Notes
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[1]
Trad. par Geneviève Bousquet, Éd. du Cerf, Paris, 1956.
-
[2]
L’échelle des âges, « L’ordre philosophique », Seuil, Paris, 1968.
-
[3]
Marc Augé, Une ethnologie de soi. Le temps sans âge, La librairie du XXIe siècle, Seuil, Paris, 2014, p. 90.
-
[4]
Helen L. Bee et Denise Roberts Boyd, Psychologie du développement: les âges de la vie, De Boeck, Bruxelles, 2003, formalisent (chap. 1) 4 théories : psychanalytiques avec Freud et Erickson, humanistes avec Maslow et Rogers, Cognitives avec Piaget, et enfin de l’apprentissage, avec Pavlov, Skinner et Bandura.
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[5]
Arnold Van Gennep, Les rites de passage, Picard, Paris, 2011. Première édition 1909. Trois temps marquent ce rite : d’abord la séparation des futurs initiés, puis une période de marge à l’écart des autres membres du groupe, et enfin une agrégation avec un nouveau statut.
-
[6]
Pierre Bourdieu, « La “jeunesse” n’est qu’un mot ». Entretien avec Anne-Marie Métailié, in Les jeunes et le premier emploi, Association des Âges, Paris, 1978, p. 520-530. Repris in Questions de sociologie, Éditions de Minuit, 1984, 2e éd. 1992, Paris, p. 143-154.
-
[7]
M. Augé, ibid.,p. 44-47.
-
[8]
Isla Ripori, Andrew Steptoe, « Feeling old vs being old, associations between self-perceived age and mortality », JAMA internal Medicine, December 2014. Les auteurs ont suivi une cohorte de 6489 personnes d’âge moyen de 65, 8 ans pendant un an, avec comme question : « Quel âge avez-vous l’impression d’avoir ? »
-
[9]
P. Bourdieu, ibid.
-
[10]
La littérature sociologique ne compte que peu d’ouvrages de synthèses en langue française. Cécile Van de Velde (Sociologie des âges de la vie, Armand Colin, Paris, 2015) en note trois dans une note de bas de page : C. Attias-Donfut, Générations et âges de la vie (1992); M. Sapin, D. Spini, E. Widmer, Les parcours de vie. De l’adolescence au grand âge (2007) ; G. Mauger, Âges et générations (2015).
-
[11]
Cf. Marie-Jo Thiel, La santé augmentée : réaliste ou totalitaire ?, Bayard, Paris, 2014.
-
[12]
Acronyme pour Google, Amazon, Facebook et Apple.
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[13]
L’adolescence est la plus typique : Erik Erikson, Adolescence et crise. La quête de l’identité, Champ Flammarion Sciences, Paris, 1994, rééd. 1998.
-
[14]
Alain Ehrenberg, La fatigue d’être soi: dépression et société, Odile Jacob, Paris, 2000.
-
[15]
Éric Deschavanne, Pierre-Henri Tavoillot, Philosophie des âges de la vie, Grasset, Paris, 2007, p. 9.
-
[16]
H. L. Bee, D. R. Boyd, ibid., p. 237.
-
[17]
Alain Roger, « Naissance de l’adolescence. De l’âge ingrat à l’état de grâce », in Danièle Chauvin et Jean Louis Backès (dir.), L’imaginaire des âges de la vie, ELLUG, Université Stendhal, Grenoble, 1996, p. 173.
-
[18]
Hervé Le Bras, « L’interminable adolescence ou les ruses de la famille », Le Débat, Gallimard, vol. 3, 25, 1983, p. 116-125.
-
[19]
Olivier Galland, « Adolescence, post-adolescence, jeunesse : retour sur quelques interprétations », Revue française de sociologie, vol. 42, 4, 2001 p. 611-640.
-
[20]
Helmut Fend, Fred Berger, Urs Grob (Éds.), Lebensverläufe, Lebensbewältigung, Lebensglück: Ergebnisse der LifE-Studie, 1. Aufl., VS Verlag für Sozialwissenschaften, Wiesbaden, 2009.
-
[21]
Jean-Jacques Wunenburger, « Le midi de la vie, l’imaginaire d’une crise », in D. Chauvin, J.-L. Backes, Ibid., p. 212 s.
-
[22]
Selon le film d’Étienne Chatiliez (2001) avec dans les principaux rôles André Dussollier, Sabine Azéma et Éric Berger. L’intitulé du film en est venu à désigner certains jeunes « glandeurs » profitant de leurs parents sans s’engager réellement dans la vie active. Voir l’article de Pascal Janne et alii., « “Tanguy” revisité : de l’adolescence à l’ado-laisse sens », Thérapie Familiale 2007/2 (vol. 28), p. 167-180.
-
[23]
Ibid. p. 284.
-
[24]
Rémi Lenoir, « L’invention du “troisième âge” », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 26, 26-27, 1979, p. 57-82.
-
[25]
Christian Lalive d’Epinay et Dario Spini (dir.), Les années fragiles. La vie au-delà de quatre-vingts ans. Presses de l’Université de Laval, Québec, 2017.
-
[26]
Le XXe siècle est celui de bien des progrès en gériatrie, et pourtant, écrit Jacques Amyot, « cet âge reste méconnu. Or, dans ce domaine comme dans d’autres, l’ignorance entraîne la crainte et le rejet. » in Jacques Amyot et Michel Billé (dir.), Vieillesses interdites, « La gérontologie en actes », L’Harmattan, Paris, 2004, p. 32-33.
-
[27]
Michel Billé et Didier Martz, La tyrannie du « bien-vieillir », Éd. Le bord de l’Eau, Bordeaux, 2010.
-
[28]
Cf. Note de France Stratégie, publiée le 31 mars 2016, intitulée « Jeunesse, vieillissement : quelles politiques ? », (http://francestrategie1727.fr/wp-content/uploads/2016/02/17-27-jeunesse-vieillissement.pdf).
-
[29]
Louis Roussel, La famille incertaine, Odile Jacob, Paris, 1989.
-
[30]
Voir par ex. le rôle qu’a pu jouer l’autonomie (et sa compréhension) dans la reconnaissance de la personne avec un handicap in M.-J. Thiel, La santé augmentée, ibid., chap. 5.
-
[31]
Ces personnes doivent être considérées comme toujours dotées d’autonomie mais entravées dans l’expression de celle-ci (cf. Marie-Jo Thiel, Faites que je meure vivant, Bayard, Paris, 2014)
-
[32]
Romano Guardini, Les Âges de la vie, trad. par Geneviève Bousquet, Éd. du Cerf, Paris, 1956.
-
[33]
Cf. chanson de Hugues Aufray, « Le bon dieu s’énervait ».
-
[34]
Karl Barth, Dogmatique, 3e vol., tome IV (t. 16 de la trad. Ryser, Labor et Fides, Genève, 1965), cité par Deschavanne et Tavoillot, ibid., p. 345.
-
[35]
Voir son article un peu plus loin dans cette revue.
-
[36]
L’acronyme NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, sciences de l’information et de la communication et sciences cognitives) résume cette convergence : il ne s’agit donc pas d’additions d’effets divers mais de potentialisations réciproques et d’effectivité créative aux seuils entre ces différentes pratiques.
-
[37]
Le « Crois et tu seras sauvé » de Paul vaut aussi pour l’augmentation (cf. Marie-Jo Thiel, « L’Homme augmenté aux limites de la condition humaine », RETM « Le Supplément », Hors-série, septembre 2015, p. 141-161).
-
[38]
Je m’en suis expliquée dans le chapitre IV de M.-J. Thiel, La santé augmentée, ibid.
-
[39]
Karl Rahner, Le deuxième concile du Vatican. Contributions au Concile et à son interprétation, « Œuvres » volume 21, Éd. du Cerf, Paris, 2015, p. 1046.
-
[40]
Une petite notice a été rajoutée simplement au moment de la publication des « Tables générales » en 1972.
