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Article de revue

Une éthique de l'amour

Recherche sur les Œuvres de l'amour de Kierkegaard

Pages 229 à 240

Notes

  • [1]
    Cette distinction est un point sur lequel revient constamment H.-B. Vergote dans son livre Sens et répétition (Paris, Cerf/Orante, 1982) sur le mode de la référence cursive. Voir Le concept d’angoisse, SV IV 324 sq. ; O. C. VII 122 sq. Nous citerons les textes 1/ d’après la deuxième édition danoise des Samlede Værker (Copenhague, Gyldendal, 1920-1936), 2/ d’après l’édition des Œuvres complètes (traduction de P.-H. Tisseau et E.-M. Jacquet-Tisseau ; Paris, Orante, 1966-1986). La traduction sera souvent refaite.
  • [2]
    On peut sur ce point se référer conjointement aux textes de Ou bien — ou bien, où les deux dimensions sont bien explicitées, et cela en rapport avec la vie d’un individu, et à ceux du Post-scriptum, avec la relation entre la vie intérieure et la manifestation extérieure.
  • [3]
    Pour cette question, nous renvoyons à notre livre Kierkegaard. Existence et éthique (Paris, PUF, 1997), chap. II : « L’éthique : entre décision et norme ». À propos de la conception kierkegaardienne de l’éthique, on se reportera utilement aux pages que lui consacre F. Bousquet dans son beau livre Le Christ de Kierkegaard (Paris, Desclée, 1999). L’œuvre est interrogée spécialement en fonction de l’existence religieuse, mais c’est bien toute la production qui est prise en compte d’une manière très instruite.
  • [4]
    Pour ce point, on se reportera aux Leçons sur la dialectique de la communication éthique et éthico-religieuse (1847).
  • [5]
    Voir Post-scriptum, SV VII 80-81 ; O. C. X 87.
  • [6]
    SV IX 65 ; O. C. XIV 48.
  • [7]
    SV IX 40 ; O. C. XIV 27.
  • [8]
    SV II 285 ; O. C. IV 236-237.
  • [9]
    Voir saint Paul, 2 Co, 5, 17.
  • [10]
    SV IX 36 ; O. C. XIV 23-24.
  • [11]
    Cette opposition à Kant n’a d’ailleurs rien de simple, la question étant même posée en des termes apparentés. Kant a traité du devoir d’aimer dans les Fondements de la métaphysique des mœurs (1ère section). S’il peut bien y avoir une loi qui commande à quelqu’un de travailler à son bonheur, la conduite n’a une valeur morale que si c’est un commandement par devoir. Kant se rapporte alors au précepte biblique. « Ainsi, sans aucun doute, doivent être également compris les passages de l’Écriture où il est ordonné d’aimer son prochain, même son ennemi. Car l’amour comme inclination ne peut pas se commander ; mais faire le bien précisément par devoir, alors qu’il n’y a pas d’inclination pour nous y pousser, et même qu’une aversion naturelle et invincible s’y oppose, c’est là un amour pratique et non pathologique, qui réside dans la volonté, et non dans le penchant de la sensibilité, dans des principes de l’action, et non dans une compassion amollissante ; or cet amour est le seul qui puisse être commandé » (Ak, IV, 399 ; Œuvres philosophiques, Paris, Gallimard « Pléiade », t. 2 ; trad. Delbos et Alquié, p. 258). Il y a donc bien un amour pratique, mais seulement en tant que rapporté au critère de la raison. Dans la Doctrine de la vertu (Introduction, XII), Kant distingue entre l’amour comme inclination (amour de complaisance) et l’amour comme bienveillance (amour de bienfaisance), qui seul peut être moral.
  • [12]
    SV IX 51 ; O. C. XIV 36-37.
  • [13]
    SV IX 57 ; O. C. XIV 42.
  • [14]
    SV IX 68 ; O. C. XIV 50-51.
  • [15]
    SV IX 75 ; O. C. XIV 57.
  • [16]
    SV IX 108 ; O. C. XIV 83.
  • [17]
    Papirer, X 2 A 396. Nous avons déjà examiné ce texte dans notre Kierkegaard. Penser le singulier, Paris, Cerf, 1993, chap. VI, p. 195 sq.

1Dans la production de Kierkegaard, l’interrogation sur l’éthique est multiple et très diverse. Alors se pose la question de l’unité, ou au moins de la cohérence, de cette pensée éthique. Étant admis qu’un texte est toujours à rapporter au lieu de l’énonciation et à la position du sujet de l’énonciation (conformément à la thèse de la primauté du comment sur le quoi), on conçoit bien que la multiplicité des discours sur l’éthique donne lieu à des tensions et parfois à des oppositions. Aussi est-il requis de penser en relation les divers points de vue sur l’éthique.

