Notes
-
[1]
L’allocation vieillesse des parents au foyer (AVPF) est une couverture vieillesse liée au bénéfice de certaines prestations familiales dispensées sous conditions de ressources et de réduction ou interruption d’activité pour élever les enfants.
-
[2]
Les majorations de durée d’assurance les plus courantes sont celles pour enfant.
-
[3]
Effectifs et pourcentages calculés avec réimputation des départs anticipés : les départs ayant eu lieu avant l’âge légal, sont réaffectés à l’année où l’assuré atteint cet âge, afin de neutraliser les changements induits par l’introduction de ce dispositif en 2004.
-
[4]
Di Porto A., « Historique des modalités de départ à la retraite », Cadr’@ge, n° 7, 2009.
-
[5]
Omnès C., « Hommes et femmes face à la retraite pour inaptitude de 1945 à aujourd’hui », Retraite et société, n° 49, 2006, p. 78-97.
-
[6]
À fin août 2014, soit plus de trois ans après son introduction, 9470 assurés ont obtenu une retraite pour pénibilité.
-
[7]
Andrieux V., Chantel C., « Espérance de vie, durée passée à la retraite », Dossiers Solidarité et Santé, n° 40, 2013.
-
[8]
Devillechabrolle V., « Les “inaptes”, un million de salariés à l’avenir incertain », Liaisons sociales, n° 67, 2005, p. 32-34.
-
[9]
« Trajectoires inaptitudes : devenir à 12 mois des personnes déclarées inaptes au poste de travail », 2012, Gref Bretagne.
-
[10]
Bardot F., Touranchet A., « Partir plus tôt pour raisons de santé : le dilemme des médecins de travail », Retraite et société, n° 49, 2006, p. 62-75.
-
[11]
Lettre ministérielle du 7 juillet 1989.
-
[12]
Nicolas M., Robert M. J., « Évolution et portrait des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés », L’E-ssentiel, n° 70, 2008.
-
[13]
Andrieux V., Chantel C., « Espérance de vie, durée passée à la retraite », Dossiers Solidarité et Santé, n° 40, 2013.
1 Près d’un prestataire de l’Assurance retraite sur six bénéficie d’une retraite pour inaptitude. Ce dispositif permet aux assurés qui ne peuvent pas travailler du fait de problèmes de santé de prendre leur retraite à taux plein dès l’âge légal, quelle que soit leur durée d’assurance. Cet article se propose d’analyser les carrières des prestataires déclarés inaptes au travail, par rapport à celles des retraités qui bénéficient d’une pension normale.
Le retraite pour inaptitude au régime général
2 En France, l’Assurance retraite, constituée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et son réseau régional, gère les droits à la retraite des salariés du secteur privé et représente donc le régime général de la Sécurité sociale. Ce régime de retraite est le premier dans le pays : en 2011, il regroupait 69,1 % des actifs, 17,8 millions de cotisants et 13,1 millions de retraités. On estime que neuf Français sur dix y ont cotisé, y cotisent ou y cotiseront.
3 La Cnav dispose de bases de gestion qui contiennent l’intégralité des personnes affiliées à la Sécurité sociale, soit plus de 90 millions d’individus. Ces bases regroupent les données administratives concernant l’activité professionnelle des salariés, nécessaires pour le calcul de la retraite. Chaque assuré dispose d’un compte carrière qui retrace, année par année, les périodes prises en compte et comptabilisées en trimestres de validation, puisque au régime général les durées sont exprimées en trimestres.
4 Sur ce compte, plusieurs validations sont possibles :
- Celles liées à une cotisation, que ce soit au régime général ou dans un autre régime. Sont enregistrées également les validations pour l’allocation vieillesse des parents au foyer [1] (AVPF), au titre desquelles la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) verse à la Cnav des cotisations forfaitaires.
- Les validations liées à une interruption d’activité, qui sont assimilées à des périodes d’assurance. Ces validations, appelées « périodes assimilées », concernent le plus souvent les périodes de chômage, maternité, maladie, invalidité et service national.
- Des trimestres peuvent également être acquis au titre d’une majoration de durée d’assurance [2] ; lors du calcul de la retraite, ces trimestres sont ajoutés à ceux validés au cours de la carrière.
6 Au moment de la liquidation de la retraite, tous ces trimestres constituent la durée d’assurance validée, laquelle permet de déterminer si l’assuré peut bénéficier d’une retraite calculée au taux plein, soit en appliquant un taux de 50 %, ou s’il doit subir une décote. Cette durée intervient aussi dans la formule de calcul de la pension, le montant de la retraite étant proportionnel au nombre de trimestres validés (encadré 1).
Le calcul de la pension de droit propre au régime général
Le montant de la pension de base est calculé selon la formule suivante :
Montant de pension de base = Taux de liquidation x SAM x Coefficient de proratisation
Le taux de liquidation est de 50 % maximum ; pour bénéficier du taux maximum (taux plein), l’assuré doit remplir au moins une des conditions suivantes, à défaut de quoi le taux est réduit :
- bénéficier d’une certaine durée d’assurance validée. La durée d’assurance nécessaire pour le taux plein varie entre 150 et 166 trimestres pour les générations du baby-boom, selon l’année de naissance ; elle augmente progressivement afin de suivre l’amélioration de l’espérance de vie à 60 ans.
- liquider ses droits à l’âge du taux plein (65 ans ou plus, en fonction de la génération) ;
- être titulaire d’une retraite pour inaptitude (ex-invalides ou inaptes au travail).
