Couverture de RSPT_912

Article de revue

Er le Pamphylien, ange et messager

De l'âme angélique chez Jamblique et Proclus

Pages 323 à 334

Notes

  • [*]
    Chercheuse qualifiée au F.N.R.S. (Belgique) – Université Libre de Bruxelles.
  • [**]
    Université Libre de Bruxelles.
  • [1]
    Le traité porte en réalité le nom de Réponse du Maître Abamon à la lettre de Porphyre à Anébon, et solutions des problèmes qui s’y trouvent. Le titre et la division en livres ne sont pas originaux et remontent à la Renaissance (sur ce point, voir l’article décisif d’H.-D. Saffrey, « Plan des livres I et II du De Mysteriis », in Zetesis, Mélanges Emile de Strijker, Antwerpen-Utrecht, 1973, p. 281-295). Pour le confort du lecteur, nous citons la référence traditionnelle aux livres et aux chapitres et, entre parenthèses, la référence aux pages et aux lignes de l’édition Parthey.
  • [2]
    Voir A.-J. Festugière, La révélation d’Hermès Trismégiste, Paris, Les Belles Lettres, 19862, III, p. 41 : « […] l’âme, née au Ciel, par essence incorporelle et immortelle, est tombée dans un corps mortel et retournera au Ciel […]. Ce schème, et le dogme qui le commande, l’origine céleste de l’âme, nous les retrouvons dans un certain nombre de systèmes de philosophie religieuse, de théurgie ou de gnose qui s’échelonnent du iie au ive siècle, depuis Numénius et les Oracles Chaldaïques (composés sans doute sous Marc-Aurèle) jusqu’au De Mysteriis de Jamblique ».
  • [3]
    Jamblique, Réponse, I, 5 (17, 8-11 et 13-15) : ????? ?? ??? ?? ???? ???? ????????????? ??? ?????? ????????? ???? ?? ??? ?????, ??? ????????? ????? ??? ????????? ???????????, ???? ?? ????????? ?????? ????? ??? ?????? ??????, […] ??????? ?? ??? ??? ????????? ??? ?? ???????? ??? ???????? ??? ??? ???????????? ??? ?? ??????? ??????????, […]. Ces genres, étant intermédiaires, remplissent l’espace entre les dieux et les âmes en formant un lien commun entre eux, ils rendent indissoluble leur entrelacement et par ce lien établissent une seule continuité depuis le haut jusqu’à la fin; […] ils mènent à leur terme de la même manière la procession depuis les meilleurs jusqu’aux moindres et la remontée depuis les inférieurs jusqu’aux premiers […].
  • [4]
    Ibid., II, 10 (91, 8-18) : ???? ??? ????????? ?? ????????? ??? ??? ????????, ?? ??? ?????????????? ????? ?? ???????? ?? ???????? ???? ??? ?????????? ??????, ??? ?? ??? ??? ?? ????????? ???????? ???’ ????? ???’ ?????? ???????? · ???? ??? ?????????? ?? ???????????? ?? ??? ?????????? ?????? ?????, ???????????? ?????? ????? ???? ?????????, ??? ??????? ???????? ???????? ?????? ??? ???????? ??? ???????? ?????? ????????. ??? ??? ????? ??? ?????? ????? ???????? ???????????? ???? ?? ?????? ?? ??? ?????????? ???????, ? ??? ?? ???? ?????? ????????????? ??? ??? ???? ?????? ?? ???? ????????. Quand donc survient ce que tu appelles trompeur, ce qui relève de la vantardise? Chaque fois qu’une erreur se produit dans ce qui touche à l’art théurgique et que les images qui se manifestent d’elles-mêmes à la vue ne se produisent pas comme il le faut, mais les unes à la place des autres. Alors, les genres inférieurs, empruntant la configuration des rangs plus saints, affectent d’être ce dont ils ont emprunté l’apparence et profèrent alors des discours vantards qui dépassent leur puissance. Comme, à mon sens, dès le départ, l’opération se déroule de manière fallacieuse, de cet écart découle beaucoup de mensonge, que les prêtres doivent reconnaître d’après l’ensemble de l’ordre dans les apparitions.
  • [5]
    On trouve une démarche similaire chez Plutarque qui a sans doute servi de point de départ aux élaborations des néoplatoniciens (voir C. Van Liefferinge, « Jamblique, lecteur de Plutarque? », in Revue de Philosophie ancienne 16 (1998), p. 37-53).
  • [6]
    Voir notamment Jamblique, op. cit., II, 7 (84, 1-4); II, 10 (95, 1-8); III, 13 (130, 4-6); IV, 7 (190, 9-11); IV, 13 (198, 6-12); X, 7 (293, 6 et 10-11).
  • [7]
    Jamblique, op. cit., V, 25 (236, 16 – 237, 7) : […] ???????? […] ??? ????? ????????? ?????, ?? ?? ??? ???? ??????? ?? ????? ???????????? ? ????????? · ??? ?? ????? ?? ??????? ?????????????, ??????????? ?????? ?????? ??? ???? ????, ??? ?? ?? ?????, ??? ???? ???? ??????????? ???? ??????? ????????, ??? ???? ?????? ????? ?????? ???????? ??? ?????? ????????? · ????? ??? ?? ????? ??????? ??? ??????????? ????? ???? ? ???????? ???????.
  • [8]
    G. Shaw parle plaisamment d’un «diagnostic guide» (G. Shaw, «Containing Ecstasy : The Strategies of Iamblichean Theurgy», in Dionysius 21 (2003), p. 71).
  • [9]
    Jamblique, op. cit., II, 2 (68, 8 – 69, 14) : ???? ?? ??? ??????????? ??????? ??????????? ???? ?? ????? ??? ????? ?????? ??? ??? ??? ??? ?????? ????? ?????? ????? ???????? ?????????????? ????????, ?????????? ?? ?????? ????????????? ??????????? ??’ ??????, ??? ?????? ???? ???? ??? ?????? ?? ?????? ??????? ????? ?? ?????? ?????? ??????????? ???’ ??????? ?? ????? ??? ?????? ????????? ????? ??? ?????? ???????, ?????????? ?? ??? ?? ?????, ??? ??’ ?? ? ???????? ??????????, ?????????? ???? ???? ??? ??’ ?????????? ??’ ????? ??????????, ?????? ?? ????????????? ????????? ???? ???? ??? ???????????, ????? ?? ?????????? ?????? ???’ ????? ???????? ?????? ??? ???????? ? ???’ ???? ???????? ?? ??? ????? ???? ?????? ???????????? · ??? ?? ??? ?????? ??? ?????? ???? ??? ????????? ???’ ??????? ??????? ??????, ??? ?? ??? ??? ???? ???????? ?????? ??? ??? ??’ ????? ??????????? ????? ???????? ???????? ??? ??????? ???????, ??? ??????? ?? ????? ??? ????????? ?????????. ??? ?? ?????? ???? ??? ????? ????? ????????, ?? ?’ ???? ????? ??? ????????? ????? ??? ???????? ?????????? ????. Voici comment se définissent les démons et les héros. Ensuite vient le rang inférieur, qui se situe au terme des rangs divins : de ces deux genres lui ont été assignés des lots partiels de puissances, et par l’adjonction d’autres éléments supplémentaires, l’âme déborde d’elle-même; selon le cas, elle choisit des formes spécifiques différentes, des raisons d’être différentes successivement, et des types de vie différents, utilisant selon chaque région du monde des principes vitaux et des formes idéales variés; elle s’unit à qui elle veut, elle se retire de qui elle veut, elle se rend semblable à tous et s’en écarte par altérité; elle a à sa disposition des raisons d’être apparentées aux êtres qui sont et deviennent, s’attache aux dieux selon des harmonies d’essences et de puissances autres que celles selon lesquelles les démons et les héros s’entrelacent aux dieux. Elle possède moins qu’eux le caractère éternel du principe vital identique et de l’activité. Par la volonté bienveillante des dieux et l’illumination qu’ils font resplendir, souvent même elle occupe une région plus haute et remonte jusqu’à un rang plus élevé, le rang angélique. Lorsqu’il ne reste plus dans les limites de l’âme, cet ensemble se réalise en une âme angélique et un principe vital pur.
  • [10]
    Ibid., II, 6 (83, 1-8) : ???? ??? ? ?? ??? ????? ??? ??? ??? ???????? ??? ?? ??????? ????? ????????? ???????? ???? ??? ????? ????????, ??’ ?????? ?? ???? ??????????, ??? ?? ? ????? ? ???? ???????????? ?????? ?????? ??????? ??? ????? · ? ?? ??? ?????? ????????? ??? ??? ??????? ???????, ??????? ?? ???? ??? ??????? ??????? ??? ????? ?????? ???????????? ???? ?????????? ???? ???????. Mais la vue des âmes pures et établies au rang des anges est anagogique et sauve l’âme. En se manifestant, elle procure une espérance sacrée et le don des biens auxquels cette espérance sacrée fait aspirer. La vue des autres âmes fait descendre vers la génération, détruit les fruits de l’espérance et remplit ceux qui les observent de passions qui les clouent aux corps.
  • [11]
    Ibid., II, 2 (68, 12 – 69, 4) : voir note 9.
  • [12]
    Ibid., I, 8 (25, 8-13) : ???? ??? ???????? ???? ? ???? ???? ??? ??? ?????????? ???? ??????????? ??? ???? ????? ????????? ?????????, ???????? ??? ????????? ???? ???? ???? ?????? ????????????, ??? ????? ??????????? ???????????????, ???? ?????????? ????? ??? ??????????? ????. Car de même que l’âme a choisi un type de vie avant même d’être introduite dans un corps humain et qu’elle a mis une forme à sa disposition, de même, elle a un corps attaché à elle comme un instrument et une nature similaire concomitante qui reçoit la vie plus parfaite de l’âme.
  • [13]
    Tous ces éléments sont repris en II, 2 où la notion de corps apparaît dans le terme ????. Sur le terme ???? en tant que matière-réceptacle de l’âme, voir G. Shaw, Theurgy and the Soul. The Neoplatonism of Iamblichus, Pennsylvania State University Press, 1995, p. 27.
  • [14]
    Voir le texte complet et commenté, cité note 21. Sur la ??????????, choix, libre-arbitre, comme agent de la descente de l’âme, voir G. Shaw, op. cit., p. 69.
  • [15]
    Platon, République, 618b : ????? ?? ????? ??? ??????? ??? ?? ????????? ????? ????? ???????? ???? ??????? ?????????.
  • [16]
    Outre le passage du Commentaire sur la République qui est l’objet de notre étude, citons son Commentaire sur l’Alcibiade, 70, dans lequel il épingle les notions d’altérité et de choix.
  • [17]
    Proclus, In rem publicam, II, 284, 19-25 : […] ????? ?? ???? ???????????? ?????? ??? ????? ?? ????? (??? ??? ????? ???’ ?????? ????? ?????????? ?????, ?? ? ?????????? ?????? ????????), ???’ ???????, ??? ??? ??? ??????????? ????? ????????????? ?? ????? ?????????. ?? ??? ??????? ??? ?????? ????????? ????? ????? ??? ??????????????? ?? ??? ???????? ??? ??????? ??? ???? ?????, ? ? ????? ???????????? ????.
  • [18]
    G. Shaw, op. cit. n. 15, p. 69.
  • [19]
    Jamblique, op. cit., II, 2 (69, 7-11) : voir texte cité note 9
  • [20]
