Notes
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L’auteur de ce compte rendu en assume totalement le contenu et la structure, ainsi que les observations finales. Celles-ci ne doivent pas être attribuées à l’organisation à laquelle l’auteur est affilié. Il tient à remercier l’équipe de recherche suédoise pour son étude, tous les experts pour la richesse des débats qu’ils ont animés et les hôtes de la réunion (Cnav et Unédic) pour leur accueil chaleureux.
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[2]
Les pays européens qui étaient représentés sont les suivants :Allemagne, Autriche, France, Hongrie, Italie, Pologne, République tchèque et Suède.
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[3]
L’équipe de recherche responsable de cette étude a été mise en place par l’Office national d’assurance sociale de Suède, et était composée des personnes suivantes : Ann-Charlotte Ståhlberg (Université de Stockholm); Marcela Cohen Birman (Office national d’assurance sociale, Suède); Agneta Kruse (Université de Lund); Annika Sundén (Office national d’assurance sociale, Suède).
1La réunion organisée par l’Association internationale de la Sécurité sociale (AISS) en collaboration avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) a rassemblé vingt-trois participants, venus principalement de pays européens [2], mais aussi des États-Unis et du Canada. Le rapport préparé pour les discussions comprenait une description théorique des principaux systèmes de retraite en vigueur dans le monde, suivie d’une analyse des régimes de pension chinois, français, ghanéen, jordanien, mexicain, polonais et suédois. Quatre thèmes ont été identifiés, et une session de travail a été organisée pour chacun, dans l’ordre suivant :
- égalité entre hommes et femmes et caractéristiques des systèmes de pension;
- dispositions en matière de pension et égalité entre hommes et femmes : quelques expériences nationales;
- taux d’activité et égalité entre hommes et femmes;
- réforme des pensions et questions d’égalité entre hommes et femmes.
2L’objectif global de la réunion était de procéder à des échanges entre experts de différents pays, afin de permettre aux chercheurs responsables de l’étude de ce thème d’améliorer et de finaliser leur rapport – qui sera présenté à l’occasion de la prochaine assemblée générale de l’AISS, à Beijing, du 12 au 18 septembre 2004 [3].
3Après quelques mots de bienvenue de Jean-Pierre Revoil, directeur général de l’Unédic qui accueillait cette réunion, Patrick Hermange, vice-président de la Commission technique de l’AISS chargée de l’assurance invalidité-vieillesse-décès, et directeur général de la Cnav, a prononcé une allocution introductive. Il y a souligné que beaucoup de gouvernements, surtout en Europe, étaient en train de revoir leurs politiques en matière de pensions, en vue de rechercher une plus grande équité dans la détermination des revenus de retraite des hommes et des femmes. Il a fait remarquer au passage l’importance des interconnexions existant entre le domaine des pensions et l’environnement plus global constitué des marchés du travail, des politiques familiales et des possibilités de formation. Anna Hedborg (directrice générale de l’Office national d’assurance sociale, Suède), en tant que présidente de la Commission technique de l’assurance invalidité-vieillesse-décès, a tenu à énumérer quelques grandes questions qui, selon elle, devaient servir de fil conducteur pour les débats : comment apporter plus de justice entre hommes et femmes au cours de la retraite ? Qui va épargner pour qui : les jeunes pour les plus âgés, les cols bleus pour les cols blancs ? Les femmes qui travaillent doivent-elles payer les pensions de celles qui n’ont pas pu suffisamment participer au marché du travail ? Le problème de l’équité dans un sens assez large, sur toute la durée du cycle de vie, a aussi été posé.
Égalité entre hommes et femmes et caractéristiques des systèmes de pension
4Le groupe de chercheurs suédois responsable de l’étude a partagé avec les autres participants les résultats de son analyse des effets escomptés sur les incitations, les prestations de pension et la répartition des revenus pour les hommes et les femmes, des divers types de systèmes de pension caractérisés par la combinaison d’éléments tels que : la gestion publique vs privée; la participation obligatoire vs volontaire; le financement par répartition vs par capitalisation; les prestations définies vs les cotisations définies. Ils ont rappelé que la plupart des régimes de Sécurité sociale ont été, à l’origine, établis sur la base du modèle du soutien de famille masculin. Ainsi, par exemple, ces régimes prévoyaient habituellement des prestations de veuves mais pas de prestations de veufs et, dans certains pays, les épouses exerçant un emploi rémunéré ne devaient pas cotiser au régime. La fixation d’un âge moins élevé pour le départ à la retraite était aussi, d’une certaine façon, révélateur d’un modèle où le taux d’activité des femmes était considéré comme secondaire.
