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Article de revue

Quand l'événement sportif révèle l'événement politique. Les matchs de football entre la Turquie et l'Arménie (2008-2009)

Pages 151 à 178

Notes

  • [*]
    Institut d’études politiques de Rennes, Centre de recherche sur l’action politique en Europe (UMR 6051), en détachement à l’université Galatasaray et chercheur associé à l’Institut français d’études anatoliennes.
    Cet article est la version remaniée et augmentée du texte d’une communication présentée au colloque « Le sport transformé en événement : usages politiques et pouvoir symbolique » organisé à Strasbourg les 14 et 15 janvier 2010 par l’équipe de recherche « Sport et sciences sociales » (EA 1342). Ce colloque a également donné lieu à publication d’un ouvrage collectif : Gounot André, Jallat Dominique, Koebel Michel (dir.). 2012. Les usages politiques du football, Paris, L’Harmattan, collection « Logiques sociales ».
  • [1]
    En 1993, le président Levon Ter-Petrossian avait assisté aux funérailles du président turc Turgut Özal et en 1999, le président Robert Kotcharian avait participé, à Istanbul, au sommet multilatéral de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
  • [2]
    Cf. Polo Jean-François. 2005. « Avrupa Fatihi. Les enjeux européens du sport en Turquie », in Guionnet Christine, Arnaud Lionel (dir.), Les frontières du politique, Rennes, PUR et Polo Jean-François. 2011. « Istanbul’s Olympic Challenge : A Passport for Europe ? », in Hayes Graeme, Karamichas John (dir.), Olympic Games, Mega-events and Civil Societies : Globalisation, Environment and Resistance, Palgrave.
  • [3]
    Pour une réflexion sur la prise en compte de l’émotion dans les mobilisations, voir notamment l’introduction de Traini Christophe et Simeant Johanna. 2009. « Pourquoi et comment mobiliser à la cause », in Traini Christophe (dir.), Émotions… Mobilisation !, Paris, Presses de Sciences Po, p. 11-34.
  • [4]
    Brochure de présentation du colloque « Le sport transformé en événement », 14 et 15 janvier 2010, MISHA, Strasbourg.
  • [5]
    Nora Pierre. 1974. « Le retour de l’événement », in Le Goff Jacques, Nora Pierre (dir.), Faire de l’histoire, vol. I : Nouveaux problèmes, Paris, Gallimard, p. 210-229.
  • [6]
    Bensa Alban, Fassin Éric. 2002. « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain [en ligne], 38, p. 4. Mis en ligne le 06 mars 2007. URL : http://terrain.revues.org/1888
  • [7]
    On peut considérer que pour l’État turc la question arménienne présente trois dimensions qui sont évidemment liées entre elles mais qui renvoient à des registres de légitimation différents : les allégations de génocide qu’il faut réfuter sur le plan international et national ; la présence d’une minorité arménienne en Turquie qui revendique une reconnaissance et des droits (au-delà du cas des citoyens turcs arméniens, la question des minorités en Turquie reste très sensible et constitue un des dossiers les plus surveillés et régulièrement critiqués par l’Union européenne dans les négociations d’adhésion) ; les relations, gelées, avec l’État arménien.
  • [8]
    Voir Insel Ahmet, Marian Michel. 2009. Dialogue sur le tabou arménien, Paris, Éditions Liana Levi.
  • [9]
    Bien que l’UE ne fasse pas de la reconnaissance du génocide une condition pour l’adhésion de la Turquie à l’Europe, certains responsables politiques d’États membres en font un principe.
  • [10]
    Polo Jean-François, « La diplomatie sportive turque à l’épreuve de l’histoire : retour sur les matchs de football entre la Turquie et l’Arménie (2008-2009) », in Robene Luc (dir.), Le sport et la guerre, xix-xxe siècles, PUR, 2012, p. 441-454.
  • [11]
    On s’est également appuyé sur la consultation de blogs sur la Turquie et sur l’Arménie.
  • [12]
    Copeaux Étienne. 1997. Espaces et temps de la nation turque. Analyse d’une historiographie nationaliste 1931-1993, Paris, CNRS Éditions, p. 325. À travers l’étude de manuels d’histoire turcs, l’auteur analyse le processus de construction d’un imaginaire national.
  • [13]
    Selon l’historien turc Taner Akçam, une des raisons pour lesquelles l’État turc refuse de reconnaître le génocide perpétré par les Ottomans serait l’implication de certains fondateurs de la République dans ce crime. En outre, les autorités turques redoutent les exigences d’une indemnisation financière, voire territoriale. Akçam, Taner. 2008. Un acte honteux. Le génocide arménien et la question de la responsabilité turque, Paris, Denoël (première version publiée en turc en 1999 et édition en anglais en 2006).
  • [14]
    Mis à part les arrestations et meurtres de 600 notables et intellectuels arméniens à Istanbul le 24 avril 1915 (date retenue comme jour de la commémoration du génocide pour les Arméniens), les communautés arméniennes d’Istanbul et de Smyrne (Izmir) avaient été épargnées pour ne pas provoquer une réaction des observateurs et diplomates occidentaux, nombreux dans ces deux villes. Par ailleurs, un certain nombre de femmes et d’enfants arméniens avaient été enlevés ou cachés par des familles turques ou kurdes, et le plus souvent islamisés. Il reste aujourd’hui environ 60 000 Arméniens en Turquie, essentiellement à Istanbul.
  • [15]
    Évoquant ses souvenirs d’enfant et ses perceptions des Arméniens d’Istanbul, l’universitaire Ahmet Insel évoque même une grande proximité avec les Arméniens qui parlent turc sans accent à la différence des Grecs. Il ajoute : « Dans nos manuels d’histoire aussi, c’est le silence. Pour l’essentiel, on nous enseigne la guerre de libération nationale des années 1920. À la fin des années 1960, la question du génocide arménien n’est pas à l’ordre du jour, on n’en parle donc pas. Il n’y a pas de propos ouvertement haineux vis-à-vis des Arméniens, mais des insinuations selon lesquelles vers la fin de l’Empire ottoman, les minorités religieuses collaboraient avec les puissances impérialistes. Mais sur le Arméniens particulièrement, je ne me rappelle rien. C’est le black out total, on ne parle ni de la déportation ni de quoi que ce soit d’autre. » Voir Insel A., Marian M., op. cit., p. 53.
  • [16]
    Voir Minassian Gaïdz. 2002. Guerre et terrorisme arméniens, 1972-1998, Paris, PUF.
  • [17]
    Pour Laurent Mallet, l’État turc, afin de contrecarrer la mauvaise image internationale de la Turquie, notamment concernant le traitement de ses minorités, a cherché à diffuser à l’étranger comme en Turquie un discours bienveillant à l’égard de la communauté juive de Turquie. Ainsi, les festivités du 500e anniversaire de la découverte de l’Amérique en 1992 se sont transmuées en Turquie en célébration du 500e anniversaire de l’accueil par un Empire ottoman tolérant des Juifs expulsés d’Espagne. Mallet Laurent. 2008. La Turquie, les Turcs et les Juifs. Histoire, représentations, discours et stratégies, Istanbul, Éditions ISIS.
  • [18]
    Voir European Stability Initiative. 2009. La colombe de Noé est de retour. L’Arménie, la Turquie et le débat sur le génocide, Berlin-Istanbul-Erevan, p. 5. http://www.esiweb.org/pdf/esi_document_id_108.pdf
  • [19]
    Résolution sur une solution politique de la question arménienne (18 juin 1987), Journal officiel des Communautés européennes (JOCE), 20.07.1987, n° C 190, p. 119-121.
  • [20]
    Burdy Jean-Paul. 2005. « La Turquie candidate et le génocide des Arméniens : entre négation nationaliste et société civile », Pôle Sud, n° 23, p. 87.
  • [21]
    Kentel Ferhat, 2011. « Turquie. Retour sur les évolutions de la société civile », Grande Europe, La Documentation française, n° 30, p. 25.
  • [22]
    Voir notamment le roman d’Elif ?afak, La Bâtarde d’Istanbul, qui est un succès de librairie en Turquie en 2006, mais qui vaut à son auteur des poursuites judiciaires au titre de l’article 301 du code pénal turc.
  • [23]
    Les actes de ce colloque ont été publiés en avril 2011.
  • [24]
    European Stability Initiative, op. cit., p. 12.
  • [25]
    Le procès en cours du meurtrier de Dink n’a toujours pas permis de découvrir les vrais commanditaires de cet assassinat, ni s’il existe des complicités au niveau de l’appareil d’État. Cf. Le Monde, 21 janvier 2011. Le 15 janvier 2011, le journaliste turc Nedim Sener publie un livre qui apporte des éléments inédits sur les circonstances de la mort de Dink. Cf. Sener Nedim. 2011. K?rm?z? Cuma. Dink’in Kalemini Kim K?rd? ? (Vendredi Rouge : qui a cassé la plume de Dink ?, Istanbul, Do?an Kitap. Lors des auditions de mars 2011, le jeune nationaliste blâmait la presse extrémiste qui l’aurait amené à commettre ce meurtre.
  • [26]
    La déclaration d’indépendance fait référence au génocide de 1915 que la Turquie refuse encore de reconnaître. Sur cet apparent paradoxe, voir Minassian Gaïdz. 2005. Géopolitique de l’Arménie, Ellipses, Paris, 2005, p. 89-90.
  • [27]
    L’Arménie est un pays montagneux enclavé, qui n’entretient plus de relations avec la Turquie et l’Azerbaïdjan, et dont le plus proche voisin géorgien voit ses ports bloqués par la Russie, ce qui renforce sa dépendance à l’égard de Moscou.
  • [28]
    Pour des informations plus précises sur ces rencontres informelles, voir le calendrier réalisé par European Stability Initiative, Armenia-Turkey : The Great Debate, August 2009 : http://www.esiweb.org/pdf/esi_picture_story_-_turkish_armenian_relations_-_august_2009.pdf
  • [29]
    Le groupe de Minsk a été mis en place par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) afin d’encourager la recherche d’une résolution pacifique et négociée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan du conflit les opposant sur le Haut-Karabakh. Il est coprésidé par la Russie, les États-Unis et la France, mais il inclut également l’Arménie, la Turquie et l’Azerbaïdjan. Dans un entretien accordé au quotidien turc Radikal le 28 septembre 2008, le président Sarkissian a reconnu que des progrès avait été fait en juin dans le cadre du groupe de Minsk.
  • [30]
    Cheterian Vicken. 2010. « Histoire, mémoire et relations internationales : la diaspora arménienne et les relations arméno-turques », Relations internationales, n° 141, printemps, p. 25-46.
  • [31]
    Ibidem, p. 39-40.
  • [32]
    Dix personnes ont trouvé la mort lors de manifestations à Erevan dénonçant des fraudes aux élections présidentielles de février 2008.
  • [33]
    Today’s Zaman, « Sarksyan proposes “fresh start” for gradual normalization », 10 juillet 2008.
  • [34]
    Cha Victor. 2009. Beyond the final score : the politics of sport in Asia, Columbia University Press, New York, p. 2.
  • [35]
    Pour une sociologie de la diplomatie, voir Kingston de Leusse Meredith. 1998. Diplomate. Une sociologie des ambassadeurs, Paris, L’Harmattan.
  • [36]
    Il invite le président Gül à se rendre plutôt à Bakou pour assister à ce match contre l’Arménie. Voir Today’s Zaman, 1 September 2008.
  • [37]
    Today’s Zaman, 3 septembre 2008.
  • [38]
    Pour Cengiz Çandar, ce geste ne signifierait nullement la reconnaissance du génocide par la Turquie, mais d’une mémoire tragique appartenant à une histoire commune. Turkish Daily New, Thursday, 4 septembre 2008. Voir aussi l’éditorial de Yavuz Baydar dans Zaman, 5 septembre 2008.
  • [39]
    Today’s Zaman, 5 septembre 2008.
  • [40]
    Today’s Zaman, 3 septembre 2008.
  • [41]
    Today’s Zaman, 6 septembre 2008.
  • [42]
    Turkish Daily News, 3 septembre 2008.
  • [43]
    Today’s Zaman, 23 juillet 2008.
  • [44]
    Cf. Today’s Zaman, 7 août 2008
  • [45]
    Today’s Zaman, 1er septembre 2008.
  • [46]
    Turkish Daily News, 4 septembre 2008.
  • [47]
    Today’s Zaman, 5 septembre 2008.
  • [48]
    Today’s Zaman, 4 septembre 2008.
  • [49]
    Hürriyet Daily News, 6 septembre 2008 et 13 octobre 2008.
  • [50]
    Today’s Zaman, 1er septembre 2008.
  • [51]
    Les relations entre R. Erdo?an et A. Gül sont assez complexes et parfois marquées par une certaine forme de concurrence. R. Erdo?an, maire d’Istanbul entre 1994 et 1998, a fondé l’AKP en 2001 et en devient le leader incontesté. Il mène son parti à la victoire aux législatives de 2002, mais du fait d’une condamnation qui le frappe d’inéligibilité, c’est A. Gül qui est désigné Premier ministre. En 2003, à nouveau éligible, il succède à A. Gül qui reste au gouvernement comme ministre des Affaires étrangères. En juillet 2007, l’AKP gagne à nouveau les élections législatives et R. Erdo?an se maintient comme chef du gouvernement. En août de la même année, après moult péripéties, A. Gül est quant à lui élu président de la République turque. Si R. Erdo?an reste le leader de l’AKP, des prises de positions d’A. Gül ont pu faire naître des tensions entre les deux personnages.
