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Article de revue

« Un laboratoire parfait » ? Sport, race et génétique : le discours sur la différence athlétique aux Etats-Unis

Pages 7 à 43

Notes

  • [**]
    Je tiens à remercier Scott MacEachern, Jonathan Marks et Pap Ndiaye pour l’aide qu’ils m’ont apportée dans l’élaboration de ce texte. Il va sans dire que les erreurs et imprécisions qui y subsisteraient seraient entièrement de ma responsabilité.
  • [1]
    Entine, Jon. 2000. Taboo: Why Black Athletes Dominate Sports and Why We’re Afraid to Talk About It, New York, Public Affairs.
  • [2]
    « The Black Athlete: Fact and Fiction », produit et écrit par Jon Entine et Tom Brokaw, diffusé sur NBC le 25 avril 1989. Sur ce documentaire, Cf. Davis, Laurel R. 1990. « The Articulation of Difference: White Preoccupation With the Question of Racially Linked Genetic Differences Among Athletes », Sociology of Sport Journal, vol. 7, n°2, p. 179-187, et Mathisen James A. et Mathisen Gerald S. 1991. « The Rhetoric of Racism in Sport: Tom Brokaw Revisited », Sociology of Sport Journal, vol. 8, n°2, p. 168-177.
  • [3]
    Entine, Jon. Taboo. Op. cit., p. 10.
  • [4]
    L’utilisation d’un tel « colorisme » pour distinguer les individus soulève une double difficulté. Difficulté synchronique d’abord : il existe une multitude de teintes de la peau entre le noir le plus sombre et le blanc le plus pâle ; difficulté diachronique ensuite : la différenciation des individus en « noirs » et « blancs » n’a cessé de varier au cours de l’histoire. Aux Etats-Unis en particulier, cette difficulté est encore plus grande dans la mesure où une large majorité d’Africains-Américains a un ou plusieurs ancêtre(s) d’ascendance européenne et/ou indienne. On notera également que la classification raciale des groupes humains est une construction sociale opérée en fonction de certains critères physiques jugés pertinents comme la couleur de la peau : la race est donc une catégorie indissociablement biologique et culturelle dont la pertinence n’est pas d’ordre scientifique. Pour ces raisons, les termes noir, blanc et race seront écrits entre guillemets dans cet article. Sur ces questions, Cf. Jacobson, Matthew Frye. 1999 [1998]. Whiteness of a Different Color: European Immigrants and the Alchemy of Race, Cambridge, MA, Harvard University Press, chap. 1-3 ; Davis, James J. 1991. Who Is Black? One Nation’s Definition, University Park, Pennsylvania State University ; Ndiaye, Pap. 2008. La Condition noire. Essai sur une minorité française, Paris, Calmann-Lévy, p. 76-83.
  • [5]
    Sur ces questions, nous renvoyons à Vidal, Cécile. 2009. « Des marges au centre : l’esclavage dans l’historiographie nord-américaine de la période coloniale », in Vidal, Cécile et Ruggiu, François-Joseph (dir.), Sociétés, colonisations et esclavages dans le monde atlantique. Historiographie des sociétés américaines du XVIe au XIXe siècle, Rennes, Les Perséides, 2009, p. 191-241.
  • [6]
    Cf. Kolchin, Peter. 1998. Une Institution très particulière. L’esclavage aux Etats-Unis, 1619-1877, Paris, Belin et Chaplin, Joyce. 2009 [2002]. « Race », in Armitage, David et Braddick, Michael (dir.). The British Atlantic World, 1500-1800, New York, Palgrave Macmillan, p. 154-172.
  • [7]
    Sur le rapport entre la notion de race et l’esclavage, Cf. Jordan, Winthrop D. 1968. White Over Black: American Attitudes Toward the Negro, 1550-1812, Chapel Hill, NC, University of North Carolina Press, et Fredrickson, George M. 1987 [1971]. The Black Image in the White Mind: The Debate on Afro-American Character and Destiny, 1817-1914, Middletown, CT, Wesleyan University Press.
  • [8]
    Cf. Kolchin, Peter. Op. cit., p. 97-99, 119-120, 201-209. Cf. aussi Fredrickson, George M. Op. cit., p. 43-64, 74-96.
  • [9]
    Pour une présentation récente et en français de ces questions, cf. Barreyre, Nicolas et Schor, Paul. 2009. De l’émancipation à la ségrégation. Le Sud des Etats-Unis après la Guerre de Sécession (1865-1896), Paris, CNED-PUF, chap. 4 et 5.
  • [10]
    Cf. Hofstadter, Richard. 1972 [1944]. Social Darwinism in American Thought, Boston, Beacon Press, p. 13-30 ; Kelves, Daniel J. 1986 [1985]. In the Name of Eugenics: Genetics and the Uses of Human Heredity, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, p. 3-19 ; Degler, Carl N. 1991. In Search of Human Nature: The Decline and Revival of Darwinism in American Social Thought, New York et Oxford, Oxford University Press, p. 3-55.
  • [11]
    Cf. Hofstadter, Richard. Op. cit., p. 51-84, et Kelves, Daniel J. Op. cit., p. 41-56. Sur le darwinisme social, cf. Becquemont, Daniel. 1996. « Darwinisme social », iIn Tort, Patrick (dir.), Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, t. 1, Paris, PUF, p. 1108-1119. Sur l’eugénisme, cf. Becquemont, Daniel. « Eugénisme », in ibid., p. 1408-1419. Sur l’eugénisme américain, son influence nationale et internationale (notamment dans l’Allemagne nazie) et sa postérité, cf. Kelves, Daniel J. Op. cit., p. 57-69 ; Tucker, William. 1994. The Science and Politics of Social Research, Urbana, IL, University of Illinois Press, et 2002. The Funding of Scientific Racism: Wickliffe Draper and the Pioneer Fund, Urbana, IL, University of Illinois Press ; Külh, Stefan. 1994. The Nazi Connection: Eugenics, American Racism, and German National Socialism, New York et Oxford, Oxford University Press ; Black, Edwin. 2003. War Against the Weak : Eugenics and America’s Campaign to Create a Master Race, New York, Four Walls Eight Windows.
  • [12]
    Cf. Gould, Stephen Jay. 1997 [1981]. La Mal-mesure de l’homme, Paris, Odile Jacob.
  • [13]
    Sur ces questions, cf. Higham, John. 2004 [1955]. Strangers in the Land : Patterns of American Nativism, 1860-1925, New Brunswick et Londres, Rutgers University Press, chap. 6 et 10 ; Mehler, Barry. 1988. A History of the American Eugenics Society, 1921-1940, thèse de doctorat, Urbana, IL, University of Illinois, chap. 5 et 6, http://www.ferris.edu/HTMLS/staff/webpages/site.cfm?LinkID=248&eventID=34, consulté le 2 mars 2010 ; et les ouvrages déjà cités de Stephen Jay Gould, Richard Hofstadter, Daniel J. Kelves, et Carl N. Degler.
  • [14]
    Sur les tests de Q.I. et la réification, la quantification et la hiérarchisation de l’intelligence sur lesquelles ils sont fondés, cf. Gould, Stephen Jay. Op. cit., p. 51-61, chap. 4, 301-313, 358-362 ; Kamin, Leon J. ; Lewontin, Richard C. et Rose, Steven. 1990 [1984]. Not in Our Genes: Biology and Human Nature, Londres et New York, Penguin, chap. 5.
  • [15]
    Cf. Degler, Carl N. Op. cit., notamment p. 187-211. A partir des années 1920, la culture est devenue une alternative à l’explication des phénomènes sociaux par l’hérédité biologique, commune depuis le milieu du XIXe siècle. Elle s’est imposée aux Etats-Unis entre les années 1940 et 1950. Pourtant, le retour du darwinisme et de la théorie de l’évolution dans la science sociale américaine au milieu du XXe siècle ne fut pas d’abord le fait d’idéologues conservateurs, mais cherchait à créer une « convergence » explicative globale entre sciences naturelles et sciences sociales afin de concrétiser ce « rêve chéri » d’une « science de la nature humaine » (p. 316-317). Cette « convergence » reprenait le programme de recherche sur l’intérêt d’une histoire naturelle de la culture humaine, exposé par Darwin dans La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe (1871) et L’Expression des émotions chez l’Homme et les animaux (1872). Le recours contemporain à la génétique pour l’explication des phénomènes sociaux (par exemple chez Entine) se fonde toujours sur ce « rêve chéri ». Cf. infra, note 50. Pour un panorama scientifique clair, rapide et complet sur cette question, cf. Gayon, Jean. 2003. « Évolution culturelle : le spectre des possibles », in Changeux, Jean-Pierre (dir.). Gènes et culture. Enveloppe génétique et variabilité culturelle, Paris, Odile Jacob/Collège de France, p. 57-72.
  • [16]
    Cf. William Tucker, The Funding of Scientific Racism, op. cit. ; Melher, Barry. « In Genes We Trust : When Science Bows to Racism ». http://www.ferris.edu/HTMLS/staff/webpages/site.cfm?LinkID=326&eventID=34, consulté le 2 mars 2010, et « Foundation for Fascism: The New Eugenics Movement in the United States », http://www.ferris.edu/HTMLS/staff/webpages/site.cfm?linkID=323&eventID=34, consulté le 2 mars 2010 ; Külh, Stefan. Op. cit., p. 5-10, 106. Certains membres du Pioneer Fund, comme J. Philippe Rushton et Arthur Jensen, sont explicitement proches des théories développées dans Taboo.
  • [17]
    Pour comprendre le contexte intellectuel des années 1950 et 60 marqué par la critique du libéralisme politique et l’émergence du néo-conservatisme, cf. Coppolani, Antoine. 1999. « La résistible évolution du libéralisme américain : du consensus libéral au mouvement néo-conservateur », in Fréchet, Hélène (dir.). La Démocratie aux Etats-Unis et en Europe, 1918-1989, Paris, Editions du Temps, notamment p. 243-249.
  • [18]
    A la fin des années 1960, c’est un article extrêmement controversé d’Arthur Jensen qui fut à l’origine de cette reviviscence de la compréhension biologique de l’intelligence et du comportement : Jensen, Arthur. 1969. « How Much Can We Boost IQ and Scholastic Achievement? », Harvard Educational Review, vol. 39, p. 1-123. Cf. aussi, Herrnstein, Richard J. 1961. « I.Q. », Atlantic Monthly, September, p. 43-64.
  • [19]
    Herrnstein, Richard J. et Murray, Charles. 1994. The Bell Curve: Intelligence and Class Structure in American Life, New York, Free Press. Pour une critique scientifique du livre et une mise en contexte de l’énorme controverse soulevée par sa publication, cf. Welch, Kimberly C. 2002. « The Bell Curve and the Politics of Negrophobia », in Fish, Jefferson M. (dir.). Race and Intelligence: Separating Science from Myth, Mahwah, NJ, Lawrence Erlbaum Associates, p. 177-198. Cf. aussi Jay Gould, Stephen. « Critique de The Bell Curve », in Jay Gould, Stephen. Op. cit., p. 379-406, et Fassin, Eric. 1997. « Discours sur l’inégalité des races. The Bell Curve : polémique savante, rhétorique raciale et politique publique », Hérodote, vol. 85, n°2, p. 34-61. Pour une rapide généalogie intellectuelle du livre et ses rapports à la fondation raciste Pioneer Fund et à la revue Mankind Quarterly avec lesquels travaillent Jensen, Rushton, et Lynn, cf. Marks, Jonathan. 2005. « Anthropology and The Bell Curve », in Besteman, Catherine et Gusterson, Hugh (dir.). 2005. Why America’s Top Pundits are Wrong : Anthropologists Talk Back, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, notamment p. 209-214.
  • [20]
    Sur l’apparition et l’usage scientifique et médiatique du terme underclass dans le contexte des années 1970-1980, cf. Wacquant, Loïc. 1996. « L’underclass urbaine dans l’imaginaire social et scientifique américain », in Paugam, Serge (dir.), L’Exclusion : l’état des savoirs, Paris, La Découverte, p. 248-262.
  • [21]
    Cf. Lynn, Richard (avec Tatu Vanhanen). 2002. IQ and the Wealth of Nations, Westport, CT, Praeger Publishers ; Lynn, Richard (avec Tatu Vanhanen). 2006. IQ and Global Inequality, Augusta, GA, Washington Summit Publishers ; Lynn, Richard. 2008. The Global Bell Curve: Race, IQ, and Inequality Worldwide, Augusta, GA, Washington Summit Publishers. Washington Summit Publishers est une maison d’édition bien connue pour ses liens intellectuels avec la pensée raciale d’extrême droite.
  • [22]
    Cette attaque prend ses racines dans la pensée raciale du XIXe siècle : cf. Fredrickson, George M. Op. cit., p. 82-83, 89-90 ; Stanton, William R. 1960. The Leopard’s Spots: Scientific Attitudes Toward Race in America, 1815-1859, Chicago, University of Chicago Press, p. 2-3, 56-58 ; Haller, John S. Jr. 1971. Outcasts from Evolution: Scientific Attitudes of Racial Inferiority, 1859-1900, Urbana, IL, University of Illinois Press, p. 74 et 85 Cf. aussi, Entine, Jon. Taboo, op. cit., p. 212.
  • [23]
    Sur les liens historiques entre eugénisme et génétique (qui furent longtemps synonymes aux Etats-Unis), l’abandon progressif de la première appellation au profit de la seconde après 1945 et la réhabilitation des eugénistes raciaux allemands et américains dans des disciplines comme la génétique, l’anthropologie et la psychologie après 1945, cf. Black, Edwin. Op. cit., chap. 20, et Külh, Stefan. Op. cit., p. 4, 100-106, note 19 p. 109.
  • [24]
    Pour Murray, la rapidité de la recherche en biologie cérébrale va, « d’ici la fin du XXIe siècle », permettre de comprendre comment la « nature humaine » est à l’origine de nos comportements et institutions, et donc permettre d’expliquer génétiquement la différence entre noirs et blancs, Anglais et Français, Suédois ayant un emploi et Suédois au chômage, chrétiens pratiquants et non-pratiquants, collectionneurs de timbres et randonneurs (cf. « Deeper Into the Brain », National Review, 24 janvier 2000), entre avocats et ingénieurs, épiscopaliens et baptistes, vivacité italienne et flegme écossais (cf. 2005. « The Inequality Taboo », Commentary, vol. 120, n°2, p. 17). Ces positions (déjà typiques de la science raciale du XIXe siècle, cf. Haller, John S. Jr. Op. cit., p. 119-120, 151) sont des exemples extrêmes de ce « rêve chéri » de trouver un jour une « nature humaine ». Cf supra, note 15.
  • [25]
    Pour un aperçu des représentations que se faisaient déjà les Européens de la « nature » physique des « noirs » pendant la période coloniale, cf. Jordan, Winthrop D. Op. cit., chap. 6. Pour un aperçu de la représentation bestiale du corps et du caractère « noirs » dans la pensée scientifique et populaire américaine du XIXe siècle, cf. Fredrickson, George M. Op. cit., p. 275-282, et Haller, John S. Jr., op. cit., p. 34-39, 49-56, 92, 115.
  • [26]
    Cf. par exemple, Haller, John S. Jr., op. cit., p. 9-11, et Fredrickson, George M. Op. cit., p. 49-50. Aux XIXe et XXe siècles, toutes les parties du corps, et pas seulement le crâne, seront utilisées pour démontrer la correspondance entre caractères anatomiques et physiologiques d’une part, et caractères intellectuels et comportementaux d’autre part, dans le but de prouver l’infériorité « naturelle » des non-Européens, des femmes et des pauvres notamment. Sur les rapports entre race, genre et classe dans l’anthropologie physique naissante du XVIIIe siècle, cf. Schiebinger, Londa. 1990. « The Anatomy of Difference: Race and Sex in Eighteenth-Century Science », Eighteen Century Studies, vol. 23, n°4, p. 387-405.
  • [27]
    Sur le réductionnisme et le déterminisme au fondement de cette pensée et son évolution jusqu’à la génétique contemporaine, cf. Kamin, Leon J. ; Lewontin, Richard C. et Rose, Steven. Op. cit., p. 5-6 et chap. 2. Mode de pensée que Gould qualifie à juste titre de « théorie des limites » (Jay Gould, Stephen. Op. cit., p. 60 et 190).
  • [28]
    Sur ces questions, cf. Fredrickson, George M. Op. cit. ; Haller, John S. Op. cit. ; Hoberman, John. 1997. Darwin’s Athlete : How Sport Has Damaged Black America and Preserved the Myth of Race, Boston et New York, Houghton Mifflin, chap. 11.
  • [29]
    Sur ces questions, cf. par exemple, Cavallo, Dominick. 1981. Muscles and Morals : Organized Playgrounds and Urban Reform, 1880-1920, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, et Putney, Clifford. 2001. Muscular Christianity: Manhood and Sports in Protestant America, 1880-1920, Cambridge, MA, Harvard University Press.
  • [30]
    Sur ces enquêtes, cf. Sailes, Gary A. 1991. « The Myth of Black Sports Supremacy », Journal of Black Studies, vol. 21, n°4, p. 480-487 ; Miller, Patrick B. 1998. « The Anatomy of Scientific Racism : Racialist Responses to Black Athletic Achievement », Journal of Sport History, vol. 25, n°1, p. 119-151 ; Wiggins, David K. « “Great Speed but Little Stamina”: The Historical Debate over Black Athletic Superiority », in Pope, Steven W. (dir.), op. cit., p. 312-338 ; Hoberman, John. Op. cit. ; Dyreson, Mark. 2008. « American Ideas About Race and Olympic Races in the Era of Jesse Owens: Shattering Myths or Reinforcing Scientific Racism? », International Journal of the History of Sport, vol. 25, n°2, p. 247-267 ; Sacco, Francesca et Gremion, Gérald. 2001. « Le mythe de l’ “avantage génétique” des sportifs africains », Schweizerische Zeitschrift für « Sportmedizin und Sporttraumatologie », vol. 49, n°4, p. 149-152.
  • [31]
    Cf. Cobb, W. Montague. 1936. « Race and Runners », The Journal of Health and Physical Education, vol. 7, p. 3-7, 52-56. Sur Cobb, son étude et son ambiguïté face à la question raciale, cf. Dyreson, Mark. Art. cit., p. 250-251, et Hoberman, John. Op. cit., p. 166-168.
  • [32]
    Sur ce renversement du préjugé et les thèses des articles de presse que récapitule Taboo, cf. Hoberman, John. Op. cit., chap. 11 et 13 ; Wiggins, David K. Art. cit. ; Dyreson, Mark. Art. cit.
  • [33]
    Sur l’étude de ce discours, cf. entre autres, Bass, Amy. 2002. Not the Triumph But the Struggle: The 1968 Olympics Games and the Making of the Black Athlete, Minneapolis, University of Minnesota Press, p. 325-348 ; Harpalani, Vinay. 1998. « The Athletic Dominance of African Americans – Is There a Genetic Basis? », in Sailes, Gary A. (dir.). African Americans in Sports : Contemporary Themes, New Brunswick, Transaction Publishers, p. 103-120 ; Hoberman, John. Op. cit., chap. 10-16 ; Miller, Patrick B. Art. cit. ; Wiggins, David K. Art. cit. Sur la traduction journalistique de ces clichés, cf. par exemple, Kane, Martin. 1971. « An Assessment of “Black is Best” », Sports Illustrated, 18 janvier ; Kane, Martin. 1977. « The Black Dominance », Time, 9 mai ; Price, S. L. 1997. « Is It in the Genes? », Sports Illustrated, 8 décembre.
  • [34]
    Pour la danse, cf. par exemple, Miller, Patrick B. Art. cit., p. 119-120. Pour le basket-ball et le jazz, cf. George, Nelson. 1999 [1992]. Elevating the Game: Black Men and Basketball, Lincoln, NE, University of Nebraska Press/Bison Books.
  • [35]
    D’Souza, Dinesh. 1995. The End of Racism: Principles for a Multiracial Society, New York, The Free Press, p. 440-441. Ce passage est tiré du chapitre intitulé « Ce que contiennent nos chromosomes » et du sous-chapitre « Les hommes blancs ne savent pas courir ». Il est cité favorablement par Entine dans Taboo (p. 245). D’Souza a été John M. Olin Fellow à l’AEI. Pour un florilège de ce genre de propos, cf., de Sailer, Steven. 1996. « Great Black Hopes », National Review, 12 août, http://www.isteve.com/blackath.htm, consulté le 2 mars 2010, et Sailer, Steven. 1999. « Elegy for MJ », National Post (Canada), 14 janvier, http://www.isteve.com/mjelegy.htm, consulté le 2 mars 2010.
  • [36]
    Wiggins, David K. Art. cit., p. 330 sq.
  • [37]
    Cf. Sailes, Gary A. Art. cit., p. 484-485 ; Smith, Earl. Avant-propos à Taboo, op. cit., p. vii-ix. Cf. aussi Wiggins, David K. Art. cit., p. 334.
  • [38]
    Cf. Entine, Jon. Taboo, op. cit., chap. 6, 9, 12, et Gil-White, Francisco. 2004. « Resurrecting Racism: The Current Attack on Black People Using Phony Science », Historical and Investigative Research, chap. 10 et 11, http://www.hirhome.com/rr/rrcontents.htm, consulté le 2 mars 2010.
  • [39]
    John Derbyshire. 2009. « Citizenism, Inconvenient Truths, & Examined Life », 10 mars, http://www.johnderbyshire.com/Opinions/HumanSciences/sailerism.html, consulté le 2 mars 2010. Le Human Biodiversity Institute est en réalité un forum de discussion Internet fondé sur une liste de diffusion hébergée par Yahoo ! Groups toujours active aujourd’hui et regroupant, lors de sa création en 1999, environ 80 personnes venues de différents horizons, parmi lesquelles des journalistes comme Jon Entine, Amby Burfoot, John Derbyshire, Peter Brimelow, et des universitaires comme Charles Murray, J. Philippe Rushton, Vincent Sarich, Gregory Cochran, Henry Harpending, Frank Miele. Sur l’eugénisme militant de Sailer, cf. le discours qu’il donna au think tank conservateur Hudson Institute pour la venue de Margaret Thatcher le 11 décembre 1999 (« The Genetic Revolution : From Marx to Darwin to Galton », http://www.isteve.com/Thatcher-Speech-Text.htm, consulté le 2 mars 2010). Dans Taboo, Entine qualifie le HBd « d’incroyablement perspicace » (p. 344).
  • [40]
    Cf. http://www.isteve.com/, http://isteve.blogspot.com/ http://www.vdare.com/sailer/index.htm. Sailer, Steven. 1997. « The Words Don’t Match the Pictures: Why the Polite Lies We Tell about Race and Sex Are Undermined by What We See on ESPN », National Review Online, 27 août, http://www.isteve.com/WordsDontMatchPictures.htm, consulté le 2 mars 2010.
  • [41]
    Ibid. Amby Burfoot, lui aussi, défend l’idée selon laquelle les épreuves de course en athlétisme seraient un « laboratoire parfait » (et parfois même « meilleures que n’importe quel test de laboratoire ») pour « mesurer certains traits physiques » (Burfoot, Amby. 1999. « African Speed, African Endurance », in Sands, Robert R. (dir.). Anthropology, Sport, and Culture, Westport, CT, Bergin & Garvey, p. 56, réimpression de 1992. « White Men Can’t Run », Runner’s World, août, p. 89-95).
  • [42]
