Couverture de RTM_174

Article de revue

Aspects économiques des guerres civiles

Pages 269 à 295

Notes

  • [*]
    Université d'Harvard.
  • [1]
    Ce chapitre est une version très condensée d'un document accessible sur Internet : « Economics and Violent Conflict » (Économie et conflit violent) sur le site www.preventconflict.org/portal/economics. Je souhaite remercier spécialement Martin Evans, James Fearon, David Hecht, Stephen Humphreys, Andrew Mack et Michael Ross pour leurs commentaires détaillés et leurs conseils.
  • [1]
    Par exemple par le programme Ethnicity, Insurgency and Civil Wars (Ethnicité, insurrection et guerres civiles) à l'université de Stanford, le Program on Human Security (Programme sur la sécurité humaine) à Harvard, et le State Failure Task Force (Groupe de travail sur l'échec de l'État) sponsorisé par le gouvernement des États-Unis. Voir également les travaux du Groupe PRIO à Oslo. Pour une analyse de la plupart de ces textes économétriques, voir Sambanis (2001).
  • [1]
    Certains chercheurs suggèrent que si la croissance économique mène à une augmentation de la valeur des biens au sein d'une économie, elle peut également stimuler l'utilisation de la violence pour sécuriser ces biens, au moins lorsque les États sont faibles. Cela signifie que violence et prospérité marchent main dans la main (Bates, 2001).
  • [2]
    Il existe cependant des raisons d'être prudent dans l'interprétation de ces résultats. L'une est que ce résultat économétrique emploie de manière caractéristique des données cumulées et, en tant que telle, elle mesure la richesse de l'économie dans sa globalité plutôt que, par exemple, le nombre ou la concentration de personnes pauvres au sein des pays. Une autre raison tient au fait que, les chances étant moindres d'avoir des données dans le cas de pays en conflit, l'effet de la richesse sur les conflits pourrait être sous-estimé.
  • [1]
    J'utilise le modèle Collier-Hoeffler (2002 a) pour évaluer la probabilité de déclenchement d'une guerre civile en fonction du revenu avec toutes les autres variables gardées constantes sur leur niveau moyen. Les données et le modèle employés sont accessibles sur le site web d'Anke Hoeffler : http:// users.ox.ac.uk/~ball0144/coll@hoe.zip.
  • [1]
    Consulter aussi Auvinen et Nafziger (1999). Ils voient une relation positive entre inégalités et « secours humanitaires complexes », bien que cette relation soit inversée pour les modèles à effets fixes et à effets aléatoires.
  • [2]
    Une raison technique est que les erreurs de mesure des variables explicatives rendent difficile la découverte de relations notoires entre les variables. De plus, parmi les variables économiques, les données concernant les indices d'inégalités entre les revenus sont mesurées avec un taux d'erreurs particulièrement élevé (Cramer, 2001) ; il faut donc s'attendre à ce que la relation soit sous-estimée. À cela s'ajoute la faible probabilité d'obtenir des données relatives aux inégalités dans les pays où ont lieu des guerres civiles, ce qui mène à une sous-estimation des effets des inégalités.
  • [3]
    Stewart et al. (2001 a) ; Klugman (1999).
  • [1]
    Fearon et Laitin (1999) cependant, avec les mêmes données, ne trouvent qu'une maigre preuve de l'existence d'un lien entre inégalités horizontales et conflit – à cause, disent-ils, de la multicolinéarité et de mesures de qualité médiocre.
  • [2]
    Voir, en particulier, Collier et Hoeffler (2000 a, 2002 a, et 2002 b). Il est important de constater que bien que les débats se concentrent sur les ressources naturelles, bien des travaux économétriques utilisent en fait des données sur les exportations de produits de base, y compris sur la réexportation de produits de base produits ailleurs.
  • [3]
    Collier (2000 a) écrit par exemple que « le sens des griefs peut être fondé sur des raisons objectives de se plaindre, ou peut surgir d'une manipulation de préjugés. Cependant, même si cette distinction est moralement intéressante pour les observateurs – la cause est-elle juste ? – elle ne présente aucune importance pratique » (c'est l'auteur qui souligne).
  • [1]
    Pour des explications plus précises de certains de ces mécanismes, voir Ross (2002 b).
  • [2]
    Cette interprétation dans laquelle les ressources fournissent des « possibilités » (plutôt qu'une motivation) est en effet une interprétation plus « douce » du résultat qui est parfois proposé par Collier et Hoeffler.
  • [3]
    De tels raisonnements ont été élaborés pour les cas du Biafra, du Katanga, du Cabinda, de la Casamance, de Bougainville et du Sud-Soudan.
  • [4]
    Cela pourrait découler par exemple de l'hypothèse de la courbe de Kuznets, qui prévoit une inégalité passagère résultant simplement du fait que différents secteurs d'une économie se développent à des rythmes différents.
  • [5]
    Consulter Moore (2001) sur le rôle du « revenu d'État non mérité », Sørli (2002), Fearon et Laitin (2003) sur la relation entre pétrole et État « rentier ».
  • [1]
    Les remarques de Snyder devraient inciter les chercheurs en économétrie à étudier les interactions existant entre les ressources, les richesses et la force des États.
  • [1]
    Voir Walton et Seddon (1994), Woodroffe et Ellis-Jones (2000).
  • [2]
    Voir Woodward (1996) sur le cas de l'ex-Yougoslavie.
  • [3]
    Voir par exemple Davoodi et al. (2001).
  • [4]
    Collier et Hoeffler (2000 b) utilisent la mesure d'une politique qui est une combinaison de choix politiques et de résultats macro-économiques. La mesure ne permet pas de savoir si les politiques ont été adoptées en tant que parties intégrantes d'un programme contenant des conditionnalités de prêts ou si elles reflètent simplement les choix politiques du pays.
  • [5]
    Institut de recherche internationale sur le développement économique mondial. Ce travail est entrepris conjointement par l'Université des Nations Unies et la Queen Elisabeth House.
  • [1]
    Voir Nafziger et al. (2000), Klugman (1999) ; Auvinen et Nafziger (1999), qui n'ont identifié aucun effet provenant d'une variable nominale indiquant la présence d'un PAS de la Banque mondiale ; ils ont trouvé cependant que des niveaux élevés d'assistance fournie par le FMI étaient associés négativement à des secours humanitaires.
  • [2]
    Consulter l'exposé annuel de WIDER (2001) sur les « inégalités horizontales », par Frances Stewart. Étant donné la place centrale prise par les droits fonciers dans un ensemble de guerres civiles, les études ont mis l'accent sur les politiques qui réduisent les inégalités foncières. Voir Klugman (1999).
  • [3]
    Voir l'étude de Temple (1999).
  • [4]
    Le « capital humain », globalement, est censé enregistrer la productivité des travailleurs et comprend au moins les niveaux d'éducation et de santé.
  • [5]
    Cette formulation est représentée dans la littérature empirique par les travaux de Mankiw, Romer et Weil (1992).
  • [1]
    Knight et al. (1996) ; Imai et Weinstein (2000).
  • [2]
    Leurs chiffres comprennent les morts des guerres Iran-Iraq et du Vietnam.
  • [3]
    Voir OMS 2000. Cela peut en partie provenir d'une chute de l'espérance de vie des enfants – il est très courant de constater, pour une espérance de vie moindre, de plus forts taux de natalité et souvent de nettes augmentations de la taille de la population.
  • [4]
    Les prévisions théoriques ne sont pas claires à ce niveau. En fonction d'un niveau donné de capital, une baisse de main-d'œuvre conduira à une augmentation à court terme de la productivité des travailleurs. D'un autre côté, une élévation du taux de fertilité peut réduire le rapport actifs/dépendants et faire baisser le revenu per capita.
  • [1]
    Keen (2001, p. 161).
  • [2]
    Cependant les guerres peuvent aussi apparaître dans des pays où les niveaux de scolarisation sont faibles, mais en hausse. Dans ce cas, les guerres ralentissent le taux de croissance du capital humain plutôt que de causer sa chute. Pour comprendre l'ampleur des effets des conflits, nous devons évaluer les niveaux d'inscription qui existeraient en l'absence de guerre. Les chercheurs n'ont pas insisté sur la mise au point de telles mesures. Voir Stewart et al. (2001 a, p. 90) pour les tendances enregistrées.
  • [3]
    Voir Mokyr (1992, p. 183-186).
  • [1]
    De nombreuses études ignorent le problème des contre-exemples et ne font qu'enregistrer les changements économiques ayant lieu durant les conflits. Il existe par exemple de nombreuses tentatives minutieuses de calcul des coûts pour une seule économie (voir par exemple Amirahmadi, 1990, et l'ensemble des études de Stewart et al, 2001 b), ainsi que les études qui comparent les performances d'économies en zone de guerre avec celles de leurs voisines (par exemple Stewart et al., 2001 a). Cette dernière approche exagère l'ampleur avec laquelle les voisins sont semblables, mais de plus, ne parvient pas à mettre en évidence les impacts économiques des guerres sur les pays voisins. Une approche innovante récente a employé des données de régions voisines au sein de l'Espagne pour produire une région « basque » de synthèse dont les performances économiques, estimées sous la forme d'une moyenne des performances des autres régions, peut ainsi être comparée à ses performances actuelles (Abadie et Gardeazabal, 2001).
  • [2]
    Voir Imai, Weinstein (2000) et Collier (1999). Pour une analyse de textes envisageant les conflits au sein des nouvelles approches de la croissance, voir Gyimah-Brempong et Corley (2002).
  • [1]
    C'est ce qui est fait par exemple dans Murdoch et Sandler (2001), Collier (1999).
  • [1]
    Pour des travaux qualitatifs antérieurs voir Angoustures et Pascal (1996).
  • [2]
    Ce sont également des relations difficiles à tester. Collier et Hoeffler (2002 b) emploient une variable nominale pour la guerre froide ; ceci cependant ne permet pas de tester la relation entre les liens existant entre les États et les gouvernements étrangers et la probabilité d'une guerre.
  • [3]
    Voir Stockwell (1978).
  • [1]
    Voir Pool (1998).
  • [1]
    Pour une étude non économétrique, orientée sur les questions politiques, du rôle des entreprises dans un conflit, voir Haufler (2001).
  • [2]
    Interviews avec des agences d'aide en Sierra Leone, avril 1996.
  • [3]
    Voir Compagnon (1998), Rufin (1995) et de Waal et Omar (1993).
  • [4]
    Fearon (2002).
  • [1]
    Richards (1996) affirme que, de façon tout à fait plausible, ce mécanisme était à l'œuvre dans le cas de la Sierra Leone.
  • [2]
    Hufbauer et al. (1990) ont trouvé que les deux tiers des 115 cas de sanctions imposées entre la Première Guerre mondiale et l'année 1990 n'ont même pas obtenu ne serait-ce qu'un succès partiel. Voir également Mack et Khan (2000).
  • [3]
    Davies et Fofana (2002).
  • [1]
    Voir par exemple BBC, 10 juillet 2000, « Échec des sanctions contre la Yougoslavie ».
  • [2]
    Bien que les pays en développement soient également des fournisseurs d'armes, voir Brzoska et al (1986).
  • [3]
    Ainsi, pour donner un exemple récent, les États-Unis ont annoncé en 2002 leur soutien à hauteur de 98 millions de US$ pour aider une brigade armée colombienne protégeant des pipelines de pétrole qui fournissent la société Occidental Petroleum, basée en Californie.
  • [4]
    Les travaux économétriques de Sylvan (1976) suggèrent que de fortes augmentations de l'aide militaire sont associées à une élévation des conflits internationaux après un laps de temps de deux ans. Il est néanmoins plausible qu'une telle augmentation ait lieu par anticipation de conflits futurs, auquel cas le lien de causalité pourrait être en partie inversé.
  • [1]
    Schoultz déclare par exemple que « l'aide des États-Unis a eu tendance à se répandre de manière disproportionnée vers les régions qui sont parmi les plus grandes violatrices des droits de l'homme » (cité dans Blanton, 2000).

