour effet d'accroître un certain nombre d'inégalités en matière santé.
LES SCÉNARIOS SOCIAUX DE LA VIE REPRODUCTIVE DES FEMMES, OU LE RENOUVELLEMENT PERMANENT DES INÉGALITÉS
18 Les décennies de la transition de la fécondité au Brésil ont été marquées par de grands changements dans les comportements familiaux et sexuels des femmes. Un bon exemple de ces changements est l'évolution des modes d'entrée dans la vie sexuelle et reproductive, qui se produit sans faire disparaître les différences sociales dans les trajectoires reproductives des femmes. En témoigne le maintien inattendu, voire l'accroissement, de la proportion de naissances avant 20 ans, généralement appelées « grossesses adolescentes » (Bozon et al, 2003 ; Heilborn et al, 2002 ; Aquino et al., 2003) : en 1996, 32 % des femmes de 20 à 24 ans avaient eu une première naissance avant 20 ans, alors que ce n'était le cas que de 26 % des femmes nées vingt-cinq ans plus tôt. La faible implication des conjoints et partenaires masculins dans les questions de contraception et de reproduction est un facteur qui contribue à ralentir les changements.
Initiation sexuelle : le double standard de sexe
19 L'enquête EDS de 1996 permet de suivre l'évolution des âges au premier rapport sexuel, à la première union et à la première naissance, des générations d'hommes et de femmes nées depuis les années 1950 jusqu'aux années 1975 (Bemfam, 1997). Il est possible d'utiliser également l'enquête Gravad réalisée en 2002 dans trois grandes villes auprès de jeunes de 18 à 24 ans (voir Heilborn et al., 2005). Les générations de femmes les plus anciennes présentaient un calendrier d'initiation sexuelle très tardif (voir graphique) : dans le groupe âgé de 45 à 49 ans en 1996, l'âge médian au premier rapport était de 20,7 ans, proche de l'âge à la première union (21,6 ans), suivi d'une première naissance un peu plus tardive (23 ans). Les hommes du même groupe d'âge commencent leur vie sexuelle trois ans plus tôt que les femmes (17,3), et leur vie conjugale trois ans plus tard (24,3) : alors que l'intervalle entre l'entrée dans la sexualité et l'entrée en union était de 0,9 an pour les femmes nées vers 1950, il était de 7 ans pour les hommes. Une entrée plus tardive des femmes dans la sexualité est liée à une stratégie, présentée comme une obligation sociale et morale, de préservation de leur virginité. L'initiation précoce des hommes se présente inversement, dans la tradition latine et méditerranéenne, comme une obligation de se comporter le plus tôt possible « comme des hommes », afin de confirmer leur masculinité (Parker, 1991 ; Bozon, Kontula, 1997 ; Bozon, 2003). Elle ouvre la voie à un long intervalle de sexualité préconjugale, qui leur permet d'acquérir une expérience sexuelle avant de « se ranger ». Dans les décennies 1980 et 1990, la baisse de deux ans de l'âge médian des femmes au premier rapport sexuel (qui tombe à 18,8 ans) les a rapprochées des hommes, mais sans que le double standard de genre ne semble fortement ébranlé, dans la mesure où les hommes sont aussi devenus plus précoces (16,5 ans, parmi les 25- 29 ans). L'âge médian à la première union des femmes baisse légèrement (21,0 ans), cependant que celui des hommes est stable : la période de sexualité préconjugale masculine reste ainsi toujours beaucoup plus longue que celle des femmes (7,8 ans et 2,2 ans respectivement). L'enquête Gravad, qui concerne des générations plus récentes de 10 ans dans trois grandes villes, fait apparaître un âge d'initiation stable pour les hommes (16,2 ans), mais qui a encore un peu baissé pour les femmes (17,9 ans) (Bozon, Heilborn, 2005 a).
