Notes
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[1]
Jean-Michel Maldamé, Création et providence. Bible, science et philosophie, Paris, Éd. du Cerf, 2006 ; 224 p., 20,8 × 13,4, 22 €. ISBN : 978-2204081801.
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[2]
J.-M. Maldamé, Création par évolution. Science, philosophie et théologie, Paris, Éd. du Cerf, 2011 ; 277 p., 21,4 × 13,4, 20 €. ISBN : 978-2204093156.
-
[3]
John H. Wright, Divine Providence in the Bible. Meeting the Living and True God. Vol. 1 : Old Testament, NY, Paulist Press, 2009 ; 223 p., 15,2 × 22,6, 19 €. ISBN : 978-0809146178 ; Vol. 2 : New Testament, NY, Paulist Press, 2010 ; vi + 304 p., 15,2 × 22,6, 23 €. ISBN : 978-0809146772.
-
[4]
Medard Kehl, « Et Dieu vit que cela était bon ». Une théologie de la création, Paris, Éd. du Cerf (coll. « Cogitatio fidei » 264), 2008 ; 573 p., 21,4 × 13,6, 53 €. ISBN : 978-2204085793.
-
[5]
Robert Mager (dir.), Dieu agit-il dans l’histoire ? Explorations théologiques, Montréal, Fides (coll. « Héritage et Projet » 70), 2006 ; 290 p., 21,3 × 14, 31 €. ISBN : 978-2762126649.
-
[6]
Francesca A. Murphy & Philip G. Ziegler (dir.), The Providence of God. Deus habet consilium, Londres, T&T Clark, 2009 ; 240 p., 23,4 × 15,6, 33,50 €. ISBN : 978-0567033413.
-
[7]
Terrance L. Tiessen, Providence and Prayer : How does God work in the World ?, Downers Grove IL, InterVarsity Press, 2000 ; 432 p., 22,6 ¥ 15, 22 €. ISBN : 978-0830815784.
-
[8]
Thomas J. Wright, Providence made Flesh. Divine Presence as a Framework for a Theology of Providence, Carlisle, Paternoster, 2009 ; 266 p., 22,8 × 15, 27 €. ISBN : 978-1608991600.
-
[9]
Pour une recension plus longue, en forme de notice séparée, nous renvoyons à Rev. Sc. ph. th. 96/2 (2012), p. 396-397.
-
[10]
Charles M. Wood, The Question of Providence, Louisville, Westminster John Knox Press, 2008 ; xiii + 120 p., 21,6 × 14, 15 €. ISBN : 978-0664232559.
-
[11]
Signalons au lecteur pressé que la proposition « systématique » centrale sur la modalité trinitaire de la Providence est aussi disponible sous forme d’article ; voir Charles M. Wood, « How does God Act ? », International Journal of Systematic Theology 1/2, (1999), p. 138-152.
-
[12]
Michael J. Dodds, Unlocking Divine Action. Contemporary Science & Thomas Aquinas, Washington DC, CUA, 2012 ; xii + 311 p., 22,9 × 15,2, 77 €. ISBN : 978-0813219899.
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[13]
Pour une version brève de l’argument principal du même auteur, on peut lire Michael J. Dodds, « Unlocking Divine Causality : Aquinas, Contemporary Science, and Divine Action » Angelicum 86/1 (2009), p. 67-86.
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[14]
À ce sujet, voir Helen Beebee (dir.), The Oxford Handbook of Causation, Oxford, Oxford University Press, 2009.
1Après avoir, dans notre précédent bulletin de théologie dogmatique, ouvert une rubrique sur la théologie de l’action créatrice de Dieu, nous poursuivons ici notre enquête dans le champ plus spécifique de la théologie de la Providence. La Providence, notion théologique de facture classique, tant en philosophie qu’en théologie, paraît de plus en plus problématique aux théologiens européens, surtout en raison de la figure culturelle dominante d’un Dieu en « retrait » du monde et de la déconstruction des représentations « providentialistes » de l’histoire. Néanmoins, la dernière décennie a produit quelques publications significatives sur ce thème, non seulement à travers des ouvrages d’initiation théologique ou de synthèse biblique, mais aussi par des actes de colloques universitaires, ou encore par des études systématiques et des essais spéculatifs. Dans la masse des publications afférentes à la théologie de la création, la liste des ouvrages formellement consacrés à la Providence s’avère en fin de compte très réduite. La majeure partie des travaux se concentre nettement, depuis quelques années, sur la confrontation de la théologie à la théorie de l’évolution, à l’Intelligent Design, à la cosmologie, aux théories du chaos et de la complexité, aux formalisations de la contingence et de l’indétermination, etc. Les débats deviennent alors relativement techniques, supposent des compétences croisées et délimitent finalement un champ interdisciplinaire spécifique. Suivant l’optique de ce bulletin, nous limitons plutôt notre examen à des ouvrages qui relèvent du champ de la théologie « dogmatique » ou « systématique », au contact de l’exégèse biblique et de la philosophie (dont l’épistémologie des sciences contemporaines).