1 Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les guerres civiles se sont multipliées. Ces guerres sont maintenant devenues bien plus courantes que les guerres internationales, touchant, au milieu des années 1990, près du quart de l'ensemble des pays du globe. Les victimes de ces guerres civiles sont, plus que par le passé, les producteurs plutôt que les cibles militaires. Les groupes qui combattent jouent souvent un rôle de premier plan en tant qu'agents économiques. Dans certaines régions, ils font tourner les industries, ils contrôlent la production et fournissent des services ; dans d'autres régions, leur principale activité est le pillage. Ces changements se sont produits lors de l'augmentation rapide de la prospérité mondiale qui s'est accompagnée d'inégalités croissantes. Et, durant cette période, ces guerres ont éclaté, de plus en plus, dans les pays les plus pauvres de la planète. Résultat : un monde de plus en plus divisé entre ces pays qui sont riches et en grande partie paisibles et ceux qui sont plus pauvres et pour lesquels la guerre devient la toile de fond de l'activité économique quotidienne.

2 Pourquoi une telle situation ? Quelles sont les causes de ces nouveaux types de guerre ? Quel rôle jouent les richesses ou les inégalités ? Quels sont les coûts et les bénéfices ? Comment les économies fonctionnent-elles durant ces guerres ? Comment les activités économiques des ONG internationales, des bailleurs de fond et des entreprises exacerbent-elles la guerre ou apportent-elles la paix ?

3 Un certain nombre de chercheurs ont tenté ces dernières années de clarifier ces questions en employant de nouvelles approches et de nouvelles méthodologies. Quelques-unes des nouvelles approches reconceptualisent les rôles de la violence. Tandis que les analyses traditionnelles mettaient l'accent sur ce que les belligérants espéraient obtenir en gagnant une guerre, les nouveaux travaux de recherche se concentrent sur ce que les combattants pourraient gagner pendant le conflit (Jean et Rufin, 1996 ; Keen, 1998 ; Kaldor, 1999). Ces travaux n'appréhendent pas la guerre comme un événement qui interrompt l'activité économique. Ils identifient plutôt un lien entre les motifs de la guerre et les perspectives économiques qu'elle offre lors du déroulement du conflit.

4 Une série d'études récentes, prolongeant ces idées, ont adopté les outils d'économie appliquée : l'économétrie – méthode statistique d'étude des processus économiques – a été employée par un groupe prolifique de chercheurs du projet de la Banque mondiale Economics of Civil War, Crime, and Violence (Économie de la guerre civile, du crime et de la violence) ainsi que par tout un ensemble d'universitaires [1]. Le résultat de ce travail promet d'avoir un impact important sur l'élaboration des politiques. Dans bien des cas, les chercheurs employant cette méthodologie ont uni leurs efforts à ceux des universitaires travaillant sur des études de cas plus traditionnelles qui sont maintenant souvent combinées à des travaux statistiques. Un recueil d'études de cas a été élaboré par la Banque mondiale pour tester la logique des modèles économétriques de ces chercheurs. D'autres études ont été publiées par des groupes de recherche et des ONG tels que la Queen Elizabeth House à Oxford, l'International Peace Academy à New York et l'Overseas Development Institute à Londres.

5 Cet article va se concentrer sur ce type de travaux ; il les décrit et en évalue les principaux résultats. Mais tout en étant favorable à l'utilisation de méthodes économétriques utilisant des données de panel pour identifier des relations présentant un intérêt pour l'élaboration des politiques, l'article tire également des conclusions de travaux et de recherches d'ordre plus qualitatif, menés par des organisations non gouvernementales et par des organisations internationales, afin d'apprécier sous un autre angle les interprétations des données quantitatives, d'évaluer le choix des questions étudiées et de proposer des moyens de tirer parti des résultats qualitatifs pour enrichir les analyses quantitatives. Je procéderai ainsi : j'examinerai tout d'abord le rôle de la richesse, des inégalités, des ressources naturelles et des politiques économiques dans le démarrage des conflits. Puis j'aborderai les coûts des conflits et les activités économiques des rebelles, des entreprises et de la communauté internationale, avant de prendre en considération les explications économiques à l'extension des guerres dans le temps. En conclusion, je résumerai les leçons et indiquerai les voies méritant d'être explorées pour faire progresser l'étude de l'économie des conflits.

I. LES ORIGINES DES CONFLITS

Richesse et guerre civile

6 On pourrait s'attendre à ce que les nations riches soient plus violentes que les nations pauvres car les riches ont davantage de biens à défendre [1]. Les données économétriques suggèrent cependant que le niveau de richesse ainsi que la croissance économique réduisent la probabilité d'apparition des guerres civiles [2], tandis que les récessions l'augmentent (Collier et Hoeffler, 2002 a ; Fearon et Laitin, 2003).

7 Les chiffres issus de modèles économétriques de la Banque mondiale (fig. 1) présentent une relation frappante entre la richesse d'une nation et les risques qu'elle court de connaître une guerre civile [1]. Selon ce graphique, les écarts de richesses sont plus significatifs parmi les pays les plus pauvres. Un pays présentant un PNB par personne de seulement 250 $ a une probabilité de connaître une guerre au cours des cinq années suivantes de 15 %, même s'il est considéré par ailleurs comme un pays statistiquement « moyen ». Cette probabilité est réduite de moitié pour un pays présentant un PNB de seulement 600 $ par personne, à nouveau de moitié jusqu'à moins de 4 % pour un revenu de 1 250 $ par personne. Les pays dont le revenu per capita excède 5 000 $ ont moins de 1 % de risque de vivre des conflits d'ordre civil, toutes choses étant égales par ailleurs.

