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Article de revue

Démographie, femme et famille : relations entre conjoints en Iran post-révolutionnaire

Pages 281 à 305

Notes

  • [*]
    CNRS - INED.
  • [1]
    Il existe deux types de mariages en Iran. Le premier et le plus répandu est celui contracté à durée indéterminée (mariage permanent) et le second moins fréquent est contracté à durée déterminée, ce que l'on appelle mariage temporaire, sigh'a ou encore mot'a. La durée de ce dernier, qui peut aller d'une heure à 99 ans, est mentionnée dans le contrat.
  • [1]
    Selon l'article 8 de cette loi, l'homme n'a plus le droit de répudier sa femme sans raison, chaque cas doit être soumis au tribunal, et l'article 14 stipule que l'homme ne peut pas contracter un second mariage sans le consentement de sa première épouse et l'approbation du tribunal.
  • [2]
    Il fallut attendre 1974 pour que l'article 18 de cette même loi de « Protection de la famille » concède à la femme le même droit que l'article 1117 du Code civil accordait à l'homme, à savoir « interdire à son épouse d'exercer un métier... ». Sauf que cette fois, aussi bien pour l'homme que pour la femme, le cas devait être examiné par le tribunal.
  • [3]
    Par exemple, en 1963, la loi électorale a été réformée pour y inclure le droit de vote et d'éligibilité des femmes. Après l'adoption de la loi de « Protection de la famille » en 1967, l'accès des femmes aux fonctions de magistrat, jusqu'alors réservées aux hommes, a été facilité.
  • [1]
    Nous insistons sur le fait que le mouvement révolutionnaire n'était pas, dans sa genèse, islamiste et encore moins khomeyniste. Cette tendance s'est progressivement développée, au fur et à mesure que les vagues de protestation enflaient et regroupaient des parties plus nombreuses du corps social. Cette révolution, comme toutes les révolutions, a été un précipité complexe de forces, d'acteurs et d'idées dont nous ne pouvons prétendre rendre compte ici.
  • [1]
    Après la Révolution, le gouvernement islamique a, pour des raisons politiques, aussitôt abandonné les programmes de la planification familiale, sans pour autant mettre fin à la distribution gratuite des moyens contraceptifs par les dispensaires et les centres sanitaires. Les contraceptifs étaient aussi en vente dans les pharmacies à des prix abordables.
  • [1]
    D'après les résultats du recensement général de la population et de l'habitat de 1976, Centre de statistiques d'Iran, Téhéran, 1980, 158 p.
  • [2]
    À cet égard, il paraît intéressant de rappeler que l'article 30 de la Constitution de la République islamique stipule « [qu']Il est dans le devoir de l'État de préparer les conditions d'un accès gratuit à l'école pour l'ensemble de la population jusqu'à la fin du secondaire et d'étendre les établissements d'enseignement supérieur afin qu'un très grand nombre de personnes puisse accéder gratuitement à la formation universitaire ».
  • [3]
    D'après les résultats du recensement général de la population et de l'habitat de 1996, Centre de statistiques d'Iran, Téhéran, 1998, 296 p.
  • [1]
    Dans le cadre d'une coopération scientifique entre le Centre de statistiques d'Iran (CSI), le CNRS – Monde iranien et l'Institut français de recherche en Iran (IFRI), cette enquête, intitulée « Caractéristiques socio-économiques des ménages en 2002 », a été réalisée en janvier 2002. L'auteur, en collaboration avec A. Kian-Thiébaut, a assuré la responsabilité scientifique de cette enquête. L'échantillon était constitué de 6 960 ménages répartis dans l'ensemble des 28 provinces iraniennes en milieu urbain (4 170 ménages) et en milieu rural (2 790 ménages). L'auteur a supervisé l'ensemble des opérations de terrain et la collecte de données dont le Centre de statistiques d'Iran a assumé la réalisation. Le CSI a publié les résultats préliminaires de cette enquête, pour une version française et anglaise voir : http://www.ivry.cnrs.fr/iran.
  • [1]
    L'échantillon comptait 6 031 familles nucléaires (3 665 en ville et 2 366 dans les campagnes), dont : individus seuls (4,3% des ménages), couples sans enfants (10,3%), familles recomposées (3,9%), familles monoparentales (4,6 %), familles nucléaires complètes (parents avec leurs enfants célibataires) (63,4 %).
  • [2]
    Les familles élargies étaient au nombre de 929 (505 dans les villes et 424 dans les campagnes). Elles étaient composées des parents avec leurs enfants célibataires et mariés, la famille de ces derniers et parfois les parents, frères et sœurs de l'époux ou de son épouse.
  • [1]
    Les résultats de notre enquête, comme les statistiques nationales, ne présentent que la participation des femmes dans l'économie formelle.
  • [1]
    Cohorte : ensemble d'individus ayant vécu un événement semblable pendant la même période de temps (Le Petit Robert).
  • [1]
    Au cours de la dernière décennie, ce sont surtout les jeunes diplômés, femmes et hommes, qui rejoignent le rang des demandeurs d'emploi.

1 Le Code civil iranien adopté entre 1927 et 1935 sous Reza Shah, fondateur de la dynastie Pahlavi, a conservé une part importante du statut personnel défini par les règles émanant de la charia. Ainsi, en ce qui concerne les droits et devoirs des époux, l'article 1105 désigne l'époux comme chef de famille : « Dans les rapports entre conjoints, l'autorité relève de la spécificité de l'époux » ; l'article 1106 stipule que : « Dans le cas d'un mariage à durée indéterminée [1], l'époux doit s'engager à payer une pension (nafagheh) à son épouse » ; et l'article 1107 précise que cette pension comprend le logement, les vêtements, l'alimentation et le mobilier de la maison qui doivent correspondre à la situation de la femme. Aussi, l'article 1108 indique que la femme ne peut prétendre à une pension si elle refuse, sans raisons admises par la loi religieuse, d'accomplir ses devoirs conjugaux. Conformément à l'article 1114, l'épouse doit habiter le domicile fixé par son époux, sauf si le droit de choisir le domicile conjugal est accordé à l'épouse. Enfin d'après l'article 1117, l'époux peut interdire à son épouse d'exercer un métier qu'il juge incompatible avec les intérêts (le bien-être) de la famille ou qui irait à l'encontre de sa dignité ou de celle de son épouse.

2 Ces articles du Code civil, officialisant les traditions ancestrales de la domination de l'homme dans l'espace domestique, sont restés tels quels en vigueur tout au long du règne des Pahlavi (1925-1979). Même la loi de « Protection de la famille », promulguée en juin 1967, qui se voulait favorable aux femmes, et à ce titre, avait limité le droit unilatéral des hommes au divorce et à la polygamie [1], ne les a pas amendés [2]. À l'évidence, ces articles du Code civil étaient conformes aux valeurs et normes patriarcales que la société iranienne avait intégrées depuis les temps les plus reculés. Ainsi, dans les années 1960 et 1970, bien que le contexte politique et juridique paraisse propice à la modification du statut de la femme et à son accès à la vie sociale et politique [3], les Iraniennes ne se sont pas montrées particulièrement sensibles à ces articles discriminatoires du Code civil. Durant la même période, tandis que le mouvement féministe montait en puissance dans les pays occidentaux et que les États membres de L'ONU décrétaient en 1975 une « Décennie des Nations Unies pour la femme 1975-1985 », en Iran, les femmes n'ont pas semblé très motivées pour au moins revendiquer la révision de toutes les lois qui les plaçaient dans une position d'infériorité et de subordination.