  • [52]
    Today’s Zaman, 6 septembre 2008.
  • [53]
    Même si le ministre des Affaires étrangères turc a déclaré qu’il n’y avait aucun lien entre le dégel des relations avec l’Arménie et cette décision. Today’s Zaman, 26 juillet 2008.
  • [54]
    Selon le président de la fédération arménienne de football, ce changement avait été décidé simplement parce que l’ancien emblème n’était pas très populaire. Today’s Zaman, 4 septembre 2008. Mais en 2009, juste avant le match retour, l’ancien emblème refaisait sa réapparition. Le même président de la fédération arménienne réfutait les allégations selon lesquelles l’administration Sarkissian avait été derrière ce rétablissement : « Nous n’aimions pas notre nouveau logo et nous avons choisi simplement de revenir au modèle ancien ». Hürriyet Daily News, 9 octobre 2009.
  • [55]
    Cf. Defrance Jacques. 2000. « La politique de l’apolitisme. Sur l’autonomisation du champ sportif », Politix, vol. 13, n° 50, p. 13-27.
  • [56]
    Cf. Hürriyet Daily News, 8 septembre 2008.
  • [57]
    Today’s Zaman, 3 septembre 2008. L’entraîneur poursuit en évoquant le match des moins de 21 ans entre l’Arménie et la Turquie qui avait eu lieu un mois avant, et au cours duquel il ne s’était rien passé. On peut mettre en opposition cette décision de ne pas mêler le sport et l’histoire, le sport et la politique avec la polémique qui avait suivi la lecture de la lettre de Guy Môquet par un joueur de l’équipe de France dans les vestiaires quelques minutes avant le début de la demi-finale de la Coupe du monde de rugby en France en 2007.
  • [58]
    Today’s Zaman, 5 septembre 2008.
  • [59]
    Hürriyet Daily News, 9 octobre 2009.
  • [60]
    Gül sera accueilli par le ministre des Affaires étrangères arménien à l’aéroport et conduit au palais présidentiel sur une route hautement sécurisée. Il s’entretiendra pendant une heure avec le président Sarkissian avant de se rendre ensemble au match. Le stade sera entièrement sécurisé et les deux présidents prendront place derrière une glace pare-balles pour prévenir tout risque d’assassinat. Des hauts responsables du ministère des Affaires étrangères turc ont soigneusement préparé le voyage avec leurs homologues et ont affirmé que les mesures de sécurité prises du côté arménien étaient satisfaisantes. Today’s Zaman, 5 septembre 2008.
  • [61]
    Turkish Daily News, 10 septembre 2008.
  • [62]
    Créée en 2006 pour sensibiliser sur la question kurde, cette association a engagé des mobilisations pour soutenir les avancées démocratiques en Turquie. Entretien, Istanbul, 31 mars 2011.
  • [63]
    Hürriyet Daily News, 6 septembre 2008 et Today’s Zaman, 8 septembre 2008.
  • [64]
    « Le voyage en Arménie » par Delal Dink, Agos, le 16 septembre 2008. Agos est le journal publié en turc et arménien que dirigeait Hrant Dink. Une version traduite en français est disponible sur le site : http://turquieeuropeenne.eu/auteur881.html
  • [65]
    Dans l’avion du retour vers Ankara, après le match, Gül révéla que, dans les discussions qu’il avait eues avec Sarkissian, les questions ni du génocide, ni du Haut Karabakh, ni même de l’ouverture de la frontière n’avaient été abordées. Turkish Daily News, 9 septembre 2008.
  • [66]
    Pour Vicken Cheterian, ce choix stratégique du gouvernement arménien est source de fortes tensions avec la diaspora arménienne dont « l’identité politique prend sa source dans le génocide, et s’articule autour de l’engagement pour la reconnaissance internationale du génocide », op. cit., p. 44.
  • [67]
    Today’s Zaman, 8 septembre 2008.
  • [68]
    Turkish Daily News, 9 septembre 2008.
  • [69]
    Today’s Zaman, 9 septembre 2008.
  • [70]
    Pour une lecture plus approfondie des conditions de la « Feuille de route », voir Minassian Gaïdz. 2009. « Le dialogue arméno-turc », Revue internationale et stratégique, mars, n° 75, p. 46-55.
  • [71]
    Turkish Daily News, 29 juillet 2009.
  • [72]
    Protocol on development of relations between the Republic of Turkey and the Republic of Armenia, Republic of Turkey, Ministery of Foreign Office. http://www.mfa.gov.tr/data/DISPOLITIKA/t%C3%BCrkiye-ermenistaningilizce.pdf. Il faut rappeler que cette exigence turque déjà présente dans la feuille de route avait fait voler en éclat la coalition gouvernementale arménienne en avril 2009, avec le désengagement du parti Tashnag pour lequel il s’agissait d’une concession inacceptable remettant en cause une vérité historique avérée.
  • [73]
    Turkish Daily News, 14 octobre 2009.
  • [74]
    Il a aussi été envisagé de diffuser des programmes en arménien comme c’est le cas désormais avec le kurde, l’arabe, le perse. Le site internet officiel de la TRT sera également disponible dans des pages en langue arménienne. Turkish Daily News, 9 septembre 2008.
  • [75]
    Voir Turkish Daily News, 13 et 17 septembre 2008.
  • [76]
    Le Turkish Armanian Business Developpment Council proposant l’établissement d’une « Zone industrielle qualifiée » entre la Turquie et l’Arménie qui permettrait aux biens coproduits un accès aux marchés américains sans droits de douane ni taxes. Turkish Daily News, 22 septembre 2008.
  • [77]
    Pour une explication de ce nationalisme sportif voir Bora Tanil. 2002. « Football and its audience : staging spontaneous nationalism », in Yerasimos Stéphane, Seufert Günter, Vorhoff Karin (dir.). Civil Society in the Grip of Nationalism, Istanbul, Orient Institut & IFEA, p. 375-402.
  • [78]
    Il s’agit du sultan ottoman qui a conduit la prise de Constantinople en 1453.
  • [79]
    Lors de la rencontre entre Fenerbahçe et Panathinaikos évoquée ci-dessus, les ministres des Affaires étrangères de la Turquie et de la Grèce, présents dans le stade ont voulu entamer un tour d’honneur afin de faire de ce match le symbole d’une réconciliation. Il s’agissait également d’apporter leur soutien à la candidature conjointe turco-grecque pour organiser l’Euro 2008 de football. Mais suite à l’avalanche d’objets divers lancés par les supporters, ils ont dû interrompre leur initiative, donnant au final un piteux spectacle des dispositions fraternelles des supporters. Sur cet épisode voir Polo Jean-François, « Avrupa Fatihi », op. cit.
  • [80]
    Pour contourner l’interdiction d’introduire des banderoles à l’intérieur du stade, chaque membre avait dissimulé dans les doublures de vêtement ou de sac une lettre qui a servi à reconstituer le message. Par ailleurs, aucun d’entre eux n’ayant un intérêt pour le football, après avoir réussi cette stratégie de communication, ils ont quitté le stade. Entretien, Istanbul 31 mars 2011.
  • [81]
    En effet, l’intérêt sportif était limité puisque les deux équipes étaient d’ores et déjà éliminées de la qualification pour la phase finale. Pour information, la Turquie a gagné les deux rencontres par le même score de 2 à 0.
  • [82]
    Bromberger Christian. 1995. Le match de football. Ethnologie d’une passion partisane à Marseille, Naples et Turin, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, p. 9.
  • [83]
    Lors des éliminatoires pour l’Euro 2008 de football, l’Arménie et l’Azerbaïdjan s’étaient retrouvés dans le même groupe, mais les rencontres prévues en septembre 2007 avaient été finalement annulées faute d’un accord entre les deux fédérations. L’Azerbaïdjan refusait de recevoir l’Arménie sur son territoire et a donc proposé de disputer les deux rencontres sur terrain neutre, ce que l’Arménie avait refusé. L’UEFA avait alors supprimé les deux rencontres et attribué 0 point aux deux équipes. AFP, 24 juin 2007. Pour l’Euro 2012, voir http://www.football-rankings.info/2009/12/uefalooking-to-avoid-repeat-of-armenia.html
  • [84]
    Observatoire de Vie politique turque (OVIPOT), 24 avril 2010. http://ovipot.blogspot.com/2010/04/gel-de-la-ratification-des-protocoles.html
  • [85]
    Cf. Göksel Nigar. 2010. « Starting over ? Turkey and Azerbaijan after the protocols », Turkish Policy Quarterly, 15 october.
  • [86]
    Le texte exact était celui-ci : « Ma conscience refuse la négation et l’insensibilité vis-à-vis de la Grande Catastrophe qu’ont subie les Arméniens ottomans en 1915. Je refuse cette injustice, je partage les sentiments et la douleur de mes frères et sœurs arméniens et je leur demande pardon. »
  • [87]
    Entretien avec Ali Bayramo?lu, journaliste à Yeni ?afak, un des initiateurs de cette pétition et qui a fait le voyage à Erevan pour assister au match, Istanbul, 30 mars 2011.
  • [88]
    Voir Insel Ahmet, Marian Michel, op. cit. Dans cet ouvrage, tout en s’accordant sur les éléments historiques des événements de 1915 et tout en estimant nécessaire et salutaire que ces faits soient connus et largement diffusés dans la société turque, les deux auteurs (Ahmet Insel est turc, professeur d’économie à Paris 1 et à l’université turque de Galatasaray ; Michel Marian est français d’origine arménienne et journaliste) diffèrent sur la qualification de génocide. Plus intéressante est leur divergence sur les objectifs de leur démarche commune et de leur combat respectif. Pour Marian, il faut pousser l’État turc à reconnaître le génocide arménien, en faisant pression notamment par rapport à la candidature turque à l’UE. Pour Insel, la priorité semble être le renforcement de la démocratie turque, la levée définitive de toutes les questions taboues et la possibilité pour les chercheurs, historiens et journalistes de faire leur travail, le respect du droit des minorités. Mais pour Insel, cela ne passera pas par une décision du haut, mais par un travail sur la société turque. D’où l’importance de dissocier l’adhésion du problème arménien. Le dernier ne peut pas être la carotte du premier. Si l’adhésion ne se fait pas, il faut avancer sur la question arménienne quoiqu’il arrive. Sans l’adhésion, la Turquie serait confrontée à ses démons et n’aurait pas la stabilité démocratique amenée par l’UE (p. 140).
  • [89]
    Ibidem, p. 150.
  • [90]
    Cet élan de fraternité a pu aussi susciter chez certains observateurs, un certain agacement face à une attitude, certes solidaire, mais un peu trop tardive. Entretien avec un journaliste turc d’origine arménienne, qui a couvert les deux matchs, Istanbul, 2 avril 2011.
  • [91]
    Radikal, 9 octobre 2000.
  • [92]
    L’affaire Ergenekon a débuté en 2007 avec la mise à jour par la police d’un projet de déstabilisation et de renversement du gouvernement de l’AKP impliquant des hauts fonctionnaires, des hauts gradés de l’armée. Depuis 2007, les procès de l’affaire Ergenekon sont en cours et révèlent l’importance de cette machination.
  • [93]
    Cité in European Stability Initiative, op. cit., p. 11-12.
  • [94]
    Entretien avec Robert Kopta?, Istanbul, 1er avril 2011.
  • [95]
    La transformation interne de la Turquie est loin d’être achevée. Il existe encore un « Conseil interministériel de coordination pour la lutte contre les accusations du prétendu génocide » alors qu’il n’y a toujours pas de monuments en hommage aux Arméniens massacrés en 1915. Le procès Ergenekon en est encore à ses débuts et, personne ne peut affirmer si un jour les vrais responsables de l’assassinat de Dink seront déchiffrés. Cf. Marcou Jean. 2010. « 2010. Le bilan de la politique intérieure turque », Blog de l’OVIPOT, 31 décembre. http://ovipot.hypotheses.org/1688

1Le 6 septembre 2008, le président de la République turque Abdulah Gül se rendait en Arménie à l’invitation de son homologue, le président arménien Serge Sarkissian, pour assister au match aller des éliminatoires de la coupe du monde de football 2010 entre la Turquie et l’Arménie. Il s’agissait de la première visite officielle d’un chef d’État turc en Arménie, alors que ces deux pays n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis 1991 et que la Turquie a fermé sa frontière avec l’Arménie depuis 1993. Un an plus tard, le 14 octobre 2009, à l’occasion du match retour, le président arménien, qui avait conditionné sa présence dans le stade à la signature d’un protocole rétablissant les relations diplomatiques entre ces deux pays (signé le 10 octobre 2009), effectuait à son tour le premier déplacement officiel d’un président arménien en Turquie dans un cadre bilatéral [1]. Ces deux voyages présidentiels ont eu un fort retentissement dans ces deux États, mais aussi, plus largement, dans la région et sur la scène internationale. Au point qu’ils ont largement dépassé, pour ne pas dire éclipsé, l’enjeu purement sportif des deux matchs. Les deux chefs d’État ont ainsi saisi l’opportunité de l’événement sportif pour opérer un rapprochement, très fortement médiatisé, suscitant dans leur pays respectif espoirs, émotions, mais aussi critiques.

