Notes
-
[1]
Résidence Simone de Beauvoir.
-
[2]
Construits par l’Opac, la moitié a été proposée à des retraités et l’autre à de jeunes couples ayant un enfant de moins de cinq ans. Les appartements sont reliés entre eux par un dispositif de téléphonie interne qui permet de joindre son voisin sans passer par le réseau externe.
-
[3]
Personne employée et ayant en charge l’organisation de l’entraide dans les taches courantes (de la garde d’enfants aux travaux d’entretien) et l’animation de la vie quotidienne (accueil des nouveaux voisins, organisation des fêtes de voisinage…).
-
[4]
Le contrat de pays est un dispositif financé par le contrat de projets État-région (CPER). Il s’agit d’un document-cadre signé par l’État, la région et le département et qui permet de financer des actions d’aménagement et de développement sur le territoire.
-
[5]
L’Assad est une association loi 1901 à but non lucratif qui propose des services aux domiciles sur Rennes et sa couronne sud et est.
-
[6]
Centre communal d’action social.
-
[7]
Les lofts du destin réversible.
-
[8]
Éco-quartier réalisé par Icade à Chevilly-Larue en cours de réalisation et dont la première pierre a été posée en juillet 2010 par Nora Berra, alors secrétaire d'État aux aînés.
1 Pourtant synonyme d’un véritable progrès sanitaire, l’allongement de la durée de vie est indissociable de questionnement multiple, parfois source d’angoisse. Lorsque le niveau de handicap rend nécessaire le placement dans une structure spécialisée, les personnes âgées et leurs familles ne savent pas toujours comment appréhender cette nouvelle étape pour qu’elle soit la plus qualitative possible.
2 De leur côté, les professionnels cherchent, au fil des années, à répondre au mieux aux besoins croissants liés à l’évolution démographique des dernières décennies. Les solutions se multiplient ; une réflexion englobant des aspects non seulement gériatriques, mais aussi sociologiques et éthiques conduit à des avancées humaines, scientifiques et techniques avérées. Dans cette dynamique, l’accompagnement intergénérationnel et la mixité apparaissent comme des notions clés, permettant des perspectives à long terme, car il s’agit bien de construire l’avenir de nos aînés et le nôtre.
3 Des anciens hospices, devenus pour bon nombre d’entre eux des bâtiments patrimoniaux, aux projets contemporains d’habitat évolutif avec soins à domicile destinés aux personnes âgées dépendantes, l’architecture et l’urbanisme constituent deux piliers forts du développement de la qualité de vie du grand âge et donc, du progrès social. La mise en place d’un mobilier novateur, l’attention portée à la composition d’un environnement chaleureux propice au maintien du lien social… contribuent au bien-être de cette tranche grandissante de la population.
4 La conception et la réalisation de lieux adaptés requièrent un important travail de concertation qui, au-delà des urbanistes, architectes, ingénieurs et constructeurs chargés de la maîtrise d’œuvre, implique à la fois les équipes médico-sociales, les acteurs institutionnels, les financeurs publics et privés. L’information interprofessionnelle représente donc une donnée essentielle dans la conduite d’une politique ambitieuse d’accueil, de logement et d’accompagnement solidaire, soucieuse du confort et du respect du grand âge.
5 Ce « Point sur » a donc pour objectif de faire un état des réalisations innovantes dans l’hébergement et l’accueil des personnes âgées à travers des exemples tirés de l’exposition Architecture et grand âge et de la première session du concours Vivre ensemble aujourd’hui et demain (encadré 1). Ces événements offrent l’occasion d’une part, de dresser le bilan des actions et réalisations architecturales destinées aux personnes âgées et d’autre part, de sensibiliser aux projets de demain et à leur intégration dans les territoires non seulement les professionnels (médecins, personnels du secteur hospitalier, sanitaire et social, chercheurs, urbanistes, architectes, élus, décisionnaires), mais aussi et surtout le grand public.