2On rappellera d’abord l’annonce, formulée dans l’introduction du Concept d’angoisse, d’une « seconde éthique », et l’on admettra (même si ce point n’est jamais explicitement affirmé) que cette annonce est réalisée par les Œuvres de l’amour. La seconde éthique prend en compte la dogmatique chrétienne, spécialement le dogme du péché héréditaire (ou originel). Vigilius Haufniensis rappelle en effet que la première éthique, celle de l’immanence, s’appuyant sur des catégories anthropologiques, échoue en tant qu’elle est incapable de rendre compte de la culpabilité individuelle. Pour la première éthique, l’individu peut toujours être justifié, à la condition de vivre selon les lois et d’agir selon sa conscience. Cette éthique de la conformité aux normes et de la vie selon les mœurs communes peut bien assumer le caractère individuel et unique d’une existence (notamment en insistant sur le côté singulier des grandes figures éthiques, tels Socrate ou encore le magistrat Wilhelm), mais elle échoue à reconnaître que l’homme est radicalement peccable, spontanément porté à la faute ; cette idée n’a pu être apportée que par la révélation biblique [1]. En vérité, cette question des deux éthiques est loin d’être simple ; en effet, la première éthique a sa propre complexité ; elle fait l’objet d’une interrogation dans des livres très différents, relevant de genres d’écriture à chaque fois spécifiques. Il importe alors d’être toujours attentif à la forme de l’interrogation et de la composition. À défaut d’entreprendre une telle recherche (qui d’ailleurs n’aurait rien d’inédit), on veillera simplement à noter ou rappeler toujours le comment et le qui de l’interrogation, c’est-à-dire à rappeler ce que l’auteur nomme l’atmosphère ou la tonalité (Stemning) d’une interrogation.

3L’examen de la question éthique portera principalement sur les Œuvres de l’amour, « méditations chrétiennes en forme de discours », texte signé du nom de son auteur ; mais aussi l’interrogation sera conduite en relation avec plusieurs textes des œuvres pseudonymes où sont exposées les conditions de la vie éthique, dont on rappellera brièvement quelques points. La conception kierkegaardienne de l’éthique repose sur l’articulation de deux thèses, l’une qui insiste sur le choix individuel d’un style de vie, l’autre qui rapporte l’éthique aux mœurs les plus communes. Les personnages qui réalisent d’une manière exemplaire ce type d’existence sont notamment le magistrat Wilhelm de Ou bien — ou bien et Socrate [2]. D’une part — et c’est bien l’accent prioritaire — l’existence éthique tient au choix de soi par un individu, à l’acte par lequel un individu prenant conscience de soi et s’affirmant, devient réellement soi-même ; devenir un être éthique, c’est d’abord vouloir être soi, se décider à être soi comme unique par un choix radical de soi, en rompant avec l’immédiateté de la vie. D’autre part, un homme n’a une vie éthique que s’il se rapporte à un univers social, s’il se réfère à des normes communes, s’il se place sous la juridiction de critères qui sont une instance de jugement ; l’éthicien est alors l’homme de la généralité et de la norme sociale, vivant comme l’homme le plus commun et même de manière incognito. Une existence s’accomplit ainsi comme éthique par l’articulation de la décision et de la norme, ou du choix individuel et de la généralité des types de conduite — ceci dans une réalisation singulière de la subjectivité, pensée comme unité du général et du particulier [3].

4On trouve dans les Œuvres de l’amour un long examen de la formule : « Tu dois aimer ton prochain », reprise du deuxième commandement du Décalogue. C’est la formule de l’éthique achevée, d’une éthique chrétienne. Il suffit alors d’expliciter cette formule pour comprendre les significations de l’éthique. Cette formule est analysée en trois temps, en fonction de ses termes, l’un étant mis à part (« aimer »). C’est dans un certain ordre que l’analyse est effectuée : 1/ Dois, 2/ Tu, 3/ Prochain — le verbe aimer reliant et réunissant les trois termes indiqués, et marquant ainsi sa transcendance par sa position à part. C’est selon cet ordre de présentation que l’on entrera dans la formule. Ainsi, c’est le devoir qui vient en premier et qui impose sa marque, signifiant le pôle de la loi, d’un impératif universel qui s’applique à chacun. À ce pôle de la norme et de la généralité fait face le pôle de la singularité, sur le mode allocutif et aussi interlocutif ; il s’agit de chaque être singulier en tant que destinataire de la parole impérative (tu). Le troisième terme porte sur l’objet du devoir (le prochain), et cet objet n’est autre qu’un sujet, autrui comme sujet, de sorte que le sujet et l’objet sont dans un rapport de réciprocité et de position alternée. Quant à l’amour, qui ne fait pas l’objet d’un moment spécifique de l’analyse, il est présent à chaque étape, étant là comme la condition du rapport entre les trois éléments analysés. — On notera qu’il y a quelque chose de comparable à propos de l’acte de communiquer, où Kierkegaard distingue quatre éléments : l’émetteur, le destinataire, l’objet et — les englobant — la communication ; il y aurait ainsi une position analogue entre l’amour et la communication [4]. On se demandera alors si l’amour n’est pas à comprendre comme un acte de communication. En effet, loin d’être un repli sur soi (l’amour de soi se tournerait en amour-propre), l’amour est relation ; il est de l’ordre de l’inter-esse, et en ce sens, on peut dire qu’il est le caractère premier de l’existence. C’est d’ailleurs ainsi que, dans le Post-scriptum, Climacus interprète le mythe platonicien d’éros dans Le banquet ; ce n’est pas seulement l’amour chrétien qui est relation et qui se trouve en position tierce ; cela vaut déjà de l’éros grec, qui est l’unité de deux opposés. À la limite, on peut même poser la thèse : exister, c’est aimer [5].

