Couverture de RTM_182

Article de revue

La femme chinoise dans la transition économique : un bilan mitigé

Pages 329 à 357

Notes

  • [*]
    INED, Paris.
  • [1]
    Pour en savoir plus sur les changements sociaux dans la Chine des réformes, voir Attané, 2002 c.
  • [1]
    Pour en savoir plus sur l'historique de la politique de limitation des naissances, voir notamment Attané, 2000, et Attané, Gu, 2003.
  • [1]
    Pour en savoir plus sur la mise en œuvre de la politique de l'enfant unique, voir notamment : Croll, Davin, Kane, 1985 ; Banister, 1987 ; Aird, 1990 ; Bianco, 1989.
  • [1]
    La Commission nationale de planification des naissances donne pour 2001 le taux exceptionnellement élevé de 90 % des femmes mariées en âge de procréer utilisant un moyen de contraception. L'enquête de 1997 donnait quant à elle le taux de 83% (1997, National Population and Reproductive Health Survey).
  • [1]
    L'Inde, par exemple, qui talonne la Chine par l'immensité de sa population, compte encore 40 % d'illettrés, et près de 60 % chez les femmes ; l'Afrique, avec ses 800 millions d'habitants, présente des performances qui ne sont guère meilleures.
  • [2]
    Dans certains villages, les écoles sont très mal équipées, les salles de classe sont des pièces de maison abandonnées, des étables, des temples en ruine. Les enseignants n'ont parfois ni tableau, ni craie, les élèves n'ont ni cahier, ni crayon. En outre, la hausse rapide des coûts de l'école (frais de scolarité, manuels scolaires, fournitures...) fait désormais hésiter les plus démunis : dans les régions rurales les plus pauvres, le revenu annuel moyen des habitants plafonne autour de 400 yuans (45 €), alors que les dépenses scolaires pour un enfant s'élèvent au moins à 150 yuans.
  • [1]
    Sur ce sujet, voir notamment le témoignage rapporté par Haski, 2002.
  • [1]
    Il s'agit, par exemple pour le primaire, du rapport des effectifs d'enfants de 6-11 ans scolarisés dans le primaire à l'effectif total des enfants de ces âges.
  • [1]
    Calculs effectués d'après les données du recensement de 2000, vol. 1, p. 593 sq., vol. 2, p. 838 sq.
  • [1]
    Communiqué du 28 février 2003 paru sur le site internet http://www.dajiyuan.com, consulté le 9 juillet 2003.
  • [2]
    Zhongguo funü (Femme de Chine), n° 8, 1996.
  • [1]
    China Daily, 5 avril 2002.
  • [2]
    Communiqué du 28 février 2003 paru sur le site internet http://www.dajiyuan.com, consulté le 9 juillet 2003.
  • [3]
    Employers still biased against women, China Daily, Hong Kong Edition, 11 avril 2002.
  • [4]
    Le droit chinois du travail est pourtant sans ambiguïté : aucune discrimination professionnelle ne doit être exercée à l'égard des femmes. Une entreprise ne peut licencier une femme ou résilier son contrat de travail sous le prétexte d'un mariage, d'une grossesse ou de congés de maternité. Recrutement, primes, promotion professionnelle et avantages divers ne peuvent en aucun cas être conditionnés par le sexe du salarié.
  • [5]
    Pour les plus chanceuses, toutefois, il existe quelque espoir à travers des initiatives éparses. Le « projet de réemploi » (zaijiuye gongcheng) mis en place par le gouvernement aurait permis à 8 millions de femmes au chômage de retrouver un travail. La Fédération des femmes, de son côté, aurait aidé 18 millions de femmes « xia gang » a accéder à un nouvel emploi entre 1995 et 2000 (China Daily, 10 mai 2000).
  • [6]
    Beijing Review, 25 avril 2001.
  • [1]
    China Daily, 5 avril 2002.
  • [2]
    Soit une proportion de femmes dans l'agriculture nettement plus élevée que ne le laissent voir les données officielles : 48,5 % d'après le recensement de 2000, par exemple. Rappelons que la Fédération des femmes est une organisation d'État œuvrant pour la défense et le respect des droits des femmes.
  • [3]
    « Equal rights and important role in economic sphere », Bureau d'information du Conseil d'État de République populaire de Chine, Beijing, juin 1994, sur le site internet http://www.china.org.cn/e-white/chinesewoman/11-4.htm, consulté le 11 septembre 2003.
  • [1]
    Extrait de l'article 48 de la Constitution de la République populaire de Chine, 1982.
  • [2]
    Il s'agit de la « Loi sur la protection des droits et intérêts des femmes ».
  • [1]
    Il est impossible de déterminer la part de chacune de ces pratiques dans le déficit de filles. La mise en correspondance des naissances recensées en 1990 avec les effectifs d'enfants âgés de 10 ans en 2000 nous a cependant permis d'estimer que seulement 10 % du déficit de naissances filles observé en 1990 proviendrait de sous-déclarations, les 90 % restant découlant d'avortements différentiels, d'infanticides, d'abandons ou d'une surmortalité féminine dans les premiers jours de vie sans déclaration préalable de la naissance. En revanche, faute de données comparatives, nous ne sommes pas en mesure de connaître l'ampleur de la sous-déclaration des naissances au recensement de 2000.
  • [1]
    Le taux de mortalité infantile a été estimé à 201 ‰ en 1945-1949 et à 51,5 ‰ en 1970-1974 (voir Huang, Liu, 1995).
  • [2]
    184 521 filles ont décédé avant leur premier anniversaire entre le 1er novembre 1999 et le 31 octobre 2000, avec un taux de mortalité infantile des filles de 28,4 ‰ (d'après les données de mortalité du recensement de 2000, non corrigées du sous-enregistrement des décès). En l'absence de discrimination envers les filles, et avec un taux de mortalité infantile des garçons de 20,5 ‰ (tel qu'observé au recensement), le taux féminin aurait dû être de 16,0 ‰, avec seulement 110 580 décès de filles de moins d'un an, soit un excédent de 184 521 – 110 580 = 73 941 décès. Le même calcul pour 1989 porte à 80 324 l'excédent de décès féminins infantiles.
  • [1]
    Sous Mao Zedong, le plaisir sous toutes ses formes était taxé de « valeur bourgeoise ». Séduction, plaisir charnel étaient contre-révolutionnaires ; la féminité, une tare. Mao a plongé son pays dans un puritanisme forcené. Pendant la Révolution culturelle, la vie communautaire s'est accompagnée d'une flambée des tabous. Personne n'osait parler de sexe, tout rapport sexuel en dehors du mariage était hors la loi.
  • [1]
    Les 20-29 ans étaient 230,0 millions en 1990 ; 212,2 millions en 2000.
  • [2]
    Bear it or leave it. Divorce : A suitable solution for sinking marriage, China Daily, 23 février 2000, sur le site internet http://search.chinadaily.com.cn, consulté le 11 avril 2002.
  • [3]
    Taux tirés de l'Annuaire statistique de Chine, 2002 (2002 Zhongguo tongji nianjian).
  • [4]
    Il s'agit-là des personnes divorcées et non remariées, les recensements ne permettant pas de connaître le statut matrimonial antérieur à un remariage.
  • [1]
    China's women fight kitchen culture, BBC monitoring, 2 février 2002, sur le site internet http://news.bbc.co.uk, consulté le 6 février 2002.
  • [2]
    Enquête de la Fédération des femmes chinoises menée auprès de 4 000 personnes en 2000. Résultats cités dans Debates triggered by law amendment, China Daily, 25 septembre 2000.
  • [3]
    Voir notamment Gongren ribao (Le Quotidien de l'ouvrier), 9 juillet 2003 ; China Daily, 24 juillet 2000.
  • [1]
    Ouzhou ribao (Le Quotidien Europe), 28-30 juillet 2001.
  • [2]
    Guji san cheng jiating you baoli wenti, Ouzhou ribao (Le Quotidien Europe), 26 novembre 2002.
  • [1]
    Information communiquée à titre personnel, Beijing, avril 2004.
  • [2]
    Futuan fasheng, jiabao wenti dengshang taimian, Ouzhou ribao (Le Quotidien Europe), 26 novembre 2002.
  • [3]
    China Daily, 28 novembre 2000.
  • [1]
    Le titre chinois est « Bu yao he mosheng ren shuohua ».
  • [2]
    Ouzhou ribao (Le Quotidien Europe), 26 novembre 2002.
  • [3]
    La dynastie Song a gouverné la Chine de 960 à 1279.
  • [4]
    Les empereurs Yuan ont régné de 1271 à 1368 ; les Ming ont régné de 1368 à 1644.
  • [1]
    Government white papers, http://www.china.org.cn/e-white/chinesewoman/11-2.htm, consulté le 14 février 2002.
  • [2]
    Ce sujet n'a encore pas fait l'objet d'enquête approfondie. Aids spreads in China, BBC News Report, 14 juillet 2000, 15 : 15 GMT. Mais la prostitution n'épargne pas non plus les enfants : au moins 200 000 en seraient aujourd'hui victimes, un chiffre qui place la Chine au 4e rang mondial dans la prostitution enfantine, ex-œquo avec la Thaïlande et derrière l'Inde, le Brésil et les États-Unis. Voir « La prostitution des enfants : un problème mondial », Reuters Health, 19 avril 2002, sur le site internet SAFCO, http://www.hivnet.ch:8000/africa/safco/viewR?381, consulté le 17 septembre 2003.
  • [3]
    Paru aux Éd. Bleu de Chine, Paris, en 2003.
  • [4]
    Mot à mot : « hôtesse aux trois accompagnements » : boire, chanter, coucher.
  • [1]
    Shenzhen fazhi bao (Le Journal juridique de Shenzhen), 17 juillet 2002.
  • [2]
    China cracks down on kidnapping, BBC News Report, 10 mai 2000, 14 : 10 GMT.
  • [1]
    Il s'agit de l'enquête nationale sur la population et la santé de la reproduction (Quanguo renkou yu shengzhi jiankang diaocha).

1 Observer l'évolution du statut de la femme chinoise ces dernières décennies ne peut se faire dans le seul contexte des évolutions démographiques récentes, notamment celle de la baisse de la fécondité. Dans la conjoncture spécifique qui est aujourd'hui celle de la Chine, il est nécessaire de prendre en compte, en parallèle, l'impact de la transition économique.