Fig. 1

Probabilité d'apparition de conflits

figure im1

Probabilité d'apparition de conflits

8 Les explications à une telle situation sont nombreuses. Certains soutiennent que le PNB mesure les coûts d'opportunité du conflit (Collier et Hoeffler, 2000 b) ; de façon plus plausible, le PNB fournit certaines informations sur la force des États et la capacité des producteurs à protéger leurs biens (voir par exemple Fearon et Laitin, 2003). Selon une autre explication, la pénurie engendre des migrations qui aboutissent à des conflits entre groupes sur le contrôle des ressources (Homer-Dixon, 1994). Mais établir des liens de causalité pourrait être une erreur dans la mesure où un pays peut présenter d'autres caractéristiques, telles qu'une culture démocratique, qui le rendraient à la fois plus prospère et moins violent. Et le lien de causalité pourrait être établi dans le sens opposé : les pays riches pourraient être riches en partie parce qu'ils auraient connu très peu de conflits d'ordre civil dans leur passé récent. Mais il n'y a pas assez de travaux jusqu'ici pour affiner ces explications

9 Quelle qu'en soit la raison, les chiffres permettent de penser que les décisions axées sur la croissance et celles axées sur la prévention des conflits se renforcent mutuellement. En termes d'implication politique, l'analyse suggère qu'en matière de prévention des conflits, il est plus efficace de concentrer les efforts de développement sur les pays vraiment pauvres plutôt que sur les pays à niveau de richesse intermédiaire.

Inégalités et guerre civile

10 Alors qu'il existe un réel consensus sur le fait que richesse et croissance sont associées à de moindres risques de conflit, il n'y en a pas sur le fait que certaines formes de croissance favorisent ou non l'apparition de conflit. Les spécialistes de sciences politiques admettent souvent que l'inégalité est une cause de conflit, mais les études de la Banque mondiale ont maintenant jeté le doute sur la pertinence de ce lien. En effet, dans ses travaux économétriques, la Banque n'a pu établir aucune relation évidente entre inégalités et conflit [1].

11 Ce (non-) résultat doit cependant être nuancé. Pour un bon nombre de raisons techniques, une telle relation pourrait ne pas être établie dans le modèle de la Banque mondiale [2]. L'une des principales raisons pourrait cependant être d'ordre conceptuel. Des études de cas suggèrent que ce n'est pas l'inégalité entre individus qui est source de conflits mais plutôt l'inégalité entre groupes ethniques ou entre régions – à laquelle il est parfois fait référence par l'expression « inégalité horizontale » [3] ou « inégalité catégorielle » (Tilly, 1999). Quelques études suggèrent aussi que les politiques qui diminuent l'inégalité horizontale pourraient réduire la probabilité des conflits, comme celles mises en œuvre en Côte-d'Ivoire (Azam et Koidou, 2002). Dans des travaux économétriques utilisant des données nationales, Gurr et Moore (1997) découvrent que l'inégalité horizontale produit des griefs qui, bien que n'étant pas directement associés aux conflits, facilitent la mobilisation qui, à son tour, augmente les probabilités de rébellion. Des études économétriques telles que celles conduites par la Banque mondiale, qui emploient des mesures de l'inégalité « globale », ne permettent pas de prendre ces effets en compte [1].

Ressources naturelles et guerre civile

12 Le résultat sans doute le plus connu des recherches de la Banque mondiale, est que les pays dont la richesse dépend en grande partie de l'exportation de produits de base sont spécialement exposés aux violences civiles [2]. Les chercheurs Paul Collier et Anke Hoeffler affirment que les conflits pourraient s'expliquer soit par l'existence de « griefs » soit par celle d'« avidité ». Ils concluent, en se fondant en grande partie sur la corrélation existant entre exportation de produits de base et conflit, que si nous souhaitons comprendre les causes des guerres civiles contemporaines, nous devrions ignorer les justifications fondées sur des griefs et regarder plutôt du côté de l'avidité des groupes rebelles.

13 La décision d'employer des expressions si moralement chargées, pour structurer et présenter cette recherche, a déplacé le débat vers une voie inhabituellement normative. Ce choix a une implication concrète : diversifier les principaux secteurs exportateurs des pays en développement. Cette recommandation semble découler facilement de la relation, sans qu'il n'y ait besoin de bien clarifier les mécanismes sous-jacents. Autre résultat découlant plus directement de la connotation morale de l'affirmation : en déclarant que la guerre est le résultat de l'avidité des rebelles, la recherche introduit un préjugé contre les groupes rebelles, suggérant qu'il n'existe aucune nécessité (ou aucune raison) de vérifier la validité de leurs revendications. Ce faisant, moins d'attention pourrait être portée aux autres types d'explications du conflit [3] et au rôle des États dans l'encouragement de la violence politique, et ce malgré les nombreux témoignages des études de cas décrivant le rôle des gouvernements dans l'entretien des conflits. Les recommandations qui en découlent en matière de choix politique peuvent être simplistes, dans la mesure où elles mettent l'accent sur l'arrêt de l'appui financier apporté aux groupes rebelles (cf. Collier et al, 2001).

14 En fait, à cause de la difficulté à établir une distinction entre les différents mécanismes sous-jacents, rien ne confirme cette relation. Car il existe au moins sept mécanismes concurrents qui pourraient expliquer la relation entre les ressources naturelles et la guerre – son démarrage et sa perpétuation [1] :

15

  • Les ressources naturelles pourraient fournir les moyens de financer des rebellions motivées par d'autres intérêts que les ressources elles-mêmes [2]. Si tel est le cas, il faut alors prendre ces autres motifs en considération lorsque l'on cherche à résoudre les conflits.
  • Si, comme c'est souvent le cas, les ressources naturelles sont concentrées au sein d'une région particulière d'un pays, la conviction qu'un État sécessionniste pourrait être viable ou même prospère peut se répandre au sein des groupes insatisfaits [3].
  • Le fait de dépendre des ressources pourrait en réalité être lié à des griefs plutôt qu'à de l'avidité. Une dépendance moyenne vis-à-vis des ressources peut correspondre à une inégalité passagère [4]. Ou bien l'extraction de ces ressources peut provoquer des griefs à cause des migrations forcées. Enfin, le sentiment d'injustice concernant la répartition des richesses peut être plus grand pour celles qui proviennent des ressources naturelles que pour d'autres formes de richesses.
  • Les gouvernements qui, pour leur survie, comptent plus sur les ressources naturelles que sur les taxes, n'ont pas besoin de créer des institutions fortes. Cela peut conduire à des structures étatiques faibles, coupées de l'activité économique nationale [5].
  • L'augmentation de la valeur des ressources naturelles peut affaiblir le secteur industriel d'une économie. Si ce secteur s'appuie sur un commerce intensif au niveau national, son effondrement risque de priver l'économie des effets réducteurs de conflits qu'ont les échanges.
  • Les économies dépendantes des ressources naturelles peuvent être plus vulnérables aux variations des termes de l'échange, produisant instabilité et insatisfaction au sein des groupes concernés.
  • La présence de ressources naturelles peut pousser de tierces parties – États et entreprises – à s'engager dans des conflits civils ou à les alimenter.

16 Enfin, cette corrélation peut apparaître même si les ressources naturelles ne « causent » pas de conflit. Un conflit, voire la probabilité d'un conflit peut faire cesser d'autres activités économiques, tels que le tourisme et les industries de transformation, ne laissant fonctionner que les industries d'extraction. Cela suffit pour produire la corrélation en question.

17 Il existe donc de nombreuses explications possibles à la relation entre ressources naturelles et conflits, qui n'impliquent pas que la guerre civile découle systématiquement de l'avidité des rebelles. Ces différentes explications requièrent différents types de réponses politiques, au-delà de la diversification des exportations et de l'arrêt du financement fourni aux rebelles. Mais savoir quelle est la réponse la plus appropriée nécessite de lever le voile sur les mécanismes les plus pertinents selon le contexte.

18 Voyons maintenant les impacts des différents types de ressources naturelles sur les conflits violents. Les ressources naturelles sont variées, elles sont extraites et vendues de manières différentes, dans des contextes politiques différents. Pourtant, bien des recherches en économétrie abordent la question comme si ces ressources étaient indifférenciées. Des travaux récents de sciences politiques suggèrent qu'en fait aussi bien la forme des ressources que le contexte politique influencent, systématiquement, la manière selon laquelle ces ressources sont liées à la violence. Des études de Philippe Le Billon (2001) et Michael Ross (2002 a) suggèrent qu'une répartition des ressources par type aide à établir un lien entre celles-ci et les différents types de conflits (seigneuries de guerre, luttes de sécession, coups d'État, émeutes), ainsi qu'avec les différents types d'organisation des rebelles (centralisée, décentralisée ou fragmentée). Fondamentalement cependant, la question n'est pas l'existence de ressources naturelles mais leur gestion : Richard Snyder (2001) affirme que la question ne concerne pas les ressources naturelles per se mais seulement les ressources dans un contexte de structures étatiques déjà faibles. En contre-exemple, il cite le Botswana, l'un des pays africains qui croissent le plus vite et qui sont les moins violents, bien que son économie dépende du diamant, du cuivre et du nickel [1].

