Vieillesses et vieillissements, regards sociologiques Cornelia Hummel, Isabelle Mallon, Vincent Caradec (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2014, 403 p. (coll. Le sens social)
1 Cet ouvrage rassemble, au travers de plus de 30 contributions, les outils conceptuels et méthodologiques d’une sociologie francophone de la vieillesse et des vieillissements qui « peine à naître » selon les dirigeants de ces travaux. En effet, les recherches sociologiques sur la vieillesse, issues de tensions entre les définitions sociales et biologiques du vieillissement, côtoient la « recherche-action » que constitue la gérontologie. Elles sont aussi accaparées par les déterminismes économiques, les questions de politiques publiques de santé, les questions financières et sociales, la sociologie du travail. En dépit du poids des baby-boomers, elles ont du mal à constituer leur champ. Véritable instrument de connaissance et d’ouverture, ce livre, qui se présente comme un manuel de sociologie, se démarque des approches sociales et scientifiques qui d’ordinaire traitent du sujet en termes de défi ou de fardeau.
2 Ce manuel est composé de trois parties qui s’interpellent et se répondent. La première est consacrée à la construction sociale de la vieillesse comme un âge de la vie et au poids des politiques publiques. La seconde partie traite des diversités de la vieillesse (âges, dépendance), de ses déterminants sociaux (genre, culture, contexte national ou local) et de leur entrecroisement avec les trajectoires individuelles (profession, résidence, famille) durant le parcours de vie. La troisième partie, enfin, relate les expériences du vieillissement et le sens qui leur est donné lors de certaines épreuves survenant au cours de la vieillesse (veuvage, entrée et vie en institution, arrivée de la solitude).
3 Le souci des auteurs est de déconstruire les représentations « repoussoir » de la vieillesse et de faire prévaloir la diversité des états individuels du vieillissement, représentatifs d’inégalités cumulatives dispersées au long des parcours de vie, en respectant la spécificité de chaque démarche disciplinaire.
Handicap et perte d’autonomie : des défis pour la recherche en sciences sociales Jean-François Ravaud, Claude Martin, Florence Weber, Rennes, Presses de l’EHESP, 2014, 167 p.
4 Le handicap, enjeu sociétal et de santé, est un des axes stratégiques de la recherche en France. Visant à compléter la recherche biomédicale ou technologique, l’École des hautes études en santé publique, avec la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie, s’est engagée dans un projet fédérateur à travers la MSSH (Maison des sciences sociales du handicap) créée en 2011. Celle-ci a pour objectif de dynamiser les échanges scientifiques, interdisciplinaires et internationaux. Ses axes prioritaires sont construits autour de trois chaires. Ce livre rassemble les leçons inaugurales de ces trois chaires données en 2012 au Collège de France.
5 Les trois chaires ont trois orientations distinctes : « Participation sociale et situation du handicap », « Lien social et santé - Social care », et enfin « Handicap psychique et décision pour autrui ». Elles sont respectivement dirigées par Jean-François Ravaud (directeur de recherche ; Inserm), Claude Martin (directeur de recherche, CNRS) et Florence Weber (professeur des universités, ENS).
6 Outre leur complémentarité institutionnelle (Inserm, CNRS, ENS), ces chaires ont vocation à s’enrichir mutuellement. Elles recouvrent des approches disciplinaires variées et combinent méthodes qualitatives et quantitatives. Sur le plan du niveau d’analyse, elles s’intéressent aux politiques menées, aux personnes concernées ou à leurs aidants. Sur le plan des populations ciblées, elles se préoccupent des personnes âgées dépendantes comme des handicapés psychiques et cognitifs ou des handicapés moteurs et sensoriels.
7 Les objectifs des chaires visent le croisement de données de santé, de données fonctionnelles et de données sociales à des fins de comparaisons internationales et d’animation scientifique internationale. Enfin, la formation des professionnels, le dialogue entre sciences sociales, psychiatriques et sciences cognitives sont également des priorités.
Le suicide des personnes âgées. Clinique, prévention, prise en charge Marguerite Charazac-Brunel, Toulouse, Érès, 2014, 270 p. (coll. L’âge et la vie)
8 Alertés sur les suicides des personnes âgées qui représentent en France près d’1/3 des suicides, les pouvoirs publics ont projeté en 2013 d’optimiser les mesures de prévention. L’auteur nous livre ici son regard de psychoclinicienne. Elle désire encourager l’expression de l’intériorité psychique de chaque individu tout au long de la chaîne intergénérationnelle, la contagion suicidaire pouvant toucher la famille de la personne âgée.
9 Le livre est organisé en sept chapitres, certains étant réservés aux cas de suicide de couples, de personnes démentes, ou aux suicides liés à la violence. L’analyse illustrée de récits de vie issus de l’expérience clinique de l’auteur s’articule autour de deux grands axes : les facteurs de risque et la prévention.
10 Les facteurs de risque sont événementiels (deuil, entrée en Ehpad, survenance de difficultés économiques), pathologiques (prolongement d’une dépression) ou existentiels dans la mesure où la vieillesse s’associe à la solitude et à la représentation effrayante de la mort. La réalisation même du suicide peut prendre la forme de conduites à risque (alcoolisme, anorexie).