    Ibid., I, 12 (40, 19 – 41, 11 et 42, 15-17) : ????????? ??? ??? ???? ??? ????????? ? ??? ??? ??????? ????????, ????? ?? ??? ??????????? ????????, ??? ??? ????? ?? ????????? ??? ??????????? ???????? ??? ?? ???????, ??? ??????? ??????? ??? ???????? ???????? ???? ? ??????? ???? ???????? ??? ???????????? ???????? ????. ??? ??? ???????? ??? ????????? ??????? ?? ???? ?? ??? ???????????? ???????? ????? ??? ???? ???? ?????????, ??? ?? ????? ????? ??? ??????? ????????????? ??? ??? ?????? ?????? ??? ???? ??????? ???????????, ????????? ?? ????? ??? ??? ?? ?????? ????? ?????????? ??? ???????, ??? ?? ??? ?????? ??? ?????? ????? ????? ???????????. […] ???? ?? ??? ??????? ???? ????????? ??? ????? ???? ????????? ??????? ???? ???? ???? ????? ????????? ????? ???????. Car l’illumination qui se réalise au travers des invocations, d’une certaine manière, apparaît d’elle-même et selon son propre vouloir, elle est loin d’être attirée vers le bas, et grâce à l’activité et la perfection divines, elle s’avance jusqu’à se rendre manifeste. Elle l’emporte sur le mouvement volontaire autant que la volonté divine du bien l’emporte sur le principe vital qui a la liberté de choisir. C’est par une telle volonté que les dieux répandent généreusement la lumière, pleins de bienveillance et de faveur envers les théurges, appelant leurs âmes à eux-mêmes et leur procurant l’union avec eux-mêmes, les habituant, alors qu’elles sont encore incarnées, à se détacher des corps, et à se tourner vers leur principe éternel et intelligible. […] Par conséquent, les noms sacrés des dieux et les autres symboles divins, parce qu’ils sont anagogiques, peuvent mettre les âmes en contact avec les dieux.
  • [21]
    R. A. Gauthier et J. Y. Jolif, Aristote, Éthique à Nicomaque, introduction, traduction et commentaire, Louvain, Publications universitaires de Louvain et Paris, 1958, II, p. 713.
  • [22]
    Jamblique, op. cit., I, 11 (38, 11-13).
  • [23]
    Ibid., I, 12 (41, 13-18) : ?? ??? ?? ??????? ?? ??????? ??????? ? ???? ????? ???? ?????????? ??? ?????? ????????? ??????? ??? ???’ ???????? ????? ??????? ????, ????? ???????? · ???????? ?? ??? ??? ?????? ?????? ???? ??? ???????????? ??? ???? ????????? ???????????.
  • [24]
    Voir texte cité note 9.
  • [25]
    Jamblique, op. cit., II, 7 (84, 5 – 14) : ????? ?? ??? ??? ???? ??? ?? ?????? ??? ???? ????? ????? ???????????, ??? ?????? ???????? ???? ???? ??? ?????? ????????????? ??? ???? ??? ???? ??? ?????? ??? ???????? ??? ?????? ????? · ??? ?’ ??????????????? ?????? ? ????? ???????? ??? ???????? ??? ?????? ?? ???, ?? ?? ??????????? ????? ??? ??? ?? ????? ??????? ??? ??????? ??????, ??? ???? ??? ???????? ???????? ????????? ?? ????? ??????? ????????, ??? ???? ??? ??????? ????? ????? ??? ??? ????? ?????????? · ? ?? ???? ??????? ?????? ??? ???????? ?????????? ??????, ?????? ?? ????????? ?????? ?????????, ??? ???????? ???? ????????? ?????????, ???????? ?? ???????????? ?????????? ?????? ???????????? ??? ??????. De l’âme universelle qui n’est retenue dans aucune forme spécifique partielle, on voit un feu sans forme qui montre autour de l’univers tout entier l’âme universelle du tout, unique, indivisible et sans forme. De l’âme purifiée, l’empreinte visible est de feu, et ce feu est pur et sans mélange. La lumière qui en est au cœur et la forme spécifique se voient pures et stables, elle accompagne le chef qui la fait monter en se réjouissant de son bon vouloir, et elle manifeste dans ses œuvres le rang qui lui est propre. Celle qui incline vers le bas traîne derrière elle des signes de liens et de châtiments, elle est alourdie de compositions d’éléments pneumatiques matériels, elle est retenue par des troubles inégaux de la matière, et c’est placée sous l’autorité de démons liés à la génération qu’elle se voit.
  • [26]
    Ibid., II, 6 (83, 2). Dans le passage où Jamblique énumère les dons procurés par les diverses apparitions, il dit que « la vue des âmes pures et établies au rang des anges est anagogique et sauve l’âme » : ???? ??? ? ?? ??? ????? ??? ??? ??? ???????? ??? ?? ??????? ????? ????????? ???????? ???? ??? ????? ????????.
  • [27]
    Ibid., III, 6 (112, 10-13) : ?? ?? ???????? ?????? ?? ??????????? ?? ?????? ?????? ??? ?????????????, ???? ?? ???? ??? ?????? · ???????? ?? ???????? ??? ?????????????. ?????? ?? ??? ?? ???????? ?? ??? ????? ????? ??? ??? ????????.
  • [28]
    Ibid., III, 4 (109, 12-16) : ?? ??? ??? ?????? ???? ????????????? ???? ?? ????? ? ??????? ???? ?????????? ?????, ? ?????????????? ???? ??? ?????????? ???? ??? ?????, ? ??? ????????? ??? ??????? ???? ???? ??? ????, […].
  • [29]
    Ibid., III, 7 (114, 10-11) : ??? ?? ???????? ??????? ??? ??????????.
  • [30]
    Platon, République, 621 b-d.
  • [31]
    C’est la même démarche qu’adopte Julien. Dans son discours Contre le philosophe cynique Héracleios, Julien envisage la philosophie comme voie de salut et il en précise le genre. Il fait l’éloge de la philosophie initiatique et mystagogique, qui a pour objet le mythe. Même si, dans le Contra Galilaeos, il ne manifeste à première vue aucune indulgence vis-à-vis des Grecs qui, selon ses propres termes, « ont forgé des fables invraisemblables et monstrueuses » (44 A), dans le discours Contre Héracleios en revanche, il cherche plutôt à les justifier en leur attribuant une portée initiatique. Ces mythes doivent précisément conduire à Dieu par leur sens caché et leur invraisemblance : « Chaque fois que les mythes relatifs aux choses divines sont en désaccord avec la pensée, ils nous crient sur-le-champ, pour ainsi dire, et nous attestent de ne pas les croire à la lettre, mais d’en examiner et d’en explorer le sens caché […]. Par l’invraisemblance, en regardant au-delà de ce qui est dit clairement, il y a l’espoir de remonter jusqu’à l’essence abstraite des Dieux et la pensée pure se situant au-delà de tous les étants […]. Voilà les raisons pour lesquelles la philosophie initiatique et mystagogique s’exprime en termes singulièrement purs et graves, alors que par la pensée, l’interprétation de ceux-ci est assez différente » (17, 222c – 223a). Ce que Julien appelle philosophie initiatique et mystagogique dérive donc à première vue de l’exégèse allégorique, telle que nous pouvons la rencontrer chez Porphyre. Mais Julien va plus loin que ce dernier à plusieurs égards. D’abord, alors que Porphyre rejetait les mythes scandaleux, Julien, au contraire, non seulement les accepte mais il leur attribue même une fonction importante pour le philosophe, car plus le mythe est scandaleux, plus il invite celui-ci à rechercher ses vérités cachées. Bien plus, Julien fait de ce type de démarche un moyen d’entrer en communication avec les dieux, puisque c’est avec l’aide de ceux-ci que la fable s’éclaire. Cette intervention, cette action des dieux sont proches de la théurgie conçue, à la manière de Jamblique, non seulement comme une action de l’homme, mais surtout comme une action des dieux. On ne s’étonnera donc pas que Julien attribue à Jamblique la paternité de cette conception nouvelle du mythe, conception qu’il expose ailleurs encore, soulignant le rôle que jouent les dieux dans l’élucidation des mythes obscurs : « Plus la fable est paradoxale et monstrueuse, plus elle semble attester de ne pas croire en ce qui y est dit, mais de s’ingérer dans ce qui y est caché et de ne pas renoncer avant que, sous la conduite des dieux, les choses, devenant claires, initient ou plutôt achèvent l’esprit qui est en nous, sans oublier ce qu’il y a en nous de supérieur à l’esprit même – une petite partie de l’Un et du Bien, possédant le Tout sans partage, un plérôme de l’âme –, et incluant l’âme tout entière dans l’Un et le Bien, par la présence transcendante, distincte et abstraite de celui-ci » (12, 217 c-d). Cette branche de la philosophie permet donc d’obtenir le salut de l’âme.
  • [32]
    Proclus, In rem publ., II, 122 (22-28) : ??? ?? ??? ??????? ??? ????? ??? ???????? ??????? ??? ?? ????, ????? ??? ? ???? ?? ??????? ?? ???????? ????? ?????????? ??? ??? ????????? ??? ??????????? ??? ?????? ??? ????????? ??????????, ??????? ? ???????? ?? ???? ???? ????? ?????, ???? ??? ?????, ?? ??? ????????? ??? ??????? ??? ?? ???????? ??? ?? ???? ??? ?? ?????? ???? ???? ?????????.
  • [33]
    Ibid., II, 123 (13-16) : ??? ??? ??????? ??? ?? ????? ??????? ?? ???? ?????? ??? ??? ?????????? · ??? ???? ??? ?? ???????? ??? ??????????, ???? ????????? ?? ???????? ??? ?????.
  • [34]
    Voir C. Van Liefferinge, La théurgie des Oracles chaldaïques à Proclus, Liège (Kernos, suppl. 9 ), 1999, p. 265-268 et M. Broze – Fr. Labrique, « Hélène, le cheval de bois et la peau de l’âne », in Le mythe d’Hélène, Bruxelles, Ousia, 2004, p. 133-186.
  • [35]
    Proclus, op. cit., II, 119 (5-6).
  • [36]
    Ibid., II, 154 (5-21) : ?? ??? ?? ???’ ???? ????????? ???? ???????? ??????? ?????????? ????? ? ?? ???????? ??????? ??? ??????? ???????, ???? ??? ? ?? ?? ????? ??? ??? ???’ ???? ??? ?????? ????? ??? ????? ??? ????? ??? ???????? ?????????? ???? (??? ??? ??? ????? ?? ????) ??? ??????????? ?????? ???????? ??? ??? ????????? ?????? ????? ??? ?????????? ??? ?????, ???????? ???????????? ??? ??????? · ??? ???????? ??? ?????? ???????? ????. ??? ?? <??? ???> ??? ???? ?????? ????? ?? ???? ????????? ??????? ?????? ??? ?? ???, ???? ????? ??????????? ???? ??? ???????? ?????????? ???????????, ?? ?? ???? ??????? ??? ??? ??? ?????? ?????????? ??? ????????? ??????? ?????. ??? ??? ?? ???? ?????????? ?????? ???? ???????? · ???? ??????? ?? ??????? ???, ????? ?? ??????, ????? ????? ?? ?????? ????????? · ??????? ??? ??????? ??? ??? ??????, ??????? ?? ???? ????????? ? ?????.
  • [37]
    Voir également Proclus, In Crat., CLXXXI, p. 100 (19-22).
  • [38]
    Id., In rem publicam, II, 310, 20 : ???? ??? ?? ???????? ??????? ??? ?? ????? ??? ?????? ???? ?????? ??? ????, ???’ ??? ???? ?????? ??? ???? ????, ? ?? ??????? ????? ???????? ???????? ??? ?????. En effet, l’âme, dans des démons et des dieux, devient démon et dieu par relation, mais n’est pas en soi démon et dieu, car ne lui appartient pas l’existence qui convient aux démons et aux dieux.

