Notes
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[1]
Sur le mot, son histoire et sur la notion de « spiritualité », voir l’article « Spiritualité » du Dictionnaire de spiritualité, par A. Solignac et M. Dupuy, t. XIV, col. 1142-1173, Paris, Beauchesne, 1989-1990.
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[2]
Toulouse, Revue d’ascétique et de mystique et Apostolat de la prière, 1930.
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[3]
Rééd. Toulouse, Revue d’ascétique et de mystique et Apostolat de la prière, 1955 (1re éd. 1943).
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[4]
Rome, Institutum Historicum Societatis Jesu, 1953.
-
[5]
Extrait d’une lettre de 1929 à Henri Bremond cité dans M. de Certeau, L’Absent de l’histoire, Paris, Mame, 1973, p. 105, n° 110.
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[6]
Le succès du livre du P. Aug. Poulain (1836-1919), Des Grâces d’oraison, qui en était à sa 11e édition en 1931, la 1re édition étant de 1901, fut considérable.
-
[7]
Ce que faisait dans les années 1950-1960 l’abbé Louis Cognet, auteur en 1966 d’un volume sur La Spiritualité moderne (Paris, Aubier, 1966) dans l’Histoire de la spiritualité chrétienne (dont le premier tome, dû à Louis Bouyer, portait sur La Spiritualité du Nouveau Testament et des Pères, Paris, Aubier, 1960), dont Michel de Certeau louera l’« attention à la lettre » tout en critiquant la position « théologique » de l’auteur faisant de la mystique des essences le modèle et la norme de la mystique (Revue d’ascétique et de mystique, 1968, 1, pp. 33-42).
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[8]
Voir M. de Certeau, « Henri Bremond historien d’une absence », dans L’Absent de l’histoire, op. cit., pp. 73-108 [1re publication dans les Recherches de science religieuse, 1966, 1, pp. 23-60, d’une communication à un colloque tenu à Cerisy en août 1965].
-
[9]
Art. cité Revue d’ascétique et de mystique, 1968, 1, p. 42.
-
[10]
Voir M. de Certeau, L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 76.
-
[11]
1re éd. Paris, Alcan, 1924 ; 2e éd. revue et augmentée, Paris, Alcan, 1931 ; éd. revue et corrigée avec les deux préfaces de Jean Baruzi, Paris, Salvator, 1999. Voir notre article « Une réédition. Le Saint Jean de la Croix de Jean Baruzi », dans Essaim, n° 8, 2001, pp. 164-170.
-
[12]
Voir l’important article de J. Baruzi, « Introduction à des recherches sur le langage mystique », dans Recherches philosophiques, t. I, 1931-1932, pp. 66-82, article non repris dans le précieux recueil de textes de J. Baruzi, L’Intelligence mystique, textes choisis et présentés par J.-L. Vieillard-Baron, Paris, Berg International, 1985.
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[13]
Voir notre article « De la critique textuelle à la lecture du texte », dans Le Débat, n° 49, mars-avril 1988, pp. 109-116.
-
[14]
Article « Mystique » dans Encyclopœdia Universalis, t. XI, p. 523.
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[15]
En 1960, à la fin de l’introduction de son édition du Mémorial de Pierre Favre, il écrit : « Monsieur Orcibal, Directeur d’études à l’École des Hautes Études, a bien voulu suivre ce travail avec une bienveillance et une érudition également inépuisables » (p. 95), et il écrira encore en 1975 : « Tous les dix-septiémistes doivent à Jean Orcibal d’avoir été introduits dans le labyrinthe où sa prodigieuse compétence est devenue un ’tact’, une perception des différences les plus subtiles », « Christianisme et ’modernité’ dans l’historiographie contemporaine », dans Recherches de science religieuse, t. 63, n° 2, avril-juin 1975, p. 263, n° 61.
-
[16]
Bienheureux Pierre Favre, Mémorial, traduit et commenté par Michel de Certeau, Paris, Desclée De Brouwer, 1960 ; avec Imprimi potest du 12 juin 1959 et achevé d’imprimer du 24 février 1960.
-
[17]
Ibid., pp. 28, 35 et sv.
-
[18]
Ibid., p. 9.
-
[19]
Ibid., p. 41.
-
[20]
Ibid., p. 23.
-
[21]
Ibid., p. 25.
-
[22]
Ibid., p. 26.
-
[23]
Ibid., p. 71.
-
[24]
Même si Michel de Certeau reconnaîtra l’importance capitale de la redécouverte de la mystique rhéno-flamande pour comprendre la spiritualité des xvie et xviie siècles, en particulier grâce aux travaux de Louis Cognet dont il fera l’analyse en 1968 (Revue d’ascétique et de mystique, 1968, n° 1, pp. 33-42).
-
[25]
Pierre Favre, Mémorial, op. cit., p. 95.
-
[26]
Des fragments, des diamants dispersés, et chez Valéry l’obsession de « l’idée de ruine » (Michel de Certeau, « Propos sur Valéry » [1978], Art Press, n° 139, septembre 1989, p. 56).
-
[27]
Jean-Joseph Surin, Guide spirituel, Paris, Desclée De Brouwer, 1963.
-
[28]
Ibid., pp. 59-60.
-
[29]
Ibid., p. 33.
-
[30]
Un moment de rupture dans l’histoire de la pensée et la théologie, un temps de crise à la fois religieuse et politique dont les possessions de Loudun constitueront pour ainsi dire la métaphore. Voir de Michel de Certeau, La possession de Loudun, Paris, Julliard, 1970 ; rééd. Gallimard/Julliard, 1980.
-
[31]
J.-J. Surin, Guide spirituel, op. cit., pp. 34-35.
-
[32]
Repris en 1964 dans l’Histoire spirituelle de la France, Paris, Beauchesne, 1964, pp. 194-216.
-
[33]
Paris, Seuil, 1971.
-
[34]
Citons seulement ici La Prise de parole (Paris, Desclée De Brouwer, 1968 ; rééd. Seuil, 1994) et La Culture au pluriel (Paris, 10/18, 1974 ; rééd. Seuil, 1993 [textes écrits en 1968-1973]).
-
[35]
1972, 1, 3e page de couverture.
-
[36]
L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 160.
-
[37]
Voir notre article « De la critique textuelle à la lecture du texte », dans Le Débat, cité plus haut.
-
[38]
Dans L’homme devant Dieu, Mélanges Henri de Lubac, Paris, Aubier, 1964, t. II, pp. 267-291.
-
[39]
Rappelons-nous le jugement porté sur ce qu’à propos d’un livre de Louis Cognet Michel de Certeau appelait en 1968 le « choix personnel » et les « prises de positions doctrinales » d’un historien.
-
[40]
Revue d’histoire de la spiritualité, 1972, 1, p. 3.
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[41]
Ibid., pp. 69-82. = L’Absent de l’histoire, op. cit., pp. 153-167.
-
[42]
Ibid., p. 69 = L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 153.
-
[43]
Le mot lui-même ne sera repris qu’une fois sous la forme du nouveau titre de la revue.
-
[44]
L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 154.
-
[45]
Sur ce thème voir L’Etranger ou l’union dans la différence, Paris, Desclée De Brouwer, coll. « Foi Vivante » ; rééd. Desclée De Brouwer, 1991.
-
[46]
L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 156.
-
[47]
Dans Annales ESC, 1970, pp. 654 et 667
-
[48]
Dans J. Le Goff et P. Nora, éd., Faire de l’histoire, t. I, Paris, Gallimard, 1974, pp. 3-41.