2En Turquie, le recours au sport comme ressource politique a pris une dimension croissante dans le contexte des mutations économiques, sociales et politiques que traverse ce pays depuis une trentaine d’années. Libéralisation économique et enjeu de la candidature à l’Union européenne (UE) sont des facteurs concomitants d’une montée en puissance de l’événementiel sportif et de son usage politique par le pouvoir [2]. Si les matchs entre la Turquie et l’Arménie qui font l’objet de cette étude s’inscrivent dans cette continuité, ils acquièrent une dimension spécifique par la charge émotionnelle et la rupture de sens qu’ils opèrent et à travers lesquelles se produit l’événement [3].

3Penser le sport en tant qu’« événement » invite nécessairement à s’intéresser à « l’analyse des usages et profits politiques du sport dans le contexte de la médiatisation sportive [4] ». Si pour Pierre Nora l’événement ne peut exister que par les mass médias, puisque « c’est par eux et par eux seuls que l’événement nous frappe, et ne peut nous éviter » [5], Éric Fassin et Alban Bensa, s’efforçant quant à eux de faire de l’événement un objet des sciences sociales, nous invitent « à restituer les cadres dans lesquels [l’événement] s’inscrit et qui lui donnent un sens à la fois pour les acteurs et pour les sociologues anthropologues et historiens ». Ils nous incitent, également « à montrer comment l’événement est effectivement construit, en particulier médiatiquement [6] ». Mais il s’agit alors d’éviter deux logiques de réduction. En premier lieu, la logique de contextualisation qui « pourrait tendre à montrer que l’événement n’en est pas vraiment un, manifestant ce qui restait caché, tu ou invisible, l’apparition n’étant alors que la révélation de ce qui était déjà en place » lorsqu’il « se produit quelque chose ». Le second type de réduction dont il convient de se méfier est celui de la logique de la construction médiatique de l’événement en ce qu’elle tend à faire oublier la réalité propre de celui-ci. Ils suggèrent alors, pour éviter ce double écueil de la réduction par le contexte ou par la construction, de « restituer à l’événement sa spécificité temporelle : [l’événement] manifeste à lui seul une rupture d’intelligibilité ».

4Concernant le cas qui nous intéresse ici, ce qui provoque la rupture d’intelligibilité, ce n’est pas tant la rencontre des deux présidents – et encore moins les deux matchs de football – que l’amplification médiatique de questions sous-jacentes qui travaillent la société turque depuis une trentaine d’années à propos de la « question » arménienne [7]. La levée progressive et récente du tabou arménien s’est opérée dans un contexte international particulier (pressions internationales croissantes pour la reconnaissance du génocide [8] ; pressions européennes dans le contexte de la candidature à l’UE [9]), en cohérence avec la nouvelle stratégie diplomatique de l’État turc (doctrine du « zéro problème aux frontières ») et suite aux pressions nationales venant de la « société civile » turque (journalistes, intellectuels, universitaires, associations de droits de l’homme, associations des minorités et notamment d’Arméniens de Turquie), sans oublier de mentionner la charge émotionnelle très forte suite à l’assassinat du journaliste d’origine arménienne Hrant Dink, en janvier 2007.

5Il ne s’agira pas ici de mesurer l’impact de la diplomatie sportive [10], mais de réfléchir au processus par lequel ces deux matchs de football créent l’événement en opérant une rupture de sens. À partir d’entretiens et de l’étude d’articles de journaux essentiellement turcs [11], on essaiera donc de montrer ici comment l’événement sportif replacé dans sa spécificité temporelle (c’est-à-dire en évitant de confondre l’événement et sa manifestation), traduit un changement, une rupture en cours, et moins des relations objectives et concrètes de la Turquie avec l’Arménie que des représentations turques sur la question arménienne. Plus qu’une instrumentalisation ou un usage politique du sport, ce qui fait événement, c’est donc bien un changement de représentation et d’intelligibilité de cette relation.

6On se trouve donc ici face à une imbrication d’événements de nature sportive (les matchs de football entre la Turquie et l’Arménie) et de dimension politique (la rencontre officielle des chefs d’État turc et arménien) avec des logiques propres qui sont amenées à se croiser. Si l’événement sportif est, dans cet exemple, situé avec précision dans le temps (6 septembre 2008 et 14 octobre 2009), l’événement politique plonge ses racines dans une histoire ancienne et complexe des relations entre Arméniens et Turcs marquées notamment par les événements de 1915 que l’État turc refuse toujours de qualifier de génocide.

7Dans une première partie, on s’intéressera à ce qui fait l’événement et dont les rencontres sportives et les déplacements des chefs d’État ne sont qu’une dimension : la levée du tabou arménien en Turquie. Dans la seconde partie, on se focalisera sur les deux matchs pour montrer comment ils participent de ce changement. Enfin, dans une dernière partie, on examinera les effets de ces matchs.

I – La levée du tabou arménien en Turquie : le poids de l’histoire, la dynamique des sociétés

a – Les Arméniens dans l’Empire ottoman et dans la République turque

8L’Anatolie a été, au cours du dernier millénaire, férocement disputée par les populations qui l’occupaient. Lorsque les premières invasions turques se réalisent au xve siècle (prise d’Ani par les Seldjoukides en 1064), des guerres ont déjà opposé les armées arméniennes aux armées byzantines. Une certaine historiographie turque insiste d’ailleurs sur l’annexion de la Grande Arménie par Byzance en 1045 pour démontrer « qu’aucun affrontement turco-arménien n’a pu se produire en 1064, car les Grecs avaient déjà déporté les Arméniens à cette date [12] ». Les premiers Turcs en Anatolie auraient ainsi bataillé contre l’Empire byzantin pour prendre pied dans ce territoire et non contre l’Arménie. L’Empire ottoman qui se construit lentement sur les ruines de l’État seldjoukide, puis sur celles de l’Empire byzantin (après la chute de Constantinople en 1453) institue progressivement un système accordant des statuts particuliers aux communautés religieuses (les millets). L’Empire qui atteint son apogée au xvie siècle va connaître à partir du xviie siècle un lent et inexorable déclin qui s’accéléra au xixe siècle malgré les tentatives de réformes politiques. Engagé dans la Première Guerre mondiale aux côtés de l’Allemagne, il s’efforce de résister à la décomposition de son territoire en luttant contre les puissances européennes, mais aussi contre ses propres minorités de l’Empire, les ennemis de l’intérieur que sont les Grecs et les Arméniens. C’est dans ce contexte de désintégration de l’Empire que les dirigeants nationalistes des « Jeunes-Turcs » qui, depuis 1908, ont voulu imposer au sultan un Empire libéral, décident de déporter l’ensemble de la population arménienne de l’Empire dans les déserts de Mésopotamie en avril 1915. Avec près d’un million d’Arméniens assassinés ou morts lors de leur déportation, c’est la présence physique des Arméniens en Anatolie qui est effacée. Les survivants des massacres trouvèrent refuge dans la partie caucasienne de l’Arménie annexée par l’Union soviétique et dans l’exil en Syrie, en Europe et aux États-Unis pour constituer une diaspora importante dont le souvenir de 1915 reste indélébile. La Turquie réfute cette catégorisation de génocide effectuée par un grand nombre de pays dans le monde et par le Parlement européen, préférant parler de massacres [13].

9La disparition physique des Arméniens de Turquie (seule une petite minorité a pu survivre à Istanbul [14]) a réglé, provisoirement, la question arménienne dans la République alors qu’en revanche, les relations avec la communauté grecque et la Grèce restent un enjeu politique [15]. C’est avec les attentats de l’Armée secrète de libération de l’Arménie (ASALA [16]) contre des intérêts et des diplomates turcs de 1975 à 1984 en Europe et en Turquie que la question arménienne refait violemment irruption sur la scène turque, provoquant une incompréhension dans une opinion publique choquée et la réactivation d’un fort nationalisme turc. La guérilla kurde menée par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à partir de 1984 ne fera que renforcer le sentiment ultranationaliste et la prégnance d’un discours étatique dénonçant les ennemis intérieurs de la République [17]. Dans ce contexte tendu, la communauté arménienne de Turquie est restée relativement discrète. L’État turc poursuit et renforce même sa dénégation du génocide en encourageant la publication de travaux d’historiens contestant les allégations de génocide (notamment ceux émanant de la Société turque d’histoire) et en poursuivant ceux qui contestent cette position officielle. « Tout au long des années 1990, ceux qui défient la ligne officielle sont traduits en justice au titre de la loi anti-terrorisme et du Code pénal turc. [Lorsqu’une] maison d’éditions belge publie L’histoire du génocide arménien d’Yves Ternon, l’éditeur est condamné à deux ans d’emprisonnement (peine réduite ensuite à six mois). » [18]

b – Vers la levée du tabou arménien

10Malgré la pression de l’État kémaliste et de la plupart des partis politiques, et notamment de l’extrême droite, le tabou de la question arménienne va être progressivement levé dans les années 2000 sous l’effet conjugué des pressions internationales et surtout de l’UE dans le contexte des négociations d’adhésion de la Turquie, des nouvelles mobilisations de la société civile turque et de l’arrivée au pouvoir de l’Adalet ve Kalk?nma Partisi (AKP – Parti pour la justice et le développement) en 2002.

11Candidate à l’Europe communautaire depuis 1987, la Turquie doit attendre 1999 pour que l’UE lui reconnaisse le statut de pays candidat, et 2005 pour que s’ouvrent officiellement les négociations d’adhésion. Entre-temps, la Turquie a dû adopter plusieurs réformes politiques pour répondre aux exigences de démocratisation posée par l’UE. Celles-ci consistent principalement à diminuer l’influence de l’armée dans les affaires publiques, à garantir les droits des minorités en Turquie ou encore à régler les contentieux internationaux (Chypre, mer Egée avec la Grèce). Concernant la question du génocide, malgré la résolution de 1987 du Parlement européen qui réclamait que la reconnaissance du génocide arménien soit impliquée dans les accords organisant les relations de la Turquie avec la Communauté [19], les conditions posées par l’Europe pour ouvrir les négociations d’adhésion n’ont pas intégré cette reconnaissance. Elles s’en sont tenues aux principes démocratiques contenus dans les critères dits « de Copenhague ». Si les premières réformes ont été adoptées à partir de 1999, c’est surtout avec l’arrivée au pouvoir en 2002 du parti islamo-conservateur de l’AKP que les progrès démocratiques les plus importants sont réalisés.