Vivre chez soi
6 Contrairement à une idée répandue, le principal lieu de vie des personnes âgées, y compris les personnes lourdement dépendantes ou présentant des troubles du comportement, demeure leur logement et non l’institution. Neuf personnes sur dix vivent à domicile jusqu’à 85 ans. Aujourd’hui 30 % des plus de 65 ans habitent dans des logements dépourvus de confort, de sécurité et non adaptés à leur situation de vie. L’enquête TNS/Sofres réalisée pour Notre Temps et Mondial Assistance en 2010 fait ressortir que, pour les 65 ans et plus, les accidents de la vie courante résultent trois fois sur quatre de chutes survenant à domicile ou dans ses abords immédiats. Vieillir chez soi et conserver son indépendance à domicile jusqu’à un âge avancé nécessite donc des réponses à trois niveaux :
- l’adaptation du logement ;
- des services de soins et d’accompagnement ;
- une accessibilité au quartier et à la ville.
8 Ces éléments figurent d’ailleurs dans les 18 mesures retenues par le plan Vivre chez soi (Franco, 2010), et tout particulièrement dans celle-ci : « rendre possible la création d’une nouvelle catégorie de logements sociaux dédiés aux aînés ». Il s’agit de développer des logements adaptés, dont le suréquipement va au-delà de la loi de février 2005 sur l’accessibilité avec notamment une réflexion à l’échelle du territoire (notion d’environnement géographique favorable) et un aménagement renforcé de la salle de bain (douches à l’italienne) et des parties communes. La loi ne permet pas aujourd’hui de réserver des logements sociaux dédiés à des personnes âgées. Ainsi, les promoteurs de tels projets réclament aujourd’hui une évolution de l’article L-441-1 du Code de la construction et de l’habitation comme proposé dans le plan « Vivre chez soi ».
9 Le conseil général du Rhône fait figure de pionnier avec la signature de la charte du logement adapté avec des promoteurs et bailleurs sociaux et l’engagement à inclure les logements adaptés dans son contingent de logements réservés.
- un territoire de vie pour tous (mixité sociale et mixité entre générations) ;
- un territoire de vie qui facilite l’accès aux activités nécessaires au bien-être quotidien des habitants (accessibilité) ;
- un territoire de vie évolutif et durable, adapté aux besoins actuels et futurs des citoyens (développement durable).
Plus d’informations sur www.prix-vivre-ensemble.fr et www.agevillage.com
10 Ces logements doivent être réalisés dans des environnements géographiques favorables, tels qu’ils sont définis dans le plan Vivre chez soi (Franco, 2010) :
- l’existence de services médicaux et réseaux de soins et d’aide à domicile ;
- la présence de commerces et services de proximité accessibles à pied dans un rayon de maximal de 500 mètres ;
- la proximité d’un arrêt de transport en commun (150 m) ;
- ainsi que la présence d’un espace vert équipé (bancs, mobilier urbain).
12 Les promoteurs ont bien compris l’enjeu territorial et les projets présentés dans la première édition du concours Vivre ensemble aujourd’hui et demain intègrent ces réflexions.
Critères d’implantation : le choix des centralités
13 Une grande opportunité foncière peut être l’élément déclencheur, comme à Rennes où une ancienne caserne réhabilitée devient la résidence intergénérationnelle [1] de 78 logements au cœur d’un nouvel ensemble de près de 300 logements. La création d’un nouveau quartier à Saint-Apollinaire (Côte-d’Or) et l’existence d’un foncier disponible de 1,2 hectares à disposition ont permis l’émergence du projet Générations au début des années 2000. Cet ensemble comprend 76 logements [2], deux petites unités de vie, un accueil de jour Alzheimer, une ludothèque et le restaurant scolaire de la commune. À Chambéry, la Saiem est intervenue dans le cadre d’une opération Anru (agence nationale pour la rénovation urbaine). Dans ces ensembles, les architectes et urbanistes ont pu faire émerger des équipements associés : commerces et jardins familiaux, maison relais ou encore restaurant associatif. La mixité entre générations en est un des socles. À Générations, jeunes couples et personnes âgées se partagent les 76 logements. À Rennes, la résidence héberge à la fois des familles, des personnes âgées et des étudiants infirmiers.