-
[49]
L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 154.
-
[50]
Ibid., p. 153.
-
[51]
Pensons à de nombreux articles des Études Carmélitaines, et aux livres de Charles Baudouin, et, aussi contestables, à ceux de Mircea Eliade.
-
[52]
Histoire et psychanalyse entre science et fiction, Paris, Gallimard, 1987, p. 101.
-
[53]
Voir Bulletin de la Société française de Philosophie, 63e année, n° 3, juillet-septembre 1969, pp. 73-104, avec, à la suite de la communication de Foucault, les interventions de Jean Wahl, de Lucien Goldmann, de Jacques Lacan, etc. Repris dans Dits et Écrits, Paris, Gallimard, 1994, t. I, pp. 789-821.
-
[54]
Ibid., éd. 1969, p. 89 ; éd. 1994, p. 804.
-
[55]
Ibid., respectivement p. 90 et p. 805.
-
[56]
Voir La Faiblesse de croire, Paris, Seuil, 1987, rééd. coll. Points, 2003, pp. 89-135). Sur ce thème, voir aussi la contribution de Henri de Lavalette dans les Études, en janvier 1969, et le texte resté alors inédit de Louis Beirnaert publié dans Aux frontières de l’acte analytique, Paris, Seuil, 1987, pp. 112-115.
-
[57]
La Faiblesse de croire, éd. cit., pp. 211-212.
-
[58]
Ibid., p. 218, 259, etc. : « faire place ».
-
[59]
Soulignons l’importance de cette notion, ibid., p. 225.
-
[60]
Ibid., p. 224.
-
[61]
Ibid., p. 226.
1Pendant la première moitié du xxe siècle, l’histoire de la spiritualité était liée dans une large mesure aux ordres religieux ou aux institutions ecclésiastiques, et la position des historiens en ce domaine pouvait paraître particulière. Indépendamment de toute tendance à une hagiographie dont les plus sérieux se défendaient fort bien, les historiens appartenant, de près ou de loin, à des institutions ou à des ordres religieux étaient dans un rapport avec leur objet différent de celui que les spécialistes laïcs en histoire économique, sociale ou politique pouvaient avoir. Certes l’histoire est toujours rapport entre le présent de l’historien et cet objet qu’il construit et analyse, mais dans le cas de ce qu’on appelait l’histoire de la spiritualité ce sont le champ d’étude, les méthodes, les fins explicites ou inconscientes du travail qui étaient organisés par le statut ecclésial de celui qui s’y appliquait et des lieux dans lesquels il présentait ses travaux. Ainsi en France la Revue d’ascétique et de mystique, fondée en 1920, et le Dictionnaire de spiritualité, dont le premier copyright datait de 1932 mais le projet de 1928, étaient des créations et des œuvres officielles de la Compagnie de Jésus, tandis que les Études Carmélitaines, fondées en 1911, dépendaient, comme le nom l’indiquait, de l’ordre des carmes, et La Vie spirituelle de celui des dominicains, pour ne pas parler des volumes intitulés La Spiritualité chrétienne, publiés à partir de 1928 par un sulpicien, M. Pourrat. Ainsi non seulement les hommes mais aussi les lieux de travail et de publication étaient marqués en France par un caractère confessionnel, ce qui ne pouvait pas ne pas avoir de conséquences sur le type de recherche qui était menée et le type d’œuvres qui étaient produites.
2La notion même de « spiritualité » est une notion datée dans son émergence et ses usages [1]. Issu du latin « spiritualitas », le mot marque l’opposé de ce qui est « charnel » et en est venu à désigner aux xviie et xviiie siècles certaines façons de vivre et d’expérimenter les choses spirituelles : employé alors souvent au pluriel, il désigne ainsi, en particulier lors des grands débats de la fin du xviie siècle entre Bossuet et Fénelon, des modes de vie chrétienne qui sont les conséquences de doctrines orthodoxes ou hétérodoxes, un ensemble d’idées, de synthèses, de pratiques propres à telle famille religieuse, à tel groupe social, à telle condition de vie, des « vraies » ou des « fausses » spiritualités. Quant au terme allemand de « Spiritualität », il semble être un décalque du français : dans l’un comme dans l’autre des deux champs linguistiques, il est significatif qu’au milieu du xxe siècle, et particulièrement au début des années 1960, la notion de « spiritualité » a fait l’objet de débats et de réflexions s’interrogeant sur sa définition exacte, évaluant sa pertinence et ses usages.
3Considéré de façon extérieure et pour ainsi dire « sociologique », le travail de Michel de Certeau comme historien de la spiritualité paraissait se situer dans la tradition alors très vivante d’une histoire confessionnelle. Dans les années 1950 la plupart des ordres et congrégations religieux, au moins en France mais souvent au niveau de leurs instances romaines, avaient décidé de consacrer une partie de leurs capacités de travail à des études historiques portant sur les origines et l’évolution de leur institut et sur la spiritualité qui leur était propre. Ainsi toute une génération de chercheurs, dans chacun de ces ordres, archivistes, historiens, bibliothécaires, se consacrèrent à l’histoire en cette époque de retour aux sources et aux origines qui préludait au concile de Vatican II. Il serait facile de dresser la liste de ces chercheurs qui s’y consacrèrent et des thèses et des études issues de cette préoccupation : œuvres généralement rigoureuses, reposant sur une documentation de première main, menées avec une sérieuse compétence historique et ne manifestant pas, ou de façon discrète, des intentions apologétiques.
4C’est dans ce cadre qu’il faut replacer l’invitation faite par la Compagnie de Jésus vers 1956 à Michel de Certeau de se consacrer à l’histoire de l’ordre au xvie siècle. C’était dans le travail de Michel de Certeau sinon une rupture, du moins une nouvelle direction, car il s’était plutôt orienté jusque-là vers l’hellénisme, vers la philosophie et vers la patristique, l’hellénisme (songeons aux PP. Fontoynont, Des Places, et bien d’autres), la philosophie (on sait qu’Hegel fut particulièrement travaillé par les jésuites), la patristique (rappelons que la collection Sources chrétiennes fut fondée en 1941 par les PP. de Lubac et Daniélou), trois lieux d’investissement de la Compagnie de Jésus en France dans le champ de la recherche intellectuelle, trois lieux dont la traversée par Michel de Certeau explique peut-être l’ampleur de ses vues et de sa culture : n’avait-il pas commencé et bien engagé la préparation d’une thèse sur saint Augustin ? Sa nouvelle orientation insérait cependant le travail de Michel de Certeau dans un des grands courants de la recherche intellectuelle dans la Compagnie : il suffit de rappeler ici que le P.Joseph de Guibert (1877-1942), proche de la Revue d’ascétique et de mystique, avait assuré depuis 1922 à l’Università Gregoriana à Rome un enseignement de la théologie spirituelle dont sont issus, après des Études de théologie mystique [2], ses Leçons de théologie spirituelle [3] et, posthume, son livre le plus connu, La Spiritualité de la Compagnie de Jésus. Esquisse historique [4], ouvrages très classiques et estimables qui restent utiles, mais qui, issus de la pratique de l’enseignement, et prenant le parti de se tenir « exclusivement sur le terrain historique » [5], sont purement didactiques et laissent donc peu de place à l’élaboration théorique. Ces travaux avaient cependant le mérite de dégager l’étude de la spiritualité des voies « extraordinaires », à la manière d’un Huysmans, dans lesquelles celle des « grâces d’oraison » par le P. Poulain l’avait enlisée au début du xxe siècle [6].
