Notes
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[1]
Les données belges n’ont été collectées qu’en 2005 et ne seront donc pas présentées dans ce document.
-
[2]
Une version complète du questionnaire générique en langue anglaise est téléchargeable sur les sites des projets SHARE ou AMANDA ((www. share-project. orgou wwww. amanda-project. org). Ces sites permettent également le téléchargement de l’ensemble des données anonymisées. Ils comprennent aussi divers outils d’aide à l’exploitation des données, dont un dictionnaire des déviations des questionnaires nationaux par rapport au questionnaire générique, ces différences n’ayant pu être totalement réduites à zéro. C’est par exemple le cas des questions touchant à l’organisation institutionnelle des différents pays. Dans le cas de la France, on a également dû s’abstenir de poser les questions relatives aux préférences politiques ou à la pratique religieuse prévues dans la version générique du questionnaire complémentaire papier.
-
[3]
Les questions utilisées dans cette section appartiennent aux modules CV (caractéristiques générales) et EP (emploi et retraite).
1 L’enquête SHARE (Survey on Health, Ageing and Retirement in Europe) est une enquête longitudinale dont le but est la collecte des données médicales, économiques et sociales auprès de la population des plus de 50 ans. Onze pays de l’Union européenne y participent (Allemagne, Autriche, Belgique [1], Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Suède) ainsi que la Suisse. Le projet s’inspire très largement d’expériences similaires, américaine et britannique : le Health and Retirement Survey (HRS), aux États-Unis, qui en est à sa sixième vague, et le panel britannique ELSA (English Longitudinal Survey of Ageing), dont une première vague a déjà été réalisée et qui pourrait rejoindre, à terme, le projet SHARE.
2Le projet SHARE comporte deux caractéristiques essentielles qui le distinguent d’autres opérations existantes.
3La première est son ambition pluridisciplinaire. Même si le projet a plutôt été initié par un groupe d’économistes, l’idée est bien de croiser diverses approches du vieillissement individuel. Pour ne prendre qu’un exemple, les approches usuelles du choix d’âge de départ en retraite (Gruber, Wise, 1999) se bornent en général à l’examen des aspects financiers de ce problème, faute d’autres données. Or, une dimension importante du sujet est l’état de santé. L’enquête SHARE devrait permettre de croiser ces deux dimensions du problème, en contrôlant par ailleurs de nombreuses autres variables susceptibles d’affecter ces comportements de départ en retraite : contexte familial, satisfaction au travail, etc.
4La seconde caractéristique résulte du souhait de disposer d’un instrument aussi harmonisé que possible entre les pays participants. Il y a deux utilisations possibles d’un instrument de collecte fortement harmonisé :
- l’une est la production de statistiques comparatives fiables : l’état de
santé se dégrade-t-il avec l’âge de manière similaire entre pays ?
Comment se comparent les niveaux de vie relatifs des personnes âgées, leurs taux de recours au système de santé, leur participation au marché du travail, leur volume d’activité informelle, la densité de leur réseau familial, etc. ? - l’autre consiste à exploiter les données de l’enquête non pas comme une série d’enquêtes nationales, mais comme un fichier de micro-données unique dans lequel la variabilité internationale n’est pas directement l’objet de la mesure mais un facteur additionnel de variabilité interindividuelle permettant l’approfondissement de telle ou telle problématique. Par exemple, mesurer les effets des institutions sur des variables comme l’épargne individuelle ou les comportements d’activité peut se faire de manière d’autant plus précise qu’on mélange des pays où ces facteurs institutionnels diffèrent fortement. Un échantillon transnational important peut aussi être un bon outil pour tester telle ou telle hypothèse épidémiologique : par exemple, si la prévalence d’un comportement à risque diffère fortement d’un pays à l’autre, utiliser une base de données internationales peut permettre d’estimer les conséquences de ce comportement de manière plus précise que ne l’autorise un échantillon limité à un seul pays.
5Cet article propose une présentation générale succincte de l’organisation internationale de l’enquête, donne des éléments sur les caractéristiques spécifiques de la collecte française, et fournit quelques premiers résultats, soit limités à la France, soit comparatifs.
? Présentation générale
6Le tableau 1 (cf. p. 113) retrace l’historique du projet dont le lancement officiel remonte au début de l’année 2002.