12Profitant ainsi de la conjoncture favorable créée par la candidature à l’UE, plusieurs associations ou intellectuels vont prendre des initiatives pour évoquer la question arménienne. Les associations arméniennes de Turquie, sans évoquer la reconnaissance du génocide, vont progressivement prendre la parole pour réclamer davantage de droits et de liberté. « Elles disposent de plusieurs maisons d’édition, comme l’éditeur Aras, installé en 1993. En 1996 est fondé l’hebdomadaire bilingue (arménien-turc) Agos[20] ». Son fondateur et rédacteur en chef, Hrant Dink, est une personnalité charismatique qui, à travers ses prises de position, sa volonté de faire entendre la voix de la communauté arménienne, son souhait d’établir un dialogue entre Arméniens et Turcs, conduit à poser publiquement la question de la nature des événements de 1915 et à amener l’opinion publique à s’emparer de cette question sensible [21]. Assassiné par un jeune nationaliste devant les bureaux d’Agos le 19 janvier 2007, ses funérailles à Istanbul ont constitué un événement particulièrement fort. Près de 200 000 personnes défilèrent avec des pancartes sur lesquelles étaient inscrits des slogans tels que « nous sommes tous des Hrant Dink », « nous sommes tous des Arméniens ». On peut avancer l’hypothèse que cette forte mobilisation à la lourde charge émotionnelle a participé à lever le tabou sur la question arménienne.

13Il faut préciser que depuis les années 2000, cette question est de plus en plus soulevée à travers des publications scientifiques et littéraires, des conférences, des expositions et des mobilisations de la société civile turque. Ces initiatives diverses abordant la question arménienne par le biais du débat sur les minorités en Turquie et des massacres de 1915 aboutissent à des poursuites judiciaires au titre « d’insulte à la nation turque », à des débats virulents dans la presse et à des contre-mobilisations de la part des mouvements nationalistes. On peut mentionner, entre autres, la publication des travaux de l’historien turc, enseignant et résidant aux États-Unis, Taner Akçam (voir note 13), le « Rapport sur les droits des minorités en Turquie » réalisé par l’universitaire Ba?kin Oran, les déclarations du prix Nobel de littérature Oran Pamuk en 2005 qui évoque le million d’Arméniens et les 30 000 Kurdes tués en Turquie ou bien encore le livre de l’avocate des droits de l’homme Fethiye Cetin Anneannem (Ma grand-mère), publié en 2004, et dans lequel elle raconte comment elle a découvert les origines arméniennes de sa grand-mère, séparée de ses parents lors des déportations 1915 puis adoptée par une famille turque. Ce livre, qui bat des records de vente, suscite la révélation de plusieurs cas similaires évoqués dans les journaux ou à travers des romans [22].

14En 2005, un groupe d’intellectuels turcs (parmi lesquels Hrant Dink, Ferhat Kentel, Ahmet Insel, Taner Akçam) programme une conférence-débat sur le sort des Arméniens ottomans. Les pressions politiques et juridiques ont amené à repousser à plusieurs reprises ce colloque qui s’est finalement déroulé à l’université de Bilgi en septembre 2005 [23]. La conférence a largement été « interprétée par la presse turque comme un évènement marquant la fin de l’ère des débats étouffés [24] ». Le lendemain, le quotidien Milliyet titre : « Un autre tabou est brisé. » Pour sa part le journal Radikal annonce en première page avec un brin d’ironie : « Le mot “‘génocide”’ est prononcé lors de la conférence ; le monde n’a pas cessé de tourner et la Turquie est toujours à sa place. » Les années qui suivent confirment cette ouverture malgré les procès, les menaces des mouvements et partis nationalistes. L’assassinat de Hrant Dink en 2007 constitue ainsi un moment crucial et dramatique de cette question arménienne. À l’acte insensé d’un jeune nationaliste a répondu, on l’a déjà dit, un important mouvement d’expression de fraternité dont on peut ressentir jusqu’à aujourd’hui les effets à travers la presse, les mobilisations sociales et les évocations nombreuses de la personnalité de Dink [25]. C’est dans ce contexte passionnel qu’une année plus tard, le président arménien Sarkissian a proposé au président turc Gül d’assister au match aller des éliminatoires de la Coupe du monde 2010 entre l’Arménie et la Turquie. Avant d’analyser le déroulement de cet épisode sportif et diplomatique, il convient de revenir brièvement sur les relations entre ces deux pays.

c – Vers un dégel des relations diplomatiques entre la Turquie et l’Arménie ?

15En 1991, suite à l’effondrement de l’Union soviétique, l’Arménie devient un État indépendant. Si, dans un premier temps, la Turquie a reconnu l’Arménie, elle a pourtant refusé d’établir des relations diplomatiques avec celle-ci [26]. En 1993, Ankara décidait même unilatéralement la fermeture de sa frontière avec l’Arménie pour protester contre la reconnaissance du génocide arménien et par solidarité avec l’Azerbaïdjan en guerre contre l’Arménie (le Haut-Karabakh et 20 % du territoire Azéri ont été – et sont encore – occupés par l’armée arménienne). Cette situation a entraîné de facto un blocus économique de l’Arménie [27]. Depuis, en l’absence de relations officielles, de nombreux contacts informels ont eu lieu entre la Turquie et l’Arménie [28], notamment lors des réunions du groupe de Minsk [29]. Mais les tensions ont perduré, puisque l’Arménie encourage la reconnaissance du génocide arménien sur la scène internationale et occupe encore le Haut-Karabakh.

16En 2008, les relations turco-arméniennes entrent dans une phase inédite de dégel. Selon Vicken Cheterian, quatre éléments nouveaux ont contribué à cette reprise du dialogue [30]. Tout d’abord le gouvernement turc de l’AKP a lancé en août 2008 sa « plate-forme de stabilité et de coopération du Caucase » instrument de sa nouvelle orientation de politique étrangère sur ses frontières orientales. Ankara recherchait « un rôle de pacificateur et des possibilités d’étendre son influence à l’Est et au Sud. Une telle politique était en porte-à-faux avec les 16 ans de blocus de l’Arménie et le refus d’établir des relations diplomatiques. Le deuxième facteur est le fait que Barack Obama, durant sa campagne, s’était engagé à reconnaître le génocide arménien. La pression de la nouvelle administration sur Ankara était réelle et ne cessera d’augmenter en vue d’une normalisation des relations avec l’Arménie… [31] ». Troisième facteur – la guerre russo-géorgienne d’août 2008 – modifie la stratégie russe, Moscou se montrant plus favorable au rapprochement turco-arménien afin de corriger une image de fauteur de trouble dans la région. Enfin, le nouveau président arménien Serge Sarkissian, élu dans la confusion en février 2008 [32], annonce qu’il souhaite engager de nouvelles relations avec la Turquie pour désenclaver l’Arménie. Au début de l’été, il invite alors le président turc Abdulah Gül à se rendre à Erevan pour assister le 6 septembre 2008 au match Arménie-Turquie comptant pour les éliminatoires de la coupe du monde de football 2010. Si l’événement sportif ne crée pas de relations ex nihilo, en ce sens que les contacts discrets entre hauts fonctionnaires des deux ministères des Affaires étrangères ont eu lieu à plusieurs reprises en mai et en juillet 2008 (mais aussi depuis plusieurs années) [33], le sport se présente en revanche comme une opportunité pour leur donner une publicité nouvelle sans que soient pour autant rétablies les relations diplomatiques. En l’absence du prétexte de ces deux rencontres sportives, on peut se demander si une reprise officielle du dialogue au plus haut niveau entre ces deux États aurait été possible.

17La mise en perspective d’une histoire complexe de la question arménienne en Turquie permet ainsi de mieux saisir les avancées vers la levée du tabou arménien auquel le match et son contexte ont participé à travers une forte médiatisation et des débats passionnés.

II – Les matchs Arménie-Turquie, vers une réconciliation entre Turcs et Arméniens ?

a – Une rencontre symbolique très médiatisée

18Les usages politiques du sport par les hommes politiques sont nombreux dans la mesure où ceux-ci trouvent dans la formidable médiatisation des événements sportifs l’occasion de promouvoir sur les scènes nationales et internationales une cause, une posture, une stature. Si le sport peut « créer des percées diplomatiques inattendues [34] », c’est notamment en mettant en scène par médias interposés, les formes d’un dialogue qui sort de l’ombre des négociations diplomatiques plus discrètes [35]. Les deux rencontres de 2008 et 2009 en sont une bonne illustration et la décision des deux chefs d’État d’assister aux deux rencontres revient à se positionner au cœur de l’espace public et à permettre l’ouverture des débats sur les contentieux.

19L’invitation du président Sarkissian faite au président Gül va ainsi attirer et attiser les feux médiatiques. Dans un premier temps, le président turc réserve sa réponse en précisant qu’il étudiait avec bienveillance cette invitation. Cette question du déplacement de Gül en Arménie a constitué le feuilleton de l’été dans la presse nationale turque. Journalistes, intellectuels, universitaires, membres d’ONG et d’associations, responsables politiques, ont tous activement participé au débat dans des formes parfois très passionnelles. Une grande majorité des opinions exprimées dans les journaux presse Gül d’accepter l’invitation de Sarkissian en évoquant un voyage qui deviendrait historique. Mais des voix s’expriment fermement contre une telle éventualité, notamment dans les rangs de l’opposition politique à l’AKP. Pour Derya Baykal, chef du Cumhurriyet halk partisi (CHP – Parti républicain du peuple, principal parti d’opposition), ce voyage serait une grave erreur, car il menacerait les relations de la Turquie avec l’Azerbaïdjan, partenaire essentiel dans la région, alors que de son côté l’Arménie ne remplit aucune des conditions requises pour que la Turquie s’engage dans une normalisation des liens, notamment l’abandon des pressions internationales pour la reconnaissance du « prétendu génocide [36] ». Le leader du parti nationaliste Milliyetçi hareket partisi (MHP – Parti d’action nationaliste) partage cet avis et considère que ce voyage serait une erreur historique [37]. Dans la presse écrite, seul le très kémaliste Cumhurriyet estime que ce n’est pas le moment opportun pour une telle visite. Les éditorialistes des autres quotidiens comme Sabah, Ak?am, Zaman, Hürriyet, Radikal, Turkish daily News, Vatan, Star, Yeni ?afak soutiennent ce déplacement qui peut servir la cause de la paix dans la région et donner une image favorable de la Turquie sur la scène internationale.

20Quelques éditorialistes vont beaucoup plus loin et souhaitent que ce voyage ouvre la voie à une normalisation avec l’Arménie. Ils invitent même le président Gül à se rendre et à s’incliner devant le monument du génocide à Erevan [38]. Tout en restant relativement discrète, la communauté arménienne de Turquie soutient ce déplacement qui reçoit également l’appui du patriarche arménien d’Istanbul [39]. Notons que le parti pro-kurde du Demokratik toplum partisi (DTP – Parti de la société démocratique) soutient lui aussi ce voyage, sa vice-présidente estimant que si le football ne peut résoudre les problèmes entre les deux pays, la visite de Gül peut aider à relancer le dialogue [40]. Enfin de nombreuses associations et organisations non gouvernementales se sont également exprimées sur ce déplacement, mais il est difficile d’en rendre compte de façon exhaustive. Soulignons simplement que le Turkish-Armenian Business Developpment Council qui rassemble des hommes d’affaires turcs et arméniens soutient fortement ce déplacement en espérant l’ouverture de la frontière turco-arménienne [41].

21En Arménie, on est d’ailleurs dans l’attente de la décision de Gül. Le parti de Sarkissian soutient sans surprise l’initiative de son leader, mais également le parti d’opposition (Congrès national arménien). Le mouvement politique le plus hostile à la visite du président Gül est le parti social-nationaliste du Tashnagtsutyun (Fédération arménienne révolutionnaire), membre de la coalition gouvernementale qui a prévenu qu’il organiserait des manifestations pacifiques si Gül acceptait l’invitation de Sarkissian [42]. Mais c’est certainement en Azerbaïdjan que les tensions sont les plus fortes même si le ministère des Affaires étrangères azéri fait savoir qu’il n’est pas concerné par les discussions secrètes entre la Turquie et l’Arménie : « Ce qui est important pour nous, ce sont les déclarations officielles. M. Babacan [ministre des Affaires étrangères turc] a dit que la politique de la Turquie n’avait pas changé et nous espérons que les prochaines avancées réalisées par la Turquie se feront dans le respect de cette politique [43]. » Des intellectuels et universitaires azéris ont exprimé dans la presse turque des positions claires contre le voyage de Gül à Erevan [44]. L’Azerbaïdjan exerce une pression indirecte sur la Turquie en évoquant la possibilité de vendre son pétrole à la Russie, ce qui ne manquerait pas de fragiliser l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan [45]. Le gouvernement turc va d’ailleurs s’employer à rassurer son partenaire azéri en affirmant que cette visite ne remettra pas en cause la loyauté de la Turquie vis-à-vis de l’Azerbaïdjan, qui devrait même en retirer des bénéfices [46]. Un déplacement de Gül en Azerbaïdjan est prévu avant la fin septembre [47].