3 En 1979, alors que la République islamique a aussitôt modifié les législations relatives à la nuptialité selon les règles de la charia, en redonnant, par exemple, aux hommes le droit unilatéral au divorce et à la polygamie, elle n'a pas jugé nécessaire de modifier ces articles du Code civil conformes à sa conception du statut de la femme. Mais, cette fois, contrairement à la période précédente, les femmes qui aux côtés des hommes avaient massivement participé à la Révolution de 1979, et qui, à cette occasion, avaient pris conscience du rôle qu'elles pouvaient jouer dans l'espace sociopolitique, ont assez rapidement réagi. Par divers moyens, elles ont contesté les lois et les traditions de même que leurs interprétations par des autorités politiques et religieuses, quand elles étaient en leur défaveur. La prise de conscience des Iraniennes de leur place réelle dans la sphère privée comme dans la sphère publique et leur contestation de l'ordre établi, occultée par de multiples événements marquant notamment la décennie 1979-1989, sont devenues enfin manifestes sur le plan politique par le rôle prépondérant qu'elles ont joué dans l'élection du candidat réformiste à la présidence de la République en mai 1997. Leur mobilisation aux élections municipales de 1999, aux législatives de 2000 et aux présidentielles de 2001 ayant conduit à la victoire écrasante des partisans de réformes, a confirmé leurs nouvelles aspirations sociopolitiques (Ladier-Fouladi, 2003, 2004). Certes, les femmes n'ont pas encore réussi à faire réviser les lois en leur défaveur mais, en s'imposant comme de nouveaux protagonistes de changements au sein d'une société civile émergente, elles ont d'ores et déjà renforcé leurs chances d'y parvenir.

4 Avant et après la Révolution de 1979, les Iraniennes ont donc adopté deux attitudes totalement opposées à l'égard des lois et des normes légitimant la domination masculine. C'est sous la République islamique que, contre toutes les idées préétablies, les femmes paraissent plus combatives et participent à diverses actions pour revendiquer les changements et les réformes. Cette attitude des femmes résulte en effet d'un contexte sociodémographique très différent de celui qui a marqué la période précédente. Dans les années 1960 et 1970, alors que l'Ancien Régime se voulait moderniste, il a manqué largement ses objectifs relatifs au développement socio-économique du pays en raison de politiques inadaptées mises en œuvre avec des méthodes autoritaires et ségrégationnistes (Ladier-Fouladi, 2003). Le retard dans le développement des villes et des campagnes a maintenu la population dans une attitude traditionnelle et a donc entraîné le maintien de l'ordre patriarcal au sein de la famille et de la société. À l'inverse, après la Révolution de 1979 [1], la République islamique, pour des raisons politiques évidentes liées aux revendications formulées lors des journées révolutionnaires, a mis en place un plan de développement dynamique des villes et des campagnes en privilégiant les régions défavorisées, notamment les zones périphériques (Ladier-Fouladi, 2003). Ce faisant elle a, en un laps de temps très court, contribué à la modernisation du contexte socio-économique des secteurs urbains et ruraux. Ainsi, sans aucune prétention moderniste, la République islamique a, malgré elle et ses législations islamisées, orienté la société iranienne vers la modernité. Le déclin rapide de la fécondité, observé depuis la seconde moitié des années 1980 sous la République islamique, est l'illustration par excellence de la modernisation des comportements de la population. Cette transition d'importance a une incidence sociale considérable. Tout d'abord, elle indique des changements notables, entre autres, dans la situation de la femme au sein de la famille. Le déclin de la fécondité et, en conséquence, la réduction de la taille de la famille modifient certainement les relations affectives entre conjoints ainsi qu'entre parents et enfants. Dans le cas de l'Iran, cette modification signifie la fin de la traditionnelle hégémonie de l'âge et du sexe masculin dans l'espace familial. De la sorte, l'ordre patriarcal qui a pendant très longtemps dominé la famille iranienne serait, contre toute attente, ébranlé sous la République islamique. À notre sens, ce changement serait à l'origine de la prise de position des femmes pour manifester, par diverses voies, leurs mécontentements à l'égard du système politique et juridique qui s'obstine à préserver les valeurs et les normes patriarcales. Afin de vérifier ces hypothèses nous proposons de tracer, tout d'abord, le contexte sociodémographique de l'Iran pour ensuite examiner les relations entre conjoints dans ce contexte d'inflexion démographique.

I – CHANGEMENTS DÉMOGRAPHIQUES, TRANSFORMATION SOCIALE

1. Une chute vertigineuse de la fécondité

5 Contrairement à ce que l'on avait laissé croire, en Iran, dans les années 1960, la fécondité des femmes était très élevée avec une moyenne de près de huit enfants par femme (Ladier-Fouladi, 2003). Il faut bien dire que le développement tardif du pays avait largement contribué au maintien des valeurs traditionnelles qui délimitaient la place de la femme à l'espace domestique, dans lequel elle devait assurer le rôle d'épouse soumise et de mère de nombreux enfants. La fertilité de la femme s'avérait un gage de prolongement de sa vie conjugale, menacée par la répudiation qui sanctionnait, en premier lieu, l'infécondité. Procréer et s'occuper de ses enfants devenait l'identité et l'unique fonction de la femme, sans cela marginalisée. L'emprise de ces traditions était telle que la politique de contrôle des naissances du gouvernement monarchique (1967-1977) n'a même pas atteint ses objectifs minima. En dépit du déploiement de moyens considérables, en 1977, la dernière année de son application, seulement 11 % des femmes âgées de 15 à 44 ans avaient adhéré au programme de la planification familiale. Aussi, la fécondité n'a-t-elle baissé que très lentement. À la veille de la Révolution de 1979, chaque femme mettait au monde en moyenne encore près de sept enfants (Ladier-Fouladi, 1996, 2003).

6 Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est après l'instauration de la République islamique et malgré ses lois et sa politique défavorables aux femmes que la fécondité commence à décliner à vive allure (Ladier-Fouladi, 1996, 2003). En l'absence d'une politique de planification, et notamment de campagnes de contrôle des naissances [1], la fécondité, contre toute attente et prévision, passe de 6,4 enfants par femme en 1986 à 5,3 en 1989, soit une baisse de 1,1 enfant en l'espace de trois ans (fig. 1). En décembre 1989, la République islamique, après une année de réflexions et de discussions avec les experts, revient sur sa position et adopte une politique de planification énergique. À cette date, malgré l'arrêt temporaire des campagnes de contrôle des naissances entre 1979 et 1989, 28 % des femmes mariées âgées de 15-49 ans utilisaient un moyen moderne de contraception et 22 % recouraient à une pratique contraceptive traditionnelle, soit un total de 50 % des femmes (Malek Afzali, 1992 ; Anonyme, 1993). Cette situation met bien en évidence la motivation des femmes pour contrôler leur fécondité grâce à l'utilisation des moyens contraceptifs.

7 Compte tenu de la motivation des femmes, la seconde campagne de planification familiale, contrairement à la première, a connu un accueil très favorable et a accéléré le recul de la fécondité. Celle-ci passe de 4,8 enfants par femme en 1990 à 2,1 en 2003 (Ladier-Fouladi, 2003, 2004). Autrement dit, en l'espace de dix-sept ans, entre 1986  et 2003, la fécondité a baissé de près de 70 %. Cette chute fait de la transition démographique iranienne l'une des plus rapides de l'histoire (fig. 1). Le recul important de la fécondité peut, en grande partie, s'expliquer par la proportion de plus en plus élevée de femmes utilisant des contraceptifs. En 1991, un an après la mise en place de programmes de planification familiale par la République islamique, 45 % de femmes mariées âgées de 15 à 45 ans recouraient aux moyens contraceptifs modernes et près de 22 % aux méthodes contraceptives traditionnelles, soit deux femmes sur trois contrôlaient leur fécondité (Anonyme, 1993). En 2000, près de 74% des femmes mariées âgées de 15 à 49 ans utilisaient un moyen contraceptif : 56 % recouraient à un moyen contraceptif moderne et 18 % à une pratique contraceptive traditionnelle (Anonyme, 2001).