Le coefficient de proratisation est le ratio de la durée d’assurance validée au régime général, rapportée à la durée de référence, qui varie entre 150 et 166 trimestres selon la génération.
La pension globale du régime général comprend la pension de base à laquelle s’ajoutent éventuellement le minimum contributif (pour les liquidations à taux plein), ainsi que des avantages complémentaires comme, par exemple, la majoration de 10 % pour trois enfants.
7 La Sécurité sociale donne la possibilité aux assurés qui approchent l’âge légal de la retraite et qui se sont retirés du marché du travail pour des raisons de santé ou qui souhaitent le faire, de bénéficier d’une retraite pour inaptitude au travail. Avec ce dispositif, qui existe depuis les premières législations en matière de retraite, les assurés dont l’état de santé n’est pas compatible avec une activité professionnelle peuvent partir en retraite dès l’âge légal, avec un montant de pension calculé sur la base d’un taux plein (50 %), quelle que soit la durée d’assurance validée. Pour en bénéficier, l’assuré doit demander à être reconnu « inapte au travail » dans son formulaire de demande de retraite et satisfaire aux conditions.
8 Le Code de la sécurité sociale précise que « peut être reconnu inapte au travail, l’assuré qui n’est pas en mesure de poursuivre l’exercice de son emploi sans nuire gravement à sa santé et qui se trouve définitivement atteint d’une incapacité de travail médicalement constatée [de 50 %], compte tenu de ses aptitudes physiques et mentales à l’exercice d’une activité professionnelle » [art. L. 351-7].
9 Afin d’apprécier le degré d’incapacité de travail dont il est victime, l’assuré passe donc une visite médicale avec le médecin-conseil de la Caisse d’assurance maladie.
10 Cette notion d’inaptitude au travail n’est pas à confondre avec celle d’inaptitude au poste de travail : la première est déclarée par le médecin-conseil de la Caisse d’assurance maladie et permet à l’assuré d’anticiper son départ en retraite sans subir une décote ; l’inaptitude au poste de travail est déclarée par le médecin du travail et peut porter au licenciement du salarié si l’employeur ne parvient pas à le reclasser. Il est cependant probable que les deux phénomènes soient liés et que les salariés licenciés pour des raisons de santé demandent une reconnaissance de l’inaptitude au travail pour anticiper leur départ en retraite.
11 En plus des personnes qui demandent à être reconnues inaptes au travail lors du passage en retraite, il existe d’autres assurés qui peuvent accéder à une retraite pour inaptitude (tableau 1) :
- les titulaires d’une pension d’invalidité, pour lesquels le passage en retraite est automatique, ces assurés ayant un taux d’incapacité permanente (IP) d’au moins deux tiers qui leur a été reconnu auparavant. Avant le passage en retraite, ces assurés acquièrent à la Cnav des trimestres pour périodes assimilées (PA) invalidité, qui font partie de la durée servant au calcul de la retraite ;
- les titulaires de l’allocation adultes handicapés (AAH), pour lesquels le passage en retraite est aussi automatique, ces assurés ayant déjà été déclarés auparavant incapables de travailler avec un taux d’IP d’au moins 50 %. Ces assurés n’acquièrent pas de trimestres pour PA avant le départ en retraite ;
- les titulaires de la rente pour incapacité permanente, qui sont en effet tenus de demander à être reconnus inaptes au travail pour bénéficier d’une retraite pour inaptitude. Avant le passage en retraite, les titulaires d’une rente avec un taux d’IP d’au moins deux tiers bénéficient de PA à la Cnav.
13 Au total, il existe donc quatre catégories d’assurés pouvant obtenir une retraite pour inaptitude ; cependant, au régime général, les bénéficiaires de ce dispositif sont distingués en deux grandes sous-catégories : ceux qui bénéficiaient d’une pension d’invalidité avant le passage en retraite (nommés ex-invalides), et les autres, appelés inaptes. Les retraités qui ne bénéficient pas d’une retraite pour inaptitude sont titulaires d’une pension normale.
Reconnaissance de l’inaptitude au travail | Rente d’incapacité permanente | Pension d’invalidité | Allocation adultes handicapés (AAH) | |
Fait générateur | Demande de reconnaissance de l’inaptitude au travail lors du passage en retraite | Accident de travail, de trajet ou maladie professionnelle | Accident ou maladie d’origine non professionnelle | Handicap |
Niveau d’incapacité requis | Taux d’incapacité au travail >= 50 % | Taux d’incapacité permanente (IP) >= 10 % | Capacité de travail réduite d’au moins deux tiers |
Taux d’IP de 80 %
ou compris entre 50 % et 79 % et dans l’impossibilité de se procurer un emploi en raison du handicap |
Validation de périodes assimilées à la Cnav | Non |
Oui si taux IP > 66 % | Oui | Non |
Passage par le médecin-conseil | Oui (reconnaissance inaptitude si taux d’incapacité >= 50 %) | Oui (reconnaissance inaptitude si taux d’incapacité >= 50 %) | Non | Non |
Catégorie de
retraite à la Cnav | Inaptes | Inaptes | Ex-invalides | Inaptes |
Effectifs des bénéficiaires d’une retraite pour inaptitude
14 Entre 2006 et 2010, parmi les 600 000-700 000 assurés qui ont pris leur retraite à la Cnav chaque année, on en compte 45 000 qui sont ex-invalides et 65 000 qui sont inaptes, pour un total de 110 000 bénéficiaires d’une retraite pour inaptitude. Ces prestataires représentent donc 16 -17 % des nouveaux prestataires (graphique 1).