22Enfin, les États-Unis et l’UE soutiennent fermement cette visite et la reprise du dialogue qui pourrait suivre entre la Turquie et l’Arménie dans le contexte de crise dans le Caucase suite à l’intervention russe en Géorgie [48]. M. Olli Rehn, commissaire en charge de l’élargissement, a chaleureusement salué cette initiative en ajoutant avec humour que si la Turquie jouait à Erevan comme elle l’avait fait lors de l’Euro 2008, « elle provoquerait un nouvel incident diplomatique [49] ».

23Alors qu’il n’a toujours pas donné officiellement sa réponse, le Premier ministre turc Erdo?an fait savoir le 1er septembre que Gül se rendrait à Erevan [50]. Pour le leader de l’AKP [51] qui précise sa pensée après que Gül a accepté de se rendre à Erevan, cette visite « va améliorer l’image de la Turquie sur la scène internationale », alors qu’un refus aurait donné des arguments aux adversaires de la Turquie qui auraient critiqué son refus de rétablir des liens avec l’Arménie [52]. Le 3 septembre, le président Gül annonce officiellement qu’il se rendra à Erevan.

24Toutes ces prises de position largement exposées et commentées dans les médias replacent les enjeux du déplacement de Gül autour de la question arménienne et participent de ce fait à la dynamique bousculant le tabou arménien.

b – Un dégel annoncé

25Au-delà du match, la visite médiatisée de Gül a permis une reprise officielle et publicisée des relations entre les deux pays qui n’ont cessé de multiplier avant, pendant et après le match, des gestes de bonne volonté. Mais outre l’activité diplomatique (officielle ou officieuse), ce sont également les initiatives et les prises de position civiles qui témoignent des efforts de rapprochement.

26Ainsi, l’avant-match s’insère dans un espace et une chronologie de la mise en scène diplomatique. Déjà au cours de l’été, plusieurs décisions de part et d’autre ont révélé le souci de faire la démonstration d’une disposition bienveillante. Ainsi, le 26 juillet 2008, le président de la Société historique turque (TTK) Yusuf Halaço?lu, réputé pour ses dénégations fermes du génocide arménien a été démis de ses fonctions par décision politique [53]. Le 16 août, l’Arménie suspendait sa politique de visa pour les supporters turcs souhaitant se rendre au match. Le 20 août, Ankara décidait d’assouplir son régime d’autorisation de transport aérien vers l’Arménie pour permettre notamment l’acheminement via Erevan de l’aide humanitaire vers les populations civiles en Géorgie. Le 4 septembre, la Fédération arménienne de football changeait son emblème en faisant disparaître la silhouette du mont Ararat, situé en Turquie, mais pourtant retenu dans la constitution arménienne comme un symbole de l’Arménie [54]. On peut d’ailleurs noter que les autorités politiques se sont chaque fois appliquées à préciser que ces décisions ne devaient pas être interprétées comme des gestes politiques susceptibles d’être dénoncés dans chacun des pays par les adversaires du rapprochement comme autant de concessions inacceptables.

27Les dirigeants sportifs, joueurs et entraîneurs se sont pour leur part soigneusement cantonnés dans une posture classique de neutralité [55], réduisant la rencontre à un simple enjeu sportif. Pour l’entraîneur turc Fatih Terim, pourtant notoirement proche de la mouvance nationaliste [56], « c’est vrai que nos adversaires vont se préparer pour ce match avec une motivation spéciale. Pour nous, c’est juste un match de football… Tu ne peux pas te préparer pour un match en pensant à l’histoire ou au problème historique. Nous ne pouvons pas porter le fardeau de l’histoire sur nos épaules. Si on fait ça, on sera trop lents… Bien sûr, on lit les journaux et on se demande ce qui va se passer, mais on garde à l’esprit que notre job, c’est juste le football [57] ». Quant aux joueurs arméniens, tout en se réjouissant de la visite des Gül, ils affirmaient ne s’intéresser qu’au sport et pas à la politique [58]. Le président de la Fédération arménienne de football, quelques jours avant le match retour en Turquie en 2009, a pour sa part récusé l’usage de la formule « diplomatie sportive », considérant que l’opinion publique mondiale en avait trop fait sur ce thème lors du premier match et n’avait pas cessé depuis : « Je ne veux pas que ma fédération ou mes joueurs soient considérés comme des acteurs politiques. La politique ne nous intéresse absolument pas [59]. »

28Les jours précédant le match sont consacrés à l’organisation minutieuse du déplacement du président turc, notamment sur les questions de sécurité et de protocole [60]. Malgré les inquiétudes, la journée du 6 septembre s’est parfaitement bien déroulée, les deux principaux protagonistes et les éditorialistes célébrant un moment historique pour les deux pays. Certes, sur le trajet menant au stade, les partisans du parti social-nationaliste du Tashnagtsutyun (Fédération arménienne révolutionnaire) ont manifesté en déployant des banderoles évoquant le génocide arménien ou encore leurs origines anatoliennes, mais selon les propos d’un dirigeant de ce parti, « si on n’avait pas fait un peu de grabuge, alors nous aurions dû fermer le parti [61] ». Si des sifflets se sont fait entendre pendant l’hymne turc, journalistes et officiels turcs les ont minimisés en rappelant que les supporters turcs faisaient la même chose.

29À part les journalistes et les officiels, très peu de Turcs se sont rendus en Arménie pour assister au match. Il faut signaler néanmoins le déplacement d’un groupe de onze militants de l’association Genç siviller (Jeunes civils). Ils ont pris contact avec des associations de jeunes Arméniens et ont pris la décision pendant l’été d’effectuer ce voyage comme un symbole de rapprochement entre les deux pays. Pendant leur séjour de trois jours, ils ont visité le monument au génocide, participé à une émission de radio, accordé des entretiens. Durant le match, ils ont déployé une banderole avec le slogan en turc, arménien et anglais « Time for borderless brotherhood [62] ».

30Tous les Turcs présents à Erevan ont décrit dans la presse turque, avec une certaine émotion, les gestes de fraternité et l’accueil chaleureux des Arméniens. Mais, plus que tout, c’est le souvenir de Hrant Dink qui avait tant œuvré au rapprochement avec l’Arménie que les observateurs turcs évoquent. Tel éditorialiste a intitulé son article « Le rêve de Hrant » et Ali Bayramo?lu, journaliste à Yeni ?afak a déclaré : « Je suis sûr que Hrant aurait été heureux ce soir [63]. » La propre fille de Hrant Dink qui a également assisté au match a laissé dans le journal Agos un témoignage poignant de ses sentiments contradictoires [64].

c – Le temps du dialogue ?

31Le prétexte du match a ainsi ouvert une zone inédite d’un dialogue en plein jour entre la Turquie et l’Arménie et relancé la question arménienne en Turquie. Du côté diplomatique, la rencontre entre les deux présidents a constitué un geste fort de volonté de réconciliation, faisant presque oublier que les contacts n’avaient jamais été complètement rompus. Des deux côtés, on a soigneusement évité d’évoquer les sujets de discorde, au moins pendant l’entrevue entre les deux chefs d’État qui ont multiplié les signes d’amabilité et de bienveillance réciproque [65]. Le président Gül a suspendu son jeûne du ramadan pour honorer la collation d’avant match offerte par son hôte. À l’issue du match gagné par la Turquie, les médias et les acteurs politiques ne retenaient plus que le symbole de la visite de Gül, le politique éclipsant totalement l’événement sportif. Avant de quitter son homologue, Gül lui proposa alors de venir assister à son tour au match retour en Turquie en 2009.

32Les deux ministres des Affaires étrangères qui se sont longuement rencontrés avant et après le match ont, en revanche, évoqué leurs sujets prioritaires respectifs, poursuivant des échanges entamés sous le sceau de la discrétion. Pour la Turquie, ils sont au nombre de trois : le projet de plate-forme de paix dans le Caucase, la question du Haut-Karabakh et la perspective d’installer une commission mixte d’historiens pour étudier les événements de 1915. Pour l’Arménie, un seul sujet semble à l’ordre du jour : l’ouverture au plus tôt des frontières et le rétablissement des relations diplomatiques. Les Arméniens n’ont pas posé de conditions à l’ouverture des frontières. La reconnaissance du génocide de 1915 par la Turquie reste, certes, une exigence, mais les enjeux du désenclavement du pays semblent plus urgents [66]. L’heure est donc à l’optimisme. Pour le ministre des Affaires étrangères arménien, les deux pays sont les vrais gagnants du match [67] et poursuivront désormais leurs nouvelles relations, notamment à l’occasion de l’assemblée générale des Nations-Unies à New York, fin septembre [68]. L’idée qu’une « ère nouvelle » a débuté semble partagée par tous et notamment par l’opinion publique. Un sondage réalisé en Turquie après le match révélait que 70 % des personnes interrogées considéraient que la visite du président Gül avait été un succès (15 % un échec, 15 % sans opinion). 65,6 % n’ont pas approuvé l’opposition du CHP et du MHP au voyage de Gül (24,9 % approuvent et 9,5 % sans opinion) et 62,8 % considèrent qu’il faudrait rétablir des relations économiques et diplomatiques avec l’Arménie (25,9 % qu’elles doivent rester en l’état et 11,3 % sans opinion) [69].

33Les deux ministres des Affaires étrangères engagent à partir du voyage de Gül d’intenses négociations qui aboutissent d’abord à la signature le 22 avril 2009 d’une « feuille de route » en vue de normaliser leurs relations. Il s’agit du premier document officiel signé par les deux pays depuis 2001 [70]. L’objectif final reste cependant l’adoption d’un protocole pour l’établissement des relations diplomatiques entre la Turquie et l’Arménie. Le contenu de ce protocole est âprement discuté dans les deux pays et les négociateurs peinent à définir un compromis acceptable par les deux parties. Le président Sarkissian, irrité par les lenteurs des discussions, déclare à la fin de juillet 2009 qu’il ne se rendrait au match retour en Turquie qu’à la condition que les engagements déjà pris soient tenus et que la frontière avec la Turquie soit ouverte ou sur le point de l’être [71]. Comme l’avait été la question du déplacement du président turc en Arménie un an auparavant, la présence de Sarkissian au match retour du 14 octobre 2009 entre la Turquie et l’Arménie devient un enjeu pour les deux acteurs dans un contexte différent, puisqu’en 2009 le symbole doit être précédé par un accord diplomatique. On peut même dire ici que le symbole crée de l’obligation diplomatique. Mais les tensions sont fortes dans les deux pays et en Azerbaïdjan. Désormais, c’est le contenu du protocole en cours de négociation qui provoque des lignes de fracture. Finalement le 10 octobre 2009, les deux ministres des Affaires étrangères signent à Zurich le protocole qui prévoit l’ouverture prochaine des frontières (une fois le protocole ratifié par les deux parties) et « la mise en place d’un dialogue sur la portée historique dans le but de rétablir une confiance mutuelle entre les deux nations, incluant un examen scientifique impartial des archives historiques pour définir les problèmes existants et formuler des recommandations [72] ». Le 14 octobre 2009, Sarkissian assiste au match retour entre la Turquie et l’Arménie aux côtés de Gül qui, à l’issue de la rencontre déclare : « La Turquie et l’Arménie n’écrivent pas l’histoire, elles la font [73] ».

34D’autres projets de coopération ont également été évoqués après les deux matchs. L’organisme public de la télévision turque a annoncé la signature d’un accord avec la télévision arménienne pour faire circuler des programmes sur l’Arménie et la Turquie, voire, à terme, pour développer un volet commercial visant la coproduction des programmes [74]. La ministre arménienne de la Culture a pour sa part souhaité engager une coopération culturelle avec la Turquie, notamment à propos de la restauration de monuments arméniens en Turquie. Son homologue turc a répondu favorablement à ces propositions, particulièrement sur les projets de restaurations des sites d’Ani et de l’église d’Akdémar située sur l’île du lac de Van [75]. Cet élan de coopération touche aussi d’autres domaines comme celui des relations commerciales [76]. Si ces deux matchs et leurs à-côtés ont suscité tant d’espoirs, quelques mois après, les signes tangibles semblent davantage perceptibles dans les affaires intérieures turques que dans les relations turco-arméniennes.