2 Les réformes économiques inaugurées par Deng Xiaoping à partir de 1978 sont connues pour leurs impacts positifs : croissance économique fulgurante, développement de la production agricole et industrielle, amélioration du niveau de vie du plus grand nombre... La Chine s'ouvre. Son économie se libéralise, son rôle sur la scène politique internationale devient déterminant. Mais les profonds bouleversements qu'elle traverse ne sont pas sans conséquence. Désormais, travail, santé et éducation pour tous ne sont plus garantis. La loi du marché s'engouffre dans la faille laissée par un État-providence qui s'essouffle : l'école, la santé, le logement..., tous ces services autrefois prodigués par l'unité de travail se paient désormais, et fort cher. Le chômage et la précarité gagnent du terrain, tandis que la compétition sur le marché du travail devient de plus en plus rude, creusant les inégalités.

3 Par ailleurs, le relâchement du contrôle social lié au démantèlement des structures collectives s'accompagne d'une libéralisation sociale. Les bouleversements sont considérables : les relations familiales, le mariage, le monde du travail, les rapports hommes/femmes... aucun domaine n'est épargné [1]. Dans ce contexte, le statut des femmes a connu de nombreuses transformations.

4 Cette étude propose de passer en revue les évolutions des dernières décennies touchant directement à la vie des femmes, qu'il s'agisse des moyens dont elles disposent pour accéder à une plus grande autonomie (baisse de la fécondité, instruction, accès au monde du travail) ou de la manière dont, dans le contexte des bouleversements sociaux et économiques actuels, leur condition se transforme (montée du divorce et des violences conjugales, développement de la prostitution).

I – LES MOYENS DE L'AUTONOMIE DES FEMMES

5 Parmi les moyens admis comme permettant aux femmes d'accéder à une autonomie à la fois familiale et économique, figure en premier lieu la réduction du nombre d'enfants (Oppenheim Mason, 2000). Après trois décennies de contrôle des naissances, la Chine s'est remarquablement illustrée dans ce domaine, avec une fécondité atteignant aujourd'hui des niveaux comparables à ceux des pays les plus développés.

1. La chute de la fécondité

6 À l'orée de la décennie 1970, la transition démographique de la Chine est timide. La mortalité recule : l'espérance de vie a gagné vingt ans depuis la Révolution de 1949 en passant de 41 ans en 1950-1955 à 60 ans en 1965-1970 (Huang, Liu, 1995). Mais le taux de natalité continue d'augmenter. Moins de décès, plus de naissances : la croissance démographique culmine à plus de 2 % par an, atteignant même 2,8 % en 1968. La population s'enrichit chaque année de 20 millions de personnes. Oubliée pendant un temps, la limitation des naissances redevient donc une priorité nationale [1]. En 1971, les autorités lancent une troisième campagne de limitation des naissances qui, au contraire des deux précédentes, sera menée sans relâche pendant les décennies suivantes (Peng, 2002). Trois consignes sont diffusées à partir de 1973 : se marier tard, espacer les naissances et réduire sa descendance (wan, xi, shao). On instaure des quotas annuels de naissances, le retard du mariage est fermement encouragé (Attané, Gu, 2003).

7 En une courte décennie, la fécondité baisse de moitié : 5,7 enfants par femme en moyenne en 1970, 2,8 en 1979. C'est la plus forte baisse jamais enregistrée en un temps si court. Dans les villes, les femmes ont déjà bien moins d'enfants qu'il n'en faudrait pour renouveler les générations : 1,4 contre 2,1 pour que deux enfants viennent remplacer leurs deux parents, compte tenu de la mortalité. Ces résultats tiennent en grande partie au développement massif de la contraception durant cette période : dès 1982, 70% des femmes mariées en âge d'avoir des enfants y recourent.

FIG. 1

Évolution de l'indice synthétique de fécondité, 1970-1999

figure im1

Évolution de l'indice synthétique de fécondité, 1970-1999

1970-1989 : Chen, Coale, 1993 ; pour l'ensemble du pays en 1990-2000 : estimations d'après Peng, 2002, et Gu, 2002 ; pour le milieu urbain et le milieu rural en 1989- 2000, interpolations d'après des estimations pour l'année 2000 fournies par Choe et al., 2004, et Gu, 2002.

8 Ce succès, la Chine le doit aussi à ses structures collectives. Communes populaires, comités de quartier, unités de travail : personne n'échappe à leur strict encadrement. Le contrôle social est omniprésent : visites de harcèlement à domicile, dénonciations publiques, pressions collectives, privation de tickets de rationnement... On placarde les calendriers des cycles menstruels des femmes à l'entrée des usines, toute femme suspectée de grossesse est traquée. De l'unité de travail dépend chaque aspect de la vie de chacun : le travail, bien sûr, mais aussi la santé, l'éducation des enfants, le logement, le ravitaillement... Les moyens de pression sont importants, et quiconque tente de se soustraire aux injonctions du planning familial court des risques incontestables. Cela aussi explique pourquoi, à l'époque, l'application des mesures de limitation des naissances fut tellement unanime.

9 Les résultats sont spectaculaires, mais l'arrivée en âge d'avoir des enfants des générations nombreuses nées dans les années 1960 laisse augurer une nouvelle remontée de la natalité. De plus, la volonté de modernisation économique incite à renforcer le contrôle des naissances. La « politique de réforme et d'ouverture » (gaige kaifang zhengce) lancée en 1978 par Deng Xiaoping, successeur de Mao, se double donc d'un second objectif : juguler la croissance de la population pour permettre le décollage économique.

10 Pour répondre à cet objectif, la nouvelle politique, annoncée officiellement en janvier 1979, instaure la norme drastique de l'enfant unique [1]. Mais, paradoxalement, les quelques années (1979-1984) pendant lesquelles cette politique s'applique à l'ensemble de la population voient la fécondité stagner à un niveau largement supérieur aux objectifs : en 1982, par exemple, les citadines ont 1,8 enfant en moyenne, les paysannes 3,2. À la fin des années 1980, 40 à 45 % des naissances rurales, 7 à 8 millions chaque année, survenaient sans autorisation. Les femmes nées au début des années 1960, qui atteignaient l'âge de reproduction au moment de la mise en œuvre de la politique de l'enfant unique, avaient déjà, après seulement dix années de vie féconde, atteint ou dépassé le nombre d'enfants autorisé, et cela dans les trois quarts des provinces (Attané, 2000).

11 À partir de 1984, la forte résistance rurale conduit les autorités à assouplir leur politique : dès lors, les paysannes sont en général autorisées à avoir un deuxième enfant. Cette mesure n'a guère d'incidence sur le niveau global de la fécondité, qui se maintient autour de 2,5 enfants durant toute la décennie, et il faudra attendre les années 1990 pour qu'une nouvelle baisse s'amorce (Peng, 2002). Sous l'effet des réformes économiques et des profonds bouleversements sociaux qui en découlent, la fécondité diminue rapidement en 1990- 1992, pour se maintenir depuis lors en dessous du seuil de remplacement des générations. Mais, faute de données fiables, le doute demeure sur l'ampleur de la baisse. Les estimations les plus récentes situent la fécondité entre 1,5 (1,2 dans les villes et 1,6 dans les campagnes) (Choe et al, 2004) et 1,8 enfant par femme (1,2 et 2,0 respectivement) en 2000 (Gu, 2002).

12 Quoi qu'il en soit, cette incertitude sur les chiffres ne change rien à la réalité de la baisse. Désormais, la fécondité chinoise est presque aussi faible que celle des pays les plus développés d'Asie et d'Europe. Cette situation semble s'installer, comme le suggère l'utilisation massive de la contraception, qui concerne plus de huit Chinoises sur dix, l'un des taux les plus élevés au monde [1], dont la tendance est difficilement réversible. Cette maîtrise de la fécondité constitue donc un atout majeur pour l'autonomie des femmes dans un contexte de profonds bouleversements sociaux et économiques.

2. L'instruction féminine : des tendances ambivalentes

13 Le développement de l'instruction compte au nombre des facteurs d'émancipation des femmes, en ce sens qu'elle influence leurs comportements reproductifs, qu'elle incite à de meilleures pratiques sanitaires et surtout qu'elle facilite leur accès à des professions valorisantes et correctement rémunérées, donc leur émancipation économique et, ce faisant, familiale (Bongaarts, 2003).

14 La Chine communiste a fait beaucoup pour l'instruction féminine. Pour Mao Zedong, l'école devait répondre à deux grands principes, égalitarisme et massification, et se posait comme le préalable indispensable à l'émancipation des femmes. Ainsi, dès le début des années 1960, la scolarisation des enfants dans le primaire était à peu près universelle (Hossain, 1997). Si, par la suite, surtout au lendemain de la Révolution culturelle, les progrès se sont essoufflés, les bases d'un système éducatif égalitaire étaient néanmoins jetées. Les efforts faits pour extraire la femme de la sphère domestique en lui ouvrant les portes des écoles ont payé. Aujourd'hui, la Chine affiche un taux d'analphabétisme très bas eu égard à la majorité des pays en développement, y compris pour les femmes [1]. L'analphabétisme concerne désormais 12 % de la population, pour la plupart des adultes et des seniors. Les jeunes, eux, en général, maîtrisent lecture et écriture.

15 Mais ces acquis sont menacés. Depuis 1985, l'État se désengage du service public. La logique économique qui prévalait jusque-là, assurant à chacun le minimum, n'a plus cours. Désormais, les deux fleurons de la Chine communiste, école et santé, sont des services payants, ce qui ne manque pas d'exacerber des inégalités qui, en dépit des efforts passés, n'avaient jamais complètement disparu. Dans un système éducatif qui répond aujourd'hui plus à une logique économique que de service public, les plus pauvres, ceux qui n'ont pas bénéficié des fruits de la croissance, sont en situation difficile [2]. Dans les villes, l'égalité des sexes dans l'accès à l'éducation est désormais presque parfaite (tableaux 1  et 2). Là, depuis vingt-cinq ans, on ne peut avoir qu'un seul enfant. Alors, qu'on ait eu la chance d'avoir un garçon ou la déception passagère d'avoir une fille, on veut ce qu'il y a de mieux pour son enfant. De plus en plus souvent, on le pousse à faire de longues études. Les mentalités citadines évoluent. On comprend peu à peu que l'instruction est une clé précieuse pour l'avenir, y compris pour les filles et que, pour accéder à un semblant d'autonomie et s'assurer un avenir décent, un bagage scolaire s'impose. À la campagne, où vivent encore les deux tiers de la population, les enjeux sont bien différents. L'accès à l'éducation, secondaire surtout, reste plus difficile pour les filles car la valeur ajoutée apportée par l'instruction n'y est pas toujours comprise. La décollectivisation agraire, qui a rendu aux paysans l'usufruit de la terre, a beaucoup augmenté le coût d'opportunité de la scolarisation des enfants, et en particulier des filles. Ainsi, dans les régions les plus pauvres, une fille n'est plus envoyée à l'école dès lors qu'elle est susceptible de rapporter par son travail. Et lorsque ses parents travaillent, c'est souvent elle qui s'occupe de ses frères et sœurs et des tâches domestiques, quand elle ne va pas à l'usine pour apporter un complément de revenus. Dans ces régions, les réformes ont donné un nouveau souffle aux pratiques patriarcales, creusant le fossé entre garçons et filles dans l'accès à l'éducation [1].