Effectifs et proportions des prestataires inaptes et ex-invalides [3]
Effectifs et proportions des prestataires inaptes et ex-invalides [3]
15 En 2011 et 2012, le nombre de départs en retraite pour inaptitude a fortement baissé, puisqu’il est passé de 114 000 à 64 000. Le décalage de l’âge légal de la retraite introduit par la réforme de 2010, qui passe progressivement de 60 à 62 ans, y compris pour les bénéficiaires d’une retraite pour inaptitude, a entraîné en effet une diminution du nombre de départs, toutes catégories confondues. Ce relèvement a porté également à la diminution du poids relatif des départs pour inaptitude sur ces deux années, les prestataires inaptes ou ex-invalides étant proportionnellement plus touchés par le relèvement de l’âge légal, par rapport aux titulaires d’une pension normale. En effet, alors que seulement une partie de ces derniers est concernée par cette mesure (une autre partie prenant sa retraite après l’âge légal), les prestataires inaptes ou ex-invalides sont pratiquement tous affectés, la quasi-totalité d’entre eux partant en retraite dès qu’ils ont l’âge requis. L’augmentation de la part de retraites anticipées explique également en partie la réduction du poids relatif des départs pour inaptitude.
16 En dehors des variations induites par le relèvement de l’âge légal, on remarque que la proportion des retraites pour inaptitude est à peu près stable ces dernières années, sauf en ce qui concerne les femmes : la proportion de femmes inaptes diminue légèrement au fil du temps en raison de l’amélioration progressive de leur carrière.
17 La proportion des retraites pour inaptitude n’a pas toujours été aussi stationnaire : si la part de prestataires ex-invalides au sein d’un flux de départs en retraite n’a pas subi d’évolution significative depuis de nombreuses années, celle des prestataires inaptes a fortement varié selon l’époque, en lien avec les modifications de la législation et la souplesse des critères d’admission à ce dispositif. Par ailleurs, des modifications de la législation retraite ne visant pas directement les bénéficiaires d’une retraite pour inaptitude ont pu avoir une incidence sur les effectifs des différentes catégories de pension (normale, inapte ou ex-invalide). Avant la réforme des retraites de 1982 qui a rendu possibles les départs en retraite à 60 ans sans décote, par exemple, le pourcentage de prestataires inaptes dans un flux de départs était très élevé, puisqu’il pouvait atteindre 40 % [4]. Cette réforme a entraîné une forte diminution du flux des nouveaux inaptes, en raison d’une substitution entre catégories de pension. En effet, les assurés qui, en l’absence de cette réforme, auraient demandé une retraite pour inaptitude afin de liquider leurs droits à 60 ans, ont pu partir à cet âge avec une retraite normale liquidée au taux plein s’ils avaient le nombre de trimestres suffisant, sans avoir à faire les démarches pour l’inaptitude [5]. Ainsi, en moins de dix ans, la proportion d’inaptes dans un flux est passée d’environ 40 %, à 10-20 %, selon le genre.
18 Après la réforme des retraites de 1982, les principales modifications introduites dans la législation retraite n’ont pas visé directement le dispositif de la retraite pour inaptitude ou n’ont pas eu d’effets aussi marquants sur la répartition des catégories de pension au sein d’un flux. La réforme de 2010, par exemple, a introduit à partir du 1er juillet 2010 la retraite anticipée pour pénibilité. Ce dispositif permet à certains titulaires d’une rente pour incapacité permanente de partir à la retraite dès 60 ans en bénéficiant d’une retraite calculée au taux plein, quelle que soit la durée d’assurance validée. Même si ce dispositif permet donc un départ en retraite avant l’âge légal, soit avant l’âge minimal requis pour une retraite pour inaptitude, son introduction n’a pas eu, jusqu’à présent, d’effet notable sur le nombre de bénéficiaires d’une retraite pour inaptitude, en raison des critères restrictifs requis pour bénéficier de ce dispositif [6].
19 Nous allons analyser à présent la carrière des bénéficiaires d’une retraite pour inaptitude ; compte tenu des particularités des flux de départs les plus récents, nous concentrons notre analyse sur les nouveaux prestataires de l’année 2008.
La carrière moyenne des titulaires d’une retraite pour inaptitude
20 Chaque assuré de la Sécurité sociale dispose d’un compte à la Cnav dans lequel sont enregistrés les événements de sa carrière (emploi, chômage, maladie, invalidité…) en trimestres d’assurance. Il est alors possible de représenter les validations obtenues par les assurés sur des chronogrammes, afin d’avoir une vision globale de leur carrière. Ce type de diagramme statistique sert à représenter les valeurs qui évoluent dans le temps. Ici, il permet de voir la proportion de retraités qui ont reporté à leur compte un certain type de trimestre à un âge donné, pour chaque âge compris entre 14 et 59 ans.
21 Entre 22 et 56 ans, plus de 80 % des hommes titulaires d’une pension normale ont des trimestres pour activité reportés à leur compte ; cependant ces prestataires subissent du chômage en fin de carrière : à partir de 53 ans, au moins un assuré sur dix a validé des trimestres au titre de la recherche d’emploi.