III – Un événement sportif à l’impact variable

35Les deux matchs de 2008 et 2009 et les déplacements des deux présidents ont ouvert une voie inédite au dialogue entre les deux pays et ont renforcé le processus d’ouverture sur la question arménienne en Turquie. Mais les effets de cette dynamique ont des portées diverses tant ils se heurtent aux forces de résistances internes aux sociétés ou aux logiques des relations internationales. Si la « diplomatie sportive » va se heurter au nationalisme sportif et à la realpolitik des relations internationales, en revanche le tabou arménien en Turquie semble bien levé nonobstant les pressions nationalistes.

a – La diplomatie sportive au risque du chauvinisme

36La passion footbalistique en Turquie a donné lieu dans le passé à des débordements chauvinistes et à l’expression d’un nationalisme exalté. Sans revenir sur les divers exemples récents (les deux matchs entre la Turquie et la Suisse en novembre 2005, entre la Géorgie et la Turquie en février 2007), les supporters, parfois aussi les joueurs et l’entraîneur, ont donné une image d’un supportérisme agressif et violent. Les rencontres entre équipes turques et celle d’un autre État européen sont l’occasion d’impressionnantes démonstrations nationalistes qui prennent une dimension particulière lorsqu’il s’agit d’une équipe d’un pays autrefois sous domination ottomane [77]. Lors d’un match de football en coupe d’UEFA en 2002 entre le club turc de Fenerbahçe et le club grec de Panathinaikos, des banderoles turques prévenaient : « Grec, entends-tu les pas des soldats de Mehmet le Conquérant ? [78] » Ces slogans belliqueux et les comportements violents de certains supporters viennent alors renforcer les représentations déjà négatives des Européens vis-à-vis des Turcs perçus comme violents et extrémistes. Les responsables sportifs et politiques conscients de l’image négative laissée par ces comportements s’efforcent de neutraliser ces passions « footbalistiques [79] ».

37Pour prévenir le risque de débordement des supporters turcs, le match retour du 14 octobre 2009 entre la Turquie et l’Arménie a donc été l’objet d’une préparation minutieuse. Originellement prévu à Istanbul, puis à Kayseri, le match a finalement été organisé dans la ville de Bursa, officiellement parce qu’il y vivait à l’époque ottomane une importante communauté arménienne. La raison la plus vraisemblable est qu’il était plus facile pour les autorités de veiller au bon déroulement de la rencontre dans un stade de 17 000 places que dans un stade de 80 000 places. Certes, il n’y a pas eu de débordement, mais il importe de préciser que le gouvernement, les autorités locales et la Fédération turque de football avaient pris de strictes mesures de sécurité. Les 17 000 places n’ont pas été vendues, mais furent réparties selon un schéma planifié : à l’exception des 5 000 places qui ont été attribuées aux supporters du club local, tous les billets ont été distribué par les autorités locales, notamment à des soldats et des élèves policiers. Avant le coup d’envoi, des centaines de supporters turcs ont tenté en vain de se procurer des billets aux alentours du stade, dont les portes ont fermé une demi-heure avant le début du match. De même, la sécurité aux abords et dans le stade était assurée par près de 3 000 policiers en tenue ou en civil. L’entrée dans le stade se faisait après quatre contrôles de sécurité. Drapeaux et banderoles hostiles avaient été interdits, mais quelques drapeaux azéris ont néanmoins échappé au contrôle et ont donné lieu, dans les jours suivants, à une polémique, liée à la sanction d’un officier de police qui avait agité durant le match un drapeau de l’Azerbaïdjan (les journaux et partis nationalistes ont apporté leur soutien au policier sanctionné). Le déploiement d’un drapeau arménien et des chants arméniens entamés en salle de presse par des journalistes arméniens ont également provoqué des tensions avec des journalistes azéris, au point que les premiers ont été invités à rejoindre l’espace réservé aux supporters arméniens. Mais il n’y a pas eu davantage de débordements. Certes, l’hymne arménien a été sifflé, mais par ailleurs le club de supporters de Bursa avait fait des efforts pour donner l’image d’un accueil chaleureux aux joueurs arméniens : avant le match dix colombes blanches avaient été lâchées au-dessus du stade. Les militants de l’association des Genç Siviller qui avaient décidé d’assister à ce match retour sont parvenus pour leur part à introduire une banderole avec l’inscription en trois langues (turc, arménien et anglais) « Bienvenue dans le pays de Hrant Dink [80] ».

38Enfin, si le match s’est très bien déroulé sur le terrain comme sur les abords, un journaliste s’interrogeait néanmoins sur ce qu’auraient pu être les réactions des supporters turcs si la rencontre avait été portée par un enjeu sportif et que l’Arménie l’avait gagnée [81]. La portée symbolique de l’événement sportif a donc conduit les autorités politiques à tenter de réduire le risque d’une manifestation nationaliste des supporters. On peut se demander si, ce faisant, elles n’ont pas vidé le stade de sa fonction d’espace rare « où l’on tolère, dans des limites bien définies, le débridement des émotions collectives [82] ». Du côté des fédérations sportives internationales, si cet épisode a manifestement permis de renforcer la croyance dans les vertus du sport en tant que vecteur de paix entre les peuples, le souvenir d’échecs antérieurs a conduit l’UEFA, pour la prochaine édition de l’Euro 2012, à ne pas mettre dans le même groupe l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ni la Russie et la Géorgie [83].

b – Fin de partie

39Si la signature du protocole visant à établir des relations diplomatiques et l’ouverture de la frontière entre la Turquie et l’Arménie a ouvert la voie à un dialogue nouveau, les forces de la realpolitik vont rapidement en affecter sa mise en application. Transmis aux parlements turcs et arméniens, il fut fortement débattu et finalement non ratifié. Le 22 avril 2010, la coalition au pouvoir en Arménie a annoncé le gel du processus de ratification en faisant valoir que « la partie turque refusait de ratifier les protocoles sans poser de conditions préalables et dans un délai raisonnable ». En effet, le 12 avril 2010, en marge du sommet sur la sécurité nucléaire à Washington, le Premier ministre turc Erdo?an a eu un entretien avec le président Sarkissian au cours duquel il a insisté sur la nécessité de faire avancer la résolution du conflit du Haut-Karabakh avant de ratifier le protocole. Pour le président arménien, ce préalable trahissant les engagements du protocole étant inacceptable, il a été décidé de geler le processus de ratification [84]. Les relations entre la Turquie et l’Azerbaïdjan apparaissent bien au cœur du processus de normalisation des relations entre la Turquie et l’Arménie. Au nom des liens culturels, mais surtout en raison de l’enjeu énergétique, la Turquie ne peut pas se permettre de s’aliéner un partenaire essentiel dans le Caucase. Ébranlé par le rapprochement réalisé entre la Turquie et l’Arménie, le président azéri Alyev a su faire pression sur ses amis turcs pour amener Ankara à faire de la résolution du Haut-Karabakh une condition sine qua non de la ratificication du protocole turco-arménien [85].

40Mais pour les deux présidents, la mise en scène de leurs retrouvailles obéissait à des intérêts respectifs et communs. Pour l’Arménie, la question de l’ouverture des frontières reste primordiale. Pour la Turquie, donner l’image d’un pays pacifique et soucieux d’entretenir « zéro problème » avec ses voisins est un gage de respectabilité. D’ailleurs, plusieurs observateurs très lucides, tout en se réjouissant des signes du dégel et des déplacements des deux dirigeants exprimèrent un fort scepticisme sur les chances que ces retrouvailles puissent aller au-delà du geste symbolique. Non par cynisme ou par calcul politique, mais parce que la sortie de crise s’inscrit dans une configuration d’acteurs plus vaste au sein de laquelle se trouve l’Azerbaïdjan et la question de la résolution du problème du Haut-Karabakh.

c – Un tabou est levé

41Les matchs de football Turquie-Arménie et les déplacements des chefs d’État ont constitué un pas de plus vers la levée du tabou arménien. Plusieurs autres événements ont participé à cette dynamique.

42Ainsi, trois mois après le match de 2008 (le 15 décembre), quatre intellectuels turcs de renom ont lancé une campagne de signature sur internet pour demander pardon aux Arméniens [86]. Elle a recueilli plus de 30 000 signatures. L’idée d’une telle pétition a mûri pendant l’été 2008 alors que les discussions dans la presse sur l’opportunité de la visite de Gül étaient particulièrement fortes. Cette initiative a passablement déplu aux représentants du pouvoir qui l’ont perçue comme capable d’entraver un processus diplomatique en cours [87].

43En 2009 paraissait le livre de Michel Marian et Ahmet Insel (également l’un des initiateurs de la pétition) Dialogue sur le tabou arménien qui a été traduit en turc l’année suivante [88]. En conclusion de cet ouvrage, Ahmet Insel met l’accent sur l’importance des sentiments : « Jusqu’ici [les] gestes diplomatiques ont manqué de mots, ils ont été embarrassés et opaques, comme si seul l’intérêt pouvait en démontrer le bien-fondé. Or, dans cette affaire, on a absolument besoin de mots parce que ce sont aussi et surtout des sentiments, des mémoires et des émotions qui sont en jeu, et qu’il faut trouver les mots pour les exprimer et peut-être les faire évoluer. C’est ici que les sociétés civiles sont indispensables, et que l’engagement des individus est nécessaire, pour donner du sens aux initiatives diplomatiques, pour maintenir le fil entre les communautés s’il venait à se rompre entre les États [89]. » Cette analyse s’applique parfaitement à la succession d’événements qui marquent la prise en compte de la question arménienne en Turquie. Les différentes publications et conférences, l’attitude courageuse de Hrant Dink, son assassinat et le mouvement de solidarité qui s’en est suivi [90], les deux matchs de football et leurs à-côtés, ou encore les prises de paroles publiques d’intellectuels ont été autant d’événements qui participent à lever le tabou arménien.

44Le 24 avril 2010, pour la première fois, a été organisée à Istanbul une cérémonie de commémoration du génocide, suivie d’une seconde édition, un an plus tard. Même si ces manifestations n’ont pas valeur de reconnaissance, elles témoignent que quelque chose a bien changé en une décennie en Turquie. En octobre 2000, l’historien turc, Halil Berktay, professeur à l’université de Sabanci, qui avait été un des premiers académiciens turcs à évoquer dans un entretien accordé à un journal turc la responsabilité du gouvernement ottoman dans les massacres de 1915 [91], fut l’objet d’attaques féroces par la presse nationaliste. En 2009, il évoque au contraire les changements majeurs qui ont affecté son pays : « Le nationalisme extrême (ulusalcilik) n’est plus à son apogée. Un coup d’État est avorté. Yusuf Halaço?lu est parti [de la présidence de la Société turque d’histoire], ce qui est très important. Les investigations d’Ergenekon[92], la position des États-Unis et celle de l’UE vis-à-vis de la Turquie ont également un impact évident sur la situation actuelle. Puis, le meurtre et les funérailles de Hrant Dink… Aujourd’hui, nous avons une Turquie totalement différente. J’écris des articles dans le quotidien Taraf sur le génocide. Pas un seul bruit… Le peuple n’est pas traumatisé ou terrorisé devant ce débat sobre. Le pays est doucement engagé sur la voie d’une normalisation profonde [93]. » Pour Rober Kopta?, nouveau rédacteur en chef du journal Agos, « tous ces événements ont eu une grande audience qui dépasse la mobilisation des intellectuels pour toucher et amener la population à se poser des questions sur le passé de la Turquie, à connaître et affronter son histoire, pas seulement celle des Arméniens, mais de l’histoire turque dans son ensemble [94] ».

45Si les matchs de 2008 et 2009 ont constitué un tel événement politico-sportif, c’est bien parce qu’ils s’inscrivaient et participaient à un mouvement de fond des relations turco-arméniennes. L’événement sociétal qu’ils révèlent et dont ils sont une manifestation est la levée du tabou arménien en Turquie. Certes, malgré les spectaculaires premiers voyages officiels des deux chefs d’État et en dépit des engagements, les frontières n’ont toujours pas été ouvertes. Dans la même veine, l’État turc n’a pas reconnu le génocide arménien, et rien ne permet de penser qu’il le fera prochainement [95]. Mais une période nouvelle s’est ouverte dans la décennie 2000 avec son lot de drames et d’espoirs. Dans cette dynamique, les matchs de foot occupent une place particulière, car ils donnent l’occasion de libérer une émotion collective et populaire. Alors que les larmes versées lors des funérailles de Hrant Dink traduisaient une douleur, celles qui ont coulé lors des deux rencontres étaient empreintes d’espoir que les vicissitudes de la vie politique n’ont pas remis en cause depuis.