16 L'alphabétisation féminine progresse, mais moins vite que celle des hommes. En 1982, une femme sur deux (49 %) et un homme sur cinq (21 %) ne savaient ni lire ni écrire. En 2001, ces proportions sont tombées à 16,9 % et 6,4 % respectivement ; une réduction remarquable (– 6,3 % par an en moyenne pour les hommes, – 5,6 % pour les femmes) qui laisse cependant les femmes en retrait. Or, les tendances récentes montrent que, si l'analphabétisme recule, il est surtout, et de plus en plus, un fléau féminin : 72 % des illettrés sont aujourd'hui des femmes, contre 69% au recensement de 1982.

17 À l'heure actuelle, la situation des femmes est bien meilleure que par le passé : chez les plus jeunes, les statistiques officielles portent à 3 % la part de celles qui n'ont jamais franchi la porte d'une école, à peine plus que chez les garçons : 2,5 %. Par ailleurs, si les études longues restent l'apanage d'une minorité, elles attirent de plus en plus de femmes : en 1980, moins d'un étudiant sur quatre était une femme ; aujourd'hui, elles franchissent les 40 %. Dans les jeunes générations, les progrès sont incontestables, mais l'égalité n'est pas acquise.

TABLEAU 1

Proportions d'hommes et de femmes n'ayant jamais fréquenté l'école, par groupe d'âges, en 2000 (en %)

Villes et bourgs Campagnes
Hommes Femmes Hommes Femmes
6-14 ans
15-29 ans
30-49 ans
50 ans et plus
Ensemble
2,4 
0,4 
0,9 
8,2 
2,3 
2,3 
0,6 
2,7 
29,3 
7,2 
2,5 
1,3 
2,2 
18,3 
5,5 
3,1 
2,8 
7,3 
45,9 
13,9 
figure im2

Proportions d'hommes et de femmes n'ayant jamais fréquenté l'école, par groupe d'âges, en 2000 (en %)

Recensement chinois de 2000.

18 En 1990, deux Chinoises sur trois (32 % en ville, 71 % à la campagne) n'avaient fréquenté l'école que pendant six ans ou moins, et n'étaient donc pas allées au terme du cycle primaire (contre moins d'un homme sur deux), la durée moyenne des études étant, pour les femmes, de 5,5 ans. Seule une sur dix (10,7 %) avait fait plus de neuf ans d'études, cycle primaire compris. Les hommes, presque deux fois plus nombreux que les femmes à avoir franchi ce cap (18,5%), restaient à l'école en moyenne pendant sept ans, soit 1,5 an de plus. À noter enfin que le niveau d'éducation des femmes est largement affecté par les conditions locales, dont le niveau de développement économique : en 1990, la durée moyenne des études était de 6,5 pour les citadines, mais de seulement 3,6 ans en milieu rural (Tan, 2002).

19 Dans l'enseignement primaire, les taux nets de scolarisation [1] sont aujourd'hui très élevés : près de 95 % pour les garçons et pour les filles, et ce en ville comme à la campagne. Au niveau du secondaire, les inégalités ne sont pas non plus flagrantes. Si, au-delà de 12 ou 13 ans, seule la moitié des enfants est encore scolarisée, les inégalités entre les sexes s'estompent (tableau 2). Dans les collèges et lycées des villes, on trouve désormais autant de filles que de garçons. À la campagne, par contre, l'enseignement secondaire compte moins de filles que de garçons, même si, au fil des années, l'égalité se dessine : 50 % des garçons vont au collège, contre 48 % des filles. Le lycée est plus élitiste, surtout dans les campagnes où moins d'une fille sur dix y accède, contre près d'une sur deux en ville.

20 Presque tous les enfants entrent aujourd'hui à l'école, même s'ils ne vont, le plus souvent, pas plus loin que le primaire. Restent toutefois nombre de laissés-pour-compte, des filles surtout. Sur le million d'enfants âgés de 10 à 14 ans qui, en 2000, n'était pas scolarisés, 6 sur 10 sont des filles (59,6 %). Ce déséquilibre prend plus d'acuité encore quand on sait que, discriminations à la naissance aidant, les filles sont minoritaires dans ce groupe d'âge (48 %). Sous-représentées dans cette population d'enfants, les filles devraient l'être aussi parmi les enfants non scolarisés. Mais c'est le contraire qui se produit. De la même manière, sur le 1,2 million d'enfants qui ont interrompu leur scolarité avant la fin du cycle primaire, les filles sont majoritaires : 56%, alors qu'elles ne représentent que 47 % des 6-14 ans [1].

TABLEAU 2

Taux nets de scolarisation, 1990 et 2000

Primaire Collège Lycée Université
Garçons Filles Garçons Filles Garçons Filles Garçons Filles
1990  2000  Chine
Urbain
Rural
Chine
Urbain
Rural
83,9 
84,2 
83,8 
94,9 
94,4 
95,1 
80,5  83,6  79,6  94,4  94,2  94,4  27,6 
43,6 
23,2 
55,1 
66,3 
50,5 
24,3  45,2  18,7  53,5  67,3  47,9  9,1 
25,1 
4,5 
24,8 
47,3 
11,8 
7,7  25,0 
2,7  24,3  48,0 
9,4 
2,4 
8,3 
0,2 
8,8  18,6 
1,0 
1,4 
4,9 
0,1 
8,0  16,4 
0,9 
figure im3

Taux nets de scolarisation, 1990 et 2000

Calculs effectués d'après les recensements de 1990 et 2000.

21 Les tendances récentes sont donc ambivalentes. L'accès des filles à l'éducation s'améliore incontestablement, y compris en cycles secondaire et supérieur. Mais parallèlement, l'analphabétisme, les situations de semi-scolarité et l'abandon scolaire touchent majoritairement des filles, compromettant ainsi l'égalité des chances.

3. Des inégalités dans l'accès à l'emploi

22 En Chine, l'activité économique des femmes est l'une des plus élevées au monde : deux sur trois ont un emploi et près d'un actif sur deux est aujourd'hui une femme. Dans les chiffres, l'égalité est presque parfaite. Mais dans les faits, l'accès aux différents secteurs d'activité n'a rien d'équitable. Il est globalement équivalent pour les hommes et les femmes, mais ces dernières sont en général reléguées dans les activités les moins qualifiées, mal payées et physiquement pénibles. Les responsabilités, la prise de décision, les possibilités de promotion demeurent des privilèges masculins.

23 En France, par exemple, les professions féminines par excellence s'exercent dans les bureaux ou les commerces et concernent une femme sur trois, ou dans les services aux personnes (institutrices, infirmières, aides soignantes, travailleurs sociaux...) qui occupent une femme sur quatre. En Chine, il en va autrement. Les Chinoises sont surreprésentées dans l'agriculture : plus de deux femmes sur trois (69 %), contre 60,7 % des hommes. Deuxième activité « féminine », loin derrière l'agriculture, le travail à l'usine et les transports (11,7 %). En troisième position, avec 10 % des femmes actives, on trouve le commerce, la restauration et les services. Au total, ce sont près de neuf Chinoises sur dix qui sont cantonnées à des activités demandant peu de qualifications (tableau 3).

TABLEAU 3

Répartition des femmes et des hommes selon le type d'activité, 2000 (en %)

Type d'activité Femmes Hommes
Agriculture
Manufacture, transports
Commerce, restauration, services Personnel technique
Employés de bureau
Cadres dirigeants
Total
69,0 
11,7 
10,1 
6,5 
2,1 
0,6 
100 
60,7 
19,3 
8,4 
5,0 
4,0 
2,5 
100 
figure im4

Répartition des femmes et des hommes selon le type d'activité, 2000 (en %)

Recensement de 2000, p. 1097-1132.

24 En revanche, dès lors que les qualifications requises s'élèvent, la part de femmes s'amenuise. L'emploi de bureau est, en Chine, une profession essentiellement masculine : 30 % de femmes. Aux postes à responsabilité, la présence féminine est marginale : 85 % des chefs d'entreprise sont des hommes ; les instances dirigeantes du Parti sont, à 90 %, composées d'hommes.

TABLEAU 4

Répartition des actifs selon leur niveau d'éducation (en %), 1990 et 2000

Sans édu
cation*
Primaire Secondaire Supérieur
En 1990  En 2000  Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
23,9 
11,2 
12,0 
4,9 
38,9 
37,0 
36,6 
29,7 
36,0 
49,4 
47,4 
60,1 
1,2  2,4  3,8  5,4 
figure im5

Répartition des actifs selon leur niveau d'éducation (en %), 1990 et 2000

* Il s'agit, pour 1990, des illettrés et semi-illettrés. Pour 2000, ces chiffres incluent les adultes qui ont suivi des cours « d'éradication » de l'analphabétisme.
Calculs d'après les recensements de 1990 et de 2000.

25 Ces inégalités dans l'accès aux différents secteurs d'activité relèvent en partie du moindre niveau de qualification des femmes, et donc de leur moindre compétitivité, comparé aux hommes. Entre 1990 et 2000, le niveau d'instruction des femmes actives s'est globalement amélioré, mais il reste très en deçà de celui des hommes : sur l'ensemble des femmes qui travaillent, une sur deux n'est pas allée plus loin que l'école primaire, voire n'a reçu aucune instruction, alors que ce n'est le cas que pour un homme sur trois (tableau 4).