22 Les hommes inaptes ont souvent, au cours de leur carrière, des années pendant lesquelles ils ne valident aucun trimestre : à partir de 56 ans, plus de deux assurés sur cinq ont des années vides. Ces assurés sont également très touchés par le chômage : à partir de 40 ans, plus de 15 % d’entre eux sont concernés par ces validations. Il est donc possible qu’une partie des années pendant lesquelles aucun trimestre n’est validé corresponde à des périodes de chômage non indemnisé et non pris en compte au titre de la durée d’assurance. Contrairement aux titulaires d’une pension normale, pour lesquels le chômage est concentré à la fin de carrière, les inaptes valident, dès la moitié de la carrière, des longues périodes de recherche d’emploi.
23 Les titulaires d’une pension d’invalidité obtiennent, avant le passage en retraite, des périodes assimilées (PA) pour invalidité ; les hommes ex-invalides se caractérisent donc par la validation de trimestres jusqu’à leur départ en retraite. À 50 ans, on compte déjà 30 % des assurés avec des trimestres invalidité, et ce pourcentage passe à 62 % à 55 ans. Avant le basculement en invalidité, les carrières de ces hommes sont toutefois marquées par l’emploi.
24 De même que leurs homologues masculins, une part importante des femmes titulaires d’une pension normale valide des trimestres pour activité : entre 19 et 55 ans, elles sont plus de 70 % à être dans ce cas. Ces femmes subissent néanmoins du chômage en fin de carrière ; à partir de 58 ans, une sur cinq valide des PA pour chômage.
25 Pour chaque âge, on comptabilise au moins un tiers des femmes inaptes ne validant aucun trimestre au cours d’une année. À partir de 50 ans, cette proportion atteint même plus d’une femme sur deux. Parmi les femmes inaptes validant des trimestres, nombreuses sont celles ayant des périodes d’AVPF : elles sont environ 20 % à chaque âge à en valider entre 26 et 40 ans.
26 Comme leurs homologues hommes, les femmes ex-invalides ont de nombreux trimestres pour invalidité. À la différence des autres femmes (titulaires d’une retraite normale ou inaptes), les ex-invalides se caractérisent par la validation de trimestres jusqu’au moment où elles prennent leur retraite.
Types de trimestres validés entre 14 et 59 ans selon la catégorie de retraite
Types de trimestres validés entre 14 et 59 ans selon la catégorie de retraite
Lecture : à 40 ans, 88 % des hommes titulaires d’une retraite normale ont validé des trimestres pour emploi,4 % des trimestres pour emploi et chômage, 5 % n’ont validé aucun trimestre et les autres individus ont validé d’autres combinaisons de reports.
27 Les chronogrammes de la carrière des assurés donnent un aperçu des validations obtenues selon la catégorie de prestataires et le genre. Nous allons compléter cette analyse par la présentation d’autres indicateurs statistiques.
28 Comme suggéré par la lecture des chronogrammes, les inaptes se caractérisent par des carrières courtes ; par rapport aux autres prestataires, ils commencent à valider des trimestres tardivement et cumulent des durées d’assurance très faibles : l’écart de durée est en moyenne de plus de dix ans (40 trimestres). Cet écart est particulièrement élevé entre inaptes et ex-invalides, ces derniers ayant des durées validées importantes en raison des trimestres pour invalidité.
Caractéristiques des prestataires inaptes et ex-invalides
Hommes | Femmes | |||||
Pension normale | Inaptes | Ex-invalides | Pension normale | Inaptes | Ex-invalides | |
Âge moyen au 1er report | 17,8 | 20,9 | 18,0 | 18,6 | 20,3 | 18,1 |
Durée moyenne tous régimes en trimestres | 160 | 107 | 163 | 145 | 104 | 166 |
Salaires relativement élevés* | 69 % | 28 % | 50 % | 34 % | 8 % | 26 % |
Salaire annuel moyen (SAM) moyen / Plafond sécurité sociale** | 70 % | 39 % | 54 % | 48 % | 28 % | 41 % |
Montant global moyen CNAV mensuel | 1 077 | 573 | 908 | 745 | 475 | 776 |
Bénéficiaires du minimum contributif | 8 % | 65 % | 30 % | 43 % | 91 % | 61 % |
Caractéristiques des prestataires inaptes et ex-invalides
* L’indicateur « Salaires relativement élevés » indique la proportion de salaires supérieurs aux deux tiers du plafond de la Sécurité sociale (PSS) ; pour 2012, le PSS était de 3 031 € : pour cette année, donc, un salaire d’au moins 2 021 € serait considéré « relativement élevé ». Pour comparaison, en 2012, le smic était de 1 394 €.** Le plafond de la Sécurité sociale est le montant maximum soumis à cotisations salariales d’assurance vieillesse. Note : tous les montants sont exprimés en euros 2012.
29 Quel que soit l’indicateur retenu (poids des salaires relativement élevés ou moyenne du salaire annuel moyen, rapporté au plafond de la Sécurité sociale [PSS]), on constate qu’au cours de leur carrière, les inaptes perçoivent des montants de salaire plus faibles que les autres catégories de pensionnés.
30 Nous avons calculé pour quatre tranches d’âge la proportion d’assurés ayant eu des salaires au moins égaux à la moitié du PSS, afin d’identifier le moment de la carrière à partir duquel débutent ces écarts de salaire. On observe alors que ces écarts sont présents dès le début de l’activité professionnelle. Près de 60 % des hommes avec une pension normale ou ex-invalides ont eu entre 14 et 29 ans des salaires qui représentaient en moyenne plus de la moitié du PSS, contre seulement 36 % des hommes inaptes (graphique 3). Cet écart se creuse à partir de 40 ans. À noter que pour les ex-invalides, la proportion de ceux qui ont eu des salaires relativement élevés diminue à partir de la classe d’âge 40-49 ans, la validation de PA pour invalidité ne donnant pas lieu à un report de salaire dans le compte retraite.