Fig. 1

Nombre moyen d'enfants par femme (ensemble du pays)

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Nombre moyen d'enfants par femme (ensemble du pays)

8 Ne nous y trompons pas, la reprise énergique des programmes de planification familiale par la République islamique n'est pas à l'origine de la transition de la fécondité. Celle-ci avait déjà baissé de 1,6 enfant entre 1979 et 1989, et sa chute considérable dans les années 1990 est liée, tout d'abord, à la volonté des femmes d'avoir moins d'enfants, les programmes de la planification familiale n'ayant que facilité l'accomplissement de cette aspiration.

9 Or le déclin de la fécondité, inconcevable dans le contexte de prédominance du modèle traditionnel, dépend de la modification profonde du système social. Si les femmes étaient restées cloîtrées dans l'espace familial et si leur rôle avait continué à se borner à la procréation, leur fécondité n'aurait jamais pu baisser. Le recul rapide et important de la fécondité témoigne donc de la transformation récente de la structure patriarcale de la société iranienne et surtout de la modification significative de la situation des femmes, dans un contexte où les lois et les politiques en vigueur ne s'y prêtent pas.

2. Scolarité et activité des femmes

10 La clé de voûte de cette mutation sociale est incontestablement le progrès de l'instruction scolaire des jeunes générations de femmes depuis le début des années 1980. Il faut peut-être rappeler qu'en raison de la politique ségrégationniste de l'Ancien Régime, qui délaissait les régions rurales et périphériques au profit des villes, notamment des plus grandes, une partie importante de la population, tout particulièrement des femmes, n'a pas pu accéder au savoir. Ainsi, en 1976 [1], parmi les femmes en âge de procréer, seules 28 % étaient alphabétisées (50 % dans les villes et 8 % dans les campagnes), et leur scolarité ne durait, en moyenne, que 1,9 an (3,6 ans dans le secteur urbain et 0,4 an dans le secteur rural). Étant donnée la relation inverse entre la fécondité et l'alphabétisation des femmes, ce faible niveau d'instruction expliquerait en grande partie le niveau élevé de leur fécondité durant ces années.

11 Au lendemain de la Révolution, les nouveaux dirigeants ont entrepris un vaste programme de développement socio-économique dans le souci de répondre aux attentes d'une population qui venait de renverser le régime monarchique et qui comptait sur le nouveau régime pour une amélioration de ses conditions de vie et de son accès à la santé, à l'éducation et au logement (Ladier-Fouladi, 2003). L'une des priorités de ce programme consistait à généraliser rapidement les infrastructures scolaires afin de couvrir la quasi-totalité des secteurs urbains [2]. En dépit des insuffisances dans l'organisation de la scolarité et de l'alphabétisation, notamment au début des années 1980, la diffusion massive de l'école a été tout particulièrement bénéfique pour les femmes dont l'accès au savoir a progressé à une cadence accélérée. En 1996 [3], la proportion des femmes alphabétisées âgées de 15 à 49 ans s'élevait à 77 % (85 % en ville et 61 % dans les campagnes). Plus importante encore, la durée moyenne de leur scolarité atteint 5,2 ans (6,6 ans dans les villes et 2,9 ans dans les campagnes). Certes, le niveau d'instruction des femmes rurales paraît encore assez faible, mais, par rapport à ce qu'il était dans les années 1970, son progrès est notable. La mise en place d'un projet spécifique de développement socio-économique du monde rural et notamment la multiplication des possibilités d'accès à l'univers extérieur lui a permis de réduire son écart avec le monde urbain. Ce nouveau contexte, en favorisant la diffusion, à une échelle de plus en plus étendue, des nouvelles idées et attitudes en provenance des villes, a certainement précipité la modernisation des comportements de la population rurale. L'arrivée des nouvelles générations de femmes de plus en plus alphabétisées a été déterminante dans le recul de la fécondité qui, entre 1986 et 1996, a baissé de 56%.

12 La société traditionnelle patriarcale préférant réserver la scolarité exclusivement aux garçons, il a fallu attendre la diffusion massive de l'école pour qu'enfin les petites filles puissent aussi y accéder, en particulier dans les campagnes. L'allongement de la durée de la scolarité des femmes leur a permis de se rapprocher du niveau d'instruction des hommes, voire de le dépasser légèrement dans les villes (fig. 2 et 3). En milieu rural, l'avancée notable des femmes, observée depuis la décennie précédente, témoigne du changement de mentalité des populations qui paraissent moins réticentes à l'égard de la scolarisation des filles. Compte tenu de ce changement, il faut alors s'attendre à ce que les générations suivantes soient plus égalitaires et que la société rurale se dirige assez rapidement vers un nouvel équilibre.

Fig. 2

Nombre moyen d'années de scolarité par génération et par sexe (secteur urbain, 1996)

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Nombre moyen d'années de scolarité par génération et par sexe (secteur urbain, 1996)

Fig. 3

Nombre moyen d'années de scolarité par génération et par sexe (secteur rural, 1996)

figure im3

Nombre moyen d'années de scolarité par génération et par sexe (secteur rural, 1996)

13 En dépit du progrès important de scolarité des jeunes femmes, le marché du travail leur reste pratiquement fermé. Aussi la proportion des femmes économiquement actives est-elle parmi l'une des plus basses du Moyen-Orient et du Proche-Orient. En 1996, seulement 11,2 % des femmes âgées de 15 à 64 ans étaient actives (10,4 % dans les villes et 12,5 % dans les campagnes). À cet égard, il importe de préciser que les traditions patriarcales, qui visent à maintenir la femme dans son rôle maternel et domestique, ont pu résister grâce à la rente pétrolière (Boustani et Fargues, 1990). Celle-ci contribuait, en effet, à l'allégement des dépenses des ménages et permettait ainsi à ces derniers de se contenter d'un seul salaire, celui de l'homme. Mais depuis le début des années 1980, la baisse puis la fluctuation du cours du pétrole et notamment l'inflation galopante ont réduit de plus en plus le rôle des subventions de l'État dans le budget des ménages. Désormais les ménages, dont le pouvoir d'achat ne cesse de baisser, doivent recourir à un deuxième salaire : celui de la femme. Cependant l'économie rentière, en raison de ses problèmes structurels (Ladier-Fouladi, 2003 ; Coville, 1994), ne crée pas suffisamment d'emplois et tend à écarter, en premier lieu, la moitié féminine de la force de travail. C'est pourquoi une grande partie des femmes, dont le nombre échappe aux statistiques, occupe effectivement un emploi dans un marché informel en pleine expansion depuis le début des années 1980  (Khalatbari, 1994 et 1998). De ce fait, le taux d'activité économique des femmes est probablement plus élevé que celui présenté par les résultats du recensement de 1996. Cela étant, il est impossible de vérifier l'impact de l'activité économique des femmes sur leur fécondité dans la mesure où l'absence de statistiques complètes ne permet pas d'évaluer le taux réel de leur activité. En se contentant des résultats des recensements décennaux, nous constatons que le taux d'activité des femmes est resté pratiquement identique entre 1976 et 1996, alors qu'à ces deux dates leur fécondité était respectivement de 7,2 et de 2,8 enfants. Doit-on conclure qu'en Iran, contrairement à ce qui est observé dans le monde, l'activité économique des femmes n'a pas d'impact sur leur fécondité ? Certainement pas. D'ailleurs, les résultats de l'enquête portant sur la famille et la fécondité de la ville de Shiraz (au sud de l'Iran), réalisée en 1996, montrent bien que la fécondité des femmes actives est moins élevée que celle des « inactives » (Ladier-Fouladi et al., 1997). On peut alors faire l'hypothèse que la récession et la baisse continue du pouvoir d'achat d'une majorité des familles depuis les années 1980 ont poussé de plus en plus de femmes à contribuer au revenu de leur famille en occupant une activité dans le marché informel.

