Couverture de RS_067

Article de revue

Analyses critiques

Pages 181 à 207

Notes

  • [1]
    Mission de recherche dans le champ des sciences humaines et sociales, pour le domaine de la santé, de la solidarité et de la protection sociale à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère des Affaires sociales et de la Santé
  • [2]
    Caisse nationale de la solidarité et de l’autonomie, en coopération avec plusieurs partenaires DGAS, ANESM, ANSP, départements de Paris et du Rhône, Fondation Caisses d’épargne pour la solidarité
  • [1]
    Gucher C., « Aidants naturels » : ambiguïtés et paradoxes d’une notion politiquement construite », in Blanc A., Les aidants familiaux, PUG, 2010.
  • [2]
    Michel Messu, « La “solidarité” comme catégorie politique et comme catégorie scientifique », p. 21-36.
  • [3]
    Frédérique Granet-Lambrechts, « Familles et solidarités en Europe », p. 39-46.
  • [4]
    Ogg J., Renaut S., « Le soutien familial en Europe : l’effet de la position générationnelle », p. 47-60.
  • [5]
    International Social Survey, Programme 2001 : Social network II, (ISSP 2001).
  • [6]
    Le Bihan B., Martin C., « Arrangements de garde et horaires de travail non standards : analyse comparée de trois pays européens », p. 61-80.
  • [7]
    Kérisit M., « L’impact des dispositifs de l’État sur les solidarités familiales des nouveaux arrivants au Canada », p. 81-99.
  • [8]
    Serverin É., « La transmission patrimoniale au risque de la subsidiarité », p. 103-122.
  • [9]
    Le Guidec R., « Famille, succession et fiscalité », p. 123-133.
  • [10]
    Sayn I., « Du droit civil au droit de la protection sociale ou comme transformer des solidarités familiales en obligation alimentaire », p. 135-154.
  • [11]
    Rebourg M., « Le rapprochement des actions exercées à l’encontre des débiteurs alimentaires par les établissements publics de santé et les conseils généraux », p. 155-169.
  • [12]
    Séraphin G., « Évolution de la solidarité dans le dispositif de protection juridique des majeurs », p. 171-181.
  • [13]
    Canuel C., Couturier Y., Beaulieu M., « Le rôle des professionnels à l’égard des proches lors de la détermination de l’inaptitude d’un aîné », p. 185-207.
  • [14]
    Le Borgne-Uguen F., « Protection juridique des majeurs au sein des couples âgés : recours au droit, économies conjugales, économies familiales », p. 209-233.
  • [15]
    Zalewski V., « L’aide à un membre de sa famille : indemnisation ou rémunération ? », p. 235-254.
  • [16]
    Fernandez G., « Le soin aux patients âgés : la diversité des formes de coopération des médecins généralistes avec les familles », p. 281-302.
  • [17]
    Pennec S., « Solidarités pratiques du soin au grand âge, entre inégalités familiales et précariat professionnel », p. 255-279.
  • [18]
    Geneviève Cresson, « Les femmes surtout : rapports sociaux de sexe et solidarité vis-à-vis des personnes dépendantes », p. 303-317.
  • [19]
    Modélisation des économies domestiques, 2011, Département des sciences sociales de l’ENS.
  • [1]
    La paralysie générale, causée par la neurosyphilis, est alors considérée comme une démence de l’âge mûr (survenant surtout entre 35 et 55 ans), et distinguée de la démence précoce (entre 16 et 25 ans) et de la démence sénile survenant après 55 ans (R. Masselon, 1906, « L’affaiblissement intellectuel dans la démence précoce, la démence sénile et la paralysie générale », L’année psychologique, vol. 13, p. 260-274).
  • [2]
    Notion empruntée par l’auteur à Y. Christen, 1997, « L’évolution du concept de démence et de maladie d’Alzheimer », Gérontologie et société, n° 81, p. 187-198.
  • [3]
    Notion empruntée par l’auteur à R. Adelman, 1995, « The Alzheimerization of Aging », The Gerontologist, vol. 35, n° 4, p. 526-532.

Le quatrième âge ou la dernière étape de la vie Christian Lalive d’Epinay et Stefano Cavalli, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2013, 139 p. (coll. Le savoir suisse)

1 Dans la plupart des pays occidentaux, la population âgée est en forte croissance et le nombre d’octogénaires, en santé, ne cesse d’augmenter. Avec l’allongement de l’espérance de vie et l’amélioration de la santé personnelle et publique, les âges de la vie semblent se fractionner au grand âge pour y introduire une nouvelle manière de se définir. Les auteurs proposent d’étudier, dans le cadre de cet ouvrage, le quatrième âge d’une manière distincte dans le processus de vieillissement (perception de la vieillesse, altération du corps, évolution de la vie relationnelle, identité, acceptation de la mort).

2 « La vieillesse a pris un nouveau visage » et pour le documenter, les auteurs s’appuient sur les résultats des programmes de recherche Swiss Interdisciplinary Longitudinal Study on the Oldest Old (SWILSOO), Vivre/Leben/Vivere (VLV) ainsi que Changements et événements au cours de la vie (CEVI) du Centre interfacultaire de gérontologie et d’études des vulnérabilités (Cigev) de l’université de Genève. Dit brièvement, ils exposent un riche aller-retour entre les données quantitatives et qualitatives de leurs études. Ainsi, cette méthode d’analyse permet aux lecteurs de saisir dans sa complexité comment l’ultime étape de la vie est vécue chez les nonagénaires essentiellement. En d’autres mots, les chercheurs décrivent dans leur livre comment les personnes âgées « vivent l’expérience de la grande vieillesse et comment elles en affrontent les aléas et les défis » (p. 124).

3 L’ouvrage comporte neuf chapitres qui explorent, d’une certaine manière, la pertinence scientifique de l’élaboration d’un nouvel âge de la vie : le « quatrième âge ». Toutefois, certains chapitres auraient mérité d’être développés plus longuement afin de saisir les défis qu’impose le grand âge. Par exemple, le dernier chapitre, Aimer la vie – accepter la mort, est assez bref (trois pages et demi) et nous semble être davantage une conclusion qu’une démonstration de l’originalité de cet âge de la vie. La proximité de la mort, le sentiment d’être un « survivant », l’expérience du deuil et du sens accordé à la mort (questions métaphysiques, morales ou humanistes de la vie) auraient probablement aidé le lecteur à mieux saisir la dernière étape de la vie dans le grand âge. Bref, il aurait été intéressant d’en savoir un peu plus sur l’acceptation de la mort, étant donné que « le « quatrième âge » serait alors véritablement celui de la vieillesse, ce temps de la vie où la sénescence impose sa pesanteur, alors que les femmes et les hommes dans le « troisième âge » seraient encore épargnés (p. 10).

4 Soulignons qu’à la fin de la lecture de cet ouvrage, nous avons l’impression générale que les auteurs ont partagé avec nous le fruit d’une longue réflexion scientifique et parfois personnelle sur le vieillissement et la vieillesse. Les chapitres VI (Face aux perturbations de la vie) et VIII (Rester qui je suis : de l’identité au grand âge) offrent d’intéressantes réflexions sur le quatrième âge. D’une manière précise, dans le chapitre Face aux perturbations de la vie, les auteurs présentent quatre « moments de la résilience » chez les personnes âgées. Ces différents moments indiquent qu’il n’existe pas de modèles standardisés des types d’ajustements que la fragilisation impose au grand âge. Avec justesse, les auteurs soulèvent que « la fragilisation entraîne la personne dans un processus de réaménagements successifs de sa vie. Parfois, il se limite à de simples ajustements, mais en d’autres occasions s’imposent des reconstructions en profondeur, véritables réinventions d’un ordre quotidien pour répondre à deux exigences : être adapté à la condition présente de la personne, mais aussi faire sens et soutenir son goût de vivre » (p. 107).

5 Au chapitre VIII, les auteurs traitent de la notion de l’identité au grand âge. Comment préserver son identité en dépit de la fragilisation qu’impose la vieillesse ? Comment construire une nouvelle image de soi alors que l’image corporelle se modifie, voire s’altère ? Pour répondre à ces questions, les auteurs s’inspirent du concept de l’identité narrative du philosophe Paul Ricœur. « La réappropriation du passé, de la vie écoulée, est une condition nécessaire à l’affirmation de soi comme sujet, à la préservation de son identité propre, et d’autant plus à un âge où l’on est taraudé par l’impression de ne plus être qui on était autrefois. » (p. 108) En d’autres mots, la personne très âgée doit reconstruire une certaine forme d’équilibre de sa vie quotidienne et ainsi préserver son identité et ce, malgré les aléas et les défis qu’inflige la vieillesse.

6 En conclusion de leur ouvrage, les auteurs proposent une synthèse de la notion du quatrième âge. Ce nouvel âge de la vie est « comme la période de la vie où la fragilisation, un processus qui émerge à un certain stade de l’avancée en âge du fait de l’altération des réserves physiologiques et sensorimotrices, franchit un seuil à partir duquel elle affecte fortement la relation de la personne à son monde de vie, ce qui l’oblige à des réaménagements en profondeur, d’autant plus difficiles, voire douloureux, que sa capacité de résilience est affectée » (p. 123). Finalement, bien que les auteurs aient publié un court ouvrage sur le grand âge, ils ont le mérite d’aborder, sous un regard critique et posé, les principaux défis contemporains que pose la vieillesse.

7 Par Christian Bergeron

8 Ph. D., Docteur en sociologie, Université Laval

9 Coordonnateur en éthique de la recherche, Hôpital Montfort, Ottawa

Living independantly at home, Reforms in organisation and governance of European home care for older people and people with disabilities (Livindhome) Tine Rostgaard (coord.), The Danish National Center for Social Research (SFI), 2012, 254 p.

Comparaison des régimes de care et contexte en profonde mutation : le cas de l’aide au domicile des personnes fragiles en Allemagne, Belgique, Angleterre et Italie Florence Degrave et Marthe Nyssens (coord.), Université catholique de Louvain, centre interdisciplinaire de recherche, travail, État et société (Cirtes), 2012, synthèse 27 p. www.drees.sante.gouv.fr/programme-l-aide-a-domicile-des-personnes-fragiles-a-l,8612.html [actif le 6 février 2014]

10 À la suite d’un séminaire organisé entre chercheurs, professionnels et représentants des administrations centrales et locales en 2006-2007, la Mire [1] a mené trois programmes de recherche pluridisciplinaires cofinancés avec la CNSA [2] sur le thème de l’aide au domicile des personnes fragiles dans leur environnement de vie. Parmi le troisième de ces programmes qui s’est intéressé aux réformes récentes de l’aide à domicile intervenues dans les pays européens et centrées principalement sur les personnes âgées, nous avons sélectionné deux recherches. La synthèse que nous ferons est basée sur les observations empiriques faites par les chercheurs et leurs interprétations des résultats. Elle ne s’appesantira pas sur leur caractère théorique ou les problématiques proposées, ni ne cherchera à discuter la pertinence des démarches méthodologiques adoptées. Ce choix de les rapprocher s’explique par leurs objectifs communs, à savoir s’interroger sur les moteurs des réformes en cours dans 10 pays de l’Europe non orientale – Autriche, Danemark, Angleterre, Finlande, Allemagne, Irlande, Italie, Norvège, Suède pour les premiers travaux –, Belgique, Angleterre, Allemagne et Italie pour les seconds. Il s’agit de s’intéresser à l’évolution de l’ensemble des arbitrages, construits au fil du temps, en matière de répartition des rôles entre la collectivité (ou l’État), le secteur privé marchand et les individus et leurs familles concernant la prise en charge des personnes fragiles âgées ainsi que leur impact sur la qualité de l’aide. Ces réformes ont suivi dans chacun de ces pays un chemin qui dépend fortement des traditions sociopolitiques de leur État-providence respectif et les approches méthodologiques sont quelque peu différentes.