11 La prévention consiste à entourer le sujet âgé de soins portant sur le clivage fréquent entre son comportement et son psychisme, ainsi que sur ses possibilités d’expression. La position des aidants – famille, bénévoles et soignants – se situe entre neutralité et empathie. Leur fonction est de désamorcer la culpabilité, d’éveiller l’investissement du sujet dans l’avenir (petits-enfants, spiritualité), de l’aider à se déprendre des idéologies prônant la maîtrise rationnalisée de la mort. L’accompagnement ultime de l’aidant est celui de la mort du sujet, de son « travail du trépas ». À l’heure du débat sur l’assistance au suicide ou l’euthanasie, ce livre plaide pour la possibilité de la croissance psychique jusqu’à la fin, jusqu’à une « bonne mort ».
Le salaire de la confiance. L’aide à domicile aujourd’hui Florence Weber, Loïc Trabut, Solène Billaud (dir.), Paris, Éditions de la rue d’Ulm, 2014, 366 p. (coll. Sciences sociales)
12 « L’invention de la dépendance », attestée par la prestation expérimentale dépendance instituée en 1995, et surtout, depuis 2002, par l’APA (allocation pour l’autonomie), est récente. Mais le recul est suffisant pour que l’on s’interroge sur les conditions de travail des aides à domicile. Ces salariées (les femmes sont majoritaires) intègrent une chaîne d’« interdépendance » complexe : outre leur lien à l’employeur (associations, établissements privés, personne âgée ou famille), entre en jeu la relation aux administrations locales qui définissent, à travers l’évaluation de la dépendance et le contrôle des services, les besoins de la personne âgée.
13 À partir d’enquêtes de terrain menées entre 2008 et 2012, les auteurs décryptent ici le système du financement des prestations sociales et des salaires. Les rouages de décision ainsi que le statut, l’encadrement et la formation des aides à domicile, sont analysés. Moins coûteuse que la prise en charge en institution, l’aide à domicile révèle, selon les auteurs, une incompatibilité idéologique entre relation personnelle d’intimité et régulation économique.
14 Le livre questionne trois modèles censés intervenir dans la construction de l’aide à domicile. Le premier est le modèle industriel de rationalisation : codification des emplois, des cadres associatifs, des formations et des qualifications. Le second est le modèle de régulation marchande et d’illusion du système concurrentiel qui pèse sur les salariés et leurs bénéficiaires : rôle des Conseils généraux et disparités locales. Le troisième est le modèle social et sanitaire lors de l’hospitalisation ou des soins infirmiers à domicile.
15 Ce livre très documenté (chronologie, glossaire, bibliographie, témoignages) fait un point complet sur l’aide à domicile qui, si elle suscite le débat, représente pourtant moins de 5 % des dépenses du système de protection sociale français.
Le bel avenir de l’État Providence Éloi Laurent, Paris, Les liens qui libèrent, 2014, 156 p.
16 Ce livre se veut un plaidoyer fervent pour la mutualisation démocratique des risques sociaux (maladie, famille, vieillesse). Il préconise le renforcement de l’État-providence né en Europe avec le développement de la gouvernance sociale républicaine substituée à la providence religieuse autrefois pourvoyeuse de secours. Plus encore que de défendre l’État-providence et le système de protection sociale mis à mal en ces temps de crise, l’auteur s’attache à les promouvoir. Mieux, il souhaite voir se développer un État-providence social-écologique dévoué aux générations futures, régi par une gouvernance multi niveaux (locale, nationale) et globale (multirisques) au plan planétaire.
17 Le livre s’ouvre sur une réfutation des arguments libéraux. L’auteur met en accusation les dénonciateurs d’affaissement moral, d’insoutenabilité financière, de frein à la croissance qu’engendrerait l’État-providence. De fait, celui-ci atténue l’effet des crises économiques. Il produit du développement humain en termes d’éducation et de santé. Il génère une espérance de vie considérable. C’est un facteur d’ordre social et démocratique. L’évolution des pays émergents et le socle de protection sociale recommandé au plan international en attestent la nécessité.
18 À partir de ces fondamentaux, l’auteur aborde la question de la prévoyance écologique qui va de pair avec le progrès social. Il s’agit de s’attaquer aux causes sociales, comme la pauvreté qui peut engendrer des risques écologiques (dégradation de la nature parfois nécessaire à la survie). L’auteur met en cause la croissance économique, excessive par rapport au niveau de satisfaction requis par les besoins globaux. Il préconise d’articuler la crise des inégalités et la crise écologique qui expose les plus nombreux et les plus vulnérables aux catastrophes « naturelles ». Or, le risque écologique serait lui aussi un risque social maîtrisable par un État social-écologiste qui prendrait en compte la vulnérabilité écologique.
Guide français des villes amies des aînés Pierre-Olivier Lefèbvre, Pierre-Marie Chapon, Paris, La Documentation française, 2014.
19 C’est lors de la séance d’ouverture du XVIIIe congrès mondial de gérontologie et de gériatrie à Rio de Janeiro (Brésil), en juin 2005, qu’a été conçu le projet « Villes amies des aînés ». Depuis, plus de 150 villes à travers le monde sont entrées dans cette démarche portée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce programme international prône une nouvelle approche des politiques du vieillissement au sein des villes en plaçant les aînés au cœur d’une réflexion globale incluant l’habitat, l’urbanisme, les transports ou encore la participation sociale.
20 Aujourd’hui, plus d’une vingtaine de villes françaises, de toutes tailles, sont entrées dans la démarche en s’associant au réseau francophone des villes amies des aînés (RFVAA) fondé à Dijon en janvier 2012.
21 À la fois outil méthodologique, pratique et illustratif, le présent guide, utilisable par tous, propose un cadre d’orientation précis mais souple et adapté aux caractéristiques des villes françaises déjà engagées ou en phase de réflexion afin de développer une dynamique prônant le vieillissement actif, positif et ouvert aux autres générations sur nos territoires.