-
[41]
Joseph Ratzinger, « Heil », in J. Hüfer, K. Rahner (Éds.), Lexikon für Theologie und Kirche, Verlag Herder, Freiburg, 1960, t. 5, col. 76-80.
-
[42]
„…während Heil nie zum eigentlichen Bestandteil der theologische Fachsprache wurde…“ (ibid. p. 78).
-
[43]
Voir l’article plus loin de B. Cholvy.
-
[44]
Voir l’article plus loin de F.-X. Amherdt.
1Traditionnellement, quasiment tous les grands philosophes à travers l’histoire se sont exprimés sur la question des âges de la vie (Aristote, Platon, Augustin, Hegel, Kierkegaard...) (con)fondant la quête de maturité humaine avec une quête de sagesse en vue de mettre en œuvre et d’atteindre ce qui fait la grandeur de l’être humain. La théologie chrétienne ne fait pas exception qui relit les âges de la vie comme les âges de l’humanité ou l’avancée spirituelle de « l’homme nouveau » à la lumière de la symbolique des nombres... Avec le XXe siècle, cela devient rare : Arendt, Sartre, Péguy, Alain font exception. Tout comme Romano Guardini dont il faut saluer le travail philosophique précurseur sur Les Âges de la vie [1] suivi quelques années plus tard de la synthèse systématique de Michel Philibert [2]. C’est qu’au XXe siècle, les âges de la vie deviennent avant tout des objets d’analyse au carrefour des savoirs et non plus d’abord des réalités à vivre ou faire vivre... L’âge se décrit en fonction d’observations objectives (marche, dentition, puberté, ménopause...) et de capacités psychiques (parler, compter, comprendre...) ou encore de questions éthiques particulières (liées à la fragilité et aux besoins de certains âges). Les recherches (y compris théologiques) se concentrent sur un âge ciblé de la vie sans réel dialogue entre ses différents moments, écho à la conception segmentée de l’existence répondant au compartimentage des politiques sociales s’adressant soit à la jeunesse, soit à la vieillesse, etc.
2Or les mutations sociétales actuelles aux causalités multiples transforment l’ensemble des âges et des existences. « Les “âges de la vie”, écrit Marc Augé [3] sont indéniablement datés. Ces représentations supposent […] la pérennité d’un modèle familial qui leur sert de support. Modèle simplifié, élémentaire, qui fait allusion, simplement allusion, à la descendance directe d’un couple unique : la descendance n’est ici que le marqueur normal du temps qui passe » (p. 90-91), mais aussi le marqueur d’une régularité du rythme où « chaque génération pousse l’autre vers la sortie. Sans doute, est-ce une des raisons de la tension latente qui préside aux relations entre générations successives dans de nombreuses sociétés […] mais plus particulièrement encore lorsque l’idée de la mort n’est pas associée à celle de recommencement, lorsque la roue tourne pour tous, mais ne fait qu’un tour pour chacun. » (p. 91-92). Les tensions se concentrent sur les deux générations qui se suivent, les anciennes rivalités enfants-parents se retournent en tensions parents-enfants, paradoxales, non-dites le plus souvent. Passe-t-on alors d’une valse à trois temps (jeunesse, âge adulte, vieillesse) à une valse à mille temps ? Ou s’agit-il aujourd’hui d’une expérience de danse qui résolument change radicalement de rythme comme de modalités pour des mouvements plus individualisés, avec des harmonies nouvelles qui devraient aussi interpeller la théologie (christologie, sotériologie…) et la pastorale liturgique et sacramentaire qui s’appuie sur des conditions de maturité…
3La présente contribution propose avant tout un état des lieux : elle observe comment les âges de la vie désignent toujours un construit dépendant des sociétés dans lesquelles il s’inscrit, mais aussi conséquemment de leur évolution historique. Nous identifierons quelques ruptures récentes et les brouillages occasionnés, pour finalement observer que la déconstruction de ces âges s’accompagne de recompositions nouvelles qui ne manquent pas d’interroger la théologie chrétienne.
Le construit des âges de la vie et ses ruptures récentes
4Divers concepts et théories tentent aujourd’hui de clarifier le développement humain [4], c’est-à-dire les changements, les continuités et les communs entre individus, suscités par l’influence de la nature et de la culture (milieu). Documenter de tels changements et observer à quel âge ils se produisent, contribuent à la description de ce que l’on appelle les « âges de la vie ». Mais ceux-ci ne se réduisent pas aux données (biologiques et psychologiques) du cycle de la vie : ils proposent aussi (et sont pris dans) une vue d’ensemble de l’existence individuelle et collective largement commandée par les figures et déterminants de la société de référence, avec ses normativités et ses valeurs.
5On connait de nombreuses représentations allégoriques des âges de la vie à travers l’histoire. Ainsi la célèbre métaphore du sphinx (en trois temps) qui compare le déroulé de la vie humaine à une journée où l’on est à « quatre pattes » au matin de l’enfance, puis droit et debout l’après-midi de la vie, et enfin sur « trois pieds » lors de la vieillesse, quand la canne permet de marcher encore. Le nombre de phases varie selon les auteurs et les siècles, et le christianisme y a joué un rôle certain : trois (comme les 3 de la Trinité, les 3 de la Sainte Famille – deux parents et un enfant unique –, les 3 Rois mages, les 3 continents…), quatre (comme les 4 saisons, les 4 éléments que sont l’air, l’eau, la terre le feu ; les 4 évangiles, les 4 fleuves du paradis, les 4 vertus théologales…), six (comme les 6 jours de la création, les 6 âges du monde de Jérôme ou Augustin), sept (comme les 7 dons de l’Esprit, les 7 arts libéraux, les 7 vertus et 7 péchés capitaux…), douze (comme les 12 mois de l’année, les 12 tribus d’Israël, les 12 apôtres, les 12 ans de Jésus commençant sa vie publique…). Dans la modernité, les fresques sont rares et le tableau de Gustave Klint, Les trois âges de la femme (1903, Galerie Nationale d’Art moderne à Rome) fait exception ; il entrelace trois visages de la femme : petite fille endormie, mère paisible la portant et vieille femme, tête baissée, se cachant les yeux, figure surplombante de la condition humaine.
Pourquoi des âges de la vie ?
6La catégorisation en âge est légitimée traditionnellement par les clivages reconnus comme déterminants pour la stratification sociale impliquant un changement de statut et donc de rôles sociaux, familiaux, religieux, souvent marqué par des « rites de passage » [5]. Celui marquant le passage de l’enfance à un âge « plus » adulte est souvent particulièrement marqué (confirmation, Bar Mitsvah, …). L’idée de cycle de vie repose sur l’idée que tous les individus passent par un ordre prédéfini d’étapes (familiales, sociales ou professionnelles). Si le cycle est ternaire, l’âge adulte joue un rôle central stable valorisé par l’activité sociale : la jeunesse devient alors « préparation à », et la vieillesse « retrait de ».
7La notion de « classes d’âges » s’appuie, elle, en plus de l’âge, sur des critères biologiques (cf. puberté) et de statut (scolaire par ex.) ; elle suppose des comportements objectivables et distinctifs qui ne s’imposent pourtant pas non plus avec évidence. Plus encore, écrit Pierre Bourdieu : « On est toujours le vieux ou le jeune de quelqu’un. C’est pourquoi les coupures soit en classes d’âge, soit en générations, sont tout à fait variables et sont un enjeu de manipulations. » [6]
L’empouvoirement (empowerment) construit et vécu du nombre des ans
8À la question « Quel âge as-tu ? », l’enfant de 3 ou 5 ans répond fièrement comme si l’accroissement du nombre des ans était synonyme d’accroissement en importance, en intelligence, en pouvoir, en épanouissement : « l’année prochaine, je vais à la grande école »… Plus tard, la question devient impromptue à moins que ce ne soit complicité entre camarades ayant peu ou prou le même âge. Le vécu change.