31 En ce qui concerne les femmes, leurs salaires sont en moyenne plus faibles et leur progression salariale apparaît moins marquée, par rapport aux hommes de la même catégorie de retraite ; ceci est vrai en particulier pour les femmes inaptes, qui ont une carrière plate.
Part des assurés avec des salaires en moyenne supérieurs à la moitié du PSS, selon la classe d’âge
Part des assurés avec des salaires en moyenne supérieurs à la moitié du PSS, selon la classe d’âge
Lecture : entre 14 et 29 ans, 36 % des hommes inaptes ont eu des salaires en moyenne supérieurs à la moitié du PSS, contre 59 % des hommes ex-invalides et 62 % des hommes titulaires d’une pension normale.Note : en 2012, la moitié du plafond de la Sécurité sociale correspond à 1 515 € (smic = 1 394 €).
32 Les prestataires inaptes touchent des montants de retraite plus bas que les autres prestataires : même si leur retraite est toujours calculée avec un taux de 50 %, elle représente à peine la moitié de celle des titulaires d’une retraite normale. Ces prestataires ont en effet des salaires faibles, et leur montant de pension est proportionnel à leur courte durée d’assurance (encadré 1).
33 Au contraire, les prestataires ex-invalides touchent en moyenne des retraites dont le montant est comparable à celui des bénéficiaires d’une pension normale, malgré des salaires annuels moyens inférieurs. En effet, ces assurés ont des durées d’assurance importantes, compte tenu des trimestres validés au titre de l’invalidité et leur pension est systématiquement calculée au taux plein.
34 En raison de leurs faibles salaires moyens, la majorité des prestataires inaptes (les deux tiers des hommes et plus de neuf femmes sur dix) voit sa pension portée au montant du minimum contributif. Pour les ex-invalides, la proportion de bénéficiaires du minimum contributif est proche de celle des titulaires d’une pension normale.
Les trajectoires types
35 Nous avons vu que les retraités ont des trajectoires différentes selon leur catégorie de pension : les inaptes ont en moyenne des carrières courtes et faiblement rémunérées, alors que les ex-invalides se caractérisent par des durées validées importantes, en raison des périodes assimilées pour invalidité. Chaque catégorie de retraités se compose néanmoins de prestataires ayant des caractéristiques différentes. Les indicateurs présentés donnent un aperçu des carrières moyennes par catégorie de retraite, sans fournir d’indications quant à la proportion d’assurés qui a une trajectoire donnée.
36 Nous avons alors procédé à une classification statistique, dont le principe est de regrouper les individus en sous-groupes distincts le plus homogènes possible (encadré 2). Cette procédure permet de voir la répartition des prestataires d’une catégorie de pension parmi différents modèles de carrière ou trajectoires types, et parvenir ainsi à une description plus fine des catégories de retraités.
La méthode de classification appliquée
Nous avons appliqué une procédure de classification non hiérarchique, en utilisant des indicateurs fondés sur les types de trimestres validés selon l’âge ainsi que, pour les assurés ayant eu toute leur carrière au régime général, un indicateur du niveau de salaire relatif (part des salaires supérieurs aux deux tiers du PSS).
Plusieurs procédures de classification ont été appliquées, selon le genre, la catégorie de retraite, et le type de prestataire (carrière entière au régime général ou dans plusieurs régimes de retraite).
Nous présentons ici les résultats obtenus pour les retraités qui ont validé toute leur carrière au régime général, ceux relatifs aux autres retraités étant très proches.
Indicateurs moyens selon la catégorie et la classe – hommes
Classe | % surcatégorie | Âge 1er report | Durée tous régimes | Salaires élevés | SAM moyen | Montant global Cnav | Bénéficiaires du Mico | ||
Hommes | Pension normale | 1- Carrière continue à rémunération élevée | 43,8 % | 18,8 | 166 | 80 % | 28 321 | 1 229 | 1 % |
2- Carrière continue à rémunération moyenne | 38,5 % | 15,0 | 171 | 70 % | 25 918 | 1120 | 1 % | ||
3- Carrière avec chômage de longue durée | 10,9 % | 18,9 | 161 | 47 % | 19 230 | 846 | 29 % | ||
4- Carrière avec peu de validations | 6,8 % | 25,6 | 53 | 24 % | 11 549 | 232 | 58 % | ||
Tous | 100 % | 17,8 | 160 | 69 % | 25 261 | 1 077 | 8 % | ||
Inaptes | 1- Carrière continue | 31,4 % | 21,9 | 148 | 48 % | 21109 | 916 | 22 % | |
2- Carrière avec chômage de longue durée | 35,1 % | 19,0 | 126 | 29 % | 13 598 | 596 | 73 % | ||
3- Carrière avec peu de validations | 33,6 % | 22,1 | 49 | 9 % | 7 550 | 229 | 97 % | ||
Tous | 100 % | 20,9 | 107 | 28 % | 13 924 | 573 | 65 % | ||
Ex – invalides | 1- Invalidité après 55 ans | 29,9 % | 18,1 | 164 | 63 % | 23 816 | 1 036 | 6 % | |