2Commençons par quelques ouvrages d’introduction ou de synthèse. L’initiation proposée Jean-Michel Maldamé [1] est pédagogique et complète. L’A., spécialisé dans le dialogue entre science et foi, conjugue ici habilement plusieurs registres : biblique, métaphysique, scientifique et théologique. En première partie, une longue étude biblique s’applique sur plusieurs corpus différents : le discours de Paul à Athènes dans les Actes, les oracles d’Isaïe sur la création par la Parole, puis l’un et l’autre récits de création au début de la Genèse : le premier comme vision sacerdotale, le second comme œuvre de sagesse. Dans la deuxième partie, l’A. fait droit à une théologie de la création comme don de l’être. Pour cela, il prend appui sur les Apologistes, Irénée de Lyon et Basile de Césarée, puis sur Augustin et Thomas d’Aquin, afin d’expliciter la création comme relation asymétrique. Après avoir ainsi rendu compte des fondements de la démarche chrétienne et de l’élaboration progressive d’une conceptualité théologique, qui s’est de fait formée en dialogue avec diverses cultures partenaires, l’A. reprend la question à frais nouveaux, dans une troisième partie en forme de proposition. Elle répond au double souci d’honorer la responsabilité humaine et d’intégrer l’essor des sciences de la nature et de la vie, qui modifient notre appréhension de la substance, des espèces, de la matière, du devenir, etc. L’A. situe la philosophie dans un rôle de médiation décisive entre sciences et théologie.
3Le chapitre sur le commencement et l’origine en offre une belle illustration. L’affinement de la distinction philosophique entre ces deux notions-clefs permet de resituer la « singularité » initiale du modèle cosmologique standard à sa juste place, comme un commencement relatif, tandis que les récits religieux traitent de l’origine de façon symbolique, comme une condition permanente de l’humain. À l’écart des tentations concordistes, l’A. exerce un discernement analogue en vue d’une juste interprétation (« faible ») du principe anthropique (voir p. 133sq). Dans les chapitres suivants, l’A. montre que l’action divine est coextensive au devenir créé, qu’il soit représenté comme évolution des vivants ou flux d’énergie. L’action de l’Esprit est alors envisagée comme un accompagnement des degrés de liberté et de contingence du créé (voir p. 140sq). L’A. situe aussi la place originale de l’être humain dans la création, à partir des réponses de l’anthropologie chrétienne à l’humanisme athée : le travail, la culture, la parole sont des modes de collaboration créative à l’œuvre de Dieu (voir p. 157sq). L’A. s’interroge ensuite sur le monde tel que nous le connaissons, c’est-à-dire « cassé » et traversé par le mal. À l’écart de tout dualisme mythique (un dieu bon / un dieu mauvais), le monothéisme strict radicalise la question de la responsabilité et de l’innocence du Créateur devant les maux. En réponse, l’A. souligne le caractère inachevé de la création, en attente d’une gouvernance humaine, puis reprend le problème de l’origine du mal à l’aide d’une typologie tripartite : péché du monde, péché d’Adam, péché originel (voir p. 170sq). Dans son dernier chapitre, l’A. évoque l’unité de l’œuvre de Dieu dans le Christ, à partir de Col 1, 15-20 et Ap 4-5. La création se dévoile ainsi tournée vers son accomplissement, promesse d’une plénitude à venir, en forme de récapitulation et de nouveauté. La conclusion générale reformule la foi en la création par Dieu sous le motif de la présence. En fin de compte, les principales vertus de cet ouvrage d’introduction sont la clarté d’exposition et la corrélation des instances à tenir ensemble : corpus bibliques, traditions chrétiennes, culture scientifique, philosophie et théologie, sensibilité pastorale. Le concept de providence est inséré dans le vaste réseau d’une théologie de la création, située entre son origine et son accomplissement. La bibliographie finale, classée par secteurs, sera utile aux étudiants.
4Dans un autre ouvrage plus récent, Jean-Michel Maldamé [2] parachève ses travaux antérieurs en proposant une intégration lucide de la notion scientifique d’évolution à l’intérieur du paradigme théologique de création. Dans une première partie, l’A. établit un certain nombre de distinctions épistémologiques, indispensables à une pensée sereine qui se situe à l’intersection de disciplines diverses. Il clarifie la distinction entre les faits scientifiques, les principes de la théorie de l’évolution, la définition de cette théorie, puis sa diversification relative à sa fonction de programme de recherche (voir p. 21-32). L’A. montre ensuite de quelle manière l’un des principes de la théorie de l’évolution est d’inclure pleinement l’humain dans le monde des vivants. Cela implique une nouvelle vision de l’espèce humaine et pose des questions inédites sur la singularité de l’humain (voir la proposition personnelle avancée à la p. 47). La deuxième partie rend compte des débats qui ressortissent à des options divergentes de lecture du texte biblique, spécialement de la Genèse. C’est à ce niveau-là que s’enracinent les thèses créationnistes (à ne pas confondre avec celles de l’Intelligent Design), afférentes à une lecture fondamentaliste de la Bible, étrangère à toute herméneutique historique ou littéraire des textes inspirés. Par un singulier défaut d’épistémologie, les tenants de créationnisme font de la Bible un