7La double ambition plurithématique et comparatiste de SHARE a conduit à mettre en place une organisation originale, matricielle, croisant dimensions nationales et disciplinaires. Succinctement, le réseau SHARE a articulé deux types d’entités :
- des groupes de travail thématiques consacrés soit à la mise au point d’une partie du questionnaire (une quinzaine de modules thématiques différents), soit à la définition de méthodologies aussi harmonisées que possible pour tel ou tel aspect du processus de collecte;
- des équipes nationales chargées de la mise en œuvre de l’enquête dans chacun des onze pays participants.
8Souvent, les mêmes acteurs ont été appelés à intervenir aux deux niveaux : en tant que représentants de leur pays dans un groupe thématique donné, et en tant que spécialistes d’un champ donné au sein de leur équipe nationale. À cette structure matricielle se sont ajoutés divers intervenants transversaux :
- le CentERdata de l’Université de Tilburg s’est chargé à la fois de la construction de l’outil de traduction du questionnaire générique (initialement préparé en anglais), de la préparation des programmes de saisie interactive des différents questionnaires nationaux, de la récupération et de la mise en forme des données individuelles transmises par les différents pays. C’est ce centre qui a également assuré, courant 2005, la mise à disposition des données auprès des chercheurs;
- divers consultants qui ont fait bénéficier le projet SHARE de l’expérience accumulée dans les opérations HRS et ELSA;
- une coordination générale assurée par un centre de recherches de l’Université de Mannheim, le MEA (Mannheim Economics of Aging), dont le directeur, Axel Börsch-Supan, est le coordinateur général du projet.
9À ce jour, ce qui a été réalisé est un test de faisabilité grandeur nature, préparé par une longue série de pilotes et un prétest. Le questionnaire initial, très long, a dû subir de nombreuses modifications successives, avec à chaque fois une itération entre version générique et versions nationales traduites à partir de cette version générique. Dans la plupart des pays, le test principal grandeur nature s’est déroulé d’avril à octobre 2004, à la suite d’un prétest conduit en janvier 2004.
10Dans le cas de la France, l’enquête a été organisée selon un calendrier légèrement décalé, à savoir :
- un pilote réalisé selon une procédure de Focus Group en février 2004;
- un prétest réalisé dans la région Nord - Pas-de-Calais en mai-juillet 2004;
- un test principal qui visait la collecte de 1250 ménages dans cinq autres régions (Île-de-France, Rhône-Alpes, Pays de la Loire, Aquitaine et Languedoc-Roussillon) en septembre-novembre 2004.
11Autre originalité de la France : elle est le seul pays dans lequel l’étude de terrain a été réalisée par un institut national de statistique. Dans les autres pays, les équipes conceptrices (en général universitaires) ont fait réaliser l’enquête par des organismes privés. L’avantage du recours à l’Insee a été la possibilité de faire mener l’enquête par un réseau d’enquêteurs à la fois dense et habitué à ce type d’opération, ce qui a limité les coûts de formation et a permis de concentrer la collecte sur une période réduite. En revanche, les contraintes inscrites au cahier des charges de l’Insee n’ont pas permis que l’enquête s’y déroule en même temps que dans les autres pays (le lancement du recensement rénové de la population interdisait de mobiliser les divisions d’enquêtes « ménages » des directions régionales sur une enquête inédite au premier semestre 2004, si faible que soit la taille de son échantillon).
Historique du projet
Historique du projet
(suite)
(suite)
12Les questionnaires utilisés en France pour le prétest et le test principal ayant été strictement équivalents, les résultats des deux opérations sont fusionnés dans la base de données internationale mise à la disposition des chercheurs au printemps 2005.
? Les caractéristiques de l’enquête et de la collecte française
? Questionnaire
13L’enquête comporte trois volets :
- un questionnaire en vis-à-vis classique;
- deux tests physiques portant respectivement sur l’aptitude à la marche et la force de préhension, qui interviennent au milieu du déroulement du questionnaire CAPI (assisté par ordinateur);
- un questionnaire papier complémentaire auto-administré.
14Le contenu du questionnaire CAPI est présenté dans le tableau 2 (cf. p. 116-117) [2]. On se bornera ici à mentionner deux aspects particuliers :
- la présence de divers tests cognitifs (capacité de mémorisation, aisance verbale, divers tests de calcul mental);
- des questions sensibles sur les états dépressifs (module MH).
15Les tests physiques constituaient une innovation pour les enquêteurs de l’Insee. Le test de force de préhension a été bien accepté. Le test de vitesse de marche a été parfois plus difficile. On précise que, dans un cas comme dans l’autre, le protocole prévoyait de nombreuses possibilités de renoncer à ces deux tests, dès lors qu’ils présentaient des risques pour les enquêtés. Il en résulte un biais de sélection qui devra bien sûr être pris en compte par les utilisateurs de cette variable.