26 Les femmes sont en outre fortement exposées à la précarisation de l'emploi. Après la décollectivisation rurale des années 1980, les réformateurs se sont attaqués à la restructuration des entreprises d'État. Moteurs de l'industrialisation aux premières heures du communisme, ces structures sont vite devenues obsolètes. Déficits liés en grande partie à des sureffectifs énormes, gestion inadaptée, absence de politique de modernisation : de 1978 à 1998, la part des entreprises d'État dans la production industrielle est passée de 75 % à 28 % (Domenach, 2002). Aussi, afin d'améliorer les performances de son industrie sur le marché mondial, la Chine s'est-elle lancée dans une réforme profonde. D'un côté, elle modernise les entreprises publiques des secteurs protégés et rentables à grands renforts d'investissements. De l'autre, elle a, depuis le milieu des années 1990, fermé des dizaines de milliers d'entreprises publiques et licencié leurs travailleurs. Avec le développement de l'économie de marché aux effets amplifiés par la crise économique, avec l'amputation, à terme, de près du tiers du corps des fonctionnaires et la désaffection pour l'exploitation agricole peu rentable, trouver du travail n'est plus si simple en Chine. Officiellement, le Bureau de la statistique dénombre à l'heure actuelle moins de 7 millions de chômeurs dans les villes, à peine 4 % de la main-d'œuvre urbaine. Mais il ne s'agit là que d'une petite part du chiffre réel des sans-emploi. À cela s'ajoute un chômage déguisé, concernant une masse de travailleurs toujours sous contrat (xia gang) mais qui ne sont plus, ou que partiellement, payés par leur entreprise, en voie de faillite. Des estimations indépendantes font état d'un total de 26 à 31 millions de sans-emploi dans les villes, comprenant les chômeurs enregistrés ainsi que tous ceux victimes de cette forme de chômage déguisé, soit 18 % à 20 % de la main-d'œuvre urbaine (Rocca, 1999).

27 Plus de la moitié des xia gang seraient des femmes, qui ne représentent pourtant que moins du tiers des employés des entreprises publiques (Rocca, 1999). Dans la province du Liaoning, près de deux licenciés sur trois sont des femmes [1]. À Tianjin, la quatrième ville du pays, mi-1996, 260 000 employés ont été licenciés des entreprises d'État dont, parmi eux, 70 % de femmes [2]. À Shanghai, sur 1,5 million de personnes licenciées durant la décennie 1990, il y a une majorité de femmes [1].

28 Les femmes forment donc la plus grande partie des nouveaux chômeurs dans le secteur industriel. Mais elles ne sont pas les mieux placées quand il s'agit de se réinsérer dans la vie professionnelle. Au bout d'un an de chômage, un homme sur deux a retrouvé un travail, contre une femme sur quatre [2]. Certaines entreprises refusent désormais d'embaucher des femmes. D'autres avouent ne même pas prendre en compte leur candidature pour ne pas avoir à payer les congés de maternité, ou font signer à leurs recrues un engagement à ne pas tomber enceinte pendant leur contrat. Ainsi pouvait-on lire sur le stand d'un salon pour l'emploi organisé récemment au Heilongjiang : « Hommes seulement, femmes non souhaitées » [3]. Cette prétendue incompatibilité entre production et reproduction connaît donc un souffle nouveau, d'autant moins justifiable que, politique de l'enfant unique oblige, les citadines sont limitées à n'avoir qu'un enfant, soit quelques malheureux mois de rendements réduits une seule fois dans leur vie [4].

29 Dans la nouvelle économie libérale, certaines femmes connaissent un retour forcé au foyer, redevenues « sexe faible » sur le marché du travail, trop peu compétitives par rapport aux hommes. D'autres acceptent le premier travail venu, souvent dans le secteur informel, et deviennent femme de ménage, garde d'enfants, chauffeur de taxi... [5]  Face à la montée du chômage, les rivalités s'aiguisent. La question « Les femmes doivent-elles être au travail ou à la maison ? » a même été soulevée lors d'une session du Comité central en 2001 [6]. Dans cette Chine qui se veut pourtant socialiste et en faveur de l'égalité des sexes, circule à mots à peine couverts le discours voulant que la place de la femme soit à la maison, pour s'occuper de son mari et de son (ses) enfant(s). Les plus menacées sont les citadines, en concurrence directe avec les hommes. Ainsi, à Shanghai, le taux d'activité des femmes de 25 à 49 ans a chuté de 30 % au cours des dix dernières années, et les écarts de revenus entre les sexes n'en finissent pas de se creuser [1].

30 À la campagne, finalement, les femmes s'en sortent presque mieux. La raison est simple : les tâches auxquelles elles s'échinent sont délaissées par les hommes. Souvent, ceux-ci vont en ville à la recherche d'un emploi plus rémunérateur, par conséquent, les travaux agricoles incombent de plus en plus aux femmes. D'après la Fédération des femmes, sur les quelque 300 millions de paysans travaillant effectivement la terre, les deux tiers seraient aujourd'hui des femmes [2]. Depuis les réformes, le rapport hommes/femmes dans les campagnes est en légère diminution. Chez les 20-40 ans, la tranche d'âges la plus sujette aux migrations, on comptait 105,5 hommes pour 100 femmes en 1982 ; 104,4 en 2000. Les femmes, elles, restent, par la force des choses. Le départ de leur mari les assigne à résidence au village. Elles doivent s'occuper de la maison et des enfants et continuer de cultiver le lopin familial, aussi maigres que puissent être les ressources qu'il procure.

31 Cette évolution a toutefois une contrepartie positive. Au fur et à mesure que les hommes quittent la campagne pour la ville, en particulier durant la basse saison agricole, le rôle économique des femmes se renforce. De là, un gain direct des paysannes en autonomie. Les hommes partis, les femmes, sans l'avoir vraiment cherché, se posent aujourd'hui en maillon fort du développement rural. À l'heure actuelle, sur les 130 millions d'employés des entreprises rurales, plus de 50 millions sont des femmes. Dans les usines qui produisent des textiles, du thé, des jouets..., elles forment aujourd'hui la masse critique [3].

II – UNE PRÉCARISATION DU STATUT DES FEMMES

32 Favoriser l'égalité des sexes, protéger les droits fondamentaux des femmes : l'arsenal de lois et de mesures mis en place depuis les années 1950 s'y attelle. Désormais, toute discrimination, mauvais traitement et persécution des femmes sont interdits : « Les femmes ont les mêmes droits que les hommes dans tous les domaines de la vie, politique, économique, culturelle et sociale, incluant la vie familiale. »  [1] 

33 La loi sur le mariage de 1950, première loi communiste, jette les bases de la liberté la plus élémentaire : celle de choisir son conjoint. Elle interdit la bigamie, le concubinage et les mariages arrangés, et exige le consentement mutuel des époux. Elle instaure un âge minimum légal au mariage (18 ans pour les femmes et 20 ans pour les hommes) et rend son enregistrement obligatoire. Tout est là, du moins en théorie, pour donner à la femme les premiers outils de son émancipation.

34 La seconde loi sur le mariage de 1980, puis la dernière en date, celle de 2002, réaffirment l'ensemble de ces principes et élèvent l'âge minimum du mariage de deux ans. La loi de 2002 se distingue cependant par des avancées majeures : le divorce redevient possible à la demande d'un seul des deux conjoints et, pour la première fois, la bigamie, l'abandon du domicile conjugal, les violences domestiques et autres mauvais traitements deviennent des causes légales de divorce. La « loi sur la population et la planification des naissances » entrée en vigueur la même année renforce l'édifice juridique de protection des femmes, et surtout des petites filles, en interdisant les échographies et autres techniques à la seule fin de détecter le sexe d'un fœtus, de même que l'interruption d'une grossesse à visée de sélection du sexe de l'enfant.

35 Par ailleurs, la Constitution a été modifiée en 1982 en faveur de l'égalité des sexes, et en particulier du droit des femmes à participer aux prises de décision politiques, économiques et familiales. En 1985, une loi sur les successions leur a accordé des droits égaux à ceux des hommes en matière d'héritage. De même, la loi de 1992 [2] garantit leurs droits et intérêts fondamentaux, en particulier dans la vie politique et sociale, la culture et l'éducation, le travail, la propriété, le mariage et la famille. Mais en dépit de cet arsenal juridique, des inégalités persistent, voire s'aiguisent.

1. Une résurgence des discriminations à l'égard des filles

36 Dans un pays comme la Chine où la préférence pour les fils est le produit d'un système patriarcal et confucéen qui veut que l'homme soit supérieur à la femme, les filles et les femmes continuent d'occuper une position marginale dans la société, tandis que les fils offrent de nombreux avantages : perpétuation de la lignée, prise en charge des parents dans leur vieillesse, soutien économique... Parce que la politique de limitation des naissances impose une autorisation avant chaque naissance et inflige des sanctions à tout couple contrevenant, les filles deviennent indésirables simplement parce qu'elles privent leurs parents de la possibilité d'avoir un fils.

37 Au-delà de cette politique coercitive de limitation des naissances, les changements récents dans les comportements de reproduction et la généralisation des familles nucléaires doivent également être pris en considération. Dans le contexte des réformes économiques, avec l'augmentation du coût de la vie et la libération des mœurs, de plus en plus nombreux sont les couples limitant spontanément la taille de leur famille. Mais la préférence pour les fils persistant, la sélection du sexe de l'enfant en amont ou en aval de la naissance s'étend. C'est donc bien la conjonction de la baisse de la fécondité et du maintien de ce trait de la culture traditionnelle qui est à la source de cette discrimination croissante. Celle-ci s'exerce notamment par le biais de pratiques telles que l'infanticide, les avortements sélectifs, la sous-déclaration des naissances ou des négligences diverses conduisant à une surmortalité infantile, la conséquence étant un déficit croissant de filles (Attané, 2005).

38 C'est la décennie 1980 qui a marqué un nouveau déséquilibre de la régulation biologique des sexes à la naissance. Car la politique de l'enfant unique mise en œuvre en 1979 s'est peu à peu transformée en politique du fils unique : devant limiter strictement le nombre de leurs enfants, rares furent les couples prêts à renoncer à un fils. Certes, le déséquilibre du rapport de masculinité des naissances n'est pas un phénomène nouveau. Dans les années 1930 et 1940, en effet, la répartition des sexes chez les tout jeunes enfants était déjà perturbée, du fait d'une mortalité féminine excessive liée à l'infanticide. Une raréfaction de cette pratique et l'amélioration du statut de la femme dès les années 1950, à un moment où aucune forme de restriction des naissances n'était imposée, avaient permis de rétablir l'équilibre biologique (Chen, 2003). Mais avec la mise en œuvre de la politique de l'enfant unique, celui-ci s'est de nouveau rompu.