14 Le projet proposé peut aussi constituer une nouvelle forme de centralité au cœur d’un territoire plus morcelé. Ainsi, la communauté de communes Bassin minier-montagne réalise au cœur d’un ancien hôtel, implanté en centre-bourg, une unité de vie adaptée au handicap et aux personnes âgées non dépendantes avec 13 logements équipés et une organisation en lien avec les services de soins à domicile implantés dans le village. Ce nouveau pôle permet d’accueillir des personnes âgées qui redoutaient l’isolement hivernal dans leur village et leur permet de se rapprocher à la fois des services d’urgence, mais également des commerces et services de proximité. Ces derniers retournent pour l’été à leur domicile dans les hameaux voisins. Les quartiers de seniors envisagent de regrouper quelques logements adaptés sur des fonciers à proximité immédiate de commerces et services. C’est le même principe pour Vivalib® qui se propose d’acquérir des logements dans des immeubles en cours de création, afin de les aménager pour accueillir des personnes âgées. Ces opérations immobilières sont choisies en fonction de la qualité de l’environnement géographique. Cette proximité est fondamentale, car elle permet d’assurer une fluidité dans le parcours de vie de la personne âgée sans la couper de son cadre de vie comme l’illustre Solidarité Patrimoine dirigée par Claudine Dufat et son opération à Crest présentée par son architecte Philippe Rault (Atelier 3A). Il s’agit d’un immeuble d’une quinzaine de logements sociaux à l’architecture adaptée construits à côté d’un Ehpad.
Tisser du lien social
15 La proximité de commerces, services et soins constitue un environnement « facilitant » qui reste cependant insuffisant tant les échanges sociaux sont nécessaires (Glass et Balfour, 2003). Or, ces échanges doivent vivre au quotidien. Peu d’intervenants pensent à prendre en compte la gestion courante dans leur projet. Générations est pionnier dans cette démarche. Ainsi, tous les locataires des logements sociaux signent la charte Bonjour voisin® qui les engage moralement à s’intéresser à leurs proches voisins. La ville de Rennes a repris le concept avec la charte Vivre ensemble. À Générations, les trois partenaires (l’association Fedosad, l’Opac et la Ville) débloquent également chacun un budget pour payer une animatrice à temps plein et pour faire vivre le quartier avec l’organisation de manifestations. Dans le projet Récipro-Cité® de l’agence Reinhert, le concepteur fait le pari du « donnant-donnant » et encourage les échanges et les services mutuels. Selon lui, la création d’un poste de gestionnaire-animateur [3] permettra de faire vivre l’ensemble résidentiel en incitant les voisins à développer des petites fêtes, du soutien scolaire ou encore des ateliers de bricolage. À Crest (Drôme), deux anciens pensionnaires de la maison de retraite l’ont quittée au profit des logements adaptés réalisés. La proximité entre l’établissement et les logements les rassure et ils continuent à y déjeuner chaque midi. D’autres solutions sont proposées à Lyon avec la création du cyclopousse®. Il s’agit d’une sorte de vélo-taxi mis à la disposition des seniors du 3e arrondissement pour faciliter leurs déplacements en centre-ville en complémentarité des services d’aides à domicile.
LA PROXIMITÉ DE COMMERCES, SERVICES ET SOINS CONSTITUE UN ENVIRONNEMENT « FACILITANT » QUI RESTE CEPENDANT INSUFFISANT TANT LES ÉCHANGES SOCIAUX SONT NÉCESSAIRES.
16 Les propositions présentées sont majoritairement réalisées en logement social. C’est le cas d’European Homes qui développe essentiellement dans le nord de la France des programmes à destination de personnes âgées en béguinage. D’autres projets sont également réalisés en accession sociale ou classique. Enfin, Éco-attitude, une association suisse a présenté un projet sous forme de coopérative en précisant que ce système est fréquent dans un pays où 80 % de la population est locataire. Lorsqu’une opportunité foncière se dégage, il est possible de se constituer en autopromoteur. Les membres de l’association se regroupent alors en coopérative et bâtissent leur projet ensemble avec une égalité parfaite entre les membres (une personne est égale à une voix). Parmi d’autres idées innovantes, des étudiants en architecture (Quentin Duvillier et Victor Le Bourgeois) reprennent l’idée du phalanstère ou du Familistère de Guise en projetant d’ambitieuses villes nouvelles verticales ou chacun adapte son logement (y compris au niveau de la façade). Ces villes sont composées de commerces, services et structures de prises en charge. Bien qu’utopique, cette proposition n’est pas sans rappeler les ensembles Humanitas à Rotterdam dont l’exposition Architecture et grand âge détaille l’une de ces réalisations, la Résidence Hoogvliet construite en 1996 (figure 1).