5Les principales conclusions de la discussion qui a suivi la présentation des travaux sur ce sous-thème étaient les suivantes : pour les femmes, il semble y avoir un grand avantage à faire partie d’un système public fort et obligatoire, ayant une composante redistributive importante et se caractérisant par l’utilisation de tables de mortalité unisexes; les pensions liées aux montants des cotisations versées se justifient largement si l’on se fonde sur des critères d’équité et sur le rôle des incitations; les recettes fiscales générales devraient être utilisées pour payer les prestations des personnes qui font un travail non rémunéré, tel que la prise en charge d’enfants en bas âge. Beaucoup ont reconnu que la connotation du terme équité varie selon les pays et les cultures.
Dispositions en matière de pension et égalité entre hommes et femmes : quelques expériences nationales
6Des présentations sur ce thème ont été faites par des experts suédois (Ann-Charlotte Ståhlberg, Université de Stockholm), français (Michèle Tourne, Cnav), et allemand (Monika Rahn, Fédération des institutions allemandes d’assurance pension). L’idée de départ était que les différences de traditions et de cultures affectent sensiblement le niveau d’activité des femmes et celui de leurs pensions de retraite. Il peut s’agir de différences en matière de couverture et d’inclusion; certaines dispositions peuvent renforcer l’inégalité entre hommes et femmes. Les attitudes vis-à-vis des risques peuvent en effet varier entre les hommes et les femmes et ce, d’un pays à l’autre.
7Les exposés et les discussions qui ont suivi ont montré combien il était difficile de comparer les systèmes nationaux et d’identifier quels types de règles devaient être changés pour contribuer à une plus grande équité entre hommes et femmes. Il a par exemple été remarqué qu’en Allemagne les femmes peuvent bénéficier d’un cumul de leur pension propre et d’une pension de veuve, ce qui donne lieu à des revenus plus élevés que ceux observés en France par exemple. Certains participants ont souligné qu’il fallait différencier le risque « de vivre plus longtemps » et celui « d’être pauvre », d’autres se sont demandé s’il était plus approprié de s’attaquer aux inégalités entre hommes et femmes en matière de pensions en recourant aux principes d’assurance ou plutôt à d’autres systèmes de redistribution. La discussion a en effet également abordé l’apport des réseaux de familles élargies, ainsi que d’autres systèmes de soutien des personnes âgées.
Taux d’activité et égalité entre hommes et femmes
8Dans de nombreux pays, la situation des femmes sur le marché du travail est sensiblement différente de celle des hommes. Les femmes assument, en général, une très large part du travail de soins non rémunéré, ce qui les empêche d’occuper un emploi à plein temps ou de s’y maintenir. Cela affecte le type de travail qu’elles peuvent exercer et le nombre d’années qu’elles passent dans un emploi couvert par la Sécurité sociale. Il s’ensuit souvent un effet négatif sur leurs gains, leur capacité à profiter des possibilités de formation et leurs perspectives d’avancement professionnel. Les interruptions de carrière, les durées de cotisation plus courtes et les rémunérations moins élevées affectent négativement les droits des femmes, compte tenu du lien que les assurances sociales établissent entre le travail et les prestations.
9Les échanges sur le problème des taux d’activité ont porté sur le contenu de brefs exposés présentés par la Suède (Agneta Kruse, Office national d’assurance sociale), la France (Michèle Tourne, Cnav), et la Pologne (Zofia Czepulis-Rutkowska, Institution d’assurance sociale). Il a été notamment rappelé que de nos jours, les emplois sont devenus beaucoup moins stables qu’il y a cinquante ans, que les structures familiales ont significativement changé (plus grande fréquence des divorces, nombre plus élevé de couples concubins). Cette situation rend encore plus urgente une reconsidération du rôle et de la présence des femmes sur le marché du travail.
10Pour ce qui est du lien entre le travail et les revenus de retraite, la question était de savoir comment les systèmes de retraite pourraient être utilisés pour compenser les injustices observées sur le marché du travail. La plupart des participants ont émis l’avis que l’utilisation des pensions d’un système contributif en vue d’égaliser les revenus de retraite pourrait pousser à la perpétuation des inégalités en cours sur le marché du travail, et qu’il serait vraisemblablement plus approprié de chercher à obtenir le même résultat en recourant à l’utilisation des recettes fiscales générales. Cette méthode de financement pourrait aussi être utilisée pour fournir des garanties de revenu minimum pour toutes les catégories de personnes affectées par la pauvreté. L’idée d’offrir une prestation compensatoire aux femmes dont la carrière a été raccourcie par l’éducation de leurs enfants suppose qu’on réponde à une question essentielle : en procréant, les couples maximisent-ils d’abord leur propre utilité ou contribuent-ils à la production économique future dont bénéficiera l’ensemble de la société ? Beaucoup ont reconnu la nécessité de viser plus d’équité dans la distribution des emplois rémunérés entre les hommes et les femmes sur le marché du travail et ont recommandé que les législations proposent des modes de partage de la prise en charge des enfants entre les hommes et les femmes d’une part, entre les familles et l’État d’autre part.