Politique économique et guerre civile

19 Quels sont les choix politiques qui rendent l'apparition de conflits plus ou moins probable ? Dans certaines circonstances le conflit peut provenir d'actions délibérées engagées par les décideurs pour miner leurs économies, et leur gouvernement, afin de s'enrichir eux-mêmes personnellement (Reno, 1995, 2000 a). En affaiblissant les institutions étatiques et en détruisant l'infrastructure de production, les leaders peuvent inconsciemment rendre la rébellion plus attirante : ils réduisent les coûts directs tout comme les coûts d'opportunité de la violence.

20 Qu'en est-il des liens entre les programmes d'ajustement structurel (PAS), promus par les institutions internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, et le démarrage de conflits ? Dans de nombreux pays – le Venezuela et le Maroc par exemple – ces programmes ont provoqué de la violence urbaine [1]. Ils sont liés à la violence par de nombreux mécanismes, qui vont de l'ébranlement des services sociaux à l'affaiblissement des élites bien établies [2]. En effet, si certains groupes ou certaines régions sont considérés comme plus rentables que d'autres, les politiques économiques peuvent aggraver l'inégalité horizontale en augmentant simplement l'efficacité globale. Cependant si, comme le déclarent ceux qui en font la promotion, ces politiques renforcent la croissance, alors, à un certain stade, nous devrions nous attendre à ce que l'augmentation des richesses réduise la probabilité d'apparition de la violence.

21 La preuve économétrique de la validité du lien entre ajustement structurel et conflit n'apparaît pas clairement. Alors que les ajustements du FMI réduisent les dépenses militaires, il est difficile de savoir s'ils ont augmenté ou non la probabilité d'un conflit [3]. Bien que les études de la Banque mondiale sur les guerres civiles n'aient pas analysé le rôle des PAS qu'elle a aidé à imposer, elles ont pris en considération les effets de politiques semblables à celles qui se trouvent dans les programmes d'ajustement structurel et elles n'ont pas identifié de relation directe entre celles-ci et les conflits [4]. D'ailleurs, des études menées par le groupe de recherche WIDER [5], des Nations Unies, et des travaux connexes n'ont pas réussi à établir un lien systématique [1]. Les recherches effectuées ont néanmoins aidé à identifier des voies par lesquelles les PAS pourraient être modifiés afin de limiter les risques de conflit en réduisant l'inégalité horizontale. Elles recommandent une éducation universelle gratuite, des programmes d'intégration régionale, des mesures de rattrapage et la création d'institutions politiques garantissant la représentation politique aux membres des multiples groupes régionaux, ethniques ou religieux [2].

II. L'ÉCONOMIE DE LA GUERRE ET LA FIN DE LA GUERRE

Coûts globaux et bénéfices de la guerre

22 Le calcul des coûts économiques de la guerre peut aider à déterminer les bénéfices économiques relatifs d'un investissement dans des opérations visant à empêcher la guerre plutôt que dans des opérations postconflit. Les effets des conflits sur le PIB et la croissance peuvent être étudiés grâce à des méthodes quantitatives employant des modèles courants, conçus pour l'étude empirique de la croissance économique [3]. Dans ce type de travail, quatre variables sont généralement prises en considération : le capital physique, la force de travail, le « capital humain » [4] et la « productivité totale des facteurs » [5]. Cette dernière variable comprend des éléments disparates tels que le niveau technologique, l'efficacité des mécanismes du marché ou les caractéristiques climatiques d'un pays. Ces quantités évoluent au fil du temps, chacune ayant un taux d'accumulation et un taux de destruction qui lui est propre. Ensemble, ces quantités et leurs taux de changement déterminent à la fois le niveau de richesse attendu et le taux de croissance d'une économie. Les voies par lesquelles un conflit influence une économie peuvent être décrites en terme d'impact sur chacune de ces variables.

23 1. Le capital physique. — Les conflits violents engendrent la destruction ou le déplacement du capital physique, y compris les ponts, les bâtiments et les infrastructures de communication et du secteur de l'énergie. Cela abaisse les niveaux de vie d'une manière qui peut ne pas être enregistrée à cause du manque de sensibilité des outils de collecte de données concernant le PIB. De telles pertes des stocks de capitaux physiques ne figurent pas non plus dans la plupart des estimations économétriques des coûts des guerres. Les conflits produisent aussi une chute des investissements privés [1] : plutôt que de faire rentrer des capitaux à investir, la guerre tend à provoquer leur fuite (Collier, 1999). Une augmentation des taux d'intérêts, due à des niveaux croissants d'incertitude et à l'effet d'éviction causé par l'endettement public, risque aussi de réduire les niveaux d'investissement. L'ampleur de ces effets dépend de la gravité de la guerre, de sa durée (Collier, 1999) et de la proportion du pays touchée (Imai et Weinstein, 2000).

24 2. La population. — Les niveaux de population changent au cours des guerres. Ils baissent surtout, évidemment, en raison des morts au combat, mais il semble qu'adviennent plus de décès par le biais des famines, des maladies et de la destruction des services de santé à la suite des conflits. Stewart et al. (2001 a, 71) enregistrent qu'entre 1960 et 1995 environ 18,5 millions de personnes sont mortes en raison de conflits internes, presque la moitié de ces décès survenant en Afrique, et plus de 80 % se produisant en général dans des pays à faible revenu [2]. Mais les conflits sont aussi susceptibles d'accroître les taux de fertilité [3]. Les implications de ces changements démographiques dus à la guerre sur les taux de croissance ne sont pas claires et ne font pas encore l'objet de recherches [4].

25 3. Le capital humain. — Une conséquence des conflits est la modification des savoir-faire et des compétences de la force de travail. Comme dans le cas du capital physique, les ressources humaines fuient le pays au cours des conflits, en migrant. Cela peut venir du fait que les travailleurs instruits possèdent plus de moyens pour quitter le pays. Ou bien cela peut être lié au fait qu'ils sont spécifiquement visés pour des raisons idéologiques (comme au Cambodge) ou tactiques (comme en Sierra Leone [1]). Durant les guerres, les écoles ferment et sont détruites, les étudiants et souvent les enseignants rejoignent la rébellion et les armées, réduisant par là l'investissement en capital humain [2]. Des pertes peuvent être liées aux problèmes sanitaires engendrés par la propagation des maladies, avec des effets à long terme. Une étude récente rapporte que « la charge supplémentaire de morts et de personnes invalides due, en 1999, aux effets indirects subsistant des guerres civiles des années 1991-1997 a été pratiquement équivalente à celle qui est arrivée directement et sur le moment par toutes les guerres en cours en 1999 » (Ghobarah et al., 2001).

26 4. Productivité totale des facteurs. — La conviction selon laquelle la guerre déclenche des innovations technologiques bénéficiant généralement à l'économie a longtemps persisté (Sombart, 1913). Et il existe effectivement de nombreux exemples éloquents d'innovations survenant au cours de guerres, ou faisant partie de programmes de défense, qui vont des améliorations apportées au travail des métaux jusqu'au développement d'Internet [3]. Cependant, alors que ces changements technologiques étaient liés à des innovations réalisées par des pays leaders sur le plan économique, les guerres civiles contemporaines se livrent largement dans des pays pauvres, loin des frontières de la technologie. Pour ces pays, l'adoption de technologie militaire est plus efficace que l'innovation. Dès lors, ils se retrouvent avec des stocks de Kalashnikovs et non pas avec la technologie ou les compétences pour les fabriquer.

27 Les conflits interrompent également la production et le commerce par le biais de la distorsion des échanges. Les guerres bloquent la liberté de mouvement. Les populations deviennent moins productives lorsqu'elles sont déplacées ou incapables de se rendre sur leur lieu de travail à cause des mines terrestres et d'autres menaces. Les perspectives de pillage ont des implications sur la production économique fort semblables à celles de la fiscalité ; les réponses au pillage, telles que la limitation des déplacements, la fermeture des marchés ou l'imposition de couvre-feux, frappent la production et les échanges. Pour accorder des faveurs à leurs partenaires économiques, les gouvernements ou les groupes rebelles créent souvent des monopoles (Reno, 2000 b ; Mwanasali, 2001). Ils contrôlent l'utilisation des voies d'échange pour soutenir ces monopoles ou, lors des guerres sécessionnistes, pour essayer d'atteindre l'autarcie. Les échanges requièrent aussi une atmosphère de confiance et des institutions sociales qui, pour beaucoup, peuvent être détruites par un conflit violent (Azam et al., 1994).