5Évoquer ces noms ne peut que faire ressortir par contraste la nouveauté du travail de Michel de Certeau, au moment même où il semblait s’engager dans les voies de l’histoire confessionnelle, de l’histoire de la spiritualité d’un ordre religieux telle qu’elle se pratiquait avant lui.
6Il faut néanmoins souligner ici que l’histoire de la spiritualité en France s’était développée depuis le début du xxe siècle en d’autres lieux que dans les ordres ou institutions religieux : c’était un des grands mérites de l’œuvre de l’abbé Henri Bremond que d’avoir franchi les cadres confessionnels, d’avoir fait sortir du cercle clérical toute une littérature spirituelle peu connue avant lui ou connue de quelques spécialistes. Michel de Certeau a en 1966 analysé l’œuvre de Bremond et l’opération qu’il réalise alors est tout à fait caractéristique d’une lecture et d’un déplacement. Sans placer son travail dans le prolongement de celui de l’académicien [7], Michel de Certeau analysait la position subjective de l’historien Henri Bremond, le « secret » qu’il formulait en introduisant ses propres idées dans les batailles du xviie siècle, le secret qui a trouvé son expression théorique dans la construction par l’abbé d’une « métaphysique des saints », c’est-à-dire d’une philosophie ressortant de l’expérience spirituelle. Étude parallèle des questions et réponses d’un homme du xxe siècle frappé par une « absence » et un vide autant que par une « inquiétude », et de celles des auteurs du xviie siècle ; ou plutôt, en chaque cas, analyse d’« un état subjectif extrême », qui éclaire le passé à la lumière du présent, et réciproquement révélation ici et là d’une égale « inadéquation ». Il s’agissait donc de considérer une histoire de la spiritualité moins comme le rassemblement d’un acquis documentaire que comme la manifestation du ressort à la fois de « l’unique curiosité » d’un homme et du sens secret des débats d’un siècle passé. Loin que Michel de Certeau soit insensible au risque des coups de force et des partis pris de l’auteur de l’Histoire littéraire du sentiment religieux en France, ce qui centre son analyse, c’est le motif de ces simplifications ou de ces partis pris [8]. N’interprétons pas ces analyses comme un facile repli sur la « psychologie » ou le « moi » de l’historien : comme il l’écrira bientôt à propos de l’abbé Louis Cognet, si Michel de Certeau déplace le point d’application du travail historique, c’est pour distinguer tout « choix personnel dans les débats ou les interférences du passé », qui est à écarter, des « inévitables » « options théologiques et doctrinales » [9] qui, elles, ne sont pas « personnelles » mais sont la conséquence de la place, du présent de l’historien ; il en va ici de « quelque chose de plus grave » que de problèmes de technique ou d’écoles théologiques [10].
7Si l’œuvre de l’abbé Bremond laissait apparaître comme en filigrane les questions fondamentales du xxe siècle qui avaient leur origine dans les mutations du xviie, il existait dans la première moitié du xxe siècle, moins marqué par les débats et les intimes blessures de l’actualité, un ensemble d’historiens et de travaux qui, relativement à l’écart des polémiques et des feux de la notoriété, renouvelait l’étude de la spiritualité. Il faut ici souligner le caractère fondateur des travaux de Jean Baruzi, surtout de sa thèse publiée en 1924 et rééditée en 1931 puis de nos jours, Saint Jean de la Croix et le problème de l’expérience mystique [11]. Selon une tradition que l’on pourrait appeler philologique, le travail de Jean Baruzi consiste en une analyse rigoureuse et historique d’un vocabulaire, d’une pensée, des documents replacés dans leur époque, et cela pour dégager les implications philosophiques d’un langage, du langage mystique des xvie et xviie siècles [12].
8C’est dans cette tradition que s’inscrit dans une large mesure l’œuvre de Michel de Certeau historien de la spiritualité [13]. À plusieurs reprises, il a lui-même rendu hommage à ceux qui l’avaient guidé dans cette voie, à Jean Baruzi au cours de qui, sans doute en 1946-1947, il assista, un des derniers auditeurs au Collège de France d’un maître alors trop peu reconnu et dont, en le faisant un artisan de la « réinvention » de la mystique au milieu du xxe siècle, il écrira en 1971 qu’il avait analysé « la radicalité existentielle de l’expérience » mystique [14] ; et aussi à Jean Orcibal, dont, à partir de 1954 et jusqu’au milieu des années 1960, il fréquenta le séminaire à l’École pratique des Hautes Études [15].
9De cette tradition est issu un ensemble d’éditions critiques, de publications de textes, de traductions ; menées avec une parfaite exigence scientifique, elles témoignent d’un caractère fondamental du travail de Michel de Certeau : l’histoire de la spiritualité est en premier lieu une histoire de textes, et cela non seulement parce que le texte apporte une base documentaire solide à l’histoire et à l’élaboration théorique, mais aussi parce que la seule trace pour nous de ce que l’on appelle l’expérience spirituelle, c’est le résultat d’une expérience de parole et/ou d’une expérience d’écriture ; des textes (autobiographiques, biographiques, épistolaires, traités théoriques, etc.), qui doivent donc être lus, travaillés et interprétés par l’historien comme une espèce particulière de textes et comme le seul écho d’une parole passée.
10D’où l’importance dans le travail d’historien de Michel de Certeau de cette première étape, celle des éditions, de la critique, de l’analyse textuelle. Le premier résultat c’est le doctorat en science des religions soutenu à la Sorbonne et publié en 1960 dans la collection « Christus », le Mémorial de Pierre Favre [16]. Cette traduction est un travail classique : critique et reconstitution d’un texte sûr à partir de la pluralité des versions et des langues, traduction et éclairage de ce texte avec toutes les ressources de l’histoire et de l’érudition.
11Certes, connaissant aujourd’hui la suite des travaux de Michel de Certeau, nous sommes mieux placés pour apprécier le caractère inaugural de ce premier livre, la façon dont il renouvelait déjà la traditionnelle histoire de la spiritualité dans laquelle la rigueur philologique et l’érudite recherche des « sources » semblait l’inscrire. En réalité, y était dressé le décor d’une nouvelle histoire et y apparaissaient les axes selon lesquels elle se déploierait : avec une sorte d’enthousiasme, le lecteur découvre, pour ainsi dire à l’état naissant, ce qui se développera plus tard ; d’où l’impression d’une allégresse de la pensée et de la réflexion. Car Pierre Favre n’est pas à proprement parler un « auteur spirituel » établi, écrivant dans la solitude et réfléchissant sur les textes de la tradition. Michel de Certeau explicite bien chez lui une assimilation de l’héritage rhéno-flamand, de Harphius en particulier [17] : Favre repense cet héritage et en évite les équivoques. Car Favre est un « pèlerin » [18], un « itinérant » [19], sur la scène d’une Europe en pleine mutation et dans un univers qui n’est plus compris comme fait de substances fixes mais suspendu à la libéralité de Dieu, « tissé de relations mouvantes » [20]. Favre est le témoin du « schisme entre une science […] et une expérience » [21] et il aspire à une théologie « qui pût être réellement une science expérimentale » [22]. Ce qui est ainsi dressé de façon inaugurale en 1960 sur la scène de l’histoire, c’est une figure de jésuite itinérant, c’est aussi une « position […] que l’on pourrait dire « mystique » » [23] : les guillemets, qui sont de Michel de Certeau, ont ici valeur de programme ; « mystique » désigne non un corps de doctrine [24], mais une « relation », le « mouvement profond qui fonde une expérience » [25]. Favre est ainsi dans l’œuvre de Michel de Certeau une première figure « mystique », suivie de bien d’autres, Surin, les « petits saints d’Aquitaine », Labadie, les mystiques « modernes », et ceux qui, jusqu’au xxe siècle (Catherine Pozzi, Marguerite Duras …) feront entendre une voix analogue en témoins d’un lieu insaisissable, guetteurs d’un objet qui n’apparaît qu’à travers le développement « subjectif » de l’expérience.