Âge médian des hommes et des femmes au premier rapport sexuel par âge lors de l'enquête (enquête EDS Brésil, 1996)
Âge médian des hommes et des femmes au premier rapport sexuel par âge lors de l'enquête (enquête EDS Brésil, 1996)
Entrée rapide ou entrée retardée dans la vie reproductive
20 Plus nettes pour les femmes, les évolutions du calendrier des premiers événements sexuels et reproductifs ne s'effectuent pas au même rythme selon le milieu social. Un indicateur souvent utilisé comme proxy de la catégorie sociale au Brésil est le nombre d'années d'étude (utiles) de l'individu : dans l'enquête EDS de 1996, nous distinguons le groupe des femmes ayant au moins douze ans d'études – ce qui correspond à un niveau universitaire – de celui des femmes n'ayant pas achevé le cycle primaire (quatre ans ou moins). En raison de la tendance très rapide à l'allongement des études, le niveau le moins instruit dans l'enquête Gravad de 2002 se compose des femmes n'ayant pas achevé le cycle élémentaire (moins de huit ans d'études). Dans le groupe de 45-49 ans en 1996, les femmes avec quatre ans d'études ou moins constituaient 61 % de la population totale ; elles n'étaient plus que 37 % parmi les 30-34 ans, et 34 % parmi les 25-29 ans. Pendant toute la période étudiée, les femmes de niveau universitaire constituent environ 8 % de la population dans chacune de ces générations. Ces proportions changent dans l'enquête Gravad, à la fois parce que l'enquête concerne des générations socialisées dix ans après la plus jeune génération de l'enquête EDS, et parce qu'il s'agit de femmes des grandes villes. Dans le groupe âgé de 20-24 ans en 2002 à Rio de Janeiro, Porto Alegre et Salvador, né vers 1980, les femmes de niveau élémentaire incomplet ne sont plus que 19 % de la population, et les femmes ayant suivi douze ans d'études 26 %.
21 Au cours des trois décennies examinées, qui correspondent aux générations de femmes nées entre 1950 et 1980 environ, les écarts de calendrier d'entrée dans la vie sexuelle entre groupes sociaux se sont resserrés, sans disparaître (tableau 1) : la différence d'âge au premier rapport sexuel entre les niveaux d'éducation extrêmes passe de 5,4 ans à 2,3 ans dans les générations féminines de l'enquête la plus récente. Alors que l'âge au premier rapport baisse de plus de trois ans dans le groupe le moins instruit, il chute de plus de six ans parmi les femmes qui font des études supérieures. En ce qui concerne l'âge d'entrée en union, il a baissé, puis s'est stabilisé ; cependant l'écart entre les femmes les plus instruites et les moins instruites reste d'environ six ans. Il en résulte que pour les femmes issues des milieux populaires, la durée de vie sexuelle préconjugale reste beaucoup plus réduite que pour celles qui font des études supérieures : l'entrée dans la vie sexuelle prélude toujours à une entrée en couple assez rapide pour les premières. Quant à la différence entre groupes sociaux dans l'âge à la première naissance, elles est devenue sans doute encore plus marquée que dans les générations anciennes, où elle était de huit ans, même si on ne peut pas donner un chiffre précis pour les femmes de niveau universitaire de la génération récente, trop peu nombreuses encore à avoir eu des enfants. L'âge médian à la première naissance des femmes du groupe peu instruit est en tout cas inférieur à 20 ans.