17 Trois larges tours de 6 à 11 niveaux, abritant 265 logements, sont posées sur une dalle, socle avec lequel elles jouent, en étant soit placées dessus, soit agrafées, soit mises en porte-à-faux. Ces logements regroupent tous des espaces communs au rez-de-chaussée, commerces, crèche, bureaux, restaurants, mais également unités médicales ou pharmacies. Cette organisation permet ainsi une continuité de l’opération avec la ville au niveau bas, avec les logements situés en élévation. Ceci offre aux résidents des tours une accessibilité directe aux commerces et aux unités de soins. Entre les tours, des paysages sont dessinés sur cette dalle qui devient un sol graphique, jouant avec la matérialité et la couleur des bâtiments fortement marquées par l’omniprésence de la brique.
Résidence Hoogvliet, Rotterdam (Pays-Bas). Date : 1996-2003. Architectes : Pieter Weeda & Paul van der Weijden Architecten, Rotterdam. Maître d’ouvrage : Humanitas/PWS. Programme : résidence services.
Résidence Hoogvliet, Rotterdam (Pays-Bas). Date : 1996-2003. Architectes : Pieter Weeda & Paul van der Weijden Architecten, Rotterdam. Maître d’ouvrage : Humanitas/PWS. Programme : résidence services.
18 Une circulation verticale permet de distribuer en moyenne cinq logements, tous adaptés. La plupart de ces logements bénéficient de balcons, prolongements extérieurs de l’habitation. Ces derniers sont organisés généralement de façon classique, dissociant bien espaces de jour et espaces de nuit, tout en conservant les normes handicapées. Ils sont, y compris grâce aux balcons, largement ouverts sur l’extérieur, notamment sur le plan d’eau situé à proximité de certains ensembles.
Des surcoûts surmontables
19 Les retraités sont composés à 74 % de propriétaires, mais le rapport de la Fondation Abbé Pierre met en évidence que 84 % des ménages dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté sont également propriétaires de leur logement (ou logés gratuitement). Six cent mille personnes âgées (dont 60 % de femmes) vivent avec une allocation de solidarité de 628 euros mensuels, ce qui les situe sous le seuil de pauvreté. Les solutions proposées doivent prendre en compte ces éléments, qu’il s’agisse du logement ou des services associés.
20 Vivalib® propose un montage dans lequel une société achète à un promoteur plusieurs logements regroupés. Ces logements sont ensuite proposés dans le cadre d’un démembrement de propriété. La nue-propriété est ainsi vendue à des investisseurs particuliers leur permettant de bénéficier des dispositions fiscales et patrimoniales et l’usufruit est acquis par une structure dédiée pour une durée de 15 ans. Cependant, le recul sur la sortie du système est insuffisant. Les montages classiques par prêts sociaux aidés, tels qu’ils ont été proposés par Atelier 3A, la ville de Rennes, la Saeim de Chambéry, semblent plus solides à long terme.
SIX CENT MILLE PERSONNES ÂGÉES (DONT 60 % DE FEMMES) VIVENT AVEC UNE ALLOCATION DE SOLIDARITÉ DE 268 EUROS MENSUELS, CE QUI LES SITUE SOUS LE SEUIL DE PAUVRETÉ.