16Le test 2004 a par ailleurs montré que la longueur du questionnaire, malgré les efforts de réduction, demeure un problème important.
17Le questionnaire papier auto-administré a fait pour sa part l’objet de deux versions. La version de base aborde un certain nombre de sujets qui n’avaient pas pu l’être dans le questionnaire CAPI, soit faute de place, soit en raison de leur caractère plus sensible. Il comprend principalement des questions sur des aspects psychologiques (par exemple les rapports avec les proches), sur le suivi médical, sur la qualité du logement ainsi que quelques questions d’opinion sur les transferts intergénérationnels, les rôles respectifs de l’État et de la famille dans la prise en charge des problèmes de la vieillesse.
Description du questionnaire CAPI
Description du questionnaire CAPI
(suite)
(suite)
18Une seconde version a été collectée auprès d’un échantillon complémentaire dans une partie seulement des pays participants. Il s’agit d’un questionnaire dit de « vignettes » relatives au domaine de la santé. L’encadré ci-dessous donne un exemple de vignette de ce questionnaire : les vignettes sont des cas types de handicap ou de pathologie sur la gravité desquels on recueille l’avis des enquêtés. Les réponses à ce type de questions permettent d’étalonner les réponses aux questions sur l’état de santé subjectif. On trouvera une présentation de la méthodologie générale des vignettes dans King et al. (2004) et Salomon et al. (2004).
Extrait du questionnaire « vignette »
À quel point Roger est-il limité dans le type ou la quantité de travail qu’il pourrait faire?
? Échantillonnage et taux de réponse
19L’échantillon de l’enquête a été tiré de l’échantillon-maître de l’Insee, avec une présélection des logements selon l’âge des occupants au recensement de 1999. Ce choix a résulté d’un arbitrage entre biais et coût de collecte : ne procéder à aucune présélection aurait accru fortement le taux d’échec et donc le coût par questionnaire réussi. Mais cette présélection conduit à sous-représenter les ménages présents dans le champ en 2004 et qui ont changé de logement entre 1999 et 2004. En effet, on n’observe de tels ménages que dans la mesure où ils ont migré dans des logements occupés en 1999 par des ménages appartenant également au champ de l’enquête. Une surpondération de ces migrants devra être envisagée mais n’a pas encore été réalisée pour la production des quelques résultats qui vont suivre.
20L’analyse du taux de réponse doit distinguer le taux de participation global (rapport entre nombre d’enquêtes réussies et taille de l’échantillon brut) du taux de réponse proprement dit, qui est le rapport entre le nombre d’enquêtes réussies et le nombre de ménages éligibles. Le premier reste assez faible, malgré la présélection des ménages selon l’éligibilité au recensement de 1999. En revanche, une fois corrigée la présence de ces ménages hors champ, le taux de réponses est de 69%. Il s’avère raisonnablement élevé, en tout cas supérieur à celui des autres pays participants. Le graphique 1 donne le résultat de ce taux de réponses en terme de nombre de questionnaires complets réalisés par pays.
Nombre de questionnaires «ménages» collectés en 2004, par pays
Nombre de questionnaires «ménages» collectés en 2004, par pays
21Au total, on dénombre pour la France 1077 interviews « ménages » complètes et 111 interviews partielles (c’est-à-dire interrompues avant la fin du questionnaire). Au niveau individuel, le nombre d’interviews complètes s’élève à 1743. L’évaluation du taux de réponses par individu donne un taux quasiment identique au taux de réponses par ménage : il est de 70% et serait à nouveau supérieur à celui atteint dans les autres pays. La collecte « vignettes » organisée en France en 2005 devrait ajouter environ 800 nouveaux questionnaires « ménages » aux questionnaires collectés en 2004.
? Quelques caractéristiques démo-économiques générales
22Selon le cas, les résultats provisoires présentés dans cette section et les suivantes proviennent soit des données collectées complètes, soit d’un envoi partiel de données réalisé fin octobre 2004, avant donc la fin de la collecte. Le but de cet envoi partiel était de permettre à des données françaises de figurer dans le volume de premiers résultats paru au printemps 2005 (Börsch-Supan et al., 2005).