11 L’approche des chercheurs de Livindhome est exclusivement macroscopique et basée sur une analyse mono disciplinaire des politiques sociales. Les résultats de la recherche sont en effet exclusivement issus de l’analyse par l’équipe de recherche des données incluses dans les neuf monographies de grande qualité concernant l’aide à domicile, construites selon un même schéma, cadré par les questions suivantes : comment définit-on les soins à domicile ? Comment sont-ils organisés ? Financés ? Délivrés ? Par quels professionnels ? Quelle est la gouvernance du secteur et comment est-il régulé ? Quels en sont les principaux moteurs (à ce titre, un chapitre de la recherche Nyssens est consacré à l’analyse des rationnels véhiculés par les discours dominants fonctionnant comme des « conceptions programmatiques » et dans lesquels l’usage répétitif de certains termes – marché, concurrence, empowerment, choix –, sous-tend la manière dont les relations sociales sont perçues dans la société) ? Quelles sont les stratégies mises en œuvre ? Comment est régulée la qualité et comment les changements intervenus se sont-ils traduits dans ce domaine, à la fois pour les personnes âgées, leurs aidants et les professionnels ?

12 L’approche de l’équipe Nyssens présente un caractère plus théorique, les monographies « libres » étant complétées par une approche micro-économétrique utilisant les données de la base Share pour construire différentes typologies de régime de care. Cette recherche se propose d’étudier comment les transformations institutionnelles décrites produisent des effets sur la répartition entre la part du soutien collectif et professionnel et du soutien familial, la place des femmes dans la famille et dans la société. Une assez large place est accordée à la mesure de la performance et notamment aux effets de la diffusion publique des résultats.

13 Les deux équipes s’accordent pour estimer que dans tous les pays concernés, mais avec des degrés divers, ces réformes ont tenté d’introduire plus de choix pour les personnes âgées, soit en créant, à côté des services en nature et déjà en place, divers types de prestations en espèces ou monétaires (cash for care), soit en autorisant l’accès de ce secteur à des opérateurs avec un statut marchand. Des mécanismes de quasi marché ont été introduits en transformant le rôle de l’État et des collectivités : là où auparavant ceux-ci étaient à la fois financeurs et fournisseurs d’aide publique, l’autorité publique qui demeure acheteuse de service a perdu en grande partie sa fonction d’opérateur, la délivrance de l’aide et des soins étant confiée à des opérateurs mis en concurrence. Cette « marchandisation » de l’aide s’est appuyée sur un travail de rhétorique visant à promouvoir la transformation des « anciens » bénéficiaires (ou ayants droit) de services en de nouveaux clients consommateurs à qui il appartient désormais de choisir librement et de façon plus flexible les services qu’ils souhaitent, ceux-ci étant rendus accessibles aux personnes âgées grâce aux prestations monétaires dont un type cible les personnes âgées et un autre vise directement les aidants. Ceci est à rapprocher d’une autre évolution : celle de la « reconnaissance » officielle de l’importance du concours des aidants informels ou familiaux dans la fourniture de l’aide, ceux-ci apparaissant comme des ressources essentielles pour limiter les coûts des services professionnels en permettant d’en réserver l’accès aux personnes les moins autonomes. L’idéologie du new public management et du best value for money, celle de l’empowerment du consommateur/client ont donc fortement inspiré les réformes en cours. L’intérêt de ces deux recherches comparatives est alors de nous permettre de mieux comprendre comment ces facteurs, au travers des transformations de la gouvernance, de l’organisation, de la délivrance et de la régulation des services à domicile aux personnes âgées, ont opéré pour créer les trajectoires des réformes et comment elles se sont traduites en termes de résultats (et notamment de qualité) qui s’avèrent très différents d’un pays à l’autre.

14 Présentons maintenant certains des résultats clefs de ces deux recherches.

15 Concernant les réformes en cours, les chercheurs de Livindhome distinguent deux trajectoires : dans les pays où la tradition familiale de l’aide est forte (Autriche, Allemagne, Italie, Irlande), et les services peu développés, les réformes relativement récentes ont plutôt cherché à faciliter l’accès aux prestations mais de manière encore limitée tout en connaissant d’importantes variations locales dues à la décentralisation de leur gouvernance. En Allemagne, elle finance l’aide apportée par les proches (les services professionnels sont extrêmement limités et encore plus depuis la crise financière de 2010), et en Italie c’est quasiment la seule forme d’aide organisée qui finance bien souvent les services d’aides délivrés très majoritairement par les migrants (en échange, pour certains, d’une régularisation de leurs droits), alors que les services professionnels sont quasi inexistants sauf dans les régions du Nord. Dans les pays qui ont une tradition plus ancienne de prise en charge socialisée des personnes fragiles et un accès à vocation universelle (Danemark, Angleterre, Finlande, Norvège et Suède), le tournant vers l’introduction de mécanismes marchands s’est fait plus tôt et sous l’emprise de la crise du financement, ce qui s’est traduit plutôt par un resserrement des prestations sur les situations de dépendance les plus lourdes, avec en conséquence un appel plus fort au soutien familial. Par ailleurs les chercheurs font le constat que dans ce second groupe, la marchandisation des services a été beaucoup plus fortement régulée dans les pays du Nord qu’en Angleterre. Dans ce dernier pays, celle-ci s’est traduite par une libéralisation presque sans contrôle des services privés et le retrait quasi général en offre de services des municipalités, ce dégagement étant rendu possible par le développement important des mécanismes de cash for care et notamment de ceux destinés aux aidants, mais dont le montant a peu contribué à la « défamilialisation » de l’aide. On observe par comparaison que les pays nordiques ont beaucoup moins développé les prestations monétaires (pas du tout au Danemark, plus en Suède et Finlande) et que lorsqu’ils l’ont fait, notamment en direction des aidants, c’est de manière très limitée et en s’efforçant de garantir la qualité de l’aide délivrée en opérant une quasi-professionnalisation des aidants.

16 Concernant l’effet spécifique des prestations en espèces sur la situation des femmes aidantes, (car partout ce sont les femmes qui sont majoritairement concernées, constituant 75 % des aidants informels en Italie, 73 % en Allemagne, 70 % en Belgique et 58 % au Royaume-Uni où elles font l’essentiel du travail lourd), en termes de droits sociaux, il s’avère ambigu, et les situations apparaissent contrastées entre Italie, Allemagne, Angleterre. Plus généralement, quand cette indemnisation va de pair avec une rémunération pouvant s’accompagner de droits sociaux, l’allocation aide à la reconnaissance de la valeur de l’aidant par une forme de mise en équivalence avec la situation de salariés sur le marché de l’emploi. Mais d’autre part, la modicité de ces allocations (ce qui est le cas dans la grande majorité des pays examinés) ne permet de sécuriser ces droits sociaux qu’à hauteur d’un temps partiel ou très partiel et à des niveaux de rémunération et de droits sociaux correspondant au segment très inférieur du marché du travail. Les droits ouverts ne sont que de très faible amplitude, entretenant la position infériorisée des femmes sur le marché du travail et maintenant leur dépendance économique par rapport au ménage et à leur mari (Nyssens, Rostgaard). Leur impact sur la défamilialisation de l’aide apparaît donc très partiel.

17 Le rapport Nyssens apporte néanmoins un bémol à ce jugement négatif en considérant que ces allocations confèrent aux personnes aidées une certaine liberté pour se tourner vers des personnes extérieures à leur famille et se faire aider, contribuant ainsi à réduire leur dépendance à l’égard de leurs proches, soit une forme de défamilialisation mais à l’avantage des aidés. La recherche de l’équipe Nyssens a tenté d’approfondir encore l’analyse. Cette question peut être en effet « traitée » en termes de politique publique » de deux façons : soit radicale – mais coûteuse pour l’État –, en déchargeant les femmes de leurs responsabilités familiales par la fourniture de services professionnels en nature ; soit plus pragmatique, en cherchant à améliorer les conditions de vie des aidants informels, ces deux approches renvoyant à l’ambivalence fondamentale du care. Faut-il indemniser les femmes pour les soins qu’elles prodiguent ou encourager les États-providence à offrir des prises en charge adaptées ? Les résultats montrent l’extrême variété des effets des solutions adoptées dans le second cas, à la fois sur les personnes aidées et les aidants. Ils diffèrent d’abord selon les modalités de contrôle de l’usage des prestations : celles d’utilisation libre, non fléchées vers les dépenses d’aide (untied cash), allègent les contraintes de budget des familles des personnes aidées, mais ne bénéficient pas nécessairement à la personne aidée. Les prestations fléchées sur la rémunération des aidants allègent certes le coût de l’aide, mais ont des conséquences variables sur la division entre aide formelle/aide informelle qui peuvent différer selon notamment la valeur monétaire de l’aide. En Allemagne, par exemple, d’un côté elles favorisent la liberté de choix et l’empowerment des bénéficiaires, mais elles piègent leurs aidantes dans les relations familiales. Car en dépit des conditions d’indemnisation faible, celles-ci sont non incitatives à l’emploi car supérieures à ce que les femmes concernées peuvent espérer gagner dans des « mini-jobs ». Elles contribuent ainsi à maintenir l’aidant dans la dépendance familiale de personne aidée quand celle-ci a choisi de l’indemniser.

18 Par ailleurs, et bien que « vendu » comme favorisant le libre choix de l’usager avec un meilleur contrôle de l’aide qu’il peut se procurer librement, les deux recherches estiment qu’il n’existe aucune preuve que le cash for care ait permis d’améliorer la qualité de l’aide, bien au contraire. À cet égard la concurrence entre opérateurs ne semble pas avoir produit les fruits annoncés. Tout en notant des différences de degrés et de formes dans sa mise en œuvre, les deux recherches concluent que l’ouverture à la concurrence s’est traduite partout par une pression sur les conditions de travail et de rémunération des personnels, autant d’éléments peu propices à la délivrance d’une aide de qualité. À cet égard, l’équipe Nyssens distingue deux processus de marchandisation qui peuvent affecter de manière différentielle la quantité/qualité de l’aide et son coût pour l’usager : soit directement, via la contractualisation publique avec les opérateurs privés en concurrence, et couplé à l’assouplissement de la réglementation d’entrée sur le marché des opérateurs, soit indirectement, par le biais d’un lien entre ce qui est payé par l’usager (achat direct à l’aide de ces prestations en cash ou copaiement) et le marché des fournisseurs dans lequel il fait son choix. Quoi qu’il en soit, dans les quatre pays examinés, la recherche d’efficience semble avoir pesé sur les coûts du fait de la mise en concurrence des opérateurs qui entraîne une dégradation des conditions de travail des salariés.

19 Cette tendance est aussi analysée dans le rapport Livindhome qui montre que le recrutement et le turn-over des professionnels, tant du secteur privé que du secteur public, sont des problèmes communs aux pays étudiés et ce, en dépit des efforts de formation du personnel réalisés dans beaucoup d’entre eux. Il a été observé en particulier que l’introduction du modèle client/fournisseur avec la rationalisation des interventions qu’il a induite a été à l’origine d’une aggravation des conditions de travail pour les personnels. La recherche Nyssens montre que l’ouverture du secteur de l’aide à la concurrence et à l’entrée des entreprises a conduit à la pression sur les conditions de travail et de rémunération. Dans certains pays et même dans les pays du Nord (Norvège et Suède), les réformes entreprises ont accru les difficultés à cet égard, notamment celles qui ont conduit, sous argument d’efficience, à rationaliser et intensifier le travail, diminuant en cela la satisfaction au travail des aides à domicile en réduisant le temps de communication avec les personnes aidées. Cependant, il est à noter que les conditions de travail entre secteur privé et public restent proches dans les pays nordiques tandis que dans d’autres pays, elles sont encore moins bonnes dans le secteur marchand, ce qui témoigne dans ce dernier groupe de l’utilisation de la dégradation des conditions de travail comme stratégie de réduction des coûts. Tout ceci explique que dans la majorité des pays (à l’exception du Danemark et surtout des Pays-Bas), que ce soit encore trop souvent les familles qui demeurent les coordonnateurs de l’aide. Enfin, l’expression collective de l’intérêt des personnes âgées et/ou de leurs aidants sous la forme de groupes de défenseurs, semble avoir un impact variable très important en Angleterre et aux Pays-Bas, mais plus modeste dans la majorité des pays et notamment dans les pays nordiques.