21 Le surcoût d’équipement est généralement évalué à environ 8 000 euros par logement. En effet, comme le décrit l’Atelier 3A pour l’opération de Crest, les équipements spécifiques sont nombreux : ascenseur même pour un immeuble de moins de trois étages, une porte coulissante automatique à l’entrée de l’immeuble, des mains courantes dans les parties communes, des portes plus larges, des volets électriques dans les logements, des lavabos adaptés, des salles de bains à l’italienne (douche à siphon intégré) et des vidéophones… Ce surcoût peut ponctuellement être pris en charge par le conseil général comme c’est le cas dans la Drôme avec l’opération Cœur de village qui prend 50 % à 80 % du surcoût suivant le mode d’acquisition des terrains. La Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) peut également intervenir (encadré 2). La communauté de communes du Bassin minier-montagne a obtenu une subvention Fraddt (fonds régional d’aménagement et de développement des territoires) et de financements dans le cadre des « contrats de Pays Auvergne [4] » à hauteur de 40 % des travaux.
ENCADRÉ 2 L’Assurance retraite participe au financement des lieux de vie collectifs pour personnes âgées Les trois axes stratégiques de financement Les critères de sélection Les formes d’aide
Ces financements peuvent être attribués aux structures d’accueil, quel que soit leur statut juridique (privé ou public, à caractère commercial ou non) :
les structures mettant en œuvre des actions pour l’amélioration de la vie sociale et la prévention de la perte d’autonomie ;
les structures d’accueil intermédiaires entre l’habitat individuel et l’hébergement collectif en institution (les domiciles services, les béguinages, les maisons d’accueil rurales pour personnes âgées ou les logements sociaux adaptés réservés aux retraités) ;
les établissements d’hébergement pour personnes âgées (Ehpa, c’est-à-dire logements-foyers et maisons de retraite non médicalisées).
L’attribution d’une aide financière dépend de différents critères, qui feront l’objet d’un examen vigilant par les caisses régionales. Les structures doivent apporter une offre de proximité garantissant un cadre de vie sécurisant et répondant à des besoins locaux. Elles doivent proposer un projet de vie sociale centré sur la prévention de la perte d’autonomie et privilégiant la solidarité intergénérationnelle. Ces structures doivent également assurer des prestations de qualité et maintenir les tarifs à un niveau qui doit permettre l’accueil de personnes retraitées fragilisées. Enfin, le projet doit développer un cadre architectural de qualité inscrit dans une démarche de développement durable.
Pour les projets d’investissements lourds, la participation financière de l’Assurance retraite prend la forme d’un prêt sans intérêt, remboursable sur 10 ou 20 ans, selon la nature du prêt (équipement ou construction), qui peut représenter de 15 à 30 % du montant du projet. Cette aide peut également être accordée sous la forme d’une subvention quand son montant n’excède pas 30 000 euros.
Des services à la carte
22 Sans entrer dans les problématiques de la démographie médicale et de l’organisation des filières de soins et de prise en charge (à l’instar des pôles gérontologiques interrégionaux) qui constituent la base de tout projet durable d’hébergement de personnes âgées, les concurrents devaient expliciter l’organisation des services au sein de leurs projets. L’association Medetic développe en Alsace des logements comprenant à la fois des services de téléassistance (24 heures sur 24) et d’éléments domotiques. Selon les promoteurs, ces équipements permettraient de diviser par deux le nombre d’hospitalisations et une diminution de 30 % de la consommation médicale. Toutefois, les modèles économiques ne sont pas encore totalement établis et il subsiste des verrous à la fois juridiques et éthiques. L’Assad [5] Pays de Rennes qui porte le projet IDA (Innovation, Domicile, Autonomie) a pour objectif de développer une offre de service s’appuyant sur les nouvelles technologies afin de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées. On constate que le marché des technologies au service des personnes âgées n’est pas encore totalement appréhendé et que les industriels – fortement subventionnés – n’étudient pas suffisamment la question des usages (Graviou, 2010). La société de téléassistance Mondial Assistance démontre pourtant qu’il est possible de proposer des offres à la fois de téléassistance, mais également d’assistance psychologique auprès des abonnés pour une dizaine d’euros par mois et que ce service est plébiscité par les utilisateurs.
ON CONSTATE QUE LE MARCHÉ DES TECHNOLOGIES AU SERVICE DES PERSONNES ÂGÉES N’EST PAS ENCORE TOTALEMENT APPRÉHENDÉ.