Réformes des pensions et questions d’égalité entre hommes et femmes
11Avec ce thème, il s’agissait principalement d’examiner les effets sexospécifiques des réformes des pensions, en mettant particulièrement l’accent sur deux types de politiques : d’abord, celles qui affectent directement les prestations de pension; ensuite, celles qui améliorent la situation du marché du travail et entraînent indirectement une extension de la couverture et une augmentation des prestations futures. S’agissant du niveau des prestations de retraite, le groupe de travail devait analyser une série de mesures qui ont été utilisées, ou peuvent l’être potentiellement, pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes : fixation d’un âge ouvrant droit à pension, partage de la pension lors du divorce, pensions de survivants, taux d’annuité différenciés selon le sexe, prestations en cas de congé parental, services de soins aux enfants, etc.
12Ces différents aspects ont été analysés lors des présentations d’expériences de réformes faites par la Suède (Annika Sundén, Office national d’assurance sociale), la France (Michèle Tourne, Cnav), la Pologne (Zofia Czepulis-Rutkowska, Institution d’assurance sociale), le Canada (Heather Bordeleau, Développement social Canada), ainsi que par l’expert du Bureau pour la politique sociale en Europe, Frankfort (Mechtild Veil). Lors des discussions qui ont suivi, la quasi-totalité des participants ont reconnu qu’une partie des éléments des réformes mises en place dans les différents pays étaient bénéfiques aux femmes, alors que d’autres mesures leur étaient défavorables, en particulier dans les systèmes de pension où la composante redistributive a été significativement réduite. Beaucoup ont fait remarquer que les femmes souhaiteraient être capables de choisir librement leur façon de concilier travail rémunéré et temps consacré à l’éducation des enfants, alors que dans les sociétés modernes subsistent des forces qui limitent la possibilité pour les femmes d’exercer durablement un emploi rémunéré.
13En définitive, cette réunion a permis de préciser un ensemble cohérent d’éléments qu’il serait important d’incorporer au rapport final en préparation pour l’assemblée générale de l’AISS. Des propositions ont été faites notamment sur les façons d’identifier, en utilisant les méthodes de simulation présentées par les chercheurs suédois, les options de réformes susceptibles d’avoir un impact positif sur les retraites des femmes. Le concept d’équité a également donné lieu à de nombreux échanges autour de l’interrogation : qui doit épargner pour qui ?
14En outre, l’espérance de vie supérieure des femmes, tant à la naissance qu’à partir de l’âge de la retraite, a été évoquée. Elle est à la base de propositions portant sur le type de tables de mortalité à utiliser pour le calcul des pensions. En fait, le problème ne peut pas être tranché sans nuance, le genre n’étant pas seul en cause. On constate en effet que beaucoup d’hommes au niveau d’éducation élevé vivent plus longtemps que les femmes moins dotées en la matière. Les spécificités des pays en développement concernant les disparités des revenus de retraite entre hommes et femmes – et ici on peut penser en particulier aux implications de la prédominance du secteur informel dans la création d’emplois – ont été très peu abordées dans les discussions : en effet, ces pays n’étaient pas représentés à la réunion. Une des principales raisons de cette absence est liée aux nombreuses autres priorités, dans le domaine du développement de la Sécurité sociale, entre lesquelles ces pays doivent partager leurs ressources limitées. On peut espérer que des ressortissants de ces pays se joindront aux débats qui auront lieu sur le même thème à Beijing dans le cadre de l’assemblée générale de l’AISS.
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L’auteur de ce compte rendu en assume totalement le contenu et la structure, ainsi que les observations finales. Celles-ci ne doivent pas être attribuées à l’organisation à laquelle l’auteur est affilié. Il tient à remercier l’équipe de recherche suédoise pour son étude, tous les experts pour la richesse des débats qu’ils ont animés et les hôtes de la réunion (Cnav et Unédic) pour leur accueil chaleureux.
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Les pays européens qui étaient représentés sont les suivants :Allemagne, Autriche, France, Hongrie, Italie, Pologne, République tchèque et Suède.
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L’équipe de recherche responsable de cette étude a été mise en place par l’Office national d’assurance sociale de Suède, et était composée des personnes suivantes : Ann-Charlotte Ståhlberg (Université de Stockholm); Marcela Cohen Birman (Office national d’assurance sociale, Suède); Agneta Kruse (Université de Lund); Annika Sundén (Office national d’assurance sociale, Suède).