1Le traité de Jamblique appelé communément « Sur les mystères d’Égypte » [1] marque l’introduction de la théurgie dans la philosophie néoplatonicienne. L’exposé que le philosophe consacre à la hiérarchie des êtres supérieurs en occupe une large part. Le rôle que jouent les entités intermédiaires tant dans l’exécution des rites théurgiques que dans la justification de la théurgie par Jamblique est prépondérant. D’abord, quand on sait que la théurgie vise à assurer la remontée des âmes qui sont descendues dans le corps et qui y sont emprisonnées [2], on comprend d’ores et déjà l’importance du rôle des intermédiaires dans celle-ci [3] : il s’agit d’assurer la continuité entre le haut et le bas, le lien entre les dieux et les âmes. Ensuite, l’existence de genres inférieurs, et surtout de mauvais démons, vient justifier les erreurs dans le rite. Il peut arriver, en effet, dans les apparitions que les espèces inférieures prennent l’aspect des supérieures et fassent des révélations mensongères. C’est pourquoi les théurges doivent être capables de les reconnaître car ils connaissent les différences entre les ordres [4]. La méconnaissance d’une certaine théologie, et, dans ce cas précis, de la hiérarchie des êtres et de leurs différences, peut donc être cause d’échec dans l’exécution du rite [5], comme peut l’être aussi l’intervention des mauvais démons [6]. Cette hiérarchie complexe implique encore un culte varié et adapté aux dieux : « Il convient […] d’avoir la prudence qu’il faut de crainte d’offrir un présent indigne des dieux ou qui leur soit étranger. Enfin, nous recommandons également de viser parfaitement tous ceux qui nous entourent, ceux qui sont dans le tout, ceux qui sont répartis selon les genres, dieux, anges et démons, et d’offrir à tous semblablement de cette manière le sacrifice qui leur est cher. Car c’est seulement ainsi que le rite pourrait être digne des dieux qui le président » [7]. Le message est clair : seuls les théurges connaissent cette hiérarchie, sont capables de reconnaître chacun de ses membres [8] et savent le culte qu’il faut leur accorder.