5C’est dans la deuxième section de la première partie des Œuvres de l’amour que le problème est traité, au cours de trois discours, chacun étant axé sur l’un des points mentionnés. Nous examinerons ces textes selon l’ordre même qui établit la thèse de Kierkegaard. Quant à la signification fondamentale de cette thèse, elle est exposée par différence, en se demandant comment la poésie et le christianisme se rapportent à l’expression : Tu dois aimer. Il s’agit, en partant du sens le plus usuel de la langue, de faire voir le sens nouveau et spécifique de l’amour selon le christianisme. Le poète explique l’amour et l’amitié en les transposant en énigmes, c’est-à-dire il ne les explique pas ; simplement, il les range sous une activité ludique. Pour le poète, l’amour ne comporte aucune tâche morale ; il est affaire d’heureuse chance ou de rencontre favorable. Au contraire, pour le chrétien, l’amour est une tâche et même strictement un devoir. Entre la vie éthique (les mœurs en tant que tendant vers une fin) et la moralité (le commandement d’obéir à une loi inconditionnelle), la différence en vient à s’annuler ; l’éthique se trouve rapportée à la moralité et même incluse en elle. Cela veut dire aussi que c’est dans le christianisme que se réalise la vie vraiment éthique. La conséquence est considérable : il n’y a plus de sphère éthique qui soit séparée du religieux chrétien. Le religieux chrétien a une dimension éthique et même est l’éthique. Si, pour le poète, on peut néanmoins parler d’une tâche, c’est simplement celle d’être reconnaissant de son bonheur et d’en savoir gré à la fortune ; mais ce n’est pas une tâche proprement morale. Pour le chrétien, la situation est à l’opposé.

6

« En revanche, lorsqu’on doit aimer son prochain, alors la tâche est là, la tâche éthique, qui est aussi l’origine de toutes les tâches. C’est précisément parce que l’être chrétien (det Christelige) est la véritable éthique (det sande Sædelige) qu’il sait abréger les considérations et couper court aux introductions prolixes, écarter toute attente provisoire et préserver de toute perte de temps ; l’être chrétien est aussitôt à la tâche parce qu’il l’a avec lui » [6].

7On admettra (même si les expressions ne sont pas identiques, et ce point ne doit pas être tenu pour insignifiant) que la véritable éthique (det sande Sædelige) se rapporte à la sphère éthique (ethiske). Reste à voir comment elle s’y rapporte et ce que cela signifie. Toutes les formes d’existence tombent sous une dualité spécifique, celle de l’esthétique et de l’éthico-religieux. La référence au poète a la fonction d’un repoussoir ; elle permet d’affirmer la différence. Mais Kierkegaard ne parle pas ici d’une seconde éthique, alors même que sa pensée signifie bien quelque chose de nouveau. En un mot, il n’y a plus rien de négatif, c’est-à-dire d’insuffisant et d’imparfait comme dans la sphère éthique ordinaire ; c’est l’accomplissement de la vie éthique. Précisément, ce qui est neuf, c’est l’articulation de l’élément moral, signifié par son caractère le plus topique, le devoir (duquel découle la tâche), et de l’élément religieux chrétien, présent avec le précepte d’amour, compris justement comme un devoir. Il s’agit même d’une identification de l’éthique et du religieux, puisque le devoir est d’aimer ou que l’amour est un devoir. C’est cela qui est à expliciter.

8Considérons le premier point de l’expression à expliquer. L’accent porte sur le devoir (« Tu dois aimer »), selon une interprétation très forte du précepte « tu aimeras » où l’auxiliaire du futur (du skal) est compris comme le verbe lui-même (tu dois). Un texte résume à lui seul cette première thèse. « “Tu dois aimer”. C’est seulement quand c’est un devoir d’aimer, et seulement alors, que l’amour est à jamais préservé de tout changement ; à jamais affranchi dans une indépendance bienheureuse ; à jamais heureux, protégé contre le désespoir » [7].