23Il va donc de soi que les résultats obtenus ne sont qu’indicatifs. On commencera dans cette section par quelques faits démographiques et économiques de base en se limitant aux données françaises. Les deux sections suivantes donneront des exemples de résultats comparatifs pour deux domaines couverts par l’enquête, à savoir l’état de santé et le vécu de la transition activité-retraite ou les anticipations relatives à cette transition [3].
24Le graphique 2 donne tout d’abord la distribution par âge de l’échantillon comparée à la distribution par âge de l’ensemble de la population française de plus de 50 ans au 1er janvier 2004. Une légère sous-représentation s’observe dans le groupe d’âges des moins de 55 ans : le déroulement de l’enquête a été légèrement plus difficile dans ce groupe d’âges, moins disponible (pour les personnes encore actives) et qui s’est de manière générale senti moins concerné par la thématique générale de l’enquête. Un second phénomène de sous-représentation – lui aussi, attendu – affecte les très âgés. À ces deux phénomènes près, et malgré la faible taille de l’échantillon et le fait que l’enquête n’ait été réalisée que dans six régions, le profil estimé est proche du profil réel.
25La répartition de la population selon le statut d’occupation est conforme aux attentes (cf. graphiques 3), même si elle présente quelques différences avec les statuts autodéclarés dans l’enquête emploi. Ce statut est ventilé en cinq catégories : actifs occupés, chômeurs, invalides ou en congé longue maladie, retraités, hommes ou femmes au foyer. Pour les 55-59 ans, les taux d’emploi estimés par SHARE sont respectivement de 53,2% pour les hommes et de 52,6% pour les femmes contre 63,6% et 51% selon l’enquête emploi (chiffres de 2002). Pour le groupe des 60-64 ans, les mêmes chiffres sont de 4,35% et 16,98% pour SHARE et 16,9% et 14,2% pour l’enquête emploi. Il semble que l’erreur d’estimation de l’emploi soit la plus forte pour les hommes, peut-être en raison d’un plus fort biais de non-réponse des hommes qui occupent encore en emploi : d’après les retours des enquêteurs, les hommes encore en activité sont ceux qui se sont montrés à la fois les moins disponibles pour répondre à l’enquête et qui se sont déclarés les moins concernés par sa thématique.
Comparaison entre la distribution par âge dans l’enquête et la distribution France entière au 1er janvier 2004 (en %)
Comparaison entre la distribution par âge dans l’enquête et la distribution France entière au 1er janvier 2004 (en %)
Statut d’occupation autodéclaré par sexe et par âge
Statut d’occupation autodéclaré par sexe et par âge
Statut d’occupation autodéclaré par sexe et par âge
Statut d’occupation autodéclaré par sexe et par âge
26Ces chiffres sont en tout cas cohérents avec un âge médian de sortie d’activité inférieur à 60 ans. Cet âge médian ressort également de la question rétrospective sur l’âge de la cessation d’activité posée aux retraités dans le cadre du même module EP. Si l’on exclut les cas évidemment très particuliers des 50-54 et 55-59 ans, l’âge médian de sortie d’activité des 60-64 ans s’établit à 58 ans, ordre de grandeur comparable aux estimations usuelles (cf. tableau 3).
27Les questions posées aux retraités dans le module EP portent également sur les niveaux de pension. Il s’agit de montants autodéclarés. Les individus n’ont pas été interrogés sur l’ensemble de leurs prestations retraites mais ont dû répondre à deux questions : l’une sur le montant cumulé de leurs retraites de base et l’autre sur le montant cumulé de leurs retraites complémentaires. Le tableau 4 donne les valeurs médianes de l’ensemble de ces montants cumulés par âge. Ils s’avèrent remarquablement proches des données issues de sources administratives. L’Échantillon interrégimes de retraités (EIR) de la Drees (Chaput, 2003) donne en 2001 une retraite médiane de 974 euros par mois pour l’ensemble des retraités, soit 11688 euros annuels, contre 12744 dans SHARE. Pour les hommes et les femmes, les montants moyens (et non médians) donnés par la Drees étaient de 1475 et 857 euros par mois, soit un ratio d’environ 1,6 très comparable au ratio de 1,56 fourni par SHARE sur les médianes.