2- Invalidité après 50 ans | 27,3 % | 17,0 | 170 | 61 % | 22 062 | 980 | 8 % | ||
3- Chômage, puis invalidité à partir de 50 ans | 10,5 % | 21,2 | 141 | 22 % | 13 141 | 658 | 75 % | ||
4- Invalidité après 45 ans | 20,4 % | 17,6 | 166 | 48 % | 17 112 | 841 | 41 % | ||
5- Invalidité dès le début de la carrière | 11,9 % | 18,0 | 162 | 23 % | 10 634 | 759 | 82 % | ||
Tous | 100 % | 18,0 | 163 | 50 % | 19 279 | 908 | 30 % |
Indicateurs moyens selon la catégorie et la classe – hommes
Classe | % surcatégorie | Âge 1er report | Durée tous régimes | Salaires élevés | SAM moyen | Montant global Cnav | Bénéficiaires du Mico | ||
Femmes | Pension normale | 1- Carrière complète | 41,9 % | 17,7 | 174 | 56 % | 23 904 | 1 029 | 13 % |
2- Carrière avec chômage | 17,6 % | 17,2 | 169 | 35 % | 17 752 | 782 | 39 % | ||
3- Carrière interrompue et reprise | 14,8 % | 19,0 | 155 | 6 % | 12 099 | 632 | 72 % | ||
4- Carrière interrompue | 25,7 % | 21,0 | 74 | 14 % | 9 395 | 322 | 79 % | ||
Tous | 100 % | 18,6 | 145 | 34 % | 17 342 | 745 | 43 % | ||
Inaptes | 1- Activité en fin de carrière | 18,3 % | 20,5 | 140 | 18 % | 14 539 | 694 | 67 % | |
2- Activité en début de carrière | 17,3 % | 17,5 | 116 | 21 % | 11 620 | 519 | 85 % | ||
3- Carrière avec un poids important de l’AVPF | 29,5 % | 20,3 | 124 | 2 % | 9 989 | 550 | 99 % | ||
4- Carrière avec peu de validations | 34,9 % | 21,7 | 62 | 3 % | 6 848 | 276 | 99 % | ||
Tous | 100 % | 20,3 | 104 | 8 % | 10 010 | 475 | 91 % | ||
Ex – invalides | 1- Invalidité après 50 ans | 31,8 % | 17,7 | 175 | 48 % | 20 833 | 925 | 23 % | |
2- Carrière interrompue | 19,9 % | 19,7 | 138 | 10 % | 11 395 | 617 | 84 % | ||
3- Carrière interrompue avec de l’AVPF | 13,1 % | 18,1 | 172 | 4 % | 11 730 | 728 | 90 % | ||
4- Invalidité après 40 ans | 21,2 % | 17,6 | 170 | 30 % | 14 349 | 764 | 64 % | ||
5- Invalidité dès le début de la carrière | 14,0 % | 17,5 | 172 | 15 % | 9 733 | 726 | 87 % | ||
Tous | 100 % | 18,1 | 166 | 26 % | 14 836 | 776 | 61 % |
37 La procédure de classification appliquée parvient à une répartition en trois, quatre ou cinq classes, selon la catégorie de retraite et le genre (tableau 3a et 3b). Les différentes classes obtenues ont été ordonnées, des plus marquées par l’activité à celles qui le sont moins.
38 En ce qui concerne les inaptes, la procédure appliquée aux hommes porte à la construction de trois classes d’une taille à peu près identique : un tiers avec des carrières continues, un tiers avec de nombreux trimestres pour chômage, et un tiers avec peu de validations. Pour les femmes inaptes, quatre classes sont obtenues ; près des deux tiers de ces femmes appartiennent aux deux dernières classes (celles moins marquées par l’emploi).
39 Pour les prestataires ex-invalides, la procédure aboutit à la construction de cinq classes, quel que soit le genre : bien que le nombre de classes obtenues soit plus élevé, les carrières types des ex-invalides sont peu variables, puisque dans la majorité des cas, ces classes se différencient entre elles seulement par l’âge à partir duquel les assurés ont commencé à valider des trimestres pour invalidité. Avant de commencer à obtenir ces trimestres, la plupart de ces assurés ont eu des carrières marquées par le travail.
40 Afin de rendre la compréhension des trajectoires plus aisée, nous avons procédé à un regroupement des carrières obtenues afin de parvenir à des trajectoires types (graphique 4). Nous proposons alors un regroupement en quatre trajectoires types pour les hommes (carrière complète ; présence chômage ; peu de validations ; invalidité précoce) et cinq pour les femmes (fin de carrière en emploi ; présence AVPF ; fin de carrière au chômage ou inactivité ; peu de validations ; invalidité précoce).
Trajectoires types des prestataires
Trajectoires types des prestataires
41 Près de 80 % des hommes avec une pension normale ou ex-invalides appartiennent à un groupe représentant les carrières fortement marquées par l’emploi, contre seulement un tiers des hommes inaptes. La proportion de femmes ayant une carrière plus ou moins marquée par de l’emploi (éventuellement avec des interruptions) est environ de deux tiers pour les titulaires d’une pension normale et les ex-invalides, contre un tiers pour les inaptes. De plus, les femmes inaptes, même lorsqu’elles appartiennent à des classes marquées par l’emploi, ont en moyenne des carrières moins caractérisées par une activité, par rapport aux autres femmes.
42 Pour les femmes, un autre type de carrière apparaît, celui marqué par de longues durées de bénéfice de l’AVPF ; ces carrières concernent près d’un tiers des femmes inaptes, soit le double par rapport aux autres femmes.