23 La notion de services à la carte émerge de cette consultation. Contrairement aux établissements et aux logements-foyers où le résident paye l’ensemble des services, ces nouvelles réalisations envisagent des partenariats avec des associations, des prestataires de services et des CCAS [6] locaux. Ainsi l’usager ne paye que le service réellement consommé. Selon les projets présentés, le coût de services (hors loyer et hors soins) varie de 500 à 1000 euros par mois selon les besoins de personnel. En logement social, il est possible d’envisager des logements adaptés de deux ou trois pièces (en général, ils représentent deux tiers ou un tiers de l’ensemble des logements) avec services associés (personne pour l’accueil, ménage, téléassistance, activités) pour moins de 1000 euros par mois.
« Défier la mort » par l’architecture
24 Pour l’exposition Architecture et grand âge, nous avons choisi de présenter Bioscleave House, située à New York. Cette maison, construite près de New York est baptisée « la maison qui rallonge la vie ». L’architecte japonais Arakawa et sa femme Gins, poète, âgés respectivement de 67 et 72 ans, sont installés à New York. Ils ont pour objectif de défier la mort par l’architecture. En 1987, ils ont ainsi créé la Fondation pour la recherche sur le corps architectural, laquelle collabore avec des spécialistes dans des domaines aussi divers que la biologie expérimentale, les neurosciences ou la physique quantique. De l’extérieur, la maison paraît certes originale par sa volumétrie, le rapport entre les parties construites et les vides qui les entourent, ainsi que par ses couleurs vives. Un petit promontoire mène à la porte d’entrée. À l’intérieur, le sol composé de bosses et de creux semble chavirer. Il y a même des prises à la façon des murs d’escalade. Et si l’occupant vient à perdre l’équilibre, une douzaine de barres multicolores, dispersées ici et là, offre une chance supplémentaire d’éviter la chute. Tout est fait pour « désorienter » l’habitant. Les fenêtres, aux formes hétéroclites, sont situées à des hauteurs différentes. Le nuancier n’affiche pas moins de 40 couleurs différentes. Quatre pièces ouvertes, salle de bains comprise, s’articulent autour d’une salle de vie centrale. Au creux de cette topographie se situe la cuisine. En bref, pour Arakawa et Gins, le confort est précurseur de la mort, d’où cet agencement volontairement inconfortable qui est supposé, selon eux, stimuler le système immunitaire et maintenir le corps en parfaite harmonie. En d’autres termes, rien de tel qu’un parcours de santé quotidien pour garder la forme.
Reversible Destiny Lofts, Tokyo (Japon). Date : 2005. Architecte : Arakawa et Gins, New York. Programme : 9 unités d’habitation. Adresse : Mitaka Tokyo, Japon.
Reversible Destiny Lofts, Tokyo (Japon). Date : 2005. Architecte : Arakawa et Gins, New York. Programme : 9 unités d’habitation. Adresse : Mitaka Tokyo, Japon.
25 À Tokyo, les mêmes architectes ont conçu Reversible Destiny Lofts [7] (figure 2). Ces logements en béton préfabriqué sont faits d’un assemblage de cubes, de tubes, de boules, et recouverts de couleurs vives. Les volumes s’assemblent, se superposent, s’interpénètrent pour donner vie à un ensemble plutôt homogène. Les couleurs sont omniprésentes. À l’intérieur, volumes et couleurs inventent des sous-espaces, autant de sous-lieux aux ambiances particulières qui offrent un usage singulier. Les sols sont bosselés, irréguliers, en creux, en pente, destinés au massage de la voûte plantaire. Les architectes tentent ainsi de préserver les sens à travers ce type d’habitation, proposant un environnement hors norme qui stimule ces derniers, tonifie le corps et bannie la vieillesse : leur philosophie étant « bouger chez soi pour ne jamais vieillir ». Ainsi, des panneaux muraux de couleur décoratifs et la pose de fenêtres à différentes hauteurs permettent au sens de la vue de rester en éveil. Ici, comme dans d’autres opérations, se pose la question pour ces personnes âgées de vivre dans un appartement plutôt que dans une maison, avec tout le lien social que cette première solution peut susciter. Selon les architectes de cette opération, l’architecture est une construction de précision et d’invention incessante. Elle aide le corps à organiser ses pensées et à se mobiliser.