Âge médian des femmes au premier rapport sexuel, à la première union et à la première naissance, par génération et niveau d'instruction
Femmes avec quatre ans d'études ou moins |
Femmes avec douze ans d'études ou plus | |||||
Groupe d'âge |
Âge médian au premier rapport sexuel | Âge médian à la première union |
Âge médian
au premier enfant |
Âge médian au premier rapport sexuel |
Âge médian à la première union | Âge médian au premier enfant |
Enquête EDS 1996* 45-49 ans 30-34 ans 25-29 ans |
19,5 18,1 17,6 | 20,6 19,3 18,9 |
21,8 20,3 19,8 |
24,9 21,8 21,5 |
26,6 25,3 >25 | 28,5 28,8 |
Enquête Gravad 2002** |
Femmes avec moins de huit ans d'études |
Femmes avec douze ans d'études ou plus | ||||
20-24 ans | 16,2 | 19,0 | 19,5 | 18,5 |
Âge médian des femmes au premier rapport sexuel, à la première union et à la première naissance, par génération et niveau d'instruction
* Champ : Brésil ; ** Champ : villes de Porto Alegre, Rio de Janeiro, Salvador de Bahia.22 La tendance générale à une plus grande précocité de l'entrée dans la sexualité n'empêche pas les femmes des milieux populaires de connaître toujours un calendrier très resserré de franchissement des étapes sexuelles-reproductives, l'intervalle entre le premier rapport sexuel et la première naissance restant stable au fil des générations à 2,3 ans. Les femmes des classes moyennes qui font des études connaissent au contraire, au fil des générations, une dilatation de ces étapes, de quatre ans d'intervalle entre l'initiation sexuelle et le premier enfant à plus de dix ans sans doute dans la génération la plus récente. Cela correspond au phénomène d'allongement de la jeunesse décrit dans les pays développés (Galland, 1995).
La contraception à l'entrée dans la sexualité
23 L'enquête Gravad, qui décrit précisément le déroulement de l'initiation sexuelle, montre que des trajectoires sexuelles et reproductives différenciées se dessinent déjà à travers la manière dont les femmes abordent le premier rapport sexuel. Parmi les femmes du groupe le moins instruit, seulement 51 % déclarent avoir utilisé une contraception ou une protection au premier rapport, alors que c'est le cas de 80 % des femmes de niveau universitaire. Or le fait de ne pas avoir utilisé de contraception au premier rapport sexuel est un bon prédicteur de la survenue d'une grossesse avant 20 ans (Bozon et al, 2003). Interrogées sur l'âge qu'elles choisiraient pour avoir un premier enfant, si elles avaient le choix, les femmes des deux groupes révèlent d'ailleurs des aspirations sensiblement différentes : alors que 53 % des femmes de niveau primaire incomplet estiment que le bon âge pour avoir un enfant est à 24 ans ou moins (23 % à 20 ans ou moins), ce n'est le cas que de 9 % (respectivement 2 %) des femmes avec plus de douze ans de scolarité. Pour les femmes qui ont poursuivi leur scolarité jusqu'à l'université, les perspectives de procréation sont reportées dans un avenir lointain, alors que l'entrée dans une « carrière familiale » est une perspective présente dès l'adolescence à l'esprit des femmes les moins instruites. La différence entre les deux groupes est que les femmes les moins instruites tendent à avoir des enfants encore plus tôt qu'elles ne l'auraient souhaité dans l'idéal, alors que les secondes les ont sans doute plus tard qu'elles ne les auraient voulus.
24 Dans la trajectoire populaire d'accès à la contraception au Brésil, il est fréquent que la première contraception régulière soit utilisée après la naissance d'un premier enfant. D'après l'enquête Gravad, parmi les femmes qui ont eu une première grossesse avant l'âge de 20 ans, 75 % n'utilisaient aucune contraception à ce moment-là, alors qu'elles ne sont que 15 % à déclarer qu'elles voulaient avoir un enfant quand elles sont devenues enceintes. Interrogées sur les changements et permanences dans leurs comportements après une naissance avant 20 ans, près de la moitié des femmes (47 %) déclarent qu'elles se sont mises à utiliser une contraception alors qu'elles n'en utilisaient pas jusque-là (Aquino et al, 2005). La fréquence d'utilisation de la contraception augmente donc dans les premières années de vie sexuelle et les différences qui existaient entre groupes de femmes au premier rapport sexuel se réduisent : au dernier rapport sexuel, 77 % des femmes de 20 à 24 ans du groupe le moins instruit ont utilisé une contraception, taux qui atteint 91 % parmi les femmes ayant effectué au moins douze ans d'études.