39 Le rapport de masculinité des naissances qui, selon la règle biologique, se situe entre 103 et 106 garçons pour 100 filles (Chahnazarian, 1988), a rapidement augmenté dans les deux dernières périodes intercensitaires : il est passé de 107,2 en 1982 à 111,3 en 1989, puis à 116,9 en 2000 (tableau 5). Ces écarts substantiels par rapport aux niveaux attendus sous-tendent des interventions délibérées visant à modifier les probabilités de naître fille : sur la base de ce déséquilibre, on estime que 700 000 fillettes manquaient au recensement de 2000. Pour partie, ces fillettes sont seulement le fait d'un déficit statistique, leur naissance n'ayant pas été déclarée lors du recensement. Mais une part d'entre elles est bel et bien manquante, victime d'avortement différentiel, d'infanticide ou d'abandon [1].

TABLEAU 5

Évolution du rapport de masculinité des naissances, selon le rang de la naissance, 1982-2000

Rang 1  Rang 2  Rang 3  Rang 4 et + Ensemble
1982  1990  2000  106,5 
105,2 
107,1 
105,0 
121,0 
151,9 
109,4 
124,3 
160,3 
111,9 
130,9 
156,9 
107,2 
111,3 
116,9 
figure im6

Évolution du rapport de masculinité des naissances, selon le rang de la naissance, 1982-2000

1982 : Tu Ping (1993) ; 1990 et 2000 : recensements de population, années correspondantes.

40 Dans les sociétés dans lesquelles les filles et les femmes ne souffrent pas de discriminations, la mortalité est plus élevée pour les hommes à tous les âges de la vie. En Chine, c'est le cas pour les adultes, mais pas pour les enfants. Les pratiques discriminatoires à l'égard des filles, en particulier en matière de nutrition et de santé, conduisent à une surmortalité infantile anormale : les familles pauvres, notamment en milieu rural, nourrissent mieux leur fils que leur fille, et hésitent moins à recourir aux services coûteux du médecin quand l'enfant est un garçon (Li, Zhu, 2005).

TABLEAU 6

Taux de mortalité infantile, 1973-2000 (en ‰)

1973-
1975 
1981  1987  1990  2000 
Garçons
Filles
Sexes réunis
Rapport filles/garçons
48,9 
42,8 
0,875 
38,7 
36,7 
37,7 
0,948 
39,9 
40,8 
40,3 
1,023 
25,5 
29,4 
27,3 
1,153 
26,5 
38,9 
32,2 
1,465 
figure im7

Taux de mortalité infantile, 1973-2000 (en ‰)

Pour les données antérieures à 1995 : China Population Information and Research Center (Huang, Liu, 1995) ; pour 1995 : Annuaire statistique de Chine, 1996 ; pour 2000 : Judith Banister (2003).

41 Les politiques sanitaires mises en œuvre par les communistes à partir des années 1950, fondées sur des campagnes de vaccination et d'hygiène, ont éradiqué les maladies infantiles les plus meurtrières et permis de réaliser d'importants progrès dans la mortalité des enfants. Vers 1945, deux sur dix mouraient avant leur premier anniversaire. Vingt-cinq ans plus tard, la plupart (environ 95 %) survivaient [1]. Mais les progrès se sont essoufflés par la suite : de 37,7 ‰ en 1982, le taux de mortalité infantile est passé à 32,2 ‰ en 2000 (26,5 ‰ et 38,9 ‰) ; une amélioration significative pour les garçons, mais une détérioration pour les filles dont la mortalité infantile est devenue supérieure à celle des garçons (tableau 6). On estime que, chaque année, 70 000 à 80 000 petites filles mourraient prématurément, avant leur premier anniversaire [2].

42 Au fur et à mesure de l'amélioration de la survie des enfants, l'écart entre les sexes s'est donc aggravé au détriment des filles. Hill et Upchurch (1995) ont déterminé l'avantage féminin observé dans des circonstances normales en établissant le rapport du taux de mortalité infantile des filles à celui des garçons à 0,78 pour un quotient de mortalité masculine infanto-juvénile inférieur à 50 ‰. En Chine, cet avantage n'était déjà plus respecté en 1973-1975, avec un rapport de 0,875, et il l'est de moins en moins : 0,948 en 1981, 1,156 en 1990, 1,465 en 2000 (tableau 4, fig. 2).

FIG. 2

Tendances de la surmortalité infantile des filles, 1973-2000

figure im8

Tendances de la surmortalité infantile des filles, 1973-2000

Tableau 6.

2. Une crise du mariage

43 De tout temps, le mariage a été le pilier de la société chinoise. Essence même de la famille, il était une étape nécessaire et incontournable dans l'existence de chacun. Jusque dans les années 1980, rares étaient ceux et celles qui échappaient à cette institution et, passé trente ans, l'immense majorité des femmes étaient mariées. Mais les choses commencent à changer. Avec les réformes, le contrôle social se relâche. Dans les villes surtout, les mœurs se libèrent, les esprits s'affranchissent. La société chinoise s'ouvre sur le monde. La pudibonderie qui était de mise durant les décennies passées s'estompe [1] (Attané, Imbot-Bichet, 2003). Aujourd'hui, les jeunes s'enhardissent. Ils sont de mieux en mieux armés pour résister à la pression familiale et sociale et finissent par ne plus voir le mariage comme la seule forme d'accomplissement possible, comme le but ultime de l'existence. De plus, les relations sexuelles avant le mariage n'étant plus aussi stigmatisées qu'auparavant, ils sont logiquement moins impatients de s'unir. En outre, il n'est plus rare de trouver, dans les villes chinoises, des femmes qui font du célibat un mode de vie : être seule, vivre seule, c'est l'essence même de la liberté, le symbole absolu de l'émancipation. Pour beaucoup de jeunes citadines, le mariage devient un vrai choix, il n'est plus une nécessité.

44 Néanmoins, le mariage demeure quasiment universel : en 2000, seules 1,3 % des femmes de 30-34 ans n'avaient jamais été mariées, contre 7,5 % des hommes, des proportions assez constantes (tableau 7). Cependant, signe des récents changements, il devient plus tardif. À 20- 24 ans en 1982, 28 % des hommes et 53 % des femmes étaient mariés. Aujourd'hui, ces proportions sont tombées à 21 % et 43 % respectivement. Ainsi, l'âge moyen des femmes au premier mariage s'élève : de 22 ans en 1975 – alors que la campagne en faveur du mariage tardif battait son plein (Attané, 2002 a) – il a stagné jusque vers 1990 pour passer à 23,3 ans en 2000. Il reste toutefois plus précoce à la campagne : 22,7 ans en moyenne, contre 24,5 ans pour les citadines (Choe et al., 2004). On assiste par ailleurs à une baisse régulière du nombre de mariages : 9,5 millions ont été enregistrés en 1990, et seulement 8 millions en 2001. Mais, ne pouvant préjuger des comportements futurs des jeunes Chinois encore célibataires, et ne sachant s'ils finiront ou non par se marier, il est encore trop tôt pour dire si cette baisse résulte d'une désaffection réelle pour cette institution, ou simplement de la réduction des effectifs en âge de se marier [1] et d'un mariage globalement retardé.

45 Parallèlement, la libération des mœurs et la quête nouvelle d'épanouissement personnel ont pour conséquence une montée en flèche des divorces : 458 000 ont été enregistrés en 1985, 800 000 en 1990, 1,25 million en 2001 – dont 60 à 70% se feraient à la demande des femmes [2]. Le taux de divorces, bien qu'encore faible, a doublé entre 1985 et 2001 : 0,9 % et 2,0 % respectivement [3], tandis que la proportion de divorcées [4] reste remarquablement faible, quoiqu'en augmentation : elle a été multipliée par trois chez les femmes de 25 à 34 ans entre 1982 et 2000 et par quatre chez les 30-39 ans (tableau 7). Si les unions semblent jusqu'à présent tout aussi fréquentes mais globalement plus tardives, elles deviennent également plus instables.

TABLEAU 7

Personnes non mariées et divorcées selon l'âge et le sexe (en %)

20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans
Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes
Non marié(e) s
1982 
1990 
2000 
Divorcé(e) s
1982 
1990 
2000 
72,0 46,5 
62,5 41,4 
78,6 57,5 
0,2 0,2 
0,2 0,2 
0,2 0,2 
23,6 5,3 
16,7 4,3 
24,7 8,7 
0,5 0,2 
0,6 0,5 
0,9 0,7 
8,8 0,7 
7,2 0,6 
7,5 1,3 
0,8 0,3 
1,0 0,5 
1,5 1,0 
6,8 0,3 
5,7 0,3 
4,1 0,5 
1,1 0,3 
1,0 0,5 
1,8 1,2 
figure im9

Personnes non mariées et divorcées selon l'âge et le sexe (en %)

Recensements de population, années correspondantes.

46 Ces évolutions, insoupçonnables il y a encore une vingtaine d'années, sont surtout le fait des villes. Car « en zone rurale, il reste encore un long chemin à faire pour l'égalité entre hommes et femmes. Les femmes, même si elles ont de bonnes raisons pour divorcer, si par exemple le mari boit et les maltraite, elles n'ont pas d'argent pour demander le divorce, pas d'argent pour vivre par la suite. Elles ne savent même pas comment organiser une procédure de divorce. Le contrôle social est fort. La famille et l'opinion publique sont contre le divorce. [...] À la ville, tout est totalement différent, les femmes d'aujourd'hui osent divorcer », explique Chingling, 60 ans (Verschuur-Basse, 1993). Si dans les villes, des femmes se marient par amour, revendiquent leur pouvoir de décision dans le ménage ou se vantent d'avoir consigné leur mari aux tâches ménagères, dans certaines régions rurales, les mariages sont toujours arrangés par les parents, les épouses mangent dans la cuisine lorsque la famille reçoit des invités [1].

47 Le divorce, présenté plus haut comme un signe d'émancipation, est un phénomène ambivalent. D'un côté, il peut constituer une véritable libération pour des conjoints ne s'entendant plus, voire entretenant une relation physiquement ou psychologiquement violente. Mais il peut, d'un autre côté, mettre une femme en situation de précarité à la fois économique et familiale.

48 Les cas de plus en plus nombreux d'adultère et de bigamie portés devant la justice et aboutissant à un divorce attestent de la précarisation du statut de certaines épouses. Les rares statistiques disponibles sur ce phénomène en suggèrent l'étendue : d'après la Fédération des femmes, 8 % des Chinois(e) s auraient eu des liaisons extraconjugales, et plus de 2 % auraient eu des relations extraconjugales durables [2]. Le sociologue Liu Dalin (1997) estime quant à lui qu'environ un homme sur dix (10 %) aurait une maîtresse, un phénomène fréquemment relaté dans la presse [3] (Attané, 2005).