28 Il existe ainsi tout un ensemble de biais par lesquels un conflit peut affecter l'économie. Quel que soit le biais, une difficulté pour les chercheurs réside dans le fait que, pour pouvoir évaluer les coûts d'une guerre, il faut pouvoir estimer correctement comment l'économie aurait fonctionné en l'absence de celle-ci [1]. Les modèles économétriques conviennent pourtant bien à la résolution de ce problème (de Melo et al, 1996 ; Collier, 1999 ; Murdoch et Sandler, 2001 ; Imai et Weinstein, 2000 ; Gyimah-Brempong et Corley, 2002). Ces modèles fournissent des estimations d'un sentier de croissance fondé sur les caractéristiques d'une économie, son histoire et les performances d'autres économies en situation de paix ou tourmentées par des conflits, en procédant à des ajustements pour tenir compte des différences qui existent entre elles. Les sentiers de croissance effectifs peuvent alors être comparés aux sentiers qui auraient été suivis s'il n'y avait pas eu de conflit. Cette approche montre qu'en moyenne, le taux de croissance des économies connaissant des conflits est de 1 à 2 % inférieur à ceux d'économies évoluant dans un contexte de paix [2]. Cependant, les approches économétriques tendent elles aussi à n'offrir qu'une comptabilisation très partielle de l'impact des guerres civiles. L'une des raisons clés de cette situation est qu'au lieu de mesurer les coûts globaux des conflits, les modèles économétriques de croissance prennent tels quels les montants du capital humain et de l'épargne ou des investissements, sans tenir compte du fait que ces montants sont eux-mêmes un résultat de la violence [1]. Ce faisant, ils sont incapables d'attribuer au conflit les coûts résultant des modifications des facteurs décrits ci-dessus.

Activités économiques des groupes rebelles

29 D'un bout à l'autre d'un conflit, il existe une considérable variation dans la manière de fonctionner des rebelles en tant qu'acteurs économiques. Ils agissent parfois comme des producteurs, peuvent fournir des biens publics ; souvent cependant, ils agissent comme des prédateurs. Une telle variation de leur comportement a des implications sur le bien-être économique des populations comme sur le cours du conflit.

30 Comment les rebelles se procurent-ils leurs moyens financiers ? — Des études récentes se penchent sur la capacité des groupes à contrôler les secteurs économiques lucratifs, afin d'expliquer si ces groupes peuvent lancer et entretenir une campagne de guerre.

31 L'attention des politiques s'est largement portée sur les richesses dérivées du contrôle des ressources naturelles de valeur telles que les drogues, le pétrole, le bois et les « diamants de la guerre ». Mais l'étude de cas indique que cette approche est trop restrictive : en fait les groupes rebelles dépendent aussi énormément des produits agricoles – tels que les noix de cajou, les mandarines, les noisettes ou les bananes – pour financer leurs campagnes (Evans, 2002 ; King, 2001 ; Clarke et Herbst, 1997). Ce genre de biens agricoles nécessite une production continue, souvent sur de vastes étendues de territoire, et ils ont des implications différentes sur les manières selon lesquelles les rebelles interagissent avec les économies locales et sur les réponses des politiques visant à stopper le financement des rebelles. Jusque-là cependant, le rôle des produits agricoles reste largement ignoré.

32 Une seconde source de financement est l'argent provenant de la diaspora. Des travaux économétriques ont identifié une relation entre la taille de la population émigrée d'un pays et sa propension à connaître des guerres civiles, d'où il a été déduit que les émigrants finançaient les conflits. Cette relation a parfois été employée pour conclure à la nécessité pour les pays riches de se doter de politiques d'immigration plus sévères. Aucune des conclusions n'est en réalité prouvée. Le lien entre migration et conflit peut provenir de nombreuses raisons n'ayant rien à voir avec le financement des rebelles. L'une peut être qu'il existe une large diaspora en raison de chocs que le pays aurait connus dans son passé tels que des conflits de moindre importance ou des sécheresses qui peuvent produire ou être le signe de ressentiments tenaces. De forts taux d'émigration peuvent également être le résultat de maigres possibilités d'emploi, et de taux élevés d'insatisfaction. D'une autre manière, des taux élevés d'immigration pourraient modifier les caractéristiques de la population restée sur place – créant probablement une masse exagérément faible d'« entrepreneurs » et plutôt élevée de personnes frustrées, livrées à leur triste sort. Tous ces effets pris séparément ou individuellement pourraient aboutir à la corrélation que nous avons observée entre la taille des populations émigrantes et le conflit, sans nous fournir pour autant une quelconque preuve que les émigrants financent habituellement les guerres ; et une fois de plus le choix de réponses politiques appropriées dépend du facteur en jeu. L'analyse statistique n'a pas encore permis d'établir de distinctions entre ceux-ci [1].

33 Une autre source de financement de l'activité des rebelles est l'appui financier fourni par de tierces parties. Curieusement, des travaux économétriques récents n'ont pas été en mesure de prouver l'étendue ou l'impact des financements résultant de la politique de la guerre froide ou de géopolitiques locales [2]. Cela est particulièrement surprenant dans la mesure où les guerres civiles étudiées dans ces travaux avaient lieu en majorité durant cette période et qu'il existe de nombreux cas bien documentés de financement de groupes rebelles par les forces de la guerre froide (tel que le soutien financier des États-Unis à l'UNITA ou de l'URSS au MPLA [3]), par les principales puissances locales (telle que l'Afrique du Sud finançant le RENAMO) ou par des sympathisants religieux.

34 Une dernière source de financement est celle des transferts volontaires (notamment les « cotisations ») et les transferts non volontaires (notamment les pillages) provenant des populations civiles. De tels transferts peuvent déterminer la viabilité d'une organisation rebelle, et peuvent conditionner ses besoins en argent liquide provenant d'autres sources externes. La forme que prennent ces transferts a des implications sur les relations entre les groupes rebelles et les populations civiles, avec des conséquences à la fois militaires et humanitaires. À vrai dire, dans les meilleures conditions, le matériel nécessaire pour soutenir une rébellion peut être vraiment réduit. Les armes légères peuvent être réellement bon marché – parfois aussi peu chères que 15 $ pour un AK-47 (Boutwell et Klare, 2000). Et la situation est la même en ce qui concerne la main-d'œuvre. Dans les cas où il existe un appui local pour les actions des groupes rebelles, comme pour le cas des rebelles tchétchènes et de l'IRA, des personnes ayant un emploi régulier peuvent servir la guérilla « à temps partiel ». Cependant, comme la plupart des travaux économétriques dépendent de données macroéconomiques, ils ne peuvent pas prendre en compte d'information relative à ces échanges. Rassembler des informations comparables internationalement concernant les formes de relations financières entre les groupes rebelles et les populations civiles devrait devenir une priorité de la recherche.

35 Les rebelles en tant qu'agents économiques. — Les études de cas décrivant des ravages économiques provoqués par les groupes qui combattent sont légion ; en revanche l'engagement des rebelles dans la production économique est moins souvent étudié. Dans certaines circonstances, en agissant comme fournisseurs de services et comme organisateurs de l'activité économique, les groupes rebelles peuvent agir comme des États de substitution, souligner le manque de pertinence des gouvernements et se créer ainsi des appuis parmi les populations civiles. L'EPLF aurait fourni, dit-on, des services médicaux, vétérinaires et judiciaires en Érythrée [1], et les rebelles maoïstes, des services bancaires et des tribunaux au Népal. L'ampleur avec laquelle les groupes rebelles fournissent des services varie considérablement. Alors qu'à certains endroits les groupes imitent les États en tant que fournisseurs de services, dans d'autres ils les imitent dans leurs actes de prédation. Cette variation a probablement des implications sur les formes de violence, sur la durabilité de la guerre et sur les choix des processus de paix. Les études spécialisées ne se sont pourtant pas encore concentrées sur l'explication, ni même sur la mesure de cette variation.

Les entreprises internationales au cours des guerres

36 Les entreprises internationales qui fonctionnent en situation de conflit, particulièrement celles travaillant dans l'extraction de ressources naturelles, risquent d'être amenées à effectuer des choix stratégiques qui affecteront les groupes qui combattent. Si les entreprises contrôlent des stocks de biens susceptibles d'être pillés, alors elles peuvent être les cibles des conflits et avoir à choisir entre se préoccuper de leur propre sécurité, par l'engagement de groupes de mercenaires ou, au moins tacitement, avoir à négocier avec l'une ou l'autre des parties en guerre. Ces situations soulèvent des questions auxquelles il est difficile de répondre : les entreprises peuvent-elles fonctionner au cours des conflits sans aggraver les choses ? Leur présence affecte-t-elle le type ou les niveaux de violence déployée, ou les chances pour l'une ou l'autre des parties de l'emporter ? Est-ce qu'elle facilite les flux financiers ou les flux d'armes vers les groupes en guerre, ou est-ce qu'elle affecte la manière selon l'économie réagit à un conflit ? Malgré l'importance de ces questions au niveau politique, elles demeurent largement ignorées, en particulier par ceux qui effectuent des recherches économétriques [1].