9On note que l’argumentation est développée en trois moments. Faire de l’amour un devoir — et même le devoir, et non seulement une tâche ni un appel ni une invitation —, élever l’amour au point suprême de la moralité, le reconnaître comme le fondement de la morale, telle est la thèse, une thèse qui réunit l’éthique et le religieux. Toute la question est de savoir comment. Le précepte biblique est interprété comme le principe unique de la morale ; l’enseignement de Dieu est un impératif. Il est remarquable que la première analyse ne porte pas sur le tu, alors même que c’est le premier terme de la formule et que le précepte est bien une parole adressée par quelqu’un (un je) à quelqu’un (un tu) ; l’interrogation porte d’abord sur dois, signifiant le devoir comme transcendant tous les interlocuteurs et s’imposant indistinctement à tous. Il s’agit ainsi de reconnaître en premier lieu l’universalité du précepte, qui est soustrait à toute particularité de personne, de temps, de lieu ou de situation. Ce qui importe en effet, c’est d’affirmer la transcendance de l’universalité. Nous sommes bien dans un processus de détermination de l’essence. C’est d’ailleurs la signification de la priorité du dois dans l’analyse que d’exprimer d’abord l’universel. Certes, le tu signifiera aussi l’universel puisqu’il est l’indice d’une adresse à tous les hommes ; mais c’est une adresse à chacun comme singulier ; l’accent y sera donc bien plus sur le singulier que sur l’universel. Le principe éthique de la conformité et de la référence aux normes générales (principe rappelé notamment dans Ou bien — ou bien et dans Crainte et tremblement) est porté à sa limite ; ce n’est plus seulement une généralité sociale, liée à une communauté politique ou simplement à une collectivité humaine, mais c’est bien l’universalité, soustraite à toute espèce de particularité et à toute insertion empirique. Quant à l’universalité, elle est considérée sous trois aspects, en fonction de trois applications, qui sont toutes présentées sur le mode négatif : la soustraction au changement, l’exemption de toute dépendance, l’abri du désespoir. Ainsi, on pourrait considérer l’universalité comme un remède ou comme une précaution contre toute négativité existentielle. Ce n’est pas d’abord comme critère que l’universalité est reconnue, mais c’est en rapport à une fin ; c’est en se rapportant à l’universel que la fin (en un mot le bonheur) sera atteinte. Le devoir est le détour nécessaire vers le bonheur ; ainsi, dans le devoir, la fonction déontologique n’est que seconde. Le problème n’est pas posé en termes d’infraction à une règle ou de manquement à une norme ou de désobéissance à un commandement ; il est considéré en termes d’accomplissement. On peut en effet remarquer une inflexion de l’interrogation éthique. Le problème, formulé en des termes formels (le devoir), est pourtant examiné par rapport à l’existence de l’individu et en fonction d’éléments existentiels (en fin de compte le bonheur). Ainsi le rapport à une règle inconditionnée n’a-t-il de signification qu’en vue de ce que le devoir rend possible pour l’existence, à savoir la plénitude de soi.

10Ici le rapport au devoir comme inconditionné est strict. Or, dans Ou bien — ou bien, ce même rapport est mis en cause. L’interrogation, directement existentielle, oppose « le devoir » et « mon devoir ». « Je ne dis jamais d’un homme qu’il accomplit le devoir ou les devoirs, mais son devoir ; je dis : je fais mon devoir, fais le tien » [8]. Comme tel, le devoir n’est qu’abstrait, il m’est extérieur. La thèse de l’assesseur est que le devoir, qui est le général exigé de tous, doit être adressé à chacun comme singulier ; et précisément l’assesseur expose une thèse cardinale de Kierkegaard selon laquelle chaque homme est une synthèse de général et de particulier, ce qui fait que chacun a un rapport à la généralité. Ainsi, dans ce qui est une exposition d’une vie éthique exemplaire par son auteur, l’accent est posé sur l’attitude individuelle et sur la performance d’une personne. Alors aussi, la présentation de l’éthique est faite sous une forme narrative ; et c’est l’assesseur lui-même qui fait le récit — un récit théorisé et réfléchi — de sa propre histoire.

11Le texte des Œuvres de l’amour a d’autres consonances. Précisément, il est à considérer sous le rapport de l’universel, comme le point de référence pour la vie morale. Autrement dit, l’éthique existentielle ne se suffit pas ; elle a besoin de se rapporter à un critère, qui est le devoir. Mais ce qui surtout est significatif, c’est que ce texte a lui aussi un côté existentiel, marqué par le « tu » (le destinataire mais aussi bien l’émetteur). Il n’y a donc pas d’alternative entre un texte existentiel et un texte de fondation, puisque celui-ci peut contenir la composante existentielle. En ce sens, ce qui différencie les deux éthiques, c’est de n’être pas de même degré. La seconde éthique contient et redouble la première ; elle la fonde ; non seulement, elle vient après, mais elle est de degré supérieur. On dira alors que ce qui est la cause de l’échec de la première éthique, c’est de n’être pas fondée, de ne pas s’appuyer sur le commandement du Décalogue. Si la seconde éthique est parfaite, c’est précisément parce que non seulement elle est fondée mais fondatrice. Elle énonce la règle éthique ultime ou même la seule ; la formule du deuxième commandement est tout à fait comparable à celle de l’impératif catégorique.

12On peut alors en venir à la thèse même. La difficulté est de concevoir l’amour comme un devoir. En effet, la thèse de Kierkegaard définit l’éthique en priorité par le devoir ; c’est une morale de l’impératif universel. Mais c’est aussi une morale du sentiment ; ou plutôt toute la question est de montrer que l’amour n’est pas un sentiment ordinaire ; il faut donc élaborer un nouveau concept d’amour, penser précisément l’amour sous la catégorie du devoir, c’est-à-dire non pas substituer l’amour au devoir, mais imposer les caractères du devoir à l’amour ou au moins les y reconnaître. Il faut, en un mot, affirmer la différence en creusant l’écart entre l’amour comme inclination et l’amour comme devoir. En un sens, c’est bien le devoir qui est premier, et ce devoir est d’aimer ; le devoir se détermine comme amour, c’est-à-dire comme don ; s’il a un contenu, c’est comme amour, comme rapport de don envers chacun. Apparemment, il y a bien là une contradiction ; en effet l’amour, comme sentiment, est mobile et fluctuant, tandis que le devoir est fixe et toujours identique. C’est donc un paradoxe de faire de l’amour un devoir. Cela signifie que, devenant un devoir, l’amour subit une transmutation qui lui confère une marque d’intangibilité et d’immuabilité. Par cette mutation, tout est transfiguré, tout est changé [9]. Cette nouveauté vient de la référence à l’éternité considérée comme critère ou comme discrimen. Le commandement vient de Dieu, lui-même amour, qui, éternel et immuable (selon le thème du dernier discours publié), marque toute parole du sceau de l’éternité. À ce niveau, il y a coïncidence ou identification de l’éthique et du religieux, c’est-à-dire de la vie selon le devoir et de la béatitude. La parole biblique, comprise selon l’acception très forte du devoir, peut être dite aussi bien éthique que religieuse. « L’amour a existé aussi dans le paganisme ; mais le fait de devoir aimer, voilà un changement venant de l’éternité — et tout est devenu nouveau. Quelle différence entre ce jeu du sentiment, de l’instinct, de l’inclination et de la passion, bref ce jeu des forces de l’immédiateté, cette splendeur chantée par la poésie dans le rire ou les larmes, dans le désir ou le regret, quelle différence entre tout cela et le sérieux de l’éternité, du commandement en esprit et en vérité, en sincérité et en abnégation! » [10].

13On remarque alors un point capital, à savoir que l’amour, qui est la loi de la vie morale, devient le principe de l’autonomie. On peut y voir sinon une réplique à Kant (qui d’ailleurs n’est pas nommé), au moins une thèse nettement différente et pourtant similaire. Il s’agit bien en effet de sauvegarder l’autonomie, mais en changeant son point d’application, et même en le plaçant exactement au point opposé de Kant. Ici, l’amour est élevé au statut de devoir ; ce qu’il comporte de pathologique (comme penchant ou inclination) est transformé et transfiguré par son rapport à l’universel [11]. Ainsi, au lieu d’une extériorité et d’un antagonisme entre devoir et amour, entre une loi universelle et intangible et un sentiment particulier et fluctuant, il y a identité ; l’amour, n’étant plus un simple sentiment mobile et vague, mais recevant du devoir la marque du nécessaire et de l’universel, devient la règle de la vie morale. « Dès que l’amour, dans son rapport à son objet, ne se rapporte pas en ce rapport à un égal degré à soi-même, il est, bien que pourtant totalement dépendant, dépendant au sens erroné du terme, il a la loi de son existence en dehors de soi-même et il est ainsi dépendant au sens du corruptible, du terrestre et du temporel. Mais l’amour qui a subi le changement de l’éternité en devenant devoir et qui aime parce qu’il doit aimer, cet amour est indépendant, il a la loi de son existence dans son rapport même d’amour avec l’éternel. Cet amour ne peut jamais devenir dépendant au sens erroné, car la seule chose dont il dépende est le devoir, et le devoir seul rend libre » [12]. Kierkegaard oppose ainsi deux espèces de dépendance, et il explique que l’une est en vérité une indépendance. S’il s’agit d’une dépendance à l’égard d’un être extérieur à soi ou de quelque chose d’étranger à soi, c’est une mauvaise dépendance, celle de l’hétéronomie. Mais s’il s’agit d’une dépendance par laquelle l’amour ne se rapporte qu’à soi-même sur le mode de l’universel, c’est alors une bonne dépendance ; c’est même en vérité une indépendance ; c’est exactement l’indépendance de l’amour comme autonomie.

14Ainsi Kierkegaard assume entièrement l’exigence kantienne d’autonomie (le sujet moral trouve en soi la loi de son action), mais il déplace et même renverse le lieu de cette loi, en la situant dans l’amour, qui n’est plus pathologique mais vraiment moral. La théorie éthique demeure bien de type déontologique, l’action étant déterminée par le devoir ; ce n’est donc plus une éthique du choix ou de la décision personnelle, mais du commandement universel. C’est peut-être en cela qu’elle se distingue le plus nettement de la première éthique qui, étant sociale mais d’abord personnelle, est conçue en fonction de l’accomplissement de la subjectivité. Reste alors à exposer en quoi cette nouvelle éthique, comme éthique du devoir universel, est bien existentielle. Ceci est précisément la fonction des deux autres éléments, qui sont tous deux personnels et d’ailleurs corrélatifs, renvoyant à l’autre homme (sous la forme vocative et unique du tu) et au prochain (sous la forme de l’universel).