12À travers ce qui aurait pu n’être qu’une thèse universitaire à la méthode de parfaite technicité, se dressent donc une scène et une figure, suivies d’autres scènes et d’autres figures. La première de ces figures, figure majeure, c’est le jésuite Jean-Joseph Surin. Depuis trois siècles les tentatives pour publier et pour étudier sérieusement l’œuvre de Surin avaient été nombreuses, et toutes, à un stade plus ou moins avancé de réalisation, avaient échoué. À la fin du xixe siècle, le projet d’une édition par le Père Bouix, au xxe, la tentative du Père Michel, puis à la mort de ce dernier en 1918 du Père Cavallera, pour publier les Lettres spirituelles n’avaient que très partiellement abouti ; presque tout restait à faire. À vrai dire, Michel de Certeau qui s’attaquera à ce grand chantier le laissera lui aussi inachevé, mais Surin et ses œuvres auront été pour lui comme un multiple lieu d’« investigation ». Il suffit de suivre la bibliographie des œuvres de Michel de Certeau publiée en 1988 pour reconnaître le nombre et l’importance de ses publications sur le jésuite du xviie siècle. Et d’abord deux éditions critiques qui manifestent toujours un des principes de son travail historique : une parole se dit dans un texte, dans un langage qu’il faut analyser par une multiplicité de techniques et de méthodes pour retrouver la voix du mystique. Leçon, comme nous l’avons évoqué, de Jean Baruzi, de Jean Orcibal et de quelques autres : au départ, un texte et non un système, et non une théologie ou une idéologie qui dirait ce qu’est la mystique avant d’atteindre ce que dit le mystique et comment il le dit.
13Surin était d’abord un texte sinistré, une sorte de champ de ruines, selon une métaphore que Michel de Certeau a appliquée à plusieurs reprises aux massifs documentaires effondrés et lacunaires que constituent les œuvres spirituelles du passé, et qu’il appliquera à l’œuvre de Paul Valéry [26], tel est le lieu dont le travail critique fera surgir une « œuvre ». Surin était aussi un « cas » sur lequel la psychiatrie du xixe siècle, après les théologiens du xviie, s’était penchée pour en réduire le mystère. Et, comme nous le verrons, c’était un ensemble de textes permettant d’analyser comment une expérience s’inscrit dans un langage.
14La première des éditions critiques de Surin parut en 1963 dans la collection « Christus » comme celle du Mémorial de Favre en 1960. C’est l’édition du Guide spirituel [27]. Cette fois encore il y avait au départ un parfait travail de critique textuelle à partir du manuscrit, de ses ratures, de ses additions et signes de relectures : la critique est « ouverture » du texte, du texte tel qu’il est, malgré les tentations que peuvent éprouver directeurs spirituels et théologiens de tout temps de « moderniser » ou d’« actualiser » le texte ; c’est le texte qui doit parler, mais non pas en une lecture fondamentaliste (comme s’il ne s’agissait que de se mettre devant le texte et d’attendre qu’il parle !), mais en une lecture historique et critique, en un inlassable et interminable travail. Michel de Certeau a fort bien marqué dans son introduction au Guide spirituel la portée du souterrain travail du critique et les tentations qu’il doit surmonter : « Faut-il l’avouer, au cours du lent et fastidieux travail du déchiffrage, fouillant au fond de ce texte comme dans une mine, nous avons eu l’impression qu’aurait le travailleur souterrain en s’apercevant que le roc bouge et respire : ce texte vivait ! et nous étions tentés de le prendre avec la ’main amie’ du Père Fellon pour faciliter à des lecteurs plus pressés cette sorte d"intelligence’ que nous avions mis tant de jours à trouver. Mais c’eût été une illusion. Il suffisait d’ouvrir à tous, comme elles sont, ces œuvres écrites pour eux » [28].
15Car le Guide spirituel de Surin n’élabore pas seulement ce qu’on peut appeler la doctrine spirituelle du jésuite, il constitue aussi une apologétique qui dessine la ligne de front sur laquelle s’opposent les mystiques et leurs adversaires : un texte pratique (un « guide ») qui est aussi, dans ses aspects pratiques mêmes et datés historiquement, un texte théorique. Il faut lire, dans l’introduction, les pages où Michel de Certeau analyse les rapports entre le désir et l’objet [29], la « faille secrète » qui les sépare, rendant problématique l’« instinct » augustinien vers la béatitude ; le trouble psychique de Surin et les troubles de l’histoire [30] se conjuguent pour faire du texte du jésuite le témoin et l’instrument du passage de l’instinct naturel et des exercices méthodiques à une vie « mystique », Dieu étant d’autant plus proche qu’il est plus étranger [31]. Cela seul le travail critique sur le texte permettait de le découvrir et l’historien y est d’autant plus engagé qu’il parle moins de soi et que la désappropriation pratiquée dans son travail répond à celle dont il parle.
16C’est un autre travail, encore plus ample et plus austère, qu’a exigé la publication de la Correspondance de Surin, chez le même éditeur mais dans la « Bibliothèque Européenne », une collection qui n’était pas une collection de la Compagnie, donc ouverte sur un public plus large et moins confessionnel que la collection « Christus ». Là encore à un texte établi critiquement (au prix d’un admirable travail sur les nombreux manuscrits qui transmettent le texte de ces lettres), aux notes qui sont des trésors d’érudition, s’ajoutaient cent pages d’introduction et cent pages d’appendices.
17À partir des cas particuliers de Favre et de Surin, Michel de Certeau va immédiatement opérer un double élargissement : à partir de Favre un élargissement vers « la réforme dans le catholicisme » au xvie siècle, synthèse insérée en 1963 dans l’article « France » du Dictionnaire de spiritualité [32] ; à partir de Surin un élargissement vers un moment de l’histoire politique et religieuse française avec le livre sur La possession de Loudun, que nous avons déjà signalé, et vers tout un pan de l’histoire de la Compagnie de Jésus au début du xviie siècle, les tendances mystiques et l’opposition à ces tendances : d’un article dans la Revue d’ascétique et de mystique en 1965 sur une « nouvelle spiritualité » dans la Compagnie, à la Correspondance de Surin en 1966, à l’article « Jésuites » du Dictionnaire de spiritualité en 1973, et enfin au chapitre VIII de La Fable mystique en 1982 sur « les petits saints d’Aquitaine », nous pouvons suivre, pour ainsi dire en quatre versions successives en une vingtaine d’années, l’approfondissement, la progressive élaboration de cette histoire, qui représente en réalité plus qu’une page de l’histoire de la spiritualité de la Compagnie de Jésus. À plusieurs titres, cette élaboration, cette suite de reprises et de nouvelles formalisations d’une recherche sont significatives d’une méthode : il s’agit en effet de l’« écriture » d’une histoire, non pas de l’« application » de faits ou de documents à une construction théorique (théologique, idéologique, historiographique, etc.), mais de l’élaboration d’une écriture par laquelle prend corps un objet historique qui ne lui préexiste pas. Ce n’est pas le passage de « faits » à l’histoire (une histoire établissant et reproduisant ces faits) comme si le fait était une donnée brute que l’on pourrait découvrir ou retrouver pur : Michel de Certeau décrira bien cette attitude fondamentale dans le compte rendu, publié en 1971 dans les Études, du livre de Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire [33] : il y pose bien que les « faits » ne sont pas neutres ou purs, mais résultent précisément d’un découpage et, au sens pascalien, d’un « point de vue » ; « les petites unités de l’histoire (les « faits », les « événements ») ne sont pas moins conceptuelles que les grandes (un « siècle », une « mentalité », etc.) ». C’est ainsi dans et par l’écriture que l’érudition qui établit, découpe et organise les faits rejoint la théorie élaborée elle aussi dans et par l’écriture.