livre immuable d’une « science » supérieure à toutes les autres, y compris sur le terrain de chacune d’elles (voir les cinq principes déclinés aux p. 92-93). La troisième partie de l’ouvrage retrace la généalogie de la « théologie naturelle » (extérieure à toute théologie confessante), spécialement dans sa version anglo-saxonne. La figure de William Paley (1743-1805) est ici particulièrement intéressante, car Darwin s’est détaché de sa théologie naturelle, tandis que les partisans de l’Intelligent Design réactivent aujourd’hui son argument fondamental, afin de contrer le « néodarwinisme » (i.e. l’évolution érigée en philosophie, voire en idéologie). Outre les transgressions de frontières épistémologiques, la grande faiblesse de l’Intelligent Design est, en fin de compte, de réhabiliter un Dieu « bouche-trou » des lacunes actuelles de la théorie de l’évolution, alors que les imperfections, les bifurcations et les débats afférents à cette théorie sont précisément les signes de sa fécondité heuristique. La quatrième et dernière partie de l’ouvrage fait œuvre de synthèse. L’A. montre quelle peut être l’action créatrice de Dieu dans l’évolution, au sens (non-mécaniste) d’une « création continue ». Après avoir bien distingué l’origine première et le commencement d’une séquence temporelle, l’A. mobilise et affine les notions de « coopération » (au sens d’une pleine synergie sans division de l’action), de « finalité » (en distinguant une téléonomie rétrospective, éventuellement accessible à la science, et une finalité de type métaphysique), ou encore de « hasard » (une contingence diversement appréhendée suivant l’échelle adoptée et l’unité considérée). En « point d’orgue » de sa réflexion synthétique, l’A. met en relation la spécificité humaine (dont le premier moment est indiscernable) et une action spéciale de Dieu pour l’humanité. Il montre enfin comment les deux récits de création de la Genèse répandent une lumière inatteignable par la science. En fin de compte, comme le précédent, cet ouvrage offre à la fois une très bonne introduction pédagogique aux problèmes traités et de précieux discernements à travers lesquels l’A. prend position (par exemple, sur la spécificité humaine due à l’âme, expliquée aux pages 245-251). Le lecteur appréciera la riche littérature, à la frontière entre sciences et philosophie, à laquelle l’A. offre un accès facile.
5En deux volumes relativement brefs, le théologien jésuite John H. Wright [3] a tenté l’impossible ; à savoir, reformuler et synthétiser l’intégralité de l’enseignement biblique sur la divine Providence et l’action de Dieu, corpus après corpus (sic). L’entreprise est louable mais, inévitablement, le résultat est décevant. Cela est principalement dû au fait que l’A. résume les perspectives bibliques, à grands traits, au lieu de lire et d’analyser certains textes-clefs de façon serrée. Sans aucun doute, l’A. a lui-même procédé à de telles analyses, surtout dans le NT, mais il en prive quasi totalement ses lecteurs (sauf sur Paul).
6En introduction, il annonce clairement ses objectifs et sa thèse, énoncée comme suit :
La conclusion à laquelle arrive cette étude, après avoir exploré l’enseignement de la Bible tout entière, est que la divine Providence n’est pas un plan éternel et détaillé, que Dieu déciderait et exécuterait de façon irrésistible, mais que la divine Providence est, radicalement, l’amour universel de Dieu, guidé par sa sagesse et accompli par son pouvoir. Dieu ouvre des possibilités pour le choix humain ; les êtres humains choisissent librement et de façon responsable parmi ces possibilités. Dieu, tandis qu’il exécute ces choix bon ou mauvais, les ordonne aux buts visés par son amour (vol. 1, p. 8).
8L’A. prend d’emblée ses distances à l’égard de la théologie d’Augustin (impliquée ci-dessus sous le vocable « irrésistible »), ramenée de façon sommaire à la masse de perdition et au petit nombre des élus. Étrangement, l’A. impute même à Augustin la thèse de la « double prédestination » qui n’apparaît formellement que chez certains augustiniens postérieurs. Une telle entrée en matière inquiètera le lecteur informé. Heureusement, la fin de l’introduction revient à la Bible. La mise au point sur le vocabulaire biblique afférent à la Providence, traductions comprises (LXX et Vulgate), est utile (voir vol. 1, p. 10-12).
9Ensuite, l’A. traverse à grands pas chacun des corpus bibliques : Pentateuque, livres historiques, Prophètes, littérature de sagesse, Psaumes (vol. 1), puis Marc et Matthieu, Luc et Actes, Paul, la littérature johannique (hormis l’Apocalypse), lettres deutéro-pauliniennes, Apocalypse (vol. 2). Chacun de ces chapitres s’achève sur une brève reprise de la spécificité du corpus considéré, tandis que chacun des deux volumes conduit à un chapitre récapitulatif. De la sorte, le lecteur est équipé à chaque étape décisive de mises au point pédagogiques. La conclusion du premier volume est intéressante (voir vol. 1, p. 195-196). L’A. reprend une structure constante de l’action de Dieu, repérée dès le Pentateuque : initiative divine, libre réponse humaine, réponse divine à la réponse humaine. Contre Augustin (convoqué ici ou là comme repoussoir), l’A. dénonce comme non-biblique la thèse d’un caractère irrésistible de la grâce. Il insiste aussi sur le troisième moment, comme étant celui du jugement, avec une gradation et une pédagogie visant la conversion du pécheur.