Âge médian à la cessation d’activité
Âge médian à la cessation d’activité
Niveau médian des prestations perçues (pension de base et pension complémentaire)
Niveau médian des prestations perçues (pension de base et pension complémentaire)
? Résultats comparatifs sur l’état de santé
28Sur les 18 modules de SHARE, 7 sont consacrés à la santé. Le questionnaire couvre la quasi-totalité des interrogations que nous pouvons avoir sur les individus âgés de 50 ans et plus et leur santé. Ces modules sont consacrés :
- à l’état de santé physique (état de santé subjectif; nombre de maladies, nombre de consultations, ADL);
- aux comportements à risques (fumer, boire);
- aux fonctions cognitives (écrire, lire, mémoire);
- à la santé mentale (espérance, sommeil, dépression);
- à la consommation de soins (consultations, hospitalisations, opérations, régime d’assurance, financement);
- à la mesure de la force de préhension;
- à la mesure de la vitesse de marche.
29De plus, dans les autres modules, des questions peuvent avoir des liens directs avec la santé. Par exemple, dans le module « emploi », on interroge les individus sur la pénibilité de leur travail ou la reconnaissance qu’ils en retirent, ou encore, dans le module SP, sur leurs liens sociaux.
30Nous ne traiterons ici que quatre critères : l’état de santé déclaré, les tests de mémoire, et les tests de force et de vitesse. Les résultats seront présentés selon deux dimensions : l’âge et la nationalité.
? L’état de santé déclaré
31L’état de santé déclaré est donné sur une échelle décroissante de 1 à 5 (cf. tableau 5). La déclaration de cet état dépend à la fois de l’âge, du sexe et de la nationalité. 56,2% des individus se déclarent dans un bon état de santé (niveaux 1 et 2), tandis que seulement 11,9% de ceux-ci se déclarent en mauvaise santé (niveaux 4 et 5).
32Cet état de santé est évidemment lié à l’âge. Les proportions des deux premiers niveaux qui représentent un bon état de santé décroissent en fonction de l’âge. La proportion d’individus ayant répondu qu’ils étaient en bon état de santé est de 75% pour les individus dans la tranche d’âges de 50 à 54 ans. Cette proportion n’est que de 35,6% pour la tranche d’âges des 85 à 89 ans. Inversement, la proportion des individus qui se déclarent en mauvais état de santé passe de 4,9% pour les individus âgés de 50 à 54 ans à 18,4% pour ceux âgés de 85 à 89 ans. Dans la suite, nous ne commenterons pas les spécificités de cette classe d’âge des 85 ans et plus qui mérite des études particulières.
33La forme de la distribution de la variable « état de santé » diffère selon les sexes. La distribution des femmes est décalée vers la droite. Elles se déclarent en moins bon état de santé que les hommes. Il existe également des contrastes nationaux marqués. Les Suédois, les Danois et les Suisses se déclarent en meilleure santé que les Espagnols, les Italiens et les Français.
État de santé selon l’âge, le sexe ou la nationalité
État de santé selon l’âge, le sexe ou la nationalité
? Tests cognitifs et tests physiques
34L’état de santé général est un état auto-évalué. On ne peut donc faire directement la part entre ce qui relève de l’état objectif ou des comportements déclarés. Un des intérêts de l’enquête sera de croiser ces mesures subjectives avec divers indicateurs plus objectifs (voir une première tentative chez Jürges, 2005) et, à terme, avec les résultats du questionnaire « vignettes ».
35Parmi les indicateurs objectifs fournis par SHARE, on peut ranger les résultats des tests cognitifs. Le tableau 6 donne l’exemple du test de mémoire qui correspond au nombre de mots mémorisés par l’interviewé, dans une liste de dix mots lus par l’enquêteur. Il semble exister une légère différence entre hommes et femmes. Il existe là aussi une différence entre les pays : l’Espagne a les résultats les moins bons. Mais, quel que soit le pays, les résultats au test décroissent en fonction de l’âge.
36On a vu qu’il existait aussi deux tests directs de santé physique. Le test de force est un test de préhension : il mesure la force en kg au niveau des deux mains. Pour le test de vitesse, il s’agit du temps nécessaire en secondes pour parcourir 2,5 mètres (moyenne en deux tests), établi exclusivement pour les individus âgés de 75ans et plus. Les constats qualitatifs sont les mêmes que pour les autres indicateurs. Il y a un écart entre les hommes et les femmes en faveur de ces premiers, et toujours une décroissance de la performance en fonction de l’âge et des différences significatives entre pays (cf. tableaux 7 et 8).
Résultats du test de mémoire
Résultats du test de mémoire
Test de force selon l’âge, la nationalité et le genre
Test de force selon l’âge, la nationalité et le genre
Test de vitesse de marche selon l’âge, la nationalité et le genre
Test de vitesse de marche selon l’âge, la nationalité et le genre
? Résultats comparatifs sur le vécu et les anticipations du départ en retraite
37Pour conclure cette présentation de résultats préliminaires, cette section situe les résultats de la France par rapport à ceux des autres pays en matière de conditions de départ en retraite, tant les conditions passées (pour les personnes actuellement en retraite) que les conditions anticipées (pour les personnes encore en activité).