15Le deuxième point porte ainsi sur l’objet du devoir d’aimer ; c’est un objet très spécifique, à savoir le prochain. « C’est en effet l’amour chrétien qui découvre et sait que le prochain existe et, ce qui revient au même, que chacun est le prochain. Si ce n’était pas un devoir d’aimer, alors il n’y aurait pas non plus de concept de prochain ; mais c’est seulement quand on aime le prochain que l’élément égoïste est extirpé de la prédilection et qu’est préservée l’égalité de l’élément éternel » [13].
Ce qui est en cause, c’est le concept de prochain ; il est établi par conquête et par différence ; il est conquis à partir du je, ou encore d’un autre individu qui n’est qu’un je, un alter ego, un autre je simplement identique au premier, par exemple un ami ou un être aimé, considéré comme un double du je ou même son reflet dans le miroir. Le point de départ est donc le moi individuel. Alors, pour signifier l’ouverture à autrui, à tout autre, c’est-à-dire à un autre qui soit universel, il faut d’abord sortir de soi, il faut rompre avec le je immédiat, celui qui ne fait que se contempler dans l’autre. S’il y a bien une apparence de dualité, puisqu’il y a deux individus, ce n’est pas encore une vraie dualité. Précisément, il n’y a de dualité, de vraie distinction entre moi et un autre que s’il y a un tiers, une référence transcendante à chacun. Il faut pour cela que l’individu passe de l’amour de soi (entendu comme amour propre, comme repliement sur soi et enflure du moi) à l’abandon et au reniement de soi, que donc l’autre devienne premier dans sa différence même, tout en restant identique comme homme. L’autre homme est le même que moi et pourtant différent de moi. Ceci requiert le concept d’égalité. Alors le concept de tiers se dédouble. Par le recours à l’autre comme tiers, c’est-à-dire un autre qui certes est un tu mais qui surtout est universalisable, qui donc n’est pas tel particulier, est reconnue une égalité entre tous les hommes ; il y a ainsi une sortie de soi et un dépassement d’une fausse dualité (celle du miroir) vers une dualité vraie, celle de la différence, qui n’est établie que par ce rapport de mesure à un élément commun, un élément apporté par l’autre en tant que tel. La référence à l’autre comme tiers (et non plus seulement comme tu), c’est la reconnaissance d’un élément indépendant de chacun, d’un être intermédiaire, qui constitue le principe de l’égalité entre tous, c’est-à-dire entre les divers je. On passe ainsi du tiers comme personnel au tiers comme impersonnel. Telle est la mutation que l’on reconnaîtra dans le texte suivant. « L’être aimé et l’ami sont donc appelés, d’une manière remarquable et profonde, l’autre moi, l’autre je — car le prochain est l’autre tu ou, très exactement, le tiers de l’égalité. L’autre moi, l’autre je. Mais où réside l’amour de soi ? Il réside dans le je, dans le moi. L’amour de soi ne consisterait-il pas alors aussi à aimer l’autre je, l’autre moi ? […] Mais pourtant le prochain est précisément la détermination intermédiaire du renoncement à soi, qui s’interpose entre le je et le je de l’amour de soi, mais aussi entre le je de l’amour et de l’amitié et l’autre je » [14].
Pour concevoir ce qu’est le prochain, il faut donc avoir recours au concept d’égalité, comme concept qui neutralise toutes les différences, qui transcende toutes les particularités. Ceci requiert alors un autre concept, celui d’absolu ou d’inconditionné ; en effet, l’égalité ne peut être établie que si toute particularité est supprimée et toute condition abolie. Face à l’absolu, les différences peuvent être tenues pour insignifiantes. Alors le prochain est inconditionnellement l’égal de tout homme. Cet inconditionnel est à entendre selon deux acceptions, l’une extensive (cela vaut pour tous ; chacun est le prochain de chacun) et l’autre compréhensive (cela fait partie des caractéristiques de chacun ; en tant qu’homme, chacun est le prochain). C’est exactement ce qu’expose le texte qui conclut le deuxième discours sur le précepte d’amour. « Le prochain est l’égal. Le prochain n’est pas la bien-aimée pour laquelle tu as une prédilection passionnée, ni non plus ton ami pour lequel tu as une prédilection passionnée. Le prochain n’est pas non plus, si tu es toi-même un homme cultivé, cet homme cultivé avec qui tu as une égalité de culture — car avec le prochain tu as l’égalité de l’homme devant Dieu. […] Le prochain, c’est chaque homme ; car il n’est pas ton prochain par sa différence, ni non plus par son égalité avec toi dans votre différence à l’égard des autres hommes. C’est par l’égalité avec toi devant Dieu qu’il est ton prochain ; mais cette égalité, inconditionnellement chaque homme l’a et il l’a inconditionnellement » [15].
Le troisième moment de l’examen porte sur le sujet grammatical de la proposition, qui est aussi le sujet éthique : tu. Mais il ne s’agit plus d’une analyse sémantique. C’est par une présentation totalement scénique, au moyen de situations empruntées à la Bible ou encore à la vie la plus ordinaire, que ce point est examiné. Dans la situation où il se trouve, chacun est personnellement appelé ; il est en position de devoir accomplir une action ; il lui incombe d’effectuer cette tâche-ci, déterminée par la situation, et cela dans chaque occasion de sa vie. Ainsi la dimension existentielle n’a pas besoin d’être thématisée ; il suffit qu’elle soit présentée dans une mise en scène. Or, si chacun est appelé, il l’est par quelqu’un, et ce quelqu’un c’est précisément chacun, c’est tout homme. Chacun est ainsi tout autant l’appelant que l’appelé, les positions étant toujours réversibles. Le commandement est universel aussi bien par son destinataire (le prochain) que par son sujet (quiconque sous la forme vocative du tu). Le tu est strictement universel et en même temps toujours singulier, sa singularité requérant précisément l’ouverture à l’universel. « Le propre de la jeunesse est de vouloir être le seul je dans le monde ; le propre de la maturité est d’entendre ce tu comme soi-même, quand bien même il ne serait adressé à nul autre homme. Tu dois, tu dois aimer le prochain. O! mon cher auditeur, ce n’est pas à toi que je parle, c’est à moi, à qui l’éternité dit : tu dois » [16].