49 Ne recherchant bien souvent qu'une affirmation de leur prestige social, Chinois d'outremer, hommes d'affaires, chefs d'entreprise, cadres du Parti... sont de plus en plus nombreux à s'offrir une maîtresse (ernai), et vont donc parfois jusqu'à avoir un enfant, voire à contracter avec elle un mariage en bonne et due forme. Comme par le passé au temps des concubines, multiplier les épouses est, dans cette Chine en marche vers la modernisation, un signe de réussite sociale. Dans le sud du pays, de telles situations seraient responsables de la moitié des divorces. Selon les autorités de Hong Kong, il y aurait en Chine 500 000 enfants illégitimes, nés d'un Hong kongais et de sa maîtresse chinoise [1].

3. Les violences conjugales

50 Les violences conjugales sont un autre revers de la libéralisation sociale. D'après la Fédération des femmes, une famille sur trois en serait aujourd'hui le théâtre, causant notamment une centaine de milliers de divorces chaque année [2]. Pourtant, le sujet reste mal documenté et n'a pas fait l'objet d'enquête approfondie.

51 La montée de ces violences est en quelque sorte un sous-produit des réformes et de la dégradation de la situation sociale qui leur est associée : le logement, la santé, l'éducation des enfants, tout coûte désormais très cher. Si quelques privilégiés s'enrichissent, les laissés-pour-compte de la modernisation voient leur situation s'aggraver. La violence domestique, les Chinois l'expliquent en quelques mots : disparités économiques, chômage des femmes et adultère en développement rapide. Pression sociale, stress, compétitivité, éclatement des familles, précarisation de l'emploi, valeurs traditionnelles en repli, la Chine se trouve subitement confrontée aux maux des sociétés modernes, de plus en plus individualistes et où les solidarités s'étiolent. L'homme et la femme, chacun à leur manière, paient le prix de ces mutations fulgurantes.

52 La modernisation économique, c'est finalement la porte ouverte aux mœurs issues du passé. « Dans la société traditionnelle, les femmes devaient obéissance aux hommes tout au long de leur existence : d'abord à leur père, puis à leur mari, et à leur fils après la mort de leur mari. La loi ancienne interdisait à quiconque de provoquer la mort d'autrui, mais dans la pratique, les cas de blessures ou d'homicides “involontaires” commis par des hommes sur leur femme ou leur concubine n'étaient pas rares, et restaient le plus souvent impunis. Ces conceptions anciennes ont encore une influence sur les gens aujourd'hui », explique un professeur de droit de l'Université Qing-hua, à Beijing [1]. La conception millénaire qui veut que « l'homme est supérieur à la femme » retrouve toute sa force, mais pas à la seule défaveur des femmes. Épine dorsale de la famille, les hommes subissent de fortes pressions. D'eux, leur épouse attend tout : le prestige, la réussite, l'argent, la sollicitude, l'écoute, l'amour. Alors parfois, la situation engendre des conflits.

53 De plus, les contrôles extérieurs qui servaient autrefois de médiation et atténuaient les virulences, famille, unité de travail, comité de quartier ou de village, voisinage, cohabitation avec les grands-parents... s'exercent désormais avec beaucoup moins de force. Il y a quelques années encore, la vie privée n'était pas privilégiée. Dans les villes surtout, tout le monde vivait sous le regard de tout le monde, tout se faisait au vu et au su des voisins. Dans la cour des maisons traditionnelles (siheyuan) partagée entre plusieurs familles, aucune activité ne pouvait être tenue secrète, et chaque débordement conjugal était connu. Si le conflit s'envenimait, les lao taitai, ces grands-mères chargées de la surveillance du voisinage, intervenaient sans attendre, soucieuses de faire respecter l'ordre. Mais aujourd'hui, les couples se retrouvent en tête-à-tête, confinés dans leurs appartements, et il y a moins de freins extérieurs à la violence conjugale.

54 La sagesse chinoise a toujours prôné l'harmonie, y compris entre les sexes. « Si la famille est en paix, tout marche bien » (jiahe wanshixing), affiche-t-on encore au-dessus des portes des maisons [2]. Plus apparente que réelle, cette harmonie masque plutôt la traditionnelle domination des femmes par les hommes : la femme se soumet, l'harmonie est préservée. « Dans la tradition, battre sa femme et ses enfants est chose courante, et cela ne regarde personne », raconte Chen Mingxia, de l'Académie des sciences sociales de Beijing : « J'ai parlé avec des villageois et leur ai demandé si les violences domestiques existaient dans leur famille. D'une seule voix, ils ont aussitôt répondu : “Non”. » Mais lorsque Chen leur a demandé s'ils battaient leur femme et leurs enfants, ils ont éclaté de rire et répondu : « Si c'est ça, la violence domestique, alors elle existe dans presque toutes les familles ! » « En Chine, dans l'esprit des gens, battre sa femme et ses enfants n'est pas enfreindre la loi », raconte Chen. « Beaucoup d'hommes justifient leurs actes comme ça ! » [3] 

55 Désormais, les autorités chinoises cherchent à appliquer les principes de la 4e Conférence internationale sur les femmes, qui s'était tenue à Beijing en 1995, en tentant de lutter contre les violences domestiques. Des associations pékinoises ont d'ailleurs lancé récemment une campagne de sensibilisation. Sur les affiches : une femme et un homme, côte à côte, se faisant face, bras tendus, la paume de la main marquant un « stop ! ». Au bas de l'affiche, un slogan : « Non aux violences familiales. » Cette campagne a démarré après la diffusion d'une série télévisée intitulée « Ne parlez pas aux inconnus ! »  [1]. Elle met en scène un couple dont le mari, médecin, a « réussi » ; il est tendre, plein d'attentions pour sa femme. Pourtant, dès qu'il se retrouve seul avec elle dans leur somptueux appartement, il la bat sans raison, sans retenue. Au final, celle-ci finit par fuir. Lui est envoyé en prison [2]. C'est le premier feuilleton du genre et, semble-t-il, il fait écho, des centaines de femmes se reconnaissant dans cette malheureuse héroïne. La violence à la maison reste une affaire de famille.

4. Le retour de la prostitution

56 Successivement admise ou proscrite selon les dynasties, la prostitution ne fut cependant jamais véritablement frappée d'opprobre dans la société chinoise traditionnelle. Sous les Song [3], par exemple, les fonctionnaires avaient à leur disposition des prostituées d'État. Fréquenter une prostituée n'avait alors rien de répréhensible et faisait partie des distractions autorisées aux hommes, célibataires aussi bien que mariés. Les relations sexuelles avec une prostituée n'avaient pas pour objectif la reproduction et, en cela, elles étaient nettement dissociées de celles qu'un homme pouvait entretenir avec ses épouses et concubines. En permettant de canaliser les « énergies masculines », ces relations avaient le mérite de garantir la morale. Si, à partir des Yuan et surtout des Ming [4], la prostitution fut proscrite, son utilité sociale ne fut pas contestée pour autant. La prostitution traversa même un âge d'or dans le siècle qui précède la Révolution de 1949 (Henriot, 2002).

57 En 1950, c'est la rupture. Les communistes au pouvoir, le sexe devient brusquement tabou ; la prostitution, l'un des pires crimes bourgeois. La propagande officielle ne manque pas de le rappeler : « Les maisons closes, la prostitution et la débauche sont parmi les phénomènes les plus dégoûtants laissés par la vieille Chine. Dès sa fondation, la Chine nouvelle a adopté des mesures radicales pour éradiquer la prostitution. Fin 1949, la municipalité de Beijing a montré l'exemple en adoptant une décision pour bannir la prostitution. Le gouvernement municipal a immédiatement fermé les maisons de tolérance et parqué les prostituées dans des centres pour les rééduquer, réformer leur pensée, leur administrer des traitements contre les maladies vénériennes et les aider à se réinsérer dans la vie normale. Suivant l'exemple de Beijing, toutes les villes du pays, y compris Shanghai et Tianjin, ont lancé des campagnes visant à éliminer la prostitution. En très peu de temps, le commerce du sexe, une maladie sociale chronique contre laquelle il semblait impossible de lutter dans la Chine ancienne, et qui portait sérieusement atteinte à la santé mentale et physique des femmes, de même qu'à leur dignité, a été éradiqué. Ce qui a donné à la société des perspectives nouvelles. »  [1] 

58 Aujourd'hui, avec les réformes économiques et le relâchement du contrôle social, la prostitution a retrouvé ses marques. Le nombre de femmes travaillant actuellement dans l'industrie du sexe en Chine est estimé à dix millions [2]. Mais c'est sans compter avec les centaines de milliers de prostituées occasionnelles pour lesquelles vendre ses charmes devient un moyen comme un autre pour survivre. Dans son roman L'empire des bas-fonds [3], Liao Yiwu témoigne de la prostitution chez les jeunes filles. Son récit se nourrit de rencontres fortuites avec des laissés-pour-compte d'une Chine en proie à de profonds bouleversements. L'un des portraits relatés est celui d'une « entraîneuse » au destin cruel et brisé, qui n'a pourtant pas l'étoffe d'une prostituée. Le mot « entraîneuse », ou sanpei xiaojie [4], traduit un néologisme apparu en Chine depuis 1990 : ces jeunes femmes tiennent compagnie aux clients des boîtes de nuit, en les incitant à boire ; au petit matin, s'ils le souhaitent, elles les accompagneront au lit (Attané, Imbot-Bichet, 2003).

59 Nouveaux millionnaires, hauts fonctionnaires, cadres... sont des acheteurs réguliers des charmes féminins. Louées lors de banquets d'affaire pour dérider les convives, ces « entraîneuses » sont l'ornement désormais nécessaire à qui veut conquérir un marché, se garantir un monopole ou remercier d'un service rendu... Parmi ces prostituées de haut vol, des étudiantes désireuses d'arrondir leurs fins de mois, belles, élégantes et cultivées. Dignes des courtisanes d'antan, elles tiennent une compagnie de qualité à leurs hôtes, se remarquant par leur distinction, leur finesse et leur talents divers.