2A priori, Jamblique présente sa hiérarchie des êtres sans grande originalité par rapport à la hiérarchie de type hésiodique : elle comprend les dieux, les démons, les héros et les âmes. Sans entrer dans les détails concernant chacun de ces degrés, commençons par noter qu’il les présente selon trois critères : l’essence, la puissance et l’activité. Dans l’exposé des activités des âmes, Jamblique introduit toutefois un nouveau rang dans sa hiérarchie, le rang angélique, qu’il n’avait jamais mentionné auparavant [9]. On apprend plus loin [10] qu’il entend ici non le rang des anges eux-mêmes, qu’il introduit plus tard aux côtés des archontes, mais il parle ici de l’âme établie au rang des anges. Cette étrange connexion entre deux rangs, le rang des âmes et le rang des anges, pourtant distincts, a attiré notre attention.

3Afin de comprendre ce qu’est l’âme angélique, il faut s’arrêter un moment à l’âme elle-même. La caractéristique sur laquelle Jamblique insiste particulièrement est l’altérité et la diversité : « Selon le cas, elle choisit des formes spécifiques différentes, des raisons d’être différentes successivement, et des types de vie différents, utilisant selon chaque région du monde des principes vitaux et des formes idéales variés; elle s’unit à qui elle veut, elle se retire de qui elle veut, elle se rend semblable à tous et s’en écarte par altérité » [11]. Si l’on envisage cette affirmation en fonction des trois critères définis par Jamblique dans son exposé de la hiérarchie, à savoir l’essence, la puissance et l’activité, il faut entendre que la diversité de l’âme tient au fait qu’elle déploie des activités en fonction de l’essence et des puissances que les héros et les démons lui confèrent en lots partiels. Par l’adjonction de ces éléments supplémentaires, l’âme déborde d’elle-même et s’incarne. Dans ce processus, chacun des deux rangs immédiatement supérieurs à l’âme remplit donc une fonction propre vis-à-vis d’elle. En effet, les puissances des démons sont de l’ordre de la génération, de la nature et du lien entre les âmes et les corps, l’essence des héros possède le principe vital (???), les éléments constitutifs (?????) et le gouvernement des âmes, et leurs puissances, par conséquent, donnent le principe vital et sont hégémoniques. Ceci fait écho au chapitre I, 8, dans lequel Jamblique affirme que l’âme, avant de s’incarner, choisit (????????) un mode de vie (????) et une forme spécifique (?????), en fonction desquels elle s’attache un corps (????) et une nature (?????) [12], nature qui sert de réceptacle (??????????) au principe vital (???) [13]. Ce qui permet à l’âme de choisir son réceptacle, c’est ce que Jamblique appelle la ??? ??????????? [14]. Cette notion et son lien avec la taxis angélique s’éclairent grâce à un extrait de Proclus commentant le célèbre passage du mythe d’Er qui décrit le choix par les âmes de leur type de vie, choix qui, comme le précise Platon, amène nécessairement un changement : « Il n’existe pas de rang (?????) de l’âme parce que nécessairement, en choisissant une autre vie, elle devient autre » [15]. La première partie de cette phrase – énigmatique si on la tire de son contexte – ne pouvait que susciter des interprétations chez les philosophes néoplatoniciens qui fondent leur pensée sur un système fortement hiérarchisé, exprimé par la notion de ?????. On comprend dès lors que Proclus revienne à plusieurs reprises sur cette affirmation de Platon [16]. Dans son Commentaire sur la République, il établit le lien entre la ????? et la ??????????. Soulignant la différence entre ????? et ???????, Proclus fait remarquer que « Platon n’a pas dit que, dans les âmes qui vivent selon un choix délibéré, il n’existe (?????) pas un rang – car il y a un rang qui distingue les âmes par essence, celui que la Démiurgie leur a imposé à toutes –, mais il a dit ??????? ». Il situe la différence entre ????? et ??????? autour de la notion de rang, assignant le verbe ????? au rang par essence et le verbe ??????? au rang « résultant de la volonté délibérée, lequel n’est pas fixé d’avance. Car ??????? signifie le rang qui survient du dehors, qui s’ajoute par accident en vertu du choix de telles ou telles formes du principe vital, formes que caractérise la vie présente » [17]. Selon lui, l’âme a donc un rang par essence, c’est sa place dans la hiérarchie, et il laisse croire que Platon le reconnaît implicitement, mais que ce qu’il dénie à l’âme, c’est un rang qui lui viendrait de son choix de vie, lequel peut changer. Il y a donc conformité entre les trois philosophes en ceci que l’âme a le libre choix dans le processus d’incarnation. Comme le souligne Gr. Shaw, en un certain sens, pour Jamblique, l’âme est sa propre ?????????? [18].

4Mais, lorsqu’il s’agit de l’âme angélique, ce n’est plus le libre choix qui est déterminant, mais la volonté divine. Dès lors, l’âme ne descend pas dans la matière, mais quitte son rang pour s’élever dans la hiérarchie. Introduisant ici pour la première fois la mention des anges, Jamblique avance qu’il peut arriver que « par la volonté bienveillante des dieux et l’illumination qu’ils font resplendir, souvent même elle occupe une région plus haute et remonte jusqu’à un rang plus élevé, le rang angélique. Lorsqu’il ne reste plus dans les limites de l’âme, cet ensemble se réalise en une âme angélique et un principe vital pur » [19]. C’est comme si par l’intervention de la volonté divine, l’âme échappait à sa place dans la hiérarchie pour y remonter à un rang supérieur aux démons et aux héros. Dans quelles circonstances cette élévation de l’âme (?????????) peut-elle se produire? Il faut qu’il y ait intervention de la volonté divine qui se manifeste à travers une illumination (????????). Pour le comprendre, il faut se reporter à ce que Jamblique dit de l’illumination qui se produit lors des invocations [20]. Soucieux de réfuter l’idée selon laquelle les dieux se manifestent lors des invocations comme des êtres soumis aux passions, il qualifie l’illumination d’????????? ??? ?????????. Ce mouvement se réalise grâce à la volonté divine du bien que Jamblique présente comme supérieure au principe vital de l’âme qui a la liberté de choisir (??? ???????????). Cette liberté de choix est à comprendre comme un choix circonstanciel par opposition à la volonté absolue [21]. Contrairement à ce qui se passe dans le processus d’incarnation, l’âme ne peut choisir par elle-même d’accéder au rang angélique. À ce moment, le principe vital qui entre en jeu n’est plus la ??? ???????????, mais le principe vital pur (????????). Cela introduit l’équivalence, sur laquelle nous reviendrons, entre l’âme angélique et l’âme purifiée, qui est aussi l’âme du théurge, dans le cadre de la théurgie qui s’adresse pure aux purs [22].

5On pourrait penser que cette remontée ne concerne pas les âmes incarnées dans un corps humain. Il n’en est rien : lors de l’exercice des rites théurgiques, « dans la contemplation des spectacles bienheureux, l’âme prend en échange un autre principe vital, elle exerce une activité différente et pense, à juste titre, ne plus être un être humain. Souvent même, quand elle a rejeté son propre principe vital, elle a reçu en échange l’activité infiniment bienheureuse des dieux » [23], une ???????? divine. Cela revient à dire que, par la théurgie, l’âme entre en possession d’une ???????? divine. À ce moment, le théurge, mis au rang des dieux, réalise une œuvre divine, qui, en dernier ressort, ne dépend pas de sa propre volonté humaine, mais de la volonté des dieux. C’est précisément la définition de la théurgie chez Jamblique, qui n’est pas, comme on l’a longtemps pensé, une activité contraignante exercée sur les dieux. Il définit cette remontée comme le salut de l’âme, salut que le théurge peut obtenir de son vivant. Si l’âme angélique est celle du théurge, et pas nécessairement une âme désincarnée, on comprend que Jamblique, en décrivant la remontée vers le rang angélique, parle d’un « ensemble » (?? ?’ ????) [24]. Ce passage situe ce processus dans le rite de l’invocation, mais, puisque, selon Jamblique, les rites théurgiques (?????????) sont anagogiques (???????), l’âme peut s’élever au rang angélique grâce à l’ensemble de la théurgie.

6Est-ce à dire que l’âme angélique est un ange? L’étude des caractéristiques attribuées par Jamblique aux apparitions des êtres supérieurs ne permet pas de l’affirmer. L’âme angélique apparaît plutôt comme un degré du rang des âmes. À l’intérieur même du rang des âmes, Jamblique distingue l’âme totale du Tout (= Âme du monde), l’âme purifiée (??????????????) qui laisse voir un feu et une lumière purs (????????) et monte (????????) en se réjouissant du bon vouloir de son guide (???????) et enfin l’âme qui incline vers le bas, soumise à l’autorité des démons de la génération [25]. Les caractéristiques attribuées à l’âme purifiée sont les mêmes que celles de l’âme angélique. L’équivalence âme purifiée – âme angélique, affirmée par ailleurs explicitement par Jamblique [26], se voit confirmée. Nous avons montré que l’âme du théurge peut accéder à ce rang, ce qui amène une triple équivalence âme purifiée – âme angélique – âme du théurge. Pour en revenir à la question posée, il apparaît que l’âme angélique n’est pas un ange sur le plan de l’essence, ni même de la puissance. Jamblique ne l’envisage que dans l’examen des activités des êtres intermédiaires. Nous venons de voir que la spécificité du théurge se définit elle aussi en termes d’????????.