10Par rapport à l’Ancien, le Nouveau Testament enseigne quelque chose de neuf et de spécifique : « Dieu influence le monde et l’histoire humaine de façon décisive dans et à travers Jésus de Nazareth, son Fils, qui est Christ et Seigneur » (vol. 2, p. 4). De façon souple, l’A. applique néanmoins à chaque corpus du NT un prisme d’analyse qui suit la structure dégagée à partir de l’AT : initiative divine, réponse humaine, réponse divine à la réponse humaine. À première vue, cela est déconcertant et le risque de contraindre les matériaux paraît grand. Mais, lorsqu’il s’agit du NT, l’A. se montre plus proche des textes et sait mieux tirer parti de leurs richesses multiformes. Le chapitre final, appelé à clore les deux volumes, demeure très schématique. Il est dommage que les résumés intermédiaires des chapitres précédents y soient reproduits tels quels, les uns à la suite des autres. Manifestement, l’A. (décédé en 2009) n’a pu achever lui-même son travail et un rédacteur a dû compiler le chapitre final. Saluons toutefois l’entreprise globale, audacieuse et sans doute démesurée. Le résultat est décevant pour qui cherche un ouvrage d’exégèse, scientifique et novatrice. L’ouvrage peut toutefois se montrer utile, au moins pour acquérir rapidement une idée globale sur les principaux motifs de l’action de Dieu mis en avant dans un corpus donné. Au fond, il s’agit d’un essai de synthèse qui ressortit au genre, un peu dépassé, de la « théologie biblique ».
11Dans un ouvrage ample et documenté, Medard Kehl [4] livre une théologie systématique de la création, incluant une réflexion nourrie sur l’action de Dieu. Fruit d’un enseignement au long cours à la faculté de théologie de Francfort-sur-le-Main, l’ouvrage offre une belle synthèse, mobilisant de multiples registres. L’A. est en effet attentif aux connexions d’une théologie de la création : le cadre du dessein salvifique de Dieu, la visée eschatologique, la dimension ecclésiologique (souvent inaperçue), les points de vue scientifiques et le sous-bassement métaphysique. La méthode d’exposition part du « phénomène » ecclésial de la foi en Dieu Créateur. L’A. tire ainsi parti de la liturgie de la vigile pascale (voir p. 61sq), ou encore de la quatrième prière eucharistique du Missel romain, expression de la théologie de la création sous-jacente au Concile Vatican II (voir p. 95sq). Les deux parties centrales de l’ouvrage s’attachent, d’une part, à l’enseignement biblique au sujet de la création, décliné suivant divers corpus de l’AT (voir l’analyse de Gn 1-11) et du NT, et d’autre part, aux développements théologiques élaborés face aux grands défis historiques successifs, chez Irénée, Augustin, Thomas d’Aquin et R. Guardini. Les intuitions de ce dernier au sujet de la condition de l’homme moderne et de la notion chrétienne de Providence sont particulièrement suggestives (voir p. 303-331). Dans la suite de l’ouvrage, l’A. traite de façon systématique un certain nombre de questions complexes (internes à la foi) ou frontières (venues du dehors) : le rapport subtil entre transcendance et immanence de Dieu par rapport au monde (par un recours au motif d’« espace » trinitaire, à la suite de H.-U. von Balthasar), l’agir de Dieu dans le monde, le problème de la théodicée, la création bonne et le pouvoir du péché (contribution par Michael Sievernich), la foi en la création face aux sciences de la nature (contribution par Hans-Dieter Mutschler), l’apport de la foi en la création à une éthique écologique, le différentiel entre foi chrétienne et foi musulmane en la création, etc.
12Dans l’optique de ce bulletin, arrêtons-nous sur la brève proposition de l’A. au sujet de la Providence et de l’action de Dieu. Son objectif est d’articuler l’agir propre de Dieu et l’agir efficace des créatures. Assurément, il n’est pas à notre portée d’expliquer l’agir de Dieu dans le monde, mais la théologie cherche néanmoins à voir comment il est possible de tenir ensemble ces deux affirmations. L’A. suggère de mobiliser de bonnes analogies (voir p. 351). Il recense trois modèles utiles pour concevoir l’action de Dieu, empruntés à R. Bernhardt, Was heisst « Handeln Gottes » ? Eine Rekonstruktion der Lehre von der Vorsehung, Gütersloh, Kaiser, 1999. Le premier modèle est centré sur les hauts-faits de Dieu, conçu de façon analogue à un sujet humain agissant dont le champ d’action serait universel. Dans une telle perspective, l’accent porte sur une transcendance tout entière extérieure au monde (tandis que l’A. a tenté de qualifier une transcendance inclusive du créé) et l’intervention de Dieu peut apparaître énigmatique et arbitraire, comme si Dieu agissait plus ou moins selon les situations. Les problèmes de la théodicée demeurent très embarrassants dans une telle vision anthropomorphique. Le deuxième modèle souligne la médiation de l’action de Dieu par l’ordre du créé et l’activité propre des causes secondes. C’est une perspective sapientielle. Le problème du mal reste entier, bien sûr, mais une autre difficulté surgit (face à l’accommodation rahnérienne de l’option thomiste) : l’agir de la Cause première est situé à une telle hauteur ou profondeur transcendantale, qu’il demeure finalement très indéterminé.