9Dans certaines langues comme l’anglais ou l’allemand, l’insinuation se fait plus incisive : « How old are you » ou « Wie alt bist du » appelle une réponse en « I am… » et « ich bin… » ! Elle utilise non pas l’auxiliaire avoir mais l’être, comme si le sujet était défini par son âge et donc également ses représentations, comme si le nombre des ans conférait un pouvoir, des capacités ou… en défaisait. D’autant plus que dans ces deux langues, à la différence du français, « alt/old » renvoie aussi d’emblée au vieillissement : « Ich bin alt / I am old » signifie que je suis vieux ! Les usages de la langue sont pénétrants et subtils pour le sentiment de soi et son identité narrative, reflets de réalités culturelles exprimant doutes et quêtes autant qu’illusions et angoisses. À travers la notion d’âge, la société impose des imaginaires en même temps que des limitations (ou des permissions) en maints domaines : âge de la majorité (mais les majorités civile et pénale ne se recoupent pas), âge officiel de la retraite (mais celui des cartes de réduction, de l’arrêt de travail ou du versement des allocations sont disparates), âge limite de procréation artificielle pour une femme, âge minimal pour une ordination diaconale, âge canonique (requis par le droit canon pour l’exercice de certaines fonctions), etc.
10La société se construit sur ces limitations impliquant à la fois intégration et exclusion, assomption identitaire et injonction normative. Elle en tire des conséquences plus ou moins justifiables : y a-t-il une différence dans l’acte criminel quand il est commis par un mineur de 15 ans moins une semaine et un adulte de 15 ans plus une semaine ? Quand le délit sexuel est commis sur ou par un mineur autour de ses 15 ans ? La société fait franchir à chacun(e) des frontières plus ou moins larges, fluctuantes, flexibles selon les individus et les situations, et dont souvent on ne prend conscience que rétrospectivement tant elles sont intériorisées par le sujet qui se construit au contact du construit sociétal. Mais jusqu’à un certain point seulement car dès lors que l’assignation d’un âge ou de rôles et fonctions liés à l’âge est ressenti comme « préjudiciable » ou trop « enfermant », l’on tend à s’en émanciper. Ressent-on par exemple l’âge de ses artères ? Que signifie « faire » ou « ne pas faire son âge » ? L’adulte n’a-t-il pas longtemps sinon presque toujours 20 ans dans son cœur, dans sa tête ? « Je me sens plutôt “hors d’âge” » écrit Marc Augé [7], signifiant par là qu’il compte des passés divers, recomposés, un mélange « des temps présents en chacun de nous », une « masse composite et mouvante où se mêlent à certains événements factuels des souvenirs qui sont aussi ceux de nos espoirs, de nos attentes ou de nos déceptions, quelques trous de mémoire […], tout le contraire d’un curriculum vitae ou d’un plan de carrière, et parfois l’ombre d’un doute sur notre identité d’individu singulier. » En même temps, continue l’auteur, un peu plus loin, ce « hors âge » a « toujours accompagné le cours de notre existence et nous met à distance de nous-mêmes, préserve en chacun de nous cette part d’attention flottante qui échappe à la fatalité, à l’accident et à l’âge. » (id., p. 70). L’évocation entre amis d’un « passé glorieux » ne fait pas revenir celui-ci, mais dans l’échange, il convoque quelque chose du plaisir d’alors en le réactualisant. Et plus encore, comme l’ont montré des chercheurs de l’University College de Londres [8], les gens qui se sentent plus jeunes de trois ans au moins par rapport à leur âge biologique, vivent mieux et plus longtemps, résistant mieux aux pathologies !
11En fait, comme l’a bien souligné Pierre Bourdieu, « La jeunesse et la vieillesse ne sont pas des données mais sont construites socialement, dans la lutte entre les jeunes et les vieux. Les rapports entre l’âge social et l’âge biologique sont très complexes. Si l’on comparait les jeunes des différentes fractions de la classe dominante, par exemple tous les élèves qui entrent à l’École Normale, l’ENA, l’X, etc., la même année, on verrait que ces « jeunes gens » ont d’autant plus les attributs de l’adulte, du vieux, du noble, du notable, etc., qu’ils sont plus proches du pôle du pouvoir. Quand on va des intellectuels aux PDG, tout ce qui fait jeune, cheveux longs, jeans, etc., disparaît. » [9] – « L’âge est une donnée biologique socialement manipulée et manipulable ; et que le fait de parler des jeunes comme d’une unité sociale, d’un groupe constitué, doté d’intérêts communs, et de rapporter ces intérêts à un âge défini biologiquement, constitue déjà une manipulation évidente. » Bourdieu parle d’ailleurs de jeunesses (au pluriel).
12Réfléchir aux âges de la vie, c’est alors penser aussi l’organisation sociale du temps (jusqu’aux réalités eschatologiques) et l’évolution des existences humaines ; c’est examiner la manière dont ils se structurent et se transforment au cours de l’existence individuelle [10], tout en observant les grandes pulsations et mutations collectives, systémiques, dans lesquels ils s’inscrivent, ainsi que les défis éthiques que cela occasionne, en particulier en termes d’inégalités, de non-accessibilité, de discriminations…
Mutations et ruptures récentes autour des âges de la vie
13Avec la modernité, la morphologie du cycle de la vie est profondément transformée, la vie s’allonge, ses périodes se métamorphosent, de nouvelles manières de vivre se font jour, en amont et en aval de réalités sociales neuves mais aussi de nouveaux aléas en particulier autour de la famille (divorces, recompositions, enfants hors mariage), des statuts plus réversibles (par ex. travail du retraité). Au cours des dernières décennies, les âges de la vie se sont ainsi modifiés à la fois horizontalement dans la multiplicité des contours des différents moments de l’existence et verticalement dans la succession chronologique de ces moments, dans l’enchevêtrement des âges et des rôles et capacités qui leur sont liées. Quand un parent ou grand-parent ne peut plus transmettre une technologie décisive parce qu’entre temps, elle est devenue désuète, quand son enfant, petit-enfant lui apprend à se servir d’une tablette, d’un ordinateur dont il se sert comme s’il n’avait jamais fait que cela, n’est-ce pas un étrange renversement ?
14Si les sciences humaines permettent de prendre progressivement en compte l’originalité de chaque âge, le contexte évolutif de la modernité récente estompe progressivement l’évidence des étapes de la différence d’âge, d’autant que bien des facteurs se potentialisent réciproquement.
L’évolution démographique
15Avec accroissement de l’espérance de vie, l’évolution démographique a fait gagner une génération au cours du XXe siècle, un âge encore à inventer, mais à placer où ? Peut-être un âge en forme de récréation entre l’adulte et le vieillard, l’âge des retraités qui à la fois travaillent et sont au repos professionnel, qui se cherchent et sont cherchés par leurs parents entrant en grande dépendance autant que par leurs enfants qui ont besoin d’une garde pour leur progéniture… Le gain de longévité fait « vieillir » toutes les sociétés dites « développées », et contribue à un allongement de la retraite, après des carrières souvent précaires marquées par une ou plusieurs périodes de chômage, et de plus en plus fréquemment des recompositions familiales qui isolent et renforcent de fait l’individualisme devenu solitude et la peur de vieillir au contact du mythe de la jeunesse. La rhétorique surestimant les vertus de sagesse liée à l’âge est battue en brèche par la banalisation du grand âge. Dans une société de l’image, la belle figure du vieillard est le modèle qui ne fait pas son âge et situe donc d’emblée dans le déni, tout en montrant du doigt celui qui n’a pas réussi. Cette évolution démographique met en évidence moins un processus d’allongement des âges comme on l’avait pensé dans les années 80 que l’émergence de nouveaux âges et pas seulement en fin de vie mais en recomposant tous les âges.