    Entine, Jon. 2000. « Questions of Race », Philadelphia Magazine, janvier, http://www.jonentine.com/articles/question_of_race.htm, consulté le 2 mars 2010.
  • [43]
    Entine, Jon. 2001. « Why an American (Black or White) May Never Win Another Bay to Breakers », San Francisco Examiner, 15 mai, http://www.jonentine.com/reviews/sf_examiner.htm, consulté le 2 mars 2010. Comme le dit le journaliste S. L. Price : « Entine […] dépolitise la discussion en essayant de tuer cette vielle légende culturelle sur le lien entre excellence athlétique et faiblesse intellectuelle » (Price, S. L. 2000. « Not Too Hot To Handle After All », Sports Illustrated, 7 février). Earl Smith fait la même réflexion pour justifier son Avant-propos à Taboo (op. cit., p. vii).
  • [44]
    La course est le « seul vrai sport intentionnel » d’après Entine (p. 4). Pour Sailer, elle est « idéale pour l’étude statistique car c’est un sport si simple : seuls les temps comptent. Un autre avantage à se concentrer sur la course est que c’est probablement le sport le plus universel. […] La course est si fondamentale à la vie » (Sailer, Steven. 1997. « Track & Battlefield », National Review, 31 décembre, http://www.isteve.com/gendrgap.htm, consulté le 2 mars 2010). Burfoot souligne « l’universalité de la course », comme étant « le vrai sport mondial » (Burfoot, Amby. « African Speed, African Endurance », art. cit., p. 55-56). D’où leur fascination pour les épreuves de course des J.O. Mais faire de la course une activité « naturelle », « universelle » et « méritocratique » est évidemment fallacieux : d’abord, la course n’a pas toujours été et n’est pas partout considérée comme un « sport » ; ensuite, comme toute pratique sociale, on doit aussi apprendre à courir, notamment pour les épreuves de haut niveau ; enfin, il y a différentes façons de courir selon son âge, son origine sociale et culturelle, selon ses buts personnels, etc. Autrement dit, la course à pied, inscrite dans un espace social des pratiques, différent d’un groupe de population et d’une époque à l’autre, est justiciable d’une analyse en termes de « dispositions » et de « champs » (cf., de Bourdieu, Pierre. 1987 [1983]. « Programme pour une sociologie du sport », Choses dites, Paris, Minuit, p. 203-216, et Bourdieu, Pierre. 1980. Le Sens pratique, Paris, Minuit).
  • [45]
    Sur ce sujet et pour sérieusement nuancer le propos de Entine, cf. Pitsiladis, Yannis et al. (dir.). 2007. East African Runnin : Toward a Cross-disciplinary Perspective, New York, Routledge, 2e partie.
  • [46]
    La ligue professionnelle de football (NFL) fut deségrégée en 1946, et la ligue de basket-ball (NBA) en 1950. Mais c’est l’intégration en 1947 de Jackie Robinson dans la ligue de baseball (MLB) qui fut la date charnière.
  • [47]
    Les conclusions du livre ont été synthétisées et vulgarisées aux Etats-Unis et à l’étranger par une vingtaine d’articles de presse disponibles sur le site Internet de l’auteur : cf. http://www.jonentine.com/taboo.html. Pour une étude de la réception du livre, cf. Martin-Breteau, Nicolas. A paraître. « Le sport et la race. Taboo et la réception du discours sur les aptitudes athlétiques des races aux Etats-Unis », Mouvement social.
  • [48]
    L’auteur critique ainsi le « fondamentalisme environnemental », qualifié de « nouveau zeitgeist », de « nouvelle orthodoxie scientifique », de « dogme », de « théologie » (p. 222, 10, 90, 217, 272, 218), et censé être incarné par Franz Boas, Ashley Montagu et l’UNESCO.
  • [49]
    Comme Murray, Entine, suivant en cela une foi scientiste absolue dans les aptitudes de la science à découvrir les déterminations biologiques des actions humaines, ne désespère pas de trouver un gène de la vitesse au sprint, de la rapidité des réflexes, de l’efficacité de la production énergétique (cf. par exemple, p. 281). Sur le même mode, hors du domaine sportif, Entine pense pouvoir identifier la cause « raciale » de l’opposition entre catholiques et protestants en Irlande du Nord puisque ces deux groupes n’ont que « peu de gènes en commun » (cf. p. 112-113).
  • [50]
    Sur ce point, cf. Sailer, Steven. Sans date. « We Know They Said “Created Equal…” But They Didn’t Mean », http://www.vdare.com/Sailer/human_prop.htm, consulté le 2 mars 2010. Pour une approche équilibrée de la question des « aptitudes raciales » et de la comparaison avec les races canines, cf. Jordan, Bertrand. 2008. L’Humanité au pluriel. La génétique et la question des races, Paris, Seuil, p. 139-146, 175-186, 189.
  • [51]
    Sur ces arguments anti-empiristes classiques, cf. Marks, Jonathan. 2000. « Book Review : Taboo », Human Biology, vol. 72, n°6, p. 1077.
  • [52]
    Steven Sailer présente exactement les mêmes idées in Sailer, Steven. Sans date. « The Human Biodiversity Hall of Fame: A Celebration of Our Differences », http://www.isteve.com/HoFSizeDoesMatter.htm, consulté le 2 mars 2010. Pour une présentation récente des recherches génétiques sur les rapports entre phénotypes et performances physiques, et l’impossibilité d’en tirer toute conclusion « raciale », cf. Bray, Molly S. et al. 2009. « The Human Gene Map for Performance and Health-related Fitness Phenotypes: The 2006-2007 Update », Medicine & Science in Sports & Exercise, vol. 41, n°1, p. 35-73.
  • [53]
    Sur le cliché du développement physique et sexuel plus précoce des enfants « noirs », cf. Hoberman, John. Op. cit., p. 59 et 230-231.
  • [54]
    Rien n’est dit sur la Lybie et l’Egypte, ni sur les pays dans le triangle Mali-Tchad-Zambie. Cette distinction entre Africains a été rendue indispensable à partir des années 1960 avec la montée en puissance puis la domination impressionnante de certains coureurs d’Afrique de l’est (essentiellement Kenyans et Ethiopiens) sur les épreuves internationales de fond et demi-fond. En effet, au début du XXe siècle, on pensait encore que les « noirs » ne pourraient jamais être performants sur les longues distances, notamment à cause de leur faible capacité pulmonaire et de leur manque de « caractère ».
  • [55]
    Sur les problèmes que posent les études sur la différence entre fast et low-twitch muscle fibers, cf. Hoberman, John. Op. cit., p. 284-285. Sur la distorsion des conclusions de ces études par Entine, cf. Sacco, Francesca et Gremion, Gérald. Art. cit., p. 149.
  • [56]
    Sur le stéréotype du « relâchement » des Africains, cf. Hoberman, John. Op. cit., p. 199-201.
  • [57]
    Le flou total de la notion de « race » (reconnu par Entine) autorise ces inconséquences logiques ainsi que la variabilité de l’extension des groupes raciaux selon l’argument à démontrer. Pour une mise au point sur ces questions, cf. American Association of Physical Anthropologists (AAPA). 1996. « AAPA Statement on Biological Aspects of Race », in American Journal of Physical Anthropology, vol. 101, n°4, p 569-570 (une mise à jour de la déclaration de 1964 de l’UNESCO sur la notion de race), http://www.physanth.org/association/position-statements/biologicalaspects-of-race, consulté le 2 mars 2010 ; Soo-Jin Lee, Sandra et al. 2008. « The Ethics of Characterizing Difference: Guiding Principles on Using Racial Categories in Human Genetics », Lettre ouverte de 18 professeurs de l’université Stanford publiée in Genome Biology, vol. 9, n°7, art. 404, http://genomebiology.com/2008/9/7/404, consulté le 2 mars 2010 ; Madrigal, Lorena et Barbujani, Guido. 2007. « Partitioning of Genetic Variations in Human Populations and the Concept of Race », in Crawford, Michael (dir.). Anthropological Genetics : Theory, Methods and Applications, Cambridge, Cambridge University Press, notamment p. 19-28.
  • [58]
    Cf. Sailer, Steven. « Track & Battlefield », art. cit.
  • [59]
    D’Souza et Entine sont intellectuellement proches : le premier reprend dans deux articles les thèses de Taboo (Dinesh D’Souza, « Understanding Black Athletic Superiority », 22 août 2008, http://news.aol.com/newsbloggers/2008/08/22/understanding-black-athletic-superiority/, consulté le 11 février 2009, « White Men Can’t Run », 28 août 2008, http://townhall.com/Columnists/DineshDSouza/2008/08/28/white_men_cant_run/, consulté le 11 février 2009), et le second référence le premier article sur son site Internet (http://www.jonentine.com/taboo.html, consulté le 2 mars 2010). Enfin, Entine a rejoint l’American Enterprise Institute en 2002 où a travaillé D’Souza.
  • [60]
    Le même paradoxe conclut le dernier livre de Entine : John Entine 2007. Abraham’s Children: Race, Identity, and the DNA of the Chosen People, New York, Grand Central Publishing, p. 352.
  • [61]
    Référence au film à succès sur le basket de rue White Men Can’t Jump (1992) et à un célèbre article du journaliste, ancien marathonien et membre du Human Biodiversity Institute, Amby Burfoot (« White Men Can’t Run » repris in « African Speed, African Endurance », art. cit.) dont les titres reprennent un cliché sur les aptitudes athlétiques des hommes « blancs ». A l’orée des épreuves d’athlétisme des J.O. de Pékin, Burfoot a repris exactement les mêmes arguments (2008. « Beijing Notebook: White Guys Still Can’t Run », Runner’s World, publié en ligne le 12 août, http://2008olympics.runnersworld.com/2008/08/beijing-noteb-4.html, consulté le 20 mars 2009 : les différences raciales en termes d’aptitudes athlétiques sont « un fait statistique » ; ainsi l’entraînement est certes important, mais le « corps vient en premier » : ce ne sont pas les sportifs qui choisissent leur sport, « je crois que leur sport les choisit »). Cf. aussi supra, note 35. J. Philippe Rushton (amicalement appelé « Phil » dans les remerciements de Taboo, p. 344) ouvre le premier chapitre de la réédition de son livre par cette citation avant de dire tout le bien qu’il pense du livre de Entine (2000 [1995]. Race, Evolution, and Behavior: A Life History Perspective. 2nd Special Abridged Edition, Port Huron, MI, Charles Darwin Research Institute, p. 13 sq.).
  • [62]
    Sailer, Steven. « The Words Don’t Match the Pictures », art. cit.
  • [63]
    Marks, Jonathan. 2008. « The Growth of Scientific Standards from Anthropology Days to Present Days », in Brownell, Susan (dir.), The 1904 Anthropology Days and Olympic Games: Sport, Race, and American Imperialism, Lincoln, NE, University of Nebraska Press, p. 393 et 394. Cf. aussi, Jay Gould, Stephen. Op. cit., p. 30-31 ; Degler Carl N. Op. cit., p. 311 ; Kamin, Leon J. ; Lewontin, Richard C. et Rose, Steven. Op. cit., chap. 10.
  • [64]
    Ibid., p. 395. Cf. aussi Marks, Jonathan. 2000. « The Feckless Quest for the Basketball Gene », The New York Times, 8 avril.
  • [65]
    Pour la distinction fondamentale entre ces concepts, cf. Marks, Jonathan. 1995. Human Biodiversity: Genes, Race, and History, Hawthorne, NY, Aldine de Gruyter, p. 109-111, 237-243, et « Anthropology and The Bell Curve », art. cit., p. 223-226. a montré que la confusion entre les deux, notamment concernant les « aptitudes innées » des « noirs », est ancienne : cf. Jordan, Winthrop D. Op. cit., p. 187-190.
  • [66]
    Marks, Jonathan. 1988. Human Biodiversity, op. cit., p. 110. Sur cette question, cf. Mercer, Jane R., « Ethnic Differences in IQ Scores: What Do They Mean? (A Response to Lloyd Dunn) », Hispanic Journal of Behavioral Sciences, vol. 10, n°3, p. 199-218.
  • [67]
    Les Jeux Olympiques de Pékin en 2008 en donnent un bel exemple. Alors que traditionnellement la longueur des bras était censée être un trait distinctif de l’animalité des « noirs », « l’envergure » (avec ce que ce mot comporte de connotations positives) est devenue la marque des nageurs « blancs » d’exception, comme le septuple médaillé d’or, Michael Phelps.
  • [68]
    Si, en fin de compte, le livre valait la peine d’être écrit, dit Entine, c’était pour prendre la défense de la science injustement attaquée par l’obscurantisme « environnementaliste » mettant en péril la poursuite des travaux sur les maladies génétiques héréditaires souvent typiques de « groupes de populations » (cf. p. 73, 282, 286-8, 332, 339). Position qui permet à Entine de se présenter comme le défenseur de l’objectivité scientifique contre ce qu’il nomme l’irrationalité du relativisme environnemental.
  • [69]
    Ces positions sont développées par le Human Biodiversity Institute (H-Bd) de Sailer et relayées par des sites qui lui sont proches (et sur lesquels Entine publie) comme Gene Expression : cf. 2005. « Can H-Bd Aware Doctors Save Lives? », Gene Expression, 2 janvier, http://www.gnxp.com/MT2/archives/003403.html, consulté le 2 mars 2010. Pour une discussion de cette idée de « médecine raciale », cf. Soo-Jin Lee, Sandra et al. Art. cit. ; Madrigal, Lorena et Barbujani, Guido. Art. cit., notamment p. 28-33 ; Duster, Troy. 2005. « Race and Reification in Science », Science, vol. 307, 18 février, p. 1050-1051 ; Marks, Jonathan. Human Biodiversity, op. cit., p. 211-213, et Marks, Jonathan. 2009. Why I Am Not a Scientist: Anthropology and Modern Knowledge, Berkeley, Los Angeles et Londres, University of California Press, p. 245-248.
  • [70]
    Sur ce concept, cf. Jay Gould, Stephen. Op. cit., p. 192-194 et 381-382 ; Kamin, Leon J. ; Lewontin, Richard C. et Rose, Steven. Op. cit., p. 95-100 ; Marks, Jonathan. « Anthropology and The Bell Curve », art. cit., p. 219-223.
  • [71]
    Entine, Jon. 2008. « Wading Deep into the Genetic-Pool Controversy », Jewish Exponent, 13 mars, http://www.jewishexponent.com/article/15579/ ; « A Conversation with Jon Entine », Haaretz, 7 décembre 2007, p. 22 ; « 10 Questions For Jon Entine », Gene Expression, 10 octobre 2007, http://www.gnxp.com/blog/2007/10/10-questions-for-jon-entine.php, consultés le 2 mars 2010.
  • [72]
    Entine, Jon. « Wading Deep into the Genetic-Pool Controversy », art. cit. Ce déterminisme (« à tel caractère, à telle fonction, ou à telle réaction biochimique, tel gène ») en vogue au moment de la naissance de la génétique moléculaire est aujourd’hui largement discrédité : l’information biologique n’est pas le fait d’un seul (ni même de plusieurs) gène(s), mais d’une interaction de multiples facteurs. Sur ce point, cf. Jordan, Bertrand. Op. cit., p. 12, 122-130, 140 ; Changeux, Jean-Pierre. « Présentation », in Changeux, Jean-Pierre (dir.). Op. cit., p. 7-16 ; Morange, Michel. 1998. La Part des gènes, Paris, Odile Jacob, partie 3 « Les gènes de… » et chap. 18, ainsi que « Déconstruction de la notion de gène » in Fabre-Magnan, Muriel et Moullier, Philippe (dir.). 2004. La Génétique, science humaine, Paris, Belin, notamment p. 111-113, où l’auteur explique que si la notion de gène est floue, elle est utile, mais qu’à proprement parler « Le gène n’existe pas : c’est une construction bancale tentant de rendre compte et d’accompagner le travail des biologistes » (p. 113).
  • [73]
    Entine, Jon. Abraham’s Children. Op. cit., troisième partie et Appendice 5 (p. 379-381) dédié aux « maladies juives ». La conférence de Entine et Murray peut être trouvée à http://www.aei.org/events/eventID.1589,filter.all/event_detail.asp#, consultée le 2 mars 2010. Charles Murray pousse encore plus loin la spéculation sur ces sujets : Murray, Charles. 2007. « Jewish Genius », Commentary, vol. 123, n°4, p. 29-35. Cf. aussi, Murray, Charles. 2003. Human Accomplishment: The Pursuit of Excellence in the Arts and Sciences, 800 B. C. to 1950, New York, HarperCollins, p. 291-292.
  • [74]
    Cochran, Gregory M. ; Hardy, Jason et Harpending, Henry. 2006. « Natural History of Ashkenazi Intelligence », Journal of Biosocial Science, vol. 38, n°5, p. 659-693. Sur la genèse de cet article très controversé, cf. la conférence de Jon Entine précédemment citée, et Abraham’s Children, op. cit., p. 311-312. Les conclusions de l’article sont reprises dans le dernier livre de Cochran et Harpending (2009. The 10,000 Year Explosion: How Civilization Accelerated Human Evolution, New York, Basic Books, chap. 7) qui explique génétiquement, sur le modèle de la différentiation des races canines, les différences comportementales entre groupes humains par la théorie d’une évolution à la fois très récente (moins de 10 000 ans) et contrastée selon le degré de civilisation atteint par chacun d’eux. On notera que Cochran, physicien spécialiste d’optique militaire et spatiale, puis devenu anthropologue-biologiste associé à l’Université d’Utah, s’était fait connaître par ses hypothèses faisant, entre autres, de l’homosexualité une maladie causée par un « agent infectieux » (cf. Cochran, Gregory M. ; Ewald, Paul W. et Cochran, Kyle D. 2000. « Infectious Causation of Disease: An Evolutionary Perspective », Perspectives in Biology and Medicine, vol. 43, n°3, p. 437-438.
  • [75]
    Entine, Jon. « Wading Deep into the Genetic-Pool Controversy », op. cit.
  • [76]
    Citations tirées du sous-chapitre final intitulé « L’ADN de l’identité » in Entine, Jon. Abraham’s Children, op. cit., p. 346 et 347.
  • [77]
    « JReport - Are there Jewish Genes? », Jewish Life TV, septembre 2009, http://www.jewishlifetv.com/video.php?user=JReport&video_id=393, consulté le 2 mars 2010. Les services de généalogie génétique proposés par Family Tree DNA et d’autres entreprises pouvant « mesurer votre héritage génétique, ou “race” » sont largement présentées in Entine, Jon. Abraham’s Children, op. cit., p. 363-371. Sur ce point, cf. Bolnick, Deborah A. 2008. « Individual Ancestry Inference and the Reification of Race as a Biological Phenomenon », et Greely, Henri T. 2008. « Genetic Genealogy: Genetics Meets the Marketplace », in Koenig, Barbara A.; Soo-Jin Lee, Sandra et Richardson, Sarah S. (dir.). Revisiting Race in a Genomics Age, Piscataway, NJ, Rutgers University Press, p. 70-87 et 215-234.
  • [78]
    Cf. Herrnstein, Richard J. et Murray, Charles. Op. cit., chap. 4.
  • [79]
    Sailer, Steven. « The Words Don’t Match the Pictures », art. cit. S’appuyant explicitement sur Taboo, ce type position se retrouve dans la presse généraliste : cf. par exemple, Carlson, Jenni. 2009. « One of a Kind: Toby Gerhart Succeeds At a Position White Players Don’t Play At as Much Any More », The Oklahoman, 11 décembre.
  • [80]
    Cf., de Sailer, Steven. « Track & Battlefield », art. cit., et Sailer, Steven. 1997. « The Clash of Continents », publié in National Review le 19 mai, sous le titre « Why Nations Conquer », http://www.isteve.com/diamond.htm, consulté le 2 mars 2010.
  • [81]
    Thèses présentes en filigrane dans Taboo, p. 235-6, 239-40, 290.
  • [82]
    Sailer, Steven. « Track & Battlefield », art. cit.
  • [83]
    Les trois dernières citations sont tirées de « 10 Questions to Jon Entine », art. cit. Apparemment, à cause de la crise économique touchant l’édition, la publication de ce livre a été reportée sine die (courriel de Jon Entine à l’auteur, 14 mars 2009).
  • [84]
    Murray, Charles. 2008. Real Education: Four Simple Truths for Bringing America’s Schools Back to Reality, New York, Random House.
  • [85]
    Ce thème était abordé dans The Bell Curve (Herrnstein, Richard J. et Murray, Charles. Op. cit., chap. 18). Le mode de sélection des « plus doués » n’est pas clairement expliqué dans Real Education. Mais, sur ce sujet, on se rappellera avec profit les tentatives de tri entre enfants « doués » et « sous-doués » mises en place par le psychologue américain Lewis M. Terman dans les années 1920 (cf. Jay Gould, Stephen. Op. cit., p. 215-220).
  • [86]
    Kamin, Leon J. ; Lewontin, Richard C. et Rose, Steven. Op. cit., chap. 2 et 4. Murray exprime sans fard ce type d’idées : Murray, Charles. 1997. « IQ Will Put You In Your Place », Sunday Times (Grande-Bretagne), 25 mai, et « Deeper into the Brain », art. cit.
  • [87]
    Burfoot, Amby. « Beijing Notebook : White Guys Still Can’t Run », art. cit.
  • [88]
    Fassin, Eric. Art. cit., p. 54.
  • [89]
    Dans Losing Ground: American Social Policy, 1950-1980 (New York, Basic Books, 1984), considéré par beaucoup comme la « Bible » de la politique sociale reaganienne, Murray (comme Dinesh D’Souza dix ans plus tard, op. cit.) avait déjà tenté de montrer la perversité et l’inutilité des programmes d’aide sociale. C’est exactement à la même conclusion qu’arrivent Arthur Jensen et J. Philippe Rushton après « trente ans de recherches sur les aptitudes intellectuelles raciales » (cf. Jensen, Arthur et Rushton, J. Philippe. 2005. « Thirty Years of Research on Race Differences in Cognitive Ability », Psychology, Public Policy, and Law, vol. 11, n°2, notamment p. 280-285). Murray y revient dans Murray, Charles. 2006. In Our Hand : A Plan to Replace the Welfare State, Washington, D.C., AEI Press, où il explique comment se débarrasser d’un Etat-Providence foncièrement inefficace et pernicieux, à l’origine de la persistance de l’underclass des « malchanceux » de la génétique.
  • [90]
    Herrnstein, Richard J. et Murray, Charles. Op. cit., p. 509, 514, 523.
  • [91]
    Ibid., p. 526.
  • [92]
    Ibid., p. 532.
  • [93]
    Ibid., p. 528 et 530.
  • [94]
    Ibid., p. 551. En 2000, sur un mode moins tragique et pour prendre l’exaltation multiculturaliste des différences à son propre piège, Murray s’exclamait en français dans le texte : « vive la différence, tout simplement » (« Deeper into the Brain », art. cit.).