? Le vécu du départ en retraite
38Le questionnaire de l’enquête SHARE permet notamment d’aborder deux dimensions du vécu du départ en retraite. Une question comparative intéressante est celle du jugement global sur ce départ en retraite : est-il vécu de façon plutôt positive ou plutôt négative et ce sentiment dépend-il fortement du pays ? L’autre question est celle des motifs du départ en retraite.
39La retraite est vécue comme un soulagement par une majorité d’individus (cf. tableau 9): tel est le cas pour 59,1% des hommes et 57,4% des femmes. Environ 24,5% des hommes et 27,9% des femmes ont un jugement plutôt neutre sur cette période de l’existence : ils considèrent le départ en retraite comme un événement qui n’a été ni positif ni négatif. 9% des hommes et 7,7% des femmes jugent néanmoins cet événement négatif (« un problème ») et, respectivement, les 7,4 et 7% restants considèrent que cet événement a eu à la fois des aspects négatifs et positifs. Ces opinions varient significativement selon les pays : le pourcentage d’individus vivant la retraite comme un soulagement varie d’un maximum de 75% pour les hommes en Suisse à un minimum de 27% pour les femmes aux Pays-Bas. Cette spécificité néerlandaise est partagée, mais dans une moindre mesure, par les hommes, bien qu’elle reflète surtout une répartition différente entre les points de vue positifs ou neutres : au total, ce sont environ 90% des retraités ou retraitées néerlandais qui considèrent leur statut comme positif ou neutre, une proportion comparable voire légèrement supérieure à ce qui est observé dans les autres pays.
40Les pays où les sentiments négatifs sont plus élevés que la moyenne sont plutôt méditerranéens, particulièrement dans le cas des hommes : environ 14,7% des retraités grecs et 12,6% des retraités espagnols ou italiens considèrent leur retraite comme un problème. Des explications sont probablement à rechercher du côté des facteurs financiers.
41Les résultats français en termes d’appréciation positive se situent légèrement en dessous de la moyenne européenne. À titre comparatif, selon l’enquête « construction des identités », la période de départ à la retraite est appréciée positivement dans 39% des cas, négativement dans 9% des cas, et jugée « ni bonne ni mauvaise » dans 52% des cas (Crenner, 2004).
Opinions concernant le passage à la retraite
Opinions concernant le passage à la retraite
42Les jugements sur le passage à la retraite peuvent aussi dépendre du contexte dans lequel s’est faite cette transition. Le tableau 10 (cf. p. 130) présente les motifs de départ en retraite regroupés en cinq grandes catégories :
- tous les cas de transition « normale », c’est-à-dire de départ en retraite dû au fait que la personne est devenue éligible à une retraite normale, qu’elle soit de nature publique ou privée;
- les cas de retraite précoce qui sont davantage susceptibles d’inclure des départs non désirés : cas des personnes à qui a été proposée ou imposée une retraite anticipée ou une préretraite (suite par exemple à des réductions d’effectifs);
- un autre cas de départ davantage susceptible d’avoir été involontaire : cas d’un individu qui a dû partir en retraite en raison de son état de santé;
- un cas qui va s’avérer marginal mais potentiellement intéressant : celui des départs motivés par le souhait de partir en même temps que son conjoint;
- un cas résiduel incluant diverses raisons personnelles ou familiales, telles que le besoin de temps pour s’occuper d’un parent malade ou handicapé, le souhait de passer du temps avec sa famille, de profiter de la vie ou tout autre raison non déclarée.
Motifs du départ en retraite
Motifs du départ en retraite
43Le premier de ces cinq motifs regroupés est le motif dominant (cf. tableau 10): il est cité par 61,5% des hommes et 56% des femmes. À l’opposé, le désir de partir en retraite en même temps que son conjoint ou partenaire n’est un motif de départ que pour une très faible fraction de la population. Il est plus répandu chez les femmes (suggérant une asymétrie dans la coordination des décisions du couple), et non marginal au Danemark, où ce motif est cité par 3,9% des hommes et 4,7% des femmes.
