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Article de revue

Lutter contre la sédentarité : L'incorporation d'une nouvelle morale de l'effort

Pages 133 à 156

Notes

  • [1]
    Cf. les campagnes de l’institut national de la prévention et de l’éducation à la santé (INPES) développées depuis 2004 en direction de la population générale, des adolescents, des plus de cinquante-cinq ans.
  • [2]
    Plus précisément il s’agit « d’augmenter de 25% la proportion de personnes, tous âges confondus, faisant par jour l’équivalent d’au moins 30 minutes d’activité physique d’intensité modérée, au moins cinq fois par semaine : passer de 60% pour les hommes et 40% pour les femmes actuellement, à 75% pour les hommes et 50% pour les femmes d’ici à 2008 ». Nutrition et activité physique, J.O., n° 185 du 11/08/2004 texte numéro 4.
  • [3]
    Cette notion, empruntée à Gusfield (1963), suggère que la mobilisation politique en faveur de l’activité physique ne réside ni dans la dimension « morale» des préoccupations sanitaires, ni dans un militantisme réactionnaire, mais dans les croyances idéalistes et universelles d’une santé publique, telles celles contenues dans la charte d’Ottawa de 1986. Gusfield, Joseph. 1963. Symbolic Crusade. Status Politics and the American Temperance Movement, Urbana, Chicago, Londres, University of Illinois Press.
  • [4]
    Cf. Léonard, Jacques. 1981. La médecine entre les pouvoirs et les savoirs, Paris, Aubier Montaigne ; Rauch, André, 1982. Le corps en éducation physique, Paris, Presse Universitaires de France ; Vigarello, Georges. 1978. Le corps redressé : histoire d’un pouvoir pédagogique, Paris, Delarge.
  • [5]
    Cette notion développée par Foucault (Foucault, Michel. 1976. La volonté de savoir, Paris, Gallimard) est reprise par Berlivet (Berlivet, Luc. 2004. « Une biopolitique de l’éducation pour la santé : la fabrique des campagnes de prévention », in Fassin, Didier et Memmi, Dominique (dir.). Le gouvernement des corps, Paris, EHESS, p. 38-75).
  • [6]
    Crawford, Robert. 1981. « C’est de ta faute : l’idéologie de la culpabilisation de la victime et ses applications dans les politiques de santé », in Bozzini, Luciano et Renaud, Marc (dir.). Médecine et société. Les années 80, Montréal, Saint-Martin, p. 481-512.
  • [7]
    Setbon, Michel. 2000. « Les risques sanitaires », Médecine / sciences, 11, 16, p. 1203-1206.
  • [8]
    Le 16 Mai 2000, le Comité National Olympique Sportif Français, sous l’égide de sa mission médicale, crée la « Fondation Sport Santé », dont les missions seront principalement tournées vers la lutte contre le dopage. En 2003, Pierre Henri Bréchat, médecin inspecteur de santé publique, définit la place des APS dans la promotion de la santé publique en insistant « sur les bénéfices nombreux apportés par les APS de loisir et de soin à la qualité de vie des usagers, dans un souci de réduction des inégalités sociales de santé, tout en prenant en compte les risques liés à ces pratiques, dont les conduites dopantes ». Bréchat, Pierre Henri. 2003. « Promotion de la santé par les activités physiques et sportives et prévention des conduites dopantes », in Aeberhard, Patrick et Bréchat, Pierre Henri (Dir.). Activités physiques et sportives, santé publique, prévention des conduites dopantes, Vincennes, ENSP. p. 9-34.
  • [9]
    La mission de médecine du sport et de la lutte antidopage s’est engagée en 1995 dans une démarche qui vise le développement de la pratique sportive dans un but de santé. (Rapport annuel du Ministère de la jeunesse et sport sur l’état de l’administration 1996). On peut toutefois noter que dans le rapport 2002 de cette même administration la santé n’est abordée qu’en lien avec le dopage.
  • [10]
    Fassin, Didier. 2005. Faire de la santé publique, Paris, ENSP, p. 45.
  • [11]
    Comme le fait remarquer Becker (Becker, Howard. 1963. Outsiders. Etude de sociologie de la déviance. Paris, Métailié, p. 173) au sujet du réformisme moral et des lois générées par les militants, « les croisés de la morale s’intéressent moins aux moyens qu’aux fins… quand ils viennent à esquisser des réglementations spécifiques, ils font confiance à des spécialistes ».
  • [12]
    On peut se référer à l’analyse des campagnes de prévention suivant une approche Foulcadienne du « bio-pouvoir ». Berlivet, Luc. 2004. Une biopolitique de l’éducation pour la santé, la fabrique des campagnes de prévention, in Fassin, Didier et Memmi, Dominique (dir.). Op. cit.
  • [13]
    FASSIN, Didier, Faire de la santé publique, op. cit., p. 37.
  • [14]
    En référence au principe de « subjectivation » décrit par Foucault cf. Berlivet, Luc. Op. cit., p. 66.
  • [15]
    Créé par le décret n° 91.1216 du 3 décembre 1991.
  • [16]
    Le corpus est composé des rapports suivants : La santé en France, Rapport général, 1994, Ministère du travail et des affaires sociales / HCSP ; La santé en France, 1994-1998, Ministère du travail et des affaires sociales / HCSP ; La santé en France, 1996, Ministère du travail et des affaires sociales / HCSP ; Recueil des principaux problèmes de santé en France, d’après les rapports la santé en France 1994, 1998 et 2002 : contribution du HCSP à l’élaboration de la loi de programmation en santé publique. Décembre 2002 ; Pour une politique nutritionnelle de santé publique en France : enjeux et propositions. Juin 2000.
  • [17]
    Données de l’enquête Institut National des Sports et de l’Education Physique (INSEP) de 1985.
  • [18]
    Cette vision optimiste n’a rien d’évident quand on consulte les travaux de sociologie des sports sur la période postérieure à 1985-1990.
  • [19]
    405 000 jeunes scolarisés de 3 à 24 ans sont victimes d’accidents scolaires : 119 000 accidents de sport surviennent annuellement chez les 11-16 ans et 214 000 chez les 17-24 ans. Source : HCSP.
  • [20]
    « L’enquête européenne permanente Ehlass réalisée depuis 1986 dans les services d’urgence de huit hôpitaux français renseigne sur les causes, les mécanismes et les conséquences en terme d’hospitalisation des accidents qui conduisent à ces services. Elle montre des risques très diversifiés selon l’âge, et en schématisant à l’extrême on peut retenir les causes principales d’accidents suivantes :
    • avant un an => chutes d’un lieu élevé
    • 1- 4 ans => intoxications, brûlures, noyades, morsures
    • 5-15 ans => accidents scolaires
    • 16-25 ans => accidents de sport
    • 25-65 ans => accidents ménagers et de bricolage
    • après 65 ans => chutes de sa hauteur ». Cf. La santé en France 1994-1998, Paris, Ministère de l’emploi et de la solidarité, Haut Comité de la Santé Publique, p. 88.
  • [21]
    Etude épidémiologique menée par la société EVAL (bureau d’étude dans le domaine de la santé publique). Publiée dans La revue de santé publique, elle constituera un outil pour promouvoir l’activité physique modérée par les médecins du sport.
  • [22]
    Particulièrement les médecins du sport et les physiologistes.
  • [23]
    La valorisation d’un « sport santé » était déjà initiée en 1952 par le Dr Encausse, chef des services médicaux de la Direction générale de la Jeunesse et des Sports : Encausse, Philippe. 1952. Sport et santé. Précis de médecine sportive, Paris, A. Legrand.
  • [24]
    « La commission a choisi de parler d’APS pour permettre de s’adresser à la population en général incluant ainsi les sportifs de haut niveau, l’ensemble des sportifs et malades qui pratiquent l’activité physique pour améliorer leur qualité de vie » (Aeberhard, 2003).
  • [25]
    Cette commission est composée d’universitaires, de médecins de santé publique, de médecins du sport, de médecins spécialistes, d’attachés de l’administration centrale.
  • [26]
    Aeberhard, Patrick et Bréchat, Pierre Henri. 2003. Activités physiques et sportives, santé publique, prévention des conduites dopantes, Paris, ENSP, p. 215-244.
  • [27]
    Objectif du programme repris dans la loi n° 2004-806 relative à la politique de santé publique.
  • [28]
    Sallé, Loïc ; Lestrelin, Ludovic et Basson, Jean-Charles. 2006. « Le tour de France 1998 et la régulation du dopage sportif : reconfiguration des rapports de force », STAPS, n°73, p. 9-23.
  • [29]
    Pour une revue de question, voir Koralsztein, Jean-Pierre. 1986. La santé à l’épreuve du sport, Grenoble, Presse Universitaire de Grenoble.
  • [30]
    La promotion d’un « sport-santé » envisagée par les médecins du sport se construit dans un souci de fédérer, par le biais du mouvement sportif, les associations, les offices municipaux des sports, les animateurs… bref sur un ensemble de partenaires sociaux susceptibles de s’associer aux programmes d’évaluation du patient, de prescription de l’activité et de suivi de sa condition physique.
  • [31]
    « Le plus haut degré de priorité doit être accordé d’une part, aux groupes d’individus les moins actifs, en sachant que ce sont ceux qui tireront le plus de bénéfices à pratiquer régulièrement un exercice adapté et d’autre part, aux plus jeunes » Cf. Garnier, Alain. 1996. « Santé et activités physiques et sportives », actualité et dossier en santé publique, n°14, p. 1-39.
  • [32]
    Il était chargé de 1994 à 2000 du programme national antidopage.
  • [33]
    Garnier, Alain. 1996. « La pratique sportive en France : organisation et perspectives de promotion pour la santé », Actualité et dossier en santé publique, n°14, p. 5.
  • [34]
    Cf. le dispositif de « développement de la promotion de la santé par les APS par la planification sanitaire ». Bréchat, Pierre Henri. Op. cit., p 28.
  • [35]
    Pinell, Patrice. 2005. « Champ médical et processus de spécialisation », Actes de la recherche en sciences sociales, n°156-157, p. 4-36.
  • [36]
    La première conférence de consensus du 22 Novembre 2005 « sur l’activité physique adaptée à la prévention ».
  • [37]
    Rieu, Michel. 1996. « Aspects bénéfiques de la pratique des activités physiques et sportives », Actualité et dossier en santé publique, n°14, p17.
  • [38]
    Nouveau-Duburcq, Anne. 2000. « Activité physique : une prescription médicale authentique », Concours medical, n°26, p 20.
  • [39]
    Sur l’analyse de l’alcoolisme en France comme maladie sociale, Dargelos, Bertrand. 2005. « Une spécialisation impossible, l’émergence et les limites de la médicalisation de la lutte antialcoolique en France (1850-1940) », Actes de la recherche en sciences sociales, p. 156-157.
  • [40]
    Elles font référence au Surgeon General Report (1996. US Department of Health and Human Services, Physical activity and health. A report of the Surgeon General, Atlanta, CDC) qui est le premier rapport officiel sur l’activité physique et ses bénéfices pour la santé, publié en 1996 par le département de santé américain. Il introduit, sur fond de valorisation de l’identité sportive américaine (olympiades d’Atlanta), une mise en garde contre la sédentarité liée aux modes vie. Il promeut la nécessité de maintenir une activité physique régulière et modérée tout au long de la vie, qui ne soit pas confondue avec la performance des sportifs de haut niveau. La notion d’activité physique y est définie comme « tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques qui entraîne une augmentation substantielle de la dépense d’énergie au-dessus de la dépense énergétique de repos ». L’activité physique ne se confond plus dès lors avec la pratique sportive. La distinction s’opère plus précisément en fonction du contexte. Deux situations sont envisagées ; l’une situe l’activité physique dans le registre des activités quotidiennes professionnelles, ménagères, de déplacement ; l’autre place l’activité physique au centre des loisirs et du sport.