18Ce que révèle la progressive élaboration de l’objet historique, c’est, bien que sans le moindre anachronisme et sans que jamais ne s’y inscrive le moi de l’historien (car il s’agit ici d’un radical dépouillement du moi), l’inscription, à chaque étape, du présent de l’opération historienne : si l’article publié en 1965 dans la Revue d’ascétique et de mystique s’intitulait « Crise sociale et réformisme spirituel au début du xviie siècle », ces années 1965-1982, qui encadrent les quatre étapes de cette élaboration apparaissent à notre lecture d’aujourd’hui le temps d’une autre crise sociale et d’autres tentatives de réformes, dont les travaux plus directement engagés dans l’actualité, articles, enquêtes, rapports, de Michel de Certeau portent aussi témoignage [34]. Ainsi, sans rien perdre de leur légalité scientifique, les pratiques historiennes de Michel de Certeau s’inscrivent en parfaite continuité avec ses engagements contemporains, l’ensemble constituant le « lieu » de l’historien.
19* * *
20C’est donc une œuvre en devenir qu’inauguraient en 1963 et 1966 les deux éditions d’œuvres de Surin. D’autres devaient suivre, déjà en chantier, comme une édition du Catéchisme spirituel, qui aurait posé des problèmes aussi complexes dans l’établissement du texte que dans l’interprétation. Mais elles restèrent en chantier.
21En ces années, l’œuvre de Michel de Certeau se développait cependant dans deux directions, les deux directions que désignaient déjà, sans s’y engager encore complètement, les travaux historiques et critiques sur Surin et sur la crise religieuse et sociale des xvie et xviie siècles, d’une part l’élaboration d’une réflexion dont le résultat était annoncé en 1972 dans la Revue d’histoire de la spiritualité [35] sous le titre « Le langage mystique. Théologie et société au xviie siècle », d’autre part, annoncé en 1973 dans L’Absent de l’histoire comme « à paraître », un second livre sous le titre « La production de l’histoire » [36].
22Dans les années 1960 prenait forme en effet l’interprétation de la mystique par Michel de Certeau, parallèlement à la publication des textes et étroitement liée à elle, la lecture et l’interprétation des textes [37]. Déjà le premier texte publié de Michel de Certeau, en 1956, dans un bulletin ronéoté du séminaire universitaire de Lyon, texte intitulé « L’expérience religieuse, Connaissance vécue » dans l’Église, et centré sur la mystique et la nécessité d’« une philosophie du langage » avec allusion à saint Jean de la Croix (« moments sans langage », etc.), nous orientait vers ce qui serait le centre de sa pensée et révèle une réflexion qui prend peut-être un de ses points de départ dans l’œuvre de Jean Baruzi. Mais c’est dans les années 1960 que les choses, semble-t-il, cristallisent. Il est remarquable que ces années 1960 aient été les plus fécondes du xxe siècle, car, à côté de Michel de Certeau, n’oublions pas quelques-unes des grandes œuvres et des grandes entreprises dont la série accompagne sa propre production : si Tristes tropiques est de 1955, La Pensée sauvage de Lévi-Strauss est de 1962, l’Histoire de la folie de Foucault est de 1961, Les Mots et les choses de 1966, et sont aussi de 1966 les Problèmes de linguistique générale de Benveniste dont le Vocabulaire des institutions indo-européennes paraîtra en 1969 ; c’est en outre en 1964 que fut fondée par Lacan, qui publiera ses Écrits en 1966, l’Ecole freudienne de Paris dont Michel de Certeau fit, dès la fondation, partie et dont il resta membre jusqu’à la dissolution.
23Aborder la question des rapports de la mystique et du langage, Michel de Certeau n’a en fait pas cessé de le faire, et ici encore il est très éclairant de repérer par quelles étapes s’est développé son travail. Sur ce point il convient de mettre en perspective l’article « ’Mystique’ » au xviie siècle » en 1964 [38], et le chapitre III, « La science nouvelle » de La Fable mystique en 1982, en passant par l’article « Mystique » de l’Encyclopœdia Universalis en 1971, et un article de la Revue d’histoire de la spiritualité en 1972, sans oublier un autre aspect de son travail, sur lequel nous aurons à revenir mais que nous ne développerons pas ici, la réflexion sur l’histoire.
24Dès l’article de 1964, Michel de Certeau posait que « l’histoire du langage est déjà l’histoire de la pensée » ; l’histoire d’un « mot », le mot « mystique », nous conduisait à celle d’une « science », qui avait « son langage propre », « la science des saints » définie non par une théologie, à laquelle on ne cessera de la ramener et selon laquelle on ne cessera de la juger, mais par un « type de littérature ». Et il montrait que ce langage s’articulait à la fois comme signe et comme effet sur la crise intellectuelle et sociale des xvie et xviie siècles.
25Ce qui était présenté en 25 pages denses en 1964 sera repris en une tout autre ampleur en 1982 et s’articulera en trois mouvements : un nom, des pratiques et l’établissement d’un lieu où se construit la mystique, la constitution d’une scène pour une énonciation. L’article des Mélanges Henri de Lubac est devenu le cœur de La Fable mystique, non par simple extension d’une documentation, mais en faisant jouer, sur la topique de la science nouvelle et des manières de parler, l’analyse de rénonciation, du « conversar », du « dire » ; c’est-à-dire en prenant au sérieux cet acte et en tentant de rendre compte d’un acte, d’un dire, au delà de ce qui est dit, tentative inédite où la linguistique est de plus de ressource que la philologie, bien qu’elle doive toujours s’appuyer sur cette dernière.
26Ce que révèlent aussi les continuels remaniements, l’incessant travail sur les mêmes questions, les réécritures, c’est le travail d’écriture de l’historien inséparable de ce dont il parle : tenter de saisir et de définir ce modus loquendi qu’est la mystique ; l’historien doit pour cela construire le « lieu » de son énonciation et pratiquer une écriture susceptible de rendre compte de la mystique non comme corps de doctrine mais comme énonciation. Il ne s’agit nullement ici de voir l’historien adopter lui-même une sorte d’« enthousiasme » mystique ; rien ne serait plus éloigné de ce dont il s’agit ici, et rien ne lui serait même plus contradictoire [39]. Car l’écriture n’est pas ajoutée au travail historien comme une marque « personnelle », un surplus, moyen de séduction ou art d’écrire de modèle rhétorique, pas plus que la parole et l’écriture ne sont ajoutées dans la mystique à une doctrine ou à une pratique. L’écriture est au contraire partie ou élément du travail historien en tant que tentative pour forcer un impossible à dire, pour trouver un irrémédiable absent (enfoncé dans le passé et la mort), absent de l’histoire ; l’écriture est la seule modalité de cette rencontre.