Introduction

1Il y a quelques années, le journaliste américain Jon Entine a publié un essai influent dont le but affiché était la mise à nu des raisons de la domination internationale des athlètes « noirs ». Son titre : « Tabou. Pourquoi les athlètes noirs dominent en sport et pourquoi nous avons peur d’en parler. » [1] A l’époque de la publication de l’ouvrage, Jon Entine était journaliste sportif et producteur de télévision. Il s’était notamment rendu célèbre par son documentaire controversé « The Black Athlete: Fact and Fiction » [2] (1989) qui se terminait en affirmant la supériorité athlétique génétique des « noirs » pour expliquer leur surreprésentation dans certains sports de haut niveau. Reprenant de telles conclusions, Taboo est le premier ouvrage aux Etats-Unis à tenter d’orchestrer de façon systématique les arguments, auparavant épars dans divers ouvrages et articles, sur la supposée supériorité génétique des « noirs » concernant les activités athlétiques. En 2002, Jon Entine a quitté ses anciennes fonctions pour rejoindre le think tank conservateur The American Enterprise Institute for Public Policy Research (AEI).

2Le propos central du livre de Jon Entine est de considérer le sport comme un « laboratoire parfait » [3] pour étudier les aptitudes athlétiques des populations humaines. Cette métaphore s’appuie sur deux assertions. La première considère l’épreuve sportive comme un « test » dans lequel les compétiteurs obéissent tous aux mêmes règles et où, par conséquent, les discriminations de toutes sortes rencontrées dans la vie sociale seraient bannies. La seconde fait de l’épreuve sportive la mesure abstraite d’une performance (exprimée en temps, en distance, en poids, etc.) censée produire un résultat absolument neutre sur le plan politique. Cette stricte égalité entre les compétiteurs et l’expression abstraite des résultats de leurs performances permet à l’auteur de présenter l’épreuve sportive comme une véritable expérience scientifique ayant lieu dans des conditions similaires à celles rencontrées en laboratoire. Sans enjeu politique et sans discrimination d’aucune sorte, le sport servirait ainsi de révélateur aux « inégalités naturelles » entre les individus et entre les groupes humains, qu’Entine appelle « races ». Le livre se présente ainsi comme la description dépolitisée d’un état de fait ancré en nature : les « races » humaines seraient inégales eu égard à leurs « aptitudes » physiques différenciées. Le sport permettrait donc de statuer « scientifiquement » et une fois pour toutes sur des questions qui, lorsqu’elles sont posées pour les aptitudes intellectuelles par exemple, entraînent immanquablement de virulentes polémiques.

3Cet article entend étudier, avec le recul rendu aujourd’hui possible, le propos de Taboo. Une telle étude du discours sur la différence athlétique permettra d’analyser les transformations contemporaines du discours sur l’essentialisme racial aux Etats-Unis. Pour ce faire, il convient d’abord de replacer la publication du livre dans son contexte historique de longue durée puis dans son contexte historique immédiat. L’étude de sa filiation intellectuelle permettra dans un deuxième temps de présenter les thèses du livre, les ressorts de son raisonnement et les erreurs menant à son argument central faisant du sport un « laboratoire parfait ». Enfin, il s’agira de faire ressortir l’agenda politique que, consciemment ou inconsciemment, le livre sert.

I – La longue histoire de la construction de l’inégalité entre « noirs » et « blancs »

4L’histoire des Etats-Unis d’Amérique s’est en grande partie érigée sur une différentiation radicale entre « blancs » et « noirs » [4]. Percevoir les êtres humains en « noirs » et « blancs » n’est pas un acte naturel, mais une construction sociale héritée, aux Etats-Unis, de la période coloniale et de l’esclavage [5]. Entre les XVIIe et XIXe siècles, cette différentiation a essentiellement pris l’aspect d’un discours paternaliste sur la différence raciale servant à prouver l’infériorité naturelle du « noir » sur le « blanc » et à légitimer la traite et l’esclavage des Africains et de leurs descendants. Progressivement, à la suite de l’arrivée en 1619 à Jamestown en Virginie des premiers esclaves africains en Amérique du nord, un ensemble de lois édictées par les différentes colonies britanniques de la région a permis de codifier, entre les années 1640 et 1690, la pratique de l’esclavage et le statut des esclaves et de leurs enfants. L’esclavage est ainsi devenu dans la deuxième moitié du XVIIe siècle un état permanent et héréditaire souffrant de très rares exceptions. De surcroît, les esclaves africains et leurs descendants, appartenant pourtant à différents peuples originaires de diverses régions d’Afrique occidentale, en sont venus à être considérés comme une seule et même « race noire » [6]. Au XVIIIe siècle, le discours sur les « races » humaines a ainsi élaboré une représentation du « noir » comme sous-homme, plus proche de la bête que de l’humain et, à ce titre, dénué de la faculté de se gouverner lui-même. Incapable d’autonomie, la liberté n’aurait su lui convenir [7]. Si bien que l’esclavage a pu être présenté comme un processus de civilisation et de moralisation de l’esclave arraché, par la discipline du travail, à sa bestialité primitive [8]. A de nombreux égards, la fondation de la jeune république indépendante au tournant des XVIIIe et XIXe siècles fidèle à cette position ne permettant qu’une libération très progressive des esclaves dans les Etats du Nord du pays, et pas dans ceux du Sud.

5Au XIXe siècle, dans le cadre de l’interdiction de la traite atlantique en 1808 et de la montée en puissance des mouvements abolitionnistes des deux côtés de l’Atlantique, ce discours différentialiste a cherché à légitimer, par le recours soi-disant scientifique à la biologie naissante, le bien fondé de l’esclavage. Puis, après de la défaite du Sud dans la Guerre civile (1861-65), l’abolition de l’esclavage et l’émancipation politique des Africains-Américains par les 13e, 14e et 15e Amendements à la Constitution entre 1865 et 1870, ce discours a essentiellement servi à justifier la relégation politique et sociale des anciens esclaves, codifiée dans le Sud des Etats-Unis par les lois Jim Crow institutionnalisant la séparation stricte entre « blancs » et « noirs » dans tous les domaines de la vie sociale et l’exclusion de ces derniers de la vie civique [9]. La naissance du Ku Klux Klan est historiquement liée à cette volonté de faire respecter par la terreur la traditionnelle « suprématie blanche ». Ce n’est que dans les années 1950 et 60, dans le sillage de la Grande Migration des Africains-Américains vers les villes du Nord à partir des années 1910, de la fierté raciale du « New Negro » promue par le nationalisme noir de Marcus Garvey et la Harlem Renaissance des années 1920 et 30, du militantisme de grandes organisations de défense des droits des Africains-Américains comme la NAACP fondée par W. E. B. Du Bois, et surtout du Mouvement pour les droits civiques mené sous le patronage de Martin Luther King Jr., que ce régime de ségrégation raciale fut formellement aboli.

6La construction sociale des « races » et la différenciation – toujours confuse – entre « noirs » et « blancs » qu’elle permet structurent ainsi la majeure part de l’histoire des Etats-Unis et l’ensemble des luttes politiques qu’y ont menées les Africains-Américains jusqu’à aujourd’hui. Cette construction sociale de la différence s’est historiquement opérée à travers un discours intéressant à la fois le corps et l’esprit : l’inégalité entre « noirs » et « blancs » serait censée se lire aussi bien en termes intellectuels que physiques.

7Dans son versant intellectuel, ce discours eut pour but de prouver l’infériorité « naturelle » des « noirs » afin de leur dénier des droits égaux aux « blancs » et ainsi légitimer leur oppression sociale et leur exclusion de la communauté des citoyens. Ce discours s’est systématiquement radicalisé aux moments où les avancées des droits des « noirs » menaçaient la domination sociale et politique « blanche » : notamment dans la deuxième moitié du XIXe pour contrer les abolitionnistes puis pour répondre à l’abolition de l’esclavage, et au milieu du XXe siècle pour faire face à l’émancipation des Africains-Américains permise par la Cour Suprême et, sous la présidence de Lyndon B. Johnson, par les grandes politiques fédérales connues sous le nom de « Grande Société », assurant l’égalité d’accès à l’éducation (1954), à l’emploi et aux biens publics (1964), au vote (1965).

8Au XIXe siècle, les théories raciales sur l’intelligence eurent recourt à la biologie et à la récupération des travaux du naturaliste britannique Charles Darwin sur la genèse des différentes espèces animales [10]. Appliqués au genre humain par l’ingénieur et philosophe britannique Herbert Spencer et par le statisticien britannique et cousin de Darwin, Francis Galton, les concepts de sélection naturelle et de lutte pour la vie (devenus « survie des plus aptes » sous la plume de Spencer) furent au fondement du « darwinisme social » et de l’« eugénisme » importés et développés aux Etats-Unis au tournant des XIXe et XXe siècles [11]. A l’orée du XXe siècle, le discours raciste aux Etats-Unis portait donc essentiellement sur la mesure des différences intellectuelles censées « naturellement » résulter de l’adaptation diverse des « races » au monde physique et social [12]. Le but affiché de l’analyse des aptitudes intellectuelles des groupes raciaux aux Etats-Unis était de préserver une « race blanche » considérée comme menacée par l’émancipation des « noirs » et l’immigration massive d’Européens du Sud et de l’Est à une époque où nativisme, darwinisme social et eugénisme se développaient de concert [13]. Au travers de tests censés mesurer le « quotient intellectuel », ou Q.I., il s’agissait de fournir des résultats objectifs et précis sur lesquels s’appuyer pour mesurer scientifiquement l’intelligence « innée » des individus et des groupes humains et, ainsi, rationaliser l’exclusion des « noirs » de la vie civique et la réduction drastique des flux migratoires [14].

9Mis en sourdine à la faveur de la Seconde Guerre mondiale, de la lutte contre le racisme institutionnalisé des régimes fascistes, et de l’effroi devant leurs conséquences, l’eugénisme et le darwinisme social furent remplacés dans le monde intellectuel occidental par le recours à l’environnement et à la culture (donc à l’histoire) pour rendre compte des différences observables (qu’elles soient mentales, comportementales, économiques, etc.) entre les groupes humains [15]. Pourtant, une partie importante des anciens promoteurs de l’eugénisme aux Etats-Unis restèrent en fonction dans le domaine universitaire après 1945, notamment grâce au financement de fondations privées comme le Pioneer Fund[16]. Et de façon symptomatique, le mode de compréhension racial de l’intelligence et du comportement humain ne ressurgit sur la scène publique dans ce pays qu’à la fin des années 1960 dans le contexte politique de la bataille pour les droits civiques menée par la communauté africaine-américaine [17]. Farouches opposants à ces politiques, certains auteurs comme Arthur Jensen cherchèrent à montrer que les variations de résultats entre « blancs » et « noirs » en termes de Q.I. seraient d’abord imputables à des facteurs génétiques [18]. Les variables socio-économiques comme le revenu familial, le niveau d’études, l’occupation professionnelle des parents, etc., n’entreraient que pour une part mineure dans l’explication des écarts entre « blancs » et « noirs ». En conséquence de quoi les programmes d’aide sociale seraient largement inutiles. La domination idéologique des conservateurs et néo-conservateurs américains sur la scène publique dans les années 1980 et 90 permit un large développement de ce type d’analyses qui reçut un écho inouï avec la publication en 1994 par Richard Herrnstein et Charles Murray de The Bell Curve[19]. Cet épais volume entendait démontrer, chiffres et graphiques à l’appui, l’inégalité « naturelle » des aptitudes intellectuelles entre les « races », et donc les différences comportementales « naturelles » entre elles : en moyenne, les « noirs » seraient moins intelligents que les « blancs » et se comporteraient comme tels. Les auteurs expliquaient ainsi « rationnellement » les « pathologies sociales » de cette « sous-classe intellectuelle » (cognitive underclass) : pauvreté, criminalité, échec scolaire, taux élevé de chômage, de dépendance à l’aide sociale, de divorces, de familles monoparentales, manque d’implication citoyenne, etc. [20] Pour Murray et Herrnstein, puisque la loi est censée avoir aboli les discriminations raciales depuis les années 1960, les inégalités économiques actuelles ne feraient que refléter « naturellement » les inégalités intellectuelles et comportementales entre les « races ». Suivant cette logique, Richard Lynn a par exemple étendu les conclusions de The Bell Curve aux peuples du monde entier en proposant un classement des nations selon leurs résultats à des tests de Q.I. : logiquement, les pays les moins riches seraient aussi ceux dont la population serait la moins intelligente [21].

10Le but avoué de cette mouvance intellectuelle est de prouver que la notion de « race » est centrale pour comprendre les différences entre les groupes humains. L’argument est le suivant : les différences observables entre groupes humains prouveraient l’existence « naturelle » des « races », « races » qui en retour rendraient compte de ces différences. Pour tautologique qu’il soit, cet argument fonctionne comme une attaque frontale contre ce qui apparaît à ces penseurs comme une ineptie régulièrement attaquée dans leurs écrits : la phrase de la Déclaration d’indépendance de 1776 selon laquelle « tous les hommes ont été créés égaux » [22].

11Bien que ses arguments soient restés fondamentalement les mêmes depuis le XIXe siècle, les techniques argumentatives de cette tradition intellectuelle se sont raffinées en ayant aujourd’hui prioritairement recourt, pour démontrer les inégales aptitudes intellectuelles des « races » humaines, à la génétique des populations et à l’interprétation des résultats encore partiels de l’immense entreprise de décodage du génome humain [23]. L’ascendance génétique des populations expliquerait non seulement les caractéristiques du corps, mais surtout les différences intellectuelles et comportementales entre individus et groupes [24]. Sous les apparences de la science et par l’intermédiaire d’une utilisation médiatique de la provocation, ce champ de recherches fécond produit aujourd’hui de nombreux ouvrages tous plus scandaleux les uns que les autres, et donc rentables sur le marché de l’édition.

12L’intelligence n’a pas été le seul terrain de recherche des études sur les différences raciales aux Etats-Unis. De longue date, les caractéristiques du corps et les aptitudes physiques qu’elles sont censées prédirent furent également passées au crible de l’observation savante [25]. Dans son versant physique, ce discours de la différence a historiquement eu pour but de prouver l’adaptation du « corps noir » à la pénibilité du travail forcé dans les plantations : résistance à la tâche, absence de souffrance, dureté du squelette, face proche du singe, etc. (Caractères ambivalents, pouvant être considérés comme positifs, et donc contrebalancés par les clichés sur la nonchalance, la paresse, la faible résistance aux maladies, etc., des Africains-Américains.) La création de ces caractères physiques permettait d’y voir une confirmation de l’arriération intellectuelle des Africains et de leurs descendants selon les idées très largement répandues à l’époque sur les correspondances entre physique et mental [26]. Ces idées avaient toutes en commun une naturalisation des comportements humains dont l’explication ultime devait se trouver dans les déterminations biologiques inscrites au plus profond du corps de l’individu : le mental ne serait que le reflet du biologique. D’autre part, cette nature biologique innée ne saurait être susceptible de modifications : l’être biologique de l’individu et de sa « race » (et donc leurs comportements) seraient immuables [27].

13Entre le milieu du XIXe et le milieu du XXe siècles, dans le cadre d’une ségrégation raciale institutionnalisée, ce modèle explicatif fut utilisé aux Etats-Unis pour rendre compte des succès grandissants des Africains-Américains sur les terrains de sport. La mesure des corps devint alors une affaire de préoccupation nationale : comment comprendre que des êtres « inférieurs » aux « blancs » (notamment dans leur version nordique) puissent être meilleurs sur le terrain de jeu ? Question d’autant plus problématique que, jusqu’à la fin du XIXe siècle, les Africains-Américains étaient considérés comme foncièrement inaptes au sport pour des raisons à la fois physiques (faible capacité pulmonaire, manque d’endurance, de coordination, etc.) et mentales (absence de « caractère », de courage, nonchalance, paresse, manque de sens tactique, etc.) [28] Les « noirs » n’étaient pas considérés comme capables de communier aux valeurs du sport, cette activité socialement positive qui permettait la promotion – de façon parfois contradictoire – du corps et de l’esprit, de la virilité masculine et de la moralité chrétienne [29].

14C’est donc par l’étude « scientifique » du « corps noir » qu’est passée la rationalisation biologique des succès sportifs africains-américains. A partir de la fin des années 1920, une trentaine d’enquêtes doublées de tests de laboratoire furent réalisées afin de mesurer les caractéristiques corporelles des « noirs » et d’expliquer leur particularisme supposé [30]. Le futur quadruple médaillé d’or aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936, Jesse Owens, fut ainsi examiné en détail par W. Montague Cobb, le spécialiste africain-américain d’anthropologie physique à l’université Howard [31]. Même si les résultats de sa célèbre étude réfutaient l’idée selon laquelle l’anatomie des « noirs » serait la cause leurs succès dans les épreuves de course et de saut (à l’été 1936, Owens avait remporté le 100 m, 200 m, relais 4 x 100 m, et le saut en longueur des J.O. de Berlin), sa voix resta isolée tant les autres études soit confirmèrent des préjugés séculaires en insistant sur les différences suggérant que l’anatomie et la physiologie du corps des Africains et de leurs descendants seraient un atout essentiel à l’origine de leurs performances, soit furent déformées par la presse. Peu à peu s’est ainsi imposée l’idée qu’il existerait un « phénotype sportif noir » parfaitement adapté à l’exercice physique : doté de hanches et d’une taille étroites, de longs membres, de grosses cuisses, de ligaments souples et de muscles élastiques, de gros orteils divergents et de talons saillants, d’une ossature dense, de tissus adipeux fins, etc., le « noir » serait, sur un terrain de sport, un adversaire littéralement hors-normes et donc un compétiteur hors-pair pour un « blanc ». Les « noirs » auraient ainsi des « aptitudes athlétiques » spécifiques permettant des performances exceptionnelles. Ces enquêtes passaient évidemment sous silence les contre-performances des sportifs « noirs » qui venaient contredire leurs données et surtout n’expliquaient jamais le bien-fondé de la généralisation des résultats sportifs de quelques athlètes africains-américains à l’ensemble de la population africaine-américaine, ni le passage problématique de la notion de performance à celle d’aptitude.

15Quoi qu’il en soit, au cours du XXe siècle ces résultats furent popularisés par la presse et les activistes africains-américains des années 1960 et 70 qui participèrent largement au renversement du préjugé négatif sur l’absence d’« aptitude » des « noirs » pour le sport et à la naturalisation de leurs succès [32]. Le nouveau préjugé pouvait désormais se lire ainsi : les « noirs » sont naturellement doués pour l’activité physique et, précisément, n’ont strictement aucun mérite à cela. Leurs avantages anatomiques et physiologiques en feraient des sportifs-nés. Travail, courage, persévérance seraient autant de vertus étrangères au sportif « noir » doté d’une force animale innée [33]. Parallèlement à cette force animale, le « noir » aurait le « rythme dans la peau ». La danse, certains sports comme le basket-ball, et la musique d’improvisation comme le jazz, seraient donc typiques des « noirs » [34]. Jusqu’à aujourd’hui, les vulgarisateurs les plus conservateurs de cette pseudo-science, comme Dinesh D’Souza, purent ainsi faire mine de se demander :

16

« Pourquoi des groupes avec une couleur de peau, une forme de crâne, et d’autres caractéristiques visibles différentes devraient-ils s’avérer identiques sur le plan de leur capacité intellectuelle ou de leur capacité à bâtir une civilisation avancée ? Si les noirs ont certaines aptitudes héritées, telles que la prise de décision improvisée, cela pourrait expliquer pourquoi ils prédominent dans certaines disciplines comme le jazz, le rap, et le basket-ball, et pas dans d’autres comme la musique classique, les échecs, et l’astronomie » [35].

17Relativement courant aux Etats-Unis, ce type de texte est représentatif de la diffusion des clichés racistes les plus anciens : « noirs » = nature, inné, corps, instinct, etc. ; « blancs » = culture, acquis, esprit, réflexion, etc.

18Ce débat sur les origines de la « supériorité athlétique noire » et, en général, sur les caractéristiques corporelles et intellectuelles des Africains et de leurs descendants, est un « débat sans fin » [36]. Il se poursuit depuis la fin du XIXe siècle et n’est pas prêt de s’interrompre : même certains historiens et sociologues, notamment africains-américains [37], dont les recherches ont clairement montré que la domination sociale des « blancs » sur les « noirs » et le contrôle socio-politique qui en résulte sont au fondement de l’existence de ce débat sur les « aptitudes naturelles des races », plaident pour un approfondissement des recherches biologiques sur les supposés avantages physiques des « noirs ».

19Le livre de Jon Entine s’inscrit donc dans cette double histoire du discours de la différence physique et intellectuelle entre « noirs » et « blancs ». Bien plus, il a consciemment recourt à l’étude du corps afin de prouver ces supposées différences raciales en évitant les controverses sur le Q.I. des « races » humaines. Et, bien que les critiquant apparemment de bonne foi dans certains chapitres, Taboo puise une grande partie de ses références intellectuelles dans la pensée raciale étudiée précédemment [38]. En effet, Entine a reçu l’aide très importante du journaliste Steven Sailer pour la rédaction de Taboo. Steven Sailer, qui vulgarise des théories de pseudo-science raciale sur ses blogs, travaille pour le site ultra-conservateur VDare.com. Il est aussi le fondateur du think tank eugéniste Human Biodiversity Institute (HBd) qui « consiste en un mélange d’experts, à la fois restreint, réservé à l’élite et éclectique, issus du monde scientifique, intellectuel et politique et qui discutent avec courtoisie des implications de la biodiversité humaine (i.e., « des différences de race, de genre, d’orientation sexuelle, etc. », et de leurs « connections avec quelques unes des grandes questions sociales de notre temps » allant « de l’éducation des enfants aux classements de médailles olympiques, des droits des homosexuels à la paléo-anthropologie, des mariages interraciaux aux prospectives pour le parti Républicain » [39]). Sailer, ne pouvant lui-même mener à bien le livre qu’il projetait d’écrire sur le même sujet, affirme avoir aidé Jon Entine pour la rédaction de Taboo[40]. Entine ne le nie pas, cite Sailer, et le considère même comme sa « lumière phare » (p. 344). A la lecture de Taboo, des articles de Jon Entine et ceux de Steven Sailer, on peut affirmer que ce dernier fut une source d’information essentielle pour Entine. Taboo est ainsi en grande partie une orchestration des théories de Sailer et des membres du Human Biodiversity Institute.

20La métaphore centrale du livre faisant du sport un « laboratoire parfait » est due à Sailer. D’après ce dernier, les sports sont une source irremplaçable de savoir sur les humains. En effet, alors que la société est foncièrement injuste, « les sports offrent à peu près le seul terrain de jeu égalitaire que nous ayons, et s’approchent le plus d’un laboratoire du monde réel » [41]. Entine a placé cette métaphore au centre de son livre : le sport, contrairement aux tests de Q.I. par exemple, permettrait un classement incontestable des meilleurs, et offrirait un « laboratoire parfait » (p. 10), un « affichage des scores objectif et racialement neutre » (p. 79), « la première vraie méritocratie dans la vie américaine » [42]. En fait, les sports seraient une « façon non-polémique » de traiter des différences raciales, un moyen idéal pour « dépolitiser ce qui a parfois été un débat acerbe » [43]. Les sports faciles d’accès (et en particulier la course à pied, le plus « naturel » d’entre eux [44]), offriraient ainsi une perspective incomparable pour reprendre à nouveaux frais l’étude de la biodiversité humaine. Ils fourniraient des informations objectives sur l’homme, comparables aux données récoltées par le physicien dans son laboratoire. Le Kenya, par exemple, avec ses coureurs d’exception, serait « le laboratoire sportif de la nature » (p. 310) [45]. Non seulement tests scientifiques, les sports seraient également étrangers aux conflits politiques. Le sport serait donc un terrain « neutre » et « dépolitisé » car jamais l’accès à cette pratique sociale, aux Etats-Unis, n’a été aussi ouvert que depuis le milieu du XXe siècle et la déségrégation des grandes ligues sportives professionnelles du pays [46]. La discrimination des « noirs » serait un lointain souvenir puisque « noirs » et « blancs » ont aujourd’hui, d’après la loi, un égal accès aux terrains et aux clubs de sports. Aussi, la persistance des différences de représentation des « races » dans les différents sports devrait-elle prouver « quelque chose » sur leurs « aptitudes physiques naturelles ». Un tel programme de recherche pourrait être généralisé au monde entier puisque, dit Entine, « à mesure que les discriminations dans le sport disparaissent, les aptitudes naturelles sont davantage susceptibles d’émerger » (p. 21).

II – « La variable décisive est dans nos gènes » : génétique et inégalité athlétique dans Taboo de Jon Entine

21Grâce notamment à la clarté de la vulgarisation pseudo-scientifique qu’il propose, Taboo a reçu une large publicité internationale et a longuement été discuté [47]. Pourtant, il s’agira moins ici de mettre à jour les thèses du livre pour les réfuter une à une, que d’en présenter le raisonnement général afin de comprendre sa logique sous-jacente. La mise en contexte opérée dans la première partie de cet article permettra de mieux saisir les enjeux historiques du livre.

22Taboo, en se fondant sur la génétique, entend démontrer les « différences biomécaniques et physiologiques fonctionnelles » (p. 83, et p. 95, 99, 105-6, 109, 266, 281, 290) entre « populations » (ou « races ») afin d’expliquer « pourquoi les athlètes noirs dominent en sport et pourquoi nous avons peur d’en parler ». Ce titre accrocheur, censé renverser un « tabou », est gratuitement provocateur puisque les « noirs » ne dominent que certains sports (certes parmi les plus médiatisés aux Etats-Unis : basket-ball, course et saut en athlétisme, football américain), et qu’ils sont quasiment absents de dizaines d’autres sports comme le hockey sur glace, le ski, le surf, le tennis, le golf, le cyclisme, etc. Pourtant, Entine peut affirmer que « les noirs brillent en nombre disproportionné dans presque tous les sports » (p. 337). En outre, personne n’a « peur » de tels sujets : les sciences naturelles et sociales passent leur temps à étudier tous les types de variations (y compris biologiques) dans l’espèce humaine. En fait, le titre du livre en souligne la thèse provocatrice : lorsqu’il s’agit d’expliquer les différences athlétiques entre les individus et les groupes, « la variable décisive est dans nos gènes » (p. 4). Autrement dit, « la génétique des populations – la généalogie – est le facteur déterminant » (p. 259). Certes, l’environnement joue un rôle, mais beaucoup moins important que la biologie, puisqu’« on naît sprinter, on ne le devient pas » (p. 256).

23L’ouvrage se propose ainsi de réfuter l’explication des différences humaines principalement par l’histoire et la culture, pour lui préférer la génétique et l’évolution [48]. En mettant à jour la biodiversité humaine, l’auteur affirme que les découvertes récentes des généticiens, sur le point de « résoudre le mystère des gènes » et donc « de démêler les forces énigmatiques, à la fois biologiques et sociales, qui font les grands athlètes, les musiciens doués et les meilleurs savants » (p. 8), montreraient que les « populations » humaines (habituellement appelées « races » par le sens commun) sont fondamentalement différentes du point de vue génétique (chap. 7 et 19) [49]. Caractérisées par un éventail spécifique d’« habiletés fonctionnelles » dues à l’évolution contrastée de leur génotype et donc de leur phénotype sur la très longue durée, chaque « population » tendrait à dominer des épreuves sportives particulières (p. 31). Comme les différentes races de chiens (p. 280-281), les différentes races d’hommes, bien qu’ayant très peu de différences génétiques entre elles, auraient des « aptitudes » fonctionnelles et des personnalités bien différenciées [50]. En effet, les « marqueurs » prouvant la plus grande variabilité génétique à l’intérieur des groupes de population qu’entre eux « envoient un signal exagéré et sans doute faux » : « par contraste, les gènes régulatoires [de la physiologie humaine], plus difficiles à étudier (et qui circonscrivent nos aptitudes physiques et athlétiques), signalent que la variabilité entre les groupes est bien plus importante que ce qu’on avait cru » (p. 106, je souligne). D’après Entine, la preuve des différences raciales est sur le point d’être découverte car « que les scientifiques puissent ne pas encore être capables d’identifier les chromosomes qui contribuent aux aptitudes sportives spécifiques ne signifie pas que les gènes ne jouent pas un rôle défini – pas plus que l’absence de témoin oculaire d’un crime n’est la “preuve” que ce crime n’a jamais eu lieu » (p. 290) [51]. Néanmoins, bien que hautement significatives en termes d’aptitudes athlétiques, ces différences raciales, n’auraient aucune signification morale et ne permettraient pas d’inférer une quelconque hiérarchie entre les « races » (cf. p. 9).

24Le livre est ainsi fondé sur une véritable typologie zoologique, suivant les trois distinctions raciales « généralement acceptées » entre « Mongoloïdes, Caucasoïdes, et Négroïdes » (p. 213) [52].

25Les Africains et leurs descendants (appelés « noirs ») sont les plus étudiés dans le livre (cf. p. 25-8, 29-42, 231, 248-59, 268-9). Cette « race », conçue biologiquement et non culturellement, inclut les Africains vivant en Afrique (y compris les Maghrébins) et toutes les personnes d’ascendance africaine. Certaines populations originaires d’Europe du Sud, comme les Italiens qui brillèrent sur les course de fond jusqu’aux années 1970, appartiendraient partiellement à cette « race » (cf. p. 35). Pour le cas des Africains-Américains notamment, ayant souvent un ou plusieurs ancêtre(s) blanc(s), il l’explique ainsi : « Les généticiens savent bien que deux cents ans de croisement racial, moins de 0,1% de l’histoire de l’évolution du monde, ne seraient pas un temps assez long pour effacer tous les gènes qui sont distincts dans chaque population – parmi lesquels, par exemple, les gènes qui influencent la performance sportive comme pour une production énergétique plus efficace ou des fibres musculaires rapides » (p. 99, je souligne). Entine utilise donc la règle américaine de la goutte de sang (one-drop rule), issue de l’esclavage et servant à protéger la « pureté » de la « race blanche », et selon laquelle on reste « noir » quelque soit le nombre de « blancs » parmi ses ancêtres (une goutte de « sang noir » fait de vous un « noir »). Le groupe des « noirs » est ainsi virtuellement énorme et à géométrie variable. Utilisée de cette façon, la génétique peut prouver à peu près n’importe quoi : « Bien que la mobilité des populations du monde aplanit même très lentement la biodiversité humaine à mesure que les gènes sont échangés d’une population à l’autre, les différences fonctionnelles persistent néanmoins. Il se peut que la science ne soit pas capable d’identifier combien il existe de races, ou quelles sont leurs délimitations, mais nous savons bien que les ancêtres d’un Nigérian, d’un Scandinave et d’un Chinois ont parcouru des chemins évolutifs significativement différents » (p. 109-110, je souligne). L’isolement génétique des populations peut diminuer tandis que la fonctionnalité différenciée des gènes peut rester la même. Et si la science n’est pas en mesure de prouver l’existence de « races » bien différenciées, le sens commun le peut.

26Au sujet des Africains et de leurs descendants, l’important pour l’auteur est de montrer que grâce à un développement physique plus précoce que les autres « races » (cf. p. 249-51 [53]) et à un phénotype particulier, les descendants d’Africains seraient particulièrement performants à la course et au saut : ils seraient naturellement plus rapides que les « blancs », eux-mêmes plus rapides que les Asiatiques (p. 279). Là dessus, la « science » serait très claire : « la preuve scientifique de la supériorité athlétique noire est écrasante et en accord avec ce que l’on voit sur le terrain de jeu » (p. 341, je souligne). L’ouvrage présente ainsi la liste classique de leurs supposés avantages phénotypiques : longueurs des membres, taille étroite, etc. (cf. p. 268-9). Pourtant, tous les « noirs » ne seraient pas identiques : Africains de l’ouest (du Sénégal à la Namibie) et Africains du nord et de l’est (du Maroc à l’Algérie, de l’Ethiopie à l’Afrique du Sud) auraient évolué de manière différente [54]. Les premiers, grâce à leur phénotype musculeux, à leur important taux de testostérone et de fibres musculaire rapides (fast-twitch muscle fibers[55]), à leurs réflexes, et à leur fatigue après une minute d’efforts intenses, seraient faits pour les sports anaérobiques (demandant une énergie explosive et de courte durée). Le basket, le sprint, le football américain, même le bobsleigh leur conviennent beaucoup mieux que les sports d’endurance comme la course de fond, le cyclisme, la natation (où d’ailleurs les « noirs » « coulent », à cause de leur importante masse osseuse, p. 282-3). Ils seraient ainsi les meilleurs sprinters et sauteurs du monde. Inversement, les Africains du nord et de l’est seraient bien meilleurs pour les efforts aérobiques (c’est-à-dire d’endurance et consommant beaucoup d’oxygène et d’énergie) grâce à leur phénotype maigre, leur grande capacité pulmonaire, leur nombreux capillaires apportant l’oxygène à de nombreuses fibres musculaires lentes (low-twitch muscle fibers) contenant de nombreuses mitochondries. Pour ces raisons, les seconds seraient les meilleurs coureurs de fond de la planète. Plus précisément, les Africains de l’ouest seraient faits pour le sprint, ceux du nord pour les distances moyennes de demi-fond, et ceux de l’est pour les longues distances. Malgré leurs différences, les uns et les autres seraient « naturellement » relâchés, calmes et placides, ce qui, en sus de leurs « aptitudes » innées, donnerait naissance à une « esthétique athlétique noire » (cf. p. 66, 175, 265-6) [56].

27A tous les égards, les « noirs » seraient donc une population à part : la grande diversité génétique en Afrique (cf. p. 92, 116) montrerait finalement que « la délimitation génétique la plus tranchée sur la planète est celle entre les populations sub-sahariennes et le reste du monde » (p. 113, et 92, 115). D’ailleurs, la variété génétique serait la preuve même de l’homogénéité de la « race » africaine [57]. Ainsi, d’après l’auteur, rien n’exclurait le polygénisme puisque les différentes « races » humaines « pourraient » avoir existé avant même l’apparition d’Homo Sapiens. Utilisant la « théorie personnelle de la différenciation raciale » de Henry Harpending, anthropologue controversé exerçant à l’université d’Utah et membre du Human Biodiversity Institute, Entine suggère en conclusion que « blancs » et « noirs » pourraient ne pas appartenir tout à fait à la même espèce (p. 116, je souligne).

28Les Européens et leurs descendants (ou Caucasiens ; cf. p. 269 et les articles mentionnés de Entine), en termes d’endurance et de vitesse, se situeraient entre les Africains de l’ouest et de l’est. Leur force naturelle viendrait du haut du corps (large et musculeux) plutôt que des jambes (relativement courtes). D’où leur domination de l’haltérophile, de la lutte, du rugby, et de toutes les épreuves d’athlétisme sans course (lancer du poids, du disque, du javelot et du marteau). Ils seraient plus forts que rapides.

29Les Asiatiques et leurs descendants (cf. p. 21, 283-4), petits et trapus en général, avec des membres courts, de longs torses et une couche graisseuse sous-cutanée importante seraient plus lents et moins forts, courraient moins vite et sauteraient moins haut que les « noirs » et les « blancs », mais auraient de très bons réflexes et seraient plus souples – un avantage pour les arts martiaux, le plongeon, la gymnastique, le patinage artistique et les sports de raquettes. D’où la justesse, selon l’auteur, de l’expression populaire de langue anglaise « Chinese splits » (grand écart).

30Dans cette étude des différences athlétiques, les femmes posent un problème particulier étudié dans la dernière partie de l’ouvrage qui, à maints égards, est inspirée d’un article de Steven Sailer sur le sujet [58]. En effet, les « blanches » ont, sur les pistes d’athlétisme notamment, offert une bien meilleure « résistance » que leurs homologues masculins à la domination « noire ». Certes, les « noires », explique Entine, ont dû faire face à des obstacles culturels comme le racisme et le sexisme avant de s’imposer sur les terrains de sport. Mais à force de persévérance, elles y seraient quand même parvenues jusqu’à ce que, à la fin des années 1960, les athlètes d’Europe de l’est se mettent à remporter une grande partie des médailles olympiques. A ce sujet, la « machine sportive est-allemande » (cf. p. 305-316) est décrite avec soin : loin de prouver l’argument environnementaliste (l’entraînement à outrance peut créer d’excellents athlètes), l’Allemagne de l’est témoignerait du recours institutionnalisé au dopage pour gagner. Testostérone, stéroïdes, hormones de croissance furent la raison de cette domination des femmes de l’est entre les années 1960 et 80. Une telle supercherie n’aurait pu avoir lieu chez les hommes, puisque l’effet des stéroïdes « est bien plus spectaculaire chez les femmes » (p. 314). Finalement, ni un dopage à grande échelle ni un entraînement scientifique ne peuvent créer un athlète hors-pair. Seule la nature le peut, et sur ce point, « les coureurs à l’ascendance africaine sont simplement meilleurs. Naturellement » (p. 316). Ainsi, contrairement à ce qu’on avait pu penser à la vue de l’amélioration fulgurante des chronomètres féminins dans les années 1970-80, les performances athlétiques des femmes ne rejoindront jamais celles des hommes. La différence athlétique entre hommes et femmes est « naturelle » et fonctionne sur un mode analogique : les différences physiques entre les genres sont aussi importantes qu’entre les « races » et sont immuables (cf. p. 318).

31Au total, malgré le but affiché tout au long de l’ouvrage de lutter contre les stéréotypes s’attachant aux Africains et à leurs descendants, la génétique ne pourrait que valider l’évidence des préjugés du sens commun, « si évidents, même pour un enfant » (p. 10) (programme résumé dans le titre du sous-chapitre intitulé « Une explication bio-culturelle de certains stéréotypes sportifs », p. 278). Car « les stéréotypes, après tout, contiennent souvent au moins une vérité factuelle, bien que fréquemment exagérée ou distordue » (p. 266, et 10, 222, 265-6, 278-82, 339, 341). Ainsi, par exemple :

32En conséquence, le stéréotype faisant des « noirs » des athlètes hors pair ne serait donc ni raciste ni faux. Il serait simplement l’expression d’un fait ancré en nature. Et – prenant en cela le multiculturalisme libéral au pied de la lettre pour le subvertir – plutôt que de les nier, il faudrait célébrer ces différences. Comme pour Dinesh D’Souza qui annonce « la fin du racisme » en légitimant les pires clichés racistes [59], il faudrait, pour briser les stéréotypes, pour promouvoir le dialogue interracial, et pour comprendre à quel point nous sommes tous semblables, d’abord accepter de voir à quel point les populations humaines sont différentes [60]. Jamais ce paradoxe n’est expliqué. Mais en tout cas, la dernière phrase du livre s’exclame avec emphase : « Il est temps de reconnaître et même de célébrer une évidence : ce n’est ni raciste ni un mythe de dire que “les blancs ne savent pas sauter” » (p. 341) [61]. Le livre s’ouvrait pourtant sur une mise en garde concernant « la catégorisation destructrice des gens simplement fondée sur leur ethnicité ou la couleur de leur peau » (p. 7).

33Cette rapide présentation des thèses de Taboo montre de quelle manière le livre est l’héritier d’un folklore racial séculaire. Il convient maintenant d’analyser les ressorts de son argumentation.

34La présentation extérieure du livre lui confère une certaine respectabilité. Taboo est un livre à l’apparence scientifique avec de nombreuses notes de fin, des cartes, des graphiques et des tableaux statistiques, ainsi qu’un « panel d’experts » présenté à la fin (p. 343-5). La science est convoquée de part en part dans l’argumentation. D’autre part, l’auteur ne cesse de donner des gages de sa bonne foi en vue de combattre les clichés racistes, et de sa volonté d’aborder le débat sereinement, c’est-à-dire de façon dépolitisée : le rappel de l’histoire du racisme à l’encontre des sportifs africains-américains, des conséquences monstrueuses de la science raciale au XXe siècle, des stéréotypes raciaux concernant les « noirs » et les juifs par exemple, occupent près des deux tiers du livre et fonctionnent comme une caution intellectuelle permettant à Entine d’affirmer qu’il n’a pas négligé l’environnement socio-culturel dans sa thèse. Enfin, il reprend à son compte des positions socialement acceptées (et les retourne) : il reconnaît le flou inopérant de la notion de race (mais légitime son utilisation) ; il célèbre les différences raciales (pour mieux catégoriser les groupes humains).

35Cette apparence scientifique et apolitique donne ainsi une force supplémentaire à la structure de l’argumentation. Celle-ci est fondée sur trois temps distincts. D’abord, une accumulation de « faits intrigants », c’est-à-dire d’anecdotes présentées à la fois comme scientifiques et évidentes en elles-mêmes (essentiellement des résultats de compétitions sportives). Ainsi, le chiffre de 0,000000000000000000000000000001, inventé par Steven Sailer et censé exprimer quantitativement, par rapport à la population mondiale, l’infime probabilité que les 32 finalistes du 100 m aux J.O. soient tous d’ascendance ouest-africaine comme ce fut le cas dans les quatre olympiades précédant la sortie de Taboo (p. 32) [62]. Ces anecdotes permettent ensuite de proposer un vaste éventail d’hypothèses menant à une conclusion débutant toujours par « il est possible que », « cela pourrait expliquer que », « il est certainement plausible que », « une explication beaucoup plus plausible est que », « ceci est de moins en moins plausible chaque jour », « de nombreuses preuves suggèrent que », « les recherches préliminaires suggèrent que », « pas besoin d’être un prix Nobel pour conclure que », etc. Enfin, à partir de ces conclusions de bon sens, Entine se met en situation de défier les sceptiques (cf. p. 288) en leur demandant quelles preuves pourraient bien les convaincre si l’évidence ne suffit pas. Dans le livre, il raille notamment le spécialiste d’anthropologie physique américain Jonathan Marks parce que celui-ci attend des preuves scientifiques tangibles avant de reconnaître la justesse de l’explication causale entre gènes et aptitudes athlétiques des « races ». Pour Marks, aucune expérimentation scientifique n’est aujourd’hui possible pour le prouver. Entine lui reproche alors de « refuser même de considérer qu’il puisse y avoir des talents athlétiques liés à certaines populations » (p. 289, je souligne).

36Cette argumentation commet ainsi plusieurs erreurs de raisonnement. D’abord, elle se fonde sur une objectivation pseudo-scientifique de l’épreuve sportive et de ses résultats considérés comme une expérience et des résultats de laboratoire. Cette métaphore du sport comme test de laboratoire est fondée sur l’idée d’égalité : tous les concurrents ont un égal accès à l’épreuve sportive, les règles et les conditions de l’épreuve sont les mêmes pour tous, etc. Ainsi, toutes les autres variables étant égales par ailleurs, la capacité individuelle (et raciale) serait le seul paramètre variable. En ce sens, Entine peut faire de l’épreuve sportive une expérience sur les aptitudes bio-mécaniques humaines, c’est-à-dire une quasi expérience de laboratoire aux résultats vérifiables, renouvelables et surtout généralisables à l’ensemble du « groupe racial » auquel le sujet de l’expérience est censé appartenir. Comme dans un laboratoire, on pourrait ainsi tenir certains paramètres constants pour contrôler la variation d’un paramètre spécifique (la capacité athlétique raciale) selon le type de test, c’est-à-dire d’épreuve sportive. Les résultats, sous forme de classements, tiendraient alors lieu de données quantitatives, à la fois objectives et vérifiables. La métaphore de l’expérimentation joue ici le rôle de « preuve » de scientificité et d’apolitisme.

37Partant de cette objectivation pseudo-scientifique des résultats sportifs, Entine peut opérer une naturalisation tautologique des aptitudes humaines : les résultats sportifs mettraient à jour une « nature raciale » (les « noirs » courent « naturellement » vite) qui prédirait en retour presqu’immanquablement les futurs résultats sportifs (les prochains champions olympiques sur 100 m seront « noirs »). Comme tous les raisonnements essentialistes, cette position fait comme si le partage entre culture et nature était possible et avait un sens dans le cas des êtres humains, comme si on pouvait évaluer ce qu’un comportement doit à la biologie d’un côté et à la culture ou l’histoire de l’autre. Comme le note Jonathan Marks, « les humains sont des animaux bioculturels » qui vivent dans un environnement culturel où il n’y a ni pensée, ni attitude, ni action, étrangères à la culture : « Analytiquement, on ne peut pas plus retirer les humains de la culture que les œufs du gâteau. Il n’est pas plus sensé de parler d’humains sans culture que de pigeons sans plumes. » [63] Les humains sont indissociablement des êtres biologiques et culturels. De ce point de vue, le fait même de tenter de distinguer (et de quantifier) ce que l’homme doit à sa culture d’une part et à sa biologie d’autre part relève de préoccupations chimériques typiques d’une fausse science : « Le but de la science, après tout, n’est pas tant de poser des questions, que de poser des questions auxquelles on peut répondre. Poser une question à laquelle on ne peut répondre de façon rigoureuse, et prétendre qu’on peut le faire, est de la pseudo-science. » [64] Pourtant, la vision polémique qu’a Entine de la science (et qu’il répète à l’envi dans ses articles) en est l’exact opposé : « La science est une méthode d’interrogation de la réalité, un processus cumulatif au cours duquel on teste de explications nouvelles et plus précises, pas l’affirmation de faits bruts, inaltérables. C’est une façon de poser des questions, pas d’imposer des réponses » (p. 340).

38Enfin, la naturalisation des aptitudes humaines permet une généralisation abusive : si certains « noirs » sont capables de telles performances, alors tous les « noirs » le peuvent, car tous en ont l’« aptitude naturelle », c’est-à-dire « génétique ». Une telle proposition opère un passage analytique hautement problématique de l’individu au groupe, et de la performance à l’aptitude. Sur le premier point, de façon typique, Entine affirme ne parler dans son livre que des groupes et des « grandes tendances », pas des individus : en général, les descendants d’Africains de l’ouest courent plus vite que les autres, mais il se peut que certains ne courent pas vite du tout. Un tel artifice rhétorique (utilisé ad nauseam par les démonstrations raciales depuis l’Essai sur l’inégalité des races humaines de Gobineau jusqu’à The Bell Curve) permet de passer aisément d’une anecdote (certains descendants d’Africains dominent le 100 m des J.O. depuis des décennies ; un Européen a inventé la machine à vapeur) à une généralisation abusive (les « noirs » courent plus vite que les « blancs » ; les « blancs » sont plus intelligents que les « noirs »), tout en pouvant dire que ce n’est qu’une « tendance » ne déterminant pas les individus pris séparément. D’autre part, une telle généralisation est rendue possible par un contresens sur les notions de performance et d’aptitude [65]. A partir des performances de quelques individus athlétiquement exceptionnels, Entine infère des « aptitudes » pour l’ensemble du groupe auquel ils sont censés appartenir. La surreprésentation d’individus appartenant à un groupe dans une activité donnée, pas plus que la qualité de leurs performances, ne sont un argument génétique. (A telle enseigne, il faudrait, en France du moins, expliquer par des arguments génétiques la sur-représentation des personnes d’origine maghrébine dans la petite épicerie, de celles d’origine portugaise dans le gardiennage d’immeuble, etc.) En réalité, dire que l’« aptitude » (ou la « capacité ») d’un individu à faire quelque chose existe lorsque sa performance est positive est un truisme. En revanche, rien ne permet d’inférer d’une performance négative (que ce soit à un test de Q.I. ou à un exercice physique), une absence de « capacité génétique » à le réussir, car l’éventail des variables à l’origine de l’échec est immense et incontrôlable scientifiquement (manque d’entraînement, de motivation, de sommeil, état du corps à ce moment, etc.). La dite « aptitude génétique » n’est qu’une variable parmi beaucoup d’autres dans la performance : pour en rendre compte scientifiquement, il faudrait être capable de prendre en compte l’éducation de l’individu, son entraînement, son alimentation, la situation économique et culturelle, familiale et nationale dans lesquelles il a grandi, son environnement géographique, etc. En fait, « plus le nombre de variables contrôlées est grand, plus la performance entre deux groupes sur n’importe quel type de test est similaire » [66]. Les groupes humains ont en moyenne à peu près les mêmes « aptitudes génétiques », ce qui ne signifie pas que les individus soient tous génétiquement identiques puisque les différences biologiques de naissance (phénotype comme expression du génotype) existent bel et bien. Mais ces différences se retrouvent à l’intérieur de tous les groupes humains [67]. Au sens strict, on ne peut donc évaluer des « aptitudes » à faire une tâche sans prendre en compte l’ensemble du contexte social dans lequel cette tâche est réalisée – ce qui, pour le cas des « aptitudes sportives » d’un groupe, est scientifiquement difficile si ce n’est complètement impossible.

39Au total, l’argumentation de Taboo tente de réduire la complexité à l’évidence. Ainsi, malgré ce qu’en dit l’auteur, loin de lutter contre les stéréotypes, le livre ne fait que les renforcer en naturalisant les différences entre groupes humains qui sont repérables dans la vie sociale. Cependant, une telle argumentation intellectuelle ne relève pas simplement d’une erreur scientifique ; elle est caractéristique d’une prise de position politique. C’est à l’examen des implications politiques de Taboo qu’est consacrée la dernière partie de cet article.

III – Un discours dépolitisé ? Les enjeux politiques de la célébration de la différence athlétique

40Taboo n’est pas qu’un livre sur le sport. Il est aussi un livre politique dont le propos est double : 1/ les individus et les « races » auxquelles ils appartiennent sont génétiquement différents ; 2/ il est donc plus logique et efficace que chaque individu et chaque « race » se spécialise dans les tâches convenant le mieux à ses « aptitudes » innées.

41Tout le livre (et l’ensemble des articles de vulgarisation des thèses du livre publiés par Entine) défend ce premier point : l’idée selon laquelle il existerait des « races » « naturellement » inégales entre elles pour ce qui est de leurs aptitudes physiques. Dans Taboo, la discussion consacrée aux « différences humaines » (chapitre 8) est en partie fondée sur les arguments de courriels reçus par le think tank de Sailer, Human Biodiversity Institute (notes 47, 52 et 62, p. 353-354). Dans le livre, l’idée de l’existence des « races » et de leurs « différences » naturelles trouve sa justification « scientifique » dans les implications médicales de la génétique [68] : pourquoi existerait-il des maladies génétiques typiques de tel groupe humain et n’existerait-il pas des « aptitudes » athlétiques typiques de tel autre (cf. p. 288) ?

42Pour Entine, le fait que certaines maladies génétiques se rencontrent plus souvent chez certaines populations (la drépanocytose chez les populations africaines, l’hémochromatose chez les populations scandinaves, etc.) prouverait notre appartenance « raciale » [69]. A cause de la mutation du gène BRCA2, les femmes juives ashkénazes sont par exemple sur-représentées chez les patientes atteintes de cancers des ovaires et du sein. Et, parce que lui-même d’origine juive et porteur du gène défectueux, Entine, au prix d’un contresens sur le concept d’héritabilité [70], peut ainsi affirmer :

43

« Je suis juif par mon ADN »,
« L’ADN est essentielle pour préserver, pour toujours, notre tradition [juive] »,
« A partir des années 1950 et 60, il devint à la mode pour les juifs de redéfinir le judaïsme comme une religion et non plus comme une “race”, ce qui convenait à l’idéologie anti-raciale de l’Europe et de l’Amérique de l’après-Seconde Guerre mondiale. […] [Mais] aujourd’hui paraissent des recherches qui suggèrent que notre exceptionnalisme culturel pourrait être ancré dans la génétique » (je souligne) [71].

44Mais surtout, d’autres mutations génétiques expliqueraient à la fois la propension des juifs d’origine ashkénaze à la maladie neurodégénérative de Tay-Sachs et leurs excellents scores aux tests de Q.I. : les « gènes de l’intelligence » [72] ont pour corollaire négatif la propension à la maladie de Tay-Sachs dans la communauté juive ashkénaze. La culture de l’excellence intellectuelle promue dans la communauté juive n’aurait finalement fait que renforcer l’œuvre originaire de la nature.