L'indifférence des partenaires masculins aux conséquences de l'activité sexuelle
25 Dans l'enquête Gravad, une question était posée sur l'existence, avant le premier rapport sexuel, d'une discussion (conversa) entre partenaires sur les moyens d'éviter une grossesse (Bozon, Heilborn, 2005 a et 2005 b). L'existence d'une « conversation avant le premier rapport avec le (la) partenaire sur les moyens d'éviter une grossesse » est rapportée par 41 % des hommes et 62 % des femmes. L'existence d'un écart net entre hommes et femmes incite à réfléchir sur la nature d'une réponse rétrospective à ce type de question. Déclarer qu'une conversation a eu lieu (ou n'a pas eu lieu) ne signifie pas seulement qu'un échange verbal s'est déroulé (ou ne s'est pas déroulé), mais qu'on lui a accordé de l'importance (ou qu'on ne lui en a pas accordé). La déclaration d'une conversation révèle ainsi une attitude de genre à l'égard de la négociation sexuelle : les hommes manifestent clairement une réticence, ou un moindre intérêt que les femmes, à discuter, et donc à se préoccuper des conséquences de l'acte sexuel avec leur partenaire. Ce retrait masculin se manifeste à toutes les étapes de la vie reproductive des femmes : plutôt qu'un autoritarisme en matière de contraception, les hommes manifesteraient dans la pratique une certaine indifférence ou gêne à l'égard de ces questions. Le faible engagement des partenaires masculins conduit les femmes à rechercher des solutions dans lesquelles ils ne sont pas impliqués.
26 Un phénomène notable et surprenant est que les hommes qui mènent des études supérieures disent discuter encore moins que les autres avec leur partenaire (34 % parmi ceux qui ont plus de douze ans d'études, contre 48 % parmi ceux qui ont un niveau élémentaire incomplet). Ce manque d'engagement des hommes des classes moyennes est confirmé par des études plus qualitatives (Oliveira et al, 2001). Comme les femmes des milieux les plus instruits déclarent quant à elles avoir discuté de contraception avec leur partenaire dans 66 % des cas, on peut dire qu'il existe des différences d'attitude particulièrement accentuées entre hommes et femmes dans les secteurs sociaux les plus aisés, les femmes de ces milieux manifestant des attentes auxquelles les hommes ne répondent pas.
Deux modes de garde des jeunes enfants : famille et service privé
27 Dans un pays comme le Brésil, qui connaît peu de systèmes de garde collective, il est intéressant d'examiner les solutions adoptées par les mères de jeunes enfants. Ces dernières sont sensiblement moins nombreuses à travailler dans le groupe le moins instruit que parmi les femmes avec plus de douze ans d'études, point que l'on n'approfondira pas ici. Si on s'en tient à celles qui travaillent et qui ont des enfants de moins de cinq ans, on observe que les solutions utilisées sont de nouveau très différentes selon le milieu social. D'après l'enquête EDS de 1996, les enfants de femmes qui ont une scolarité primaire incomplète sont gardés, lorsque leur mère travaille, par les proches parents du couple dans 33 % des cas (généralement la mère de la femme), par une sœur (20 %) ou un frère (5 %) aînés de l'enfant, par des amis ou voisins (4 %), ou bien ils vont en crèche ou à l'école (7 %) ; enfin dans 26 % des cas, ils sont gardés par la mère elle-même. Les jeunes enfants de femmes qui ont plus de douze ans d'études sont, quant à eux, gardés par une employée domestique dans 43 % des cas, mis à l'école ou en crèche (privées) dans 19 % des cas, confiés à des parents dans 23 % des cas ; dans 9 % des cas, c'est la mère elle-même qui assure la garde, tout en travaillant. L'éventail des solutions est très différent : on peut dire qu'en milieu populaire, la responsabilité pèse toujours fortement sur la femme elle-même, qui mobilise aussi ses proches et sa famille, alors qu'il est possible, en milieu plus aisé, d'acheter des services qui permettent d'atténuer les effets de l'arrivée d'un enfant sur la vie professionnelle de la mère. La vie avec de jeunes enfants au Brésil peut correspondre ainsi à des expériences bien distinctes.