  • [41]
    Enquête « pratiques sportives 2000 » du Ministère de la Jeunesse et sport et de l’INSEP ; Guibert, Philippe ; Baudier, François et Gautier, Arnaud. 2001. Baromètre santé 2000, Vol 2. Vanves, Comité Français d’Education pour la Santé.
  • [42]
    Données préliminaires obtenues récemment par l’analyse de 8. 500 questionnaires d’activité physique chez les sujets de la cohorte SU. VI. Max Cf. Oppert, Jean-Michel. « Activité et inactivité physiques dans un échantillon national d’adultes d’âge moyen : l’étude SU. VI. Max (abstract) 2000 », Réunion Annuelle de l’Alfediam (Grenoble, mars 2000). Dans cette population, 10,2% des hommes et 12,2% des femmes étaient inactifs au cours des loisirs, et 41,5% des hommes et 50,1% des femmes n’atteignaient pas le seuil d’activité physique recommandé à la population générale (30 minutes ou plus d’activité physique d’intensité modérée quotidienne).
  • [43]
    Pour Didier Fassin, « ce ne sont pas seulement des réalités biologiques que les spécialistes mettent au jour, ce sont aussi des faits épidémiologiques qu’ils construisent ». Fassin, Didier. Faire de la santé publique, op. cit., p. 37.
  • [44]
    Ainsworth B. E. ; Haskell, W. L. ; Leon, A. S. ; Jacobs, D. R. ; Montoye, H. J. ; Sallis, J. F. et Paffenbarger, R. S. 1993. « Compendium of physical activities: classification of energy costs of human physical activities », Medecine Science Sports Exercice, n°25, pp 71-80.
  • [45]
    Martinez-Gonzalez ; M. A., Martinez, J. A. ; HU, F. B ; Gibney, M. J. et Kearney, J. 1999. « Physical inactivity, sedentary lifestyle and obesity in European Union », International Journal Obesity, n°23, p. 1192-1201.
  • [46]
    2005. « La télévision, principale cause d’obésité chez les collégiens », Le Monde, 9 février.
  • [47]
    Prisse, Nicolas. 2002. « Caractéristiques et éléments d’organisation de la pratique des activités physiques et sportives en France », in Aeberhard, Patrick et Bréchat, Pierre Henri (dir.). Activités physiques et sportives, santé publique, prévention des conduites dopantes, Paris, ENSP, p. 35-62.
  • [48]
    La notion reste vague et signifie plus activité physique que sport au sens strict d’une pratique fédérée.
  • [49]
    Les données sont rapportées dans le rapport : Pour une politique nutritionnelle en France, publié en 2000 et commandé par une saisine ministérielle le 17 Mai 1999.
  • [50]
    La communauté scientifique s’interroge sur les conditions minimales d’usage de l’exercice physique. Les recommandations passent de 20 minutes d’activité physique d’intensité élevée, trois fois ou plus par semaine (ACSM 1990)50, à au moins 30 minutes d’activité physique d’intensité modérée, cinq jour par semaine (CDC-ACSM 1995). Ces conditions d’exercice constitueront des règles d’usage promues par le PNNS (2000).
  • [51]
    Oppert, Jean-Michel. Op. cit.
  • [52]
    Mantey, K. ; Encrenaz, N. ; Helynck, B. ; Guigné, C. et Castetbon, K. 2005. « Surpoids et obésité chez les élèves de sixième scolarisés dans les collèges publics du département de Haute-Savoie », Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, n°6 : « Ce n’est pas tant le lien entre activité physique et surpoids qui semble prépondérant, mais plutôt celui entre sédentarité et surpoids ». L’activité physique et la sédentarité sont actuellement présentées comme « deux dimensions différentes et indépendantes du comportement de mouvements associés respectivement de façon favorable et défavorable à l’état de santé » (Rapport 2005, Activité physique et santé, PNNS).
  • [53]
    « Par opposition à l’activité physique, le comportement sédentaire est l’état dans lequel les mouvements sont réduits au minimum et la dépense énergétique proche de celle du repos. Le mot sédentaire vient du latin sedere qui signifie être assis » (2004. L’activité physique au quotidien protège votre santé, Paris, Dossier de presse PNNS, Direction générale de la santé, INPES).
  • [54]
    Cette théorie a été formalisée par les canadiens par la modélisation d’un cycle enfermant intitulé : « le syndrome des 3H : hypodynamie, hypokinésie, hypoxie ». Simard, C. ; Binet, M. et DUBE, A. 1993. « Impact du sédentarisme et de l’activité physique sur les fonctions mentales : intégration avec la CIDIH », in Journée d’étude Franco-Québécoise en A.P.A., Le Défi Sportif.
  • [55]
    L’Organisation mondiale de la santé et la Fédération internationale de médecine du sport, en 1994, introduisent leur déclaration commune en fustigeant l’inactivité. « On constate aujourd’hui un énorme gaspillage de potentiel humain que l’on peut attribuer à l’inactivité physique… Les hommes qui ne font pas suffisamment d’exercice physique risquent deux fois plus que leurs homologues plus actifs d’être atteints de cardiopathie ischémique…la sédentarité est un facteur important de mauvaise santé et de décès prématuré».
  • [56]
    Berlivet, Luc. Op. cit., p. 45.
  • [57]
    Bajos, N. et Ludwig, D. 1995. « Risque construit et objectivation du risque : deux approches de l’adaptation au risque de transmission sexuelle du sida », in Doré, V. ; Souteyrand, Y. ; Bozon, M. ; Giami, A. (dir.). Sexualité et sida, Paris, ANRS, coll. « Sciences sociales et sida », p. 199-220.
  • [58]
    Il n’est identifiable que par l’Indice de Masse Corporelle (pour l’adulte) ou la comparaison du poids à la courbe normale (pour l’enfant)
  • [59]
    Journée nationale de dépistage sur l’obésité infantile, 6 Janvier 2005 : « On ne devient pas obèse du jour au lendemain », rappellent les pédiatres, « la plupart du temps, on ne s’en rend pas compte au début » (AFPA) Association Français de Pédiatrie Ambulatoire (Le Monde, 7 Janvier 2005).
  • [60]
    Herzlich, Claudine. 1969. Santé et maladie, analyse d’une représentation sociale, Paris, EHESS.
  • [61]
    Théorie de la motivation à se protéger, élaborée à partir du Health Belief Model (HBM) Cf. : Rogers, R. W. 1983. « Cognitive and physiological processes in fear appeals and attitude change: a revised theory of protection motivation», in Cacioppo J. T. et Petty, R. E. (dir.). Social psychophysiology: A source book, New York, Guilford Press. Rosenstock, I. M. 1974. « The health belief model and preventive health behavior», Health Education Monograph, n°2, p. 35-86.
  • [62]
    Boltanski, Luc. 1971. « Les Usages sociaux du Corps », Annales ESC, n°26, p. 205-233.
  • [63]
    Pierret, Janine. 1984. « Les significations sociales de la santé », in Augé Marc et Herzlich, Claudine. (dir.). Le sens du mal. Anthropologie, histoire, sociologie de la maladie, Paris, Archives contemporaine, p. 217-256.
  • [64]
    Fassin, Didier. 1996. L’espace politique de la santé. Essai de généalogie, Paris, PUF.
  • [65]
    L’enquête ObÉpi (2006) confirme que la fréquence de l’obésité est inversement proportionnelle aux revenus : 19% des personnes obèses vivent avec moins de 900 euros par mois, tandis que 5% d’entre elles gagnent plus de 5301 euros. Par ailleurs, l’enquête décennale santé 2002-2003 établit une relation entre la précarité et la sédentarité.
  • [66]
    Vigarello, Georges. 1993. Histoire des pratiques de santé, le sain et le malsain depuis le moyen âge, Paris, Seuil.
  • [67]
    Campagnes successives lancées par les ministres de la santé : Mattei 2003, Mattei 2004, Bertrand 2006.
  • [68]
    Plusieurs guides sont successivement élaborés pour diverses populations : adolescents, personnes âgées, précaires…
  • [69]
    Dossier de presse « L’activité physique protège votre quotidien » 2004.
  • [70]
    Les questionnaires d’évaluation de l’activité physique utilisés comme référence dans les dernières enquêtes en santé publique (Baromètre santé 2005, Etude nationale nutrition santé ENNS, 2006, InVS) permettent de faire une approximation en kilocalorie des dépenses quotidiennes d’activité physique (IPAQ). Ils ne portent pas d’intérêt aux aspects motivationnels et sociaux des usages du corps dans l’activité physique.
  • [71]
    Vigarello, Georges. Histoire des pratiques de santé…, op. cit.
  • [72]
    Travaillot, Yves. 1998. Sociologie des pratiques d’entretien du corps, Paris, PUF.
  • [73]
    La santé vient en mangeant, le guide alimentaire pour tous (2002, 3.700.000 exemplaires) ; La santé vient en bougeant, le guide nutrition pour tous (2004, 1.100.000 exemplaires).
  • [74]
    Cette analyse est menée à l’aide du logiciel d’analyse TROPES, qui identifie les références structurantes sous le terme de « référents noyaux ». Après avoir dégagé les références textuelles structurantes du discours sur la base des occurrences, nous avons retenu les catégories qui différencient quantitativement et qualitativement les guides. 5059 « référents-noyaux » sont catégorisés dans 56 classes. 87% d’entre eux décrivent le guide sur l’alimentation et 13% sont issus du guide sur l’activité physique. Nous ne faisons pas un état exhaustif des différentes classes, nous présentons uniquement les catégories qui apportent une représentation spécifique du traitement de la nutrition à partir d’une entrée sur l’alimentation ou sur l’activité physique.
  • [75]
    Durif-Bruckert, Christine. 2006. La nourriture et nous, Paris, Armand Colin.
  • [76]
    Lahire, Bernard. 1999. « De la théorie de l’habitus à une sociologie psychologique » in LAHIRE, Bernard (dir.). Le travail sociologique de Bourdieu : dettes et critiques, Paris, La Découverte.
  • [77]
    Goffman, Erving. 1977. « La ritualisation de la féminité », Actes de la recherche en sciences sociales, n°14, p. 34-50.
  • [78]
    Développé par Durif-Bruckert, Christine. 2006. « Le transfert des savoirs de santé vers le grand public : complexité méthodologique et enjeux psychosociaux », in Haas, Valérie. (dir.). Les savoirs du quotidien : transmissions, appropriations, représentations, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 137-155.
  • [79]
    Voir Eichler, 1909. « Mon système de 15 minutes de travail par jour pour la santé », Cité par Vigarello, G., Histoire des pratiques de santé…, op. cit.
  • [80]
    Voir ici la leçon quotidienne d’éducation physique à la radio, diffusée nationalement en 1943 par le Commissariat général à l’Education générale et aux sports.
  • [81]
    Vigarello, Georges. 1978. Op. cit.
  • [82]
    Bourdieu, Pierre. 1979. La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Editions de Minuit, p. 72.
  • [83]
    Dans le programme du PNNS 2, (éléments de bilan du PNNS et propositions de nouvelles stratégies pour le PNNS2 2006-2008, Février 2006) le plan d’action 10 qui vise « la promotion de l’activité physique dans la vie quotidienne et sur les lieux de travail afin de faciliter la pratique sportive de loisir pour tous », l’aménagement de la ville, la création de nouveaux services, l’emploi pour la mise en exercice du citoyen, l’ouverture de terrains de sports… accompagnent l’autodiscipline par des environnements « supportifs », tout en incitant à la responsabilité individuelle.
  • [84]
    Comme le note Durif-Bruckert, Christine. Op. cit., p. 152.
  • [85]
    Fischler, Claude. 1990. L’homnivore, Paris, O. Jacob ; Poulain, Jean-Pierre. 2002. Sociologies de l’alimentation, Paris, Presse Universitaires de France.
  • [86]
    Un guide est spécialement conçu pour favoriser des modifications d’habitudes alimentaires chez les précaires.

Introduction

1L’injonction « bougez » [1], élaborée à l’initiative de la santé publique [2] repose sur une représentation du corps associant la santé à un exercice physique régulier et modéré. Cette « croisade morale » [3] engagée par des groupes sociaux constitués de décideurs en santé publique, de médecins, d’économistes de la santé, d’entreprises commerciales, de philanthropes, réactive les thématiques de l’hygiénisme du XIXe siècle luttant contre la « dégénérescence de la race » [4]. Elle s’institutionnalise dans une double tension entre les risques toxicologiques et traumatiques liés au sport intensif et les risques nutritionnels dus, entre autres, à l’incidence de la sédentarité sur la régulation énergétique. Elle s’appuie subtilement sur des « dispositifs de sécurité » [5] dont les voies classiques diffusent ce que Robert Crawford [6] nomme « l’idéologie de la culpabilité ».

2La lutte contre la sédentarité, construite socialement en nouvelle préoccupation sanitaire, s’érige en morale de l’exercice physique sous la pression de l’autorité médicale. La médicalisation du « sport-santé » conduit au contrôle de la prescription et incite à l’autonomie. L’objet de cet article est d’analyser cette double opération de gouvernement des corps dans l’avènement récent de la politique préventive en faveur de l’activité physique.

3En premier lieu, nous aborderons la tension entre risque sportif et sédentaire qui incite les médecins à militer tout à la fois pour la promotion de l’exercice physique, son contrôle, sa prescription et à définir, entre le compétiteur et le sédentaire, un « comportement sain ». La définition du sport à l’aune des enjeux de santé publique conduit à qualifier les problèmes liés à la « pratique sportive », aux « loisirs » ou à « l’exercice physique » en langage sanitaire et à désigner la sédentarité comme facteur de risque. De là, se développent deux orientations qui, avant l’émergence des préoccupations sanitaires sur l’obésité dans les années 2000, ne s’articulaient pas vraiment. Ainsi, les pouvoirs publics traitent distinctement des effets négatifs de l’activité physique sur la santé à travers les dangers traumatiques et toxicologiques, ou encore se concentrent sur la question de l’inactivité par le rapprochement entre sédentarité et maladies chroniques. La « construction cognitive des risques sanitaires » [7] s’appuie sur les dangers que présentent l’activité sportive et son contraire, l’inactivité physique. En une décennie, le traitement de l’activité physique dans les rapports de santé publique de 1994 à 2002 inverse les préoccupations et les symboliques du risque : l’inactivité physique devient une conduite plus dangereuse que la pratique sportive !

4Les enjeux sous jacents aux discours médicaux instaurent l’accidentologie sportive, le dopage et plus récemment la sédentarité en problèmes de santé publique, identifiables dans les significations d’un «sport-santé » [8]. Les activités physiques et sportives sont représentées dans ce double jeu des bénéfices et des risques. Principalement portées par un pouvoir médico-sportif [9], elles sont profondément attachées à l’entraînement et la compétition sportive et visent plus récemment la valorisation de la qualité de vie des malades chroniques et des personnes handicapées.

5Nous aborderons en second lieu, à partir des campagnes d’information et d’éducation pour la santé, les stratégies des pouvoirs publics qui tentent de transformer les représentations et pratiques afin de responsabiliser le sujet et son entourage en matière d’hygiène de vie. Comme l’avance Didier Fassin [10], reprenant Geoffrey Lloyd « la santé publique institue avec son public une relation d’altérité, le même est du côté des savoirs, l’autre du côté des croyances. Faire œuvre de santé publique c’est modifier les secondes pour les rapprocher des premières ». En ce sens, la sédentarité peut être expliquée comme une conséquence de l’adaptation à une vie plus confortable, et signifier le manque de vigilance, voire même une faiblesse morale à l’égard d’un équilibre énergétique. L’entreprise préventive s’attache alors à transformer les représentations [11] afin de lutter contre ce « mal social » qui accroît l’absorption de calories sans en dépenser davantage. Pour enclencher l’incorporation des normes minimum d’exercice physique, les « dispositifs de sécurité » [12] instillent de « l’intérieur » une dynamique d’autocontrôle. Ils font appel à la responsabilité individuelle en insistant sur les risques sanitaires importants induits par les comportements sédentaires et leurs conséquences sur l’affaiblissement de l’ensemble du système de soins. Ces dispositifs diffusent des normes « d’actifs » et « d’inactifs » afin d’optimiser l’action politique en faveur de l’éducation nutritionnelle en divulguant les préceptes d’une hygiène de vie autour du « bien manger » et du « bien bouger ».

6Les campagnes de communication initiées par l’Etat, fondées sur les représentations du risque sanitaire, instaurent la sédentarité en conduite dangereuse. De ce point de vue, «la santé publique ne se contente pas de découvrir : elle invente »[13] ; elle contrôle la mobilité du quotidien, classe les individus sur une échelle de sédentarité, impose une norme minimum d’exercice sous contrôle du regard d’autrui. Elle développe, en particulier dans les campagnes d’éducation pour la santé, une forme de pouvoir « qui subjugue, assujettit » [14] et stigmatise la sédentarité comme une déviance, imposant publiquement, en contre-partie, une «psychologisation» de l’effort physique.

I – Du sport à l’activité physique : le contrôle médical de la mobilité

a – Du danger des activités physiques : l’accidentologie sportive

7Depuis sa création en 1991, le Haut comité de la santé publique [15] (HCSP) effectue tous les trois ans un bilan critique de la situation sanitaire et expose l’évolution du système de soin [16]. Le rapport général de novembre 1994 mentionne de façon très laconique « que l’exercice physique modéré est une pratique positive pour la santé entendue aussi bien au sens de non-maladie qu’au sens positif de bien-être ». Il participe, de fait, à améliorer le bien-être de la collectivité. Le rapport [17] montre le caractère collectif de la préoccupation sanitaire en signalant le « spectaculaire développement des activités physiques et sportives…puisqu’en 1985, 73,8% de la population des 12–74 ans pratiquent un sport et ce raz de marée sportif s’est poursuivi depuis, autant en terme de sport de loisir qu’en sport de compétition »[18]. Tout d’abord, il distingue loisir et compétition, en attribuant à cette dernière modalité des « inconvénients en termes de santé publique ». Il met l’accent sur la dangerosité de pratiques à risques génératrices d’accidents, en particulier chez les ménages aisés. Par ailleurs, il montre en regard des accidents scolaires, le fort taux d’accident de sport qui surviennent annuellement chez les jeunes de 11 à 24 ans [19].

8Jusque dans les années 2000, l’évaluation de l’activité physique et sportive des Français en termes de santé publique s’inscrit dans le domaine de l’accidentologie de la vie courante. L’instabilité des modes de classement des accidents liés au sport ou au loisir montre le travail de ré-interprétation des problématiques sportives dans les questions sanitaires de la vie courante. Les rapports de 1996 et 1998 traitent de l’accidentologie des activités physiques aussi bien dans les loisirs qu’en milieu scolaire chez les 11-16 ans. Ils montrent la prépondérance des accidents chez les garçons comparativement aux filles, et mentionnent que 40% des accidents sont dus au sport pour les 15-25 ans [20].

9On le voit, le cadre compétitif ne constitue plus le secteur privilégié de la traumatologie sportive. Les accidents de sport sont désormais traités comme relevant du loisir et plus généralement « de la vie courante ». Leur régulation devient une des attributions des politiques de santé publique et les rapports sur la santé des français présentent l’activité physique comme une pratique bénéfique, mais néanmoins risquée. Ils traitent du sport et du loisir dans le registre de la mortalité et morbidité évitables. Il s’agira dès lors de promouvoir une activité physique modérée.

b – La promotion de l’activité modérée

10En 1996, « la santé perçue » des Français, répartis en trois groupes (« non sportifs », « sportifs modérés » et « sportifs intensifs ») est évaluée à l’aide d’une enquête par questionnaires [21]. La comparaison entre les effets positifs et négatifs sur la santé (traumatismes divers), plaide en faveur d’une activité physique modérée, et conduit les auteurs à préconiser son encadrement et son adaptation. En posant la question de l’utilité optimale de l’activité physique pour la santé, les médecins [22] donnent une légitimité à un « sport-santé » situé entre sédentarité et compétition [23]. Ils valorisent les vertus des activités physiques et sportives en s’appuyant sur la diversité sociologique des pratiques et des pratiquants [24]. A partir de septembre 2001, ces principes fondent pour une part, le « Programme national de promotion de la santé par les APS et la prévention des conduites dopantes (PN-APSD 2002-2007) ». Ce programme, initié par Bernard Kouchner, alors ministre délégué chargé de la Santé de 2001 à 2002, et élaboré par une commission d’experts [25] propose deux orientations : d’une part, montrer que « les activités physiques et sportives représentent un formidable potentiel pour améliorer l’état de santé de la population, tant au niveau de la prévention que de la réadaptation » ; d’autre part, mettre à plat « les risques potentiels des activités physiques et sportives, essentiellement traumatologiques, et également les conduites dopantes » dans le prolongement de la politique de lutte contre le dopage, initiée en 1999 par Marie-Georges Buffet (alors ministre de la Jeunesse et des Sports). Les travaux de la commission ad hoc et le programme publié en 2003 [26] conçoivent la promotion de l’activité physique à partir de trois objectifs : « promouvoir les APS de loisirs et de réadaptation tout en diminuant leurs risques, dont les conduites dopantes ; améliorer l’état des connaissances par la commande de recherches en santé publique ; mettre en place un dispositif de veille sur les conduites dopantes». Les indicateurs de suivi de ces objectifs portent sur l’augmentation de la proportion de personnes faisant l’équivalent de 30 minutes d’activité physique par jour [27] et sur la réduction d’incidents, d’accidents et de décès liés aux activités physiques et conduites dopantes. La notion de risques liés à l’activité physique s’étend de l’accidentologie à la médicalisation de la sédentarité et des conduites dopantes [28].

11Les initiatives pour un contrôle médical de la sédentarité se développent bien en amont du travail de la commission. Elles trouvent leur origine dans les travaux relatifs aux effets bénéfiques des activités physiques sur certaines pathologies chroniques [29] (maladies cardio-vasculaires 1967, diabète 1990, ostéoporose 1993). Elles ne sont pas reprises par les pouvoirs publics dans l’évaluation de l’état de santé des Français, bien que le Haut comité de la Santé publique (HCSP) publie en 1996 un dossier, coordonné par les médecins du sport, intitulé « santé et activités physiques et sportives ». Il esquisse les grandes lignes d’un maillage territorial [30] permettant de faire de la pratique sportive une démarche de santé publique destinée prioritairement « aux groupes d’individus les moins actifs… et aux plus jeunes [31] ».

12Sur la base de la loi du 16 Juillet 1984 relative au développement du sport, les médecins inspecteurs régionaux et départementaux de la Jeunesse et des Sports envisagent d’orchestrer la planification d’un « sport-santé ». Ils assument, de fait, des missions de surveillance médicale de la pratique sportive et de promotion de la santé par le sport. Selon Alain Garnier, Directeur médical de l’Agence Mondiale Antidopage (AMA) [32], les médecins du sport « pourraient occuper une place privilégiée au sein d’un réseau national de sport santé, en liaison avec les autres départements ministériels concernés »[33]. Véritable plaque tournante du dispositif de promotion de la santé par les activités physiques et le sport, les médecins situent leurs pouvoirs aussi bien sur les APS de loisir (sport-santé) pratiquées par environ 30 millions de personnes, que sur le sport de haut niveau (6500 personnes) ou encore les APS de soins ou réhabilitation (plus de 200. 000 personnes) [34]. De fait, la prévention du dopage, la promotion de l’activité physique, la réhabilitation deviennent des préoccupations de la médecine du sport [35], médicalisant l’ensemble du champ de la pratique sportive au sens large.

13La médicalisation du « sport-santé » transfère à la pratique des activités physiques le modèle biomédical d’indications ou de contre-indications [36], de l’observance faite de « régularité et de persévérance », du contrôle « sous haute surveillance » [37] et même de la « prescription » dans le cas des maladies chroniques [38]. En érigeant l’activité comme une propédeutique de la vie saine, les médecins du sport tentent d’inverser la causalité du danger montrant que la sédentarité incontrôlée est à l’origine du problème.

c – L’inactivité physique comme danger sanitaire

14Malgré ce processus de médicalisation du « sport-santé », la question de la sédentarité n’est pas abordée dans les rapports publics, bien que certains médecins, particulièrement les médecins du sport, évoquent depuis les années 1990 ses « dangers » sur le développement des maladies chroniques. Elle le sera dans le rapport de santé 2002, après avoir fait l’objet d’une interrogation plus sérieuse en 2000 sur la question de la politique nutritionnelle en France. Elle est dès lors présentée comme une « maladie sociale » [39]. D’une part, la sédentarité, associée au grignotage, constitue la cause évidente et emblématique de l’obésité. D’autre part, à la différence des médecins du sport, qui assimilent le sédentaire à un « malade potentiel », les pouvoirs publics l’appréhendent comme un consommateur non-averti victime d’évolutions sociales imperceptibles.

La sédentarité comme la cause naturelle de l’obésité

15En mai 1999, le secrétaire d’Etat à la Santé et à l’action sociale et le ministre de l’Emploi et de la solidarité saisissent le HCSP pour étudier les liens entre habitudes nutritionnelles et état de santé des Français, afin de mieux comprendre la prévalence des maladies cardiovasculaires en France. Intitulé « Pour une politique nutritionnelle de santé publique en France : enjeux et propositions », le rapport publié en juin 2000 souligne la synergie entre l’activité physique et l’alimentation : « L’interprétation des données concernant les apports énergétiques ne peut se concevoir que si ceux-ci sont rapportés au niveau des dépenses énergétiques liées à l’activité physique. L’activité physique est un facteur indissociable à prendre en considération pour comprendre comment s’effectue le bilan d’énergie ». Les notions d’activité physique et d’inactivité physique y sont définies en regard de l’énergie dépensée [40], et associées, dans une relation de cause à effet, aux comportements sédentaires. On assiste ici à une construction du risque de sédentarité dans un contexte social qui instaure l’obésité en maladie, voire en «épidémie ».

16Alors même que, de 1994 à 2000 [41], les rapports de santé publique se satisfont du « raz de marée sportif », le lancement de la politique nutritionnelle en France (2000) fait état de la faiblesse de l’activité des Français et de leur niveau de sédentarité [42]. Cette disjonction repose davantage sur la construction des problèmes sanitaires et la façon de les évaluer que sur la réalité de l’activité des Français [43].

17La mesure de l’activité de l’homme est difficilement quantifiable. Elle est jugée certes sur les déclarations d’activités et de leurs intensités au quotidien, mais également sur les périodes d’inactivité. Les notions d’activité physique et d’inactivité constituent les deux pôles d’un continuum et construisent un indice de dépense énergétique (le PAL : Physical Activity Level [44]). En revanche la sédentarité est évaluée sur la base d’activités (regarder la télévision, lire, jouer aux jeux vidéo…) inscrites dans un « mode de vie » ou un « style de vie » culturel et social. Les incitations à la pratique reposent sur le calcul et l’évaluation de l’énergie dépensée dans les activités de la vie quotidienne et du travail, la corrélation du surpoids avec un faible PAL et le conditionnement aux « loisirs passifs ». Dans les enquêtes épidémiologiques, ces indices pondérés par les caractéristiques morphologiques quantifient les dépenses énergétiques liées aux activités/inactivités, et sont complétés (selon les travaux) par des évaluations qualitatives de l’inactivité dans des loisirs, ou encore par le temps passé devant la télévision ou l’ordinateur.

18Le croisement de ces informations amplifie la mécanique du risque et naturalise les relations de causalité, en suggérant que la baisse de l’activité physique est liée à l’augmentation de la sédentarité, alors même que certains travaux incitent à la prudence [45]. En complément des analyses physiologiques, des indicateurs plus «macros» sont rapportés par les rapports officiels (Inserm 2000 ; politique nutritionnelle 2000). Ils établissent (à partir d’études réalisées dans les années 1995) une relation entre l’augmentation de l’obésité et la tendance séculaire à la baisse des apports énergétiques moyens, et une relation avec la hausse du temps accordé aux loisirs sédentaires, sans pour autant que le lien de causalité soit établi. Ce processus conduit, classiquement, à « naturaliser » les indicateurs de sédentarité (télévision, jeux vidéo…) retenus dans les enquêtes épidémiologiques. Ces indicateurs deviennent ainsi les « causes » les plus évidentes et les plus indiscutables de l’obésité [46], dans un contexte politique soucieux d’enrayer rapidement « l’épidémie », particulièrement chez les enfants et les adolescents.

Les sédentaires : un nouveau public à éduquer

19Les données fournies par les enquêtes visant à mesurer l’activité physique des Français ne sont pas homogènes. D’un côté, on constate, de façon optimiste, dans le « baromètre santé 2000 » [47] que 44% des Français ont fait du sport [48] au cours des sept derniers jours. Cet engagement « sportif » est d’autant plus valorisé qu’il est associé dans l’enquête à une motivation principale de santé et de bien être. Cependant, d’un autre côté, les Français ne sont pas aussi actifs qu’il le faudrait. En effet, dans le même rapport [49], seulement 11% des 18-75 ans affirment avoir pratiqué un sport la veille de l’interview. En ce sens, la précision des critères d’évaluation [50] de l’activité physique accroît la construction de la représentation du danger. La référence au seuil critique de 30 minutes d’activité physique modérée cinq jours par semaine, que retient SU. VI. MAX [51] en relation avec les données concernant la population nord-américaine, conduit à annoncer que 41,5% des hommes et 50,1% des femmes n’atteignent pas le niveau protecteur, proportion alarmante pour les pouvoirs publics. Les seuils d’activité physique minimum au quotidien constituent ainsi à la fin des années 1990 un repère popularisé permettant de différencier les sédentaires des actifs. Cette lecture plus pessimiste du taux de pratique conduit la politique nutritionnelle à inciter les Français à pratiquer davantage en accord avec les motivations de bien être et de santé, affichées par ces derniers. Si le discours scientifique évite d’opposer sédentarité et activité physique [52], le discours officiel reproduit à l’inverse la représentation profane d’une sédentarité définie par l’inactivité [53]. La sédentarité est identifiée par des occupations en position assise ou allongée, mais également symbolisée par le canapé ou la télévision. La politique nutritionnelle incitera les Français à se détourner d’activités à connotations casanières.

20Pour les pouvoirs publics, le sédentaire potentiellement intéressé par sa santé apparaît néanmoins comme la victime de son mode de vie. Cette représentation organise l’éducation à la santé en incitant à mieux manger et à mieux bouger. L’équilibre de vie ainsi conditionné pour lutter contre l’obésité, combinant le subtil balancement entre exercice et régime (déjà revendiqué par les médecins à la fin du XIXe siècle pour la prévention de la phtisie), est une réponse à un imaginaire de la dégénérescence porté par les progrès de l’homme et de la mécanisation. La théorie de la dégénérescence [54] liée à la sédentarité se présente tout à la fois comme le résultat d’une maladie –qu’elle soit sociale ou organique– et comme une cause favorisant l’apparition d’autres maladies (maladies cardiovasculaires, obésité…) [55]. Elle constitue le fond commun d’un hygiénisme préventif fondé sur la responsabilité individuelle par rapport à la reproduction de la maladie. Le spectre de la passivité conditionne une nouvelle morale de l’effort.

II – « Manger bouger » : l’incorporation d’une morale de l’effort

21Alors même que dans le Programme nutrition santé, l’activité physique ne représente qu’un facteur de régulation parmi d’autres, Jean-François Mattéi, ministre de la Santé, la replace au centre d’une campagne promotionnelle le 11 Février 2004 : « L’idée n’est pas de valoriser une activité physique intensive, mais de montrer comment, dans sa vie quotidienne, on peut simplement développer une activité physique ».

22Organisée et diffusée par l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES), la campagne de promotion de l’activité physique met en scène les valeurs sociales de l’effort et de la responsabilité, comme l’illustre le slogan « la santé vient en bougeant ». L’enjeu des campagnes de prévention promues par les politiques de santé publique est de « chercher des prises symboliques dans les représentations qui sous-tendent les pratiques à risque pour tenter d’en renverser la valence et valoriser un style de vie plus sain »[56]. Elles se présentent sous la forme de communications persuasives et permettent d’instaurer de « l’intérieur » un pouvoir de contrôle qui guide la responsabilité individuelle face aux risques. Nous verrons que cette morale en action favorise pour les classes supérieures l’appropriation de nouvelles normes visant à combattre des comportements socialement perçus comme déviants dans des milieux où la minceur est signe d’excellence corporelle. Les campagnes promeuvent une pédagogie de la volonté, censée diminuer la fonction anxiogène, voire aliénante, des régimes alimentaires en démédicalisant la prévention de l’obésité et en tentant de l’instaurer en norme sociale.

a – Responsabiliser les individus

23L’obésité représente en soi un facteur de risque reconnu pour certaines pathologies chroniques. La lutte contre l’obésité prend en compte le surpoids respectant en cela les principes de la construction culturelle des risques [57] à partir de la défense d’une morale et d’une identité. Si la perspective médicale curative organise la prise en charge de l’obésité (considérée comme une maladie), le discours préventif moral prévaut et désigne la responsabilité individuelle du sujet en surpoids comme la condition du changement des habitudes de vie et de la volonté d’agir pour sa santé. Dans ce cas, à la différence de l’obésité, stigmate corporel visible, le surpoids est une atteinte invisible [58], un facteur de risque silencieux [59] objectivable certes par la mesure, mais également indicateur social d’un mode de vie sédentaire. La sédentarité est traitée dans les campagnes médiatiques d’éducation pour la santé comme une conduite déviante et pathogène. Elle est associée plus généralement à d’autres imaginaires de la dégénérescence qui participent au processus de stigmatisation sociale des conduites « dangereuses » (dépendance, enfermement, vieillissement).