45Ces idées sont largement développées dans le dernier livre de Entine, Abraham’s Children: Race, Identity, and the DNA of the Chosen People, et dans une conférence qu’il a donnée à l’AEI avec Charles Murray en 2007 [73]. Dans cette discussion, Entine affirme le rôle central des gènes en ce qui concerne la propension aux maladies, la forme du corps, les comportements et l’intelligence. Il rappelle également l’évolution contrastée des « races » humaines et souligne le particularisme des juifs en termes d’homogénéité génétique. D’autre part, en révélant leur héritage génétique, l’ADN définirait l’identité des personnes. Pour le cas des juifs, cette « identité génétique » serait leur intelligence « naturelle » et leur maîtrise innée du langage. Raisons pour lesquelles ils seraient surreprésentés parmi les lauréats du prix Nobel, les professeurs d’universités, les avocats et les humoristes. Inversement, les personnes au Q.I. inférieur à la moyenne seraient surreprésentées parmi les pauvres, les criminels, et les dépendants à l’aide sociale.

46Ces positions, déjà développées dans The Bell Curve, sont inspirées d’un article de Gregory Cochran, Henry Harpending et Jason Hardy dont la thèse centrale a été élaborée sur la liste de diffusion du Human Biodiversity Institute[74]. Leurs spéculations permettent à Entine de répondre à la question séculaire sur la définition de l’identité juive en affirmant que le judaïsme peut être génétiquement expliqué. « Trouver des liens entre judaïsme et ADN, même si ce sont des indices flatteurs, est particulièrement dérangeant pour les juifs étant données les leçons de l’histoire juive. Mais nous ne pouvons échapper au fait que le judaïsme est une forme de religion différente du christianisme ou de l’islam. Elle n’est pas fondée que sur la foi. » [75] Et même si la culture joue un rôle dans la définition de l’identité des personnes, « seuls les gènes confèrent la mystique de l’indélébilité ». C’est pourquoi, dit Entine, « Pour de nombreux juifs qui ont mis de côté leur pratique religieuse, les gènes fournissent un moyen profane pour retrouver leur héritage » [76]. Développées par Entine lors de conférences données dans divers synagogues et centres culturels juifs aux Etats-Unis, ces idées développent un essentialisme génétique que l’on retrouve à la télévision. Par exemple, dans un documentaire de la chaîne Jewish Life TV présentant Entine et dédié à l’entreprise Family Tree DNA, une femme peut s’exclamer : « Chéri, j’ai simplement à te dire que les résultats [génétiques] sont concluants : tu es juif, sans ambiguïté, tu es 100% juif du côté de ton père et de ta mère. […] Tu es un descendant des Hébreux des origines. » [77] Finalement, tout comme il existerait des « gènes de l’intelligence », il en existerait de la performance athlétique, chacun définissant des « aptitudes raciales » différenciées.

47Ainsi, de l’existence de « races » et de leurs inégales « aptitudes », Entine tire des conséquences pratiques (qui sont aussi politiques) sur les supposées « aptitudes » athlétiques des « noirs ». Dans Taboo, ceci est expliqué par le même type d’argument que dans The Bell Curve : bien que la discrimination raciale ait (théoriquement) disparu depuis les années 1960 et alors qu’on s’attendrait en conséquence à une égalisation de la représentation de chaque « race » dans les diverses activités de la vie sociale, on remarque toujours une nette différence à cet égard. Si les facteurs sociaux n’y sont pour rien (la discrimination est censée être terminée), alors l’explication de cet état de fait doit résider dans nos gènes [78]. En effet, si depuis la fin de la discrimination institutionnalisée dans le sport, des écarts persistent tout de même dans la représentation des Africains-Américains aux différents postes sur les terrains de sport, il faut l’expliquer non pas par la persistance des clichés voulant que les « noirs » ne peuvent occuper des postes à responsabilités (phénomène appelé stacking aux Etats-Unis), mais par le bon sens des entraîneurs habitués à juger des « aptitudes » athlétiques différenciées entre les « races ». Loin d’être du racisme, le stacking serait ainsi l’illustration d’une utilisation logique et efficace par les entraîneurs des « aptitudes » de chaque « race » (p. 275-278). Le racisme n’a donc rien à voir dans le phénomène du stacking, « inventé » de toutes pièces par les « académiciens » (p. 275). Il ne ferait que refléter les inégales « aptitudes » des races.

48Ce type de propos est typique d’un discours politique déguisé en discours scientifique. Célébrer les différentes « aptitudes » athlétiques et intellectuelles des individus et des groupes humains mène nécessairement des arguments du bon sens aux recommandations politiques sur la juste utilisation de ces « aptitudes ». Comme l’avance Steven Sailer :

49

« L’intégration a mené à une ségrégation des rôles. […] Quand les noirs n’étaient pas autorisés à jouer avec les blancs, ils étaient entraînés à occuper les neuf positions [au base-ball]. Dans le jeu intégré d’aujourd’hui, ils se spécialisent dans des positions où leur avantage compétitif en termes de rapidité et de puissance est valorisé, et où la compétition avec les blancs et les Mexicains est la moins forte. Bien sûr, une fois que vous reconnaissez que, dans les sports, la déségrégation mène souvent à la spécialisation dans le travail, vous le remarquez aussi ailleurs. […] Ceci amène à poser un regard nouveau sur l’affirmative action. Les quotas sont-ils nécessaires pour éviter la reségrégation ? Ou bien la spécialisation est-elle la clé du progrès économique ? Les quotas n’attirent-ils pas les noirs dans des branches où ils ne possèdent pas d’avantages comparatifs sur les blancs ? » [79]

50D’après Sailer, en dépit (ou à cause) des politiques d’affirmative action et de la fin des discriminations sociales, une telle « reségrégation » de la société selon les « aptitudes raciales naturelles » se généralisera dans l’avenir [80]. Aussi la génétique ne ferait-elle pas que « prouver » les différences d’« aptitude » athlétique entre « populations ». Elle démontrerait un ordre biologique du comportement et de l’intellect [81]. Cette position cherche à légitimer, au nom d’« aptitudes » spécifiques, les inégalités sociales dont sont victimes les Africains-Américains (et les autres groupes sociaux dominés dont les femmes) et la non-intervention de l’Etat pour les corriger. Ainsi, d’après Sailer, « étudier les écarts entre les sexes dans le sport offre de nouvelles perspectives sur tout un tas de problèmes contemporains apparemment très éloignés du sport » [82]. Les différences « naturelles » entre hommes et femmes dans les épreuves sportives de course par exemple auraient des implications politiques concernant la place des femmes dans l’armée ou le bien-fondé de la mixité scolaire.

Conclusion

51En 2007, Entine affirmait ainsi que son travail dans Taboo avait d’abord été de montrer que ce que le sens commun appelle « races » existe réellement et, ensuite, de faire prendre conscience aux gens que la diversité humaine n’est pas « simplement superficielle, une patine culturelle ». Au contraire, « dans certains aspects de notre humanité, [cette diversité] est bien réelle, et de telles différences peuvent avoir des conséquences immenses dans tout, de la performance sportive à la réussite scolaire ». Après la publication de Taboo et d’Abraham’s Children, Entine se proposait ainsi de « passer de la description à la prescription. Je projette, dans mon prochain livre, d’examiner les implications de la révolution génétique pour les politiques publiques, particulièrement dans l’éducation » [83].

52Ces dites « prescriptions » politiques sont claires et ont déjà été présentées par le collègue de Entine à l’AEI, Charles Murray, dans de nombreux ouvrages et en particulier The Bell Curve, et plus récemment, Real Education[84] – deux livres qui entendent montrer que si la « capacité cognitive » varie « naturellement » et considérablement d’un « groupe de population » à l’autre, toute politique publique cherchant à élever l’intelligence moyenne d’une société, notamment par l’éducation, sera vouée à l’échec. Dans Real Education, Murray affirme ainsi que le système éducatif américain est la proie d’un mensonge selon lequel tous les enfants et adolescents seraient intellectuellement égaux. En fait, les différences d’intelligence entre les individus et les groupes sont innées et immuables. Et pourtant, tout le monde veut aller à l’université. Du coup, on demande beaucoup trop à ceux situés en bas de « l’échelle cognitive », on demande les mauvaises choses à ceux situés au milieu et trop peu à ceux situés en haut. Il faut donc transformer complètement le système éducatif afin de privilégier l’enseignement professionnel et technique pour les deux premières « classes cognitives » et l’enseignement intellectuel pour l’élite dont dépend l’avenir du pays [85]. De telles positions cherchent à définir un optimum social dans l’utilisation des « aptitudes cognitives » de chaque « race » (et groupe de population : femmes, pauvres, etc.). Taboo permet de définir un tel optimum pour les aptitudes physiques.

53Qu’ils soient consacrés à l’intelligence ou au corps, ces discours de la différence ont ainsi pour finalité dernière la légitimation des structures sociales établies : telle qu’elle est, la société est le reflet de l’ordre naturel des choses. L’ordre social ne saurait donc être changé. Ces discours sont organisés tout à la fois autour d’un réductionnisme biologique (parfois appelé geneticization : nous ne sommes que ce que sont nos gènes) et, en même temps, d’un déterminisme biologique (nous sommes déterminés par nos gènes) [86]. De façon très claire, ce réductionnisme et ce déterminisme biologiques dans le domaine sportif ont récemment été exposés par Amby Burfoot dans une formulation toute religieuse où la Nature joue le rôle de Dieu. Toute politique sportive visant à promouvoir le retour sur les podiums d’un grand nombre d’athlètes « blancs » dans les épreuves de courses en athlétisme pour diminuer la domination africaine est vouée à l’échec : « […] cela ne marchera pas. Ce que nous avons ici, que cela vous plaise ou non, est un raz-de-marée. Ce que la Nature a mis en place, la législation ne peut le défaire. » [87]

54Aux Etats-Unis, appliqués au domaine politique, ces discours ont historiquement servi de véritable « machine de guerre contre l’Etat-Providence » [88] mis en place par le New Deal et la Grande Société [89]. Murray et Herrnstein ont décrit avec soin la « vision d’apocalypse » censée résulter de « la centralisation de l’autorité » dans cet « Etat gardien » qui chercherait à prendre en charge toute la société, des enfants aux criminels en passant par les pauvres [90]. La bureaucratie « totalitaire » nécessaire à cet Etat tentaculaire ressemblerait alors à « une version high-tech et plus coûteuse de la réserve indienne pour certaines minorités importantes de la population nationale », avec pour effets catastrophiques la montée du racisme, de la ségrégation, des inégalités sociales, dans un climat général de guerre civile larvée [91]. Renversant les idéaux politiques au fondement la création de la République américaine, les auteurs pouvaient ainsi affirmer :

55

« L’idéal égalitariste de la théorie politique contemporaine sous-estime l’importance des différences qui séparent les êtres humains. Il ne parvient pas à résoudre la question de la variation humaine. Il surestime la capacité des interventions politiques à modeler le caractère et les aptitudes humaines. Les systèmes de gouvernement qui sont nécessaires pour mettre en œuvre l’agenda égalitariste ignorent les forces que les Pères fondateurs décrivirent dans The Federalist, et qui mènent naturellement et inévitablement à la tyrannie [i.e., communiste], comme on le voit à travers l’histoire ou à travers les cultures. » [92]

56Les auteurs avouaient ainsi leur nostalgie pour le bon temps antique où « les gens étaient définis par leur place dans la société », où « la société était gouvernée par le petit nombre des vertueux et des sages » – cette « aristocratie naturelle » [93]. Parce qu’elle est consubstantielle à l’existence, il faudrait « essayer de vivre avec l’inégalité, comme la vie est vécue » [94]. Comme Taboo à leur suite, The Bell Curve et la tradition intellectuelle dans laquelle ces deux ouvrages s’inscrivent soulignent les différences « naturelles » entre les individus et les groupes pour en tirer une conclusion logique : à chacun sa place selon ses « aptitudes » biologiques innées. Aussi plutôt que de vouloir changer la nature, vaudrait-il mieux s’en accommoder et même célébrer la diversité de nos « aptitudes » pour trouver à chacun la place qui lui convient le mieux dans un ordre social fondé en nature.

57Cet article a cherché à étudier de façon méthodique un livre controversé, Taboo de Jon Entine, défendant l’idée d’« aptitudes athlétiques raciales naturelles » chez les humains. La mise en perspective historique du propos central de l’ouvrage a permis de comprendre en quoi il s’inscrit dans une histoire de longue durée, et d’en saisir les multiples enjeux. La discussion de la métaphore selon laquelle le sport est un « laboratoire parfait » pour juger des « aptitudes raciales », véritable clé de voûte de l’ouvrage, a mis en lumière les ressorts traditionnels de toute argumentation raciale : 1/ objectivation pseudo-scientifique des performances sociales ; 2/ naturalisation des aptitudes de certains individus à partir de leurs performances ; 3/ généralisation abusive de ces aptitudes à tous les individus du groupe. Une telle argumentation ne relève pas d’une simple erreur logique dans le raisonnement, mais est caractéristique des discours travestissant la science pour promouvoir des fins politiques. Aussi, présenté comme « scientifique » et « apolitique », le discours de la différence athlétique aux Etats-Unis cherche avant tout à prouver l’existence biologique des « races » et à en tirer un ensemble de prescriptions sociales. Par l’intermédiaire de la métaphore de l’épreuve sportive comme « expérience de laboratoire » et de la récupération des travaux de la génétique moderne, il met en forme des préjugés raciaux séculaires et, à côté de la mesure de l’intelligence, propose une nouvelle ligne argumentative pour un programme politique ancien.


Mots-clés éditeurs : Africains-Américains, noirs, Jon Entine, sport, aptitude athlétique, Taboo, génétique, différences raciales, race