Stérilisation précoce, stérilisation tardive
28 Cette opposition se retrouve dans les manières qu'ont les femmes d'anticiper la fin de leur vie reproductive par la stérilisation. Même si la ligature des trompes est devenue une composante commune de la culture des femmes au Brésil, sa mise en œuvre s'inscrit dans des trajectoires reproductives diverses, qui sont l'aboutissement logique des modes d'entrée dans la vie sexuelle-reproductive décrits plus haut : au calendrier précoce et resserré des milieux populaires, s'oppose le calendrier plus tardif et dilaté des femmes qui vont à l'université. Parmi les femmes en couple qui ont entre 25 et 29 ans, 26,9 % sont déjà stérilisées ; c'est le cas de 42,7 % de celles qui ont entre 30 et 34 ans, et de 55,1 % de celles qui ont entre 35 et 39 ans. L'âge médian à la ligature des trompes des femmes de moins de 40 ans est passé de 31,4 ans en 1986 à 28,9 ans en 1996, et 21 % des femmes stérilisées l'ont été avant 25 ans. Les résultats d'enquêtes par entretiens, cohérents avec ces chiffres, mettent en évidence un double calendrier de ligature des trompes, une stérilisation autour de 25 ans en milieu populaire, et après 30, voire 35 ans dans les milieux plus aisés (Ribeiro Corossacz, 2004). Ce décalage de près de dix ans à l'épilogue reproduit les différences d'âge aux débuts, notamment à la première naissance, qui conduisent à des décalages dans les calendriers de constitution de la descendance.
29 Une comparaison entre les méthodes de contraception utilisées par les femmes de niveau universitaire et celles qui ont le niveau primaire incomplet montre dans quel contexte s'inscrit le passage à la stérilisation dans les deux cas (tableau 2). Chez les femmes de milieu populaire, la principale méthode utilisée est la pilule, et lorsque celle-ci n'est plus souhaitée, la stérilisation constitue la seule véritable alternative à l'absence de protection. Elle représente donc une bouée de sauvetage, dans un contexte de pénurie de solutions lié en partie à la faible implication masculine. D'après un travail anthropologique mené à Rio de Janeiro auprès de femmes stérilisées de milieu populaire (Ribeiro Corossacz, op. cit.), la stérilisation est l'occasion pour ces femmes de rompre radicalement le lien entre sexualité et reproduction et de pouvoir cesser d'envisager leur corps comme potentiellement reproducteur : en se libérant de cette définition d'elles-mêmes comme reproductrices, elles peuvent passer à une autre phase de leur vie. Dans le groupe des femmes de niveau universitaire, plusieurs méthodes sont accessibles et utilisées dans des proportions non négligeables : outre la pilule, l'usage contraceptif du préservatif, le DIU (dans une faible proportion), la continence périodique, voire la vasectomie sont mentionnées. La proportion de femmes qui n'utilisent aucune méthode est de moitié inférieure à celle des femmes de l'autre groupe. La stérilisation s'inscrit ici dans un éventail de possibilités : elle permet aux femmes d'anticiper de manière raisonnée la conclusion de leur vie reproductive.