On s’arrêtera sur cette question de l’autonomie et du rapport à Kant. Dans notre texte, nous remarquons une défense de l’autonomie (sans toutefois que le mot soit prononcé et sans aucune référence à Kant). Or, dans un texte plus tardif des Papirer (1850), Kierkegaard se réfère expressément à Kant, mais c’est pour expliquer que la thèse de l’autonomie est inconsistante.
« Kant pensait que l’homme était à lui-même sa loi (autonomie), c’est-à-dire qu’il se liait sous la loi qu’il se donnait. Par là, ce qui est proprement posé, au sens le plus profond, c’est l’absence de loi ou l’expérimentation. Cela appartient aussi peu au sérieux le plus strict que les coups de bâton que Sancho Pança se donne de ses propres mains sur le derrière. Il est impossible que, en A, je puisse être vraiment plus strict que je le suis en B ou que je désire l’être. Il faut de la contrainte pour qu’il y ait du sérieux. Si rien de plus haut que moi-même ne me lie et si je dois me lier moi-même, d’où aurais-je alors comme A, qui lie, la rigueur que je n’ai pas comme B, qui doit être lié, si A et B sont le même moi » [17].
En rapportant ce texte à la thèse des Œuvres de l’amour, on comprendra en quoi Kierkegaard s’oppose à la thèse kantienne, sans pourtant que la possibilité de l’autonomie soit exclue. Dans ce rapport à Kant — et en laissant de côté ce qu’a de caricatural et même de burlesque la référence à Sancho Pança — l’important est de déterminer ce qui est en cause. Ramenée à l’essentiel, la critique de Kierkegaard est que la thèse de l’autonomie repose sur un cercle vicieux. On présuppose que le sujet qui doit s’appuyer sur la loi est lui-même le point d’appui de cette loi ; on s’accorde ce que l’on a à établir. On construit la fiction d’un dédoublement du sujet moral en un principe législateur et en un individu assujetti à la loi. Or ce dédoublement, à supposer qu’il soit possible, ne peut pas rendre compte d’une indispensable indépendance et transcendance du principe moral. Il est nécessaire que, de quelque manière, il y ait une extériorité du principe. Sera-ce alors une éthique de l’hétéronomie ? Il est bien certain qu’elle aura rapport à un élément d’altérité, exactement un élément tiers. Mais ce tiers, s’il est autre que moi, doit pourtant être aussi le même que moi et avoir quelque élément commun avec moi. Il faut surtout que ce tiers ait une transcendance ; pour qu’il m’oblige ou me lie, il faut qu’il me soit supérieur. La question de Kierkegaard est celle du tiers indispensable pour fonder la moralité. À s’approfondir en soi, à chercher à découvrir en soi le principe de la loi, on risque de s’illusionner en s’engageant dans une attitude narcissique. Il faut au contraire affirmer la différence, et même une différence absolue, entre moi-même et la loi. Cela requiert de sortir de soi, non pas seulement de soi comme être particulier, mais bien de la condition humaine habituelle, c’est-à-dire de la seule subjectivité, même entendue comme structure universelle de l’être raisonnable. C’est à cette condition seulement que la transcendance de la loi sera assurée. La loi ne peut être qu’autre chose que la subjectivité, plus haute qu’elle et en dehors d’elle.
Or, dans les Œuvres de l’amour, la question est abordée différemment. C’est bien encore le caractère de transcendance qui importe ; mais cette transcendance, c’est l’amour. C’est ainsi sur la nature de l’amour que porte la question. Cet amour ne provient pas du sujet lui-même, qui ainsi n’en est pas le principe. Pourtant cet amour ne lui est ni extérieur ni étranger ; il est en lui en tant qu’il lui est donné, révélé par un autre ; ainsi l’amour est-il découvert en soi-même par le sujet. De ce fait, la question n’est plus de choisir entre autonomie et hétéronomie. Le texte capital est bien celui des Œuvres de l’amour, et il va tout à fait dans le sens de l’autonomie. Reste à préciser celle-ci. Comment accorder transcendance et autonomie ? Le reproche adressé à Kant est de manquer le rapport d’altérité, de ne pas reconnaître une positivité de l’autre dans la constitution de la vie éthique. En me référant à l’autre, en reconnaissant la loi d’un autre, je m’assujettirais à quelqu’un d’étranger et je me rendrais ainsi étranger à moi-même, me privant d’une part de mon identité. À l’inverse, la thèse de Kierkegaard est que l’individu ne peut devenir soi ou accéder à son ipséité qu’en se fondant sur l’être qui l’a posé, qu’en reconnaissant d’abord sa différence et sa dépendance par rapport à cet être et en prenant appui sur cet être dont le premier caractère est l’amour. Il y a d’ailleurs là des points à distinguer. L’altérité a deux significations. Elle concerne l’autre personne, et cet autre (le prochain) ne m’est pas étranger ; il est moi-même sous la forme de l’ouverture universelle à tous les autres. Elle signifie d’autre part l’être infiniment transcendant à moi (c’est l’altérité au sens strict). Quant à l’amour comme commandement, il n’est pas un élément d’hétéronomie ; sa transcendance, qui est celle même de la loi, est simplement la garantie de l’immuabilité.