13Le troisième modèle avancé reçoit l’assentiment préférentiel de l’A. L’action de Dieu est alors pensée à travers sa « présence opérante » (voir p. 361sq). La perspective adoptée est « panenthéiste », au sens où la créature se trouve introduite en Dieu, dans l’espace trinitaire. La présence est entendue dans une perspective dialogale, comme attention, interpellation, attraction. L’immanence pénétrante de l’Esprit Saint dans le monde donne finalement un contenu trinitaire à cette analogie. Manifestement, l’A. recourt ici à une théologie métaphorique, pour faire droit à une inclusion du créé en Dieu. Il évite toutefois les excès du Process et résiste même à un usage exclusif de l’autolimitation divine, sauvegardant le présupposé indispensable de la toute-puissance de Dieu (voir p. 366, n. 1). Au terme de cette section sur l’action de Dieu, l’A. prend de façon judicieuse la prière de demande comme un lieu de vérification. Il inscrit la prière dans la mission de co-agir et de co-aimer avec Dieu. Il reconnaît surtout à la prière la vertu d’ouvrir les humains à l’action de Dieu, jusque dans leurs corps ou leurs situations sociales. Il insiste enfin de façon pertinente sur la solidarité exercée par l’intercession et sur la « confiance substitutive », dans le corps du Christ, d’une prière pour celui ou celle qui ne prie pas. Nous reviendrons à propos d’un autre ouvrage sur les diverses façons de situer la prière de demande en regard d’une théologie de la Providence.
14Poursuivons avec deux ouvrages collectifs issus de colloques universitaires, l’un à Montréal, l’autre à Aberdeen. La théologie de la Providence est indissociable de la question fondamentale des modalités de reconnaissance de l’action de Dieu dans l’histoire. Telle est la problématique du bel ouvrage collectif dirigé par Robert Mager [5], en écho aux travaux de la Société canadienne de théologie, lors de son congrès de 2003. Le constat initial porte sur la difficulté de reconnaître aujourd’hui, en Occident, « l’initiative divine dans les petits et les grands événements de l’aventure humaine, tant personnelle que collective » (p. 7). Cela est dû à un ébranlement profond de la conscience croyante devant les récits bibliques et le désenchantement du monde. Plusieurs stratégies s’élaborent en vis-à-vis d’un tel constat : réaffirmation, compartimentation, renoncement, redéfinition des termes, herméneutique, etc. Les contributions de l’ouvrage explorent d’abord des expériences concrètes (sous la conduite de Gloria Jeliu, Claire Vanier, Raymond Levac, Michel Simard), puis avancent une problématique théologique en débat (Robert Mager, Claude Geffré), avant de revenir sur des contextes globaux (André Beauchamp sur les questions environnementales, Jean-Marc Gauthier sur les rapports entre violence et religion, Michel Beaudin sur l’invocation de Dieu dans l’espace public) ou des pratiques (Jean-Claude Breton, Suzanne Rousseau, Alexandra Pleshoyano sur Etty Hillesum), pour s’achever avec des reprises du discours ou remises en perspectives (Jean Richard avec G. E. Wright et Paul Tillich, Alain Gignac et Danielle Jodoin sur Romains 1-3, Thérèse Nadeau-Lacour sur Le Témoin de Jean Paul Lemieux, Louis Perron sur l’histoire comme problématicité suivant Jan Pato?ka, Maxime Allard sur les déplacements des questions de la Providence, et enfin Anne Fortin en conclusion).
15Du point de vue de la théologie systématique, l’apport décisif de ces travaux se trouve saisi de façon incisive dans la contribution de Robert Mager (p. 47sq) : la perte de confiance dans l’intelligibilité de l’histoire met en crise la représentation d’un Dieu « souverain », « cause », « auteur », « acteur » ou « garant » de l’histoire. Dans ces conditions, faut-il renoncer purement et simplement au paradigme de l’action (de Dieu) ? Pour Mager, l’analogie de l’action charrie un schème concurrentiel, suivant lequel l’action divine et l’action humaine s’additionnent, d’une façon aussi subtile soit-elle. L’agir de Dieu devrait alors être repensé à frais nouveaux, dans un tout autre registre. Est-il possible de penser encore autrement l’action de Dieu, de telle façon qu’il ne fasse plus du tout nombre avec l’action humaine, tout en lui advenant de façon transcendante ? La proposition avancée consiste essentiellement repenser l’action de Dieu sous la modalité du sens et de la grâce. Mager reste toutefois très lucide et honnête sur le fait qu’une telle approche englobe beaucoup moins de situations réelles que celles où les « simples » croyants invoquent Dieu agissant envers eux, y compris dans le non-sens. En fin de compte, un tel ouvrage n’apporte pas de solution viable, mais il pose parfaitement le problème de l’action de Dieu en regard de la foi, dans le contexte occidental. Sous cet angle, il rend un grand service.