Distribution des méthodes de contraception utilisées au moment de l'enquête, parmi les femmes de 18 à 49 ans en couple, selon le nombre d'années d'études
Méthodes de contraception utilisées (% col.) |
Femmes avec quatre ans d'études ou moins |
Femmes avec douze ans d'études ou plus |
Pilule DIU Préservatif Abstinence périodique Stérilisation féminine Stérilisation masculine Pas de méthode Autres |
15,8 0,8 2,7 2,3 43,2 1,3 29,2 4,7 |
19,4 3,3 8,8 6,4 35,7 8,0 14,3 4,1 |
Total | 100 | 100 |
Effectif | 3 471 | 478 |
Distribution des méthodes de contraception utilisées au moment de l'enquête, parmi les femmes de 18 à 49 ans en couple, selon le nombre d'années d'études
Stérilisation, malthusianisme social et autorité médicale
30 Au-delà même de l'alternative entre une stérilisation précoce, qui serait une décision sous contrainte, et une stérilisation plus tardive, qui serait un choix raisonné, il importe sans doute de ne pas négliger certains des éléments culturels qui fondent un recours massif à cette méthode. La disposition des médecins à réaliser – voire à proposer pendant la grossesse – des stérilisations aux femmes des milieux populaires est fortement liée à la conception néo-malthusienne selon laquelle les femmes pauvres ont toujours trop d'enfants et doivent être protégées d'une procréation excessive. Ainsi dans le Nordeste, mais ailleurs également, la stérilisation était, dès avant la nouvelle loi de 1997, souvent réalisée sans être payée par la femme – soit effectuée gratuitement par le médecin, soit payée par un homme politique –, ce qui montre qu'elle constituait une manière médicale de traiter un problème social. Service offert à la femme, la stérilisation entre dans un échange clientéliste (Caetano, 2001). Quant aux choix des femmes de milieux plus aisés, ils sont eux aussi fortement influencés par les dispositifs médicaux : les femmes qui ont plus de douze ans d'études effectuent plus souvent que les autres une ligature des trompes à la suite d'une césarienne (dans 81,5 % des cas), alors que les femmes d'autres milieux procédant, dans des proportions importantes, à cette méthode en dehors de tout événement reproductif. On peut dire que dans tous les milieux sociaux au Brésil la dyade du médecin et de la femme compte sans doute plus que le couple conjugal pour les décisions de stérilisation. La légitimité et le prestige de la médecine curative moderne, l'indifférence des partenaires masculins aux conséquences de l'activité sexuelle et la pauvreté des options proposées se conjuguent pour donner à l'avis et au savoir-faire des médecins un poids décisif lorsque les femmes ne veulent plus d'enfants. Plus encore que dans d'autres pays, les médecins sont devenus les gestionnaires de la vie des femmes. Un autre élément de la banalisation de la stérilisation est l'émergence d'une véritable culture de la stérilisation, qui a créé des réseaux et des groupes d'appui : les femmes ont autour d'elles des amies, des mères, des sœurs qui ont été stérilisées et qui savent désormais les conseiller sur les manières de faire.
CONCLUSION
31 Le Brésil présente un exemple intéressant de pays du Sud ayant connu une transition de la fécondité accélérée, en dehors de toute politique publique incitative. Autre grand pays d'Amérique latine auquel on le compare souvent, le Mexique a certes connu dans la même période une baisse de la fécondité similaire, mais avec une politique de planification familiale gouvernementale très planifiée et volontariste, mise en place dès les années 1970 (Cosio-Zavala, 1994 ; Gautier, 1997). Même si des organismes privés de planification familiale ont opéré au Brésil, l'essentiel de la mise à disposition de méthodes et de dispositifs de contrôle de la fécondité s'est effectué dans le cadre du marché et d'un processus de médicalisation de la santé ne visant pas le développement de la contraception ni la limitation des naissances. D'une part, les aspirations des femmes se sont transformées très vite en faveur de familles de petite taille, dans un contexte de croissance accélérée du Brésil urbain ; d'autre part, elles ont su trouver informellement les moyens de réaliser leurs aspirations, en s'appuyant sur les produits existants et sur le marché médical en formation. En outre, à partir des années 1990, l'épidémie du sida, qui a donné lieu à une politique active de santé publique à travers des campagnes de prévention massives, a eu des effets indirects sur la gestion de la vie reproductive, en légitimant socialement et en facilitant l'accès des jeunes ne vivant pas en couple aux moyens de protection dans les rapports sexuels.