20 Finalement si aucune des deux recherches ne permet de montrer de manière démonstrative l’existence d’un lien causal entre dégradation des conditions de travail du personnel et qualité des soins délivrés aux personnes âgées, il serait surprenant que ceux-ci se trouvent améliorés. Sans aborder directement la question de la mesure et de la régulation dans ce champ si complexe de l’aide à domicile aux personnes âgée fragiles, elles s’accordent néanmoins sur le fait que les critères objectifs et simples (structure, processus) utilisés en routine dans la majorité des pays pour autoriser et accréditer les structures, voire délivrer une information au grand public pour l’aider à choisir les meilleurs services, demeurent trop frustes pour véritablement être utiles à la mesure de la qualité individuelle des soins. Si bien que la majorité des pays se contentent d’outils plus subjectifs (qualité de vie, satisfaction individuelle) mais dont la mesure s’avère délicate pour les personnes âgées dépendantes et notamment celles souffrant de déficiences cognitives.

21 Finalement les deux recherches, notamment celle de Nyssens, s’interrogent sur le fait de savoir si les facteurs communs à l’origine des réformes vont faire converger les différents régimes de care ou si la dépendance classiquement invoquée du sentier des réformes à l’histoire et au régime d’État-providence de chaque pays, va induire que cette convergence ne sera que partielle et longue à se dessiner. Mais les recherches ne privilégient aucun des termes de l’alternative.

22 Au total, il s’agit de deux recherches bien documentées et méthodologiquement relativement solides qui apportent des éclairages intéressants sur un sujet central pour nos sociétés.

23 Par Michel Naiditch

24 Médecin de santé publique, chercheur associé à l’Irdes

L’entraide familiale : régulations juridiques et sociales Françoise Le Borgne-Uguen et Muriel Rebourg (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2012, 323 p.

25 En lien avec la montée en puissance de la question sociale et économique de la perte d’autonomie, les aidants passent sur le devant de la scène. De nombreux travaux statistiques, économétriques, sociologiques, anciens mais aussi récents, mettent en évidence l’ampleur du soutien qu’ils apportent, en synergie avec l’intervention des professionnels médico-sociaux et dans le cadre des dispositifs de solidarité publique financièrement contraints tels que l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) ou la PCH (prestation de compensation du handicap). Ces travaux ont notamment contribué à mettre en évidence les besoins d’aide de ces aidants par des formules de répit ou de formation.

26 Au-delà de cette perspective descriptive ou prescriptive, le présent ouvrage propose une analyse critique des cadres culturels, juridiques et sociaux dans lesquels les pratiques d’entraide familiale sont encastrées. Il élargit de manière judicieuse ces situations d’entraide à l’ensemble des solidarités relevant du chaînage familial, montantes et descendantes : prise en charge des enfants par les parents, relations conjugales et nouvelles formes de famille, incidence des divorces et des recompositions familiales, soutien matériel ou financier « descendant » apporté par de vieux parents à leurs enfants aidants précarisés, successions et obligation alimentaires, jusqu’aux situations de protection juridique des majeurs. Il aide à comprendre comment les solidarités familiales s’articulent avec les solidarités collectives publiques. Il montre comment cette articulation, si elle varie selon les contextes culturels et économiques nationaux, les classes sociales, repose sur une subsidiarité de la solidarité collective par rapport à la solidarité familiale et sur une mobilisation genrée des aidants, majoritairement aidantes. On savait déjà combien la notion d’aidant naturel était suspecte [1]. On comprend maintenant combien celle d’aidant « informel » est inadéquate.

27 L’ouvrage s’appuie sur un colloque organisé en 2005 par l’université de Brest « Les solidarités familiales et leurs régulations publiques : regards croisés entre sociologie et droit ». Il comprend 16 contributions et est organisé en trois parties qui mêlent travaux sociologiques et juridiques.

28 Après un premier chapitre réflexif [2] questionnant les apories de la solidarité familiale, tant sur le plan scientifique que politique, « là, où se jouent précisément, à l’arrière-plan d’une catégorie naturalisée, tout à la fois le don, le contrat, l’action publique, la redistribution monétaire et finalement des conceptions de la justice », la première partie interroge la dimension politico-culturelle des systèmes d’entraide familiale en faisant place à des comparaisons internationales. Trois des quatre contributions de cette partie, très différentes dans leur objet et leur approche, montrent le caractère structurant du type d’État-providence sur la place respective de la solidarité familiale et de la solidarité publique. La quatrième présente le grand intérêt d’intégrer dans l’analyse les politiques d’immigration. Frédérique Granet-Lambrechts [3], juriste, rattache le niveau des soutiens publics et des solidarités familiales à la prospérité économique des pays, tout en signalant la tendance générale à l’accroissement du recours aux solidarités familiales du fait des difficultés de financement des États-providence. Jim Ogg et Sylvie Renaut [4], sociologues, reviennent sur les résultats d’une grande enquête internationale [5] dans 13 pays européens, certes ancienne, mais qui présente l’intérêt d’éclairer les pratiques et les représentations sociales du soutien intergénérationnel. Partout, du Sud au Nord, les contacts entre enfants de la génération pivot et leurs parents âgés témoignent d’une densité certaine. Mais en termes normatifs, on souscrit plus au Sud qu’au Nord à l’idée que les enfants adultes ont le devoir d’aider leurs parents âgés. Blanche Le Bihan et Claude Martin [6] s’intéressent de leur côté à l’organisation que peuvent mettre en place des parents travaillant en horaires non standards pour la garde de leurs enfants. Sans surprise, c’est en Scandinavie qu’on trouve des dispositifs publics les mieux adaptés et au Portugal que les familles sont renvoyées à leurs propres moyens, la France occupant une position intermédiaire, avec des dispositifs expérimentaux, donc très inégalement répartis sur le territoire. Enfin, Michèle Kérisit [7] montre dans la dernière contribution comment la procédure canadienne de regroupement familial crée une « dépendance institutionnalisée » du candidat (e) à l’immigration par rapport à son parent ou conjoint déjà résident (e), en obligeant ce dernier à prendre en charge son conjoint ou parent candidat à l’immigration sans recours aux allocations sociales pendant 3 ou 10 ans, ou sous peine de remboursement. Dans le cas des femmes, cette procédure renforce la forme patriarcale de la famille en les contraignant à la subordination à leur époux déjà résident et au soutien familial à l’égard des ascendants rejoignant la famille, contredisant cependant la conception de la famille au Canada.

29 La seconde partie, à dominante juridique, ouvre la boîte noire des règles de succession, d’obligation alimentaire, et de protection des majeurs, qui restent relativement méconnues. Elle démontre comment le droit fait intervenir les solidarités publiques de manière secondaire ou subsidiaire, tout particulièrement dans le cas des aides sociales visant les situations de pauvreté. Dans le premier article, Evelyne Serverin [8] montre, d’une part, comment le débat sur la taxation des successions et les réformes récentes occulte le fait que les familles concernées sont très minoritaires (10 à 20 % des déclarations de successions) et que la fiscalité ne peut pas être considérée comme entravant la solidarité familiale par transmission. D’autre part, elle montre en sens inverse que les mécanismes de récupération des aides sociales versées pèsent, par construction et sans possibilité d’évitement, sur les catégories sociales les plus modestes puisque ce sont des prestations liées à la pauvreté (aides sociales à l’hébergement, allocation de solidarité aux personnes âgées [Aspa]) et non pas aux risques aléatoires (handicap, dépendance, perte temporaire de revenus). Raymond Le Guidec [9] montre, quant à lui, que la fiscalité de l’héritage et les règles de succession favorisent encore la famille traditionnelle, aux dépens des autres formes de mise en couple et de la parenté de fait. Isabelle Sayn [10] et Muriel Rebourg [11] abordent dans leurs contributions la question de l’obligation alimentaire. I. Sayn s’intéresse aux recours formés par les CAF (caisses d’allocations familiales) contre les débiteurs de pension alimentaire après divorce et par les conseils généraux pour le versement de l’aide sociale à l’hébergement. Dans le cas des pensions alimentaires, les parents créanciers (majoritairement des femmes) doivent agir en justice contre leur ex-époux défaillant pour pouvoir toucher l’allocation de soutien familial. Dans le cas de l’aide sociale, le conseil général essaiera d’identifier les débiteurs, y compris les petits-enfants du bénéficiaire. Pour l’auteure, la persistance de ces règles atteste une conception autoritaire et tutélaire de la solidarité familiale, en contradiction avec la complémentarité de l’entraide familiale et de la protection sociale. Muriel Rebourg étudie, dans une contribution très technique, le rapprochement des procédures de récupération de l’aide sociale à l’hébergement auprès des obligés alimentaires et des dettes hospitalières sur les familles. Alors que les situations sources des récupérations peuvent être assez proches, l’issue des procédures était plus incertaine pour les établissements hospitaliers et elles offraient de moindres garanties de justice entre membres de la parenté. Les procédures sont maintenant identiques et prévoient l’intervention du juge aux affaires familiales qui appliquera aux sommes exigibles des règles de proportionnalité tenant compte des possibilités des débiteurs. Enfin, Gilles Séraphin [12] s’intéresse à la protection des majeurs. La réforme de mars 2007 renforce la primauté de la famille dans l’exercice de la protection, reconnaissant son évolution puisqu’elle en étend la possibilité aux proches et concubins. Mais une occasion a été manquée : cette priorité des proches dans l’exercice de la protection n’a pas été assortie de moyens pour organiser leur formation ou leur soutien.

30 La troisième partie s’intéresse aux procédures qui assignent certains membres de la famille à l’entraide ou qui en définissent les contours, et aux représentations sociales qui sous-tendent les pratiques et les normes d’aide et qui trouvent leur cohérence dans le cadre de la théorie des rapports sociaux de sexe. Elle commence par deux contributions elles aussi relatives à la protection juridique des majeurs. Catherine Canuel, Yves Couturier et Marie Beaulieu [13] s’intéressent à la manière dont au Québec les professionnels vont associer les proches à la définition de l’inaptitude d’une personne âgée, susceptible de la faire protéger au titre de la curatelle ou de la tutelle. La procédure a un caractère collégial et mobilise un médecin, un intervenant psychosocial et un juriste (notaire) qui prépare la décision proposée à l’enregistrement officiel. Le processus devient en fait interprofessionnel. Les proches sont considérés à la fois comme des co-intervenants dans la demande de mise en inaptitude, des ressources sur lesquelles les professionnels pourront proposer de s’appuyer mais aussi des co-usagers qu’il faut soutenir et informer. Françoise Le Borgne-Uguen [14] étudie pour la France le cas de couples âgés où la conjointe est chargée de la tutelle de son époux, le plus souvent plus âgé, alors même que le droit commun voudrait qu’on ne recourût pas à la protection, du fait du droit commun de la solidarité entre époux, ou d’autres où l’ex-conjointe intervient auprès d’un mandataire professionnel à l’égard de la mise sous protection de son ex-époux. Elle montre comment l’épouse peut vouloir protéger son économie personnelle en organisant la prise en charge externalisée de son époux quand elle dispose des capitaux économiques et culturels suffisants, ou bien voudra prolonger son devoir d’assistance dans la gestion des biens de l’époux pour protéger leur transmission aux enfants. Dans le cas du recours à un mandataire professionnel, la mesure de protection est plutôt « un instrument de normalisation des risques » et de « régulation d’un rapport de domination sociale », protégeant l’ex-épouse et les enfants des conséquences du comportement de la personne protégée. Vivien Zalewski [15], juriste, s’interroge sur la difficulté du droit civil français à prévoir la rémunération ou l’indemnisation d’un aidant qui s’est très fortement investi dans le soutien à un parent dépendant. La loi reste attachée à une conception traditionnelle des devoirs liés à la piété filiale. Certaines voies juridiques (enrichissement sans cause, donation rémunératoire et prestation compensatoire) sont théoriquement possibles mais peu usitées : il faut faire la démonstration d’un dépassement des obligations filiales qui, une fois reconnu, ne permet pas d’en obtenir une indemnisation précisément évaluée. Les possibilités de rémunération d’un proche ouvertes dans le cadre de l’APA et de la PCH paraissent à l’auteur limitées et dangereuses au regard de l’égalité entre les enfants. Il semble à l’auteur que la piste de droits de tirages spéciaux, tels que les a proposés Alain Supiot à l’appui d’un statut professionnel, au titre des périodes d’aide et de tous les congés au motif familial, serait une voie plus réaliste et plus juste d’indemnisation de ces services d’aide. Guillaume Fernandez [16] s’intéresse au rôle joué par les médecins généralistes à l’égard des familles dans le suivi de leurs patients âgés, et à deux moments bien distincts : dans le suivi au long cours qu’ils assurent à domicile et quand le moment est venu de prendre une décision d’entrée en établissement. Il met en évidence un clivage entre les médecins généralistes formés à la gériatrie et au travail en réseau et les autres. Les derniers se bornent à régir l’état du patient, laissant la mobilisation familiale s’autogérer, éventuellement jusqu’à épuisement des aidants. Les premiers, au contraire, cherchent à préserver la « ressource familiale » en mobilisant leur connaissance des structures médico-sociales et à promouvoir une meilleure coopération entre les membres des fratries ou des parentés. L’accompagnement des décisions délicates d’entrée en établissement est révélateur de ces deux positionnements. Ou bien le médecin, se sentant co-responsable du parcours de son patient, permettra d’anticiper et facilitera, autant que faire se peut, la décision et la transition vers l’établissement, ou il pourra être contraint d’attendre un moment de crise ou d’accident pour replacer la situation sur le terrain strictement médical et retrouver une légitimité à décider.