16Un autre colloque universitaire, moins incisif, a produit récemment des travaux enrichissants, bien que très disparates. L’ouvrage collectif correspondant, sous la direction de Francesca A. Murphy et Philip G. Ziegler [6], de l’Université d’Aberdeen, rassemble les contributions de dix-sept théologiens et théologiennes autour du thème de la Providence. L’originalité de cet ensemble est de réunir des études qui relèvent de l’histoire des doctrines et de la théologie systématique (sections 1 à 3) à des propositions dans les champs de la politique, de l’éthique et des pratiques (section 4). À côté de contributions qui font le point sur le meilleur usage souhaitable de corpus devenus classiques (Matthew Levering sur Thomas d’Aquin, Andrew McGovan sur Herman Bavinck, Cyril O’Regan sur Hegel, John Webster sur Calvin et Turretin), d’autres adoptent la forme de propositions théologiques suggestives ou critiques (David Bentley Hart contre les disciples de Bañez, Francesca A. Murphy sur le Premier livre de Samuel, Douglas Knight sur la temporalité de l’économie trinitaire, Katherine Sonderegger au sujet des conceptions déistes, Sarah Coakley et Alister E. McGrath à l’égard de la théorie de l’évolution, Nicholas J. Healy à propos de la finalité en Christ). Enfin, les propositions finales dans le champ de l’éthique et de la théologie pratique renouvellent le genre des réflexions sur la Providence, attirant l’attention vers l’usage problématique ou fécond de la Providence comme grille de discernement politique ou motif d’action/passion dans la foi et l’espérance (Stephen H. Webb, Charles Mathewes, John Swinton, Hans S. Reinders, Philip G. Ziegler). Au terme, un épilogue de David Fergusson ressaisit les acquis principaux et soulève quelques apories. L’ouvrage pâtit toutefois du manque d’une problématique définie, mais le lecteur saura y trouver les richesses qui l’intéressent et lui sont utiles suivant ses propres questionnements.
17Passons maintenant à des études systématiques et à des essais spéculatifs. Bien qu’il soit déjà relativement ancien, l’ouvrage du théologien évangélique Terrance L. Tiessen [7], intitulé Providence and Prayer, est (à notre connaissance) unique en son genre et demeure en conséquence fort utile par la typologie qu’il avance. L’étude formalise en effet les multiples rapports possibles, en théologie systématique, entre la Providence et la prière de demande. À travers une typologie distribuée en dix modèles, il montre de quelle manière une certaine conception de la Providence détermine une explication propre du mode de fonctionnement de la prière de demande dans son rapport à Dieu. Les modèles dégagés sont les suivants : Semi-Deist, Process, Openness, Church Dominion, Redemptive Intervention, Molinist, Thomist, Barthian, Calvinist, Fatalist. L’auteur y ajoute sa propre proposition. Voir le tableau récapitulatif des pages 363-364. Les critères discriminants qui permettent, suivant leurs variations, de schématiser les différents modèles sont notamment les suivants : le type de rapport interne de Dieu à la temporalité créée, la connaissance ou la non-connaissance divine des événements possibles qui ne seront jamais actuels, la part de risque pris ou non par Dieu en créant, la compatibilité ou l’incompatibilité de la liberté humaine avec des conditions contraignantes, la nature de l’impact de la prière sur l’issue des événements, et enfin la question de savoir si Dieu change ou non d’avis en réponse aux prières des humains. En préalable, l’A. relève que les données bibliques au sujet de la prière de demande ne sont pas homogènes à elles seules et n’imposent pas nettement une ligne théologique préférentielle. De fait, chaque théologien retrouve le plus souvent dans l’enseignement biblique une certaine cohérence qui lui convient, à partir d’un prisme doctrinal et conceptuel préétabli. Si nous gardons la conviction que l’Évangile peut et doit commander la théologie, il faudrait trouver les moyens de modérer l’influence unilatérale de l’une ou l’autre théorie préalable de la Providence sur la conception de la prière, afin d’éclairer aussi cette connexion dans l’autre sens. Il conviendrait alors de rechercher quelle théologie de la Providence est appelée par la foi évangélique en l’efficacité surnaturelle de la prière de demande.
18L’ouvrage de Thomas J. Wright [8], en forme d’essai, est la publication d’une dissertation doctorale soutenue en 2007 au Charles Spurgeon’s College de Londres (Evangelical). L’A. entend poser un nouveau cadre théologique pour élaborer une théologie de la Providence. Méthodiste, il adosse sa réflexion à la tradition réformée, spécialement représentée par Jean Calvin et Karl Barth, afin de prendre ensuite quelques distances avec eux. L’A. estime en effet que la conciliation « classique » des causalités secondes avec la causalité première réduit l’activité des créatures à un simple rôle instrumental par rapport à la volonté divine, spécialement dans l’axe de la théologie calvinienne de la prédestination. Tout en laissant place à une investigation scientifique au niveau des causalités secondes, cette théologie ne parvenait pas, au jugement de l’A., à articuler étroitement les deux ordres de causalité. Aussi a-t-elle latéralement creusé le lit du déisme, spécialement dans le contexte de sa réception anglaise. Plus radicalement, le shématisme des causalités paraît si abstrait qu’il occulte la configuration trinitaire essentielle à toute théologie proprement chrétienne de la Providence. Les chapitres 1 à 4 dressent ce constat d’ensemble avec intelligence et respect, en prenant appui sur de nombreux textes cités. Dans les chapitres 5 à 8, l’A. s’emploie à ménager la voie vers un nouveau traitement de la Providence, en termes de présence, de médiation et de fidélité. À partir du socle scripturaire, il apparaît que le Fils dans la chair et l’Esprit dans l’Église médiatisent la présence active de Dieu dans le monde. Repenser la Providence en terme de présence ne règle pas de soi la question du mode d’articulation des causalités première et secondes (voir p. 105-111). Mais le nouveau cadre conceptuel de la présence active de Dieu ne doit pas être déterminé par un autre contenu que les Écritures. Dès lors, la présence active de Dieu se décline comme souveraineté et fidélité, théoriquement médiatisées par l’action fidèle des créatures. Cela demeure toutefois, au final, peu explicité. Le lecteur trouvera au terme de l’ouvrage un excellent résumé de l’argument, assorti de brèves réponses aux objections potentielles et de quelques suggestions constructives (voir p. 221-232) [9].