7La conception de Jamblique d’une âme élevée au rang angélique a permis à Proclus de développer une interprétation particulière du mythe d’Er dans son Commentaire sur la République, et, plus précisément, de présenter le rôle d’??????? dévolu à Er sous un jour nouveau.

8Commentant le passage « Comme il s’approchait à son tour, les juges lui dirent qu’il devait être pour les hommes le messager de l’au-delà, et ils lui recommandèrent d’écouter et d’observer tout ce qui se passait en ce lieu » (614 C), Proclus intègre l’???????, simple messager chez Platon, dans sa hiérarchie des êtres supérieurs. L’âme d’Er va occuper temporairement le rang des anges, supérieur au rang des démons et des héros, et, par la volonté divine, contempler les spectacles de l’au-delà, afin d’en faire part aux hommes. L’équivalence âme de rang angélique – théurge, que nous avons dégagée chez Jamblique, est plus perceptible chez Proclus dans la mesure où il se sert d’un exemple pour illustrer sa pensée. La figure d’Er chez Proclus et celle du théurge chez Jamblique offrent des caractéristiques communes :

  1. leur âme n’est pas corrompue par la génération (Proclus, In rem publ., III, 120, 9 et Jamblique, II, 7 (84, 15-20);
  2. le processus de remontée se produit rarement, après un long temps et ne concerne que quelques hommes (Proclus, In rem publ., III, 122, 7 et Jamblique, V, 18, 20 et 22);
  3. ces hommes sont choisis par les dieux en vertu de leur supériorité (Proclus, In rem publ., III, 124, 1-4, 13-14; III, 118, 10-18 : les dieux définissent eux-mêmes le type d’existence de ces hommes);
  4. la remontée théurgique se produit de leur vivant – nous y reviendrons plus en détails –;
  5. Er, comme le théurge, joue un rôle dans la divination.
En effet, chez Jamblique, dans la divination dite par enthousiasme, l’âme de l’inspiré change de principe vital : selon lui, elle quitte le principe vital de l’être vivant pour atteindre un principe vital plus divin. Dans ce processus de divination, Jamblique fait intervenir trois participants [27], le dieu, sous la forme du pneuma qui descend, le théurge ou théagogue, qui introduit le pneuma dans l’inspiré et, enfin, l’inspiré lui-même qui, sous cette action, soit devient l’instrument ou le véhicule du dieu, soit change son principe vital contre un principe divin, soit tourne son principe vital vers le dieu [28]. Dans les trois cas, il y a enthousiasme, défini par Jamblique plus loin comme une montée et un changement vers le genre supérieur [29]. Par conséquent, dans la divination, tant le théurge chez Jamblique qu’Er chez Proclus ont une action anagogique. Ce rôle anagogique était déjà dévolu par Platon, non au personnage d’Er lui-même, mais au mythe tout entier auquel il attribue un rôle salvateur et anagogique [30]. Il est intéressant de remarquer que la fonction du mythe chez Platon devient la fonction du rite chez Jamblique [31]. La théurgie apparaît, comme on le verra plus loin encore, comme une ritualisation, une mise en actes du mythe. Pour que cette mise en actes soit valide, il faut donc que Proclus établisse l’authenticité du mythe d’Er, ce qu’il fait curieusement en fondant son historicité. En effet, il avance plusieurs témoignages « historiques », dont celui de Cléarque, disciple d’Aristote : « Qu’il est possible que l’âme sorte du corps et y rentre, c’est ce que montre le récit de Cléarque sur l’homme qui, utilisant sur un adolescent endormi une baguette attireuse d’âme, persuada le démonique Aristote, comme Cléarque le dit dans son traité Sur le sommeil, que l’âme se sépare du corps et qu’elle y rentre et se sert de lui comme d’une auberge » [32]. Il invoque aussi le témoignage des théurges qui ont vécu sous le règne de Marc-Aurèle, entendons par là les auteurs des Oracles chaldaïques. Mais il y a surtout que l’aventure d’Er est plausible puisqu’elle est validée par les pratiques des théurges : « Car ceux-là aussi, par une initiation déterminée, accomplissent le même rite sur l’initié, et l’ensemble de l’opération n’est pas humaine, son procédé est démonique et divin » [33]. De quelle opération initiatique s’agit-il? Autrement dit, de quel acte théurgique? Les philosophes néoplatoniciens qui ont introduit la théurgie dans leur système définissent celle-ci en termes d’actes. On peut déplorer cependant l’absence d’une description systématique de ces actes. Jamblique semble avoir étendu la notion de théurgie à l’ensemble du rituel, Proclus adopte la même démarche dans une certaine mesure, mais conçoit également la théurgie comme culte à mystères. C’est chez lui que nous trouvons une allusion au rite, qui pourrait être spécifiquement théurgique, consistant à s’enterrer tout le corps sauf la tête. Il le met en rapport avec l’affirmation du Phèdre selon laquelle l’âme qui suit la divinité de plus près élève la tête de son cocher vers le lieu extérieur (248a). Il n’est pas dans notre propos de rappeler les nombreuses interprétations des savants modernes qui ont cherché des textes parallèles afin de comprendre ce rituel [34]. Nous dirons seulement que, outre la présence de termes chaldaïques, le rapprochement entre cette allusion et le témoignage des théurges du temps de Marc-Aurèle invoqué par Proclus pour fonder la véracité du mythe d’Er (cité ci-dessus) amène à penser que nous sommes ici en présence d’un rite théurgique qui pourrait se dérouler comme suit : le corps de l’initié est enterré, ce qui symbolise la mort du corps; sa tête, siège de l’âme, ne l’est pas. Le théurge, par l’énoncé de formules, fait sortir l’âme du corps, l’élève et lui fait voir des vérités avant de la replacer dans le corps [35]. Par conséquent, ce rite pourrait bien être le symbole en acte du mythe d’Er ou d’un autre semblable, comme le mythe de Timarque rapporté par Plutarque : c’est le caractère propre de la théurgie.
Une fois le mythe fondé par les pratiques et le statut de la théurgie, Proclus retourne le processus et fonde la théurgie grâce à l’authenticité du récit : à la fonction d’???????, comme messager, il adjoint la notion de rang angélique qui implique une remontée dans la hiérarchie des êtres supérieurs au plus près du rang divin, condition indispensable à la transmission d’une vérité cachée. À ce stade, il établit le parallèle suivant : « De même que les prêtres hiératiques (c’est-à-dire les théurges) de chez nous introduisent dans les époptes le pouvoir de voir des apparitions qu’auparavant ils ne voyaient pas et les en rendent ainsi contemplateurs, de même l’art hiératique présent dans le monde, antérieur à celui de chez nous – car le monde est antérieur aux parties – accomplit le même rite sur beaucoup d’âmes, sur celles qui sont dignes d’une telle vue bienheureuse, il use de pouvoirs télestiques et il élève à un rang angélique celles des âmes qui sont initiées, pour qu’elles transmettent la vérité cachée : c’est pourquoi il leur accorde la vue bienheureuse de ces spectacles. Dans ce cas particulier donc, l’Univers d’une part initiait aux temps convenables l’âme de cet Er, puisqu’une telle perfection bienheureuse est justement due à cette âme, d’autre part, comme étant initiée à cette vue par le Tout, elle était élevée à un rang angélique. Et de fait, c’est à un tel rang qu’appartiennent les télestes d’ici-bas. Quiconque est vraiment hiératique « brille tel un ange vivant en puissance », dit l’Oracle (fr. 137 des Places). Le même devient donc d’une part l’épopte des choses invisibles, d’autre part le messager auprès des êtres visibles » [36]. Cet extrait définit la théurgie comme préexistant dans le cosmos et se démultipliant en de nombreuses théurgies [37] pratiquées par ceux qu’elle a initiés, en les élevant au rang angélique. Il place donc clairement le mythe d’Er dans le contexte de la théurgie, concilie dans la figure d’Er à la fois l’ange et le messager. Comme chez Jamblique, il ne faut pas entendre ici ange par essence. Proclus stipule bien qu’ils deviennent des anges en puissance et, d’une façon générale, établit une distinction entre un rang par essence et un rang par relation. Que l’âme s’abaisse ou s’élève, elle garde son rang d’âme par essence. Par relation, aux dires de Proclus, elle peut même devenir un dieu [38].
Les raisons de l’adéquation âme angélique – théurge, qui paraissaient peu évidentes chez Jamblique, se révèlent, chez Proclus, comme fondement de la théurgie et comme lien entre celle-ci et la tradition platonicienne. On peut dès lors supposer que telle fut l’intention de Jamblique, à savoir présenter le théurge comme une âme supérieure élevée à un rang supérieur par la volonté divine. En tant que tel, il est le seul à assurer le contact entre l’homme et le dieu par l’intermédiaire du rituel qu’il est également le seul à pouvoir accomplir correctement.
Avec beaucoup de subtilité, sans jamais dévoiler explicitement la finalité de leurs propos, les deux philosophes amènent inévitablement à déduire que le théurge possède le monopole de la réussite du rite. Cette démonstration devait avoir la caution platonicienne. Le point de départ tient en quelques mots chez Platon : la fonction de messager conférée à Er et l’idée qu’il n’y a pas de ????? à l’âme. À partir de là, Jamblique et Proclus réalisent une double distorsion. Pour être le messager (??????? au sens où Platon l’entend), Er doit accéder au rang de l’ange (??????? au sens où Jamblique et Proclus l’entendent). À la fonction de messager vient ainsi se superposer le statut de l’ange, comme entité intermédiaire dans la hiérarchie, qu’on ne trouve bien sûr pas chez Platon. Quant à l’idée qu’il n’y a pas de ????? pour l’âme, qui se comprend chez Platon uniquement dans le cadre du choix de l’incarnation, chez Jamblique et Proclus, elle sert de point de départ à la distinction entre une ????? par essence et une ????? par activité (Jamblique) ou une ????? par essence et une ????? par relation (Proclus). La phrase de Platon leur permet de fonder la thèse que, par activité ou par relation, l’âme peut quitter son rang.
Une fois encore, le coup de force des néoplatoniciens aura été de trouver chez Platon le fondement d’une notion absente chez Platon. À moins d’admettre avec Proclus que si elle ne s’y trouve pas, c’est qu’elle fait partie de ses doctrines secrètes…