27Cette tentative, Michel de Certeau l’avait exprimée en 1972 dans l’article de la Revue d’histoire de la spiritualité qui porte le titre « Histoire et mystique », article qui a été repris l’année suivante en 1973 sous le même titre dans L’Absent de l’histoire ; il constitue dans ce dernier livre le chapitre VII qui me paraît un des textes les plus importants de Michel de Certeau. Bien que ce texte, comme tous ses autres textes, ne manifeste pas la moindre complaisance autobiographique, on est frappé par le fait que c’est un article écrit à la première personne et qu’y est dégagé le sens d’un travail. Les circonstances de cette publication expliquent en partie sa nature : cet article paraissait en effet dans le n° 189 de la Revue d’ascétique et de mystique qui avec ce numéro changeait de nom pour devenir la Revue d’histoire de la spiritualité. Dans le liminaire, dont Michel de Certeau était l’un des signataires, les responsables de la revue faisaient état du déplacement des axes de la recherche depuis la fondation de la revue en 1920 et du choix d’« une perspective plus historique » [40]. Dans son article intitulé « Histoire et mystique » [41], Michel de Certeau posait dès la première ligne le nouveau titre de la revue « Histoire de la spiritualité » comme caractérisant « un champ d’étude par le rapport entre deux types de connaissance » [42], puis il retraçait la trajectoire de son travail depuis l’étude critique des textes jusqu’à l’entrée dans la complexité d’une histoire pour accéder à la signification de ce qu’on appelle l’expérience « mystique ». Dans la suite de l’article il n’était plus question de « spiritualité » en général [43], mais du travail qu’un historien, Michel de Certeau, à sa place propre, a mené sur un mystique du xviie siècle, Surin : « J’analyserai donc sur un mode personnel, en fonction d’un travail déterminé et indissociable d’une place qui n’est que la mienne, quelques aspects des relations entre histoire et spiritualité tels qu’ils ressortent de travaux consacrés à un mystique du xviie siècle, Jean-Joseph Surin » [44]. Cet écart entre le projet d’une histoire de la « spiritualité » en général et le « travail déterminé » d’un historien est d’autant plus significatif que ce sur quoi Michel de Certeau fera porter sa recherche c’est la « mystique » qui, comme il le remarquait une douzaine d’années auparavant à propos de Favre, ne constitue pas une doctrine mais une relation, la « place » d’un sujet devant une tradition, une histoire, un monde, et un présent. L’exemple que prend ensuite Michel de Certeau, ce sont ses travaux sur Surin. Texte en forme de récit d’une recherche, récit de voyage dans les « grottes où dorment les trésors du passé », dans les archives et les bibliothèques, et, contrairement au lieu commun de ceux qui n’ont pas fait le voyage, plus les spirituels du passé sont mieux connus, plus ils se révèlent « des étrangers », « différents » de nous [45]. L’histoire, au sens de l’opération historique, n’est pas seulement l’application rigoureuse de règles pour produire un objet, mais « l’opération qui crée un espace de signes proportionnés à une absence » [46].
28Cette réflexion sur l’histoire, parallèle à la réflexion sur la mystique et inaugurée dans les textes de Michel de Certeau dans les années 1970-1974 avec les articles « Ce que Freud fait de l’histoire » [47] et « L’opération historique » [48], et par ce chapitre de L’Absent de l’histoire intitulé « Histoire et mystique » aboutira en 1975 à un livre dont le titre ne sera plus, comme il avait été annoncé en 1973, La Production de l’histoire, mais L’Ecriture de l’histoire.
29Il convient de ne pas séparer ce livre de l’ensemble des travaux et des réflexions que poursuivait alors Michel de Certeau sur Surin et sur le langage mystique, et de dissiper ce qu’un regard superficiel pourrait laisser croire. Lorsque, dans la 1re partie du livre qui s’intitule « Production du lieu », Michel de Certeau constituait le lieu de l’historien, il ne s’agissait pas de la reprise du vieux problème d’une « science objective » ou de la nécessité d’une écriture « scientifique » ; il n’y aurait eu là en effet que lieu commun (l’« objectivité » de l’historien) ou position idéologique de type scientiste ou « apolitique ». En réalité, il ne s’agissait avec ce « lieu » de la production de l’histoire de rien d’autobiographique ; on pourrait plutôt le définir comme l’espace de possibilité de mener une critique des idéologies inhérentes au travail historiographique. À l’opposé d’une toujours complaisante « égo-histoire », c’est une sorte de « dépersonnalisation » de l’historien qui est en cause dans la critique de l’égo, des conditions et des sous-entendus de la méthode, des connivences toujours plus ou moins à l’œuvre, même lorsqu’il s’agit d’une corporation, les historiens, qui semble être vouée à la critique et à la vérité.
30Bien loin de l’écarter de l’étude de la spiritualité, de l’œuvre de Surin et de la mystique, le travail de l’histoire comme « écriture » y ramenait sans cesse Michel de Certeau, dans la mesure où ce qu’il s’agissait d’approcher c’était non pas la spiritualité comme ensemble de doctrines et de pratiques, mais la mystique comme « langage » et comme « écriture », et le texte de Surin comme « écriture », « comment l’expérience s’inscrit dans un langage » [49]. Le discours mystique est lui aussi la nécessaire et impossible manifestation d’un absent qui rend possible ce discours mais jamais ne peut en être l’objet ; c’est ce dont on ne peut pas parler et ce dont on ne peut pas ne pas parler [50]. Cet indicible désigne à la fois un caractère de ce dont parle le langage, et aussi la structure d’un langage lui-même brisé. D’où la construction du discours mystique, discours marqué par l’absence de ce dont il parle et par le nouveau statut que lui imprime cette absence. Étudier les textes mystiques impose donc un travail historique, comme produire une histoire impose un déplacement de l’historien confronté à un irréparable absent. L’étude des textes mystiques n’est pas seulement l’analyse de ce qui est dit ou la mise en lumière de la transmission des textes (étapes nécessaires et qui doivent être parcourues avec toute la rigueur et la scientificité nécessaires), mais une remontée pour ainsi dire en amont de ces textes, la recherche de ce qui les a rendus possibles, c’est-à-dire l’économie (intellectuelle, religieuse, philosophique, scientifique, sociale, etc.) sans laquelle ils ne seraient pas. Le lien entre la mystique et l’histoire, le rapport entre un passé, ou un perdu, et un présent de l’historien n’est donc nullement contingent mais à proprement parler nécessaire. C’est ce que l’apparente pluralité des curiosités et des travaux de Michel de Certeau doit nous faire comprendre : il n’y a pas d’une part la réflexion sur l’histoire, d’autre part l’étude de la mystique moderne, et d’autre part encore les analyses du présent et les engagements dans ce présent. Dans les trois cas, il s’agit moins de champs d’études ou de centres d’intérêt que de position subjective.