Actions de la communauté internationale

37 Aide. — Les agences d'aide se voient accusées d'empirer la situation des régions en guerre. Par les activités qu'elles mènent au cours des conflits, elles deviennent des agents de l'économie de guerre. Afin d'apporter des secours aux zones prioritaires, elles peuvent avoir à décider soit de payer un droit de passage aux barrages routiers des rebelles, soit de rechercher des solutions plus coûteuses. En Sierra Leone, nombreuses sont celles qui ont choisi de payer les rebelles [2]. Ailleurs, les agences d'aide engagent des groupes armés pour assurer leur protection et fournissent les biens susceptibles d'être pillés pour lesquels les groupes se battent [3]. De plus, en entretenant des camps de réfugiés, elles peuvent fournir les ressources matérielles qui passent ensuite aux mains des groupes qui combattent ou elles peuvent leur offrir la sécurité nécessaire pour se rassembler.

38 Le problème peut même aller plus loin. Edward Luttwak (1999), par exemple, affirme qu'après tout, dans la mesure où l'aide humanitaire a pour objectif attendu de donner les moyens de survivre, elle peut conduire à la perpétuation du conflit. Et à vrai dire, l'augmentation, au fil des années, de l'activité humanitaire s'est accompagnée d'une augmentation de la durée des guerres [4]. Cependant, la relation de causalité vaut probablement dans les deux sens. Et on ne peut pas pour autant en déduire, comme les parties en guerre et parfois les spécialistes le suggèrent, que la famine ou le massacre de l'une des parties soit un prix acceptable ou nécessaire à payer pour obtenir la paix.

39 D'autres arguments économiques associent l'aide à une prolongation des conflits : quand elle est principalement centrée sur l'importation et la distribution d'alimentation, l'aide peut créer des enclaves économiques qui empêchent la création de liens économiques favorables à la résolution des conflits [1].

40 Alors que ce débat, sur le fait de savoir si l'aide cause ou non plus de mal que de bien, est moralement complexe, nous voici encore une fois devant un domaine qui, jusqu'ici, a peu fait l'objet d'études systématiques.

41 Sanctions. — Elles constituent une arme économique qui peut être employée par la communauté internationale pour contraindre des gouvernements étrangers à changer de politique et pour tarir le financement parvenant aux groupes rebelles. Jusqu'à maintenant cependant, la plupart des tentatives de coercition effectuées par le biais de sanctions se sont soldées par un échec [2]. Si les groupes fonctionnent grâce à la vente de marchandises illégales (telle que la drogue) afin d'acheter illégalement des marchandises (telles que des armes), la mise en place de sanctions risque fort d'être inadéquate. Même dans le cas où les marchandises ne sont pas interdites, la possibilité de passer par des États voisins peut sérieusement réduire l'impact des sanctions. Les tentatives de limitation des exportations de diamants de Sierra Leone ont été sérieusement contrecarrées par la possibilité qu'avaient les trafiquants de passer par le Liberia, la Gambie et la Côte-d'Ivoire [3]. Même lorsque les sanctions ont un impact réel, ce ne sont pas uniquement les cibles visées qui en subissent les conséquences (Weiss, 1999) : elles provoquent souvent la mort d'un grand nombre de personnes au sein de la population civile (Mack et Khan, 2000). Elles ont des implications en matière de distribution, en gênant les producteurs de biens d'exportation et en profitant aux producteurs de marchandises de substitution aux importations ; en protégeant les monopoles nationaux et en limitant les circuits de distribution, les sanctions peuvent accroître les occasions de corruption. C'était sans doute le cas en Haïti (Gibbons, 1999) et en ex-Yougoslavie [1]. Et si la logique qui sous-tend les sanctions est qu'elles agissent en infligeant aux civils une souffrance qui les poussera à faire pression sur leurs dirigeants, alors elles semblent particulièrement inadaptées aux contextes de guerre, dans lesquels la notion de responsabilité est spécialement fragile.

42 L'aide militaire. — Un second domaine grâce auquel la communauté internationale peut directement agir pour décourager les rebelles ou transformer le potentiel militaire des groupes qui combattent est celui de la production et de la distribution d'armes. Alors que la plupart des études récentes ont porté sur les marchandises produites dans les pays en guerre, généralement en relation avec la consommation dans les pays riches, les armes utilisées pour tuer sont largement produites dans, et vendues par les pays les plus riches ; souvent, d'ailleurs, avec l'appui de leurs gouvernements [2].

43 L'aide militaire – souvent classée dans l'aide au développement – est systématiquement employée, et avec un certain succès, pour modifier la politique des gouvernements étrangers, et elle a souvent servi à soutenir l'une ou l'autre des parties belligérantes lors des guerres civiles [3]. Mais jusqu'à maintenant, les preuves sont rares qu'elle ait permis d'instaurer la paix ; à vrai dire, les données économétriques suggèrent que quand l'aide militaire augmente, le niveau ultérieur du conflit augmentera [4]. L'une des raisons est que cette aide, en fournissant les moyens d'une plus grande violence, peut exacerber les tensions plutôt que réduire l'asymétrie des forces en présence ; dans certains cas, en réalité, elle peut provoquer une augmentation de l'aide apportée à l'autre partie par des donateurs rivaux. Une autre raison tient au fait que l'aide militaire obéit à des préoccupations économiques et sécuritaires du pays donateur plutôt qu'aux besoins des citoyens des pays bénéficiaires. Une étude montre qu'historiquement, ces motivations ont rarement été humanitaires [1]. En outre, même si le fait de fournir de l'aide rapproche les parties alliées, cela ne constitue pas une garantie d'influence. Des études économétriques suggèrent en fait que l'aide militaire influence plus efficacement les politiques étrangères que les politiques intérieures, et qu'elle a davantage d'impact sur les administrations civiles – conditions qu'on rencontre rarement dans les situations de conflit interne (Sislin, 1994). La question complémentaire, qui concerne les trafics d'armes, a été ignorée par les travaux quantitatifs qui étudient le démarrage des conflits civils.

Durée et fin de la guerre

44 Financement des rebelles et durée des conflits. — Les caractéristiques économiques d'un pays aident à expliquer la durée des guerres. Des études ont trouvé par exemple que les guerres durent plus longtemps dans les pays les plus pauvres que dans les plus riches (Fearon, 2002 ; Collier et al, 2001), bien que les raisons n'en soient pas claires. La recherche a porté, en particulier, sur les implications des sources de financement dans la durée des guerres. Deux approches essaient d'établir un lien entre le financement et la durée. Les deux sont problématiques.

45 L'une des approches insiste sur les implications militaires du financement, soutenant que l'aide ou les fonds provenant des ressources naturelles prolongent les guerres en permettant aux groupes rebelles de poursuivre le combat. Cependant, la probabilité d'une victoire militaire ne dépend pas seulement de la quantité de biens dont disposent les rebelles, mais aussi de la force relative des groupes belligérants. Dès lors, si les groupes rebelles ont le dessus, réduire leurs ressources peut réduire les chances d'une victoire décisive. On s'attendrait alors à ce que de plus grands moyens financiers octroyés à un groupe donné rendent la fin du conflit plus difficile à atteindre seulement si ce groupe était plus faible à l'origine ; mais, jusqu'à présent, les études économétriques concernant la durée ne prennent pas en compte les forces militaires relatives des différents groupes belligérants.

46 Une seconde approche affirme que les groupes qui tirent profit de la situation de conflit peuvent préférer combattre plutôt que gagner (Keen, 2000 ; Collier, 2000 c). Cependant, pour réussir à convaincre de l'idée que les bénéfices tirés d'une situation de guerre en expliquent sa durée, cette approche ne doit pas seulement montrer que des personnes bénéficient à titre individuel du conflit, mais qu'ils en bénéficient plus qu'ils n'en bénéficieraient en temps de paix. Pour ce faire, elle doit résoudre un paradoxe étudié par des économistes qui mettent l'accent sur les gains matériels plutôt que psychologiques ou politiques : puisque (en admettant que la guerre provoque des dommages) chaque gain matériel apporté par le conflit à l'une ou l'autre des parties pourrait être obtenu plus efficacement à travers un processus de paix, alors il existe toujours un mécanisme alternatif d'instauration de la paix qui pourrait, en principe, laisser chacun dans une meilleure situation. La logique de cet argument devrait pousser les partisans de l'approche fondée sur les aspects économiques à démontrer non pas simplement que les gens font mieux hors situation de guerre, mais qu'il existe des facteurs qui empêchent ces parties en présence de faire aussi bien sinon mieux en temps de paix.