Mots-clés éditeurs : néoplatonisme, mythe, ange, âme, théurgie, hiérarchie

Date de mise en ligne : 01/01/2011

https://doi.org/10.3917/rspt.912.0323

Notes

  • [*]
    Chercheuse qualifiée au F.N.R.S. (Belgique) – Université Libre de Bruxelles.
  • [**]
    Université Libre de Bruxelles.
  • [1]
    Le traité porte en réalité le nom de Réponse du Maître Abamon à la lettre de Porphyre à Anébon, et solutions des problèmes qui s’y trouvent. Le titre et la division en livres ne sont pas originaux et remontent à la Renaissance (sur ce point, voir l’article décisif d’H.-D. Saffrey, « Plan des livres I et II du De Mysteriis », in Zetesis, Mélanges Emile de Strijker, Antwerpen-Utrecht, 1973, p. 281-295). Pour le confort du lecteur, nous citons la référence traditionnelle aux livres et aux chapitres et, entre parenthèses, la référence aux pages et aux lignes de l’édition Parthey.
  • [2]
    Voir A.-J. Festugière, La révélation d’Hermès Trismégiste, Paris, Les Belles Lettres, 19862, III, p. 41 : « […] l’âme, née au Ciel, par essence incorporelle et immortelle, est tombée dans un corps mortel et retournera au Ciel […]. Ce schème, et le dogme qui le commande, l’origine céleste de l’âme, nous les retrouvons dans un certain nombre de systèmes de philosophie religieuse, de théurgie ou de gnose qui s’échelonnent du iie au ive siècle, depuis Numénius et les Oracles Chaldaïques (composés sans doute sous Marc-Aurèle) jusqu’au De Mysteriis de Jamblique ».
  • [3]
    Jamblique, Réponse, I, 5 (17, 8-11 et 13-15) : ????? ?? ??? ?? ???? ???? ????????????? ??? ?????? ????????? ???? ?? ??? ?????, ??? ????????? ????? ??? ????????? ???????????, ???? ?? ????????? ?????? ????? ??? ?????? ??????, […] ??????? ?? ??? ??? ????????? ??? ?? ???????? ??? ???????? ??? ??? ???????????? ??? ?? ??????? ??????????, […]. Ces genres, étant intermédiaires, remplissent l’espace entre les dieux et les âmes en formant un lien commun entre eux, ils rendent indissoluble leur entrelacement et par ce lien établissent une seule continuité depuis le haut jusqu’à la fin; […] ils mènent à leur terme de la même manière la procession depuis les meilleurs jusqu’aux moindres et la remontée depuis les inférieurs jusqu’aux premiers […].
  • [4]
    Ibid., II, 10 (91, 8-18) : ???? ??? ????????? ?? ????????? ??? ??? ????????, ?? ??? ?????????????? ????? ?? ???????? ?? ???????? ???? ??? ?????????? ??????, ??? ?? ??? ??? ?? ????????? ???????? ???’ ????? ???’ ?????? ???????? · ???? ??? ?????????? ?? ???????????? ?? ??? ?????????? ?????? ?????, ???????????? ?????? ????? ???? ?????????, ??? ??????? ???????? ???????? ?????? ??? ???????? ??? ???????? ?????? ????????. ??? ??? ????? ??? ?????? ????? ???????? ???????????? ???? ?? ?????? ?? ??? ?????????? ???????, ? ??? ?? ???? ?????? ????????????? ??? ??? ???? ?????? ?? ???? ????????. Quand donc survient ce que tu appelles trompeur, ce qui relève de la vantardise? Chaque fois qu’une erreur se produit dans ce qui touche à l’art théurgique et que les images qui se manifestent d’elles-mêmes à la vue ne se produisent pas comme il le faut, mais les unes à la place des autres. Alors, les genres inférieurs, empruntant la configuration des rangs plus saints, affectent d’être ce dont ils ont emprunté l’apparence et profèrent alors des discours vantards qui dépassent leur puissance. Comme, à mon sens, dès le départ, l’opération se déroule de manière fallacieuse, de cet écart découle beaucoup de mensonge, que les prêtres doivent reconnaître d’après l’ensemble de l’ordre dans les apparitions.
  • [5]
    On trouve une démarche similaire chez Plutarque qui a sans doute servi de point de départ aux élaborations des néoplatoniciens (voir C. Van Liefferinge, « Jamblique, lecteur de Plutarque? », in Revue de Philosophie ancienne 16 (1998), p. 37-53).
  • [6]
    Voir notamment Jamblique, op. cit., II, 7 (84, 1-4); II, 10 (95, 1-8); III, 13 (130, 4-6); IV, 7 (190, 9-11); IV, 13 (198, 6-12); X, 7 (293, 6 et 10-11).
  • [7]
    Jamblique, op. cit., V, 25 (236, 16 – 237, 7) : […] ???????? […] ??? ????? ????????? ?????, ?? ?? ??? ???? ??????? ?? ????? ???????????? ? ????????? · ??? ?? ????? ?? ??????? ?????????????, ??????????? ?????? ?????? ??? ???? ????, ??? ?? ?? ?????, ??? ???? ???? ??????????? ???? ??????? ????????, ??? ???? ?????? ????? ?????? ???????? ??? ?????? ????????? · ????? ??? ?? ????? ??????? ??? ??????????? ????? ???? ? ???????? ???????.
  • [8]
    G. Shaw parle plaisamment d’un «diagnostic guide» (G. Shaw, «Containing Ecstasy : The Strategies of Iamblichean Theurgy», in Dionysius 21 (2003), p. 71).
  • [9]
    Jamblique, op. cit., II, 2 (68, 8 – 69, 14) : ???? ?? ??? ??????????? ??????? ??????????? ???? ?? ????? ??? ????? ?????? ??? ??? ??? ??? ?????? ????? ?????? ????? ???????? ?????????????? ????????, ?????????? ?? ?????? ????????????? ??????????? ??’ ??????, ??? ?????? ???? ???? ??? ?????? ?? ?????? ??????? ????? ?? ?????? ?????? ??????????? ???’ ??????? ?? ????? ??? ?????? ????????? ????? ??? ?????? ???????, ?????????? ?? ??? ?? ?????, ??? ??’ ?? ? ???????? ??????????, ?????????? ???? ???? ??? ??’ ?????????? ??’ ????? ??????????, ?????? ?? ????????????? ????????? ???? ???? ??? ???????????, ????? ?? ?????????? ?????? ???’ ????? ???????? ?????? ??? ???????? ? ???’ ???? ???????? ?? ??? ????? ???? ?????? ???????????? · ??? ?? ??? ?????? ??? ?????? ???? ??? ????????? ???’ ??????? ??????? ??????, ??? ?? ??? ??? ???? ???????? ?????? ??? ??? ??’ ????? ??????????? ????? ???????? ???????? ??? ??????? ???????, ??? ??????? ?? ????? ??? ????????? ?????????. ??? ?? ?????? ???? ??? ????? ????? ????????, ?? ?’ ???? ????? ??? ????????? ????? ??? ???????? ?????????? ????. Voici comment se définissent les démons et les héros. Ensuite vient le rang inférieur, qui se situe au terme des rangs divins : de ces deux genres lui ont été assignés des lots partiels de puissances, et par l’adjonction d’autres éléments supplémentaires, l’âme déborde d’elle-même; selon le cas, elle choisit des formes spécifiques différentes, des raisons d’être différentes successivement, et des types de vie différents, utilisant selon chaque région du monde des principes vitaux et des formes idéales variés; elle s’unit à qui elle veut, elle se retire de qui elle veut, elle se rend semblable à tous et s’en écarte par altérité; elle a à sa disposition des raisons d’être apparentées aux êtres qui sont et deviennent, s’attache aux dieux selon des harmonies d’essences et de puissances autres que celles selon lesquelles les démons et les héros s’entrelacent aux dieux. Elle possède moins qu’eux le caractère éternel du principe vital identique et de l’activité. Par la volonté bienveillante des dieux et l’illumination qu’ils font resplendir, souvent même elle occupe une région plus haute et remonte jusqu’à un rang plus élevé, le rang angélique. Lorsqu’il ne reste plus dans les limites de l’âme, cet ensemble se réalise en une âme angélique et un principe vital pur.