31 Deux contributions à caractère plus sociologique reviennent sur l’« assignation » des femmes à l’aide. Simone Pennec [17] fait une démonstration implacable de la triple peine des femmes de milieux modestes, comme aidantes gratuites, professionnelles précarisées des métiers d’aide et enfin, personnes âgées pauvres. Les proches sont impliqués dans le soutien aux parents à 83 % chez les ouvriers contre 61 % chez les cadres. Et on sait par ailleurs que ce sont les femmes qui assument les deux tiers de l’aide. Ainsi, elles assument bien souvent l’aide familiale et gratuite de leurs parents âgés faute de moyens financiers suffisants pour acheter les services nécessaires, aux dépens de leur investissement dans leur vie professionnelle. Elles sont alors souvent conduites à travailler dans le secteur des services aux personnes, le cas échéant auprès de femmes plus favorisées, dans des emplois où leurs compétences, considérées comme naturelles, ne sont ni reconnues ni valorisées. Migrantes, leur propre vie familiale peut être sacrifiée à ces emplois. Travailleuses pauvres, elles ne bénéficieront, à l’heure de la vieillesse, que d’un accès limité au soutien professionnel du fait de la modestie de leur pension de retraite. Dans la dernière contribution, Geneviève Cresson [18] montre comment le cadre théorique des rapports sociaux de sexe éclaire l’assignation majoritaire des femmes à l’entraide et au care. Les femmes sont perdantes dans la lutte avec les hommes pour la disposition de la ressource rare qu’est le temps. Du fait de leur investissement dans la sphère familiale, elles ont des chances inférieures de carrière et de rémunération, ce qui les incite en retour à s’investir dans le care. Malgré quelques évolutions, les inégalités restent fortes dans la répartition des tâches familiales et domestiques. La relative libération des femmes privilégiées des tâches de care passe par leur externalisation sur les femmes de classes sociales pauvres et la « règle de genre » qui assigne aux femmes la responsabilité des personnes âgées dépendantes perdure. Enfin, l’ensemble du discours social est traversé de préjugés de genre et « d’oublis sélectifs », occultés par des formulations neutres ou biaisées, tels qu’aidant naturel, solidarité familiale quand il s’agit de solidarité féminine, indisponibilité des femmes due au travail sans interroger l’indisponibilité des hommes pour le care, etc.

32 Cet ouvrage offre donc une grande diversité d’angles d’analyse sur les pratiques d’entraide. Dommage que place n’y ait pas été faite aux travaux anthropologiques développés ces dernières années sur le handicap et la dépendance par Florence Weber et les chercheurs engagés dans le programme Medips [19]. Ce petit regret ne diminue en rien le caractère stimulant de l’ouvrage qui témoigne du caractère heuristique de la démarche de dialogue entre juristes et sociologues et qui apporte un éclairage utile aux débats actuels sur la prise en charge de la dépendance et ses enjeux tant de justice sociale que d’égalité entre les femmes et les hommes.

33 Par Marie Wierink

34 Chercheuse associée à l’Ires

Alzheimer : la construction sociale d’une maladie Laëtitia Ngatcha-Ribert, Paris, Dunod, 2012, 435 p.

35 Comment la catégorie scientifique et médicale de la « maladie d’Alzheimer » est-elle devenue une catégorie sociale, médiatique et politique ? Le processus de construction sociale de la maladie d’Alzheimer analysé par Laëtitia Ngatcha-Ribert dans cet ouvrage issu de sa thèse de doctorat, s’inscrit au croisement des sociologies de la santé, de la vieillesse et des politiques publiques. Plusieurs facteurs sont convoqués et mis en perspective afin d’élucider les mécanismes de cette transformation sociale et conceptuelle, tenant aux enjeux scientifiques et médicaux, aux différentes logiques professionnelles, aux découvertes thérapeutiques, aux mobilisations associatives, ou encore aux politiques publiques. L’approche sociohistorique et dynamique mise en œuvre par l’auteur lui permet d’offrir non seulement un éclairage très précis des interactions complexes entre les diverses dimensions du processus de construction sociale de la maladie d’Alzheimer, mais, au-delà, de montrer en quoi cette transformation catégorielle s’accompagne d’une nouvelle conception de l’âge et de la vieillesse.

36 Ce projet ambitieux s’appuie sur un matériau empirique dense et diversifié, composé de trois types de données. Un corpus conséquent d’entretiens semi-directifs réalisés avec divers types d’acteurs clés (médecins, chercheurs, politiques, associatifs) se voit complété par le dépouillement de la littérature et de la presse généraliste et spécialisée, ainsi que par l’analyse de documents audiovisuels.

37 L’introduction pose les contours de la maladie d’Alzheimer comme objet d’analyse sociologique. On y découvre une brève présentation de l’émergence et de l’évolution de la catégorie diagnostique – initialement destinée à décrire les démences préséniles – qui met l’accent sur la manière dont elle a permis de faire de la sénilité une pathologie à part entière et non un attribut de la vieillesse. L’auteur souligne ensuite la pertinence du regard sociologique sur la maladie d’Alzheimer – sur ses dimensions collectives et politiques encore trop peu éclairées –, et fonde ses analyses sur des perspectives théoriques variées telles que la sociologie interactionniste ou l’approche cognitive des politiques publiques. « Nous posons l’hypothèse que la prise en charge de la maladie se construit sur une interaction entre les groupes d’acteurs existant avec les représentations des troubles cognitifs et de la vieillesse, cristallisée autour des politiques des pouvoirs publics » (p. 19-20).

38 L’ouvrage compte douze chapitres, réunis dans cinq parties explorant les diverses facettes du phénomène étudié, à savoir le contexte social d’émergence de la maladie, son histoire et les nombreux enjeux s’articulant autour du diagnostic ou de sa prise en charge médicamenteuse et sociale, les représentations sociales liées à la maladie, sa médiatisation et la question des mobilisations, et, enfin, sa mise à l’agenda politique.

39 La première partie présente le contexte social d’émergence de la maladie et vise à identifier les différents facteurs modelant les représentations sociales et l’expérience des troubles psychiques des personnes âgées. Le premier chapitre propose notamment une brève mais passionnante socio-anthropologie de la maladie d’Alzheimer. Le détour par les sociétés chinoise, indienne ou japonaise, dévoile la prégnance d’une considération davantage sociale des troubles cognitifs et met en évidence l’importance des facteurs socioculturels dans la manière d’interpréter la maladie d’Alzheimer. L’auteur poursuit cette démonstration au cours du deuxième chapitre, en dévoilant comment nos sociétés « hypercognitives » (p. 58) ont contribué à considérer, sur un modèle biomédical, les défaillances cognitives comme une forme de déviance par rapport à la norme d’une bonne santé mentale : « une déviation significative par rapport au vieillissement normal, à la normalité » (p. 59). On saisit ainsi combien le processus de labellisation pathologique de la maladie d’Alzheimer constitue une construction sociale, et s’accompagne de processus sociaux de fragilisation, de vulnérabilisation sociale des malades et de leur entourage – stigmatisation et disqualification sociale. D’autres aspects sont ensuite abordés, comme la dimension chronique de la maladie d’Alzheimer et l’ambivalence liée à la quête et à la réception du diagnostic. Après une période qualifiée « d’errance diagnostique » (p. 67), celui-ci apparaît à la fois comme une terrible sentence et comme un soulagement. Il y est décrit comme un processus aussi central dans la mise en œuvre des services de prise en charge qu’important du point de vue symbolique et social, à travers l’intégration d’une nouvelle identité, celle de malade. Parmi les évolutions sociales que l’auteur rattache au contexte propre à l’émergence de la maladie d’Alzheimer, certaines sont communes à d’autres « grandes » maladies modernes, comme le cancer ou le sida. Les mobilisations pour les causes du cancer ou du sida constituent un modèle de référence dont « le monde Alzheimer » s’inspire pour porter ses revendications, tout en témoignant de la volonté de s’en démarquer afin de mettre en avant les spécificités de la maladie d’Alzheimer.

40 La deuxième partie semble constituer le cœur de cet ouvrage, non seulement par son volume, mais aussi par son contenu. L’auteur y investit une perspective sociohistorique pour saisir les divers enjeux – scientifiques, professionnels, thérapeutiques et socio-économiques – de la constitution de la catégorie de la démence et plus précisément de la maladie d’Alzheimer. Le troisième chapitre, particulièrement fourni, éclaire à la fois la genèse de la catégorie médicale et les positionnements de trois disciplines : la psychiatrie, la gériatrie et la neurologie. Une rétrospective retrace quatre phases suivant lesquelles le concept de maladie d’Alzheimer a pu progressivement émerger et s’autonomiser au regard d’autres formes de démences. Tout d’abord, le XIXe siècle considère les démences comme des maladies mentales chroniques et incurables, fruits de processus cérébraux. S’installe déjà une distinction fondée sur les seuils d’âge (paralysie générale [1] versus démence sénile) et la spécificité des démences liées au vieillissement se trouve confortée par l’apparition d’une nouvelle discipline, la gériatrie. C’est dans ce contexte que la maladie d’Alzheimer fut découverte, marquant l’ouverture d’une deuxième phase (1900-1920), et que de nouvelles techniques permirent le développement de « l’Alzheimérologie » [2] (p. 103) et la mise en évidence des éléments organiques de la maladie par quelques neuropathologistes (Kraepelin, Perusini, Fisher). C’est avec intérêt et curiosité que l’on découvre les enjeux disciplinaires au regard desquels s’est écrite l’histoire de la création de l’éponyme « maladie d’Alzheimer » (prestige du laboratoire, spécificité des cas préséniles, importance de souligner les causes organiques plutôt que fonctionnelles pour se distinguer de la psychiatrie, etc.). S’en suit une troisième période (1930-1960) pendant laquelle la maladie d’Alzheimer va davantage susciter l’intérêt des psychiatres que celui des neuro-pathologistes, les premiers privilégiant une approche par les facteurs psychosociaux et centrée sur la prévention de la maladie. Ce glissement vers la prise en compte des facteurs de vulnérabilité favorise le développement de nouvelles représentations de la vieillesse dans la société, notamment portées par la gériatrie. Enfin, dès les années 1970, s’ouvre une quatrième période où est observé un retour aux théories biologiques. La découverte, sur des sujets âgés de plus de 65 ans, de lésions similaires à celles caractéristiques de la maladie d’Alzheimer entraîne une complexification de la classification des maladies mentales et l’apparition de la catégorie globale de « maladie d’Alzheimer et maladies apparentées ». Est alors présentée une analyse des différentes logiques professionnelles qui se sont différemment positionnées autour de l’objet « maladie d’Alzheimer » et des rapports de pouvoir qui en ont découlé. Ainsi, alors que la psychiatrie semble désormais marginalisée, l’enjeu se retrouve essentiellement partagé entre la gériatrie et la neurologie. D’un côté, la gériatrie témoigne d’un rapport controversé à la question des démences séniles, entretenant une représentation du « malade d’Alzheimer » comme la figure archétypale du vieillard, glissement renvoyant à une « Alzheimérisation de la vieillesse » [3] et une « démentification de la gérontologie ». D’un autre côté, la neurologie insiste sur la dimension organique de la maladie et souligne l’importance des repérages précoces des pathologies démentielles. Si l’enjeu diagnostique est défendu par la neurologie, sa prise en charge sur le long terme est le fer de lance de la gériatrie. Au final, ce chapitre III témoigne d’un effort d’élucidation des différents événements dans le champ de la neuropathologie, de la psychiatrie et de la gériatrie. Il contribue également à mettre en évidence les relations ambivalentes du concept de maladie d’Alzheimer avec le processus de vieillissement et les seuils d’âge.