19Dans un petit ouvrage intéressant, Charles M. Wood [10], professeur de théologie à la Southern Methodist University (Dallas TX), livre un parcours d’intelligence de la doctrine de la Providence. Son propos est à la fois solidement enraciné dans les traditions de la Réforme et tourné vers une actualisation théologique. Cela répond au double objectif de l’ouvrage : élucider la fonction doctrinale spécifique de la confession chrétienne de la Providence, avec son emprise sur la vie et les pratiques, et réorienter la théologie de la Providence vers un développement trinitaire. L’A. estime que la doctrine de la Providence soulève la question de savoir comment comprendre théologiquement ce qui advient (voir p. 12-16). Il s’agit alors surtout de discerner comment Dieu agit. Par exemple : est-ce par une action dans les événements ou par une présence aux situations ? Après avoir exposé pas-à-pas A Discouse Concerning the Divine Providence (1694) de William Sherlock, anglican contemporain de Newton et de Locke, clarifiant l’essentiel de la doctrine chrétienne « traditionnelle » au sujet de la Providence, l’A. évoque la façon dont un tel enseignement a été reçu de façon prolongée au plan de la piété, tandis qu’il était mis en question (ou tout simplement délaissé) sous l’angle théologique, notamment en raison d’une abstraction trop grande en forme de monothéisme pauvre, voire réducteur. L’A. se dit lui-même favorable à une refonte de la théologie de la Providence. Pour répondre à ce défi, en consonance avec la contribution de Karl Barth (voir KD III/3), l’A. propose une conception trinitaire de la doctrine chrétienne de la Providence, essentiellement articulée sur trois concepts traditionnels en théologie réformée : conservatio, gubernatio et concursus. Dans une action trinitaire unifiée, Dieu « conserve » le monde à partir du Père, le « gouverne » par le Fils, et « concourt » à son activité libre dans l’Esprit. La proposition est suggestive, mais son développement n’est pas systématisé de façon très poussée (voir la reprise de la p. 91). Le dernier chapitre de l’ouvrage relit un document de 1944, issu d’une commission théologique du Federal Council of the Churches of Christ in America, au sujet de « La relation de l’Église à la guerre à la lumière de la foi chrétienne ». Pour l’A., ce rapport, auquel H. Richard Niebuhr a contribué de façon décisive, livre une excellente mise en forme d’une théologie rénovée (trinitaire) de la théologie de la Providence, bien que le vocable n’y figure pas. Finalement, l’essai est riche et suggestif, mais il demeure éclaté et peu démonstratif [11].
20Bien que seul le dernier chapitre de l’ouvrage de Michael J. Dodds [12] soit intitulé « Providence, prière et miracles », l’ensemble de son analyse apporte une contribution originale à la théologie contemporaine de la Providence. Professeur à la Dominican School of Philosophy and Theology de Berkeley en Californie, l’A. est familier des recherches et travaux issus du Center for Theology and Natural Sciences (CTNS), intégré au même consortium théologique (GTU). L’A. tente ici, essentiellement, de démontrer la pertinence de la conception aristotélico-thomiste de la causalité pour une intégration théologique, partielle et critique, des avancées contemporaines dans le champ des sciences dures : physique, cosmologie, biologie, etc. L’ouvrage est à cet égard très bien documenté. Après une mise au point préliminaire sur les quatre causes antiques dans leur acception thomiste et sur leurs modes opératoires diversifiés (nécessité, contingence, liberté, hasard), l’A. rappelle que nous sommes sortis du paradigme moderne d’un déterminisme causal, pour refaire largement place à l’indétermination et à la contingence, que ce soit par les théories de l’émergence, de la physique quantique, du chaos, de l’évolution, etc. Après avoir été en quelque sorte « verrouillée » (locked), la causalité se trouve à nouveau ouverte et libre (unlocked) pour un usage théologique. L’A. montre les affinités profondes entre les quatre causalités classiques et de nouvelles formalisations de la causalité : de haut en bas (top-bottom), de tout vers la partie (whole-part), de bas en haut (bottom-up), par mode d’attraction, etc. Il insiste avec rigueur sur l’irréductibilité de la causalité première à tout schéma causal du monde, écartant ainsi tout enfermement de l’action divine dans une forme étroite d’univocité causale (voir p. 153sq). C’est en effet l’oubli de l’équivocité de la causalité première par rapport aux causalités du monde qui conduit à reloger l’action de Dieu dans les intervalles d’indétermination des chaînes causales du monde. Telle est bien, de fait, l’orientation dominante des travaux publiés par le CTNS. Outre l’apport spéculatif de ses prises de positions personnelles, précises et rigoureuses, cet ouvrage est très utile car il donne accès à une bibliographie abondante, souvent peu familière aux théologiens de métier (du moins dans le monde francophone) [13]. Finalement, les développements de l’A. soulèvent deux critiques potentielles. Tout d’abord, l’option de faire systématiquement rentrer les nouvelles formulations de la causalité dans le giron des quatre causes antiques n’est-elle pas un peu appauvrissante ? Nous risquons alors de manquer un possible renouveau conceptuel, en prise avec les représentations scientifiques contemporaines. La démultiplication des acceptions contemporaines de la causalité peut certainement faire illusion et donner le vertige [14]. Il est utile de montrer, comme le fait si bien l’A., que la grille des quatre causes demeure un atout d’intelligibilité. Mais n’est-il pas aussi intellectuellement fécond de se déplacer dans l’autre sens, vers la diversité croissante des causalités ? Ensuite, à force d’insister sur l’équivocité de la Cause première à l’égard des causalités du monde, l’A. laisse quelque peu dans l’ombre la possibilité permanente, pour la Cause première, de produire des effets dans le monde physique, et parfois même sans le concours des causes secondes. Une telle possibilité est attestée en doctrine chrétienne par la résurrection du Christ sans aucune médiation, Ces deux observations n’enlèvent rien au courage et au bénéfice de cet ouvrage, profondément juste et serein.