  • [10]
    Ibid., II, 6 (83, 1-8) : ???? ??? ? ?? ??? ????? ??? ??? ??? ???????? ??? ?? ??????? ????? ????????? ???????? ???? ??? ????? ????????, ??’ ?????? ?? ???? ??????????, ??? ?? ? ????? ? ???? ???????????? ?????? ?????? ??????? ??? ????? · ? ?? ??? ?????? ????????? ??? ??? ??????? ???????, ??????? ?? ???? ??? ??????? ??????? ??? ????? ?????? ???????????? ???? ?????????? ???? ???????. Mais la vue des âmes pures et établies au rang des anges est anagogique et sauve l’âme. En se manifestant, elle procure une espérance sacrée et le don des biens auxquels cette espérance sacrée fait aspirer. La vue des autres âmes fait descendre vers la génération, détruit les fruits de l’espérance et remplit ceux qui les observent de passions qui les clouent aux corps.
  • [11]
    Ibid., II, 2 (68, 12 – 69, 4) : voir note 9.
  • [12]
    Ibid., I, 8 (25, 8-13) : ???? ??? ???????? ???? ? ???? ???? ??? ??? ?????????? ???? ??????????? ??? ???? ????? ????????? ?????????, ???????? ??? ????????? ???? ???? ???? ?????? ????????????, ??? ????? ??????????? ???????????????, ???? ?????????? ????? ??? ??????????? ????. Car de même que l’âme a choisi un type de vie avant même d’être introduite dans un corps humain et qu’elle a mis une forme à sa disposition, de même, elle a un corps attaché à elle comme un instrument et une nature similaire concomitante qui reçoit la vie plus parfaite de l’âme.
  • [13]
    Tous ces éléments sont repris en II, 2 où la notion de corps apparaît dans le terme ????. Sur le terme ???? en tant que matière-réceptacle de l’âme, voir G. Shaw, Theurgy and the Soul. The Neoplatonism of Iamblichus, Pennsylvania State University Press, 1995, p. 27.
  • [14]
    Voir le texte complet et commenté, cité note 21. Sur la ??????????, choix, libre-arbitre, comme agent de la descente de l’âme, voir G. Shaw, op. cit., p. 69.
  • [15]
    Platon, République, 618b : ????? ?? ????? ??? ??????? ??? ?? ????????? ????? ????? ???????? ???? ??????? ?????????.
  • [16]
    Outre le passage du Commentaire sur la République qui est l’objet de notre étude, citons son Commentaire sur l’Alcibiade, 70, dans lequel il épingle les notions d’altérité et de choix.
  • [17]
    Proclus, In rem publicam, II, 284, 19-25 : […] ????? ?? ???? ???????????? ?????? ??? ????? ?? ????? (??? ??? ????? ???’ ?????? ????? ?????????? ?????, ?? ? ?????????? ?????? ????????), ???’ ???????, ??? ??? ??? ??????????? ????? ????????????? ?? ????? ?????????. ?? ??? ??????? ??? ?????? ????????? ????? ????? ??? ??????????????? ?? ??? ???????? ??? ??????? ??? ???? ?????, ? ? ????? ???????????? ????.
  • [18]
    G. Shaw, op. cit. n. 15, p. 69.
  • [19]
    Jamblique, op. cit., II, 2 (69, 7-11) : voir texte cité note 9
  • [20]
    Ibid., I, 12 (40, 19 – 41, 11 et 42, 15-17) : ????????? ??? ??? ???? ??? ????????? ? ??? ??? ??????? ????????, ????? ?? ??? ??????????? ????????, ??? ??? ????? ?? ????????? ??? ??????????? ???????? ??? ?? ???????, ??? ??????? ??????? ??? ???????? ???????? ???? ? ??????? ???? ???????? ??? ???????????? ???????? ????. ??? ??? ???????? ??? ????????? ??????? ?? ???? ?? ??? ???????????? ???????? ????? ??? ???? ???? ?????????, ??? ?? ????? ????? ??? ??????? ????????????? ??? ??? ?????? ?????? ??? ???? ??????? ???????????, ????????? ?? ????? ??? ??? ?? ?????? ????? ?????????? ??? ???????, ??? ?? ??? ?????? ??? ?????? ????? ????? ???????????. […] ???? ?? ??? ??????? ???? ????????? ??? ????? ???? ????????? ??????? ???? ???? ???? ????? ????????? ????? ???????. Car l’illumination qui se réalise au travers des invocations, d’une certaine manière, apparaît d’elle-même et selon son propre vouloir, elle est loin d’être attirée vers le bas, et grâce à l’activité et la perfection divines, elle s’avance jusqu’à se rendre manifeste. Elle l’emporte sur le mouvement volontaire autant que la volonté divine du bien l’emporte sur le principe vital qui a la liberté de choisir. C’est par une telle volonté que les dieux répandent généreusement la lumière, pleins de bienveillance et de faveur envers les théurges, appelant leurs âmes à eux-mêmes et leur procurant l’union avec eux-mêmes, les habituant, alors qu’elles sont encore incarnées, à se détacher des corps, et à se tourner vers leur principe éternel et intelligible. […] Par conséquent, les noms sacrés des dieux et les autres symboles divins, parce qu’ils sont anagogiques, peuvent mettre les âmes en contact avec les dieux.
  • [21]
    R. A. Gauthier et J. Y. Jolif, Aristote, Éthique à Nicomaque, introduction, traduction et commentaire, Louvain, Publications universitaires de Louvain et Paris, 1958, II, p. 713.
  • [22]
    Jamblique, op. cit., I, 11 (38, 11-13).
  • [23]
    Ibid., I, 12 (41, 13-18) : ?? ??? ?? ??????? ?? ??????? ??????? ? ???? ????? ???? ?????????? ??? ?????? ????????? ??????? ??? ???’ ???????? ????? ??????? ????, ????? ???????? · ???????? ?? ??? ??? ?????? ?????? ???? ??? ???????????? ??? ???? ????????? ???????????.
  • [24]
    Voir texte cité note 9.
  • [25]
    Jamblique, op. cit., II, 7 (84, 5 – 14) : ????? ?? ??? ??? ???? ??? ?? ?????? ??? ???? ????? ????? ???????????, ??? ?????? ???????? ???? ???? ??? ?????? ????????????? ??? ???? ??? ???? ??? ?????? ??? ???????? ??? ?????? ????? · ??? ?’ ??????????????? ?????? ? ????? ???????? ??? ???????? ??? ?????? ?? ???, ?? ?? ??????????? ????? ??? ??? ?? ????? ??????? ??? ??????? ??????, ??? ???? ??? ???????? ???????? ????????? ?? ????? ??????? ????????, ??? ???? ??? ??????? ????? ????? ??? ??? ????? ?????????? · ? ?? ???? ??????? ?????? ??? ???????? ?????????? ??????, ?????? ?? ????????? ?????? ?????????, ??? ???????? ???? ????????? ?????????, ???????? ?? ???????????? ?????????? ?????? ???????????? ??? ??????. De l’âme universelle qui n’est retenue dans aucune forme spécifique partielle, on voit un feu sans forme qui montre autour de l’univers tout entier l’âme universelle du tout, unique, indivisible et sans forme. De l’âme purifiée, l’empreinte visible est de feu, et ce feu est pur et sans mélange. La lumière qui en est au cœur et la forme spécifique se voient pures et stables, elle accompagne le chef qui la fait monter en se réjouissant de son bon vouloir, et elle manifeste dans ses œuvres le rang qui lui est propre. Celle qui incline vers le bas traîne derrière elle des signes de liens et de châtiments, elle est alourdie de compositions d’éléments pneumatiques matériels, elle est retenue par des troubles inégaux de la matière, et c’est placée sous l’autorité de démons liés à la génération qu’elle se voit.