41 Le chapitre suivant (IV) explore de manière détaillée l’entrée de la maladie d’Alzheimer dans la sphère médicale à partir du développement des thérapeutiques médicamenteuses. Un premier point analyse la naissance d’un nouveau marché pharmaceutique offrant de vifs espoirs de succès économiques et contribuant même au développement d’une nouvelle discipline, la proximologie. Par la suite, le point de vue sociologique de l’auteur explicite les différentes portées de cette médicalisation. Fixée dans le registre de l’organique, la pathologie est valorisée, les médecins moins impuissants face à la maladie se trouvent légitimés et les malades et leur famille peuvent espérer une normalisation des comportements et donc une moindre marginalisation. Les deux derniers points abordent les aspects thérapeutiques et offrent au lecteur un décodage des controverses associées à la prise en charge médicamenteuse de la maladie d’Alzheimer.

42 La conclusion du chapitre V porte sur la maladie d’Alzheimer en tant que problème de santé publique. Après en avoir exposé les fondements (politique du nombre et incidence économique et sociale), l’auteur propose un regard critique sur le développement des programmes de santé publique, articulés autour des facteurs de risques et de protection. L’enjeu soulevé ici relève de la responsabilisation des individus à travers les diverses campagnes de prévention et d’éducation à la santé occultant par trop les facteurs sociaux et économiques sous-jacents.

43 La troisième partie explore les représentations sociales de la maladie d’Alzheimer. On y trouve un inventaire de ses nombreuses représentations négatives : déchéance, mort sociale et déshumanisante, maladie sournoise, honteuse, infantilisante, etc. On apprécie de clore cet inventaire sur quelques notes positives ayant trait aux fugaces moments de bonheur ou encore aux enrichissements existentiels que peut aussi présenter l’épreuve de la maladie. Le huitième chapitre conclut cette partie sur les formes d’expression artistiques telles que la littérature, le cinéma ou la télévision, qui attestent la montée de la médiatisation de la maladie.

44 La quatrième partie étudie les mobilisations collectives des malades et de leurs aidants. Le chapitre IX décrit l’émergence des associations de familles de malades en France et décode notamment le défi que représente la constitution d’une cause : légitimer une identité fondée sur la logique du chiffre ou de la souffrance tout en évitant la stigmatisation du groupe. Le chapitre X décrypte quant à lui les enjeux liés à la prise de parole des personnes malades quant à l’identification de leurs besoins propres et de ceux de l’entourage.

45 L’ouvrage se clôt par une cinquième partie qui aborde la question de l’inscription à l’agenda politique de la maladie d’Alzheimer : inscrite en filigrane depuis la fin des années 1990, elle est explicitée à travers les trois plans Alzheimer successifs. La genèse socio-historique particulièrement détaillée proposée dans le chapitre XI décrit l’évolution de la prise en charge de la maladie d’Alzheimer. Au titre de l’invalidité, la démence sénile relevait de la psychiatrie jusqu’à la fin des années 1970. Puis, à partir de 1979 et jusqu’en 2000, la maladie d’Alzheimer est indexée à la question de « dépendance des personnes âgées », mais se pose d’ores et déjà la question d’une politique plus spécifique (rapport Girard). Celle-ci voit le jour dès 2001, avec un premier programme d’actions spécifiques à la maladie d’Alzheimer, qui sera suivi, des plans Alzheimer 2004-2007 et 2008-2012. Ces politiques spécifiques font l’objet du tout dernier chapitre (XII) du livre, qui en décrit les enjeux sociaux, politiques et institutionnels.

46 Au final, cet ouvrage porte un regard neuf sur la maladie d’Alzheimer en proposant de déconstruire le processus complexe par lequel cette catégorie médicale est devenue une catégorie sociale courante. Grâce à une approche socio-historique donnant à voir les diverses logiques dont la construction de la maladie d’Alzheimer est le fruit, et les politiques publiques auxquelles elle a donné jour ces dernières années, Laetitia Ngatcha-Ribert complète ici de façon pertinente d’autres approches existantes, qui éclairent davantage les enjeux sociaux et économiques de cette pathologie. Au-delà, en soulevant les paradoxes auxquels renvoie la construction de la maladie d’Alzheimer au regard des catégories d’âge et de la « folie », l’ouvrage interroge de manière originale les représentations de la vieillesse et ouvre ainsi des perspectives pour la sociologie du vieillissement et de la santé.

47 Par Pamela Miceli

48 Docteur en sociologie, Ceries, université Lille 3

Vive la protection sociale ! Bertrand Fragonard, Paris, Odile Jacob, 2012, 302 p.

49 Ce livre est un plaidoyer en faveur de la protection sociale française : généreuse, universelle, elle contribue à amortir les chocs liés aux crises et aux facteurs d’accroissement des inégalités. Son système complexe doit cependant faire face à des déficits croissants et des risques insuffisamment ou non couverts dans un contexte de stagnation économique, de contraintes budgétaires de l’État et de résistance de la population aux réformes nécessaires. L’auteur, considéré comme l’un des meilleurs experts de la protection sociale, est convaincu de l’utilité de la maintenir en l’adaptant au nouveau contexte économique, social et démographique.

50 Point de départ de l’ouvrage : le poids croissant de la protection sociale en France. Elle mobilise, par des prélèvements obligatoires, un tiers de la richesse nationale et sa croissance augmente depuis 50 ans une fois et demie plus vite que le PIB. Elle a permis de couvrir les dépenses de soins, de soutenir le niveau de revenu des familles ayant des enfants à charge, de payer les retraites, d’assurer un minimum de revenus à ceux qui en sont dépourvus, elle a aidé les chômeurs et les handicapés. Elle l’a fait de façon plutôt efficace et équitable. Mais les choix retenus pour la financer ont de lourdes conséquences sur le coût du travail, les comportements d’épargne et d’assurance, le dynamisme des personnes et des entreprises. Malgré les réformes introduites depuis les années 1990 pour maîtriser les dépenses sociales – plus élevées que chez la plupart des États de l’Union européenne –, ce système a réussi à préserver l’équilibre entre ses deux objectifs fondamentaux : assurer une protection universelle et aider les plus démunis. L’auteur note que ce qui pose problème, plus que le niveau des dépenses, est l’existence de dépenses inefficaces qui freinent les progrès d’autres politiques sociales pour couvrir des besoins sociaux insuffisamment pris en charge (comme la dépendance, la contribution à la lutte contre la pauvreté, la situation des jeunes, la pénurie de logement social, par exemple).

51 La progression mal maîtrisée des dépenses accroît les déficits et exige un accroissement des recettes qui réduit le pouvoir d’achat des consommateurs et la compétitivité des entreprises, pesant sur la croissance économique, dans un contexte de déficits et dettes publics. La croissance prévisible des dépenses sociales associée au vieillissement, fait craindre aux critiques du système qu’il soit voué à la faillite, qu’il réduise de moins en moins les inégalités, et qu’il favorise les vieux au détriment des actifs, des jeunes et des retraités pauvres.

52 L’auteur se demande donc si la Sécurité sociale n’est plus qu’un reliquat d’un État-Providence qu’il convient d’abandonner. Or, son expérience de plus de 35 ans à la tête de divers organismes (assurance maladie, famille) comme directeur, comme conseiller de ministres de divers horizons et comme délégué interministériel (lors de la création du RMI) l’a conduit à analyser en connaissance de cause ce système. Il en tire la conviction qu’il peut et doit être sauvé. Cette conviction est confortée par le fait que, malgré ses déboires, les Français restent très attachés à leur modèle social pour prendre en charge une grande partie des risques de la vie, en particulier la santé et la retraite. Ce système est au cœur du contrat social qui n’a jamais été remis en cause de façon radicale, quels que soient les gouvernements. Il faut certainement le réformer, pour qu’il garde sa force et son originalité, et fonctionne avec plus d’efficacité et d’équité, pas forcément en payant moins, mais en dépensant mieux.

53 Comment y parvenir ? Ce livre commence par une mise en garde contre la pléthore des faux débats sur la protection sociale, qui reste méconnue. Cinq exemples illustrent les fausses idées mises en avant : la réduction continue des remboursements des soins médicaux, le traitement défavorable des classes moyennes, la générosité des allocations de chômage qui découragerait le retour à l’emploi, les fraudes, sur contributions et prestations, des frais de gestion excessifs. Ces fausses idées reflètent des craintes communes accrues par la crise, renforcées par le débat public sommaire et le déficit de démocratie sociale dont profitent les détracteurs de la protection sociale, et font obstacle aux réformes nécessaires. Il s’agit de questions complexes qui nécessitent une vulgarisation de bon niveau, ce à quoi contribue cet ouvrage, en clarifiant de façon objective les problèmes, les options diverses et leurs avantages et limites, offrant des éléments solides de jugement accessibles à un large public. L’ouvrage passe rapidement en revue les trois approches des réformes de la protection sociale qui caractérisent le débat public en France, celle de la « gauche résistante », la sociale démocrate et la libérale. L’auteur défend l’approche sociale démocrate d’une protection sociale française cohérente, plutôt équitable, plus juste et plus protectrice que celle d’autres pays développés, mais à l’évidence trop coûteuse et pas assez réactive.

54 Outre l’introduction et la conclusion, cet ouvrage comporte onze chapitres, les deux premiers étant transversaux. Le chapitre I passe en revue les fondements et l’évolution de la protection sociale en France. Couvrant à l’origine les salariés, la protection sociale devient de plus en plus universelle avec l’adoption du critère de résidence régulière en France pour les branches famille et assurance maladie. Les régimes obligatoires de base couvrent quatre risques (charges familiales, maladie, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles), ainsi que le chômage et les régimes complémentaires obligatoires de retraite. Ensemble, ils correspondent à 80 % de la protection sociale. Cinq questions apparaissent auxquelles le livre se propose de répondre :

55

  • En croissant plus vite que le produit national, la protection sociale risque-t-elle d’évincer d’autres fonctions sociales (crédits pour le logement social ou pour l’enseignement secondaire ou supérieur) ?
  • Sa structure de financement a-t-elle des effets économiques pervers ?
  • Les coupures des dépenses envisagées sont-elles choisies avec efficacité et équité ?
  • Comment renforcer la confiance de la population dans le système de protection sociale ?
  • Comment améliorer l’accès des ménages aux services d’accompagnement pour la recherche d’un travail ou d’un mode de garde d’enfants, ou encore pour l’accès rapide ou simplifié à des prestations nécessaires auxquels ils renoncent car les trouvant trop complexes ?

56 Le chapitre II répond aux principales critiques adressées à la protection sociale en matière d’équité à l’égard des ménages pauvres et des classes moyennes, passant en revue les prestations accordées et les pistes d’amélioration, y compris au regard de la dépendance liée à l’âge ou des besoins à la « périphérie » de la protection sociale (l’éducation, le logement), passant aussi au crible les limites des demandes tendant à diminuer la protection sociale des ménages les plus aisés, l’amélioration de la prise en charge de la dépendance via la diversification des contributions des personnes âgées sur leurs revenus ou sur leur patrimoine.