16Tout se passe finalement comme si le gain générationnel se situait partout et nulle part, conduisant à rajouter non une mais des tranches d’âge, ou à les renommer ou encore à trouver d’autres périodisations. L’« adulescence » ou « post-adolescence » par ex., signent une période transitoire pour des jeunes souvent encore étudiants ou déjà au chômage, qui veulent faire leur vie mais n’ont pas les moyens financiers pour cela… Pour l’âge adulte proprement-dit qui reste toujours une référence – tous les « petits » veulent « grandir » et devenir adultes, hier comme aujourd’hui ! – mais l’on a toujours douté de la stabilité de la période du milieu de la vie, forgeant là aussi un néologisme : la « maturescence » pour signifier une période critique (entre 40 et 65 ans) de confrontation à des discontinuités nouvelles (seconde carrière/ reconversion professionnelle, parentalité tardive, recomposition familiale…)
La révolution anthropologique
17Elle pose l’individu capable de s’autodéterminer comme valeur suprême et principe fondateur de la société. Chacun est qui il veut être, sans considération pour l’âge. Chacun est aussi, dans la perspective libérale, renvoyé à lui-même pour se construire, passer les seuils de l’existence. La crise d’identité n’est plus seulement celle de l’adolescence : c’est tout au long de la vie que revient cette question du « qui suis-je ». Et la reconnaissance de la figure féminine absorbée jusqu’à un passé récent par le masculin, a encore creusé cette crise identitaire en ébranlant la redistribution sociale des rôles, et par là, une certaine figure de ce qu’est l’adulte ; celui-ci n’est définitivement plus un homme cumulant toutes les fonctions et ayant autorité sur femme « mineure ». Mais toutes les conséquences de ce renversement n’ont pas encore été tirées.
La crise philosophique, le déclin des grandes idéologies, la sécularisation ambiante
18Elles conduisent à l’amenuisement voire à la disparition des discours symboliques, des représentations et figures spirituelles efficaces et solides (des saints de tout âge, toutes conditions, toutes cultures) qui, jusque-là, disaient le statut et les devoirs de chacun selon sa tranche d’âge et reconnaissaient, par voie de conséquence, sa place en société. Cet imaginaire valorisé et valorisant contribuait à promouvoir une régulation sociale harmonieuse avec une finalité en fin de parcours de vie (bénéfice social d’une vie bien vécue ou salut), sans réel doute ou incertitude. Il en résulte une crise identitaire, mais aussi de la transmission, de l’autorité…
L’évolution sociopolitique
19Elle accentue cette tendance faisant apparaître une lutte des âges, avec focalisation sur la valeur de la jeunesse (jeunisme) qui n’a rien à apprendre de l’adulte, rendant la transmission inutile et disqualifiant les plus âgés qui ont « échoué » dans leur devoir de ne pas vieillir. La crise socioéconomique actuelle et toujours en cours, a certes calmé certaines ardeurs conflictuelles par la force des choses (retour du réel) : les jeunes sans emploi ont besoin d’aide et de protection. Mais leurs parents adultes ne sont pas toujours en mesure de répondre à la demande, traversant eux-mêmes des zones de turbulences professionnelles à un âge où l’on ne retrouve plus facilement une activité à la hauteur des compétences qui avaient pourtant été reconnues jusque-là… Des cultures anti-âge fortes (âgismes) enracinées dans diverses justifications, et accompagnées d’une injonction au bien-être et à la vigueur (de la jeunesse, sic !), dans un choix autonome assumé, se mêlent inextricablement à des cultures jeunistes, réelles ou imaginaires, jusqu’à devenir tyranniques pour les uns comme les autres, alternativement ou concomitamment, mais aussi depuis ces dernières années à une vraie solidarité intergénérationnelle conduisant à dire que le brouillage des âges signifie la fin des âges et qu’il faut et suffit d’être soi-même. Et de fait, dans la complexité de la reconfiguration des âges, on est tenté par toutes ces postures à la fois.
L’essor technologique
20Enfin, l’essor technologique ouvre la voie à l’augmentation sans fin de la capacitation humaine [11]. Cela doit permettre de répondre à l’injonction de « ne pas vieillir », de « rester jeune toujours ». Ce faisant, ces technologies brouillent fondamentalement les directions de l’apprentissage et bouleversent le suivi générationnel. Prônées par le trans- et posthumanisme, elles s’étayent sur un potentiel énorme de transformation individuelle et sociale ; et les grandes structures (GAFA [12]) qui les managent, ont comme objectif exprimé, pour les décennies à venir, de supprimer le vieillissement, la maladie, la mort, et de créer des post-humains immortels et sans âge. Serait-ce l’avènement d’une société où l’on ne meurt plus et où il vaut donc mieux ne pas naître non plus, sous peine de surpopulation et donc de guerre de destruction à défaut de mourir spontanément ? Cette fin annoncée des âges de la vie figerait donc la vie humaine ; quid des autres vivants ?
21Par-delà la prétention réaliste ou utopiste de ce présage et les questions éthiques posées, la question pour nous porte davantage sur le pourquoi d’un tel souhait, sur son sens. Comment en vient-on à envier, convoiter, aspirer à ce dépassement de l’humain ? Sur quoi porte le désirable auquel les propositions actuelles (sociétales, religieuses) ne semblent donc pas répondre ? Une société sans âges et sans générations est-elle souhaitable ?
22La réalité actuelle est dès lors fort complexe. Pourtant, malgré des déplacements récents, la loi d’airain de la succession des âges demeure, mais, comme nous avons commencé à le suggérer, l’on voit aussi émerger de nouveaux âges de la vie qui impliquent de nouvelles relations entre les générations, avec des requêtes nouvelles, mais aussi un certain brouillage des lignes traditionnelles.
Le brouillage des âges de la vie
23Les déplacements sociétaux brouillent le sens des âges de la vie, cette conjonction entre signification, direction et perception de l’âge, apparaît de plus en plus brouillé. Des crises d’identité ponctuent chaque période. Certes, le psychanalyste Erik Erickson (auteur d’une théorie du développement psychosocial en huit stades successifs [13]) avait, dès les années 1950, repéré qu’à chaque stade du développement survenait une crise (un tournant majeur) qui devait se résoudre pour atteindre un équilibre entre deux polarités opposées grâce à l’acquisition d’une vertu ; le développement arrive alors à un compromis qui permet d’affronter plus facilement la résolution du stade suivant. Romano Guardini s’inspire de ce schéma. Dans la perspective contemporaine, une dimension supplémentaire se surajoute à cette crise liée aux périodes de la vie, celle d’un écartèlement entre différentes logiques sociétales, existentielles, et la fragilité de la conversion identitaire qui suit, particulièrement dans une société normative marquée par le « devoir-d’être-soi » renouvelé à chaque parcours, jusqu’à l’épuisement de La fatigue d’être soi [14].
24Car aujourd’hui, comme l’écrivent Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot, deux philosophes de la Sorbonne, « la quête effrénée de l’accomplissement s’est associée au refus hyperbolique de l’achèvement : être soi-même, mais sans jamais s’en contenter au risque de se figer. » [15] Il faut devenir mature de plus en plus tôt, grâce à des jeux intelligents (ordinateurs et tablettes plutôt que des Lego ou des trains électriques…), en respectant l’autonomie de l’enfant reconnu dans sa personnalité propre, parfois jusqu’à l’excès de l’enfant-roi, tyrannique, à qui tout est dû. En même temps, l’on hésite sur l’éducation à promouvoir (crise de l’autorité, de l’école, de la transmission…), et la finalité à privilégier : grandir pour quoi ? Car l’adulte lui-même non seulement ne peut se satisfaire de sa situation présente, mais il doit encore et toujours grandir humainement, et bénéficier d’une « éducation tout au long de la vie » ; en quoi pourrait-il alors être un modèle éducatif ? Quelle différence entre l’adulte et l’adolescent c’est-à-dire étymologiquement celui qui grandit ? Selon le Dictionnaire historique de la langue française, « adultus » est le participe passé de adolescere et jusqu’au XVIIe siècle ce mot a « plutôt la valeur que adolescent a de nos jours […] et [il] ne prend son sens actuel qu’à la fin du XVIIe siècle. » (p.43, article « adulte »). Cette indétermination historique pointe sans doute vers une insurmontable ambiguïté que l’on retrouve dans la reconfiguration actuelle des âges.