44Les autres raisons sont citées avec une fréquence variant entre 10 et 20% pour la moyenne des pays, mais avec à nouveau des disparités internationales assez marquées. Par exemple, la retraite anticipée est citée par 44,1% des hommes aux Pays-Bas, il est même le motif le plus fréquemment cité pour ce groupe, un résultat qui doit être lié à l’importance qu’y ont eu et y ont encore les départs anticipés au titre de l’invalidité. Les autres variations entre pays ne sont pas toujours facilement interprétables sans analyse plus approfondie. Par exemple, il semble normal de constater que des raisons de santé sont moins souvent citées dans un pays comme l’Italie où l’âge à la retraite est bas : puisque la santé diminue avec l’âge, les contraintes de santé sont normalement moins déterminantes dans les pays où la retraite est ouverte aux âges inférieurs. Mais cela ne peut pas expliquer pourquoi c’est en Suisse que ces motifs de santé sont moins fréquemment cités, puisque l’âge de retraite y est au contraire relativement haut.
? Anticipations
45On s’intéressera maintenant à la population des personnes qui sont toujours en emploi. Des questions relativement détaillées leur sont posées au sujet des droits futurs à pension. Les enquêtés doivent d’abord lister les types de prestations auxquelles ils auront droit puis, pour chaque type de prestation, l’âge à partir duquel ils pensent commencer à en profiter et le pourcentage que ces prestations devraient représenter par rapport à leur dernier salaire. Ces informations reflètent à la fois la réalité des droits à la retraite futurs dans différents pays et la connaissance qu’en ont les futurs pensionnés.
46Le tableau 11(cf. p.132) distingue trois cas principaux en ce qui concerne ces droits futurs, à savoir la part des personnes qui déclarent avoir droit seulement à une pension publique (première colonne), seulement à une pension privée (deuxième colonne), ou avoir droit aux deux types de pension (troisième colonne). Il donne également la somme de ces trois pourcentages qui correspond au nombre des personnes qui ont droit au moins à un de ces deux genres d’avantages (quatrième colonne), ainsi que le pourcentage de personnes s’attendant à pouvoir bénéficier d’une retraite anticipée (cinquième colonne), publique ou privée, mais sans préciser si ce droit se cumule ou se substitue aux autres droits.
Distribution des individus occupant un emploi selon leurs droits futurs à la retraite
Distribution des individus occupant un emploi selon leurs droits futurs à la retraite
47Pour une majorité de pays, près de ou plus de 90% des actifs occupés se disent couverts par au moins un type de pension. Mais les chiffres sont plus bas, et parfois très significativement, pour les trois pays méditerranéens, ainsi que pour les Pays-Bas. Dans ce dernier cas, cela tient au non-usage systématique de la modalité « pension publique », sans doute dans la mesure où la pension de base fiscalisée n’est pas considérée par les répondants comme pension de retraite.
48Lorsque les individus savent qu’ils ont droit à un ou plusieurs types de pension, ont-ils des idées précises concernant leurs droits ? En général, la plupart d’entre eux peuvent indiquer un âge prévu de liquidation de ces droits, comme indiqué dans le tableau 12. La France est le pays ou l’un des pays où l’âge anticipé est le plus bas. Les écarts observés entre pays sont en général en conformité avec l’écart des âges courants de départ en retraite.
49À l’inverse, la connaissance des taux de remplacement futurs est bien moins répandue. Les taux de remplacement présentés dans le tableau 12 sont des taux de remplacement globaux, prenant en compte à la fois les taux de remplacement des prestations publiques et privées lorsque les deux types ont été déclarés (et lorsque des taux sont effectivement déclarés pour chacune de ces deux composantes). Dans l’ensemble, la part des personnes qui anticipent le niveau futur de leurs droits est nettement plus faible que la part des personnes capables d’anticiper un âge de départ. Elle peut certes monter jusqu’à 78,8% des individus déclarant avoir droit à au moins une pension (pour les hommes en Autriche). Mais elle est en général inférieure à 65% et c’est en France qu’elle est la plus basse : 31,1% pour les hommes et 21,5% pour les femmes. Même si les niveaux de taux de remplacement déclarés par les répondants ne sont pas irréalistes, cela confirme l’intuition que beaucoup de salariés manquent d’une bonne connaissance de leurs droits futurs à pension. Une étape ultérieure consisterait à examiner comment cette connaissance évolue avec l’âge (la proximité de la retraite conduit-elle à une meilleure connaissance de ces droits ?), le niveau d’éducation ou le groupe social.