31Ici nous devons nous interroger de façon plus précise sur le rapport du travail historique de Michel de Certeau avec la psychanalyse. Bien des indices, engagement dès 1964 dans l’École freudienne de Paris, publications sur Freud, lecture attentive des textes de Lacan, sont des témoignages de l’intérêt constant porté par Michel de Certeau depuis le début des années 1960 à la psychanalyse, années où justement se déploient dans son travail l’histoire de la spiritualité et l’étude du langage mystique. La psychanalyse concerne l’historien et sa position, elle n’est pas un instrument neutre à la disposition de qui s’en donnerait la compétence, mais c’est elle qui donne son sens, tout en s’en enrichissant, à la mutation opérée dans l’histoire de la spiritualité, non pas de la façon dont le jungisme, imprégnant tout un courant de l’histoire de la spiritualité et de l’histoire des religions dans l’entre-deux-guerres et jusqu’aux années 1960 [51], pouvait constituer une sorte d’ultime référence comblant les silences et les creux de l’histoire, mais en déplaçant l’historien et en modifiant le geste historiographique. Comme l’écrit de Freud Michel de Certeau, « Il modifie le ’genre’ historiographique en y introduisant la nécessité, pour l’analyste, de marquer sa place (affective, imaginaire, symbolique). Il fait de cette explication la condition de possibilité d’une lucidité, et il substitue ainsi au discours ’objectif’ (celui qui vise à dire le réel) un discours qui prend figure de ’fiction’ (si, par « fiction », on entend le texte qui déclare son rapport avec le lieu singulier de sa production) » [52]. Ces lignes, qui définissent l’altération produite par Freud dans la science historique, disent ce que la psychanalyse peut produire dans une histoire de la spiritualité, dans l’écriture de cette histoire, non par une juxtaposition de points de vue ou de méthodes, mais par un changement de « place » de l’historien. C’est peut-être un des grands apports de l’œuvre de Michel de Certeau que d’avoir non seulement donné l’exemple de ce changement, mais aussi d’en avoir fait la théorie.
32En conclusion, insistons sur un des caractères fondamentaux de cette œuvre. Au risque de prononcer une tautologie, ce qui me paraît la caractériser, c’est à proprement parler d’être une « œuvre ». Peut-être sommesnous aujourd’hui, dix-sept ans après la mort de Michel de Certeau, mieux capables de nous en rendre compte, que du temps où elle se développait devant nous et où les publications, les rencontres, les conversations, les correspondances la montraient s’élaborant sous nos yeux. Michel de Certeau ne nous apparaît pas seulement comme un historien qui aurait mené une recherche approfondie en certains champs du savoir historique (il l’est certes aussi, et ses travaux sur Surin, sur les jésuites et sur la mystique du xviie siècle resteront des références), mais comme l’auteur d’une « œuvre », un « auteur » au sens plein que Michel Foucault donnait à ce mot dans sa mémorable communication du 22 février 1969 à la Société française de Philosophie qui portait le titre « Qu’est-ce qu’un auteur ? » [53], c’est-à-dire l’instaurateur d’une discursivité : ces auteurs, écrivait Foucault, « ne sont pas seulement les auteurs de leurs œuvres, de leurs livres. Ils ont produit quelque chose de plus : la possibilité et la règle de formation d’autres textes » [54]. Et Foucault ajoutait : « Ils ont ouvert l’espace pour autre chose qu’eux et qui pourtant appartient à ce qu’ils ont fondé » [55]. Or cette réflexion sur l’« autorité », non pas ce qui commande mais ce qui « autorise », ce qui fait « auteur », « auctor », d’un nouveau type de discours, Michel de Certeau l’avait engagée à la même époque dans trois articles des Études portant sur « Autorités chrétiennes et structures sociales » [56]. Il y repérait dans l’histoire des sciences des « coupures épistémologiques », ainsi avec Marx et Freud, ce qui permet un autre type de rapport au monde, ce qui rend possible un nouveau mode d’analyse, non pas l’élaboration d’un nouvel objet de savoir, mais, selon un terme dont il dégageait toute la portée, la « permission » donnée à de nouveaux discours [57] ce qui leur laisse une « place » [58].
33Ces analyses nous pouvons les appliquer à l’œuvre de Michel de Certeau lui-même : nous pouvons, « après coup » [59], dire, au futur antérieur, qu’il aura rendu « possible la constitution d’autres textes » [60]. Si son œuvre peut apparaître comme inachevée (les travaux sur Surin n’ont pas abouti à une grande synthèse de type universitaire, ou à des Œuvres complètes du jésuite du xviie siècle ; les recherches sur le langage mystique ont abouti jusqu’ici au premier tome de La Fable mystique qui sera suivi d’un second tome composé de chapitres restés inachevés), ce caractère même, qui peut apparaître comme une limite, dit d’une certaine façon ce qu’est cette œuvre : ce n’est pas le corpus clos des résultats de recherches historiques ou d’apports scientifiques, mais la possibilité de construire d’autres œuvres, l’ouverture d’une discursivité, c’est-à-dire d’une façon de faire de l’histoire, non en l’imitant mais en entrant dans les discours qu’il a rendus possibles. C’est ainsi que ses livres poursuivent pour ainsi dire leur vie propre après la mort de leur auteur et qu’à la différence de synthèses achevées et donnant l’impression ou l’illusion de la totalité, ils suscitent d’autres recherches et d’autres travaux. On reconnaît alors une sorte d’homologie entre cette œuvre et ce dont elle parle : elle parle de la mystique, non pas un corps de doctrine, mais un langage, des discours qui ont rendu possibles d’autres discours, un certain type de discursivité qui s’est introduit dans les autres discours et qui, les altérant, les a rendus capables de susciter d’autres discours. Cela les dernières lignes du texte de 1969 le disent parfaitement : « Mon travail peut en permettre d’autres qui l’effacent et qui, de la sorte, en manifestent le sens « inter-dit ». [61] ?
Notes
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[1]
Sur le mot, son histoire et sur la notion de « spiritualité », voir l’article « Spiritualité » du Dictionnaire de spiritualité, par A. Solignac et M. Dupuy, t. XIV, col. 1142-1173, Paris, Beauchesne, 1989-1990.
-
[2]
Toulouse, Revue d’ascétique et de mystique et Apostolat de la prière, 1930.
-
[3]
Rééd. Toulouse, Revue d’ascétique et de mystique et Apostolat de la prière, 1955 (1re éd. 1943).
-
[4]
Rome, Institutum Historicum Societatis Jesu, 1953.
-
[5]
Extrait d’une lettre de 1929 à Henri Bremond cité dans M. de Certeau, L’Absent de l’histoire, Paris, Mame, 1973, p. 105, n° 110.
-
[6]
Le succès du livre du P. Aug. Poulain (1836-1919), Des Grâces d’oraison, qui en était à sa 11e édition en 1931, la 1re édition étant de 1901, fut considérable.
-
[7]
Ce que faisait dans les années 1950-1960 l’abbé Louis Cognet, auteur en 1966 d’un volume sur La Spiritualité moderne (Paris, Aubier, 1966) dans l’Histoire de la spiritualité chrétienne (dont le premier tome, dû à Louis Bouyer, portait sur La Spiritualité du Nouveau Testament et des Pères, Paris, Aubier, 1960), dont Michel de Certeau louera l’« attention à la lettre » tout en critiquant la position « théologique » de l’auteur faisant de la mystique des essences le modèle et la norme de la mystique (Revue d’ascétique et de mystique, 1968, 1, pp. 33-42).