57 Les autres chapitres analysent les modalités d’intervention de la protection sociale à chaque étape ou aléa de la vie – commençant par la politique familiale (chapitre III), la condition féminine –, la situation des familles avec enfants à charge, le risque d’isolement, la disponibilité pour s’occuper d’un proche, la situation des femmes à l’âge de la retraite et la protection inégale des veuves, se demandant si la Sécurité sociale est sexiste (chapitre IV), le difficile chemin vers l’autonomie des jeunes adultes (chapitre V), l’indispensable maîtrise des dépenses de l’assurance maladie (chapitre VI), la nécessité de protéger les actifs en conciliant le soutien au revenu et l’incitation au travail (chapitre VII), les réformes des retraites encore insuffisantes qui doivent être poursuivies et les pistes possibles (chapitre VIII), les progrès réalisés dans les systèmes de gouvernance et de gestion et les champs d’action visant à réduire la complexité des prestations et des cotisations (chapitre X), l’évolution du système de financement de la Sécurité sociale (chapitre XI) caractérisée par trois facteurs :

58

  • l’augmentation régulière des recettes pour « rattraper » celle des dépenses ;
  • la diversification des ressources de la Sécurité sociale (prélèvements sociaux sur les revenus du capital – dont la CSG, les taxes sur le tabac, les alcools et les boissons sucrées, TVA sociale), mais aussi l’allégement des cotisations patronales sur les bas salaires pour favoriser l’emploi peu qualifié ;
  • la montée depuis les années 1990 de l’endettement de la Sécurité sociale, l’apparition d’une « dette sociale », avec la création en 1996 de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) pour la résorber et dont la durée de vie a déjà reconduite à quatre reprises…

59 En conclusion, l’auteur énumère les possibilités et les limites d’actions pour réduire la dette et les déficits de la Sécurité sociale, considérant que les décideurs n’ont pas su – ou pas voulu – s’attaquer à la racine des faiblesses du système. Car les dépenses ont augmenté de 26 % à 31 % du PIB entre 1990 et 2010. Cependant, le taux de pauvreté n’a pas régressé, la pauvreté parmi les jeunes de moins de 25 ans a doublé depuis les années 1980, les jeunes sont marginalisés sur le marché du travail, et de plus exclus du RMI et du RSA. Malgré la création du Pôle emploi, la France met moins de moyens que la plupart des pays européens pour accompagner les demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du travail. Malgré l’accroissement annuel du financement des retraites et de l’assurance maladie, la France restreint sa population active en mettant ses seniors à la retraite plus tôt qu’ailleurs, elle ne s’attaque pas à l’autonomie des professionnels de santé et à la tarification des dépenses de soins, elle maintient des inefficiences. Les réformes mineures envisagées dans un scénario conservateur n’y remédieraient pas, ne préviendraient pas la dégradation progressive des prestations familiales et des minima sociaux indexés sur les prix, et non sur les salaires. L’auteur propose un scénario réformiste pour atteindre trois objectifs :

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  • éliminer le déficit de la Sécurité sociale avant 2017 et financer la dette sociale par une hausse de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) ;
  • réduire les dépenses sociales de un point du PIB à l’horizon 2023 ;
  • redéployer les fonds de la protection sociale pour en améliorer les résultats et le ciblage.

61 Les ressources sont à rechercher en premier lieu dans les deux branches les plus « dépensières » : la retraite (par une sous-indexation des pensions ou la baisse des taux de remplacement pour les nouveaux retraités, ou encore un allongement supplémentaire de la durée de cotisation et/ou de l’âge effectif de la retraite en fonction de l’allongement de l’espérance de vie) et la maladie (par une remise en question de l’organisation du système de santé, des modes d’exercice et des positions acquises, l’introduction de franchises ou d’un « bouclier sanitaire » des assurés). Quant à la politique familiale, il convient de la cibler sur les classes moyennes et populaires. L’indemnisation du chômage pourrait faire quelques économies (baisse des taux de remplacement et réforme des avantages accordés aux intermittents du spectacle et de leurs employeurs qui coûtent un milliard d’euros par an à l’assurance - chômage) ; les économies ainsi réalisées devraient en partie renforcer le Pôle emploi pour mieux accompagner et former les demandeurs d’emploi. D’autres réaffectations sont suggérées pour combler des lacunes et des exclusions actuelles et améliorer l’efficacité et l’équité globales du système, mais elles ne remettent pas en cause son existence et ses objectifs. L’acceptation de telles suggestions ne sera pas facile, mais il s’agit d’une responsabilité collective consciente de la nécessité et de l’urgence d’un contrôle et d’une réaffectation des dépenses.

62 L’ouvrage présente clairement la problématique des réformes nécessaires, urgentes et faisables. Il sera utile à tous les décideurs, qu’ils soient politiques, économiques, financiers ou partenaires sociaux.

63 Par Hedva Sarfati

64 Ancienne directrice au BIT, consultante AISS, marché du travail et réforme de la protection

65 sociale

Vieillissement et temporalités sociales : une comparaison France-Québec Mélissa Petit, thèse de doctorat en sociologie, Université Paris Descartes, 2012, 349 p.

66 Voici une thèse reposant sur un important travail de recherche très approfondi. Il s’agit d’un ouvrage fort intéressant, original par son approche qui se fonde sur une comparaison de deux zones (France-Québec) et qui propose des thématiques diversifiées et complémentaires (parcours de vie, temporalités sociales). La thèse explore le sujet du vieillissement et des temporalités, l’analyse sous des angles divers, et cherche à vraiment comprendre les dynamiques à l’œuvre dans les deux zones. La réflexion y est très bien menée, à la fois à partir des textes théoriques et à partir du terrain. La mise en évidence du temps de travail comme temps social dominant, de la « norme temporelle » associée à ce temps, des transformations associées au passage à la société postindustrielle, dont celles liées au parcours de vie ternaire et à la protection sociale, sont autant d’aspects intéressants et qui portent à réflexion.

67 La thèse présente quatre types d’agencements des temporalités sociales à la retraite, en utilisant aussi l’approche des parcours de vie et en s’intéressant aux modalités de transition travail-retraite. L’auteure se penche également sur les significations du processus de vieillissement et du statut de retraité. L’autre aspect qui retient l’attention est l’intérêt qu’elle porte aux interactions entre les niveaux micro et macrosociologiques, ainsi qu’aux cloisonnements ou décloisonnements (on aurait aussi pu parler de porosités/perméabilités), ce qui est très pertinent.

68 La recherche porte sur deux dimensions ou activités de retraite : le travail à la retraite et le bénévolat, ce dernier élément étant relativement peu traité à ce jour. L’auteure met aussi en relief le rôle des politiques publiques et leur effet sur les pratiques des individus, sur des agencements particuliers définis par ces individus retraités. Les cumuls emploi-retraite, ou encore emploi-retraite-bénévolat sont ainsi étudiés, et ce dans deux contextes, soit ceux de la France et du Québec, ce qui rend l’exploration des thématiques d’autant plus riche et intéressante.

69 Tel que précisé, « l’objectif de (la) thèse consiste à comprendre l’organisation des temporalités sociales à la retraite ». L’auteure se demande « de quelle manière les individus structurent et articulent leurs temporalités sociales à la retraite ? ». Elle précise que le « cadre théorique de la recherche s’ancre dans une double perspective (les temporalités sociales et le parcours de vie) », deux éléments et concepts de recherche importants. Elle montrera que « l’addition des temporalités sociales sur le parcours de vie est plus une habitude québécoise que française », en raison de différents facteurs énoncés plus haut, dont l’importance des politiques publiques. La France est plus dans un agencement des temporalités sociales focalisé sur l’exclusion, tandis que le Québec a davantage une tendance à l’inclusion. Les Québécois vont ajouter diverses temporalités sociales pendant le temps de la retraite, dès lors ils agenceront à la fois un travail à la retraite, des activités familiales, du bénévolat alors que les Français sont plus habitués à se spécialiser dans une seule et unique temporalité sociale. Ces deux modes de fonctionnement caricaturaux ont été fortement ancrés par les dispositifs publics. À cet égard « il était interdit à un préretraité français dans les années 1980 de retravailler, tandis que cette situation était possible au Québec. »

70 La multiplicité des temporalités sociales est dès l’abord bien expliquée par l’auteure : « il existe non pas un, mais plusieurs temps, différant les uns des autres, caractérisés par des qualités propres à chacun d’eux. Loin de se fondre et de disparaître dans un grand temps unique, ils coexistent ou se succèdent. Ils naissent, durent et meurent comme les êtres qui les portent, comme les activités qui les rythment. Ils se composent ou s’opposent selon leur provenance et la fonction qu’ils assument » (Grossin, 1995, p. 5). L’auteure nous dit aussi que la multiplicité des temps sociaux permet de « dépasser l’illusion de l’uniformité des temps sociaux et de rejoindre le vécu réel des individus et des groupes à travers les différentes situations et expériences sociales » (Mercure, 1995, p. 17). Elle est « l’expression concrète de la multitude des modes d’activités dans le temps et des différentes manières de prendre conscience du temps » (ibid., p. 23). L’auteure nous rappelle aussi que « les temps sont également sociaux car ils sont le produit de la société ». « Ils n’existent pas indépendamment de la perception des individus et leur inscription dans des temporalités ne résulte pas de choix purement individuels mais de l’interaction avec d’autres rythmes et temporalités (individus, groupes, institutions…) » (Laloy, 2010, p. 19). La définition de Roger Sue nous paraît la plus appropriée et pertinente : « Sue définit les temps sociaux comme “les grandes catégories ou blocs de temps qu’une société se donne et se représente pour désigner, articuler, rythmer, et coordonner les principales activités sociales auxquelles elle accorde une importance et une valeur particulière” » (ibid., p. 64). Et bien sûr, « les temporalités sociales sont à appréhender à chaque niveau : institution, groupe, individu » (p. 22).

71 La section (3.2) sur les parcours de vie est un peu courte et à notre avis on aurait dû citer les travaux de Paul Bernard ainsi que de Susan Mc Daniel par exemple, pour mieux montrer que des événements de la vie peuvent avoir un effet sur la suite du parcours, inflexion importante lorsqu’on traite du vieillissement.

72 L’auteure pose alors deux hypothèses : « D’une part, nous supposons que selon le parcours de vie et de surcroît selon les modes de transitions entre le travail et la retraite, l’articulation des temporalités sociales des individus variera. D’autre part, la comparaison internationale France-Québec permettrait d’identifier, en raison des régimes de protection sociale et des politiques publiques, des structurations spécifiques des temporalités sociales. » On nous dit observer une toute autre structuration des temps au Québec, plus imbriquée. Il faudrait plus de données à l’appui. Est-ce que ce ne sont pas des individus différents qui préfèrent faire différemment comme le propose la théorie sur la segmentation ou séparation des sphères versus intégration des sphères, avec les individus dits « intégrateurs ou séparateurs » ? Il y aurait alors des individus de l’un et l’autre type en France et au Québec, mais peut-être des organisations qui favorisent plus l’un ou l’autre dans les deux zones. En tout cas, il semble difficile d’imaginer que chaque zone soit tout l’un ou tout l’autre et n’ait qu’un type d’individus, ce que l’on semble laisser entendre. Il est tout de même intéressant de poser la question et d’ouvrir la réflexion sur ce thème. Par ailleurs, s’il n’y a pas eu au Québec de politiques publiques poussant tous les individus à une retraite hâtive, il y a eu un grand nombre de programmes privés, dans de grandes entreprises privées, et les syndicats ont aussi contribué à créer des attentes pour une retraite hâtive, vue presque comme un droit ou un « cadeau ». (voir Bellemare, Poulin Simon et Tremblay, 1998, Le paradoxe de l’âgisme dans une société vieillissante, et un article des mêmes auteurs dans Relations industrielles, 1995).

73 On nous dit aussi que la société française favorise nettement plus que le Québec le comportement d’un retraité consommateur de temps pour soi. Est-ce vraiment toujours le cas ? Ici encore, il y a des personnes qui font l’un comme l’autre dans les deux zones, il me semble… selon leurs aspirations personnelles, et peut-être leur parcours antérieur.