21À l’issue de ce bulletin, nous formulons un constat et une requête, que nous espérons honorer en partie dans un ouvrage à paraître sur la théologie de la Providence et de l’action de Dieu. Les ouvrages parcourus révèlent deux tendances : soit l’action de Dieu est assimilée à une forme supérieure de causalité ; soit elle est déportée vers le motif moins déterminé d’une simple présence. D’un côté, l’originalité spécifique et révélatrice de l’action risque d’être négligée ; de l’autre, Dieu se retrouve en position de témoin, sans que l’on ose encore affirmer qu’il agit. Une troisième voie, plus intégrale, consisterait à travailler et redéfinir le motif de l’action au plan de l’éthique. Parmi les études passées en revue dans ce bulletin, Robert Mager orientait en partie la réflexion dans cette direction, en faisant référence à Hannah Arendt. À mon sens, il faut avancer plus avant dans cette voie. C’est en effet sur le terrain de l’éthique que l’analogie de l’action peut être construite d’une façon propice à un usage théologique, en prise avec la Révélation et l’Alliance. Rien ne serait alors perdu des apports spécifiques de la causalité ou de la présence.
Notes
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[1]
Jean-Michel Maldamé, Création et providence. Bible, science et philosophie, Paris, Éd. du Cerf, 2006 ; 224 p., 20,8 × 13,4, 22 €. ISBN : 978-2204081801.
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[2]
J.-M. Maldamé, Création par évolution. Science, philosophie et théologie, Paris, Éd. du Cerf, 2011 ; 277 p., 21,4 × 13,4, 20 €. ISBN : 978-2204093156.
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[3]
John H. Wright, Divine Providence in the Bible. Meeting the Living and True God. Vol. 1 : Old Testament, NY, Paulist Press, 2009 ; 223 p., 15,2 × 22,6, 19 €. ISBN : 978-0809146178 ; Vol. 2 : New Testament, NY, Paulist Press, 2010 ; vi + 304 p., 15,2 × 22,6, 23 €. ISBN : 978-0809146772.
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[4]
Medard Kehl, « Et Dieu vit que cela était bon ». Une théologie de la création, Paris, Éd. du Cerf (coll. « Cogitatio fidei » 264), 2008 ; 573 p., 21,4 × 13,6, 53 €. ISBN : 978-2204085793.
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[5]
Robert Mager (dir.), Dieu agit-il dans l’histoire ? Explorations théologiques, Montréal, Fides (coll. « Héritage et Projet » 70), 2006 ; 290 p., 21,3 × 14, 31 €. ISBN : 978-2762126649.
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[6]
Francesca A. Murphy & Philip G. Ziegler (dir.), The Providence of God. Deus habet consilium, Londres, T&T Clark, 2009 ; 240 p., 23,4 × 15,6, 33,50 €. ISBN : 978-0567033413.
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[7]
Terrance L. Tiessen, Providence and Prayer : How does God work in the World ?, Downers Grove IL, InterVarsity Press, 2000 ; 432 p., 22,6 ¥ 15, 22 €. ISBN : 978-0830815784.
-
[8]
Thomas J. Wright, Providence made Flesh. Divine Presence as a Framework for a Theology of Providence, Carlisle, Paternoster, 2009 ; 266 p., 22,8 × 15, 27 €. ISBN : 978-1608991600.
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[9]
Pour une recension plus longue, en forme de notice séparée, nous renvoyons à Rev. Sc. ph. th. 96/2 (2012), p. 396-397.
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[10]
Charles M. Wood, The Question of Providence, Louisville, Westminster John Knox Press, 2008 ; xiii + 120 p., 21,6 × 14, 15 €. ISBN : 978-0664232559.
-
[11]
Signalons au lecteur pressé que la proposition « systématique » centrale sur la modalité trinitaire de la Providence est aussi disponible sous forme d’article ; voir Charles M. Wood, « How does God Act ? », International Journal of Systematic Theology 1/2, (1999), p. 138-152.
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[12]
Michael J. Dodds, Unlocking Divine Action. Contemporary Science & Thomas Aquinas, Washington DC, CUA, 2012 ; xii + 311 p., 22,9 × 15,2, 77 €. ISBN : 978-0813219899.
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[13]
Pour une version brève de l’argument principal du même auteur, on peut lire Michael J. Dodds, « Unlocking Divine Causality : Aquinas, Contemporary Science, and Divine Action » Angelicum 86/1 (2009), p. 67-86.
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[14]
À ce sujet, voir Helen Beebee (dir.), The Oxford Handbook of Causation, Oxford, Oxford University Press, 2009.