14 La mauvaise conjoncture économique, rendant davantage indispensable la participation des femmes à la vie active, leur permettrait d'assumer une nouvelle responsabilité au sein de leur famille et accélérerait le processus d'émancipation entamé avec le changement socioculturel, en particulier avec la prolongation de leur scolarité. D'autant plus que depuis ces trois dernières années, l'instruction scolaire des jeunes filles a pris une tournure importante. Depuis l'année universitaire 2002-2003, le nombre d'étudiantes dépasse celui des étudiants. Ainsi, sur les 1,6 million d'étudiants dans les universités, 51 % est constitué de jeunes femmes. Cette tendance étant assez récente, l'excédent féminin s'arrête au niveau de la licence aujourd'hui, mais probablement au niveau de la maîtrise et plus demain. Cette configuration inédite met bien en évidence la détermination des jeunes femmes iraniennes à rompre définitivement avec les traditions patriarcales et à emprunter les chemins qui mènent à davantage d'émancipation.

3. Le portrait de la famille

15 En Iran, la famille élargie patriarcale était autrefois le modèle dominant. Ce modèle familial se caractérisait en particulier par le pouvoir absolu du père, le chef de famille, une forte solidarité entre les fils, une fréquence élevée de l'endogamie et une interdépendance de ses nombreux membres liés par le sang ou par alliance. Depuis les années 1950, la modernisation du système économique avec le développement de l'économie de marché et du salariat, l'urbanisation et la diffusion de l'école notamment dans les villes ont déclenché un processus de nucléarisation de la famille sans pour autant contribuer à l'autonomisation de la cellule familiale. Faute de données appropriées, la composition de la famille ne peut être examinée qu'à partir des statistiques collectées sur les ménages lors des derniers recensements. Selon les résultats du recensement de 1976, qui ne permettent de connaître que la distribution de la population par sexe et par âge selon le lien avec le chef de ménage, la famille nucléaire paraît dominante. Cependant celle-ci se différencie du modèle occidental d'abord par sa dimension, beaucoup plus importante – sept enfants en moyenne –, ensuite par la très forte dépendance intergénérationnelle qui engage l'échange réciproque et obligatoire. Ainsi, « la famille conjugale est socialement et économiquement liée au groupement de parenté même si, après le mariage, à cause du manque de possibilités de cohabitation, il y a séparation et semblant de constitution d'une petite famille » (Behnam, 1971). Or, en raison de ce lien, le groupe de parenté intervenait, entre autres, dans le choix des conjoints de ses membres et dans les rapports entre les époux au sein de la cellule conjugale constituée. Dans la mesure où la procréation relevait de l'intérêt du groupe familial, celui-ci exerçait aussi une forte pression sur les femmes pour concevoir un nombre élevé d'enfants. Cela explique, en partie, la forte fécondité observée au cours de cette période prérévolutionnaire.

16 Après l'instauration de la République islamique qui a revalorisé les traditions patriarcales, on s'attendait à un retour en arrière et au raffermissement de ce lien entre la cellule familiale et son groupe de parenté. Les résultats des recensements de 1986 et 1996 qui décrivent la distribution des ménages selon le type de famille confirment, contre toute attente, la prédominance de la famille nucléaire aussi bien dans les villes que dans les campagnes : 80 % des ménages recensés correspondaient à des familles nucléaires. Cette fois, la domination de la famille nucléaire est accompagnée, contrairement à la période précédente, d'une diminution importante de sa taille, compte tenu du déclin considérable de la fécondité entre 1986 et 1996. Le contexte politique, qui semblait plutôt favorable à l'extension des structures communautaires, n'a donc pas pu interrompre le processus de nucléarisation de la famille en Iran, dont la taille ne cesse de diminuer. Cette situation, qui reflète les changements sociaux en cours, montre que les modifications des comportements sont possibles, même quand le contexte politique n'y est pas favorable. En effet, depuis la dernière décennie, la famille nucléaire iranienne paraît plus proche, du moins par sa dimension, du modèle occidental. Le serait-elle aussi par ses rapports familiaux ? Probablement oui. En tout état de cause, le contrôle de leur fécondité par les femmes elles-mêmes laisse supposer l'affaiblissement du pouvoir du groupe de parenté au profit d'une logique d'autonomisation des familles et des individus.

17 La suprématie de la famille nucléaire et la diminution de sa taille révèlent l'ébranlement de l'ordre patriarcal fondé sur la subordination des femmes aux hommes et des cadets à l'aîné (Fargues, 2000). Si l'on admet que le contrôle de la fécondité provient d'une prise de conscience particulière de leur rôle par les femmes, il est certain qu'au sein du couple elles parviennent à s'imposer comme partenaires à part entière ayant leur mot à dire sur le nombre d'enfants désiré. En effet, les femmes, en se réappropriant leur fécondité, sortent du lieu de la domination du masculin et accèdent ainsi à la dignité et à l'égalité (Héritier, 1999). Par ailleurs, la baisse importante de la fécondité, en diminuant considérablement la taille de la fratrie, réduit sensiblement les possibilités qu'un rapport hiérarchique soit établi entre frères et sœurs (Fargues, 2003).

II – LES TRAITS SOCIODÉMOGRAPHIQUES DES CONJOINTS

18 Afin de mieux appréhender ces mutations récentes, il nous revient de présenter, tout d'abord, les caractéristiques socio-économiques des conjoints. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les résultats d'une enquête sociodémographique réalisée en Iran en 2002 [1]. Compte tenu de notre hypothèse sur l'ébranlement de l'ordre patriarcal au sein des familles iraniennes, il nous paraît important que cette étude prenne en considération la structure des familles, en l'occurrence les familles nucléaires complètes et les familles élargies. Par ailleurs, les comportements des populations urbaines et rurales étant différents, nous distinguerons systématiquement les familles urbaines des familles rurales.

1. Composition des familles

19 Dans notre échantillon, 87 % des ménages (88 % dans les villes et 85 % dans les campagnes) étaient constitués de familles nucléaires [1] et 13,3 % (respectivement 12,1 % et 15,2 %) de familles élargies [2]. La part des familles nucléaires complètes (parents avec leurs enfants célibataires) s'élevait à 63,4% des ménages (respectivement 64,5 % et 62,0 %). Tenant compte de cette répartition des familles, le processus de nucléarisation poursuit sa progression à une cadence régulière.

20 Au sein des familles nucléaires les époux sont relativement jeunes. Leur moyenne d'âge est de 43 ans pour les hommes et de 38 ans pour les femmes. Dans les familles élargies, la moyenne d'âge des époux s'avère un peu plus élevée : 48 ans pour les hommes et 42 ans pour les femmes dans les familles élargies urbaines ; 50 ans pour les hommes et 45 ans pour les femmes dans les familles élargies rurales.

21 Les familles nucléaires comptent en moyenne 4,7 membres (4,6 en milieu urbain, et 4,9 en milieu rural), et les familles élargies 6 membres (5,7 dans les villes et 6,3 dans les campagnes).