Anticipations des droits futurs à retraite
Anticipations des droits futurs à retraite
? Conclusion
50Comme l’indiquait l’introduction, la collecte qui a été effectuée en 2004 constituait un test grandeur nature destiné à montrer la faisabilité de l’enquête. À ce stade, les premiers travaux d’exploitation tels que ceux présentés dans ce document et ceux du volume de premiers résultats (Börsch-Supan et al., 2005) ont surtout visé à jauger la solidité et la pertinence des données collectées (voir aussi Hank, Jürges, 2005; Erlinghagen, Hank, 2005; Ogg, Renaut, 2005).
51Sur cette base, il est d’une part possible de lancer des travaux d’analyse plus systématiques, qui devraient tirer parti de la double dimension comparative et pluridisciplinaire des données déjà collectées. Par ailleurs, l’aboutissement de la première vague permet d’envisager le financement de vagues suivantes, combinant réinterrogation des ménages déjà interrogés en 2004 et enrichissement de l’échantillon par introduction de ménages additionnels. S’il se confirme, ce passage en panel permettra d’accroître encore le nombre de thèmes pouvant être abordés par l’enquête.
52Remerciements
53La collecte des données de l’enquête SHARE a été principalement financée par la Commission européenne dans le cadre du cinquième programme cadre (projet QLK6-CT-2001-00360 du programme thématique Qualité de la vie). Un financement additionnel a été fourni par le National Institute on Ageing américain (U01 AG09740-13S2, P01 AG005842, P01 AG08921, P30 AG12185, T1-AG-4553-01 et OGHA 04-064). Les collectes ont été financées par des ressources exclusivement nationales pour l’Autriche ( Austrian Science Foundation, FWF), la Belgique (Belgian Science Policy Administration) et la Suisse (BBW/OFES/UFES). En France, des financements complémentaires ont été apportés par la Cnav, le Cor, la Drees, la Dares, la Caisse des dépôts et consignations et le Commissariat général du Plan. La base de données SHARE est présentée dans Börsch-Supan et al. (2005); les détails méthologiques sont présentés dans Börsch-Supan et Jürges (2005). La responsablité initiale de l’enquête française a été assumée par T. Magnac (INRA-LEA-CREST), avec une équipe de conception composée de L. Arrondel, P.-Y. Geoffard et A.Clark (Delta), D.Polton et C.Sermet (Irdes), K.Ritchie et J.-M.Robine (Inserm), C.Attias-Donfut et J.Ogg (Cnav), É. Lelièvre (Ined) et D.Verger (Insee).
Bibliographie
? Bibliographie
- BÖRSCH-SUPAN A. et al., 2005, Health, Ageing and Retirement in Europe : First Results from SHARE, MEA, University of Mannheim.
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- ERLINGHAGEN M., HANK K., 2005, “Participation of Older Europeans in Volunteer Work”, MEA Discussion Paper, n° 71-05, University of Mannheim.
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- HANK K., JÜRGES H., 2005, “Gender and the Division of Household Labor in Older Couples : A European Perspective”, MEA Discussion Paper, n° 76-05, University of Mannheim.
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- OGG J., RENAUT S., 2005, « Les premiers baby-boomers arrivent à la retraite : quelle perspective pour l’entraide et les relations au sein des familles dans le contexte européen ?», XXVe Congrès international de la population, UIESP, Tours.
- SALOMON J.A., TANDON A., MURRAY C.J.L.,2004, “Comparability of Self-Rated Health : Cross-Sectional Multi-Country Survey Using Anchoring Vignettes”, British Medical Journal, vol. 328, n° 7434, p. 258-264.
Notes
-
[1]
Les données belges n’ont été collectées qu’en 2005 et ne seront donc pas présentées dans ce document.
-
[2]
Une version complète du questionnaire générique en langue anglaise est téléchargeable sur les sites des projets SHARE ou AMANDA ((www. share-project. orgou wwww. amanda-project. org). Ces sites permettent également le téléchargement de l’ensemble des données anonymisées. Ils comprennent aussi divers outils d’aide à l’exploitation des données, dont un dictionnaire des déviations des questionnaires nationaux par rapport au questionnaire générique, ces différences n’ayant pu être totalement réduites à zéro. C’est par exemple le cas des questions touchant à l’organisation institutionnelle des différents pays. Dans le cas de la France, on a également dû s’abstenir de poser les questions relatives aux préférences politiques ou à la pratique religieuse prévues dans la version générique du questionnaire complémentaire papier.
-
[3]
Les questions utilisées dans cette section appartiennent aux modules CV (caractéristiques générales) et EP (emploi et retraite).