Date de mise en ligne : 01/10/2010

https://doi.org/10.3917/rspt.862.0229

Notes

  • [1]
    Cette distinction est un point sur lequel revient constamment H.-B. Vergote dans son livre Sens et répétition (Paris, Cerf/Orante, 1982) sur le mode de la référence cursive. Voir Le concept d’angoisse, SV IV 324 sq. ; O. C. VII 122 sq. Nous citerons les textes 1/ d’après la deuxième édition danoise des Samlede Værker (Copenhague, Gyldendal, 1920-1936), 2/ d’après l’édition des Œuvres complètes (traduction de P.-H. Tisseau et E.-M. Jacquet-Tisseau ; Paris, Orante, 1966-1986). La traduction sera souvent refaite.
  • [2]
    On peut sur ce point se référer conjointement aux textes de Ou bien — ou bien, où les deux dimensions sont bien explicitées, et cela en rapport avec la vie d’un individu, et à ceux du Post-scriptum, avec la relation entre la vie intérieure et la manifestation extérieure.
  • [3]
    Pour cette question, nous renvoyons à notre livre Kierkegaard. Existence et éthique (Paris, PUF, 1997), chap. II : « L’éthique : entre décision et norme ». À propos de la conception kierkegaardienne de l’éthique, on se reportera utilement aux pages que lui consacre F. Bousquet dans son beau livre Le Christ de Kierkegaard (Paris, Desclée, 1999). L’œuvre est interrogée spécialement en fonction de l’existence religieuse, mais c’est bien toute la production qui est prise en compte d’une manière très instruite.
  • [4]
    Pour ce point, on se reportera aux Leçons sur la dialectique de la communication éthique et éthico-religieuse (1847).
  • [5]
    Voir Post-scriptum, SV VII 80-81 ; O. C. X 87.
  • [6]
    SV IX 65 ; O. C. XIV 48.
  • [7]
    SV IX 40 ; O. C. XIV 27.
  • [8]
    SV II 285 ; O. C. IV 236-237.
  • [9]
    Voir saint Paul, 2 Co, 5, 17.
  • [10]
    SV IX 36 ; O. C. XIV 23-24.
  • [11]
    Cette opposition à Kant n’a d’ailleurs rien de simple, la question étant même posée en des termes apparentés. Kant a traité du devoir d’aimer dans les Fondements de la métaphysique des mœurs (1ère section). S’il peut bien y avoir une loi qui commande à quelqu’un de travailler à son bonheur, la conduite n’a une valeur morale que si c’est un commandement par devoir. Kant se rapporte alors au précepte biblique. « Ainsi, sans aucun doute, doivent être également compris les passages de l’Écriture où il est ordonné d’aimer son prochain, même son ennemi. Car l’amour comme inclination ne peut pas se commander ; mais faire le bien précisément par devoir, alors qu’il n’y a pas d’inclination pour nous y pousser, et même qu’une aversion naturelle et invincible s’y oppose, c’est là un amour pratique et non pathologique, qui réside dans la volonté, et non dans le penchant de la sensibilité, dans des principes de l’action, et non dans une compassion amollissante ; or cet amour est le seul qui puisse être commandé » (Ak, IV, 399 ; Œuvres philosophiques, Paris, Gallimard « Pléiade », t. 2 ; trad. Delbos et Alquié, p. 258). Il y a donc bien un amour pratique, mais seulement en tant que rapporté au critère de la raison. Dans la Doctrine de la vertu (Introduction, XII), Kant distingue entre l’amour comme inclination (amour de complaisance) et l’amour comme bienveillance (amour de bienfaisance), qui seul peut être moral.
  • [12]
    SV IX 51 ; O. C. XIV 36-37.
  • [13]
    SV IX 57 ; O. C. XIV 42.
  • [14]
    SV IX 68 ; O. C. XIV 50-51.
  • [15]
    SV IX 75 ; O. C. XIV 57.
  • [16]
    SV IX 108 ; O. C. XIV 83.
  • [17]
    Papirer, X 2 A 396. Nous avons déjà examiné ce texte dans notre Kierkegaard. Penser le singulier, Paris, Cerf, 1993, chap. VI, p. 195 sq.

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