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[8]
Voir M. de Certeau, « Henri Bremond historien d’une absence », dans L’Absent de l’histoire, op. cit., pp. 73-108 [1re publication dans les Recherches de science religieuse, 1966, 1, pp. 23-60, d’une communication à un colloque tenu à Cerisy en août 1965].
-
[9]
Art. cité Revue d’ascétique et de mystique, 1968, 1, p. 42.
-
[10]
Voir M. de Certeau, L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 76.
-
[11]
1re éd. Paris, Alcan, 1924 ; 2e éd. revue et augmentée, Paris, Alcan, 1931 ; éd. revue et corrigée avec les deux préfaces de Jean Baruzi, Paris, Salvator, 1999. Voir notre article « Une réédition. Le Saint Jean de la Croix de Jean Baruzi », dans Essaim, n° 8, 2001, pp. 164-170.
-
[12]
Voir l’important article de J. Baruzi, « Introduction à des recherches sur le langage mystique », dans Recherches philosophiques, t. I, 1931-1932, pp. 66-82, article non repris dans le précieux recueil de textes de J. Baruzi, L’Intelligence mystique, textes choisis et présentés par J.-L. Vieillard-Baron, Paris, Berg International, 1985.
-
[13]
Voir notre article « De la critique textuelle à la lecture du texte », dans Le Débat, n° 49, mars-avril 1988, pp. 109-116.
-
[14]
Article « Mystique » dans Encyclopœdia Universalis, t. XI, p. 523.
-
[15]
En 1960, à la fin de l’introduction de son édition du Mémorial de Pierre Favre, il écrit : « Monsieur Orcibal, Directeur d’études à l’École des Hautes Études, a bien voulu suivre ce travail avec une bienveillance et une érudition également inépuisables » (p. 95), et il écrira encore en 1975 : « Tous les dix-septiémistes doivent à Jean Orcibal d’avoir été introduits dans le labyrinthe où sa prodigieuse compétence est devenue un ’tact’, une perception des différences les plus subtiles », « Christianisme et ’modernité’ dans l’historiographie contemporaine », dans Recherches de science religieuse, t. 63, n° 2, avril-juin 1975, p. 263, n° 61.
-
[16]
Bienheureux Pierre Favre, Mémorial, traduit et commenté par Michel de Certeau, Paris, Desclée De Brouwer, 1960 ; avec Imprimi potest du 12 juin 1959 et achevé d’imprimer du 24 février 1960.
-
[17]
Ibid., pp. 28, 35 et sv.
-
[18]
Ibid., p. 9.
-
[19]
Ibid., p. 41.
-
[20]
Ibid., p. 23.
-
[21]
Ibid., p. 25.
-
[22]
Ibid., p. 26.
-
[23]
Ibid., p. 71.
-
[24]
Même si Michel de Certeau reconnaîtra l’importance capitale de la redécouverte de la mystique rhéno-flamande pour comprendre la spiritualité des xvie et xviie siècles, en particulier grâce aux travaux de Louis Cognet dont il fera l’analyse en 1968 (Revue d’ascétique et de mystique, 1968, n° 1, pp. 33-42).
-
[25]
Pierre Favre, Mémorial, op. cit., p. 95.
-
[26]
Des fragments, des diamants dispersés, et chez Valéry l’obsession de « l’idée de ruine » (Michel de Certeau, « Propos sur Valéry » [1978], Art Press, n° 139, septembre 1989, p. 56).
-
[27]
Jean-Joseph Surin, Guide spirituel, Paris, Desclée De Brouwer, 1963.
-
[28]
Ibid., pp. 59-60.
-
[29]
Ibid., p. 33.
-
[30]
Un moment de rupture dans l’histoire de la pensée et la théologie, un temps de crise à la fois religieuse et politique dont les possessions de Loudun constitueront pour ainsi dire la métaphore. Voir de Michel de Certeau, La possession de Loudun, Paris, Julliard, 1970 ; rééd. Gallimard/Julliard, 1980.
-
[31]
J.-J. Surin, Guide spirituel, op. cit., pp. 34-35.
-
[32]
Repris en 1964 dans l’Histoire spirituelle de la France, Paris, Beauchesne, 1964, pp. 194-216.
-
[33]
Paris, Seuil, 1971.
-
[34]
Citons seulement ici La Prise de parole (Paris, Desclée De Brouwer, 1968 ; rééd. Seuil, 1994) et La Culture au pluriel (Paris, 10/18, 1974 ; rééd. Seuil, 1993 [textes écrits en 1968-1973]).
-
[35]
1972, 1, 3e page de couverture.
-
[36]
L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 160.
-
[37]
Voir notre article « De la critique textuelle à la lecture du texte », dans Le Débat, cité plus haut.
-
[38]
Dans L’homme devant Dieu, Mélanges Henri de Lubac, Paris, Aubier, 1964, t. II, pp. 267-291.
-
[39]
Rappelons-nous le jugement porté sur ce qu’à propos d’un livre de Louis Cognet Michel de Certeau appelait en 1968 le « choix personnel » et les « prises de positions doctrinales » d’un historien.
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[40]
Revue d’histoire de la spiritualité, 1972, 1, p. 3.
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[41]
Ibid., pp. 69-82. = L’Absent de l’histoire, op. cit., pp. 153-167.
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[42]
Ibid., p. 69 = L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 153.
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[43]
Le mot lui-même ne sera repris qu’une fois sous la forme du nouveau titre de la revue.
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[44]
L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 154.
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[45]
Sur ce thème voir L’Etranger ou l’union dans la différence, Paris, Desclée De Brouwer, coll. « Foi Vivante » ; rééd. Desclée De Brouwer, 1991.
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[46]
L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 156.
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[47]
Dans Annales ESC, 1970, pp. 654 et 667
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[48]
Dans J. Le Goff et P. Nora, éd., Faire de l’histoire, t. I, Paris, Gallimard, 1974, pp. 3-41.
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[49]
L’Absent de l’histoire, op. cit., p. 154.
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[50]
Ibid., p. 153.
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[51]
Pensons à de nombreux articles des Études Carmélitaines, et aux livres de Charles Baudouin, et, aussi contestables, à ceux de Mircea Eliade.
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[52]
Histoire et psychanalyse entre science et fiction, Paris, Gallimard, 1987, p. 101.
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[53]
Voir Bulletin de la Société française de Philosophie, 63e année, n° 3, juillet-septembre 1969, pp. 73-104, avec, à la suite de la communication de Foucault, les interventions de Jean Wahl, de Lucien Goldmann, de Jacques Lacan, etc. Repris dans Dits et Écrits, Paris, Gallimard, 1994, t. I, pp. 789-821.
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[54]
Ibid., éd. 1969, p. 89 ; éd. 1994, p. 804.
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[55]
Ibid., respectivement p. 90 et p. 805.
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[56]
Voir La Faiblesse de croire, Paris, Seuil, 1987, rééd. coll. Points, 2003, pp. 89-135). Sur ce thème, voir aussi la contribution de Henri de Lavalette dans les Études, en janvier 1969, et le texte resté alors inédit de Louis Beirnaert publié dans Aux frontières de l’acte analytique, Paris, Seuil, 1987, pp. 112-115.
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[57]
La Faiblesse de croire, éd. cit., pp. 211-212.
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[58]
Ibid., p. 218, 259, etc. : « faire place ».
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[59]
Soulignons l’importance de cette notion, ibid., p. 225.
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[60]
Ibid., p. 224.
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[61]
Ibid., p. 226.