22 Mise à part la moyenne d'âge des époux, qui varie selon le type de famille, ce qui paraît le plus important à retenir est le niveau de fécondité plus élevé dans les familles élargies par rapport à celui des familles nucléaires. La question qui se pose est de savoir si ce sont les femmes au comportement reproductif traditionnel qui se trouvent au sein des familles élargies ou bien si c'est la famille élargie qui maintient les valeurs traditionnelles et entraîne en conséquence la forte fécondité. Sachant toutefois qu'il s'agit des épouses, donc de celles ayant constitués avec leur époux la famille originelle, nous penchons plutôt pour la première explication. L'examen des caractéristiques des deux conjoints permet de vérifier cette supposition.

2. Les caractéristiques sociodémographiques des époux

23 L'ordre patriarcal, fondé sur l'hégémonie hiérarchique de l'âge et du sexe, donne la prééminence à l'époux. Suivant les traditions découlant de cet ordre, les hommes sont les premiers à accéder à l'école et à l'emploi et épousent généralement une femme beaucoup plus jeune. Ils disposent, ainsi, de tous les éléments nécessaires pour maintenir cet ordre. En effet, dans les relations entre conjoints, trois facteurs paraissent très déterminants : l'écart d'âge, le niveau d'instruction scolaire et enfin la participation à la vie active. L'examen de ces facteurs permettra non seulement de décrire les principales caractéristiques sociodémographiques des époux au sein des familles nucléaires et élargies, mais aussi d'établir quelques hypothèses quant à leurs relations.

L'âge moyen au premier mariage

24 Au sein des familles nucléaires et des familles élargies, dans les villes comme dans les campagnes, l'âge moyen au premier mariage des époux est assez jeune. Il se situe entre 22 et 24 ans pour les hommes et entre 17 et 18 ans pour les femmes, soit un écart d'âge de 4,5 à 5,5 ans entre les époux. Cet écart est plus marqué dans les familles élargies, ce qui peut s'expliquer par un effet générationnel : les cohortes des époux des familles élargies appartiennent à des générations relativement plus anciennes (voir plus haut les âges moyens) et n'avaient pas bénéficié du même contexte socioculturel et économique que celles des époux dans les familles nucléaires issues des générations plus jeunes. De ce fait, il est légitime de penser que le comportement des époux constituant le noyau originel des familles élargies soit plutôt traditionnel.

25 Quoi qu'il en soit, les écarts d'âge entre les époux paraissent relativement faibles dans le contexte iranien. À cet égard, il importe de noter que le système patriarcal fait de l'écart d'âge important entre conjoints l'une de ses règles matrimoniales fondamentales. Il a pour fonction, entre autres, d'asseoir l'ascendant de l'homme sur son épouse. Étant donné leur écart d'âge, les époux de notre échantillon n'avaient pas respecté pleinement cette règle ; ce qui atteste du recul des normes patriarcales en Iran au cours de ces deux dernières décennies.

Instruction scolaire

26 Le niveau d'instruction scolaire des époux varie selon le sexe, la génération, le type de famille et la zone de résidence. De manière générale les époux des familles nucléaires urbaines se distinguent de ceux des familles nucléaires rurales ainsi que de ceux dans les familles élargies, urbaines et rurales. Les premiers, notamment les plus jeunes (15- 44 ans), sont plus instruits. Ainsi, dans les familles nucléaires urbaines, le taux d'alphabétisation des couples âgés de 15 ans et plus est de 87 % pour les époux et de 80 % pour les épouses. Dans les familles nucléaires rurales, en raison du développement tardif de l'instruction scolaire, les taux d'alphabétisation sont plus faibles et l'écart entre les époux beaucoup plus important : 66 % des hommes contre 50 % des femmes sont alphabétisés. Les proportions des époux alphabétisés au sein des familles élargies urbaines se situent à un niveau intermédiaire. En revanche, celles des époux dans les familles élargies rurales sont les plus faibles : 55 % pour les hommes contre 28 % des femmes.

27 Doit-on déduire que les faibles taux de l'alphabétisation de ces derniers sont liés à la structure de leur famille, supposée traditionnelle ? Certainement pas. Une majorité écrasante des familles élargies étant issue des couches sociales les plus défavorisées, ce type de cohabitation s'explique surtout par des raisons économiques plutôt que par un attachement quelconque au renouveau des valeurs traditionnelles d'antan. Leurs besoins économiques ont probablement été très déterminants dans la non-scolarisation ou dans le raccourcissement de la durée de la scolarité des membres.

28 Quant à la durée de la scolarité, nous constatons une importante inégalité entre les époux issus des générations les plus anciennes, qui diminue progressivement avec les jeunes générations de femmes. De la sorte, les jeunes époux paraissent plus instruits et plus égalitaires du point de vue du niveau de leur instruction. Le nombre moyen d'années d'école des époux âgés de 15 ans et plus était, dans les familles nucléaires urbaines, de 6,7 ans pour les hommes et de 5,4 ans pour les femmes, et respectivement de 4,6 ans et de 3,2 ans dans les familles nucléaires rurales. Comme pour l'alphabétisation, le niveau d'instruction scolaire des époux dans les familles élargies urbaines se situe au niveau intermédiaire entre celui des époux dans les familles nucléaires urbaines et rurales. Enfin, la durée moyenne de scolarité des époux dans les familles élargies rurales était de 3,3 ans pour les hommes et de 1,6 an pour les femmes. La forte fécondité de ces dernières peut largement s'expliquer par leur faible niveau d'instruction.

29 Quel que soit le niveau d'instruction des conjoints, dans les familles nucléaires comme dans les familles élargies, l'écart dans la durée de scolarité entre époux et épouses, qui se situe entre 1,3 et 1,7 an, paraît relativement faible. Cela influe certainement sur les relations entre conjoints ; ces dernières se fondant très probablement sur le dialogue et l'échange, elles seraient, en conséquence, moins inégalitaires.

Activité économique

30 Pour les raisons explicitées plus haut, la proportion des femmes actives est beaucoup moins importante que celle des hommes, dans les familles nucléaires comme dans les familles élargies. Les hommes assuraient le revenu de la famille, et ce rôle primordial les installait sans doute dans une position de premier rang au sein de la famille en leur offrant la possibilité de se conduire en chef.

31 Dans les familles nucléaires urbaines et rurales de notre enquête, les taux d'activité des époux âgés de 15 à 64 ans étaient de 13 % [1] pour les femmes et de 91 % pour les hommes en milieu urbain, et de près de 33 % pour les femmes et de 93 % pour hommes en milieu rural. Dans les familles élargies, ces taux d'activité étaient respectivement de 10,2 % et 85 % dans le secteur urbain, et de 35 % et 94 % dans le secteur rural.

32 Ne nous y trompons pas, la différence entre les proportions des femmes actives urbaines et rurales ne signifie pas qu'il y avait plus d'emplois dans les campagnes iraniennes. En effet, une grande majorité des femmes actives rurales était constituée d'« aides familiales » sans rémunération. S'agissant du milieu rural, elles participaient aux activités agricoles ou artisanales de leur famille. Bien que ce type d'occupation soit, suivant la définition, déterminée comme activité économique et en dépit de ce qu'elle apporte à la production et donc au revenu de la famille, ce travail des femmes n'est pas reconnu en tant que tel. D'autant que cette activité, en maintenant la femme dans l'univers domestique, est considérée en quelque sorte comme le prolongement des tâches ménagères dont elle s'occupe quotidiennement. Ce travail sans rémunération n'assoit pas les femmes dans la position qu'elles devraient logiquement occuper dans les relations avec leur conjoints.