Mots-clés éditeurs : Arménie, relations internationals, Turquie, sport

Date de mise en ligne : 02/07/2013.

https://doi.org/10.3917/rsss.006.0151

Notes

  • [*]
    Institut d’études politiques de Rennes, Centre de recherche sur l’action politique en Europe (UMR 6051), en détachement à l’université Galatasaray et chercheur associé à l’Institut français d’études anatoliennes.
    Cet article est la version remaniée et augmentée du texte d’une communication présentée au colloque « Le sport transformé en événement : usages politiques et pouvoir symbolique » organisé à Strasbourg les 14 et 15 janvier 2010 par l’équipe de recherche « Sport et sciences sociales » (EA 1342). Ce colloque a également donné lieu à publication d’un ouvrage collectif : Gounot André, Jallat Dominique, Koebel Michel (dir.). 2012. Les usages politiques du football, Paris, L’Harmattan, collection « Logiques sociales ».
  • [1]
    En 1993, le président Levon Ter-Petrossian avait assisté aux funérailles du président turc Turgut Özal et en 1999, le président Robert Kotcharian avait participé, à Istanbul, au sommet multilatéral de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
  • [2]
    Cf. Polo Jean-François. 2005. « Avrupa Fatihi. Les enjeux européens du sport en Turquie », in Guionnet Christine, Arnaud Lionel (dir.), Les frontières du politique, Rennes, PUR et Polo Jean-François. 2011. « Istanbul’s Olympic Challenge : A Passport for Europe ? », in Hayes Graeme, Karamichas John (dir.), Olympic Games, Mega-events and Civil Societies : Globalisation, Environment and Resistance, Palgrave.
  • [3]
    Pour une réflexion sur la prise en compte de l’émotion dans les mobilisations, voir notamment l’introduction de Traini Christophe et Simeant Johanna. 2009. « Pourquoi et comment mobiliser à la cause », in Traini Christophe (dir.), Émotions… Mobilisation !, Paris, Presses de Sciences Po, p. 11-34.
  • [4]
    Brochure de présentation du colloque « Le sport transformé en événement », 14 et 15 janvier 2010, MISHA, Strasbourg.
  • [5]
    Nora Pierre. 1974. « Le retour de l’événement », in Le Goff Jacques, Nora Pierre (dir.), Faire de l’histoire, vol. I : Nouveaux problèmes, Paris, Gallimard, p. 210-229.
  • [6]
    Bensa Alban, Fassin Éric. 2002. « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain [en ligne], 38, p. 4. Mis en ligne le 06 mars 2007. URL : http://terrain.revues.org/1888
  • [7]
    On peut considérer que pour l’État turc la question arménienne présente trois dimensions qui sont évidemment liées entre elles mais qui renvoient à des registres de légitimation différents : les allégations de génocide qu’il faut réfuter sur le plan international et national ; la présence d’une minorité arménienne en Turquie qui revendique une reconnaissance et des droits (au-delà du cas des citoyens turcs arméniens, la question des minorités en Turquie reste très sensible et constitue un des dossiers les plus surveillés et régulièrement critiqués par l’Union européenne dans les négociations d’adhésion) ; les relations, gelées, avec l’État arménien.
  • [8]
    Voir Insel Ahmet, Marian Michel. 2009. Dialogue sur le tabou arménien, Paris, Éditions Liana Levi.
  • [9]
    Bien que l’UE ne fasse pas de la reconnaissance du génocide une condition pour l’adhésion de la Turquie à l’Europe, certains responsables politiques d’États membres en font un principe.
  • [10]
    Polo Jean-François, « La diplomatie sportive turque à l’épreuve de l’histoire : retour sur les matchs de football entre la Turquie et l’Arménie (2008-2009) », in Robene Luc (dir.), Le sport et la guerre, xix-xxe siècles, PUR, 2012, p. 441-454.
  • [11]
    On s’est également appuyé sur la consultation de blogs sur la Turquie et sur l’Arménie.
  • [12]
    Copeaux Étienne. 1997. Espaces et temps de la nation turque. Analyse d’une historiographie nationaliste 1931-1993, Paris, CNRS Éditions, p. 325. À travers l’étude de manuels d’histoire turcs, l’auteur analyse le processus de construction d’un imaginaire national.
  • [13]
    Selon l’historien turc Taner Akçam, une des raisons pour lesquelles l’État turc refuse de reconnaître le génocide perpétré par les Ottomans serait l’implication de certains fondateurs de la République dans ce crime. En outre, les autorités turques redoutent les exigences d’une indemnisation financière, voire territoriale. Akçam, Taner. 2008. Un acte honteux. Le génocide arménien et la question de la responsabilité turque, Paris, Denoël (première version publiée en turc en 1999 et édition en anglais en 2006).
  • [14]
    Mis à part les arrestations et meurtres de 600 notables et intellectuels arméniens à Istanbul le 24 avril 1915 (date retenue comme jour de la commémoration du génocide pour les Arméniens), les communautés arméniennes d’Istanbul et de Smyrne (Izmir) avaient été épargnées pour ne pas provoquer une réaction des observateurs et diplomates occidentaux, nombreux dans ces deux villes. Par ailleurs, un certain nombre de femmes et d’enfants arméniens avaient été enlevés ou cachés par des familles turques ou kurdes, et le plus souvent islamisés. Il reste aujourd’hui environ 60 000 Arméniens en Turquie, essentiellement à Istanbul.
  • [15]
    Évoquant ses souvenirs d’enfant et ses perceptions des Arméniens d’Istanbul, l’universitaire Ahmet Insel évoque même une grande proximité avec les Arméniens qui parlent turc sans accent à la différence des Grecs. Il ajoute : « Dans nos manuels d’histoire aussi, c’est le silence. Pour l’essentiel, on nous enseigne la guerre de libération nationale des années 1920. À la fin des années 1960, la question du génocide arménien n’est pas à l’ordre du jour, on n’en parle donc pas. Il n’y a pas de propos ouvertement haineux vis-à-vis des Arméniens, mais des insinuations selon lesquelles vers la fin de l’Empire ottoman, les minorités religieuses collaboraient avec les puissances impérialistes. Mais sur le Arméniens particulièrement, je ne me rappelle rien. C’est le black out total, on ne parle ni de la déportation ni de quoi que ce soit d’autre. » Voir Insel A., Marian M., op. cit., p. 53.
  • [16]
    Voir Minassian Gaïdz. 2002. Guerre et terrorisme arméniens, 1972-1998, Paris, PUF.
  • [17]
    Pour Laurent Mallet, l’État turc, afin de contrecarrer la mauvaise image internationale de la Turquie, notamment concernant le traitement de ses minorités, a cherché à diffuser à l’étranger comme en Turquie un discours bienveillant à l’égard de la communauté juive de Turquie. Ainsi, les festivités du 500e anniversaire de la découverte de l’Amérique en 1992 se sont transmuées en Turquie en célébration du 500e anniversaire de l’accueil par un Empire ottoman tolérant des Juifs expulsés d’Espagne. Mallet Laurent. 2008. La Turquie, les Turcs et les Juifs. Histoire, représentations, discours et stratégies, Istanbul, Éditions ISIS.
  • [18]
    Voir European Stability Initiative. 2009. La colombe de Noé est de retour. L’Arménie, la Turquie et le débat sur le génocide, Berlin-Istanbul-Erevan, p. 5. http://www.esiweb.org/pdf/esi_document_id_108.pdf
  • [19]
    Résolution sur une solution politique de la question arménienne (18 juin 1987), Journal officiel des Communautés européennes (JOCE), 20.07.1987, n° C 190, p. 119-121.
  • [20]
    Burdy Jean-Paul. 2005. « La Turquie candidate et le génocide des Arméniens : entre négation nationaliste et société civile », Pôle Sud, n° 23, p. 87.
  • [21]
    Kentel Ferhat, 2011. « Turquie. Retour sur les évolutions de la société civile », Grande Europe, La Documentation française, n° 30, p. 25.
  • [22]
    Voir notamment le roman d’Elif ?afak, La Bâtarde d’Istanbul, qui est un succès de librairie en Turquie en 2006, mais qui vaut à son auteur des poursuites judiciaires au titre de l’article 301 du code pénal turc.
  • [23]
    Les actes de ce colloque ont été publiés en avril 2011.
  • [24]
    European Stability Initiative, op. cit., p. 12.
  • [25]
    Le procès en cours du meurtrier de Dink n’a toujours pas permis de découvrir les vrais commanditaires de cet assassinat, ni s’il existe des complicités au niveau de l’appareil d’État. Cf. Le Monde, 21 janvier 2011. Le 15 janvier 2011, le journaliste turc Nedim Sener publie un livre qui apporte des éléments inédits sur les circonstances de la mort de Dink. Cf. Sener Nedim. 2011. K?rm?z? Cuma. Dink’in Kalemini Kim K?rd? ? (Vendredi Rouge : qui a cassé la plume de Dink ?, Istanbul, Do?an Kitap. Lors des auditions de mars 2011, le jeune nationaliste blâmait la presse extrémiste qui l’aurait amené à commettre ce meurtre.
  • [26]
    La déclaration d’indépendance fait référence au génocide de 1915 que la Turquie refuse encore de reconnaître. Sur cet apparent paradoxe, voir Minassian Gaïdz. 2005. Géopolitique de l’Arménie, Ellipses, Paris, 2005, p. 89-90.
  • [27]
    L’Arménie est un pays montagneux enclavé, qui n’entretient plus de relations avec la Turquie et l’Azerbaïdjan, et dont le plus proche voisin géorgien voit ses ports bloqués par la Russie, ce qui renforce sa dépendance à l’égard de Moscou.
  • [28]
    Pour des informations plus précises sur ces rencontres informelles, voir le calendrier réalisé par European Stability Initiative, Armenia-Turkey : The Great Debate, August 2009 : http://www.esiweb.org/pdf/esi_picture_story_-_turkish_armenian_relations_-_august_2009.pdf
  • [29]
    Le groupe de Minsk a été mis en place par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) afin d’encourager la recherche d’une résolution pacifique et négociée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan du conflit les opposant sur le Haut-Karabakh. Il est coprésidé par la Russie, les États-Unis et la France, mais il inclut également l’Arménie, la Turquie et l’Azerbaïdjan. Dans un entretien accordé au quotidien turc Radikal le 28 septembre 2008, le président Sarkissian a reconnu que des progrès avait été fait en juin dans le cadre du groupe de Minsk.
  • [30]
    Cheterian Vicken. 2010. « Histoire, mémoire et relations internationales : la diaspora arménienne et les relations arméno-turques », Relations internationales, n° 141, printemps, p. 25-46.
  • [31]
    Ibidem, p. 39-40.
  • [32]
    Dix personnes ont trouvé la mort lors de manifestations à Erevan dénonçant des fraudes aux élections présidentielles de février 2008.
  • [33]
    Today’s Zaman, « Sarksyan proposes “fresh start” for gradual normalization », 10 juillet 2008.
  • [34]
    Cha Victor. 2009. Beyond the final score : the politics of sport in Asia, Columbia University Press, New York, p. 2.
  • [35]
    Pour une sociologie de la diplomatie, voir Kingston de Leusse Meredith. 1998. Diplomate. Une sociologie des ambassadeurs, Paris, L’Harmattan.
  • [36]
    Il invite le président Gül à se rendre plutôt à Bakou pour assister à ce match contre l’Arménie. Voir Today’s Zaman, 1 September 2008.
  • [37]
    Today’s Zaman, 3 septembre 2008.
  • [38]
    Pour Cengiz Çandar, ce geste ne signifierait nullement la reconnaissance du génocide par la Turquie, mais d’une mémoire tragique appartenant à une histoire commune. Turkish Daily New, Thursday, 4 septembre 2008. Voir aussi l’éditorial de Yavuz Baydar dans Zaman, 5 septembre 2008.
  • [39]
    Today’s Zaman, 5 septembre 2008.
  • [40]
    Today’s Zaman, 3 septembre 2008.
  • [41]
    Today’s Zaman, 6 septembre 2008.
  • [42]
    Turkish Daily News, 3 septembre 2008.
  • [43]
    Today’s Zaman, 23 juillet 2008.
  • [44]
    Cf. Today’s Zaman, 7 août 2008
  • [45]
    Today’s Zaman, 1er septembre 2008.
  • [46]
    Turkish Daily News, 4 septembre 2008.
  • [47]
    Today’s Zaman, 5 septembre 2008.
  • [48]
    Today’s Zaman, 4 septembre 2008.
  • [49]
    Hürriyet Daily News, 6 septembre 2008 et 13 octobre 2008.
  • [50]
    Today’s Zaman, 1er septembre 2008.
  • [51]