74 La partie sur la désocialisation professionnelle comme celle sur la perte d’identité sont très intéressantes et les témoignages à ce sujet pertinents. On y montre bien que la recherche de l’utilité sociale par une participation à la vie sociale peut être une réponse à la perte de l’identité professionnelle. Les deux formes du bénévole mises en évidence par l’auteure sont également intéressantes : le bénévole expert et celui qui est plus axé sur la dimension citoyenne. La dimension de réversibilité des parcours pose toutefois question : dans quelle mesure y a-t-il vraiment réversibilité pour tous ? Par exemple, les travailleurs âgés qui quittent leur emploi arrivent-ils à revenir ? En France comme au Québec cela ne semble pas aller de soi. Par ailleurs, l’auteure parle de « desserrement de l’étreinte temporelle » du travail qui s’explique par la « réduction quantitative du temps de travail et l’aspiration aux temps libre des individus ». On peut se demander si c’est bien le cas, ou si le temps de travail ne reste pas le temps dominant, régulant les autres temporalités (vie personnelle, familiale, etc.), même lorsque sa durée se réduit, il reste tout de même déterminant dans la construction de l’identité et l’organisation des autres temps, voire même des réseaux sociaux hors travail dans nombre de cas présentés dans la thèse.

75 La typologie des formes d’agencement des temporalités sociales à la retraite est intéressante, les questions d’autonomie/hétéronomie également, car elles invitent à une réflexion sur la diversité des situations et des temporalités sociales à la retraite. L’auteure définit les quatre types qu’elle propose :

76 Le type 1, « Agencement pour soi », met en exergue le temps pour soi ; ces enquêtés organisent de façon autonome leurs temporalités qu’ils centrent vers le temps pour soi, vers eux-mêmes. Le temps est librement choisi à destination d’un développement personnel.

77 Le type 2, « Agencement autour d’un temps pivot », est centré sur les dimensions de l’hétéronomie dans l’organisation des temporalités sociales et de la polarité sur une temporalité sociale. L’agencement s’indexe sur un temps dominant qui rythme la vie de l’individu et polarise toutes les autres temporalités sociales.

78 Le type 3, « Agencement équilibré », instaure un équilibre librement choisi entre les différents temps sociaux sans pression d’instances extérieures. L’individu réalise une composition libre de ses temporalités sociales en fonction de ses goûts et de ses aspirations.

79 Le type 4, « Agencement diversifié hétéronome », correspond à un budget temps qui pourrait sembler de prime abord équilibré, mais qui est avant tout diversifié et imposé par des collectifs extérieurs à l’individu.

80 On peut bien sûr s’interroger sur la construction des quatre types et se demander si ce sont bien les seules modalités, mais la proposition reste attractive. On aurait pu reprendre la typologie établie par A.-M. Guillemard, ou bien préciser ce qu’apporte de plus la typologie présentée dans la thèse.

81 Un élément nous étonne un peu : d’où vient l’idée que le Québec n’a pas été caractérisé par la division ternaire du parcours de vie ? C’était peut-être un peu moins radical qu’en France, mais le parcours ternaire a aussi bien dominé au Québec il me semble, alors que l’auteure dit (p. 46) : « le Québec a construit sa société autour de l’interpénétration forte d’une pluralité de temporalités sociales tout au long du parcours de vie, ce qui favorise la diversité de ces temporalités sociales à la retraite et une fluidité du passage d’un temps à un autre. A contrario, la France, à partir des polices des âges, a introduit une séparation tranchée entre les étapes du parcours de vie, limitant toutes tentatives d’ajout des temporalités sociales sur une étape du parcours de vie. » On retrouvera ensuite les répondants interviewés dans les divers types d’agencement et on peut se demander si vraiment les distinctions sont si fortes entre le Québec et la France sur ce plan. Y a-t-il une perception et une pratique différentes des temporalités sociales, des parcours de vie (plus fluides ?) entre les deux zones ? La question reste à notre avis ouverte.

82 L’auteure nous dit aussi « cette idée de concurrence des temps s’inscrit dans une logique française de cloisonnement des temporalités sociales sur le parcours de vie où aucun temps ne peut s’entremêler, ce qui n’est pas le cas au Québec ». Je pense que dans les deux zones on a eu des cloisonnements et qu’on évolue aussi vers plus de gens sur le marché du travail et un certain recul du bénévolat au Québec, du moins selon certaines données récentes. Il y a sans doute plus de fluidité entre le travail et les études au Québec, et la formation continue, le retour aux études y est clairement plus fréquent qu’en France.

83 Le personnage de type 4 est particulièrement intéressant, notamment l’« angoisse de ce vide temporel » que vit ce personnage. Le fait que la garde des petits-enfants soit vécue « comme une satisfaction et une solidarité bienveillante, mais elle peut également être un fardeau ou une imposition » n’est pas neutre. L’importance des engagements face à la famille (garde des petits-enfants) ou face au bénévolat est effectivement très prégnante pour plusieurs, ainsi que celle de la reconnaissance dans le bénévolat, autre aspect intéressant de ce qui est recherche dans l’activité post-carrière.

84 Une partie fort intéressante de la thèse renvoie au lien entre l’organisation des temporalités sociales pendant la vie professionnelle et les modalités de transition travail-retraite, d’une part, et les types de structuration à la retraite, d’autre part. On retrouve ici une analyse intégrant bien l’analyse des parcours de vie, puisqu’elle fait le lien entre deux étapes de vie.

85 Pour conclure, une thèse digne d’intérêt, comportant beaucoup d’éléments nouveaux et pertinents à lire par tous ceux qui s’intéressent aux temporalités sociales, à la retraite, aux activités post-retraite et au vécu de la post-retraite.

Références

86 Grossin W., 1995, « La notion de cadre temporel », Temporalistes, n° 31, p. 14-18.

87 Laloy D., 2010, L’articulation des temps chez les assistants sociaux : analyse de l’influence du degré de formalisation des cadres organisationnels, Thèse soutenue à l’université catholique de Louvain.

88 Mercure D., 1995, Les temporalités sociales, Paris, L’Harmattan.

89 Sue R., 1994, Temps et ordre social, Paris, Presses universitaires de France.

90 Par Diane-Gabrielle Tremblay

91 Professeure, Téluq, Université du Québec, Titulaire de la chaire de recherche du Canada sur

92 les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir

Vivre les âges de la vie : de l’adolescence au grand âge Aline Chamahian, Claire Lefrançois (dir.), Paris, L’Harmattan, 2012, 310 p.

93 Comme le laisse entendre son titre, l’intérêt et l’originalité de cet ouvrage collectif tiennent au fait qu’il ne traite pas seulement de la retraite ou du grand âge, mais plus largement de l’ensemble des âges de la vie. Il s’agit d’un choix assumé : ce livre constitue un plaidoyer pour appréhender la question de l’âge de façon globale et transversale.

94 La préface de Vincent Caradec explique l’importance et l’enjeu d’un tel décloisonnement des sociologies spécialisées des âges, que les transformations de la structuration du parcours de vie survenue au cours des dernières décennies ont rendu nécessaire. Pour que ce décloisonnement ait du sens, il importe cependant de définir un fil conducteur qui puisse réunir des travaux portant sur l’adolescence, la jeunesse, l’âge adulte ou encore la vieillesse. Ce fil conducteur est ici celui de l’expérience de l’âge et de l’avancée en âge tout au long de la vie, l’objectif étant de comprendre la façon dont les individus – quel que soit leur âge – vivent le « vieillir tout au long de la vie ». L’analyse de ce vécu, toujours articulée à celle des pratiques et des représentations, donne à voir les tensions entre les points de vue individuels, les relations à autrui et les normes sociales.

95 Claire Lefrançois et Aline Chamahian nous rappellent dans le chapitre introductif que l’âge chronologique est articulé à d’autres marqueurs sociaux tels que le genre ou l’appartenance sociale, qui ont toujours des effets sur le vécu subjectif de l’avancée en âge. La construction de l’ouvrage ouvre déjà sur les multiples situations – souvent des « épreuves » – dans lesquelles l’expérience de l’avancée en âge tout au long de la vie peut être appréhendée. L’attention est ainsi portée, dans la première partie, sur le vécu du vieillir à travers les pratiques corporelles et sportives. Dans la deuxième partie, ce sont les expériences de réversibilité/irréversibilité qui peuvent surgir dans les parcours de vie qui sont traités. La troisième partie, quant à elle, focalise son propos sur les épreuves du lien familial et social au fil de l’avancée en âge.

96 La première partie de l’ouvrage aborde donc la question des pratiques corporelles et physiques à travers lesquelles les individus « éprouvent leur âge » et par lesquelles ils tentent de se conformer aux normes d’âge et/ou de s’en distancier. Il s’agit ici de comprendre comment les individus « travaillent » les normes d’âge en s’appropriant leurs corps et comment ils gèrent la tension entre âge biologique, âge chronologique et âge subjectif. Cette première partie donne une place importante à l’analyse du genre et des catégories sociales, « les usages du corps étant socialement et sexuellement différenciés » (p. 59), mais aussi à la dimension relationnelle de ces pratiques.

97 Ainsi, dans le chapitre I, Aurélia Mardon analyse comment les pratiques vestimentaires des adolescents sont utilisées par eux pour « coller » et/ou « se distancer » de leur âge chronologique et des normes d’âges du collège, « monde social » profondément normé, où il est fondamental de « coller à son âge » social. Que l’on soit « grand » (en 4e, 3e) ou « petit » (6e, 5e), les pairs veillent au grain et les sanctions symboliques (humiliations publiques, etc.) rappellent les écarts à la norme. Aurélia Mardon nous explique également que ces normes entrent en tension – voire en opposition – avec, d’une part, les modifications du corps liées à la puberté et, d’autre part, les normes parentales des collégiens.

98 Dans le chapitre II, c’est par l’analyse de l’engagement sportif que Carine Guérandel et Christine Mennesson pensent le rapport à l’âge et les manières de « travailler son vieillir » (p. 60) des adolescents issus des quartiers populaires. Elles montrent ainsi que, différencié sexuellement, l’engagement sportif accompagne pour les garçons un « rite de passage » permettant de « devenir un homme ». Les filles, quant à elles, ne semblent pas tendre autant vers le « devenir femme ». Tenant les marqueurs de l’hyperféminité à distance, elles « exposent » plutôt leur féminité (et à travers elle leur maturité) par des attributs discrets et des attitudes réservées. Que ce soit par l’entretien de son capital corporel chez les garçons ou l’exposition réservée des attributs de la féminité chez les filles, les auteures constatent que la façon dont ces jeunes vivent l’avancée en âge à travers l’engagement sportif leur permet de se rapprocher des normes des milieux favorisés et de se distancer des collégiens de leur âge et des stéréotypes de « jeunes des cités ».

99 Dans le chapitre III, Pia-Caroline Henaff-Pineau, s’intéresse à la façon dont le vieillissement et l’âge sont éprouvés à travers la pratique sportive chez les 50 ans et plus. Elle montre que, d’un point de vue individuel, le sport – dont les représentations sont aux antipodes de celles associées à la vieillesse – peut être utilisé par certains pour tenter de « lui échapper » (même si la confrontation à plus jeune que soi tend à renvoyer à elle). Pour d’autres, à l’inverse, la vieillesse est ce qui permet la consécration qui n’a pu être autorisée dans la jeunesse : dans ce cas – le point est particulièrement intéressant – « l’épreuve de l’âge (est) alors renversée » (p. 31). C’est ensuite à travers le regard d’autrui qu’est analysée la construction identitaire de ces sportifs vieillissants. P-C. Henaff-Pineau observe à quel point le regard d’autrui est porteur des normes d’âges – souvent paradoxales – et qu’il est souvent à l’origine d’un décalage entre âge chronologique (auquel on associe parfois des « barrières symboliques » ou des rôles à tenir) et âge subjectif des pratiquants.

100 La deuxième partie de l’ouvrage s’intéresse au sens et à l’importance que peuvent prendre le critère d’âge et l’avancée en âge pour des individus qui vivent des expériences (telles que la recohabitation à l’âge adulte, le retour en formation au moment de la retraite ou la recherche d’emploi des chômeurs âgés) qui donnent à voir la tension entre réversibilité et irréversibilité. D’un côté, chacune de ces expériences amène à, profondément et logiquement, remettre en cause la pertinence de l’âge chronologique comme vecteur de linéarité des parcours. D’un autre côté, les analyses soulignent à quel point l’âge peut être signifiant pour les individus et « peser » dans leur façon d’appréhender leurs expériences.