33 En revanche, en milieu urbain, la plupart des femmes actives étaient engagées comme salariées dans le secteur public ou privé. L'activité professionnelle rémunérée de ces femmes leur permet de contribuer, cette fois, de manière évidente au revenu de la famille. De ce fait, ces femmes actives étaient en mesure d'occuper la place qui leur revenait de droit au sein de la famille et, en conséquence, de rendre les rapports avec leurs conjoints plus équilibrés.

34 Les caractéristiques sociodémographiques des époux paraissent donc très différentes selon la structure de la famille et l'espace géographique. Cependant cette différence n'est a priori pas liée à la structure familiale mais aux cohortes [1] composant les conjoints. Les époux dans les familles nucléaires appartenaient plus généralement aux jeunes générations, qui ont bénéficié du développement du contexte socio-économique et particulièrement de la diffusion massive de l'école. Les familles urbaines se distinguaient des familles rurales dans la mesure où ces dernières étaient restées pendant très longtemps à l'écart de ce même progrès observé dans les villes. Il s'agit donc d'une question de génération et d'un développement différé des deux espaces urbain et rural. En dépit de cette dissemblance, l'âge moyen au premier mariage et les taux d'activité des époux dans les familles nucléaires et les familles élargies, urbaines et rurales, paraissent assez proches. Seul le niveau d'instruction scolaire distingue les conjoints, selon le sexe, le type de famille et le secteur d'habitation.

35 Même si le taux d'activité économique des femmes reste assez médiocre, compte tenu de la jeunesse relative des époux au sein des familles nucléaires et de l'écart assez faible entre leur niveau d'instruction scolaire, particulièrement en ce qui concerne les couples les plus jeunes, le rapport établi entre conjoints peut être supposé plus équilibré.

III. RELATION ENTRE CONJOINTS

36 L'un des chapitres du questionnaire de notre enquête était destiné aux femmes non célibataires âgées de 15 ans et plus. Il comprenait, entre autres, deux questions sur leurs relations avec leur conjoint. L'examen des réponses des femmes permet de vérifier notre supposition sur l'établissement d'un rapport équilibré entre les époux.

1. Partage des travaux domestiques et des responsabilités parentales

37 La première question est destinée à examiner l'opinion des femmes sur le partage des tâches domestiques et parentales entre conjoints. La question était la suivante :

38 Approuvez-vous l'opinion selon laquelle les femmes et les hommes doivent partager à parts égales les responsabilités pour s'occuper des enfants (les garder, les nourrir, les laver, etc.) et des travaux ménagers tels que laver la vaisselle, cuisiner, etc.?

39 Les femmes pouvaient répondre en choisissant l'une des quatre réponses ci-après pour chacun de ces deux cas (soins aux enfants et travaux ménagers) séparément :

40

  1. Oui, les responsabilités doivent être partagées à parts tout à fait égales.
  2. Oui, les hommes et les femmes doivent les partager à parts relativement égales.
  3. Non, c'est seulement aux femmes d'assumer ces responsabilités.
  4. Ne sait pas.

41 La première réponse renvoyait à une égalité absolue de partage des responsabilités entre hommes et femmes et la seconde à une égalité relative sous-entendant une partie de responsabilité légèrement plus importante pour les femmes.

La division sexuelle du travail domestique

42 Dans les familles nucléaires comme dans les familles élargies, urbaines et rurales, 18 à 22 % des femmes âgées de 15-64 ans prônent l'égalité absolue entre les époux dans le partage des travaux domestiques, tandis que 39 à 58% préconisent l'égalité relative, et 19 à 40% pensent que ces travaux relèvent exclusivement des femmes ; soit un total de 57 à 80 % des femmes qui se sont exprimées pour l'égalité absolue ou relative. Ces proportions varient en fonction de l'âge, du niveau d'instruction scolaire, de l'activité économique et du lieu de résidence des femmes. De manière générale, les femmes jeunes, instruites, économiquement actives et résidant en ville sont proportionnellement plus nombreuses à opter pour une égalité absolue ou relative.

43 Bien que ces proportions soient relativement élevées et confirment notre hypothèse sur les changements intervenus dans la situation de la femme, du moins dans ses aspirations, il nous paraît important de souligner deux points. Le premier est la part considérable des femmes urbaines ayant opté pour l'égalité relative dans le partage des travaux domestiques, et cela quel que soit leur âge, leur niveau d'instruction scolaire ou leur participation au marché du travail. Le modèle traditionnel de l'homme pourvoyeur des ressources semble être profondément assimilé par ces femmes qui continuent d'accepter le rôle de principale responsable des travaux domestiques. Il existe donc encore des freins puissants aux changements. Le second point est la proportion assez élevée (36 à 40 %) des femmes rurales qui pensent que ces travaux sont du ressort exclusif des femmes. En effet, dans les campagnes iraniennes restées pendant très longtemps à l'écart du progrès et de la modernité, le modèle traditionnel qui assigne en priorité la sphère domestique aux femmes perdure. De sorte qu'une part importante de ces femmes se considère comme les seules responsables de ces travaux domestiques.

44 Cependant, notons que la répartition inégalitaire des travaux domestiques entre les époux n'est pas propre à l'Iran. Dans tous les pays, développés ou en développement, la participation des femmes à ces travaux s'avère beaucoup plus importante que celle de leur conjoint (Kempeneers et Lelièvre, 1991 ; Sandron et al., 2001). Certes, la division inégale de ces travaux entre conjoints varie en fonction des spécificités sociales observées dans chacun de ces pays, mais elle constitue l'expérience commune de la très grande majorité des femmes.

Le partage des responsabilités parentales

45 Les femmes paraissent en revanche plus favorables à une égalité absolue dans la division des responsabilités parentales avec leur conjoint (34 à 44 %), alors que 40 à 46 % sont pour une égalité relative et 9 à 23 % déclarent que ces responsabilités du ressort exclusif des femmes. Au total, 74 à 90 % des femmes sont pour une égalité absolue ou relative. Il va sans dire que ces proportions changent selon l'âge, le niveau d'instruction scolaire, l'activité économique et le lieu de résidence.

46 Ces proportions assez élevées mettent en évidence la nouvelle aspiration des femmes iraniennes, au moins en ce qui concerne les responsabilités parentales. Autant elles semblent hésitantes pour une participation égale des conjoints aux travaux domestiques, autant elles paraissent résolues à ce que leur conjoint partage avec elles à parts égales les responsabilités parentales. Il se peut aussi que les époux soient plus prédisposés à s'occuper des enfants que des travaux domestiques, d'autant plus que la baisse importante de la fécondité a radicalement modifié la place de l'enfant au sein de la famille.

47 Une majorité des femmes urbaines et plus de deux tiers des femmes rurales, quelle que soit la structure de la famille à laquelle elles appartiennent, ne sont plus disposées à jouer le rôle de la femme soumise. Les réponses des femmes confirment le recul des traditions patriarcales au sein des familles nucléaires et élargies. Certes, il s'agit d'opinions, et nous ne pouvons pas vérifier si les conjoints partagent effectivement les tâches ménagères et parentales lorsque cette aspiration est déclarée par les femmes. Mais les déclarations des femmes montrent tout au moins la nouvelle définition qu'elles donnent de leur rôle et de celui de leur conjoint dans l'espace domestique (Ladier-Fouladi, 2004).