24La médiatisation de la lutte contre la sédentarité (campagne de communication du 12 février au 14 mars 2004) a pour objectif de « déconditionner » les sujets obèses et, surtout, en surpoids, à partir d’un processus de culpabilisation structuré en trois étapes.

25La première, qualifiée « de prise de conscience des enjeux de santé publique », stigmatise directement la sédentarité. Un canapé, une paire de pantoufles ou encore un poste de télévision sont présentés comme des « activités à haut risque » sur les affiches de la campagne. L’argumentation évoque l’inactivité comme néfaste pour la santé, provoquant de multiples pathologies.

26La deuxième étape consiste à « dédramatiser l’effort lié à l’activité physique en insistant sur le caractère naturel et quotidien de celui–ci ». Un spot télévisé met en scène, sur les mêmes plans, des adultes se déplaçant paisiblement dans des activités routinières aux côtés d’enfants qui, dans les mêmes activités, sont beaucoup plus mobiles et intrépides. Une voix off rappelle : « Ne perdons pas l’envie de bouger en grandissant ». L’inactivité est présentée comme la conséquence d’une évolution négative du mode de vie et comme l’expression d’un conditionnement social. La référence au naturel et à la spontanéité des enfants objective la distinction santé/maladie. Le message touche à la structure de la corporéité en jouant sur la continuité du développement corporel (imaginaire de la bonne nature) et sur les ruptures emmenées par le mode de vie (imaginaire de la mauvaise culture) [60].

27La diffusion de spots radio dont « l’objectif est le passage à l’acte » organise la troisième étape. Sur un fond sonore symbolisant le déroulement du temps, une voix présente les aménagements possibles d’une activité physique dans le contexte des activités quotidiennes et comptabilise les séquences d’activités susceptibles d’atteindre les 30 minutes (temps minimal de pratique quotidienne). Le message établit un lien entre l’activité imposée par les déplacements courants et leurs bénéfices incidents sur la santé. L’aménagement de significations instituant le geste quotidien en comportement de santé énonce « qu’il suffit d’y penser ». En inscrivant l’hygiène dans la continuité des actes de la vie quotidienne, les messages visent l’incorporation d’un nouvel espace-temps dédié à la santé qui devient, au sens strict, omniprésente, et jouent sur le renforcement mimétique des usages du corps au quotidien (tout le monde va chercher sa baguette de pain, prend les escaliers…). Ces trois phases tentent de façon subtile d’initier l’incorporation des contrôles.

28La diffusion des normes d’hygiène portées par une épidémiologie de la sédentarité est objectivée par la volonté de « bouger » et le rejet de l’asservissement corporel aux nouvelles technologies. Elle s’appuie sur une communication portée par les modèles, classiques en psychologie sociale, des modifications comportementales [61]. Il s’agit, à la fois, de renforcer l’effet de menace que la sédentarité fait peser sur le corps, d’activer chez le sujet des croyances positives par rapport à un vécu déjà incorporé (dynamisme enfantin), et de réduire la vulnérabilité perçue par un inventaire de solutions accessibles. L’efficacité de ces modèles repose sur le principe d’une rationalité individuelle instaurant la sédentarité, d’une certaine manière, en contre-valeur personnelle. La promotion officielle des activités physiques utilise des stratégies de conversion privilégiant des usages distancés du corps [62], davantage en harmonie avec les valeurs sanitaires des classes moyennes et supérieures, pour lesquelles la santé est énoncée comme la conséquence d’un « équilibre de vie » en phase avec « la résultante collective des politiques publiques et de l’action de l’Etat » [63]. Le risque est grand, face à ces modes de communication, de renforcer ce que Didier Fassin [64] caractérise comme une « incorporation » des inégalités sociales de santé. En effet, le message des campagnes publicitaires autour de l’accessibilité des conduites hygiéniques ignore les inégalités sociales de santé, comme si pratiquer 30 minutes d’activité physique par jour était indépendant de l’ordre économique et culturel et des styles de vie [65]. Or, la reproduction, voire l’accroissement des inégalités de santé, repose dans cette médiation sociale sur un double processus d’exclusion des classes populaires. D’une part, l’appel à la responsabilité individuelle par rapport à l’adoption de conduites d’hygiène s’accorde statistiquement avec les socialisations des classes supérieures en termes de pratiques corporelles. D’autre part, les sollicitations corporelles envisagées autour de l’injonction « bougez » représentent socialement un déni de la culture somatique des classes populaires et de son ancrage dans les usages et les symboliques d’un corps déjà fonctionnel.

29L’appel à la responsabilité individuelle pour l’accomplissement quotidien d’un exercice physique s’inscrit dans une éducation de la volonté portée par la politique nutritionnelle agrégeant, dans le même temps, injonctions sur l’alimentation et activité physique.

b – Eduquer la volonté

30L’éducation de la volonté se présente sous une double logique, qui s’installe au début du XIXe siècle [66] chez les pédagogues de l’hygiène, établissant explicitement une relation entre faiblesse physique et déficit de savoir. Tout d’abord, la capacité discriminative est éducable par une intervention sur les préjugés qui conduit à libérer l’homme sain des connaissances profanes. Ensuite, l’éducation de la volonté est compatible avec un certain rapport au plaisir et le renforcement de l’estime de soi. La pédagogie d’une « subjectivation » (au sens de Michel Foucault) tente d’autonomiser les habitudes de vie des rapports sociaux de classes par un processus de psychologisation de la conduite. En d’autres termes, il s’agit d’inciter les individus à « convertir » leur habitus physique indépendamment de leur habitus de classe.

31Un certain nombre de dispositifs publicitaires et d’outils pédagogiques destinés au public sont mis en place simultanément au cours des différentes campagnes sur la politique nutritionnelle en France (2001 à 2005). La valorisation de l’activité physique prend ses distances à l’égard des dimensions compétitives du sport. Elle complète en même temps la culture nutritionnelle en valorisant les aspects hédoniques de l’alimentation. Dans le projet de démédicalisation de l’obésité, l’activité physique est utilisée comme une voie de libération de la diète assimilable à une «voie du salut » au sens wébérien du terme.

Faciliter le contrôle de soi au quotidien

32Le lancement du programme Plan National Nutrition Santé (PNNS) par Dominique Gillot (2001), alors secrétaire d’État, se présente comme un plan « constructif » conçu non pour lutter « contre certaines pathologies ou facteurs de risques, mais pour la promotion d’un déterminant majeur de santé : bien manger. Ce programme récuse l’interdit et favorise l’information… ». Le respect de la liberté individuelle face à la consommation, principe central de l’ensemble des phases du programme, conduit préférer une action éducative en profondeur concernant tous les moments et domaines de la vie quotidienne (travail, école, temps libre…) à l’injonction impositive. Ce principe est repris dans la promotion des campagnes nutritionnelles dans les centres de soins [67] à l’occasion du lancement de l’activité physique comme volet complémentaire à l’alimentation. La communication officielle exprime à la fois le souhait de libérer le mangeur et de le responsabiliser sur ses conduites alimentaires. Sous couvert d’une grande permissivité, le programme nutritionnel opérationnalise dans le registre de l’éducation du goût (propositions de recettes, protection de la culture …) le souci de plus en plus permanent de favoriser chez les sujets un comportement discriminatoire dans le domaine alimentaire et de démystifier la souffrance imposée par l’effort physique [68] en neutralisant les notions d’effort et de souffrance physique attribuées au sport au profit de l’activité physique modérée comme principe d’hygiène. Celui qui mène une vie saine n’est pas nécessairement un sportif : « Il n’est pas nécessaire de pratiquer un sport pour avoir une activité physique. Inutile que celle-ci soit intense ou structurée … Elles sont réalisables par des sujets qui n’aiment pas le sport…les bénéfices sont proportionnels à la quantité d’activité plus qu’à son intensité… »[69]. Le plaisir de la pratique, et ses vertus, jadis attribuées aux « promenades de santé », sont réintroduits dans la quotidienneté, en favorisant un progrès sur soi résultant du meilleur rendement entre type d’effort et bénéfice de santé. Paradoxalement, tandis que l’intensité de l’effort n’apparaît pas dans le discours comme une variable structurante de la mobilité corporelle, elle resurgit (« marche rapide ») dans la classification justifiant pourtant l’efficacité de l’exercice modéré. Les usages du corps quotidiens s’inscrivent dans la gestion personnelle de l’énergie objectivée et mesurée par le nombre de calories gagnées et perdues [70]. L’effort est une démarche morale, bien au-delà du physique, similaire dans l’esprit aux campagnes hygiéniques du XIXe siècle [71]. L’engagement personnel à s’exercer quotidiennement jusqu’au seuil minimum des « 30 minutes par jour » n’est pas l’objet d’un apprentissage de « techniques du corps », mais d’une conquête de soi en tout instant : « prendre l’escalier plutôt que l’ascenseur », « sortir le chien plus longtemps de d’habitude », « descendre un arrêt de bus ou du métro plus tôt », « mettre plus d’énergie dans les gestes et activités au quotidien… ». Il recouvre, dans un projet de santé publique plus utilitaire, les dimensions promues par la recherche du bien-être et développées par les pratiques d’entretien du corps dans les années 1980 autour de « la nécessité de se prendre en charge et de s’affirmer pour soi-même» [72].

Une psychologisation du corps sain

33Les outils pédagogiques produits par l’INPES [73] font clairement apparaître les stratégies d’autocontrôle fondées sur la dissonance cognitive afin d’atteindre la personnalité composite du « mangeur » et du « sédentaire ». Les guides se présentent comme un recueil de portraits permettant à chacun de trouver, en miroir, son mode vie en mettant en scène des ajustements personnalisés entre les conduites alimentaires et la mobilité corporelle. Les deux brochures instaurent d’emblée la volonté préalable d’une morale en action : « je veux faire ce qu’il faut pour protéger ma santé ! ». Le guide sur l’alimentation comprend 25 portraits construits à partir de nombreuses dimensions sur un modèle anthropologique et sociologique de l’alimentation (goût, religion, économie, peurs, relations sociales, esthétique corporelle…). A contrario, le guide sur l’activité propose seulement cinq portraits, sur le continuum « autodétermination » et « non autodétermination ». Tout d’abord, un questionnaire d’autoévaluation de l’activité physique dans différentes conditions (travail, loisir, mobilité quotidienne) permet au sujet de se situer entre le profil « très actif » et « très peu actif » à partir du score obtenu. La prise de conscience de son niveau de sédentarité incite le lecteur « non autodéterminé » à chercher les raisons de sa passivité, soit dans l’absence de contrôle des facteurs externes (« je n’ai pas le temps de pratiquer une activité physique »), soit dans le manque de lucidité par rapport aux facteurs internes (« je n’ai pas la force de faire 30 minutes d’activité physique chaque jour »), ou encore dans l’absence de motivation (« j’ai de bonnes raisons pour ne pas faire du sport »). Le renforcement des contrôles pour le « mangeur » passe par l’éveil des connaissances et l’adaptation aux styles de vie tandis que, pour le sédentaire, le levier motivationnel s’inscrit dans la rédemption.