Quelles innovations pour les établissements médicalisés ?
26 Devenus de véritables cliniques de fin de vie, ces établissements nécessitent un travail sur l’architecture et le design encore plus poussé pour assurer aux résidents la meilleure qualité de vie possible.
27 L’hospice Søndergård (figure 3) à Copenhague constitue un projet intéressant. Le bâtiment de cette maison de retraite prendrait place dans un environnement largement paysagé, à proximité de logements collectifs d’une certaine échelle. Il a été conçu comme une grappe d’unités indépendantes, rectangulaires et associées de façon circulaire : chaque unité abrite logements, activités ou encore l’administration de la structure. Les liaisons entre les différentes unités ont été particulièrement soignées. Celles-ci sont organisées autour d’un jardin central à la végétation variée, plantes vertes sur la périphérie et parterre de fleurs au milieu. Entre ces différentes unités, et notamment au centre, le jardin est divisé en plusieurs sous-espaces de dimensions différentes, qui donnent aux résidents et à leurs visiteurs l’opportunité de s’isoler. L’objectif était de concevoir une maison de retraite, en mettant en concordance les besoins des résidents et ceux du personnel, tout en créant une atmosphère agréable et paisible pour ces résidents en fin de vie. Le bâtiment est dessiné comme un jardin d’aventure qui étend le site en jouant systématiquement entre intérieur et extérieur. Conçus comme un petit village autour d’un étang, les espaces individuels embrassent le jardin central et constituent ainsi des lieux originaux et reposants pour une maison de retraite de haut standing.
28 Implantée dans un quartier de maisons individuelles, la résidence Saint-Nicolas à Neumarkt sur Wallersee en Autriche se présente sous la forme d’un bâtiment de deux niveaux, orienté est-ouest, découpé en quatre lames parallèles dont la longueur variable dégage deux patios ouverts sur le jardin. S’appuyant sur une métaphore urbaine, le bâtiment se déploie autour d’un atrium, placé dans une trame centrale et conçu comme une place de village, ouvert sur les deux niveaux et couvert par une verrière, d’où partent des ruelles desservant les chambres et les pièces de service. On accède au hall depuis le parking situé au nord par un chemin aménagé dans une trame centrale entre deux parois de verre, dont l’une éclaire une circulation donnant accès à l’administration et l’autre à la cuisine. Cet axe d’entrée constitue une trame servante, plus courte que les autres, dans laquelle on trouve, au rez-de-chaussée, l’accueil, une chapelle et un salon ouvert, prolongé dans le patio sud par une grande terrasse. L’atrium, véritable jardin d’hiver, distribue la salle à manger située face à la cuisine dans l’aile ouest et, au sud, un local de soins. Le reste du rez-de-chaussée abrite les chambres qui forment deux petites unités : à l’ouest, une unité de 13 chambres, desservies par deux petits couloirs ; à l’est, une unité de 9 chambres desservie par une galerie éclairée naturellement en son centre. Ce mode de distribution permet de réduire la longueur des circulations et de les éclairer presque toutes naturellement. Les espaces communs, grâce à cette verrière, sont inondés à chaque niveau de lumière naturelle. En façade, le contraste entre le bois, sous forme d’un parement en tasseaux horizontaux, et le verre confère une certaine plasticité à ce bâtiment. Des bow-windows, totalement vitrés, se détachant de la façade en bois, éclairent toutes les chambres et agrandissent le lieu de vie.
Hospice Søndergård, Måløv (Danemark). Date : non réalisé. Architecte : BIG (Bjarke Ingels Group), Copenhague. Maître d’ouvrage : hospice Søndergård. Programme : maison de retraite.
Hospice Søndergård, Måløv (Danemark). Date : non réalisé. Architecte : BIG (Bjarke Ingels Group), Copenhague. Maître d’ouvrage : hospice Søndergård. Programme : maison de retraite.
Vers un nouveau paradigme ?