43 Pour les hommes, la proportion de ceux qui ont des carrières avec peu de validations est très différente selon la catégorie de retraite : cela concerne un tiers des inaptes, contre à peine 7 % des titulaires d’une retraite normale ; les ex-invalides ne sont pas concernés par ces trajectoires, puisqu’ils valident de nombreux trimestres pour invalidité. Au contraire, pour les femmes, la proportion de celles qui ont une carrière avec peu de validations varie peu selon la catégorie de retraite, puisque cette situation concerne un tiers des femmes inaptes et un quart des titulaires d’une pension normale.
Les périodes sans validation des prestataires inaptes
44 Nous avons vu que les prestataires inaptes se caractérisent par des années pendant lesquelles aucun trimestre n’est reporté au compte retraite de la Cnav, quel que soit le genre. Le régime général permettant de prendre en compte des périodes d’éloignement temporaire de l’emploi par la validation de périodes assimilées (chômage, maternité, maladie…), on peut se demander quelle est l’origine de ces absences prolongées de validation.
45 Si, pour les femmes, ces années sans validation peuvent être en partie expliquées par des périodes d’éducation des enfants, on peut néanmoins imaginer d’autres causes récurrentes de non validation des trimestres : chômage non indemnisé et non validé par la caisse de retraite, périodes d’activité informelle, périodes d’inactivité avec bénéfice de minima sociaux (API, RMI ou RSA), etc.
46 Pour les femmes, les périodes d’inactivité semblent effectivement être souvent dues à la présence d’enfants, puisqu’il existe un lien entre la présence d’un nombre élevé d’enfants et les années sans validation de trimestres, notamment lorsque ces périodes suivent des années de bénéfice de l’AVPF.
47 L’état de santé peut être à l’origine d’un éloignement de l’emploi donnant lieu à des périodes d’inactivité, notamment en fin de carrière. Il s’avère que « pour les assurés n’ayant pas validé une carrière complète, l’espérance de vie moyenne à 55 ans est minorée par rapport aux autres retraités (de 1,4 an pour les hommes et de 0,6 an pour les femmes). En outre, parmi les hommes retraités à carrière incomplète, l’espérance de vie est d’autant plus faible que le nombre d’annuités validées est réduit [7] ».
48 La reconnaissance de l’inaptitude de l’assuré lors du passage à la retraite peut en effet faire suite à une situation d’inaptitude au travail déclarée par le médecin du travail. Le nombre de salariés faisant l’objet d’un avis d’inaptitude au poste est important : « Selon la Direction des relations de travail, près de un million de salariés (979000 personnes) ont fait l’objet d’une restriction totale ou partielle à exercer un emploi, soit 6,5 % de la population active. Si cette proportion est longtemps restée stable autour de 4 %, elle ne cesse d’augmenter depuis la fin des années 1990 : de l’ordre de 7 % en moyenne par an. Pis, ce sont les inaptitudes à tout poste de travail qui s’envolent littéralement : avec plus de 75 000 cas en 2003, leur nombre a presque triplé en cinq ans. » [8] Selon une enquête menée en Bretagne auprès des personnes déclarées inaptes à leur poste de travail, seulement 18 % étaient en emploi 12 mois après leur inaptitude, 43 % étaient au chômage, 32 % en inactivité et 7 % en formation [9].
49 Bardot et Touranchet [10] montrent comment les médecins du travail qui prononcent l’inaptitude au poste pour un salarié pour lequel une reconversion n’est pas réalisable peuvent essayer de l’orienter vers différents enchaînements de dispositifs en fonction de son âge, l’objectif étant de préserver le plus possible ses ressources et de lui éviter des dispositifs qu’il considérerait comme stigmatisants.
50 Lorsque le salarié licencié pour cause de santé est proche de l’âge légal de la retraite, sa période d’indemnisation chômage peut être directement suivie par la perception d’une retraite. Au contraire, lorsque le salarié licencié est plus jeune et que sa période d’indemnisation chômage ne lui permet pas d’atteindre l’âge légal de la retraite, il peut faire suivre sa période d’indemnisation chômage par une pension d’invalidité, ou par une demande des minima sociaux.
51 Une lettre ministérielle de 1989 [11] précisait que pour les bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI, remplacé par le revenu de solidarité active [RSA]) approchant l’âge légal de la retraite et ne disposant pas d’une durée d’assurance complète, une étude des droits devait être faite d’office au titre de l’inaptitude au travail. Il est donc probable que parmi les 15 000 à 20 000 bénéficiaires du RMI qui approchaient l’âge légal de la retraite chaque année, un certain nombre ait obtenu dans le passé une reconnaissance de l’inaptitude lors du départ en retraite. Il serait intéressant de les quantifier, mais nous ne disposons pas de cette information.
52 Certains assurés bénéficient par ailleurs d’un dispositif de cessation anticipée d’activité : différents travaux ont confirmé le lien entre état de santé et cessation anticipée d’activité, par le biais des dispositifs mis à disposition des salariés ou de leurs employeurs (chômage avec dispense de recherche d’emploi, préretraites…).
53 Enfin, les périodes d’absence de validation peuvent s’expliquer par le bénéfice de dispositifs réservés aux personnes en mauvaise santé, mais qui ne permettent pas d’obtenir des trimestres au régime général, comme l’allocation adulte handicapé (AAH). Chaque année, environ 25 000 bénéficiaires de l’AAH approchent l’âge légal de la retraite. Un des critères d’admission à ce dispositif étant d’être dans l’impossibilité de se procurer un emploi, « cette population est en général très éloignée du marché de l’emploi. Plus souvent que les bénéficiaires des autres minima sociaux, ils sont inactifs, ou en emploi précaire. En décembre 2004, moins d’un quart des bénéficiaires de l’AAH (23,2 %) a perçu des traitements et salaires au cours de l’année précédente » [12].