34La comparaison de la symbolisation des représentations du corps [74] dans les deux guides révèle plus finement les voies privilégiées par le processus de « subjectivation » à l’égard du « mangeur » ou, au contraire, du « sédentaire ».

35Dans le guide sur l’alimentation, les bienfaits de santé corroborent les dimensions sociales de l’alimentation centrées sur les « bénéfices que l’on tire de certains produits », « les avantages de préparer sa cuisine et choisir ses aliments », bref de composer avec la diversité des produits. Bien manger accompagne ainsi la libération du corps à l’égard des diètes ou des régimes et apparaît comme le résultat d’une certaine inventivité réglée par quelques principes simples. Il ne s’agit pas de fournir des recettes nouvelles aux méthodes compliquées mais, plutôt, d’éduquer le consommateur. Toute une intelligibilité de la nutrition est alors construite dans le rapport sensuel au plaisir du goût et au bien être, suggérant la compréhension quasi cognitive des effets de l’alimentation sur le corps. La rhétorique de l’alimentation équilibrée prend le contre-pied des images archaïques de l’empoisonnement ou de la souillure pouvant éveiller l’hostilité vis-à-vis de l’aliment [75]. Les représentations du corps insistent à l’évidence sur la transformation des substrats énergétiques à toutes les étapes de la digestion. Le guide introduit une véritable didactique du transit dans ses aspects chimiques et mécaniques, intégrant la fonction des organes dans le métabolisme des aliments. Le corps est décrit de l’intérieur et principalement du point de vue viscéral.

36A un autre niveau, la famille apparaît comme le lieu de socialisation privilégié pour transmettre et «individualiser» la culture du goût, en particulier pour les enfants. Il s’agit non seulement de comprendre leurs besoins spécifiques, mais également de les protéger de « la séduction qu’exercent les produits fast food ». Ces processus de socialisation familiaux sont censés participer à la constitution des « esprits individuels » par incorporation des normes. On peut dire, avec Bernard Lahire [76], qu’il s’agit d’une « psychologisation sociologisante » de la constitution des rapports à l’alimentation en privilégiant le rôle des « configurations familiales ».

37Dans les deux guides, les situations d’exercice physique (« marcher, bricoler, jouer avec ses enfants, faire du sport, danser, randonner… ») fonctionnent comme les « gardes du corps » des sujets par rapport à la sédentarité. La question du choix est soumise ici, non pas à un exercice de l’imagination, mais à celui de la volonté. Il s’agit, dans tous les cas, d’un travail de résistance, d’utilisation du temps et de réorganisation l’espace. D’un côté, la dimension spatio-temporelle organise la rhétorique des guides à partir d’une temporalité rythmée par la journée, la soirée, la semaine, le week-end. D’un autre côté, le travail, le métro, la famille, la cage d’escalier structurent l’espace… Le conditionnement spatio-temporel (« prenez les escaliers plutôt que l’ascenseur pour rentrer chez vous ») règle les limites d’une discipline du corps qui retrace, en relation avec leur fonction énergétique, des itinéraires du quotidien. Dans le guide alimentaire, la représentation du corps devient uniquement un objet d’attention : « soyons attentif à notre corps », « notre corps a besoin de bouger ». La description évoque les fonctions sanguines et musculaires sans détour didactique. Les thèmes de la famille et des enfants sont présentés comme des lieux de convivialité pouvant exercer un effet d’entraînement : « il s’agit de faire les activités en famille ». L’enfant n’est pas posé comme un sujet d’éducation, mais comme un modèle de vitalité. Il induit des comportements par sa proximité et l’identification corporelle à ce que l’adulte était : « accompagner les enfants à l’école », « marcher aussi vite que les enfants sur le trajet scolaire… ».

38Ainsi, les représentations du manger / bouger, au sens de « mise en scène » du corps telles que les décrit Erving Goffman [77] à propos de la différenciation des sexes dans la publicité, s’organisent et se complètent pour former en somme un système symbolique. Les unes suggèrent la libération du sujet et la reconstruction d’une éthique de l’alimentation basée sur le libre choix, l’intelligence de la protection de soi et d’autrui. Pour les autres, la bonne hygiène de vie doit être conquise, à l’intérieur d’un espace-temps incompressible, à l’aide de la volonté. Les logiques représentationnelles autour de l’acte alimentaire reposent sur la constitution d’un code de communication permettant d’exercer, en les valorisant, les croyances et les imaginaires en rupture avec les recommandations restrictives et correctrices. A l’inverse, la représentation de l’exercice physique s’impose comme une discipline traditionnellement inscrite dans une morale de l’effort permettant de reconquérir un corps propre, léger, « transparent » pour reprendre l’archétype d’apesanteur [78] sur l’analyse des imaginaires de l’alimentation.

39Cette nouvelle forme de libération du corps telle qu’elle est pensée plus communément ici par les acteurs de l’éducation pour la santé dans l’appréhension des politiques nutritionnelles est socialement située, très proche en fait de l’ethos des catégories sociales les plus cultivées auxquelles appartiennent, d’ailleurs, les promoteurs de ces campagnes. Cette morale de l’effort, reprend en partie les mécanismes à l’œuvre à la fin du XIXe siècle [79] et au cours du XXe siècle dans les campagnes hygiénistes [80]. Les pratiques orthopédiques du XIXe siècle concernant les phtisiques associaient l’effet libérateur d’un exercice programmé à une meilleure oxygénation. A ce propos, Georges Vigarello [81] montre en quoi la métaphore du « corps brûleur ordonne et réglemente une stratégie. L’exercice n’est plus distribution diffuse des épuisements et des peines, il est organisation d’une dépense calculée et répétée ». Il rappelle aussi comment cette stratégie s’inscrit dans une perspective de contrôle social, au sens foucaldien du terme. La lutte contre l’obésité, en ce sens, réintroduit la représentation du corps énergétique et « brûleur » de calories. Néanmoins, tandis que la libération des prothèses supprimait un carcan matériel extérieur, c’est une libération psychique, plus subjective, qui est ici visée. Il s’agit bien d’une conception socialement située de la liberté et du contrôle de soi plus adaptée aux classes moyennes citadines prédisposées à intégrer dans la routine des activités quotidiennes les préconisations du programme d’exercice. Ce travail de soi, porté par l’auto-suggestibilité, améliore la visibilité d’une discipline du corps et, par effet d’entraînement, uniformise les usages collectifs du corps. On peut souligner ici le paradoxe d’une libération du corps tendue vers la longévité. Elle conjugue classiquement les visées hédonistes de l’alimentation et ascétiques de l’exercice, instaurant le contrôle nutritionnel en « devoir de plaisir » et en « morale de l’effort ». L’imaginaire d’un corps libéré, allié à l’utopie sanitaire portée par la visée généreuse de la promotion de la santé, objective la domination économique et symbolique des classes favorisées. Elle relève d’une construction qui, « substituant la séduction à la répression, les relations publiques à la force publique, la publicité à l’autorité, la manière douce à la manière forte, attend l’intégration symbolique des classes dominées de l’imposition des besoins plus que de l’inculcation des normes » [82]. On peut imaginer aisément qu’une nouvelle économie autour de la gestion des loisirs et de l’aménagement du territoire structure ces besoins et, par là-même, les reproduise [83].

Conclusion : le statut social de la sédentarité

40Les prédictions épidémiologiques sur les bénéfices de l’activité physique portées par les médecins du sport, les nutritionnistes et les promoteurs des politiques de santé publique, structurent politiquement une « entreprise de morale » qui interroge le statut de la sédentarité et ses effets induits sur le mangeur, certes, mais aussi le statut du malade chronique. Il semble que la « médecine prend, au nom de la seule vérité, un pouvoir immense sur les espaces intimes, entretenant une série de dé-liaison et de ruptures de plus en plus problématiques, entre une réalité construite de l’extérieur et des préoccupations quotidiennes des sujets sociaux. Il s’agit d’un endommagement anthropologique du corps » [84].

41Les campagnes officielles, en condamnant la sédentarité comme nouvelle conséquence d’un mal social et en prônant un ordre de mobilité dans l’injonction « bougez », misent sur une représentation fonctionnaliste du corps et une conception de l’homme libre de ses choix, rationnel dans ses décisions et réactif face à la peur. Cette attitude, qui a été dénoncée par les sociologues de l’alimentation [85] comme une conséquence de la médicalisation dans la lutte contre l’obésité, conjugue connaissances scientifiques et discours moral. Si le travail sur les représentations de l’acte alimentaire consiste à créer les conditions d’un « apprentissage du plaisir » et se développe en référence à une sociologie des goûts, les représentations de la sédentarité obligent, en revanche, à l’effort sur soi, suivant une théorisation psychologique de l’engagement moral.

42Les dispositifs de conversion décrits à travers les campagnes et dans l’élaboration des guides visent, dans leurs interactions entre éducation du goût et exercices du corps, à renforcer le « contrôle interne ». Ils montrent que si, dans le cas de l’alimentation, il s’agit de faire jouer plutôt les références culturelles et de les conjuguer sélectivement avec des modes de vie, voire même avec la précarité [86], dans le cas de l’activité physique il est en revanche question de solliciter une réaction d’éveil face à une menace sournoise. Le risque n’est-il pas d’accroître, par ces stratégies de communication, les inégalités de santé et plus encore d’enfermer certaines catégories sociales, voire même des malades chroniques, dans une nouvelle forme de stigmatisation ?

43L’analyse des comportements sédentaires n’est pas réductible à une description des périodes d’activités ou d’inactivité. L’approche épidémiologique et biologique de « l’inactivité » mérite d’être complétée par le point de vue des sciences humaines et sociales. La question de la sédentarité, de la mobilité et des activités qui les accompagnent devraient être saisie comme des pratiques qui réfèrent à des usages sociaux du corps et comme la résultante de transactions qui s’opèrent dans des systèmes culturellement déterminés. Bref, il faudrait introduire, dans le débat sur la politique nutritionnelle, une sociologie des pratiques culturelles concernant le jeu, le sport et plus généralement l’activité physique.