25L’adolescence désigne généralement une période qui va de 12 à 20 ans. « En réalité, écrivent H. Bee et D. Boyd, la période couverte par l’adolescence est relativement vague. Si nous désirons y inclure le processus physique de la puberté, nous devons considérer que l’adolescence commence avant 12 ans, surtout dans le cas des filles, chez qui la puberté début parfois vers 8-9 ans. Un enfant qui entre à l’école secondaire à 11 ans est-il, de ce fait, un adolescent ? Par ailleurs, peut-on dire d’un jeune homme de 18 ans marié, père de famille et occupant un emploi, qu’il est un adolescent ? » [16]. L’adolescence ne peut donc pas être une période précise, elle est sujette à variations physiologiques, culturelles, émotionnelles, mais aussi sociopolitiques. Alain Roger le rappelle, son « institution fut, pour l’essentiel, une invention de la bourgeoisie, soucieuse d’asseoir son accession au pouvoir politique et économique, avec, en France par exemple, la création du lycée. » [17] Mais ce statut très construit, « ascétique et militarisé » s’est renversé pour un vécu plus « libre », provocateur, parfois plus débauché, déréglé… signe de la « crise d’adolescence » dit-on. La période s’est aussi allongée, « interminable adolescence » [18] remarquera Hervé le Bras, et pour mieux la catégoriser, on s’est mis à parler de pré- et de post-adolescence, avec quatre seuils familiaux et professionnels principaux : la fin des études qui s’allongent, de la cohabitation avec les parents, la mise en couple, le premier emploi, mais comme le souligne Olivier Galland [19], ces seuils subissent un double mouvement de report et de déconnexion, ils sont plus tardifs, franchis séparément et désynchronisés.
26L’investissement des parents dans l’éducation et la formation professionnelle de leurs enfants est essentiel [20] : l’échec des jeunes serait aussi l’échec de leurs parents. De surcroît, la profession doit répondre au désir des éduquants car elle est perçue comme constitutive de leur identité. Mais la précarité de l’emploi qui dure depuis plusieurs décennies, entrave pour une part l’émancipation des jeunes aussi bien que le vécu des adultes : ces derniers se retrouvent sans emploi comme s’ils en étaient encore à l’entrée de leur vie professionnelle, ils doivent se former à nouveau comme s’ils étaient en apprentissage, ils partagent la situation d’incertitude et d’ambiguïté de leur propre progéniture comme s’il y avait une situation de réversibilité de leur statut d’adulte. Et à partir d’un certain âge, cela vient compliquer le malaise et le mal-être de ce qu’on désigne souvent par l’irruption du « démon de midi ». Une expression imagée qui, note Jean-Jacques Wunenburger, éclaire la crise « d’une part, par l’analogie avec un temps cosmologique et sa périodicité météorologique journalière, et d’autre part, par un épisode démonique, voire démoniaque. » [21] En somme, la conjonction de facteurs divers devient l’occasion d’une irruption panique de fantasmes et d’angoisses démesurés, faisant perdre à l’humain la maîtrise rationnelle de soi, l’exposant au feu intérieur et à l’action des démons et des morts. Ce que l’auteur documente avec la littérature, la mythologie, mais aussi l’apport de scientifiques comme C.J. Jung.
27Paradoxalement, ces incertitudes professionnelles bouleversent aussi le vécu des âges de la vie en faisant de la famille (accordéon) un nouveau lieu de solidarité gratuite dans un monde hyper marchandisé. La précarité des jeunes freine souvent leurs ardeurs revendicatives et leur posture d’« opposants » aux adultes. Celle des adultes les conduit communément à plus de compréhension pour leurs jeunes confrontés aux difficultés de la vie. Certes, certains sont guettés par le risque de devenir un nouveau Tanguy [22], mais ce n’est pas le plus grand nombre. Et l’autonomie sur laquelle chacun doit miser s’avère elle-même paradoxale : valeur suprême, elle est aussi plus difficile à conquérir car elle suppose de pouvoir s’appuyer sur un certain équilibre physique, une forme d’indépendance financière, une stabilité professionnelle, un équilibre affectif…
28Les jeunes veulent toujours devenir des adultes, mais quand le sont-ils ? Comment définir ce « stade » ? Car si l’on peut présumer de son début étalé à partir des 4 seuils mentionnés précédemment, cette étape n’a a priori pas de fin : quand on est retraité, quand on est octogénaire ou centenaire, on reste un adulte. D’ailleurs, l’on ne quitte pas le monde du travail, de l’amour, de la cohabitation et des apprentissages, seules les modalités changent. Est-ce à dire que l’âge adulte désigne alors une forme de maturité qui traverse les ans. Dechavanne et Tavoilot proposent une autre formule : « L’adulte est un être qui n’a pas le temps. Sur lui pèse tout le poids de l’existence, il est voué au sérieux, au devoir et à la quotidienneté. » [23] Mais les sexagénaires d’aujourd’hui, tout juste retirés de la « vie… active » (sic) sont souvent plus occupés que s’ils y étaient encore… Ils ne sont pas des « vieux » – un mot devenu très péjoratif – mais bon an mal an rejoignent une période devenue très longue et que l’on subdivise en « troisième âge » [24], puis « quatrième âge » (voire cinquième), « grande vieillesse », à quoi se rajoutent des distinctions en « retraité », « préretraité », avec un âge légal différent de l’âge réel de retraite, mais aussi de « dépendance », « grande dépendance », « perte d’autonomie », ce que la gérontologie – pour ne pas évoquer seulement des limitations physiques – évoque en termes de fragilité, voire, pour Christian Lalive d’Epinay et Dario Spini en temps de « fragilité douce » puis de « fragilité aggravée » [25].
29À travers les âges, le vieillissement a été diversement apprécié : temps du manque à être, du déclin des forces vitales, où l’ignorance entraîne la crainte et le rejet [26] ; ou à l’inverse, de cette sagesse qui permet de se désencombrer des futilités et convenances du seul socialement correct et des apparences superficielles. Le souhait serait : vieillir, oui, mais sans les infirmités. Les technologies de l’augmentation tentent précisément de répondre à cela mais avec des résultats paradoxaux. Car si elles ont apporté bien des progrès, elles ont aussi contribué à l’âgisme. Chacun est responsable versus coupable de son (non-)usage pour « rester jeune », « ne pas vieillir », et… ne « pas faire son âge ». Pourtant, mettre le pied à l’étrier pour garder une certaine forme physique et intellectuelle, des relations sociales, c’est encore subir une normativité, mais en sens inverse, la tyrannie du « bien-vieillir », selon le titre d’un ouvrage de Michel Billé et Didier Martz [27], le bien-vieillir comme mot d’ordre intimé par les non(encore)-concernés. Car le modèle sociétal actuel reste la jeunesse, symbole de la force. Et dans un état providence qui les exclut cependant tous deux [28], le jeune est encore trop souvent considéré comme un rival des aînés (en particulier sur le plan de l’emploi)
Rompre avec la segmentation des âges de la vie ?
30Force est finalement de constater que l’expression « âges de la vie » s’avère pleine d’ambiguïtés délétères : elle suggère que les âges se succèdent comme les saisons de la vie, que le vieillissement et la mort que l’on cherche tant à éliminer, sont inéluctables. En dernière instance, tout le monde meurt… jeune ! Même s’il n’y a pas de fin des âges, il y a une indétermination grandissante des âges de la vie, un processus d’« arasement » [29] de seuils selon l’expression de Louis Roussel, et parfois une lutte des âges qui conduisent à des questions éthiques nouvelles (autour du respect de l’autre, de la solidarité, de la justice…), mais aussi des défis philosophiques et théologiques car l’enjeu, avant même de porter sur la manière de vivre les différentes étapes, achoppe sur leurs représentations mentales qui conditionnent le regard et les pratiques, qui guident le vécu individuel et les relations sociales. Chacun ne peut s’engager à vivre pleinement l’âge qui est le sien, avec ses richesses et ses limites propres, que porté par une certaine reconnaissance sociale.