2. Qui décide dans la sphère familiale ?

48 Compte tenu des caractéristiques sociodémographiques des époux, nous avons supposé qu'en dépit de la prééminence masculine et de la modeste participation des femmes à la vie active, les espaces de négociations étaient possibles et que les femmes parviendraient à établir un certain équilibre dans leurs rapports avec leur époux. Pour vérifier cette hypothèse, nous nous sommes appuyés sur une question posée seulement aux femmes mariées âgées de 15 ans et plus :

49 Dans votre couple, qui décide (vous toute seule, votre époux seul, vous deux ensemble) des questions suivantes :

50

  1. Nombre d'enfants
  2. Intervalle entre les naissances des enfants
  3. Choix de contraception
  4. Scolarité des enfants et leurs activités extra scolaires
  5. Achat de logement, de véhicule et des mobiliers de grande valeur

51 Aussi bien dans les familles nucléaires que dans les familles élargies, urbaines et rurales, la majorité des épouses déclarent que leur couple décide ensemble du nombre d'enfants désirés et de l'intervalle entre les naissances (75 à 87 %). La proportion de celles dont l'époux décide seul n'est guère élevée, elle varie de 6 à 16 %. Enfin, entre 4 et 11 % des épouses décident seules.

52 Il en est de même pour le choix de la méthode contraceptive : de 63 à 72 % des épouses disent les choisir avec leur époux, néanmoins 21 à 27 % des femmes déclarent décider seules du type de contraceptif à utiliser et inversement, 6 à 9 % des époux choisissent seuls. Ces proportions varient selon l'âge, le niveau d'instruction scolaire, l'activité économique et le lieu de résidence des femmes. Les jeunes femmes urbaines, instruites et économiquement actives, sont proportionnellement plus nombreuses à décider conjointement de ces questions. Quoiqu'il en soit, le fait qu'une part assez importante des femmes décident avec leur époux des questions de procréation montre bien que la fécondité n'est plus le lieu central de la domination du masculin (Héritier, 1999). Elles ne sont plus, comme autrefois, au service de leur époux et du groupe de parenté de celui-ci, contraintes de mettre de nombreux enfants au monde pour agrandir la famille. C'est avec leur conjoint que les femmes déterminent aujourd'hui leur projet familial.

53 Pour près des trois quarts des couples, la scolarité et les activités extra-scolaires des enfants font l'objet d'une décision à deux. Cette proportion change avec l'âge, le niveau d'instruction et l'activité économique, mais ne varie pas selon le lieu de résidence. On constate donc une convergence des attitudes adoptées par les femmes par-delà des variations spécifiques du lieu de résidence.

54 L'achat de logement, de véhicules et de mobiliers de grande valeur constitue une question importante pour évaluer les rapports entre conjoints. Dans la mesure où une grande partie des femmes ne participe pas à la vie active et ne dispose donc pas de revenus, elles peuvent être écartées de la gestion des dépenses importantes de leur famille. Pourtant, tant dans les familles nucléaires que dans les familles élargies, urbaines et rurales, 61 à 75 % des épouses déclarent décider avec leur conjoint de ce type d'achat. Toutefois, une proportion relativement importante des femmes (20 à 33 %) déclare que leur époux décide seul de ces achats. Comparée aux questions précédentes, la part des époux à décider seul s'avère plus importante, mais elle ne concerne qu'au maximum un tiers d'entre eux. Le pouvoir économique des époux ne leur octroie pas pour autant la prééminence dans cette décision. Malgré la position des femmes, particulièrement en raison de leur faible participation à la vie active, les espaces de négociations entre les conjoints, comme nous l'avons supposé, paraissent possibles.

55 Nous avons noté que les jeunes femmes instruites, mêmes « inactives »  [1], sont proportionnellement plus nombreuses à décider avec leur conjoint de ces achats, ce qui permet d'affirmer le rapport de moins en moins inégalitaire entre les époux. Il s'agit donc d'une question de génération. Étant donnée la différence entre les plus jeunes et les plus anciennes, nous pouvons sans grand risque déduire que ce type de rapport – qui rejette les règles émanant du système patriarcal – s'est notamment établi au sein des couples constitués assez récemment. Il s'agit surtout des couples dont la femme est âgée de 15 à 49 ans. Les femmes sont particulièrement marquées par deux grandes expériences inédites : les plus âgées se sont, pour la première fois, massivement mobilisées aux côtés des hommes comme actrices de la Révolution de 1979 ; et les plus jeunes ont vécu une nouvelle relation entre les membres de la famille fondée sur le dialogue et le respect mutuel plutôt que sur les valeurs traditionnelles d'obéissance et de soumission (Ladier-Fouladi, 2003 et 2004). Ces riches expériences, qui ont permis à ces jeunes femmes de se trouver sur un pied d'égalité avec les hommes, ont certainement été déterminantes dans l'établissement d'un rapport équilibré avec leur conjoint.

56 Les femmes urbaines, les premières à bénéficier de ces deux expériences, se distinguent clairement des femmes rurales. Elles aspirent, quelle que soit la structure de leur famille, à une répartition plus égalitaire des rôles au sein du couple. Une grande majorité d'entre elles discutent et décident avec leur conjoint des questions en rapport avec les enfants aussi bien que des questions plus matérielles. Cependant les femmes rurales, notamment les plus jeunes, malgré leur retard apparent sur divers plans par rapport aux citadines, semblent suivre de près ces dernières. La diffusion importante des voies de communications (Ladier-Fouladi, 2003) qui a permis la circulation rapide de nouvelles idées et valeurs en provenance de grandes villes a certainement précipité le changement de comportement des femmes rurales. C'est la raison pour laquelle les réponses des femmes, urbaines et rurales, dans les familles nucléaires comme dans les familles élargies, révèlent une certaine homogénéité dans leur attitude.

CONCLUSION

57 Pour beaucoup d'observateurs occidentaux, le régime de Mohammad Reza Shah qui avait engagé le pays sur le chemin d'une modernité intense s'est heurté à l'opposition d'une société immature qui par sa révolution « islamique » a interrompu le processus de modernisation. L'instauration de la République islamique en 1979 était donc considérée comme le triomphe de l'obscurantisme remettant en cause tous les progrès sociaux, économiques, politiques jusqu'alors accomplis. D'autant que la réislamisation des lois et du Code civil, l'établissement d'un ordre moral et vestimentaire rigoureux et enfin les prises de positions violemment anti-occidentales des nouveaux dirigeants apportaient les preuves irréfutables pour persuader ces observateurs de la pertinence de leur analyse. L'examen des conditions sociodémographiques de l'Iran depuis 1960 indique cependant une toute autre vérité. L'Ancien Régime affichait certes sa fascination pour l'Occident, mais ses politiques modernistes étaient sélectives et restreintes et ne concernaient que les aspects les plus visibles. Les revendications des millions de manifestants, lors des journées révolutionnaires, ont bien mis en évidence la limite de ces programmes. Ils réclamaient leur droit à accéder à la justice sociale qui incarne la modernité occidentale. La République islamique, issue de la révolution, était donc contrainte de répondre aux attentes des masses populaires. Certes, elle s'est précipitée pour re-islamiser les lois et le Code civil, conformément aux règles de la charia, mais en même temps elle a déployé les moyens nécessaires pour mettre en œuvre un programme de développement socio-économique qui a contribué à la modernisation d'une très grande majorité des régions iraniennes. Ainsi, ni la Révolution de 1979 ni l'avènement de la République islamique n'ont interrompu le processus de modernisation de la société ; bien au contraire ils ont donné une impulsion forte dans bien des domaines et ouvert une période nouvelle où désormais la dynamique sociale jouait le rôle principal.