47 Pourquoi, alors, ne peut-on mettre en place des processus de paix qui laisseraient les groupes rebelles dans une situation au moins aussi bonne que s'ils étaient en train de combattre ? Un obstacle est que les groupes ne sont pas capables de garantir qu'il respecteront l'accord après l'avoir conclu (Collier, 2000 b, 104). Les forces respectives des protagonistes peuvent être très différentes en temps de paix et en temps de guerre. Si ceux qui sont puissants en temps de paix ne peuvent garantir à ceux qui tirent profit des conflits qu'ils respecteront les accords de paix, alors les combattants ont intérêt à compter sur les profits de la situation de guerre. Ce problème peut partiellement être surmonté en chargeant de tierces parties de superviser l'application des accords ou en garantissant aux protagonistes des fonctions au sein des institutions d'État. Le problème peut, cependant, s'avérer plus ardu, si la compensation nécessite la poursuite en temps de paix d'activités illégales que les protagonistes menaient en temps de guerre. Ceci, semble-t-il, est ce qui conduit à la relation particulière qui existe entre les activités économiques illégales, le trafic de drogue en particulier, et la prolongation des conflits. Cette distinction est confirmée empiriquement : alors que, selon certains auteurs, la présence de ressources naturelles, au sens large, n'a pas d'influence sur la durée du conflit (Collier et al, 2001), les pays qui exportent des marchandises de contrebande connaissent bien des guerres en moyenne plus longues (Fearon, 2002). Dans ces circonstances, à moins que les États ne veuillent fermer les yeux sur le commerce illégal effectué par des protagonistes du conflit, la paix est difficile à instaurer. Faute de formes alternatives de compensation, la paix dans de tels conflits relève plus de la victoire que de la négociation.

III. CONCLUSIONS

48 Les études quantitatives concernant les relations entre économie et conflit en sont encore à leurs débuts. Bien des domaines restent ignorés ou partiellement explorés ; et les tâches que les chercheurs se sont fixées ne correspondent pas toujours aux questions qui préoccupent les hommes politiques. Des recherches récentes fournissent cependant des orientations pour les choix politiques, et notamment :

49

  • Les politiques de développement doivent prendre les conflits au sérieux. Malgré les preuves de liens importants, des projets de développement clés, tels que les objectifs de développement du millénaire des Nations unies, ne mettent toujours pas explicitement l'accent sur les risques et les effets des conflits.
  • Les plus grands profits en matière de prévention des conflits proviendraient davantage d'efforts de développement centrés sur les pays les plus pauvres plutôt que sur les pays à richesse intermédiaire.
  • Les politiques devraient s'attaquer à l'inégalité horizontale. Les possibilités d'action comprennent l'élargissement de l'accès à l'éducation, les programmes d'intégration régionale, les mesures de rattrapage et les systèmes politiques qui offrent des garanties institutionnelles de représentation politique plus large à la base.
  • Les bailleurs de fonds devraient, dans la mesure du possible, poursuivre la mise en œuvre de programmes de développement dans les zones où se déroulent des conflits au lieu de se concentrer simplement sur les secours humanitaires. Les services sanitaires et sociaux requièrent une assistance particulière.
  • Mais les projets d'assistance et de secours doivent prendre en compte leur impact sur la dynamique des conflits. Leur engagement peut contraindre les agences d'aide à établir des critères leur permettant de décider le camp dont elles souhaitent la victoire.

50 Ce bilan a également souligné de nombreux domaines dans lesquels la recherche n'est pas encore assez avancée pour guider les politiques. Souvent, la recherche a découvert des corrélations entre des variables intéressantes, mais n'a pas encore testé les mécanismes alternatifs qui pourraient sous-tendre ces corrélations. Cela limite l'utilité de telles recherches pour la conception de politiques dans la mesure où les choix politiques doivent répondre à des mécanismes qui expliquent les résultats plutôt qu'à des corrélations statistiques. On peut retenir six champs possibles pour l'étude comparative des guerres civiles contemporaines. Dans chaque cas le domaine de recherche relie des résultats de travaux qualitatifs à des résultats de travaux quantitatifs ou bien il indique des domaines où les approches en matière d'étude des guerres internationales peuvent enrichir l'étude quantitative des guerres civiles.

51

  • Des corrélations aux mécanismes. Les recherches économétriques se sont davantage concentrées sur les corrélations que sur les mécanismes. Les travaux qualitatifs peuvent aider à affiner les modèles économétriques permettant de distinguer entre mécanismes rivaux qui pourraient sous-tendre les liens entre ressources et conflit, richesses et conflit, et population émigrante et conflit.
  • Inégalités. Pour faire face aux désaccords entre les recherches fondées sur des études de cas et les travaux économétriques sur le rôle des inégalités dans le démarrage des conflits, il faut disposer d'une mesure de « l'inégalité horizontale » comparable entre pays.
  • Commerce intérieur. Le commerce international réduit les risques de conflit. Les recherches économétriques n'ont pas encore porté leurs efforts sur le fait que cela peut être également vrai pour le commerce intérieur. étudier cette question nécessitera des mesures de l'intensité des échanges nationaux comparables d'un pays à l'autre.
  • Coûts des conflits. Les conflits imposent des coûts à l'économie par de multiples canaux, mais la recherche n'a pas encore réussi à enregistrer tous leurs effets simultanés. Une meilleure comptabilisation nécessite l'estimation de la destruction du capital humain et physique, des changements intervenus en matière de niveaux d'investissement, de scolarisation, d'innovation technologique et d'interruption des marchés.
  • Relations combattants-civils. Dans certains cas, les rebelles agissent comme fournisseurs locaux de services. Dans d'autres ils sont surtout engagés dans des activités d'extraction. Cette variation a un effet sur les coûts sociaux des conflits, les besoins financiers des combattants et la résolution des conflits ; pourtant, les comparaisons entre pays ne se sont pas attachées à l'expliquer.
  • Le rôle des entreprises. Les études qualitatives ont étudié l'impact des activités des entreprises en zones de guerre sur la forme et la durée des conflits, souvent dans le contexte de conflits isolés. Jusqu'ici cependant, le rôle des entreprises a été largement ignoré des travaux économétriques – une situation qui doit changer.

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Date de mise en ligne : 01/01/2012