101 Claire Lefrançois consacre le chapitre IV à l’analyse des réactions à la catégorisation par l’âge dont font l’expérience les « chômeurs âgés ». Elle montre que l’étiquette de l’âge reste prégnante sur le marché de l’emploi, au point qu’elle donne parfois à l’épreuve du chômage à ce moment de l’existence un caractère irréversible. Elle montre cependant, grâce à une typologie éclairante, que les individus réagissent à ce type d’assignation différemment selon leurs caractéristiques socio-économiques et leur rapport au chômage : certains sont en recherche active d’un emploi salarié et subissent pleinement le critère de sélection par l’âge, alors que d’autres souhaitent créer leur activité et lui échappent davantage. C. Lefrançois constate aussi que, face à cette assignation, les individus se positionnent différemment par rapport à la légitimité du critère d’âge sur le marché de l’emploi, mais aussi, par rapport à une autre population présente sur ce marché, celle des jeunes.

102 Dans le chapitre V, Valérie Germain interroge la notion de réversibilité lors des recohabitations des jeunes diplômés du supérieur au moment où ils entrent dans l’âge adulte. Elle montre que ces allers-retours sont le plus souvent vécus positivement, car ils renvoient à un support propice et relativement légitimé pour ces enquêtés trentenaires : sécurisation d’une trajectoire professionnelle en « construction », difficultés d’ordre personnel, etc. On regrettera peut-être que le positionnement des parents face à cette situation et ses effets sur le vécu des enfants recohabitants n’aient pas été exploré. Sans doute serait-il intéressant aussi d’observer d’autres situations dans lesquelles la recohabitation a pu s’amorcer (V. Germain évoque celles qui suivent un licenciement ou un surendettement), et/ou des enquêtés de différents âges, niveaux d’études, origines sociales. Dans le chapitre VI, c’est à travers l’épreuve de la reprise d’études vécue par les adultes retraités et actifs qu’Aline Chamahian interroge « l’expérience du vieillir » (p. 160) et de la réversibilité. D’un côté, elle montre que cette expérience questionne le statut d’étudiant et les représentations communes (associées à la jeunesse), et donc la linéarité du parcours de vie. Ces représentations pèsent néanmoins sur le vécu de la reprise d’études par les adultes âgés (ces derniers rechignant à « prendre la place » des plus jeunes, en particulier dans les filières sélectives). D’un autre côté, A. Chamahian montre que cette place en formation est rarement vécue comme une régression lorsqu’elle permet de tendre vers un achèvement de soi et/ou de tenir la vieillesse à distance. L’identité se trouvant toujours prise pour ces adultes actifs et retraités entre différents « modèles normatifs » et une « recherche d’authenticité personnelle » (p. 178), l’auteure rappelle pour terminer que ces tensions, au cœur du « travail du vieillir », existent quel que soit l’âge.

103 La troisième partie de l’ouvrage porte sur « le lien familial et social à l’épreuve du critère d’âge ». Les contributions se focalisent sur la façon dont les relations familiales se trouvent prises dans des rapports sociaux d’âges et de générations. Plusieurs entrées permettent de rendre compte des rôles et des attentes liés à l’âge auxquels font face les individus. En plus de nous permettre de poursuivre la réflexion sur la tension entre âge subjectif et âge chronologique, les analyses présentées ici soulignent également comment l’âge influence fortement la façon dont on se positionne par rapport à son propre parcours et/ou par rapport à celui d’autrui.

104 Dans le chapitre VII, Pamela Miceli questionne l’expérience subjective de l’avancée en âge pour les individus aux prises avec l’épreuve familiale de la maladie d’Alzheimer. Constatant que les expériences de l’aide peuvent être vécues différemment en fonction de l’âge et de la position dans le cycle de vie des aidants, elle rappelle qu’elles entrent en tension avec l’injonction à l’autonomie et à l’épanouissement de soi. P. Miceli s’intéresse ensuite au sentiment de « transformation, voire d’inversion des rôles symboliques », en montrant comment il peut creuser l’écart entre âge chronologique et âge subjectif, rendant souvent le vécu de l’aide apportée bien difficile.

105 C’est aux personnes dites handicapées mentales que s’intéresse Jean-Sébastien Eideliman dans le chapitre VIII, en focalisant son attention sur « le difficile passage à l’âge adulte » d’individus que l’on associe facilement à une « jeunesse éternelle » et pour qui les étapes traditionnelles de l’avancée en âge sont retardées, voire considérées comme impossibles. Il montre d’abord le malaise (dans le discours des proches, des professionnels et dans les pratiques) que suscite la question. Il revient ensuite sur l’origine de ce malaise, en nous montrant en quoi il est étroitement lié à « la construction parallèle des âges de la vie et de la figure de la personne handicapée mentale ». J.-S. Eideliman nous permet ainsi de prendre la mesure du poids de l’image de l’adulte idéal, autonome, réflexif, mature, responsable qui opprime la personne handicapée.

106 Avec le chapitre IX, c’est « la pesanteur de l’âge » (p. 34) au grand âge qui est interrogée par Arnaud Campéon, en particulier quand les « supports » (sociaux, relationnels, matériels, symboliques) qui permettaient d’être soi disparaissent. Revenant d’abord sur l’expérience du « devenir vieux », il rappelle que celle-ci est plus subjective que chronologique et constate ensuite qu’un certain nombre d’événements (tels que la maladie, la perte d’autonomie, les contraintes de l’environnement, matériel, relationnel, et de la norme sociale) participent au déroulement de ce processus et contribuent à « raviver la pesanteur de l’âge ». Il montre enfin comment cette pesanteur contribue de plus en plus à un sentiment d’étrangeté à soi et au monde et, parallèlement, à un sentiment de familiarité avec la mort.

107 Dans le chapitre X, Laurence Le Douarin s’intéresse aux effets de l’âge et de l’appartenance générationnelle sur les usages des TIC par les grands-parents et leurs petits-enfants. Constatant que des différences générationnelles existent en termes d’usage des technologies, elle rappelle d’abord que « chaque génération se conjugue au pluriel » (p. 254) et elle montre ensuite que l’usage des TIC est influencé par bien d’autres facteurs que l’âge, tels que les appartenances sociales, les « logiques d’usage » ou encore le contexte social et relationnel dans lequel cet usage s’inscrit (la communication avec les proches pouvant lui donner sens et/ou une « socialisation inversée » le favoriser). Elle revient enfin sur trois contextes sociaux particuliers, ceux de la retraite, du veuvage et de l’entrée en maison de retraite, moments d’épreuve où les TIC peuvent devenir des supports, et cela, « même » pour des personnes âgées.

108 Prendre l’âge pour objet d’étude soulève un certain nombre d’enjeux, à la fois théoriques et méthodologiques. Le chapitre conclusif d’Isabelle Mallon permet de revenir sur ces aspects fondamentaux de la recherche à travers une réflexion sur la façon dont le « vieillissement ordinaire » peut se traduire et être appréhendé par les chercheurs. Elle montre qu’il peut l’être à partir du vécu individuel et/ou dans un rapport à autrui, cristallisé dans des événements marquants et/ou à travers des processus silencieux, tout en rappelant qu’il se traduit et s’appréhende toujours de façon plurielle, puisqu’il n’est ni le même à vivre, ni le même à dire, selon le sexe et le milieu social.

109 Ce dernier chapitre, même s’il focalise l’attention sur le grand âge, est facilement entendu au regard des contributions précédentes et ouvre plus largement la réflexion sur l’approche méthodologique et théorique à adopter lorsqu’on s’intéresse à l’âge en tant que sociologue. Alors que la préface de V. Caradec nous rappelait en quoi le décloisonnement de la sociologie des âges était fondamental, I. Mallon nous donne ici matière à penser des outils – théoriques et pratiques – qui viendront sans nul doute nourrir la réflexion des chercheurs travaillant sur les âges de la vie, en espérant que les échanges entre spécialistes d’âges différents seront à l’avenir plus nombreux, comme y invite cet ouvrage.

110 Par Fanny Auger

111 Doctorante au Ceries, Université Lille 3


Date de mise en ligne : 13/05/2014

https://doi.org/10.3917/rs.067.0181

Notes

  • [1]
    Mission de recherche dans le champ des sciences humaines et sociales, pour le domaine de la santé, de la solidarité et de la protection sociale à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère des Affaires sociales et de la Santé
  • [2]
    Caisse nationale de la solidarité et de l’autonomie, en coopération avec plusieurs partenaires DGAS, ANESM, ANSP, départements de Paris et du Rhône, Fondation Caisses d’épargne pour la solidarité
  • [1]
    Gucher C., « Aidants naturels » : ambiguïtés et paradoxes d’une notion politiquement construite », in Blanc A., Les aidants familiaux, PUG, 2010.
  • [2]
    Michel Messu, « La “solidarité” comme catégorie politique et comme catégorie scientifique », p. 21-36.
  • [3]
    Frédérique Granet-Lambrechts, « Familles et solidarités en Europe », p. 39-46.
  • [4]
    Ogg J., Renaut S., « Le soutien familial en Europe : l’effet de la position générationnelle », p. 47-60.
  • [5]
    International Social Survey, Programme 2001 : Social network II, (ISSP 2001).
  • [6]
    Le Bihan B., Martin C., « Arrangements de garde et horaires de travail non standards : analyse comparée de trois pays européens », p. 61-80.
  • [7]
    Kérisit M., « L’impact des dispositifs de l’État sur les solidarités familiales des nouveaux arrivants au Canada », p. 81-99.
  • [8]
    Serverin É., « La transmission patrimoniale au risque de la subsidiarité », p. 103-122.
  • [9]
    Le Guidec R., « Famille, succession et fiscalité », p. 123-133.
  • [10]
    Sayn I., « Du droit civil au droit de la protection sociale ou comme transformer des solidarités familiales en obligation alimentaire », p. 135-154.
  • [11]
    Rebourg M., « Le rapprochement des actions exercées à l’encontre des débiteurs alimentaires par les établissements publics de santé et les conseils généraux », p. 155-169.
  • [12]
    Séraphin G., « Évolution de la solidarité dans le dispositif de protection juridique des majeurs », p. 171-181.
  • [13]
    Canuel C., Couturier Y., Beaulieu M., « Le rôle des professionnels à l’égard des proches lors de la détermination de l’inaptitude d’un aîné », p. 185-207.
  • [14]
    Le Borgne-Uguen F., « Protection juridique des majeurs au sein des couples âgés : recours au droit, économies conjugales, économies familiales », p. 209-233.
  • [15]
    Zalewski V., « L’aide à un membre de sa famille : indemnisation ou rémunération ? », p. 235-254.
  • [16]
    Fernandez G., « Le soin aux patients âgés : la diversité des formes de coopération des médecins généralistes avec les familles », p. 281-302.
  • [17]
    Pennec S., « Solidarités pratiques du soin au grand âge, entre inégalités familiales et précariat professionnel », p. 255-279.
  • [18]
    Geneviève Cresson, « Les femmes surtout : rapports sociaux de sexe et solidarité vis-à-vis des personnes dépendantes », p. 303-317.
  • [19]
    Modélisation des économies domestiques, 2011, Département des sciences sociales de l’ENS.
  • [1]
    La paralysie générale, causée par la neurosyphilis, est alors considérée comme une démence de l’âge mûr (survenant surtout entre 35 et 55 ans), et distinguée de la démence précoce (entre 16 et 25 ans) et de la démence sénile survenant après 55 ans (R. Masselon, 1906, « L’affaiblissement intellectuel dans la démence précoce, la démence sénile et la paralysie générale », L’année psychologique, vol. 13, p. 260-274).
  • [2]
    Notion empruntée par l’auteur à Y. Christen, 1997, « L’évolution du concept de démence et de maladie d’Alzheimer », Gérontologie et société, n° 81, p. 187-198.
  • [3]
    Notion empruntée par l’auteur à R. Adelman, 1995, « The Alzheimerization of Aging », The Gerontologist, vol. 35, n° 4, p. 526-532.

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