29 Le Clos Saint-Michel [8], premier éco-quartier à haute qualité du vieillissement synthétise bien l’ensemble des propositions présentées. Il s’agit d’un véritable quartier de 280 logements combinant mixité sociale et générationnelle avec, en son cœur, un immeuble de logements adaptés aux aînés, un Ehpad, un regroupement de médecins, un Smir (service d’accueil médical initial), des commerces, des parcs et une place publique. Cette démarche illustre le fait que les propositions effectuées sont certes hétérogènes sur la forme, mais se retrouvent sur le fond : proposer des logements adaptés (quelle que soit la forme juridique envisagée) et y associer des services (y compris les transports en commun) tout en étant à proximité d’établissements médicalisés afin de développer de véritables parcours de vie.
LE REGROUPEMENT DE PERSONNES ÂGÉES DANS UN MÊME TERRITOIRE PERMET UNE MEILLEURE ORGANISATION ET UNE MEILLEURE GESTION DES SERVICES ET DES SOINS.
30 Dans le contexte d’une « ville éclatée » (May et al., 1998) ou de « ville émergente » (Dubois-Taine et Chalas, 1997), ces réalisations et projets s’insèrent nécessairement dans des centralités existantes ou permettent d’en créer de nouvelles autour desquelles s’agrègent services associés. Concrètement, le regroupement de personnes âgées dans un même territoire permet une meilleure organisation et une meilleure gestion des services et des soins, mais également des transports et des schémas commerciaux. Un nouveau maillage peut être imaginé autour de ces formes d’hébergement.
31 La première édition du concours Vivre ensemble aujourd’hui et demain a permis de démontrer qu’il était possible de réaliser des opérations exemplaires : Générations existe depuis plus de cinq ans, l’opération de Rennes a ouvert en janvier 2010, Vivalib® a expérimenté en Gironde, en Loire-Atlantique et à Paris le dispositif sur 150 logements et envisage d’en réaliser 15 000 d’ici 2015. L’avenir dira quels seront les desseins qui rencontreront le succès. Gageons que la deuxième édition du concours Vivre ensemble aujourd’hui et demain ouvert au monde francophone fera émerger d’autres réalisations innovantes et reproductibles…
Bibliographie
Bibliographie
- Chalas Y., Dubois-Taine G., 1997, La ville émergente, La Tour-d’Aigues, Éd. de l’Aube, 281 p.
- Franco A., 2010, Rapport de la mission « Vivre chez soi », présenté à Nora Berra, secrétaire d’État en charge des Aînés, 95 p.
- Glass T.A., J.-L. Balfour (2003) : « Neighborhoods, aging, and functional limitations », in Kawachi I. et Berkman (dir) L.F. Neighborhoods and health, New York, Oxford University Press, p. 303-334.
- Graviou S., 2010, « Les travaux d’IDA, phase 1, innover pour le confort de l’âge », Assad Pays de Rennes, 58 p.
- May N. et al., 1998, La ville éclatée, La Tour-d’Aigues, Éd. de L’Aube.
Notes
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[1]
Résidence Simone de Beauvoir.
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[2]
Construits par l’Opac, la moitié a été proposée à des retraités et l’autre à de jeunes couples ayant un enfant de moins de cinq ans. Les appartements sont reliés entre eux par un dispositif de téléphonie interne qui permet de joindre son voisin sans passer par le réseau externe.
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[3]
Personne employée et ayant en charge l’organisation de l’entraide dans les taches courantes (de la garde d’enfants aux travaux d’entretien) et l’animation de la vie quotidienne (accueil des nouveaux voisins, organisation des fêtes de voisinage…).
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[4]
Le contrat de pays est un dispositif financé par le contrat de projets État-région (CPER). Il s’agit d’un document-cadre signé par l’État, la région et le département et qui permet de financer des actions d’aménagement et de développement sur le territoire.
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[5]
L’Assad est une association loi 1901 à but non lucratif qui propose des services aux domiciles sur Rennes et sa couronne sud et est.
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[6]
Centre communal d’action social.
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[7]
Les lofts du destin réversible.
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[8]
Éco-quartier réalisé par Icade à Chevilly-Larue en cours de réalisation et dont la première pierre a été posée en juillet 2010 par Nora Berra, alors secrétaire d'État aux aînés.