Notes

  • [1]
    Cf. les campagnes de l’institut national de la prévention et de l’éducation à la santé (INPES) développées depuis 2004 en direction de la population générale, des adolescents, des plus de cinquante-cinq ans.
  • [2]
    Plus précisément il s’agit « d’augmenter de 25% la proportion de personnes, tous âges confondus, faisant par jour l’équivalent d’au moins 30 minutes d’activité physique d’intensité modérée, au moins cinq fois par semaine : passer de 60% pour les hommes et 40% pour les femmes actuellement, à 75% pour les hommes et 50% pour les femmes d’ici à 2008 ». Nutrition et activité physique, J.O., n° 185 du 11/08/2004 texte numéro 4.
  • [3]
    Cette notion, empruntée à Gusfield (1963), suggère que la mobilisation politique en faveur de l’activité physique ne réside ni dans la dimension « morale» des préoccupations sanitaires, ni dans un militantisme réactionnaire, mais dans les croyances idéalistes et universelles d’une santé publique, telles celles contenues dans la charte d’Ottawa de 1986. Gusfield, Joseph. 1963. Symbolic Crusade. Status Politics and the American Temperance Movement, Urbana, Chicago, Londres, University of Illinois Press.
  • [4]
    Cf. Léonard, Jacques. 1981. La médecine entre les pouvoirs et les savoirs, Paris, Aubier Montaigne ; Rauch, André, 1982. Le corps en éducation physique, Paris, Presse Universitaires de France ; Vigarello, Georges. 1978. Le corps redressé : histoire d’un pouvoir pédagogique, Paris, Delarge.
  • [5]
    Cette notion développée par Foucault (Foucault, Michel. 1976. La volonté de savoir, Paris, Gallimard) est reprise par Berlivet (Berlivet, Luc. 2004. « Une biopolitique de l’éducation pour la santé : la fabrique des campagnes de prévention », in Fassin, Didier et Memmi, Dominique (dir.). Le gouvernement des corps, Paris, EHESS, p. 38-75).
  • [6]
    Crawford, Robert. 1981. « C’est de ta faute : l’idéologie de la culpabilisation de la victime et ses applications dans les politiques de santé », in Bozzini, Luciano et Renaud, Marc (dir.). Médecine et société. Les années 80, Montréal, Saint-Martin, p. 481-512.
  • [7]
    Setbon, Michel. 2000. « Les risques sanitaires », Médecine / sciences, 11, 16, p. 1203-1206.
  • [8]
    Le 16 Mai 2000, le Comité National Olympique Sportif Français, sous l’égide de sa mission médicale, crée la « Fondation Sport Santé », dont les missions seront principalement tournées vers la lutte contre le dopage. En 2003, Pierre Henri Bréchat, médecin inspecteur de santé publique, définit la place des APS dans la promotion de la santé publique en insistant « sur les bénéfices nombreux apportés par les APS de loisir et de soin à la qualité de vie des usagers, dans un souci de réduction des inégalités sociales de santé, tout en prenant en compte les risques liés à ces pratiques, dont les conduites dopantes ». Bréchat, Pierre Henri. 2003. « Promotion de la santé par les activités physiques et sportives et prévention des conduites dopantes », in Aeberhard, Patrick et Bréchat, Pierre Henri (Dir.). Activités physiques et sportives, santé publique, prévention des conduites dopantes, Vincennes, ENSP. p. 9-34.
  • [9]
    La mission de médecine du sport et de la lutte antidopage s’est engagée en 1995 dans une démarche qui vise le développement de la pratique sportive dans un but de santé. (Rapport annuel du Ministère de la jeunesse et sport sur l’état de l’administration 1996). On peut toutefois noter que dans le rapport 2002 de cette même administration la santé n’est abordée qu’en lien avec le dopage.
  • [10]
    Fassin, Didier. 2005. Faire de la santé publique, Paris, ENSP, p. 45.
  • [11]
    Comme le fait remarquer Becker (Becker, Howard. 1963. Outsiders. Etude de sociologie de la déviance. Paris, Métailié, p. 173) au sujet du réformisme moral et des lois générées par les militants, « les croisés de la morale s’intéressent moins aux moyens qu’aux fins… quand ils viennent à esquisser des réglementations spécifiques, ils font confiance à des spécialistes ».
  • [12]
    On peut se référer à l’analyse des campagnes de prévention suivant une approche Foulcadienne du « bio-pouvoir ». Berlivet, Luc. 2004. Une biopolitique de l’éducation pour la santé, la fabrique des campagnes de prévention, in Fassin, Didier et Memmi, Dominique (dir.). Op. cit.
  • [13]
    FASSIN, Didier, Faire de la santé publique, op. cit., p. 37.
  • [14]
    En référence au principe de « subjectivation » décrit par Foucault cf. Berlivet, Luc. Op. cit., p. 66.
  • [15]
    Créé par le décret n° 91.1216 du 3 décembre 1991.
  • [16]
    Le corpus est composé des rapports suivants : La santé en France, Rapport général, 1994, Ministère du travail et des affaires sociales / HCSP ; La santé en France, 1994-1998, Ministère du travail et des affaires sociales / HCSP ; La santé en France, 1996, Ministère du travail et des affaires sociales / HCSP ; Recueil des principaux problèmes de santé en France, d’après les rapports la santé en France 1994, 1998 et 2002 : contribution du HCSP à l’élaboration de la loi de programmation en santé publique. Décembre 2002 ; Pour une politique nutritionnelle de santé publique en France : enjeux et propositions. Juin 2000.
  • [17]
    Données de l’enquête Institut National des Sports et de l’Education Physique (INSEP) de 1985.
  • [18]
    Cette vision optimiste n’a rien d’évident quand on consulte les travaux de sociologie des sports sur la période postérieure à 1985-1990.
  • [19]
    405 000 jeunes scolarisés de 3 à 24 ans sont victimes d’accidents scolaires : 119 000 accidents de sport surviennent annuellement chez les 11-16 ans et 214 000 chez les 17-24 ans. Source : HCSP.
  • [20]
    « L’enquête européenne permanente Ehlass réalisée depuis 1986 dans les services d’urgence de huit hôpitaux français renseigne sur les causes, les mécanismes et les conséquences en terme d’hospitalisation des accidents qui conduisent à ces services. Elle montre des risques très diversifiés selon l’âge, et en schématisant à l’extrême on peut retenir les causes principales d’accidents suivantes :
    • avant un an => chutes d’un lieu élevé
    • 1- 4 ans => intoxications, brûlures, noyades, morsures
    • 5-15 ans => accidents scolaires
    • 16-25 ans => accidents de sport
    • 25-65 ans => accidents ménagers et de bricolage
    • après 65 ans => chutes de sa hauteur ». Cf. La santé en France 1994-1998, Paris, Ministère de l’emploi et de la solidarité, Haut Comité de la Santé Publique, p. 88.
  • [21]
    Etude épidémiologique menée par la société EVAL (bureau d’étude dans le domaine de la santé publique). Publiée dans La revue de santé publique, elle constituera un outil pour promouvoir l’activité physique modérée par les médecins du sport.
  • [22]
    Particulièrement les médecins du sport et les physiologistes.
  • [23]
    La valorisation d’un « sport santé » était déjà initiée en 1952 par le Dr Encausse, chef des services médicaux de la Direction générale de la Jeunesse et des Sports : Encausse, Philippe. 1952. Sport et santé. Précis de médecine sportive, Paris, A. Legrand.
  • [24]
    « La commission a choisi de parler d’APS pour permettre de s’adresser à la population en général incluant ainsi les sportifs de haut niveau, l’ensemble des sportifs et malades qui pratiquent l’activité physique pour améliorer leur qualité de vie » (Aeberhard, 2003).
  • [25]
    Cette commission est composée d’universitaires, de médecins de santé publique, de médecins du sport, de médecins spécialistes, d’attachés de l’administration centrale.
  • [26]
    Aeberhard, Patrick et Bréchat, Pierre Henri. 2003. Activités physiques et sportives, santé publique, prévention des conduites dopantes, Paris, ENSP, p. 215-244.
  • [27]
    Objectif du programme repris dans la loi n° 2004-806 relative à la politique de santé publique.
  • [28]
    Sallé, Loïc ; Lestrelin, Ludovic et Basson, Jean-Charles. 2006. « Le tour de France 1998 et la régulation du dopage sportif : reconfiguration des rapports de force », STAPS, n°73, p. 9-23.
  • [29]
    Pour une revue de question, voir Koralsztein, Jean-Pierre. 1986. La santé à l’épreuve du sport, Grenoble, Presse Universitaire de Grenoble.
  • [30]
    La promotion d’un « sport-santé » envisagée par les médecins du sport se construit dans un souci de fédérer, par le biais du mouvement sportif, les associations, les offices municipaux des sports, les animateurs… bref sur un ensemble de partenaires sociaux susceptibles de s’associer aux programmes d’évaluation du patient, de prescription de l’activité et de suivi de sa condition physique.
  • [31]
    « Le plus haut degré de priorité doit être accordé d’une part, aux groupes d’individus les moins actifs, en sachant que ce sont ceux qui tireront le plus de bénéfices à pratiquer régulièrement un exercice adapté et d’autre part, aux plus jeunes » Cf. Garnier, Alain. 1996. « Santé et activités physiques et sportives », actualité et dossier en santé publique, n°14, p. 1-39.
  • [32]
    Il était chargé de 1994 à 2000 du programme national antidopage.
  • [33]
    Garnier, Alain. 1996. « La pratique sportive en France : organisation et perspectives de promotion pour la santé », Actualité et dossier en santé publique, n°14, p. 5.
  • [34]
    Cf. le dispositif de « développement de la promotion de la santé par les APS par la planification sanitaire ». Bréchat, Pierre Henri. Op. cit., p 28.
  • [35]
    Pinell, Patrice. 2005. « Champ médical et processus de spécialisation », Actes de la recherche en sciences sociales, n°156-157, p. 4-36.
  • [36]
    La première conférence de consensus du 22 Novembre 2005 « sur l’activité physique adaptée à la prévention ».
  • [37]
    Rieu, Michel. 1996. « Aspects bénéfiques de la pratique des activités physiques et sportives », Actualité et dossier en santé publique, n°14, p17.
  • [38]
    Nouveau-Duburcq, Anne. 2000. « Activité physique : une prescription médicale authentique », Concours medical, n°26, p 20.
  • [39]
    Sur l’analyse de l’alcoolisme en France comme maladie sociale, Dargelos, Bertrand. 2005. « Une spécialisation impossible, l’émergence et les limites de la médicalisation de la lutte antialcoolique en France (1850-1940) », Actes de la recherche en sciences sociales, p. 156-157.
  • [40]
    Elles font référence au Surgeon General Report (1996. US Department of Health and Human Services, Physical activity and health. A report of the Surgeon General, Atlanta, CDC) qui est le premier rapport officiel sur l’activité physique et ses bénéfices pour la santé, publié en 1996 par le département de santé américain. Il introduit, sur fond de valorisation de l’identité sportive américaine (olympiades d’Atlanta), une mise en garde contre la sédentarité liée aux modes vie. Il promeut la nécessité de maintenir une activité physique régulière et modérée tout au long de la vie, qui ne soit pas confondue avec la performance des sportifs de haut niveau. La notion d’activité physique y est définie comme « tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques qui entraîne une augmentation substantielle de la dépense d’énergie au-dessus de la dépense énergétique de repos ». L’activité physique ne se confond plus dès lors avec la pratique sportive. La distinction s’opère plus précisément en fonction du contexte. Deux situations sont envisagées ; l’une situe l’activité physique dans le registre des activités quotidiennes professionnelles, ménagères, de déplacement ; l’autre place l’activité physique au centre des loisirs et du sport.