31D’autres terminologies sont suggérées comme celle de « parcours de vie » (life course) avec l’idée d’un principe de développement humain tout au long de la vie, le vieillissement n’en étant qu’un aspect particulier, ou celle de « chemins de la vie », déclinée sous diverses modalités comme le font les auteurs de la « LifE-Studie » mentionnée plus haut : Lebensverläufe, Lebensbewältigung, Lebensglück (parcours de vie, maîtrise progressive de la vie, bonheur de vivre). Ne faut-il pas, en effet, demande Cécile van de Velde, « rompre avec une conception segmentée des âges de la vie, afin de donner à lire, de la naissance à la mort, les métamorphoses des parcours de vie contemporains » (ibid., p. 7) ? Se centrer sur la multitude des expériences diverses de vie plutôt que sur des âges segmentés permettrait de rendre les seuils plus flexibles pour des pratiques plus éthiques : par exemple, le montant différent de la pension quand le handicap est causé avant ou après 60 ans, est profondément injuste ! L’âge fatidique de 60 ans relève seulement d’une décision politique.
32L’idée d’un développement de soi tout au long de la vie rend sans doute mieux compte de l’expérience des parcours de vie. Elle n’empêche pas des catégorisations plus précises là où elles sont utiles, comme dans le domaine éducatif, mais en assumant aussi une certaine flexibilité, en veillant à ce que les limites et les règles soient justes et équitables, et en s’appuyant sur les expériences existentielles scandant la vie et appelant à des responsabilités évolutives adaptées à la maturité et aux capacités. Ce qui autrefois allait de soi au sein de générations se succédant le plus souvent en un même lieu, sous un même toit, est aujourd’hui objet de fabrication, d’évaluation, de choix, d’essais divers (pédagogiques, éducatifs, professionnels, sociaux…) Le mot « parcours » s’inscrit dans la logique individualiste contemporaine, mais il pourrait être éthiquement signifiant s’il est aussi relié aux parcours des « autres » individus, selon une solidarité verticale autant qu’horizontale. La reconfiguration des âges est une réalité, leur confusion n’est pas une fatalité ; et si des risques existent, en particulier pour les individus diversement fragilisés, des opportunités nouvelles aussi se font jour : la juste autonomie tient ainsi une place décisive.
33Car la maturation ne peut se faire seulement physiquement, elle est aussi psychologique, affective, intellectuelle, éthique. Pour s’humaniser, pour construire son existence tout au long des âges, voire la reconstruire, l’autonomie doit être reconnue comme une norme centrale et transversale à tout le cycle. Il faut cependant souligner que selon la manière dont on la comprend, la construction de soi variera grandement [30]. Elle peut être simplement un droit revendiqué comme un cri (décisif mais insuffisant), ou une capacité avant tout rationnelle, cognitive (excluant donc les personnes touchées par la démence [31]), ou encore un devoir normatif (cf. « bien vieillir ») ou enfin un droit porté par une fraternité qui lui donne une consistance et nous fait parler d’autonomie relationnée. Toute éducation devant faire passer d’une hétéronomie initiale à l’accession à l’autonomie du sujet ; c’est là une clé pour l’éduquant, mais aussi pour l’adulte responsable, pour le sénior invité à ce que certains appellent une « déprise » et d’autres, une « démaîtrise », ou un « désengagement » – Romano Guardini [32] parle de « détachement » – en vue d’un réaménagement de l’existence plus facile quand on peut compter sur un soi autonome (susceptible de faire face au regard d’autrui et à la fragilité et la dépendance physique).
34Pour faire un homme, mon dieu, que c’est long [33] ! Au moins trois défis, à la fois anciens et nouveaux par leur contexte reconfiguratif, sont de mise :
35Pourquoi grandir, avancer en âge ? Quel sens cela a-t-il ?
36Grandir pour devenir qui ? Pour construire quelle société ?
37Comment passer au mieux les différents seuils, individuellement et collectivement ? Avec quelles ressources (spirituelles, symboliques, politiques, religieuses…)
38Anticiper permettra de mieux agir, de porter les valeurs auxquelles une société tient, de veiller aux intérêts des personnes vulnérables et fragiles, de construire des propositions éducatives… En suggérant des repères anthropologiques et des mondes possibles, la théologie chrétienne ne manque pas de ressources pour répondre à ces défis, tout en étant elle-même interpellée dans son travail herméneutique et dans sa mise en œuvre catéchétique et liturgique, les récipiendaires étant supposés suffisamment mûrs pour comprendre, consentir, demander, accueillir activement et s’engager.
L’interpellation à la théologie chrétienne
39La théologie contemporaine ne s’est pas vraiment intéressée au cours des dernières décennies aux âges de la vie. Au mieux, elle s’est préoccupée de dilemmes ponctuels liés aux différents moments de l’existence dans une perspective éthique et spirituelle, sans les connecter entre eux ni les relier à une vision globale de l’être humain dans le temps et l’espace de son vécu.
40Au cours des siècles passés, le christianisme avait exercé une grande influence, non tant qu’il parlât longuement et directement des âges de la vie, mais il proposait des visions du monde, de l’homme, de l’humanité en termes de croissance en Dieu. Non pas une réponse unique s’imposant à tous mais des horizons de signification pour chaque âge de la vie observé dans la succession qui y préside, et permettant d’avancer individuellement et collectivement. Augustin par ex. dans le De vera Religione (n° 48), propose un tableau des âges dans lequel il montre la sollicitude de la divine providence à chaque moment de l’existence ; mais, continue-t-il, « voilà ce qu’on appelle le vieil homme, l’homme extérieur et terrestre… » Or le chrétien, lui, est appelé à vivre en homme nouveau » jusque dans les âges de la vie, et ceux-ci ne se distinguent pas par les années mais par les progrès spirituels accomplis.
41Ce travail théologique reliant Donné révélé et observations phénoménologiques dans des contextes culturels variés, s’est poursuivi de manières diverses à travers les siècles et mérite aujourd’hui que l’on y revienne à la fois pour proposer aux hommes et femmes de ce temps des ressources propres les aidant à vivre au mieux leur existence en clair-obscur et pour leur permettre de se laisser interpeller par les évolutions actuelles et leurs nouveaux défis. L’enjeu reste d’assumer la complexité humaine à partir de la figure christique qui reconfigure le temps, l’espace, les âges de la vie, les priorités de l’existence. Se laisser interpeller par le précepte du Christ « Cherchez d’abord le Royaume », s’avère une manière d’ordonner au service de l’essentiel sans pour autant déprécier les réalités quotidiennes, la vie humaine, la relation avec le corps humain fort et vulnérable ; au contraire, le primat du Royaume permet d’évaluer ces réalités dans un cadre plus large, au contact des mystères de la foi qui à la fois les valorisent et les relativisent.
42La Bible reste une source d’inspiration pour la modernité : que ce soit l’enfance, l’âge adulte ou le grand âge, elle les évoque de manière très différenciée, sans les idéaliser ni les rabaisser, articulant leur fécondité et leurs aléas. Plus encore, elle s’appuie sur ce réel en clair-obscur pour lui superposer un possible grandir-en-Dieu. Le Siracide par ex., loue la sagesse du vieillard dont la couronne est une grande expérience (Si 25, 4-6). Et Elihou dans le livre de Job, note en tant que jeune : « Je me disais : “L’âge parlera, le nombre des années enseignera la sagesse”. Mais en réalité, dans l’homme c’est le souffle, l’inspiration du puissant, qui rend intelligent. Être un ancien, ne rend pas sage, et les vieillards ne discernent pas le droit. » (Job, 32, 7-9). Pas de fausse rêverie, mais un réel assumé en Dieu.