Conclusion
54 Les différents indicateurs statistiques proposés pour l’analyse (chronogrammes, moyennes, poids des trajectoires types) montrent sans exception la variabilité des carrières des nouveaux prestataires d’une année selon la catégorie de retraite.
55 Alors que les hommes titulaires d’une pension normale ou ex-invalides se caractérisent par des carrières marquées par l’emploi (pour les ex-invalides, ceci est vrai jusqu’au moment où ils commencent à reporter à leur compte retraite des trimestres pour invalidité), les hommes inaptes ont souvent des carrières marquées par le chômage de longue durée ou par des années sans validation. Les femmes déclarées inaptes sont particulièrement éloignées du marché du travail : seul un nombre limité d’entre elles a eu une carrière marquée par l’emploi. Ces femmes ont en effet de nombreux trimestres au titre de l’AVPF, et se caractérisent par ailleurs par un nombre moyen d’enfants relativement élevé.
56 Les prestataires ex-invalides ont donc des carrières assez homogènes. Dans la majorité des cas, une période d’activité continue est suivie par la validation de trimestres assimilés pour invalidité jusqu’au départ en retraite. La possibilité qui leur est offerte d’obtenir ces trimestres les met alors à l’abri des aléas de carrière qui affectent les salariés approchant l’âge de la retraite, notamment en ce qui concerne le chômage. Les prestataires inaptes ont des trajectoires beaucoup plus variées : la reconnaissance de l’inaptitude lors du passage en retraite peut en effet faire suite à une multitude de situations : licenciement pour cause d’inaptitude au poste de travail, bénéfice de l’AAH, inactivité due à la présence d’enfants…
57 Le dispositif de la retraite anticipée pour pénibilité introduit en 2010 donne la possibilité aux assurés ayant des problèmes de santé liés à l’activité professionnelle de partir en retraite avant l’âge légal. Par ailleurs, l’âge légal est augmenté par cette même réforme, puisqu’il passe progressivement de 60 à 62 ans. Même si ce dispositif permet de partir en retraite avant l’âge requis pour bénéficier d’une retraite pour inaptitude, on ne constate pas à ce jour d’effet de substitution entre les deux dispositifs, en raison notamment de la faiblesse des effectifs de bénéficiaires de la mesure de 2010.
58 Un « compte individuel pénibilité » sera introduit à partir de 2015 pour les salariés du secteur privé ; il leur permettra de cumuler des points pour les périodes d’activité pendant lesquelles ils ont été exposés à des conditions de travail pénibles. Ces points pourront être convertis soit en trimestres pour partir plus tôt à la retraite, soit en formations pour se réorienter, soit en périodes de travail à temps partiel en fin de carrière. Par exemple, 10 points permettront d’anticiper le départ en retraite d’un trimestre. Il est donc probable que ce nouveau dispositif n’entraîne pas d’effet de substitution important avec celui de la retraite pour inaptitude, du moins à court et moyen terme.
59 Dans le contexte actuel où la durée requise pour bénéficier d’une retraite calculée au taux plein s’allonge, il est probable que de plus en plus d’assurés ne disposant pas d’une durée complète mais souhaitant liquider leurs droits se tournent vers la retraite pour inaptitude. En conséquence, la proportion des bénéficiaires de ce dispositif, qui permet de « compenser en partie les inégalités sociales de mortalité [13] », devrait sans doute augmenter.
Notes
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[1]
L’allocation vieillesse des parents au foyer (AVPF) est une couverture vieillesse liée au bénéfice de certaines prestations familiales dispensées sous conditions de ressources et de réduction ou interruption d’activité pour élever les enfants.
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[2]
Les majorations de durée d’assurance les plus courantes sont celles pour enfant.
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[3]
Effectifs et pourcentages calculés avec réimputation des départs anticipés : les départs ayant eu lieu avant l’âge légal, sont réaffectés à l’année où l’assuré atteint cet âge, afin de neutraliser les changements induits par l’introduction de ce dispositif en 2004.
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[4]
Di Porto A., « Historique des modalités de départ à la retraite », Cadr’@ge, n° 7, 2009.
-
[5]
Omnès C., « Hommes et femmes face à la retraite pour inaptitude de 1945 à aujourd’hui », Retraite et société, n° 49, 2006, p. 78-97.
-
[6]
À fin août 2014, soit plus de trois ans après son introduction, 9470 assurés ont obtenu une retraite pour pénibilité.
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[7]
Andrieux V., Chantel C., « Espérance de vie, durée passée à la retraite », Dossiers Solidarité et Santé, n° 40, 2013.
-
[8]
Devillechabrolle V., « Les “inaptes”, un million de salariés à l’avenir incertain », Liaisons sociales, n° 67, 2005, p. 32-34.
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[9]
« Trajectoires inaptitudes : devenir à 12 mois des personnes déclarées inaptes au poste de travail », 2012, Gref Bretagne.
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[10]
Bardot F., Touranchet A., « Partir plus tôt pour raisons de santé : le dilemme des médecins de travail », Retraite et société, n° 49, 2006, p. 62-75.
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[11]
Lettre ministérielle du 7 juillet 1989.
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[12]
Nicolas M., Robert M. J., « Évolution et portrait des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés », L’E-ssentiel, n° 70, 2008.
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[13]
Andrieux V., Chantel C., « Espérance de vie, durée passée à la retraite », Dossiers Solidarité et Santé, n° 40, 2013.