Date de mise en ligne : 15/11/2012

https://doi.org/10.3917/rsss.003.0007

Notes

  • [**]
    Je tiens à remercier Scott MacEachern, Jonathan Marks et Pap Ndiaye pour l’aide qu’ils m’ont apportée dans l’élaboration de ce texte. Il va sans dire que les erreurs et imprécisions qui y subsisteraient seraient entièrement de ma responsabilité.
  • [1]
    Entine, Jon. 2000. Taboo: Why Black Athletes Dominate Sports and Why We’re Afraid to Talk About It, New York, Public Affairs.
  • [2]
    « The Black Athlete: Fact and Fiction », produit et écrit par Jon Entine et Tom Brokaw, diffusé sur NBC le 25 avril 1989. Sur ce documentaire, Cf. Davis, Laurel R. 1990. « The Articulation of Difference: White Preoccupation With the Question of Racially Linked Genetic Differences Among Athletes », Sociology of Sport Journal, vol. 7, n°2, p. 179-187, et Mathisen James A. et Mathisen Gerald S. 1991. « The Rhetoric of Racism in Sport: Tom Brokaw Revisited », Sociology of Sport Journal, vol. 8, n°2, p. 168-177.
  • [3]
    Entine, Jon. Taboo. Op. cit., p. 10.
  • [4]
    L’utilisation d’un tel « colorisme » pour distinguer les individus soulève une double difficulté. Difficulté synchronique d’abord : il existe une multitude de teintes de la peau entre le noir le plus sombre et le blanc le plus pâle ; difficulté diachronique ensuite : la différenciation des individus en « noirs » et « blancs » n’a cessé de varier au cours de l’histoire. Aux Etats-Unis en particulier, cette difficulté est encore plus grande dans la mesure où une large majorité d’Africains-Américains a un ou plusieurs ancêtre(s) d’ascendance européenne et/ou indienne. On notera également que la classification raciale des groupes humains est une construction sociale opérée en fonction de certains critères physiques jugés pertinents comme la couleur de la peau : la race est donc une catégorie indissociablement biologique et culturelle dont la pertinence n’est pas d’ordre scientifique. Pour ces raisons, les termes noir, blanc et race seront écrits entre guillemets dans cet article. Sur ces questions, Cf. Jacobson, Matthew Frye. 1999 [1998]. Whiteness of a Different Color: European Immigrants and the Alchemy of Race, Cambridge, MA, Harvard University Press, chap. 1-3 ; Davis, James J. 1991. Who Is Black? One Nation’s Definition, University Park, Pennsylvania State University ; Ndiaye, Pap. 2008. La Condition noire. Essai sur une minorité française, Paris, Calmann-Lévy, p. 76-83.
  • [5]
    Sur ces questions, nous renvoyons à Vidal, Cécile. 2009. « Des marges au centre : l’esclavage dans l’historiographie nord-américaine de la période coloniale », in Vidal, Cécile et Ruggiu, François-Joseph (dir.), Sociétés, colonisations et esclavages dans le monde atlantique. Historiographie des sociétés américaines du XVIe au XIXe siècle, Rennes, Les Perséides, 2009, p. 191-241.
  • [6]
    Cf. Kolchin, Peter. 1998. Une Institution très particulière. L’esclavage aux Etats-Unis, 1619-1877, Paris, Belin et Chaplin, Joyce. 2009 [2002]. « Race », in Armitage, David et Braddick, Michael (dir.). The British Atlantic World, 1500-1800, New York, Palgrave Macmillan, p. 154-172.
  • [7]
    Sur le rapport entre la notion de race et l’esclavage, Cf. Jordan, Winthrop D. 1968. White Over Black: American Attitudes Toward the Negro, 1550-1812, Chapel Hill, NC, University of North Carolina Press, et Fredrickson, George M. 1987 [1971]. The Black Image in the White Mind: The Debate on Afro-American Character and Destiny, 1817-1914, Middletown, CT, Wesleyan University Press.
  • [8]
    Cf. Kolchin, Peter. Op. cit., p. 97-99, 119-120, 201-209. Cf. aussi Fredrickson, George M. Op. cit., p. 43-64, 74-96.
  • [9]
    Pour une présentation récente et en français de ces questions, cf. Barreyre, Nicolas et Schor, Paul. 2009. De l’émancipation à la ségrégation. Le Sud des Etats-Unis après la Guerre de Sécession (1865-1896), Paris, CNED-PUF, chap. 4 et 5.
  • [10]
    Cf. Hofstadter, Richard. 1972 [1944]. Social Darwinism in American Thought, Boston, Beacon Press, p. 13-30 ; Kelves, Daniel J. 1986 [1985]. In the Name of Eugenics: Genetics and the Uses of Human Heredity, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, p. 3-19 ; Degler, Carl N. 1991. In Search of Human Nature: The Decline and Revival of Darwinism in American Social Thought, New York et Oxford, Oxford University Press, p. 3-55.
  • [11]
    Cf. Hofstadter, Richard. Op. cit., p. 51-84, et Kelves, Daniel J. Op. cit., p. 41-56. Sur le darwinisme social, cf. Becquemont, Daniel. 1996. « Darwinisme social », iIn Tort, Patrick (dir.), Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, t. 1, Paris, PUF, p. 1108-1119. Sur l’eugénisme, cf. Becquemont, Daniel. « Eugénisme », in ibid., p. 1408-1419. Sur l’eugénisme américain, son influence nationale et internationale (notamment dans l’Allemagne nazie) et sa postérité, cf. Kelves, Daniel J. Op. cit., p. 57-69 ; Tucker, William. 1994. The Science and Politics of Social Research, Urbana, IL, University of Illinois Press, et 2002. The Funding of Scientific Racism: Wickliffe Draper and the Pioneer Fund, Urbana, IL, University of Illinois Press ; Külh, Stefan. 1994. The Nazi Connection: Eugenics, American Racism, and German National Socialism, New York et Oxford, Oxford University Press ; Black, Edwin. 2003. War Against the Weak : Eugenics and America’s Campaign to Create a Master Race, New York, Four Walls Eight Windows.
  • [12]
    Cf. Gould, Stephen Jay. 1997 [1981]. La Mal-mesure de l’homme, Paris, Odile Jacob.
  • [13]
    Sur ces questions, cf. Higham, John. 2004 [1955]. Strangers in the Land : Patterns of American Nativism, 1860-1925, New Brunswick et Londres, Rutgers University Press, chap. 6 et 10 ; Mehler, Barry. 1988. A History of the American Eugenics Society, 1921-1940, thèse de doctorat, Urbana, IL, University of Illinois, chap. 5 et 6, http://www.ferris.edu/HTMLS/staff/webpages/site.cfm?LinkID=248&eventID=34, consulté le 2 mars 2010 ; et les ouvrages déjà cités de Stephen Jay Gould, Richard Hofstadter, Daniel J. Kelves, et Carl N. Degler.
  • [14]
    Sur les tests de Q.I. et la réification, la quantification et la hiérarchisation de l’intelligence sur lesquelles ils sont fondés, cf. Gould, Stephen Jay. Op. cit., p. 51-61, chap. 4, 301-313, 358-362 ; Kamin, Leon J. ; Lewontin, Richard C. et Rose, Steven. 1990 [1984]. Not in Our Genes: Biology and Human Nature, Londres et New York, Penguin, chap. 5.
  • [15]
    Cf. Degler, Carl N. Op. cit., notamment p. 187-211. A partir des années 1920, la culture est devenue une alternative à l’explication des phénomènes sociaux par l’hérédité biologique, commune depuis le milieu du XIXe siècle. Elle s’est imposée aux Etats-Unis entre les années 1940 et 1950. Pourtant, le retour du darwinisme et de la théorie de l’évolution dans la science sociale américaine au milieu du XXe siècle ne fut pas d’abord le fait d’idéologues conservateurs, mais cherchait à créer une « convergence » explicative globale entre sciences naturelles et sciences sociales afin de concrétiser ce « rêve chéri » d’une « science de la nature humaine » (p. 316-317). Cette « convergence » reprenait le programme de recherche sur l’intérêt d’une histoire naturelle de la culture humaine, exposé par Darwin dans La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe (1871) et L’Expression des émotions chez l’Homme et les animaux (1872). Le recours contemporain à la génétique pour l’explication des phénomènes sociaux (par exemple chez Entine) se fonde toujours sur ce « rêve chéri ». Cf. infra, note 50. Pour un panorama scientifique clair, rapide et complet sur cette question, cf. Gayon, Jean. 2003. « Évolution culturelle : le spectre des possibles », in Changeux, Jean-Pierre (dir.). Gènes et culture. Enveloppe génétique et variabilité culturelle, Paris, Odile Jacob/Collège de France, p. 57-72.
  • [16]
    Cf. William Tucker, The Funding of Scientific Racism, op. cit. ; Melher, Barry. « In Genes We Trust : When Science Bows to Racism ». http://www.ferris.edu/HTMLS/staff/webpages/site.cfm?LinkID=326&eventID=34, consulté le 2 mars 2010, et « Foundation for Fascism: The New Eugenics Movement in the United States », http://www.ferris.edu/HTMLS/staff/webpages/site.cfm?linkID=323&eventID=34, consulté le 2 mars 2010 ; Külh, Stefan. Op. cit., p. 5-10, 106. Certains membres du Pioneer Fund, comme J. Philippe Rushton et Arthur Jensen, sont explicitement proches des théories développées dans Taboo.
  • [17]
    Pour comprendre le contexte intellectuel des années 1950 et 60 marqué par la critique du libéralisme politique et l’émergence du néo-conservatisme, cf. Coppolani, Antoine. 1999. « La résistible évolution du libéralisme américain : du consensus libéral au mouvement néo-conservateur », in Fréchet, Hélène (dir.). La Démocratie aux Etats-Unis et en Europe, 1918-1989, Paris, Editions du Temps, notamment p. 243-249.
  • [18]
    A la fin des années 1960, c’est un article extrêmement controversé d’Arthur Jensen qui fut à l’origine de cette reviviscence de la compréhension biologique de l’intelligence et du comportement : Jensen, Arthur. 1969. « How Much Can We Boost IQ and Scholastic Achievement? », Harvard Educational Review, vol. 39, p. 1-123. Cf. aussi, Herrnstein, Richard J. 1961. « I.Q. », Atlantic Monthly, September, p. 43-64.
  • [19]
    Herrnstein, Richard J. et Murray, Charles. 1994. The Bell Curve: Intelligence and Class Structure in American Life, New York, Free Press. Pour une critique scientifique du livre et une mise en contexte de l’énorme controverse soulevée par sa publication, cf. Welch, Kimberly C. 2002. « The Bell Curve and the Politics of Negrophobia », in Fish, Jefferson M. (dir.). Race and Intelligence: Separating Science from Myth, Mahwah, NJ, Lawrence Erlbaum Associates, p. 177-198. Cf. aussi Jay Gould, Stephen. « Critique de The Bell Curve », in Jay Gould, Stephen. Op. cit., p. 379-406, et Fassin, Eric. 1997. « Discours sur l’inégalité des races. The Bell Curve : polémique savante, rhétorique raciale et politique publique », Hérodote, vol. 85, n°2, p. 34-61. Pour une rapide généalogie intellectuelle du livre et ses rapports à la fondation raciste Pioneer Fund et à la revue Mankind Quarterly avec lesquels travaillent Jensen, Rushton, et Lynn, cf. Marks, Jonathan. 2005. « Anthropology and The Bell Curve », in Besteman, Catherine et Gusterson, Hugh (dir.). 2005. Why America’s Top Pundits are Wrong : Anthropologists Talk Back, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, notamment p. 209-214.
  • [20]
    Sur l’apparition et l’usage scientifique et médiatique du terme underclass dans le contexte des années 1970-1980, cf. Wacquant, Loïc. 1996. « L’underclass urbaine dans l’imaginaire social et scientifique américain », in Paugam, Serge (dir.), L’Exclusion : l’état des savoirs, Paris, La Découverte, p. 248-262.
  • [21]
    Cf. Lynn, Richard (avec Tatu Vanhanen). 2002. IQ and the Wealth of Nations, Westport, CT, Praeger Publishers ; Lynn, Richard (avec Tatu Vanhanen). 2006. IQ and Global Inequality, Augusta, GA, Washington Summit Publishers ; Lynn, Richard. 2008. The Global Bell Curve: Race, IQ, and Inequality Worldwide, Augusta, GA, Washington Summit Publishers. Washington Summit Publishers est une maison d’édition bien connue pour ses liens intellectuels avec la pensée raciale d’extrême droite.
  • [22]
    Cette attaque prend ses racines dans la pensée raciale du XIXe siècle : cf. Fredrickson, George M. Op. cit., p. 82-83, 89-90 ; Stanton, William R. 1960. The Leopard’s Spots: Scientific Attitudes Toward Race in America, 1815-1859, Chicago, University of Chicago Press, p. 2-3, 56-58 ; Haller, John S. Jr. 1971. Outcasts from Evolution: Scientific Attitudes of Racial Inferiority, 1859-1900, Urbana, IL, University of Illinois Press, p. 74 et 85 Cf. aussi, Entine, Jon. Taboo, op. cit., p. 212.
  • [23]
    Sur les liens historiques entre eugénisme et génétique (qui furent longtemps synonymes aux Etats-Unis), l’abandon progressif de la première appellation au profit de la seconde après 1945 et la réhabilitation des eugénistes raciaux allemands et américains dans des disciplines comme la génétique, l’anthropologie et la psychologie après 1945, cf. Black, Edwin. Op. cit., chap. 20, et Külh, Stefan. Op. cit., p. 4, 100-106, note 19 p. 109.
  • [24]
    Pour Murray, la rapidité de la recherche en biologie cérébrale va, « d’ici la fin du XXIe siècle », permettre de comprendre comment la « nature humaine » est à l’origine de nos comportements et institutions, et donc permettre d’expliquer génétiquement la différence entre noirs et blancs, Anglais et Français, Suédois ayant un emploi et Suédois au chômage, chrétiens pratiquants et non-pratiquants, collectionneurs de timbres et randonneurs (cf. « Deeper Into the Brain », National Review, 24 janvier 2000), entre avocats et ingénieurs, épiscopaliens et baptistes, vivacité italienne et flegme écossais (cf. 2005. « The Inequality Taboo », Commentary, vol. 120, n°2, p. 17). Ces positions (déjà typiques de la science raciale du XIXe siècle, cf. Haller, John S. Jr. Op. cit., p. 119-120, 151) sont des exemples extrêmes de ce « rêve chéri » de trouver un jour une « nature humaine ». Cf supra, note 15.
  • [25]
    Pour un aperçu des représentations que se faisaient déjà les Européens de la « nature » physique des « noirs » pendant la période coloniale, cf. Jordan, Winthrop D. Op. cit., chap. 6. Pour un aperçu de la représentation bestiale du corps et du caractère « noirs » dans la pensée scientifique et populaire américaine du XIXe siècle, cf. Fredrickson, George M. Op. cit., p. 275-282, et Haller, John S. Jr., op. cit., p. 34-39, 49-56, 92, 115.
  • [26]
    Cf. par exemple, Haller, John S. Jr., op. cit., p. 9-11, et Fredrickson, George M. Op. cit., p. 49-50. Aux XIXe et XXe siècles, toutes les parties du corps, et pas seulement le crâne, seront utilisées pour démontrer la correspondance entre caractères anatomiques et physiologiques d’une part, et caractères intellectuels et comportementaux d’autre part, dans le but de prouver l’infériorité « naturelle » des non-Européens, des femmes et des pauvres notamment. Sur les rapports entre race, genre et classe dans l’anthropologie physique naissante du XVIIIe siècle, cf. Schiebinger, Londa. 1990. « The Anatomy of Difference: Race and Sex in Eighteenth-Century Science », Eighteen Century Studies, vol. 23, n°4, p. 387-405.
  • [27]
    Sur le réductionnisme et le déterminisme au fondement de cette pensée et son évolution jusqu’à la génétique contemporaine, cf. Kamin, Leon J. ; Lewontin, Richard C. et Rose, Steven. Op. cit., p. 5-6 et chap. 2. Mode de pensée que Gould qualifie à juste titre de « théorie des limites » (Jay Gould, Stephen. Op. cit., p. 60 et 190).
  • [28]
    Sur ces questions, cf. Fredrickson, George M. Op. cit. ; Haller, John S. Op. cit. ; Hoberman, John. 1997. Darwin’s Athlete : How Sport Has Damaged Black America and Preserved the Myth of Race, Boston et New York, Houghton Mifflin, chap. 11.
  • [29]
    Sur ces questions, cf. par exemple, Cavallo, Dominick. 1981. Muscles and Morals : Organized Playgrounds and Urban Reform, 1880-1920, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, et Putney, Clifford. 2001. Muscular Christianity: Manhood and Sports in Protestant America, 1880-1920, Cambridge, MA, Harvard University Press.
  • [30]
    Sur ces enquêtes, cf. Sailes, Gary A. 1991. « The Myth of Black Sports Supremacy », Journal of Black Studies, vol. 21, n°4, p. 480-487 ; Miller, Patrick B. 1998. « The Anatomy of Scientific Racism : Racialist Responses to Black Athletic Achievement », Journal of Sport History, vol. 25, n°1, p. 119-151 ; Wiggins, David K. « “Great Speed but Little Stamina”: The Historical Debate over Black Athletic Superiority », in Pope, Steven W. (dir.), op. cit., p. 312-338 ; Hoberman, John. Op. cit. ; Dyreson, Mark. 2008. « American Ideas About Race and Olympic Races in the Era of Jesse Owens: Shattering Myths or Reinforcing Scientific Racism? », International Journal of the History of Sport, vol. 25, n°2, p. 247-267 ; Sacco, Francesca et Gremion, Gérald. 2001. « Le mythe de l’ “avantage génétique” des sportifs africains », Schweizerische Zeitschrift für « Sportmedizin und Sporttraumatologie », vol. 49, n°4, p. 149-152.
  • [31]
    Cf. Cobb, W. Montague. 1936. « Race and Runners », The Journal of Health and Physical Education, vol. 7, p. 3-7, 52-56. Sur Cobb, son étude et son ambiguïté face à la question raciale, cf. Dyreson, Mark. Art. cit., p. 250-251, et Hoberman, John. Op. cit., p. 166-168.
  • [32]
    Sur ce renversement du préjugé et les thèses des articles de presse que récapitule Taboo, cf. Hoberman, John. Op. cit., chap. 11 et 13 ; Wiggins, David K. Art. cit. ; Dyreson, Mark. Art. cit.
  • [33]
    Sur l’étude de ce discours, cf. entre autres, Bass, Amy. 2002. Not the Triumph But the Struggle: The 1968 Olympics Games and the Making of the Black Athlete, Minneapolis, University of Minnesota Press, p. 325-348 ; Harpalani, Vinay. 1998. « The Athletic Dominance of African Americans – Is There a Genetic Basis? », in Sailes, Gary A. (dir.). African Americans in Sports : Contemporary Themes, New Brunswick, Transaction Publishers, p. 103-120 ; Hoberman, John. Op. cit., chap. 10-16 ; Miller, Patrick B. Art. cit. ; Wiggins, David K. Art. cit. Sur la traduction journalistique de ces clichés, cf. par exemple, Kane, Martin. 1971. « An Assessment of “Black is Best” », Sports Illustrated, 18 janvier ; Kane, Martin. 1977. « The Black Dominance », Time, 9 mai ; Price, S. L. 1997. « Is It in the Genes? », Sports Illustrated, 8 décembre.
  • [34]
    Pour la danse, cf. par exemple, Miller, Patrick B. Art. cit., p. 119-120. Pour le basket-ball et le jazz, cf. George, Nelson. 1999 [1992]. Elevating the Game: Black Men and Basketball, Lincoln, NE, University of Nebraska Press/Bison Books.
  • [35]
    D’Souza, Dinesh. 1995. The End of Racism: Principles for a Multiracial Society, New York, The Free Press, p. 440-441. Ce passage est tiré du chapitre intitulé « Ce que contiennent nos chromosomes » et du sous-chapitre « Les hommes blancs ne savent pas courir ». Il est cité favorablement par Entine dans Taboo (p. 245). D’Souza a été John M. Olin Fellow à l’AEI. Pour un florilège de ce genre de propos, cf., de Sailer, Steven. 1996. « Great Black Hopes », National Review, 12 août, http://www.isteve.com/blackath.htm, consulté le 2 mars 2010, et Sailer, Steven. 1999. « Elegy for MJ », National Post (Canada), 14 janvier, http://www.isteve.com/mjelegy.htm, consulté le 2 mars 2010.
  • [36]
    Wiggins, David K. Art. cit., p. 330 sq.
  • [37]
    Cf. Sailes, Gary A. Art. cit., p. 484-485 ; Smith, Earl. Avant-propos à Taboo, op. cit., p. vii-ix. Cf. aussi Wiggins, David K. Art. cit., p. 334.
  • [38]
    Cf. Entine, Jon. Taboo, op. cit., chap. 6, 9, 12, et Gil-White, Francisco. 2004. « Resurrecting Racism: The Current Attack on Black People Using Phony Science », Historical and Investigative Research, chap. 10 et 11, http://www.hirhome.com/rr/rrcontents.htm, consulté le 2 mars 2010.
  • [39]
    John Derbyshire. 2009. « Citizenism, Inconvenient Truths, & Examined Life », 10 mars, http://www.johnderbyshire.com/Opinions/HumanSciences/sailerism.html, consulté le 2 mars 2010. Le Human Biodiversity Institute est en réalité un forum de discussion Internet fondé sur une liste de diffusion hébergée par Yahoo ! Groups toujours active aujourd’hui et regroupant, lors de sa création en 1999, environ 80 personnes venues de différents horizons, parmi lesquelles des journalistes comme Jon Entine, Amby Burfoot, John Derbyshire, Peter Brimelow, et des universitaires comme Charles Murray, J. Philippe Rushton, Vincent Sarich, Gregory Cochran, Henry Harpending, Frank Miele. Sur l’eugénisme militant de Sailer, cf. le discours qu’il donna au think tank conservateur Hudson Institute pour la venue de Margaret Thatcher le 11 décembre 1999 (« The Genetic Revolution : From Marx to Darwin to Galton », http://www.isteve.com/Thatcher-Speech-Text.htm, consulté le 2 mars 2010). Dans Taboo, Entine qualifie le HBd « d’incroyablement perspicace » (p. 344).
  • [40]
    Cf. http://www.isteve.com/, http://isteve.blogspot.com/ http://www.vdare.com/sailer/index.htm. Sailer, Steven. 1997. « The Words Don’t Match the Pictures: Why the Polite Lies We Tell about Race and Sex Are Undermined by What We See on ESPN », National Review Online, 27 août, http://www.isteve.com/WordsDontMatchPictures.htm, consulté le 2 mars 2010.
  • [41]
    Ibid. Amby Burfoot, lui aussi, défend l’idée selon laquelle les épreuves de course en athlétisme seraient un « laboratoire parfait » (et parfois même « meilleures que n’importe quel test de laboratoire ») pour « mesurer certains traits physiques » (Burfoot, Amby. 1999. « African Speed, African Endurance », in Sands, Robert R. (dir.). Anthropology, Sport, and Culture, Westport, CT, Bergin & Garvey, p. 56, réimpression de 1992. « White Men Can’t Run », Runner’s World, août, p. 89-95).
  • [42]
    Entine, Jon. 2000. « Questions of Race », Philadelphia Magazine, janvier, http://www.jonentine.com/articles/question_of_race.htm, consulté le 2 mars 2010.