    Les relations entre R. Erdo?an et A. Gül sont assez complexes et parfois marquées par une certaine forme de concurrence. R. Erdo?an, maire d’Istanbul entre 1994 et 1998, a fondé l’AKP en 2001 et en devient le leader incontesté. Il mène son parti à la victoire aux législatives de 2002, mais du fait d’une condamnation qui le frappe d’inéligibilité, c’est A. Gül qui est désigné Premier ministre. En 2003, à nouveau éligible, il succède à A. Gül qui reste au gouvernement comme ministre des Affaires étrangères. En juillet 2007, l’AKP gagne à nouveau les élections législatives et R. Erdo?an se maintient comme chef du gouvernement. En août de la même année, après moult péripéties, A. Gül est quant à lui élu président de la République turque. Si R. Erdo?an reste le leader de l’AKP, des prises de positions d’A. Gül ont pu faire naître des tensions entre les deux personnages.
  • [52]
    Today’s Zaman, 6 septembre 2008.
  • [53]
    Même si le ministre des Affaires étrangères turc a déclaré qu’il n’y avait aucun lien entre le dégel des relations avec l’Arménie et cette décision. Today’s Zaman, 26 juillet 2008.
  • [54]
    Selon le président de la fédération arménienne de football, ce changement avait été décidé simplement parce que l’ancien emblème n’était pas très populaire. Today’s Zaman, 4 septembre 2008. Mais en 2009, juste avant le match retour, l’ancien emblème refaisait sa réapparition. Le même président de la fédération arménienne réfutait les allégations selon lesquelles l’administration Sarkissian avait été derrière ce rétablissement : « Nous n’aimions pas notre nouveau logo et nous avons choisi simplement de revenir au modèle ancien ». Hürriyet Daily News, 9 octobre 2009.
  • [55]
    Cf. Defrance Jacques. 2000. « La politique de l’apolitisme. Sur l’autonomisation du champ sportif », Politix, vol. 13, n° 50, p. 13-27.
  • [56]
    Cf. Hürriyet Daily News, 8 septembre 2008.
  • [57]
    Today’s Zaman, 3 septembre 2008. L’entraîneur poursuit en évoquant le match des moins de 21 ans entre l’Arménie et la Turquie qui avait eu lieu un mois avant, et au cours duquel il ne s’était rien passé. On peut mettre en opposition cette décision de ne pas mêler le sport et l’histoire, le sport et la politique avec la polémique qui avait suivi la lecture de la lettre de Guy Môquet par un joueur de l’équipe de France dans les vestiaires quelques minutes avant le début de la demi-finale de la Coupe du monde de rugby en France en 2007.
  • [58]
    Today’s Zaman, 5 septembre 2008.
  • [59]
    Hürriyet Daily News, 9 octobre 2009.
  • [60]
    Gül sera accueilli par le ministre des Affaires étrangères arménien à l’aéroport et conduit au palais présidentiel sur une route hautement sécurisée. Il s’entretiendra pendant une heure avec le président Sarkissian avant de se rendre ensemble au match. Le stade sera entièrement sécurisé et les deux présidents prendront place derrière une glace pare-balles pour prévenir tout risque d’assassinat. Des hauts responsables du ministère des Affaires étrangères turc ont soigneusement préparé le voyage avec leurs homologues et ont affirmé que les mesures de sécurité prises du côté arménien étaient satisfaisantes. Today’s Zaman, 5 septembre 2008.
  • [61]
    Turkish Daily News, 10 septembre 2008.
  • [62]
    Créée en 2006 pour sensibiliser sur la question kurde, cette association a engagé des mobilisations pour soutenir les avancées démocratiques en Turquie. Entretien, Istanbul, 31 mars 2011.
  • [63]
    Hürriyet Daily News, 6 septembre 2008 et Today’s Zaman, 8 septembre 2008.
  • [64]
    « Le voyage en Arménie » par Delal Dink, Agos, le 16 septembre 2008. Agos est le journal publié en turc et arménien que dirigeait Hrant Dink. Une version traduite en français est disponible sur le site : http://turquieeuropeenne.eu/auteur881.html
  • [65]
    Dans l’avion du retour vers Ankara, après le match, Gül révéla que, dans les discussions qu’il avait eues avec Sarkissian, les questions ni du génocide, ni du Haut Karabakh, ni même de l’ouverture de la frontière n’avaient été abordées. Turkish Daily News, 9 septembre 2008.
  • [66]
    Pour Vicken Cheterian, ce choix stratégique du gouvernement arménien est source de fortes tensions avec la diaspora arménienne dont « l’identité politique prend sa source dans le génocide, et s’articule autour de l’engagement pour la reconnaissance internationale du génocide », op. cit., p. 44.
  • [67]
    Today’s Zaman, 8 septembre 2008.
  • [68]
    Turkish Daily News, 9 septembre 2008.
  • [69]
    Today’s Zaman, 9 septembre 2008.
  • [70]
    Pour une lecture plus approfondie des conditions de la « Feuille de route », voir Minassian Gaïdz. 2009. « Le dialogue arméno-turc », Revue internationale et stratégique, mars, n° 75, p. 46-55.
  • [71]
    Turkish Daily News, 29 juillet 2009.
  • [72]
    Protocol on development of relations between the Republic of Turkey and the Republic of Armenia, Republic of Turkey, Ministery of Foreign Office. http://www.mfa.gov.tr/data/DISPOLITIKA/t%C3%BCrkiye-ermenistaningilizce.pdf. Il faut rappeler que cette exigence turque déjà présente dans la feuille de route avait fait voler en éclat la coalition gouvernementale arménienne en avril 2009, avec le désengagement du parti Tashnag pour lequel il s’agissait d’une concession inacceptable remettant en cause une vérité historique avérée.
  • [73]
    Turkish Daily News, 14 octobre 2009.
  • [74]
    Il a aussi été envisagé de diffuser des programmes en arménien comme c’est le cas désormais avec le kurde, l’arabe, le perse. Le site internet officiel de la TRT sera également disponible dans des pages en langue arménienne. Turkish Daily News, 9 septembre 2008.
  • [75]
    Voir Turkish Daily News, 13 et 17 septembre 2008.
  • [76]
    Le Turkish Armanian Business Developpment Council proposant l’établissement d’une « Zone industrielle qualifiée » entre la Turquie et l’Arménie qui permettrait aux biens coproduits un accès aux marchés américains sans droits de douane ni taxes. Turkish Daily News, 22 septembre 2008.
  • [77]
    Pour une explication de ce nationalisme sportif voir Bora Tanil. 2002. « Football and its audience : staging spontaneous nationalism », in Yerasimos Stéphane, Seufert Günter, Vorhoff Karin (dir.). Civil Society in the Grip of Nationalism, Istanbul, Orient Institut & IFEA, p. 375-402.
  • [78]
    Il s’agit du sultan ottoman qui a conduit la prise de Constantinople en 1453.
  • [79]
    Lors de la rencontre entre Fenerbahçe et Panathinaikos évoquée ci-dessus, les ministres des Affaires étrangères de la Turquie et de la Grèce, présents dans le stade ont voulu entamer un tour d’honneur afin de faire de ce match le symbole d’une réconciliation. Il s’agissait également d’apporter leur soutien à la candidature conjointe turco-grecque pour organiser l’Euro 2008 de football. Mais suite à l’avalanche d’objets divers lancés par les supporters, ils ont dû interrompre leur initiative, donnant au final un piteux spectacle des dispositions fraternelles des supporters. Sur cet épisode voir Polo Jean-François, « Avrupa Fatihi », op. cit.
  • [80]
    Pour contourner l’interdiction d’introduire des banderoles à l’intérieur du stade, chaque membre avait dissimulé dans les doublures de vêtement ou de sac une lettre qui a servi à reconstituer le message. Par ailleurs, aucun d’entre eux n’ayant un intérêt pour le football, après avoir réussi cette stratégie de communication, ils ont quitté le stade. Entretien, Istanbul 31 mars 2011.
  • [81]
    En effet, l’intérêt sportif était limité puisque les deux équipes étaient d’ores et déjà éliminées de la qualification pour la phase finale. Pour information, la Turquie a gagné les deux rencontres par le même score de 2 à 0.
  • [82]
    Bromberger Christian. 1995. Le match de football. Ethnologie d’une passion partisane à Marseille, Naples et Turin, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, p. 9.
  • [83]
    Lors des éliminatoires pour l’Euro 2008 de football, l’Arménie et l’Azerbaïdjan s’étaient retrouvés dans le même groupe, mais les rencontres prévues en septembre 2007 avaient été finalement annulées faute d’un accord entre les deux fédérations. L’Azerbaïdjan refusait de recevoir l’Arménie sur son territoire et a donc proposé de disputer les deux rencontres sur terrain neutre, ce que l’Arménie avait refusé. L’UEFA avait alors supprimé les deux rencontres et attribué 0 point aux deux équipes. AFP, 24 juin 2007. Pour l’Euro 2012, voir http://www.football-rankings.info/2009/12/uefalooking-to-avoid-repeat-of-armenia.html
  • [84]
    Observatoire de Vie politique turque (OVIPOT), 24 avril 2010. http://ovipot.blogspot.com/2010/04/gel-de-la-ratification-des-protocoles.html
  • [85]
    Cf. Göksel Nigar. 2010. « Starting over ? Turkey and Azerbaijan after the protocols », Turkish Policy Quarterly, 15 october.
  • [86]
    Le texte exact était celui-ci : « Ma conscience refuse la négation et l’insensibilité vis-à-vis de la Grande Catastrophe qu’ont subie les Arméniens ottomans en 1915. Je refuse cette injustice, je partage les sentiments et la douleur de mes frères et sœurs arméniens et je leur demande pardon. »
  • [87]
    Entretien avec Ali Bayramo?lu, journaliste à Yeni ?afak, un des initiateurs de cette pétition et qui a fait le voyage à Erevan pour assister au match, Istanbul, 30 mars 2011.
  • [88]
    Voir Insel Ahmet, Marian Michel, op. cit. Dans cet ouvrage, tout en s’accordant sur les éléments historiques des événements de 1915 et tout en estimant nécessaire et salutaire que ces faits soient connus et largement diffusés dans la société turque, les deux auteurs (Ahmet Insel est turc, professeur d’économie à Paris 1 et à l’université turque de Galatasaray ; Michel Marian est français d’origine arménienne et journaliste) diffèrent sur la qualification de génocide. Plus intéressante est leur divergence sur les objectifs de leur démarche commune et de leur combat respectif. Pour Marian, il faut pousser l’État turc à reconnaître le génocide arménien, en faisant pression notamment par rapport à la candidature turque à l’UE. Pour Insel, la priorité semble être le renforcement de la démocratie turque, la levée définitive de toutes les questions taboues et la possibilité pour les chercheurs, historiens et journalistes de faire leur travail, le respect du droit des minorités. Mais pour Insel, cela ne passera pas par une décision du haut, mais par un travail sur la société turque. D’où l’importance de dissocier l’adhésion du problème arménien. Le dernier ne peut pas être la carotte du premier. Si l’adhésion ne se fait pas, il faut avancer sur la question arménienne quoiqu’il arrive. Sans l’adhésion, la Turquie serait confrontée à ses démons et n’aurait pas la stabilité démocratique amenée par l’UE (p. 140).
  • [89]
    Ibidem, p. 150.
  • [90]
    Cet élan de fraternité a pu aussi susciter chez certains observateurs, un certain agacement face à une attitude, certes solidaire, mais un peu trop tardive. Entretien avec un journaliste turc d’origine arménienne, qui a couvert les deux matchs, Istanbul, 2 avril 2011.
  • [91]
    Radikal, 9 octobre 2000.
  • [92]
    L’affaire Ergenekon a débuté en 2007 avec la mise à jour par la police d’un projet de déstabilisation et de renversement du gouvernement de l’AKP impliquant des hauts fonctionnaires, des hauts gradés de l’armée. Depuis 2007, les procès de l’affaire Ergenekon sont en cours et révèlent l’importance de cette machination.
  • [93]
    Cité in European Stability Initiative, op. cit., p. 11-12.
  • [94]
    Entretien avec Robert Kopta?, Istanbul, 1er avril 2011.
  • [95]
    La transformation interne de la Turquie est loin d’être achevée. Il existe encore un « Conseil interministériel de coordination pour la lutte contre les accusations du prétendu génocide » alors qu’il n’y a toujours pas de monuments en hommage aux Arméniens massacrés en 1915. Le procès Ergenekon en est encore à ses débuts et, personne ne peut affirmer si un jour les vrais responsables de l’assassinat de Dink seront déchiffrés. Cf. Marcou Jean. 2010. « 2010. Le bilan de la politique intérieure turque », Blog de l’OVIPOT, 31 décembre. http://ovipot.hypotheses.org/1688
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