58 Les résultats de notre enquête mettent bien en évidence la capacité d'une société à résister aux pressions d'ordre politique, idéologique et juridique. Alors que la République islamique n'a cessé de valoriser les traditions patriarcales, la majorité des femmes de notre enquête refuse de rester cloîtrée dans l'espace domestique pour jouer le rôle de l'épouse soumise et de mère de nombreux enfants. Elles ont même réussi à modifier leur situation dans la vie familiale et sociale en dépit des lois et des règles qui ne leur reconnaissent pas l'égalité des droits avec les hommes. La clé de cette réussite est indubitablement le progrès de leur instruction scolaire. L'expansion rapide de l'école au cours de ces dernières décennies, a permis aux jeunes générations féminines d'y accéder massivement. Ainsi, elles ont non seulement pu réduire leur écart avec les hommes dans l'accès au savoir, mais aussi prolonger la durée de leur scolarité. Ce progrès notable qui a rapproché les hommes et les femmes du point de vue de l'instruction dans les jeunes générations est à l'origine de la mise en cause de l'ordre patriarcal au sein de la famille. C'est dans ces conditions qu'apparaissent les premiers signes de fléchissement de la fécondité. Avec la transition de la fécondité, une nouvelle ère commence en Iran : une ère qui n'a pas tardé à révéler la mutation importante des mentalités touchant d'abord les populations urbaines, ensuite les populations rurales. Une part importante des femmes de notre échantillon a constitué sa famille dans ce nouveau contexte sociodémographique. En dépit de leur différence, parfois très significative notamment en ce qui concerne les femmes des familles élargies rurales, elles ont adopté un comportement plus ou moins semblable à l'égard de leur conjoint. Leur faible participation à la vie active ne les a pas relégué dans une position d'infériorité par rapport à leur époux. Les réponses des femmes aux questions sur la prise de décision relative aux enfants et à la vie matérielle de la famille montrent bien qu'une grande majorité des femmes urbaines et un peu plus de deux tiers des femmes rurales ont accédé à un meilleur équilibre dans les rapports avec leur conjoint. Elles sont certes encore loin d'établir un rapport égalitaire, mais le progrès notable des jeunes générations, leur permettant de réduire dans un laps de temps assez court leur écart avec les hommes dans certains domaines, laisse penser que ces changements sont possibles et ne tarderont pas à survenir. On peut donc légitimement penser que la famille constitue le lieu où les femmes ont réussi à ébranler l'ordre patriarcal. Cette expérience et le nouveau rapport qu'elles semblent vivre avec leur conjoint sont sans doute à l'origine de leur prise de position pour contester le système politique qui s'est structuré selon les règles émanant de ce même ordre. Les femmes ne mettent peut-être pas directement en cause les articles du Code civil, cités plus haut, mais elles les réprouvent dans leur pratique, au sein de la famille, et dans leurs diverses manifestations sociopolitiques et culturelles observées au cours de ces dernières années.

RÉFÉRENCES

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Date de mise en ligne : 01/01/2012

https://doi.org/10.3917/rtm.182.0281

Notes

  • [*]
    CNRS - INED.
  • [1]
    Il existe deux types de mariages en Iran. Le premier et le plus répandu est celui contracté à durée indéterminée (mariage permanent) et le second moins fréquent est contracté à durée déterminée, ce que l'on appelle mariage temporaire, sigh'a ou encore mot'a. La durée de ce dernier, qui peut aller d'une heure à 99 ans, est mentionnée dans le contrat.
  • [1]
    Selon l'article 8 de cette loi, l'homme n'a plus le droit de répudier sa femme sans raison, chaque cas doit être soumis au tribunal, et l'article 14 stipule que l'homme ne peut pas contracter un second mariage sans le consentement de sa première épouse et l'approbation du tribunal.
  • [2]
    Il fallut attendre 1974 pour que l'article 18 de cette même loi de « Protection de la famille » concède à la femme le même droit que l'article 1117 du Code civil accordait à l'homme, à savoir « interdire à son épouse d'exercer un métier... ». Sauf que cette fois, aussi bien pour l'homme que pour la femme, le cas devait être examiné par le tribunal.
  • [3]
    Par exemple, en 1963, la loi électorale a été réformée pour y inclure le droit de vote et d'éligibilité des femmes. Après l'adoption de la loi de « Protection de la famille » en 1967, l'accès des femmes aux fonctions de magistrat, jusqu'alors réservées aux hommes, a été facilité.
  • [1]
    Nous insistons sur le fait que le mouvement révolutionnaire n'était pas, dans sa genèse, islamiste et encore moins khomeyniste. Cette tendance s'est progressivement développée, au fur et à mesure que les vagues de protestation enflaient et regroupaient des parties plus nombreuses du corps social. Cette révolution, comme toutes les révolutions, a été un précipité complexe de forces, d'acteurs et d'idées dont nous ne pouvons prétendre rendre compte ici.
  • [1]
    Après la Révolution, le gouvernement islamique a, pour des raisons politiques, aussitôt abandonné les programmes de la planification familiale, sans pour autant mettre fin à la distribution gratuite des moyens contraceptifs par les dispensaires et les centres sanitaires. Les contraceptifs étaient aussi en vente dans les pharmacies à des prix abordables.
  • [1]
    D'après les résultats du recensement général de la population et de l'habitat de 1976, Centre de statistiques d'Iran, Téhéran, 1980, 158 p.
  • [2]
    À cet égard, il paraît intéressant de rappeler que l'article 30 de la Constitution de la République islamique stipule « [qu']Il est dans le devoir de l'État de préparer les conditions d'un accès gratuit à l'école pour l'ensemble de la population jusqu'à la fin du secondaire et d'étendre les établissements d'enseignement supérieur afin qu'un très grand nombre de personnes puisse accéder gratuitement à la formation universitaire ».
  • [3]
    D'après les résultats du recensement général de la population et de l'habitat de 1996, Centre de statistiques d'Iran, Téhéran, 1998, 296 p.
  • [1]
    Dans le cadre d'une coopération scientifique entre le Centre de statistiques d'Iran (CSI), le CNRS – Monde iranien et l'Institut français de recherche en Iran (IFRI), cette enquête, intitulée « Caractéristiques socio-économiques des ménages en 2002 », a été réalisée en janvier 2002. L'auteur, en collaboration avec A. Kian-Thiébaut, a assuré la responsabilité scientifique de cette enquête. L'échantillon était constitué de 6 960 ménages répartis dans l'ensemble des 28 provinces iraniennes en milieu urbain (4 170 ménages) et en milieu rural (2 790 ménages). L'auteur a supervisé l'ensemble des opérations de terrain et la collecte de données dont le Centre de statistiques d'Iran a assumé la réalisation. Le CSI a publié les résultats préliminaires de cette enquête, pour une version française et anglaise voir : http://www.ivry.cnrs.fr/iran.
  • [1]
    L'échantillon comptait 6 031 familles nucléaires (3 665 en ville et 2 366 dans les campagnes), dont : individus seuls (4,3% des ménages), couples sans enfants (10,3%), familles recomposées (3,9%), familles monoparentales (4,6 %), familles nucléaires complètes (parents avec leurs enfants célibataires) (63,4 %).
  • [2]
    Les familles élargies étaient au nombre de 929 (505 dans les villes et 424 dans les campagnes). Elles étaient composées des parents avec leurs enfants célibataires et mariés, la famille de ces derniers et parfois les parents, frères et sœurs de l'époux ou de son épouse.
  • [1]
    Les résultats de notre enquête, comme les statistiques nationales, ne présentent que la participation des femmes dans l'économie formelle.
  • [1]
    Cohorte : ensemble d'individus ayant vécu un événement semblable pendant la même période de temps (Le Petit Robert).
  • [1]
    Au cours de la dernière décennie, ce sont surtout les jeunes diplômés, femmes et hommes, qui rejoignent le rang des demandeurs d'emploi.

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