  • [41]
    Enquête « pratiques sportives 2000 » du Ministère de la Jeunesse et sport et de l’INSEP ; Guibert, Philippe ; Baudier, François et Gautier, Arnaud. 2001. Baromètre santé 2000, Vol 2. Vanves, Comité Français d’Education pour la Santé.
  • [42]
    Données préliminaires obtenues récemment par l’analyse de 8. 500 questionnaires d’activité physique chez les sujets de la cohorte SU. VI. Max Cf. Oppert, Jean-Michel. « Activité et inactivité physiques dans un échantillon national d’adultes d’âge moyen : l’étude SU. VI. Max (abstract) 2000 », Réunion Annuelle de l’Alfediam (Grenoble, mars 2000). Dans cette population, 10,2% des hommes et 12,2% des femmes étaient inactifs au cours des loisirs, et 41,5% des hommes et 50,1% des femmes n’atteignaient pas le seuil d’activité physique recommandé à la population générale (30 minutes ou plus d’activité physique d’intensité modérée quotidienne).
  • [43]
    Pour Didier Fassin, « ce ne sont pas seulement des réalités biologiques que les spécialistes mettent au jour, ce sont aussi des faits épidémiologiques qu’ils construisent ». Fassin, Didier. Faire de la santé publique, op. cit., p. 37.
  • [44]
    Ainsworth B. E. ; Haskell, W. L. ; Leon, A. S. ; Jacobs, D. R. ; Montoye, H. J. ; Sallis, J. F. et Paffenbarger, R. S. 1993. « Compendium of physical activities: classification of energy costs of human physical activities », Medecine Science Sports Exercice, n°25, pp 71-80.
  • [45]
    Martinez-Gonzalez ; M. A., Martinez, J. A. ; HU, F. B ; Gibney, M. J. et Kearney, J. 1999. « Physical inactivity, sedentary lifestyle and obesity in European Union », International Journal Obesity, n°23, p. 1192-1201.
  • [46]
    2005. « La télévision, principale cause d’obésité chez les collégiens », Le Monde, 9 février.
  • [47]
    Prisse, Nicolas. 2002. « Caractéristiques et éléments d’organisation de la pratique des activités physiques et sportives en France », in Aeberhard, Patrick et Bréchat, Pierre Henri (dir.). Activités physiques et sportives, santé publique, prévention des conduites dopantes, Paris, ENSP, p. 35-62.
  • [48]
    La notion reste vague et signifie plus activité physique que sport au sens strict d’une pratique fédérée.
  • [49]
    Les données sont rapportées dans le rapport : Pour une politique nutritionnelle en France, publié en 2000 et commandé par une saisine ministérielle le 17 Mai 1999.
  • [50]
    La communauté scientifique s’interroge sur les conditions minimales d’usage de l’exercice physique. Les recommandations passent de 20 minutes d’activité physique d’intensité élevée, trois fois ou plus par semaine (ACSM 1990)50, à au moins 30 minutes d’activité physique d’intensité modérée, cinq jour par semaine (CDC-ACSM 1995). Ces conditions d’exercice constitueront des règles d’usage promues par le PNNS (2000).
  • [51]
    Oppert, Jean-Michel. Op. cit.
  • [52]
    Mantey, K. ; Encrenaz, N. ; Helynck, B. ; Guigné, C. et Castetbon, K. 2005. « Surpoids et obésité chez les élèves de sixième scolarisés dans les collèges publics du département de Haute-Savoie », Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, n°6 : « Ce n’est pas tant le lien entre activité physique et surpoids qui semble prépondérant, mais plutôt celui entre sédentarité et surpoids ». L’activité physique et la sédentarité sont actuellement présentées comme « deux dimensions différentes et indépendantes du comportement de mouvements associés respectivement de façon favorable et défavorable à l’état de santé » (Rapport 2005, Activité physique et santé, PNNS).
  • [53]
    « Par opposition à l’activité physique, le comportement sédentaire est l’état dans lequel les mouvements sont réduits au minimum et la dépense énergétique proche de celle du repos. Le mot sédentaire vient du latin sedere qui signifie être assis » (2004. L’activité physique au quotidien protège votre santé, Paris, Dossier de presse PNNS, Direction générale de la santé, INPES).
  • [54]
    Cette théorie a été formalisée par les canadiens par la modélisation d’un cycle enfermant intitulé : « le syndrome des 3H : hypodynamie, hypokinésie, hypoxie ». Simard, C. ; Binet, M. et DUBE, A. 1993. « Impact du sédentarisme et de l’activité physique sur les fonctions mentales : intégration avec la CIDIH », in Journée d’étude Franco-Québécoise en A.P.A., Le Défi Sportif.
  • [55]
    L’Organisation mondiale de la santé et la Fédération internationale de médecine du sport, en 1994, introduisent leur déclaration commune en fustigeant l’inactivité. « On constate aujourd’hui un énorme gaspillage de potentiel humain que l’on peut attribuer à l’inactivité physique… Les hommes qui ne font pas suffisamment d’exercice physique risquent deux fois plus que leurs homologues plus actifs d’être atteints de cardiopathie ischémique…la sédentarité est un facteur important de mauvaise santé et de décès prématuré».
  • [56]
    Berlivet, Luc. Op. cit., p. 45.
  • [57]
    Bajos, N. et Ludwig, D. 1995. « Risque construit et objectivation du risque : deux approches de l’adaptation au risque de transmission sexuelle du sida », in Doré, V. ; Souteyrand, Y. ; Bozon, M. ; Giami, A. (dir.). Sexualité et sida, Paris, ANRS, coll. « Sciences sociales et sida », p. 199-220.
  • [58]
    Il n’est identifiable que par l’Indice de Masse Corporelle (pour l’adulte) ou la comparaison du poids à la courbe normale (pour l’enfant)
  • [59]
    Journée nationale de dépistage sur l’obésité infantile, 6 Janvier 2005 : « On ne devient pas obèse du jour au lendemain », rappellent les pédiatres, « la plupart du temps, on ne s’en rend pas compte au début » (AFPA) Association Français de Pédiatrie Ambulatoire (Le Monde, 7 Janvier 2005).
  • [60]
    Herzlich, Claudine. 1969. Santé et maladie, analyse d’une représentation sociale, Paris, EHESS.
  • [61]
    Théorie de la motivation à se protéger, élaborée à partir du Health Belief Model (HBM) Cf. : Rogers, R. W. 1983. « Cognitive and physiological processes in fear appeals and attitude change: a revised theory of protection motivation», in Cacioppo J. T. et Petty, R. E. (dir.). Social psychophysiology: A source book, New York, Guilford Press. Rosenstock, I. M. 1974. « The health belief model and preventive health behavior», Health Education Monograph, n°2, p. 35-86.
  • [62]
    Boltanski, Luc. 1971. « Les Usages sociaux du Corps », Annales ESC, n°26, p. 205-233.
  • [63]
    Pierret, Janine. 1984. « Les significations sociales de la santé », in Augé Marc et Herzlich, Claudine. (dir.). Le sens du mal. Anthropologie, histoire, sociologie de la maladie, Paris, Archives contemporaine, p. 217-256.
  • [64]
    Fassin, Didier. 1996. L’espace politique de la santé. Essai de généalogie, Paris, PUF.
  • [65]
    L’enquête ObÉpi (2006) confirme que la fréquence de l’obésité est inversement proportionnelle aux revenus : 19% des personnes obèses vivent avec moins de 900 euros par mois, tandis que 5% d’entre elles gagnent plus de 5301 euros. Par ailleurs, l’enquête décennale santé 2002-2003 établit une relation entre la précarité et la sédentarité.
  • [66]
    Vigarello, Georges. 1993. Histoire des pratiques de santé, le sain et le malsain depuis le moyen âge, Paris, Seuil.
  • [67]
    Campagnes successives lancées par les ministres de la santé : Mattei 2003, Mattei 2004, Bertrand 2006.
  • [68]
    Plusieurs guides sont successivement élaborés pour diverses populations : adolescents, personnes âgées, précaires…
  • [69]
    Dossier de presse « L’activité physique protège votre quotidien » 2004.
  • [70]
    Les questionnaires d’évaluation de l’activité physique utilisés comme référence dans les dernières enquêtes en santé publique (Baromètre santé 2005, Etude nationale nutrition santé ENNS, 2006, InVS) permettent de faire une approximation en kilocalorie des dépenses quotidiennes d’activité physique (IPAQ). Ils ne portent pas d’intérêt aux aspects motivationnels et sociaux des usages du corps dans l’activité physique.
  • [71]
    Vigarello, Georges. Histoire des pratiques de santé…, op. cit.
  • [72]
    Travaillot, Yves. 1998. Sociologie des pratiques d’entretien du corps, Paris, PUF.
  • [73]
    La santé vient en mangeant, le guide alimentaire pour tous (2002, 3.700.000 exemplaires) ; La santé vient en bougeant, le guide nutrition pour tous (2004, 1.100.000 exemplaires).
  • [74]
    Cette analyse est menée à l’aide du logiciel d’analyse TROPES, qui identifie les références structurantes sous le terme de « référents noyaux ». Après avoir dégagé les références textuelles structurantes du discours sur la base des occurrences, nous avons retenu les catégories qui différencient quantitativement et qualitativement les guides. 5059 « référents-noyaux » sont catégorisés dans 56 classes. 87% d’entre eux décrivent le guide sur l’alimentation et 13% sont issus du guide sur l’activité physique. Nous ne faisons pas un état exhaustif des différentes classes, nous présentons uniquement les catégories qui apportent une représentation spécifique du traitement de la nutrition à partir d’une entrée sur l’alimentation ou sur l’activité physique.
  • [75]
    Durif-Bruckert, Christine. 2006. La nourriture et nous, Paris, Armand Colin.
  • [76]
    Lahire, Bernard. 1999. « De la théorie de l’habitus à une sociologie psychologique » in LAHIRE, Bernard (dir.). Le travail sociologique de Bourdieu : dettes et critiques, Paris, La Découverte.
  • [77]
    Goffman, Erving. 1977. « La ritualisation de la féminité », Actes de la recherche en sciences sociales, n°14, p. 34-50.
  • [78]
    Développé par Durif-Bruckert, Christine. 2006. « Le transfert des savoirs de santé vers le grand public : complexité méthodologique et enjeux psychosociaux », in Haas, Valérie. (dir.). Les savoirs du quotidien : transmissions, appropriations, représentations, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 137-155.
  • [79]
    Voir Eichler, 1909. « Mon système de 15 minutes de travail par jour pour la santé », Cité par Vigarello, G., Histoire des pratiques de santé…, op. cit.
  • [80]
    Voir ici la leçon quotidienne d’éducation physique à la radio, diffusée nationalement en 1943 par le Commissariat général à l’Education générale et aux sports.
  • [81]
    Vigarello, Georges. 1978. Op. cit.
  • [82]
    Bourdieu, Pierre. 1979. La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Editions de Minuit, p. 72.
  • [83]
    Dans le programme du PNNS 2, (éléments de bilan du PNNS et propositions de nouvelles stratégies pour le PNNS2 2006-2008, Février 2006) le plan d’action 10 qui vise « la promotion de l’activité physique dans la vie quotidienne et sur les lieux de travail afin de faciliter la pratique sportive de loisir pour tous », l’aménagement de la ville, la création de nouveaux services, l’emploi pour la mise en exercice du citoyen, l’ouverture de terrains de sports… accompagnent l’autodiscipline par des environnements « supportifs », tout en incitant à la responsabilité individuelle.
  • [84]
    Comme le note Durif-Bruckert, Christine. Op. cit., p. 152.
  • [85]
    Fischler, Claude. 1990. L’homnivore, Paris, O. Jacob ; Poulain, Jean-Pierre. 2002. Sociologies de l’alimentation, Paris, Presse Universitaires de France.
  • [86]
    Un guide est spécialement conçu pour favoriser des modifications d’habitudes alimentaires chez les précaires.
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