32 Si le caractère informel et non régulé de la transition contraceptive n'a pas empêché la rapidité des changements, on peut dire que la soumission aux lois de l'offre et du marché a eu des conséquences néfastes en termes de santé reproductive et, plus largement, de droits reproductifs (Gautier, 2002) : le taux excessif de césariennes à l'accouchement et le maintien d'un niveau de mortalité maternelle relativement élevé en témoignent. Le paradoxe d'un avortement toujours interdit, mais largement pratiqué selon les lois du marché (comme dans toute l'Amérique latine) traduit la pauvreté des options proposées aux femmes. La faible implication des partenaires masculins dans les questions de reproduction est le reflet de l'insuffisante importance sociale et politique accordée à la question de la santé et des droits de la reproduction : celle-ci est largement considérée comme une affaire privée, concernant des femmes, des produits et des médecins. Le simple fait qu'il y ait eu une politique publique du sida a permis d'innover sur ces questions, par exemple en insistant sur l'implication nécessaire des deux partenaires dans la protection.
33 Une diffusion de la contraception conduite par le marché et par l'imposition de procédures médicales n'a aucun effet sur la réduction des très fortes inégalités sociales et de genre dans le domaine de la reproduction. Plus généralement on peut dire qu'au Brésil l'idée selon laquelle la vie sexuelle pourrait se dérouler en maîtrisant les risques de grossesse n'est pas une idée répandue, pas plus que l'idée selon laquelle il serait normal d'utiliser une contraception lorsqu'on ne désire pas d'enfants, ce que l'on a appelé, dans le cas français, la norme contraceptive (Bajos, Ferrand, 2002). Ainsi le risque de grossesse continue à être un risque accepté des rapports sexuels pendant la jeunesse (Bozon, Heilborn, 2005 a). Les femmes, généralement de milieu social populaire, qui ont commencé tôt leur « carrière familiale », n'ont pas d'autre option, lorsqu'elles veulent passer à une autre étape de leur vie, que celle de rompre « techniquement » et irréversiblement le lien entre sexualité et reproduction, par une stérilisation précoce. Dans ce choix contraint, elles reçoivent un appui ambigu des médecins, fortement marqués par un malthusianisme socialement sélectif qui est favorable à ce type de décision radicale.
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Notes
-
[*]
INED, Paris.
-
[1]
Aux différences abyssales de revenus, liées à la présence d'une masse très importante de revenus dérisoires, on peut ajouter de spectaculaires inégalités épidémiologiques à un niveau local fin : « Dans l'état de São Paulo..., les inégalités ne sont pas seulement de nature quantitative, mais également de nature qualitative, découlant d'un processus de polarisation épidémiologique au niveau social et spatial où, concentrés par secteur, les niveaux les plus élevés de mortalité sont associés à des profils épidémiologiques anachroniques... Il y a par exemple dans les zones les moins privilégiées de la ville un surplus de décès d'enfants de moins de 4 ans qui est de l'ordre de 77 % par rapport aux zones les plus privilégiées, reflet de profils épidémiologiques très différenciés » (Ferreira, Waldwogel, 1997, p. 86).
-
[2]
Le contraceptive mix est un concept utilisé dans la littérature anglo-saxonne, qui signifie « la gamme de méthodes contraceptives disponibles dans un contexte donné ».
-
[1]
La plus importante est la Bemfam, Sociedade Civil Bem Estar Familiar no Brasil, affiliée à l'IFPF (International Planned Parenthood Federation).
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[1]
L'enquête Gravad – Grossesses à l'adolescence. Étude sur les jeunes : la sexualité et la reproduction au Brésil – a été réalisée en 2002 auprès de 4 634 jeunes âgés de 18 à 24 ans, dans trois grandes villes brésiliennes (Rio de Janeiro, Porto Alegre et Salvador de Bahia).
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Une historienne brésilienne écrit : « (la pilule) ne figure pas dans la mémoire des femmes comme un fait marquant dans la lutte pour leur autonomie. Les femmes des couches moyennes que notre équipe a interviewées ne considèrent pas la contraception comme une conquête. La pilule est pensée comme quelque chose de nécessaire pour définir une famille de dimension plus réduite, mais aussi comme un risque constant pour la santé » (Pedro, 2003, p. 376).