https://doi.org/10.3917/rtm.174.0269

Notes

  • [*]
    Université d'Harvard.
  • [1]
    Ce chapitre est une version très condensée d'un document accessible sur Internet : « Economics and Violent Conflict » (Économie et conflit violent) sur le site www.preventconflict.org/portal/economics. Je souhaite remercier spécialement Martin Evans, James Fearon, David Hecht, Stephen Humphreys, Andrew Mack et Michael Ross pour leurs commentaires détaillés et leurs conseils.
  • [1]
    Par exemple par le programme Ethnicity, Insurgency and Civil Wars (Ethnicité, insurrection et guerres civiles) à l'université de Stanford, le Program on Human Security (Programme sur la sécurité humaine) à Harvard, et le State Failure Task Force (Groupe de travail sur l'échec de l'État) sponsorisé par le gouvernement des États-Unis. Voir également les travaux du Groupe PRIO à Oslo. Pour une analyse de la plupart de ces textes économétriques, voir Sambanis (2001).
  • [1]
    Certains chercheurs suggèrent que si la croissance économique mène à une augmentation de la valeur des biens au sein d'une économie, elle peut également stimuler l'utilisation de la violence pour sécuriser ces biens, au moins lorsque les États sont faibles. Cela signifie que violence et prospérité marchent main dans la main (Bates, 2001).
  • [2]
    Il existe cependant des raisons d'être prudent dans l'interprétation de ces résultats. L'une est que ce résultat économétrique emploie de manière caractéristique des données cumulées et, en tant que telle, elle mesure la richesse de l'économie dans sa globalité plutôt que, par exemple, le nombre ou la concentration de personnes pauvres au sein des pays. Une autre raison tient au fait que, les chances étant moindres d'avoir des données dans le cas de pays en conflit, l'effet de la richesse sur les conflits pourrait être sous-estimé.
  • [1]
    J'utilise le modèle Collier-Hoeffler (2002 a) pour évaluer la probabilité de déclenchement d'une guerre civile en fonction du revenu avec toutes les autres variables gardées constantes sur leur niveau moyen. Les données et le modèle employés sont accessibles sur le site web d'Anke Hoeffler : http:// users.ox.ac.uk/~ball0144/coll@hoe.zip.
  • [1]
    Consulter aussi Auvinen et Nafziger (1999). Ils voient une relation positive entre inégalités et « secours humanitaires complexes », bien que cette relation soit inversée pour les modèles à effets fixes et à effets aléatoires.
  • [2]
    Une raison technique est que les erreurs de mesure des variables explicatives rendent difficile la découverte de relations notoires entre les variables. De plus, parmi les variables économiques, les données concernant les indices d'inégalités entre les revenus sont mesurées avec un taux d'erreurs particulièrement élevé (Cramer, 2001) ; il faut donc s'attendre à ce que la relation soit sous-estimée. À cela s'ajoute la faible probabilité d'obtenir des données relatives aux inégalités dans les pays où ont lieu des guerres civiles, ce qui mène à une sous-estimation des effets des inégalités.
  • [3]
    Stewart et al. (2001 a) ; Klugman (1999).
  • [1]
    Fearon et Laitin (1999) cependant, avec les mêmes données, ne trouvent qu'une maigre preuve de l'existence d'un lien entre inégalités horizontales et conflit – à cause, disent-ils, de la multicolinéarité et de mesures de qualité médiocre.
  • [2]
    Voir, en particulier, Collier et Hoeffler (2000 a, 2002 a, et 2002 b). Il est important de constater que bien que les débats se concentrent sur les ressources naturelles, bien des travaux économétriques utilisent en fait des données sur les exportations de produits de base, y compris sur la réexportation de produits de base produits ailleurs.
  • [3]
    Collier (2000 a) écrit par exemple que « le sens des griefs peut être fondé sur des raisons objectives de se plaindre, ou peut surgir d'une manipulation de préjugés. Cependant, même si cette distinction est moralement intéressante pour les observateurs – la cause est-elle juste ? – elle ne présente aucune importance pratique » (c'est l'auteur qui souligne).
  • [1]
    Pour des explications plus précises de certains de ces mécanismes, voir Ross (2002 b).
  • [2]
    Cette interprétation dans laquelle les ressources fournissent des « possibilités » (plutôt qu'une motivation) est en effet une interprétation plus « douce » du résultat qui est parfois proposé par Collier et Hoeffler.
  • [3]
    De tels raisonnements ont été élaborés pour les cas du Biafra, du Katanga, du Cabinda, de la Casamance, de Bougainville et du Sud-Soudan.
  • [4]
    Cela pourrait découler par exemple de l'hypothèse de la courbe de Kuznets, qui prévoit une inégalité passagère résultant simplement du fait que différents secteurs d'une économie se développent à des rythmes différents.
  • [5]
    Consulter Moore (2001) sur le rôle du « revenu d'État non mérité », Sørli (2002), Fearon et Laitin (2003) sur la relation entre pétrole et État « rentier ».
  • [1]
    Les remarques de Snyder devraient inciter les chercheurs en économétrie à étudier les interactions existant entre les ressources, les richesses et la force des États.
  • [1]
    Voir Walton et Seddon (1994), Woodroffe et Ellis-Jones (2000).
  • [2]
    Voir Woodward (1996) sur le cas de l'ex-Yougoslavie.
  • [3]
    Voir par exemple Davoodi et al. (2001).
  • [4]
    Collier et Hoeffler (2000 b) utilisent la mesure d'une politique qui est une combinaison de choix politiques et de résultats macro-économiques. La mesure ne permet pas de savoir si les politiques ont été adoptées en tant que parties intégrantes d'un programme contenant des conditionnalités de prêts ou si elles reflètent simplement les choix politiques du pays.
  • [5]
    Institut de recherche internationale sur le développement économique mondial. Ce travail est entrepris conjointement par l'Université des Nations Unies et la Queen Elisabeth House.
  • [1]
    Voir Nafziger et al. (2000), Klugman (1999) ; Auvinen et Nafziger (1999), qui n'ont identifié aucun effet provenant d'une variable nominale indiquant la présence d'un PAS de la Banque mondiale ; ils ont trouvé cependant que des niveaux élevés d'assistance fournie par le FMI étaient associés négativement à des secours humanitaires.
  • [2]
    Consulter l'exposé annuel de WIDER (2001) sur les « inégalités horizontales », par Frances Stewart. Étant donné la place centrale prise par les droits fonciers dans un ensemble de guerres civiles, les études ont mis l'accent sur les politiques qui réduisent les inégalités foncières. Voir Klugman (1999).
  • [3]
    Voir l'étude de Temple (1999).
  • [4]
    Le « capital humain », globalement, est censé enregistrer la productivité des travailleurs et comprend au moins les niveaux d'éducation et de santé.
  • [5]
    Cette formulation est représentée dans la littérature empirique par les travaux de Mankiw, Romer et Weil (1992).
  • [1]
    Knight et al. (1996) ; Imai et Weinstein (2000).
  • [2]
    Leurs chiffres comprennent les morts des guerres Iran-Iraq et du Vietnam.
  • [3]
    Voir OMS 2000. Cela peut en partie provenir d'une chute de l'espérance de vie des enfants – il est très courant de constater, pour une espérance de vie moindre, de plus forts taux de natalité et souvent de nettes augmentations de la taille de la population.
  • [4]
    Les prévisions théoriques ne sont pas claires à ce niveau. En fonction d'un niveau donné de capital, une baisse de main-d'œuvre conduira à une augmentation à court terme de la productivité des travailleurs. D'un autre côté, une élévation du taux de fertilité peut réduire le rapport actifs/dépendants et faire baisser le revenu per capita.
  • [1]
    Keen (2001, p. 161).
  • [2]
    Cependant les guerres peuvent aussi apparaître dans des pays où les niveaux de scolarisation sont faibles, mais en hausse. Dans ce cas, les guerres ralentissent le taux de croissance du capital humain plutôt que de causer sa chute. Pour comprendre l'ampleur des effets des conflits, nous devons évaluer les niveaux d'inscription qui existeraient en l'absence de guerre. Les chercheurs n'ont pas insisté sur la mise au point de telles mesures. Voir Stewart et al. (2001 a, p. 90) pour les tendances enregistrées.
  • [3]
    Voir Mokyr (1992, p. 183-186).
  • [1]
    De nombreuses études ignorent le problème des contre-exemples et ne font qu'enregistrer les changements économiques ayant lieu durant les conflits. Il existe par exemple de nombreuses tentatives minutieuses de calcul des coûts pour une seule économie (voir par exemple Amirahmadi, 1990, et l'ensemble des études de Stewart et al, 2001 b), ainsi que les études qui comparent les performances d'économies en zone de guerre avec celles de leurs voisines (par exemple Stewart et al., 2001 a). Cette dernière approche exagère l'ampleur avec laquelle les voisins sont semblables, mais de plus, ne parvient pas à mettre en évidence les impacts économiques des guerres sur les pays voisins. Une approche innovante récente a employé des données de régions voisines au sein de l'Espagne pour produire une région « basque » de synthèse dont les performances économiques, estimées sous la forme d'une moyenne des performances des autres régions, peut ainsi être comparée à ses performances actuelles (Abadie et Gardeazabal, 2001).
  • [2]
    Voir Imai, Weinstein (2000) et Collier (1999). Pour une analyse de textes envisageant les conflits au sein des nouvelles approches de la croissance, voir Gyimah-Brempong et Corley (2002).
  • [1]
    C'est ce qui est fait par exemple dans Murdoch et Sandler (2001), Collier (1999).
  • [1]
    Pour des travaux qualitatifs antérieurs voir Angoustures et Pascal (1996).
  • [2]
    Ce sont également des relations difficiles à tester. Collier et Hoeffler (2002 b) emploient une variable nominale pour la guerre froide ; ceci cependant ne permet pas de tester la relation entre les liens existant entre les États et les gouvernements étrangers et la probabilité d'une guerre.
  • [3]
    Voir Stockwell (1978).
  • [1]
    Voir Pool (1998).
  • [1]
    Pour une étude non économétrique, orientée sur les questions politiques, du rôle des entreprises dans un conflit, voir Haufler (2001).
  • [2]
    Interviews avec des agences d'aide en Sierra Leone, avril 1996.
  • [3]
    Voir Compagnon (1998), Rufin (1995) et de Waal et Omar (1993).
  • [4]
    Fearon (2002).
  • [1]
    Richards (1996) affirme que, de façon tout à fait plausible, ce mécanisme était à l'œuvre dans le cas de la Sierra Leone.
  • [2]
    Hufbauer et al. (1990) ont trouvé que les deux tiers des 115 cas de sanctions imposées entre la Première Guerre mondiale et l'année 1990 n'ont même pas obtenu ne serait-ce qu'un succès partiel. Voir également Mack et Khan (2000).
  • [3]
    Davies et Fofana (2002).
  • [1]
    Voir par exemple BBC, 10 juillet 2000, « Échec des sanctions contre la Yougoslavie ».
  • [2]
    Bien que les pays en développement soient également des fournisseurs d'armes, voir Brzoska et al (1986).
  • [3]
    Ainsi, pour donner un exemple récent, les États-Unis ont annoncé en 2002 leur soutien à hauteur de 98 millions de US$ pour aider une brigade armée colombienne protégeant des pipelines de pétrole qui fournissent la société Occidental Petroleum, basée en Californie.
  • [4]
    Les travaux économétriques de Sylvan (1976) suggèrent que de fortes augmentations de l'aide militaire sont associées à une élévation des conflits internationaux après un laps de temps de deux ans. Il est néanmoins plausible qu'une telle augmentation ait lieu par anticipation de conflits futurs, auquel cas le lien de causalité pourrait être en partie inversé.
  • [1]
    Schoultz déclare par exemple que « l'aide des États-Unis a eu tendance à se répandre de manière disproportionnée vers les régions qui sont parmi les plus grandes violatrices des droits de l'homme » (cité dans Blanton, 2000).

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