  • [43]
    Entine, Jon. 2001. « Why an American (Black or White) May Never Win Another Bay to Breakers », San Francisco Examiner, 15 mai, http://www.jonentine.com/reviews/sf_examiner.htm, consulté le 2 mars 2010. Comme le dit le journaliste S. L. Price : « Entine […] dépolitise la discussion en essayant de tuer cette vielle légende culturelle sur le lien entre excellence athlétique et faiblesse intellectuelle » (Price, S. L. 2000. « Not Too Hot To Handle After All », Sports Illustrated, 7 février). Earl Smith fait la même réflexion pour justifier son Avant-propos à Taboo (op. cit., p. vii).
  • [44]
    La course est le « seul vrai sport intentionnel » d’après Entine (p. 4). Pour Sailer, elle est « idéale pour l’étude statistique car c’est un sport si simple : seuls les temps comptent. Un autre avantage à se concentrer sur la course est que c’est probablement le sport le plus universel. […] La course est si fondamentale à la vie » (Sailer, Steven. 1997. « Track & Battlefield », National Review, 31 décembre, http://www.isteve.com/gendrgap.htm, consulté le 2 mars 2010). Burfoot souligne « l’universalité de la course », comme étant « le vrai sport mondial » (Burfoot, Amby. « African Speed, African Endurance », art. cit., p. 55-56). D’où leur fascination pour les épreuves de course des J.O. Mais faire de la course une activité « naturelle », « universelle » et « méritocratique » est évidemment fallacieux : d’abord, la course n’a pas toujours été et n’est pas partout considérée comme un « sport » ; ensuite, comme toute pratique sociale, on doit aussi apprendre à courir, notamment pour les épreuves de haut niveau ; enfin, il y a différentes façons de courir selon son âge, son origine sociale et culturelle, selon ses buts personnels, etc. Autrement dit, la course à pied, inscrite dans un espace social des pratiques, différent d’un groupe de population et d’une époque à l’autre, est justiciable d’une analyse en termes de « dispositions » et de « champs » (cf., de Bourdieu, Pierre. 1987 [1983]. « Programme pour une sociologie du sport », Choses dites, Paris, Minuit, p. 203-216, et Bourdieu, Pierre. 1980. Le Sens pratique, Paris, Minuit).
  • [45]
    Sur ce sujet et pour sérieusement nuancer le propos de Entine, cf. Pitsiladis, Yannis et al. (dir.). 2007. East African Runnin : Toward a Cross-disciplinary Perspective, New York, Routledge, 2e partie.
  • [46]
    La ligue professionnelle de football (NFL) fut deségrégée en 1946, et la ligue de basket-ball (NBA) en 1950. Mais c’est l’intégration en 1947 de Jackie Robinson dans la ligue de baseball (MLB) qui fut la date charnière.
  • [47]
    Les conclusions du livre ont été synthétisées et vulgarisées aux Etats-Unis et à l’étranger par une vingtaine d’articles de presse disponibles sur le site Internet de l’auteur : cf. http://www.jonentine.com/taboo.html. Pour une étude de la réception du livre, cf. Martin-Breteau, Nicolas. A paraître. « Le sport et la race. Taboo et la réception du discours sur les aptitudes athlétiques des races aux Etats-Unis », Mouvement social.
  • [48]
    L’auteur critique ainsi le « fondamentalisme environnemental », qualifié de « nouveau zeitgeist », de « nouvelle orthodoxie scientifique », de « dogme », de « théologie » (p. 222, 10, 90, 217, 272, 218), et censé être incarné par Franz Boas, Ashley Montagu et l’UNESCO.
  • [49]
    Comme Murray, Entine, suivant en cela une foi scientiste absolue dans les aptitudes de la science à découvrir les déterminations biologiques des actions humaines, ne désespère pas de trouver un gène de la vitesse au sprint, de la rapidité des réflexes, de l’efficacité de la production énergétique (cf. par exemple, p. 281). Sur le même mode, hors du domaine sportif, Entine pense pouvoir identifier la cause « raciale » de l’opposition entre catholiques et protestants en Irlande du Nord puisque ces deux groupes n’ont que « peu de gènes en commun » (cf. p. 112-113).
  • [50]
    Sur ce point, cf. Sailer, Steven. Sans date. « We Know They Said “Created Equal…” But They Didn’t Mean », http://www.vdare.com/Sailer/human_prop.htm, consulté le 2 mars 2010. Pour une approche équilibrée de la question des « aptitudes raciales » et de la comparaison avec les races canines, cf. Jordan, Bertrand. 2008. L’Humanité au pluriel. La génétique et la question des races, Paris, Seuil, p. 139-146, 175-186, 189.
  • [51]
    Sur ces arguments anti-empiristes classiques, cf. Marks, Jonathan. 2000. « Book Review : Taboo », Human Biology, vol. 72, n°6, p. 1077.
  • [52]
    Steven Sailer présente exactement les mêmes idées in Sailer, Steven. Sans date. « The Human Biodiversity Hall of Fame: A Celebration of Our Differences », http://www.isteve.com/HoFSizeDoesMatter.htm, consulté le 2 mars 2010. Pour une présentation récente des recherches génétiques sur les rapports entre phénotypes et performances physiques, et l’impossibilité d’en tirer toute conclusion « raciale », cf. Bray, Molly S. et al. 2009. « The Human Gene Map for Performance and Health-related Fitness Phenotypes: The 2006-2007 Update », Medicine & Science in Sports & Exercise, vol. 41, n°1, p. 35-73.
  • [53]
    Sur le cliché du développement physique et sexuel plus précoce des enfants « noirs », cf. Hoberman, John. Op. cit., p. 59 et 230-231.
  • [54]
    Rien n’est dit sur la Lybie et l’Egypte, ni sur les pays dans le triangle Mali-Tchad-Zambie. Cette distinction entre Africains a été rendue indispensable à partir des années 1960 avec la montée en puissance puis la domination impressionnante de certains coureurs d’Afrique de l’est (essentiellement Kenyans et Ethiopiens) sur les épreuves internationales de fond et demi-fond. En effet, au début du XXe siècle, on pensait encore que les « noirs » ne pourraient jamais être performants sur les longues distances, notamment à cause de leur faible capacité pulmonaire et de leur manque de « caractère ».
  • [55]
    Sur les problèmes que posent les études sur la différence entre fast et low-twitch muscle fibers, cf. Hoberman, John. Op. cit., p. 284-285. Sur la distorsion des conclusions de ces études par Entine, cf. Sacco, Francesca et Gremion, Gérald. Art. cit., p. 149.
  • [56]
    Sur le stéréotype du « relâchement » des Africains, cf. Hoberman, John. Op. cit., p. 199-201.
  • [57]
    Le flou total de la notion de « race » (reconnu par Entine) autorise ces inconséquences logiques ainsi que la variabilité de l’extension des groupes raciaux selon l’argument à démontrer. Pour une mise au point sur ces questions, cf. American Association of Physical Anthropologists (AAPA). 1996. « AAPA Statement on Biological Aspects of Race », in American Journal of Physical Anthropology, vol. 101, n°4, p 569-570 (une mise à jour de la déclaration de 1964 de l’UNESCO sur la notion de race), http://www.physanth.org/association/position-statements/biologicalaspects-of-race, consulté le 2 mars 2010 ; Soo-Jin Lee, Sandra et al. 2008. « The Ethics of Characterizing Difference: Guiding Principles on Using Racial Categories in Human Genetics », Lettre ouverte de 18 professeurs de l’université Stanford publiée in Genome Biology, vol. 9, n°7, art. 404, http://genomebiology.com/2008/9/7/404, consulté le 2 mars 2010 ; Madrigal, Lorena et Barbujani, Guido. 2007. « Partitioning of Genetic Variations in Human Populations and the Concept of Race », in Crawford, Michael (dir.). Anthropological Genetics : Theory, Methods and Applications, Cambridge, Cambridge University Press, notamment p. 19-28.
  • [58]
    Cf. Sailer, Steven. « Track & Battlefield », art. cit.
  • [59]
    D’Souza et Entine sont intellectuellement proches : le premier reprend dans deux articles les thèses de Taboo (Dinesh D’Souza, « Understanding Black Athletic Superiority », 22 août 2008, http://news.aol.com/newsbloggers/2008/08/22/understanding-black-athletic-superiority/, consulté le 11 février 2009, « White Men Can’t Run », 28 août 2008, http://townhall.com/Columnists/DineshDSouza/2008/08/28/white_men_cant_run/, consulté le 11 février 2009), et le second référence le premier article sur son site Internet (http://www.jonentine.com/taboo.html, consulté le 2 mars 2010). Enfin, Entine a rejoint l’American Enterprise Institute en 2002 où a travaillé D’Souza.
  • [60]
    Le même paradoxe conclut le dernier livre de Entine : John Entine 2007. Abraham’s Children: Race, Identity, and the DNA of the Chosen People, New York, Grand Central Publishing, p. 352.
  • [61]
    Référence au film à succès sur le basket de rue White Men Can’t Jump (1992) et à un célèbre article du journaliste, ancien marathonien et membre du Human Biodiversity Institute, Amby Burfoot (« White Men Can’t Run » repris in « African Speed, African Endurance », art. cit.) dont les titres reprennent un cliché sur les aptitudes athlétiques des hommes « blancs ». A l’orée des épreuves d’athlétisme des J.O. de Pékin, Burfoot a repris exactement les mêmes arguments (2008. « Beijing Notebook: White Guys Still Can’t Run », Runner’s World, publié en ligne le 12 août, http://2008olympics.runnersworld.com/2008/08/beijing-noteb-4.html, consulté le 20 mars 2009 : les différences raciales en termes d’aptitudes athlétiques sont « un fait statistique » ; ainsi l’entraînement est certes important, mais le « corps vient en premier » : ce ne sont pas les sportifs qui choisissent leur sport, « je crois que leur sport les choisit »). Cf. aussi supra, note 35. J. Philippe Rushton (amicalement appelé « Phil » dans les remerciements de Taboo, p. 344) ouvre le premier chapitre de la réédition de son livre par cette citation avant de dire tout le bien qu’il pense du livre de Entine (2000 [1995]. Race, Evolution, and Behavior: A Life History Perspective. 2nd Special Abridged Edition, Port Huron, MI, Charles Darwin Research Institute, p. 13 sq.).
  • [62]
    Sailer, Steven. « The Words Don’t Match the Pictures », art. cit.
  • [63]
    Marks, Jonathan. 2008. « The Growth of Scientific Standards from Anthropology Days to Present Days », in Brownell, Susan (dir.), The 1904 Anthropology Days and Olympic Games: Sport, Race, and American Imperialism, Lincoln, NE, University of Nebraska Press, p. 393 et 394. Cf. aussi, Jay Gould, Stephen. Op. cit., p. 30-31 ; Degler Carl N. Op. cit., p. 311 ; Kamin, Leon J. ; Lewontin, Richard C. et Rose, Steven. Op. cit., chap. 10.
  • [64]
    Ibid., p. 395. Cf. aussi Marks, Jonathan. 2000. « The Feckless Quest for the Basketball Gene », The New York Times, 8 avril.
  • [65]
    Pour la distinction fondamentale entre ces concepts, cf. Marks, Jonathan. 1995. Human Biodiversity: Genes, Race, and History, Hawthorne, NY, Aldine de Gruyter, p. 109-111, 237-243, et « Anthropology and The Bell Curve », art. cit., p. 223-226. a montré que la confusion entre les deux, notamment concernant les « aptitudes innées » des « noirs », est ancienne : cf. Jordan, Winthrop D. Op. cit., p. 187-190.
  • [66]
    Marks, Jonathan. 1988. Human Biodiversity, op. cit., p. 110. Sur cette question, cf. Mercer, Jane R., « Ethnic Differences in IQ Scores: What Do They Mean? (A Response to Lloyd Dunn) », Hispanic Journal of Behavioral Sciences, vol. 10, n°3, p. 199-218.
  • [67]
    Les Jeux Olympiques de Pékin en 2008 en donnent un bel exemple. Alors que traditionnellement la longueur des bras était censée être un trait distinctif de l’animalité des « noirs », « l’envergure » (avec ce que ce mot comporte de connotations positives) est devenue la marque des nageurs « blancs » d’exception, comme le septuple médaillé d’or, Michael Phelps.
  • [68]
    Si, en fin de compte, le livre valait la peine d’être écrit, dit Entine, c’était pour prendre la défense de la science injustement attaquée par l’obscurantisme « environnementaliste » mettant en péril la poursuite des travaux sur les maladies génétiques héréditaires souvent typiques de « groupes de populations » (cf. p. 73, 282, 286-8, 332, 339). Position qui permet à Entine de se présenter comme le défenseur de l’objectivité scientifique contre ce qu’il nomme l’irrationalité du relativisme environnemental.
  • [69]
    Ces positions sont développées par le Human Biodiversity Institute (H-Bd) de Sailer et relayées par des sites qui lui sont proches (et sur lesquels Entine publie) comme Gene Expression : cf. 2005. « Can H-Bd Aware Doctors Save Lives? », Gene Expression, 2 janvier, http://www.gnxp.com/MT2/archives/003403.html, consulté le 2 mars 2010. Pour une discussion de cette idée de « médecine raciale », cf. Soo-Jin Lee, Sandra et al. Art. cit. ; Madrigal, Lorena et Barbujani, Guido. Art. cit., notamment p. 28-33 ; Duster, Troy. 2005. « Race and Reification in Science », Science, vol. 307, 18 février, p. 1050-1051 ; Marks, Jonathan. Human Biodiversity, op. cit., p. 211-213, et Marks, Jonathan. 2009. Why I Am Not a Scientist: Anthropology and Modern Knowledge, Berkeley, Los Angeles et Londres, University of California Press, p. 245-248.
  • [70]
    Sur ce concept, cf. Jay Gould, Stephen. Op. cit., p. 192-194 et 381-382 ; Kamin, Leon J. ; Lewontin, Richard C. et Rose, Steven. Op. cit., p. 95-100 ; Marks, Jonathan. « Anthropology and The Bell Curve », art. cit., p. 219-223.
  • [71]
    Entine, Jon. 2008. « Wading Deep into the Genetic-Pool Controversy », Jewish Exponent, 13 mars, http://www.jewishexponent.com/article/15579/ ; « A Conversation with Jon Entine », Haaretz, 7 décembre 2007, p. 22 ; « 10 Questions For Jon Entine », Gene Expression, 10 octobre 2007, http://www.gnxp.com/blog/2007/10/10-questions-for-jon-entine.php, consultés le 2 mars 2010.
  • [72]
    Entine, Jon. « Wading Deep into the Genetic-Pool Controversy », art. cit. Ce déterminisme (« à tel caractère, à telle fonction, ou à telle réaction biochimique, tel gène ») en vogue au moment de la naissance de la génétique moléculaire est aujourd’hui largement discrédité : l’information biologique n’est pas le fait d’un seul (ni même de plusieurs) gène(s), mais d’une interaction de multiples facteurs. Sur ce point, cf. Jordan, Bertrand. Op. cit., p. 12, 122-130, 140 ; Changeux, Jean-Pierre. « Présentation », in Changeux, Jean-Pierre (dir.). Op. cit., p. 7-16 ; Morange, Michel. 1998. La Part des gènes, Paris, Odile Jacob, partie 3 « Les gènes de… » et chap. 18, ainsi que « Déconstruction de la notion de gène » in Fabre-Magnan, Muriel et Moullier, Philippe (dir.). 2004. La Génétique, science humaine, Paris, Belin, notamment p. 111-113, où l’auteur explique que si la notion de gène est floue, elle est utile, mais qu’à proprement parler « Le gène n’existe pas : c’est une construction bancale tentant de rendre compte et d’accompagner le travail des biologistes » (p. 113).
  • [73]
    Entine, Jon. Abraham’s Children. Op. cit., troisième partie et Appendice 5 (p. 379-381) dédié aux « maladies juives ». La conférence de Entine et Murray peut être trouvée à http://www.aei.org/events/eventID.1589,filter.all/event_detail.asp#, consultée le 2 mars 2010. Charles Murray pousse encore plus loin la spéculation sur ces sujets : Murray, Charles. 2007. « Jewish Genius », Commentary, vol. 123, n°4, p. 29-35. Cf. aussi, Murray, Charles. 2003. Human Accomplishment: The Pursuit of Excellence in the Arts and Sciences, 800 B. C. to 1950, New York, HarperCollins, p. 291-292.
  • [74]
    Cochran, Gregory M. ; Hardy, Jason et Harpending, Henry. 2006. « Natural History of Ashkenazi Intelligence », Journal of Biosocial Science, vol. 38, n°5, p. 659-693. Sur la genèse de cet article très controversé, cf. la conférence de Jon Entine précédemment citée, et Abraham’s Children, op. cit., p. 311-312. Les conclusions de l’article sont reprises dans le dernier livre de Cochran et Harpending (2009. The 10,000 Year Explosion: How Civilization Accelerated Human Evolution, New York, Basic Books, chap. 7) qui explique génétiquement, sur le modèle de la différentiation des races canines, les différences comportementales entre groupes humains par la théorie d’une évolution à la fois très récente (moins de 10 000 ans) et contrastée selon le degré de civilisation atteint par chacun d’eux. On notera que Cochran, physicien spécialiste d’optique militaire et spatiale, puis devenu anthropologue-biologiste associé à l’Université d’Utah, s’était fait connaître par ses hypothèses faisant, entre autres, de l’homosexualité une maladie causée par un « agent infectieux » (cf. Cochran, Gregory M. ; Ewald, Paul W. et Cochran, Kyle D. 2000. « Infectious Causation of Disease: An Evolutionary Perspective », Perspectives in Biology and Medicine, vol. 43, n°3, p. 437-438.
  • [75]
    Entine, Jon. « Wading Deep into the Genetic-Pool Controversy », op. cit.
  • [76]
    Citations tirées du sous-chapitre final intitulé « L’ADN de l’identité » in Entine, Jon. Abraham’s Children, op. cit., p. 346 et 347.
  • [77]
    « JReport - Are there Jewish Genes? », Jewish Life TV, septembre 2009, http://www.jewishlifetv.com/video.php?user=JReport&video_id=393, consulté le 2 mars 2010. Les services de généalogie génétique proposés par Family Tree DNA et d’autres entreprises pouvant « mesurer votre héritage génétique, ou “race” » sont largement présentées in Entine, Jon. Abraham’s Children, op. cit., p. 363-371. Sur ce point, cf. Bolnick, Deborah A. 2008. « Individual Ancestry Inference and the Reification of Race as a Biological Phenomenon », et Greely, Henri T. 2008. « Genetic Genealogy: Genetics Meets the Marketplace », in Koenig, Barbara A.; Soo-Jin Lee, Sandra et Richardson, Sarah S. (dir.). Revisiting Race in a Genomics Age, Piscataway, NJ, Rutgers University Press, p. 70-87 et 215-234.
  • [78]
    Cf. Herrnstein, Richard J. et Murray, Charles. Op. cit., chap. 4.
  • [79]
    Sailer, Steven. « The Words Don’t Match the Pictures », art. cit. S’appuyant explicitement sur Taboo, ce type position se retrouve dans la presse généraliste : cf. par exemple, Carlson, Jenni. 2009. « One of a Kind: Toby Gerhart Succeeds At a Position White Players Don’t Play At as Much Any More », The Oklahoman, 11 décembre.
  • [80]
    Cf., de Sailer, Steven. « Track & Battlefield », art. cit., et Sailer, Steven. 1997. « The Clash of Continents », publié in National Review le 19 mai, sous le titre « Why Nations Conquer », http://www.isteve.com/diamond.htm, consulté le 2 mars 2010.
  • [81]
    Thèses présentes en filigrane dans Taboo, p. 235-6, 239-40, 290.
  • [82]
    Sailer, Steven. « Track & Battlefield », art. cit.
  • [83]
    Les trois dernières citations sont tirées de « 10 Questions to Jon Entine », art. cit. Apparemment, à cause de la crise économique touchant l’édition, la publication de ce livre a été reportée sine die (courriel de Jon Entine à l’auteur, 14 mars 2009).
  • [84]
    Murray, Charles. 2008. Real Education: Four Simple Truths for Bringing America’s Schools Back to Reality, New York, Random House.
  • [85]
    Ce thème était abordé dans The Bell Curve (Herrnstein, Richard J. et Murray, Charles. Op. cit., chap. 18). Le mode de sélection des « plus doués » n’est pas clairement expliqué dans Real Education. Mais, sur ce sujet, on se rappellera avec profit les tentatives de tri entre enfants « doués » et « sous-doués » mises en place par le psychologue américain Lewis M. Terman dans les années 1920 (cf. Jay Gould, Stephen. Op. cit., p. 215-220).
  • [86]
    Kamin, Leon J. ; Lewontin, Richard C. et Rose, Steven. Op. cit., chap. 2 et 4. Murray exprime sans fard ce type d’idées : Murray, Charles. 1997. « IQ Will Put You In Your Place », Sunday Times (Grande-Bretagne), 25 mai, et « Deeper into the Brain », art. cit.
  • [87]
    Burfoot, Amby. « Beijing Notebook : White Guys Still Can’t Run », art. cit.
  • [88]
    Fassin, Eric. Art. cit., p. 54.
  • [89]
    Dans Losing Ground: American Social Policy, 1950-1980 (New York, Basic Books, 1984), considéré par beaucoup comme la « Bible » de la politique sociale reaganienne, Murray (comme Dinesh D’Souza dix ans plus tard, op. cit.) avait déjà tenté de montrer la perversité et l’inutilité des programmes d’aide sociale. C’est exactement à la même conclusion qu’arrivent Arthur Jensen et J. Philippe Rushton après « trente ans de recherches sur les aptitudes intellectuelles raciales » (cf. Jensen, Arthur et Rushton, J. Philippe. 2005. « Thirty Years of Research on Race Differences in Cognitive Ability », Psychology, Public Policy, and Law, vol. 11, n°2, notamment p. 280-285). Murray y revient dans Murray, Charles. 2006. In Our Hand : A Plan to Replace the Welfare State, Washington, D.C., AEI Press, où il explique comment se débarrasser d’un Etat-Providence foncièrement inefficace et pernicieux, à l’origine de la persistance de l’underclass des « malchanceux » de la génétique.
  • [90]
    Herrnstein, Richard J. et Murray, Charles. Op. cit., p. 509, 514, 523.
  • [91]
    Ibid., p. 526.
  • [92]
    Ibid., p. 532.
  • [93]
    Ibid., p. 528 et 530.
  • [94]
    Ibid., p. 551. En 2000, sur un mode moins tragique et pour prendre l’exaltation multiculturaliste des différences à son propre piège, Murray s’exclamait en français dans le texte : « vive la différence, tout simplement » (« Deeper into the Brain », art. cit.).

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