60 Christian Henriot (2002) souligne, pour le XIXe siècle, le profond enracinement des courtisanes dans l'habitus social des élites chinoises. C'est sans doute là une explication essentielle à la quête de prestige liée à l'adultère croissant que connaît la Chine depuis quelques années. C'est peut être aussi pourquoi faire commerce de ses charmes est, en Chine, un petit peu moins honteux qu'ailleurs. « Xiaoge vient de la campagne pauvre du Henan. À 15 ans, elle est devenue la première étudiante de son village. Elle est la plus jeune de toutes, très travailleuse, économe et jolie. Elle commence alors à travailler, à faire des ménages, du soutien scolaire, pour gagner un peu d'argent. Mais cela lui semble beaucoup d'efforts pour pas grand-chose. Aussi commence-t-elle à faire l'« accompagnatrice », le soir, sans pour autant se prostituer, tout en continuant ses études. Elle envoie de l'argent à sa mère, ainsi qu'à des enfants de son village. »  [1] Mais là n'est pas la seule forme de commerce sexuel. Des milliers de femmes, de fillettes même, seraient chaque année livrées de force à la prostitution. « Au Guang-dong [...] la police a démantelé un gang suspecté d'avoir attiré une centaine de jeunes filles rurales – dont certaines avaient à peine 12 ans – à Guangzhou, la capitale de la province, où on les forçait à se prostituer. » [2] 

UN BILAN MITIGÉ

61 Le bilan des deux dernières décennies est en demi-teinte. Par certains côtés, la situation s'améliore : l'instruction féminine a progressé depuis dix ans, et ce en dépit de la réforme du système scolaire qui, indéniablement, renonce à l'équité. Si cela débouche progressivement sur une amélioration des qualifications professionnelles des femmes, les réformes économiques n'ont cependant guère augmenté leur accès au marché du travail. Désormais, elles se retrouvent en concurrence directe avec les hommes, mais ne luttent pas à armes égales.

62 Par ailleurs, la fécondité poursuit sa baisse, confortant ainsi les Chinoises dans une position d'indépendance vis-à-vis de la reproduction, et leur donnant de ce fait les moyens de leur autonomie sur un plan familial. Mais cette évolution n'a pas été sans heurts. Tout programme de planification familiale est en principe assorti de mesures destinées à améliorer la santé des mères et de leurs enfants (suivi des grossesses, conditions d'accouchement, prévention des maladies sexuellement transmissibles, suivi gynécologique, information des femmes sur le fonctionnement de leur corps...). En Chine, alors que des efforts considérables ont été déployés pour limiter les naissances, très peu d'initiatives ont été prises en ce sens. Une enquête de la Commission nationale de planification des naissances (1997) en dit long sur les dysfonctionnements du système : quatre femmes sur cinq à la campagne et une sur deux en ville n'auraient jamais subi d'examen gynécologique de routine ; une femme rurale sur deux seulement aurait fait l'objet d'un contrôle médical lors de sa dernière grossesse, contre près de neuf citadines sur dix [1]. Soulignons aussi la faible prise en charge hospitalière des accouchements, celle-ci restant l'un des principaux facteurs de mortalité maternelle : en 1992, seule une Chinoise sur trois accouchait dans un hôpital. Désormais résiduel dans les villes (7 % des naissances), l'accouchement à domicile, avec tous les risques qu'il comporte, demeure la règle à la campagne : près de trois naissances sur quatre.

63 La limitation des naissances a eu ses effets positifs, mais aussi ses lacunes et ses effets pervers. Par certains côtés, elle a permis d'améliorer le statut des Chinoises. En interdisant le mariage précoce et en imposant la contraception, elle leur a permis de réduire le nombre de leurs enfants. Mécaniquement, elle a donc fait reculer les risques liés à la maternité : effets des grossesses répétées sur la santé des femmes, mortalité maternelle... Elle les a aussi libérées des charges excessives représentées par une progéniture pléthorique, favorisant ainsi, au moins en théorie, leur disponibilité sur le marché du travail. Mais le bât blesse au niveau de la mise en œuvre de la politique de l'enfant unique : usage massif de la coercition, mépris systématique des libertés individuelles, et en particulier de la plus élémentaire, celle de procréer, ont fait de la femme un objet, plus qu'une actrice, du changement (Aird, 1990 ; Mosher, 1993 ; Attané, 2000). Or le seul leitmotiv de la politique de l'enfant unique était de mettre le pays sur la voie du développement. Durant ces deux dernières décennies, la modernisation économique a primé sur la liberté des femmes et sur leur droit à être mère, sans que par ailleurs rien n'ait véritablement été fait pour améliorer leur statut et leur santé (Attané, 2000). Cela permet de dire que la femme chinoise a été l'oubliée de la modernisation.

64 En tant que fille, aussi, la Chinoise a vu son statut se détériorer depuis les réformes. Condamnée à subir les effets pervers de la traditionnelle préférence pour les fils alors que la norme de la famille restreinte s'impose, elle est victime de discriminations croissantes. La modification récente des équilibres biologiques en termes de répartition des sexes à la naissance et de mortalité infantile, concomitante aux réformes économiques, en vient à porter atteinte à son existence même, une situation face à laquelle l'État reste globalement impuissant. L'égalité des sexes, sur un point aussi fondamental que le droit à la vie, est bel et bien en perte de vitesse.

65 À divers égards, le statut des femmes s'est plus dégradé qu'amélioré depuis les années 1980. Mais au bout du compte, bilan fait des avancées et des reculs, la Chinoise d'aujourd'hui est bien mieux considérée que la Chinoise de l'époque impériale, et demeure malgré tout bien mieux lotie que la plupart des femmes à travers le monde en développement, y compris en Asie. Les errements actuels apparaissent comme le résultat d'une transition éphémère après laquelle la mondialisation et l'économie libéralisée vont lui permettre d'accéder à plus d'égalité avec les hommes. Finalement, reste à la femme à faire sa place et à trouver de nouveaux repères dans cette société en proie à des bouleversements fondamentaux.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  • Aird John (1990), Slaughter of the Innocents, Washington, AEI Press.
  • Attané Isabelle (2005), Une Chine sans femmes ?, Paris, Perrin, 391 p.
  • Attané Isabelle (2002 a), China's family planning policy : An overview of its past and future, Studies in Family Planning, vol. 33, n° 1, 103-113.
  • Attané Isabelle (2002 b), Un demi-siècle de socialisme chinois : heurs et malheurs de la famille paysanne, in I. Attané (dir.) (2002), La Chine au seuil du XXIe siècle : questions de population, questions de société, Les Cahiers de L'INED, Paris, INED, n° 148.
  • Attané I. (dir.) (2002 c), La Chine au seuil du XXIe siècle : questions de population, questions de société, Les Cahiers de L'INED, Paris, INED, n° 148, 601 p.
  • Attané Isabelle (2000), La planification familiale en Chine, pour ou contre la femme ? Bilan de trois décennies, Paris, CEPED, Dossiers du CEPED, n° 60, 50 p.
  • Attané Isabelle, Imbot-Bichet Geneviève (2003), Intimités chinoises : femmes et sexualité dans la Chine des réformes, Revue des Deux Mondes, octobre 2003.
  • Attané Isabelle, Gu Baochang (2003), En Chine, bilan de cinquante ans de politiques démographiques, in Demografia : analisi e sintesi, Atti del semi-nario de Cortona, 19-21 giugnio, 2003, vol. 1, Dipartimento di Scienze Demografiche, Universita degli Studi di Roma La Sapienza, Dipartimento di Studi Aziendali e Sociali, Universita degli Studi di Siena.
  • Banister Judith (2003), Poverty, progress and mortality in China, paper presented at the Workshop on Population Changes in China at the Beginning of the 21st Century, Canberra, Australian National University, 10- 12 December 2003.
  • Banister J. (1987), China's Changing Population, Stanford, Stanford University Press.
  • Bianco L. (1989), La population chinoise face à la règle de l'enfant unique, Actes de la recherche en sciences sociales, 78, 31-40.
  • Bongaarts John (2003), Completing the fertility transition in the developing world : The role of educational differences and fertility preferences, Policy Research Division Working Papers, New York, Population Council, 27 p.
  • Chahnazarian Anouck (1988), Determinants of the sex ratio at birth : Review of recent literature, Social Biology, vol. 35, n° 3-4, 215-235.
  • Chen S., Coale A. (1993), Zhongguo ge sheng shengyu lü shouce, 1940-1990  (Données sur la fécondité dans les provinces chinoises, 1940-1990), Beijing, Zhongguo renkou chubanshe, 215 p.
  • Chen Wei (2003), Son Preference, Fertility and induced abortion in China, paper presented at the Workshop on Population Changes in China at the Beginning of the 21st Century, Canberra, Australian National University, 10-12 December 2003.
  • Choe Minja Kim, Chen Jiajian, Li Xiru, Cui Hongyan (2004), « Fertility in China : How much has it really declined ? », communication présentée au International Seminar on China's 2000 Population and Housing Census, Chine, Beijing, 27-29 avril.
  • Croll E., Davin D., Kane P. (1985), China's one Child Family Policy, London, The Macmillan Press.
  • Domenach Jean-Luc (2002), Où va la Chine ?, Paris, Fayard.
  • Gu Baochang (2002), Population, reproductive health and poverty in China, Paper presented for the UNFPA's Consultation on Population, Reproductive Health, Gender and Poverty Reduction, September 30 - October 2, 2002, Chauncey Conference Center, Princeton, New Jersey, USA, 10 p.
  • Haski Pierre, Le journal de Ma Yan, Paris, Ramsay, 2002, 318 p.
  • Henriot Christian (2002), Belles de Shanghai, Paris, CNRS Éditions.
  • Hill K., Upchurch D. (1995), Gender differences in child health : Evidence from the demographic and health survey, Population and Development Review, 21, 1, 127-150.
  • Hossain Shaikh I. (1997), Making education in China equitable and efficient, The World Bank, Policy Research Working Paper, n° 1814.
  • Huang Rongqing, Liu Yan (1995), Mortality data of Chinese Population, CPIRC-UNFPA, China population Publishing House, p 4.
  • Li Shuzhuo, Zhu Chuzhu (2005), Improving.
  • Liao Yiwu (2003), L'empire des bas-fonds, Paris, Bleu de Chine.
  • Liu Dalin (1997), Sexual Behavior in Modern China, New York, Continuum.
  • Mosher Steven (1993), A Mother's Ordeal, on Woman's Fight against China's one-child Policy, Harcourt, Brace & Co., 335 p.
  • Oppenheim Mason Karen (2000), Influence du statut familial sur l'autonomie et le pouvoir des femmes mariées dans cinq pays asiatiques, in Statut des femmes et dynamiques familiales, sous la dir. de Maria Eugenia Cosio-Zavala et Éric Vilquin, Paris, CICRED, p. 357-376.
  • Peng Xizhe (2002), La fécondité chinoise : constats et perspectives, in I. Attané (éd.), La Chine au seuil du XXIe siècle : questions de population, questions de société, Les Cahiers de L'INED, Paris, INED, n° 148, 59-78.
  • Rocca Jean-Luc (1999), La vague du chômage déferle sur la Chine, Le Monde diplomatique, janvier.
  • Tan Lin (2002), Quel statut pour la femme chinoise ?, in I. Attané (éd.), La Chine au seuil du XXIe siècle : questions de population, questions de société, Les Cahiers de L'INED, Paris, INED, n° 148, 329-348.
  • Tu Ping (1993), Wo guo chusheng ying'er xingbiebi wenti tantao (Discussion sur le problème du rapport de masculinité des naissances en Chine), Renkou yanjiu, 1, 6-13.
  • Verschuur-Basse Denyse (1993), Paroles de femmes chinoises, Paris, L'Harmattan.