43Dans l’Évangile, Jésus à la fois valorise l’enfant dans une société qui le dévalorise et s’appuie sur sa figure pour s’adresser à des adultes trop sûrs d’eux, figés dans la possession d’eux-mêmes et n’ayant plus à grandir, à s’ouvrir à l’Autre. Il subvertit ainsi les âges et de la vie physique, sociale, et de la vie spirituelle, en Dieu. Jésus embrasse les enfants (Mc 9, 36 ; 10, 16) ; il ne dit pas qu’ils sont les « meilleurs », mais seulement « Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même… » (Mc 9, 37). « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas car le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux. » (Mc 10, 14). Il ne s’agit pas de sacraliser l’enfant, d’en faire un enfant-roi. Karl Barth faisait bien la différence dans sa Dogmatique : « Celui qui veut être un enfant, ne devient justement pas un enfant, mais il tombe dans l’infantilisme. L’enfant, lui, ne veut justement pas être un enfant, mais il prendra très au sérieux ses jeux, ses devoirs, ses premières entreprises, ses premiers essais de se débattre avec son entourage – tout comme s’il était déjà ‘un grand’ et c’est ainsi qu’il sera vraiment enfantin. » [34] Quant à l’adulte, son horizon sera celui de la nouvelle naissance, une « seconde naïveté », écrit F.-X. Amherdt [35], non pas « entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître » comme le souligne Nicodème (Jean 3, 4), mais « naître d’eau et d’Esprit » sans quoi « nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » (Jean 3, 5).
44Le discours de Paul n’infirme pas cela mais réinscrit l’engagement chrétien dans le cycle de la vie pour appeler à grandir non seulement corporellement mais avec tout son être, son intelligence, ses émotions, sa vie spirituelle, comme des « humains faits » : « Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant» (1 Co 13, 11). Et donc : « Soyez des adultes » (1 Co 14, 20).
45Pour autant, l’Écriture n’a pas de traitement particulier des âges de la vie en tant tels ; si elle reflète l’état de la société, elle procède aussi de la conviction subversive que du berceau à la tombe, l’existence humaine est reliée à Dieu dans un processus de croissance marqué par des étapes que chacun à la fois accueille et élabore en s’appuyant sur la théologie qui lui propose de nombreuses ressources et pratiques pour grandir à l’instar de Jésus qui « progressait en sagesse et en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes. » (Luc 2, 52)
46Néanmoins, quand le construit des âges de la vie est largement reconfiguré comme il l’est dans notre société, quand pour diverses raisons les étapes deviennent plus floues, confuses, voire sont déniées, quand les nouvelles technologies revendiquent elles-mêmes salut et immortalité…, n’est-ce pas tout l’édifice théologique, anthropologique, sociétal qui est impacté ? Les trois articles qui suivent celui-ci, reviennent largement sur ces questions en interrogeant la notion d’ancienneté dans les premières communautés chrétiennes (M.-F. Baslez), en approfondissant les perspectives christologiques et eschatologiques pour interroger le désirable (B. Cholvy), en se penchant sur les ressources pastorales et catéchétiques favorisant une maturation à tout âge, un développement spirituel visant une nouvelle naissance (F.-X. Amherdt). Leur portée sera d’autant mieux appréciée que l’on gardera à l’esprit les questions incisives posées à la théologie dans ses divers moments. Mentionnons-en quelques-unes.
47Que devient le message de la Bonne Nouvelle du salut en Christ face aux promesses de la convergence technologique [36] ? En quoi l’annonce de Jésus Christ serait-elle plus puissante, plus efficace que le meilleur de nos technologies contrant les infirmités, les maladies, le vieillissement et bientôt la mort ? A-t-on encore besoin de parler de résurrection et d’immortalité si le téléchargement de notre esprit dans un exo-cortex nous assure demain d’être des dieux immortels, ne subissant plus les aléas de la contingence humaine ? Pourquoi vouloir ressusciter ? La résurrection ne perd-elle pas son « utilité », son sens, si les humains lui préfèrent les technologies qui leur promettent en échange de leur foi [37], de dépasser leur corps fragile, vulnérable, marqué par l’obsolescence ? Les âges peuvent certes rester importants pour un peu de temps encore. Mais ce n’est plus le problème dès lors que de plus en plus de gens adhèrent, grâce aux « technologies persuasives », à la promesse transhumaniste…
48La réponse de la théologie à cette interpellation est au moins double : elle doit s’interroger d’abord sur le succès de cette posture technologique. Elle est enjointe ensuite à mobiliser ses propres conceptions du Royaume en marche. Le succès des technologies est certes contesté, et des signes de contre-productivité émergent. En même temps, il n’est pas démenti, au contraire, et les financements publics et privés qui y président sont colossaux. Cela interroge la théologie chrétienne, en particulier sur la notion de salut [38] : les pratiques de l’augmentation proposent, en effet, une santé-bonheur là où, jusqu’à une période récente, le salut chrétien n’était « que » rachat et rédemption. Comme le rappelle Karl Rahner « l’histoire de l’humanité est toujours restée une histoire des damnés dont seuls quelques-uns seront sauvés à la fin par une grâce de l’élection rarement accordée. […] Dans l’ensemble, l’enfer était l’avenir de l’histoire du monde. » [39] Le Dictionnaire de Théologie Catholique ne comprend pas une entrée [40] sur le mot « salut » et en 1960, un certain théologien nommé Joseph Ratzinger pouvait encore noter dans son article « Heil » [41] que cette notion n’est pas, contrairement à celle de « Erlösung » et « Satisfaktionslehre », devenue une notion théologique à part entière [42]. Conformément à l’époque, l’accent était mis sur le devoir d’obéissance aux « solutions » pour être sauvé du péché. Mais le croyant contemporain, lui, ne veut pas être seulement sauvé du péché, il veut avoir accès au bonheur. Or, le salut chrétien est aussi cela : joie béatifiante de la résurrection définitive, bonheur du face à face avec un Dieu ayant visage humain (aucune autre religion ne reconnaît un visage humain à Dieu). Plus encore, avec sa « réserve eschatologique » [43], ce salut chrétien offre à tous un accomplissement possible et susceptible d’assumer toutes les requêtes humaines. Au contact des technologies de l’augmentation, il peut donc bien représenter une instance d’évaluation et de relativisation quant aux évolutions sociétales.
49L’horizon christique joue décidément un rôle déterminant, aussi bien dans la concurrence des saluts comme nous venons de le voir, que pour l’ensemble du vécu des âges de la vie. Mais la théologie ne doit-elle pas alors réinvestir à nouveaux frais cette figure du Christ en examinant les traits que portent aujourd’hui l’« ecce homo » pour l’homo contemporain, en explorant comment les discours théologiques peuvent impacter les évolutions contemporaines et les récits de nos contemporains dans leur manière de vivre leur âge, de rechercher le bonheur humain sur terre dès aujourd’hui ?
50L’annonce de l’Évangile en dépend. Et l’on retrouve alors aussi les enjeux autour de la notion de maturité, de parcours catéchétiques [44] et liturgiques plus individualisés (supposant une certaine flexibilité dépendant des histoires de vie et des contextes de croissance), donnant une vraie place à l’autonomie relationnée et théonormée. Cela devrait diminuer les risques d’instrumentalisation et redonner aux rites leur puissance symbolisante.
51***
52La déconstruction contemporaine et la reconfiguration des âges de la vie sous l’influence de divers facteurs, interpelle le théologien. Qu’a-t-il à faire valoir pour aider nos contemporains à grandir, vieillir, mûrir, mourir, ressusciter ? Quel humain, quelle humanité, quel monde ? Pour l’homme nouveau, né de l’Esprit, les âges ne se distinguent pas par les années mais par les progrès spirituels accomplis… Et pour ce croyant, ce n’est alors plus d’abord le nombre des ans qui prime mais sa rencontre avec Celui qui l’aime, avec ce Dieu qui a inscrit son nom sur la paume de sa main pour lui conférer une origine nouvelle, non plus seulement terrestre, fruit du désir de ses parents, mais en avant de lui, comme Rencontre à accueillir, comme Naissance à acquiescer, pour vivre toujours davantage de l’Esprit du Père et du Fils.
Notes
-
[1]
Trad. par Geneviève Bousquet, Éd. du Cerf, Paris, 1956.
-
[2]
L’échelle des âges, « L’ordre philosophique », Seuil, Paris, 1968.
-
[3]
Marc Augé, Une ethnologie de soi. Le temps sans âge, La librairie du XXIe siècle, Seuil, Paris, 2014, p. 90.
-
[4]
Helen L. Bee et Denise Roberts Boyd, Psychologie du développement: les âges de la vie, De Boeck, Bruxelles, 2003, formalisent (chap. 1) 4 théories : psychanalytiques avec Freud et Erickson, humanistes avec Maslow et Rogers, Cognitives avec Piaget, et enfin de l’apprentissage, avec Pavlov, Skinner et Bandura.
-
[5]
Arnold Van Gennep, Les rites de passage, Picard, Paris, 2011. Première édition 1909. Trois temps marquent ce rite : d’abord la séparation des futurs initiés, puis une période de marge à l’écart des autres membres du groupe, et enfin une agrégation avec un nouveau statut.
-
[6]
Pierre Bourdieu, « La “jeunesse” n’est qu’un mot ». Entretien avec Anne-Marie Métailié, in Les jeunes et le premier emploi, Association des Âges, Paris, 1978, p. 520-530. Repris in Questions de sociologie, Éditions de Minuit, 1984, 2e éd. 1992, Paris, p. 143-154.
-
[7]
M. Augé, ibid.,p. 44-47.
-
[8]
Isla Ripori, Andrew Steptoe, « Feeling old vs being old, associations between self-perceived age and mortality », JAMA internal Medicine, December 2014. Les auteurs ont suivi une cohorte de 6489 personnes d’âge moyen de 65, 8 ans pendant un an, avec comme question : « Quel âge avez-vous l’impression d’avoir ? »
-
[9]
P. Bourdieu, ibid.
-
[10]
La littérature sociologique ne compte que peu d’ouvrages de synthèses en langue française. Cécile Van de Velde (Sociologie des âges de la vie, Armand Colin, Paris, 2015) en note trois dans une note de bas de page : C. Attias-Donfut, Générations et âges de la vie (1992); M. Sapin, D. Spini, E. Widmer, Les parcours de vie. De l’adolescence au grand âge (2007) ; G. Mauger, Âges et générations (2015).
-
[11]
Cf. Marie-Jo Thiel, La santé augmentée : réaliste ou totalitaire ?, Bayard, Paris, 2014.
-
[12]
Acronyme pour Google, Amazon, Facebook et Apple.
-
[13]
L’adolescence est la plus typique : Erik Erikson, Adolescence et crise. La quête de l’identité, Champ Flammarion Sciences, Paris, 1994, rééd. 1998.
-
[14]
Alain Ehrenberg, La fatigue d’être soi: dépression et société, Odile Jacob, Paris, 2000.
-
[15]
Éric Deschavanne, Pierre-Henri Tavoillot, Philosophie des âges de la vie, Grasset, Paris, 2007, p. 9.
-
[16]
H. L. Bee, D. R. Boyd, ibid., p. 237.
-
[17]
Alain Roger, « Naissance de l’adolescence. De l’âge ingrat à l’état de grâce », in Danièle Chauvin et Jean Louis Backès (dir.), L’imaginaire des âges de la vie, ELLUG, Université Stendhal, Grenoble, 1996, p. 173.
-
[18]
Hervé Le Bras, « L’interminable adolescence ou les ruses de la famille », Le Débat, Gallimard, vol. 3, 25, 1983, p. 116-125.
-
[19]
Olivier Galland, « Adolescence, post-adolescence, jeunesse : retour sur quelques interprétations », Revue française de sociologie, vol. 42, 4, 2001 p. 611-640.
-
[20]
Helmut Fend, Fred Berger, Urs Grob (Éds.), Lebensverläufe, Lebensbewältigung, Lebensglück: Ergebnisse der LifE-Studie, 1. Aufl., VS Verlag für Sozialwissenschaften, Wiesbaden, 2009.
-
[21]
Jean-Jacques Wunenburger, « Le midi de la vie, l’imaginaire d’une crise », in D. Chauvin, J.-L. Backes, Ibid., p. 212 s.
-
[22]
Selon le film d’Étienne Chatiliez (2001) avec dans les principaux rôles André Dussollier, Sabine Azéma et Éric Berger. L’intitulé du film en est venu à désigner certains jeunes « glandeurs » profitant de leurs parents sans s’engager réellement dans la vie active. Voir l’article de Pascal Janne et alii., « “Tanguy” revisité : de l’adolescence à l’ado-laisse sens », Thérapie Familiale 2007/2 (vol. 28), p. 167-180.
-
[23]
Ibid. p. 284.
-
[24]
Rémi Lenoir, « L’invention du “troisième âge” », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 26, 26-27, 1979, p. 57-82.
-
[25]
Christian Lalive d’Epinay et Dario Spini (dir.), Les années fragiles. La vie au-delà de quatre-vingts ans. Presses de l’Université de Laval, Québec, 2017.
-
[26]
Le XXe siècle est celui de bien des progrès en gériatrie, et pourtant, écrit Jacques Amyot, « cet âge reste méconnu. Or, dans ce domaine comme dans d’autres, l’ignorance entraîne la crainte et le rejet. » in Jacques Amyot et Michel Billé (dir.), Vieillesses interdites, « La gérontologie en actes », L’Harmattan, Paris, 2004, p. 32-33.
-
[27]
Michel Billé et Didier Martz, La tyrannie du « bien-vieillir », Éd. Le bord de l’Eau, Bordeaux, 2010.
-
[28]
Cf. Note de France Stratégie, publiée le 31 mars 2016, intitulée « Jeunesse, vieillissement : quelles politiques ? », (http://francestrategie1727.fr/wp-content/uploads/2016/02/17-27-jeunesse-vieillissement.pdf).
-
[29]
Louis Roussel, La famille incertaine, Odile Jacob, Paris, 1989.
-
[30]
Voir par ex. le rôle qu’a pu jouer l’autonomie (et sa compréhension) dans la reconnaissance de la personne avec un handicap in M.-J. Thiel, La santé augmentée, ibid., chap. 5.
-
[31]
Ces personnes doivent être considérées comme toujours dotées d’autonomie mais entravées dans l’expression de celle-ci (cf. Marie-Jo Thiel, Faites que je meure vivant, Bayard, Paris, 2014)
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[32]
Romano Guardini, Les Âges de la vie, trad. par Geneviève Bousquet, Éd. du Cerf, Paris, 1956.
-
[33]
Cf. chanson de Hugues Aufray, « Le bon dieu s’énervait ».
-
[34]
Karl Barth, Dogmatique, 3e vol., tome IV (t. 16 de la trad. Ryser, Labor et Fides, Genève, 1965), cité par Deschavanne et Tavoillot, ibid., p. 345.
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[35]
Voir son article un peu plus loin dans cette revue.
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[36]
L’acronyme NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, sciences de l’information et de la communication et sciences cognitives) résume cette convergence : il ne s’agit donc pas d’additions d’effets divers mais de potentialisations réciproques et d’effectivité créative aux seuils entre ces différentes pratiques.
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[37]
Le « Crois et tu seras sauvé » de Paul vaut aussi pour l’augmentation (cf. Marie-Jo Thiel, « L’Homme augmenté aux limites de la condition humaine », RETM « Le Supplément », Hors-série, septembre 2015, p. 141-161).
-
[38]
Je m’en suis expliquée dans le chapitre IV de M.-J. Thiel, La santé augmentée, ibid.
-
[39]
Karl Rahner, Le deuxième concile du Vatican. Contributions au Concile et à son interprétation, « Œuvres » volume 21, Éd. du Cerf, Paris, 2015, p. 1046.
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[40]
Une petite notice a été rajoutée simplement au moment de la publication des « Tables générales » en 1972.
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[41]
Joseph Ratzinger, « Heil », in J. Hüfer, K. Rahner (Éds.), Lexikon für Theologie und Kirche, Verlag Herder, Freiburg, 1960, t. 5, col. 76-80.
-
[42]
„…während Heil nie zum eigentlichen Bestandteil der theologische Fachsprache wurde…“ (ibid. p. 78).
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[43]
Voir l’article plus loin de B. Cholvy.
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[44]
Voir l’article plus loin de F.-X. Amherdt.