  • [26]
    Ibid., II, 6 (83, 2). Dans le passage où Jamblique énumère les dons procurés par les diverses apparitions, il dit que « la vue des âmes pures et établies au rang des anges est anagogique et sauve l’âme » : ???? ??? ? ?? ??? ????? ??? ??? ??? ???????? ??? ?? ??????? ????? ????????? ???????? ???? ??? ????? ????????.
  • [27]
    Ibid., III, 6 (112, 10-13) : ?? ?? ???????? ?????? ?? ??????????? ?? ?????? ?????? ??? ?????????????, ???? ?? ???? ??? ?????? · ???????? ?? ???????? ??? ?????????????. ?????? ?? ??? ?? ???????? ?? ??? ????? ????? ??? ??? ????????.
  • [28]
    Ibid., III, 4 (109, 12-16) : ?? ??? ??? ?????? ???? ????????????? ???? ?? ????? ? ??????? ???? ?????????? ?????, ? ?????????????? ???? ??? ?????????? ???? ??? ?????, ? ??? ????????? ??? ??????? ???? ???? ??? ????, […].
  • [29]
    Ibid., III, 7 (114, 10-11) : ??? ?? ???????? ??????? ??? ??????????.
  • [30]
    Platon, République, 621 b-d.
  • [31]
    C’est la même démarche qu’adopte Julien. Dans son discours Contre le philosophe cynique Héracleios, Julien envisage la philosophie comme voie de salut et il en précise le genre. Il fait l’éloge de la philosophie initiatique et mystagogique, qui a pour objet le mythe. Même si, dans le Contra Galilaeos, il ne manifeste à première vue aucune indulgence vis-à-vis des Grecs qui, selon ses propres termes, « ont forgé des fables invraisemblables et monstrueuses » (44 A), dans le discours Contre Héracleios en revanche, il cherche plutôt à les justifier en leur attribuant une portée initiatique. Ces mythes doivent précisément conduire à Dieu par leur sens caché et leur invraisemblance : « Chaque fois que les mythes relatifs aux choses divines sont en désaccord avec la pensée, ils nous crient sur-le-champ, pour ainsi dire, et nous attestent de ne pas les croire à la lettre, mais d’en examiner et d’en explorer le sens caché […]. Par l’invraisemblance, en regardant au-delà de ce qui est dit clairement, il y a l’espoir de remonter jusqu’à l’essence abstraite des Dieux et la pensée pure se situant au-delà de tous les étants […]. Voilà les raisons pour lesquelles la philosophie initiatique et mystagogique s’exprime en termes singulièrement purs et graves, alors que par la pensée, l’interprétation de ceux-ci est assez différente » (17, 222c – 223a). Ce que Julien appelle philosophie initiatique et mystagogique dérive donc à première vue de l’exégèse allégorique, telle que nous pouvons la rencontrer chez Porphyre. Mais Julien va plus loin que ce dernier à plusieurs égards. D’abord, alors que Porphyre rejetait les mythes scandaleux, Julien, au contraire, non seulement les accepte mais il leur attribue même une fonction importante pour le philosophe, car plus le mythe est scandaleux, plus il invite celui-ci à rechercher ses vérités cachées. Bien plus, Julien fait de ce type de démarche un moyen d’entrer en communication avec les dieux, puisque c’est avec l’aide de ceux-ci que la fable s’éclaire. Cette intervention, cette action des dieux sont proches de la théurgie conçue, à la manière de Jamblique, non seulement comme une action de l’homme, mais surtout comme une action des dieux. On ne s’étonnera donc pas que Julien attribue à Jamblique la paternité de cette conception nouvelle du mythe, conception qu’il expose ailleurs encore, soulignant le rôle que jouent les dieux dans l’élucidation des mythes obscurs : « Plus la fable est paradoxale et monstrueuse, plus elle semble attester de ne pas croire en ce qui y est dit, mais de s’ingérer dans ce qui y est caché et de ne pas renoncer avant que, sous la conduite des dieux, les choses, devenant claires, initient ou plutôt achèvent l’esprit qui est en nous, sans oublier ce qu’il y a en nous de supérieur à l’esprit même – une petite partie de l’Un et du Bien, possédant le Tout sans partage, un plérôme de l’âme –, et incluant l’âme tout entière dans l’Un et le Bien, par la présence transcendante, distincte et abstraite de celui-ci » (12, 217 c-d). Cette branche de la philosophie permet donc d’obtenir le salut de l’âme.
  • [32]
    Proclus, In rem publ., II, 122 (22-28) : ??? ?? ??? ??????? ??? ????? ??? ???????? ??????? ??? ?? ????, ????? ??? ? ???? ?? ??????? ?? ???????? ????? ?????????? ??? ??? ????????? ??? ??????????? ??? ?????? ??? ????????? ??????????, ??????? ? ???????? ?? ???? ???? ????? ?????, ???? ??? ?????, ?? ??? ????????? ??? ??????? ??? ?? ???????? ??? ?? ???? ??? ?? ?????? ???? ???? ?????????.
  • [33]
    Ibid., II, 123 (13-16) : ??? ??? ??????? ??? ?? ????? ??????? ?? ???? ?????? ??? ??? ?????????? · ??? ???? ??? ?? ???????? ??? ??????????, ???? ????????? ?? ???????? ??? ?????.
  • [34]
    Voir C. Van Liefferinge, La théurgie des Oracles chaldaïques à Proclus, Liège (Kernos, suppl. 9 ), 1999, p. 265-268 et M. Broze – Fr. Labrique, « Hélène, le cheval de bois et la peau de l’âne », in Le mythe d’Hélène, Bruxelles, Ousia, 2004, p. 133-186.
  • [35]
    Proclus, op. cit., II, 119 (5-6).
  • [36]
    Ibid., II, 154 (5-21) : ?? ??? ?? ???’ ???? ????????? ???? ???????? ??????? ?????????? ????? ? ?? ???????? ??????? ??? ??????? ???????, ???? ??? ? ?? ?? ????? ??? ??? ???’ ???? ??? ?????? ????? ??? ????? ??? ????? ??? ???????? ?????????? ???? (??? ??? ??? ????? ?? ????) ??? ??????????? ?????? ???????? ??? ??? ????????? ?????? ????? ??? ?????????? ??? ?????, ???????? ???????????? ??? ??????? · ??? ???????? ??? ?????? ???????? ????. ??? ?? <??? ???> ??? ???? ?????? ????? ?? ???? ????????? ??????? ?????? ??? ?? ???, ???? ????? ??????????? ???? ??? ???????? ?????????? ???????????, ?? ?? ???? ??????? ??? ??? ??? ?????? ?????????? ??? ????????? ??????? ?????. ??? ??? ?? ???? ?????????? ?????? ???? ???????? · ???? ??????? ?? ??????? ???, ????? ?? ??????, ????? ????? ?? ?????? ????????? · ??????? ??? ??????? ??? ??? ??????, ??????? ?? ???? ????????? ? ?????.
  • [37]
    Voir également Proclus, In Crat., CLXXXI, p. 100 (19-22).
  • [38]
    Id., In rem publicam, II, 310, 20 : ???? ??? ?? ???????? ??????? ??? ?? ????? ??? ?????? ???? ?????? ??? ????, ???’ ??? ???? ?????? ??? ???? ????, ? ?? ??????? ????? ???????? ???????? ??? ?????. En effet, l’âme, dans des démons et des dieux, devient démon et dieu par relation, mais n’est pas en soi démon et dieu, car ne lui appartient pas l’existence qui convient aux démons et aux dieux.

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