Date de mise en ligne : 01/01/2012

https://doi.org/10.3917/rtm.182.0329

Notes

  • [*]
    INED, Paris.
  • [1]
    Pour en savoir plus sur les changements sociaux dans la Chine des réformes, voir Attané, 2002 c.
  • [1]
    Pour en savoir plus sur l'historique de la politique de limitation des naissances, voir notamment Attané, 2000, et Attané, Gu, 2003.
  • [1]
    Pour en savoir plus sur la mise en œuvre de la politique de l'enfant unique, voir notamment : Croll, Davin, Kane, 1985 ; Banister, 1987 ; Aird, 1990 ; Bianco, 1989.
  • [1]
    La Commission nationale de planification des naissances donne pour 2001 le taux exceptionnellement élevé de 90 % des femmes mariées en âge de procréer utilisant un moyen de contraception. L'enquête de 1997 donnait quant à elle le taux de 83% (1997, National Population and Reproductive Health Survey).
  • [1]
    L'Inde, par exemple, qui talonne la Chine par l'immensité de sa population, compte encore 40 % d'illettrés, et près de 60 % chez les femmes ; l'Afrique, avec ses 800 millions d'habitants, présente des performances qui ne sont guère meilleures.
  • [2]
    Dans certains villages, les écoles sont très mal équipées, les salles de classe sont des pièces de maison abandonnées, des étables, des temples en ruine. Les enseignants n'ont parfois ni tableau, ni craie, les élèves n'ont ni cahier, ni crayon. En outre, la hausse rapide des coûts de l'école (frais de scolarité, manuels scolaires, fournitures...) fait désormais hésiter les plus démunis : dans les régions rurales les plus pauvres, le revenu annuel moyen des habitants plafonne autour de 400 yuans (45 €), alors que les dépenses scolaires pour un enfant s'élèvent au moins à 150 yuans.
  • [1]
    Sur ce sujet, voir notamment le témoignage rapporté par Haski, 2002.
  • [1]
    Il s'agit, par exemple pour le primaire, du rapport des effectifs d'enfants de 6-11 ans scolarisés dans le primaire à l'effectif total des enfants de ces âges.
  • [1]
    Calculs effectués d'après les données du recensement de 2000, vol. 1, p. 593 sq., vol. 2, p. 838 sq.
  • [1]
    Communiqué du 28 février 2003 paru sur le site internet http://www.dajiyuan.com, consulté le 9 juillet 2003.
  • [2]
    Zhongguo funü (Femme de Chine), n° 8, 1996.
  • [1]
    China Daily, 5 avril 2002.
  • [2]
    Communiqué du 28 février 2003 paru sur le site internet http://www.dajiyuan.com, consulté le 9 juillet 2003.
  • [3]
    Employers still biased against women, China Daily, Hong Kong Edition, 11 avril 2002.
  • [4]
    Le droit chinois du travail est pourtant sans ambiguïté : aucune discrimination professionnelle ne doit être exercée à l'égard des femmes. Une entreprise ne peut licencier une femme ou résilier son contrat de travail sous le prétexte d'un mariage, d'une grossesse ou de congés de maternité. Recrutement, primes, promotion professionnelle et avantages divers ne peuvent en aucun cas être conditionnés par le sexe du salarié.
  • [5]
    Pour les plus chanceuses, toutefois, il existe quelque espoir à travers des initiatives éparses. Le « projet de réemploi » (zaijiuye gongcheng) mis en place par le gouvernement aurait permis à 8 millions de femmes au chômage de retrouver un travail. La Fédération des femmes, de son côté, aurait aidé 18 millions de femmes « xia gang » a accéder à un nouvel emploi entre 1995 et 2000 (China Daily, 10 mai 2000).
  • [6]
    Beijing Review, 25 avril 2001.
  • [1]
    China Daily, 5 avril 2002.
  • [2]
    Soit une proportion de femmes dans l'agriculture nettement plus élevée que ne le laissent voir les données officielles : 48,5 % d'après le recensement de 2000, par exemple. Rappelons que la Fédération des femmes est une organisation d'État œuvrant pour la défense et le respect des droits des femmes.
  • [3]
    « Equal rights and important role in economic sphere », Bureau d'information du Conseil d'État de République populaire de Chine, Beijing, juin 1994, sur le site internet http://www.china.org.cn/e-white/chinesewoman/11-4.htm, consulté le 11 septembre 2003.
  • [1]
    Extrait de l'article 48 de la Constitution de la République populaire de Chine, 1982.
  • [2]
    Il s'agit de la « Loi sur la protection des droits et intérêts des femmes ».
  • [1]
    Il est impossible de déterminer la part de chacune de ces pratiques dans le déficit de filles. La mise en correspondance des naissances recensées en 1990 avec les effectifs d'enfants âgés de 10 ans en 2000 nous a cependant permis d'estimer que seulement 10 % du déficit de naissances filles observé en 1990 proviendrait de sous-déclarations, les 90 % restant découlant d'avortements différentiels, d'infanticides, d'abandons ou d'une surmortalité féminine dans les premiers jours de vie sans déclaration préalable de la naissance. En revanche, faute de données comparatives, nous ne sommes pas en mesure de connaître l'ampleur de la sous-déclaration des naissances au recensement de 2000.
  • [1]
    Le taux de mortalité infantile a été estimé à 201 ‰ en 1945-1949 et à 51,5 ‰ en 1970-1974 (voir Huang, Liu, 1995).
  • [2]
    184 521 filles ont décédé avant leur premier anniversaire entre le 1er novembre 1999 et le 31 octobre 2000, avec un taux de mortalité infantile des filles de 28,4 ‰ (d'après les données de mortalité du recensement de 2000, non corrigées du sous-enregistrement des décès). En l'absence de discrimination envers les filles, et avec un taux de mortalité infantile des garçons de 20,5 ‰ (tel qu'observé au recensement), le taux féminin aurait dû être de 16,0 ‰, avec seulement 110 580 décès de filles de moins d'un an, soit un excédent de 184 521 – 110 580 = 73 941 décès. Le même calcul pour 1989 porte à 80 324 l'excédent de décès féminins infantiles.
  • [1]
    Sous Mao Zedong, le plaisir sous toutes ses formes était taxé de « valeur bourgeoise ». Séduction, plaisir charnel étaient contre-révolutionnaires ; la féminité, une tare. Mao a plongé son pays dans un puritanisme forcené. Pendant la Révolution culturelle, la vie communautaire s'est accompagnée d'une flambée des tabous. Personne n'osait parler de sexe, tout rapport sexuel en dehors du mariage était hors la loi.
  • [1]
    Les 20-29 ans étaient 230,0 millions en 1990 ; 212,2 millions en 2000.
  • [2]
    Bear it or leave it. Divorce : A suitable solution for sinking marriage, China Daily, 23 février 2000, sur le site internet http://search.chinadaily.com.cn, consulté le 11 avril 2002.
  • [3]
    Taux tirés de l'Annuaire statistique de Chine, 2002 (2002 Zhongguo tongji nianjian).
  • [4]
    Il s'agit-là des personnes divorcées et non remariées, les recensements ne permettant pas de connaître le statut matrimonial antérieur à un remariage.
  • [1]
    China's women fight kitchen culture, BBC monitoring, 2 février 2002, sur le site internet http://news.bbc.co.uk, consulté le 6 février 2002.
  • [2]
    Enquête de la Fédération des femmes chinoises menée auprès de 4 000 personnes en 2000. Résultats cités dans Debates triggered by law amendment, China Daily, 25 septembre 2000.
  • [3]
    Voir notamment Gongren ribao (Le Quotidien de l'ouvrier), 9 juillet 2003 ; China Daily, 24 juillet 2000.
  • [1]
    Ouzhou ribao (Le Quotidien Europe), 28-30 juillet 2001.
  • [2]
    Guji san cheng jiating you baoli wenti, Ouzhou ribao (Le Quotidien Europe), 26 novembre 2002.
  • [1]
    Information communiquée à titre personnel, Beijing, avril 2004.
  • [2]
    Futuan fasheng, jiabao wenti dengshang taimian, Ouzhou ribao (Le Quotidien Europe), 26 novembre 2002.
  • [3]
    China Daily, 28 novembre 2000.
  • [1]
    Le titre chinois est « Bu yao he mosheng ren shuohua ».
  • [2]
    Ouzhou ribao (Le Quotidien Europe), 26 novembre 2002.
  • [3]
    La dynastie Song a gouverné la Chine de 960 à 1279.
  • [4]
    Les empereurs Yuan ont régné de 1271 à 1368 ; les Ming ont régné de 1368 à 1644.
  • [1]
    Government white papers, http://www.china.org.cn/e-white/chinesewoman/11-2.htm, consulté le 14 février 2002.
  • [2]
    Ce sujet n'a encore pas fait l'objet d'enquête approfondie. Aids spreads in China, BBC News Report, 14 juillet 2000, 15 : 15 GMT. Mais la prostitution n'épargne pas non plus les enfants : au moins 200 000 en seraient aujourd'hui victimes, un chiffre qui place la Chine au 4e rang mondial dans la prostitution enfantine, ex-œquo avec la Thaïlande et derrière l'Inde, le Brésil et les États-Unis. Voir « La prostitution des enfants : un problème mondial », Reuters Health, 19 avril 2002, sur le site internet SAFCO, http://www.hivnet.ch:8000/africa/safco/viewR?381, consulté le 17 septembre 2003.
  • [3]
    Paru aux Éd. Bleu de Chine, Paris, en 2003.
  • [4]
    Mot à mot : « hôtesse aux trois accompagnements » : boire, chanter, coucher.
  • [1]
    Shenzhen fazhi bao (Le Journal juridique de Shenzhen), 17 juillet 2002.
  • [2]
    China cracks down on kidnapping, BBC News Report, 10 mai 2000, 14 : 10 GMT.
  • [1]
    Il s'agit de l'enquête nationale sur la population et la santé de la reproduction (Quanguo renkou yu shengzhi jiankang diaocha).

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.83

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions