Notes
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[1]
L’auteur remercie M. le Professeur Kees Meerhoff pour sa correction du français de cet article.
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[2]
Kees Meerhoff, Rhétorique et poétique au xvie siècle en France. Du Bellay, Ramus et les autres, Leiden, Brill, 1986, p. 178, p. 221-222.
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[3]
Ibid., p. 179.
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[4]
Petrus Ramus, Dialectica, Hans Günter Zekl (trad., intro. et notes), Würzburg, Konigshausen & Neumann, 2011, p. 251-373.
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[5]
Arguments in Rhetoric against Quintilian : Translation and Text of Peter Ramus’s Rhetoricae distinctiones in Quintilianum (1549), Carole Newlands (trad.), James J. Murphy (intro.), DeKalb, IL, Northern Illinois University Press, 1986, 2010 ; Peter Ramus’s Attack on Cicero : Text and Translation of Ramus’s Brutinae Quaestiones, J. J. Murphy (intro.), C. Newlands (trad.), Davis, CA, Hermagoras Press, 1992.
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[6]
Petri Rami Veromandui Brutinae quaestiones in Oratorem Ciceronis..., Parisiis, Apud Iacobum Bogardum, 1547. Walter J. Ong, Ramus and Talon Inventory : a Short-Title Inventory of the Published Works of Peter Ramus (1515-1572) and of Omer Talon (1510-1562), Cambridge, MS., Harvard University Press, 1958, n° 55. On a utilisé l’exemplaire de la Bayerische Staatsbibliothek à Munich, numérisé par Google. Pour l’Orator, on a utilisé l’édition parue dans la Collection des Universités de France : Cicéron, L’Orateur. Du meilleur genre d’orateurs, Albert Yon (texte et trad.), Paris, Les Belles Lettres, 1964, 2008².
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[7]
W. J. Ong, Ramus and Talon Inventory, op. cit., n° 56. Voir pour quelques remarques générales sur les différences entre les deux éditions Peter Ramus’s Attack on Cicero, op. cit., p. xxxi-xxxiii. Avant la publication dans les Scholae liberales de 1569, les Brutinae Quaestiones furent encore publiées en 1552 (W. J. Ong, Ramus and Talon Inventory, op. cit., n° 57).
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[8]
K. Meerhoff, Rhétorique et poétique au xvie siècle en France, op. cit., p. 201-202.
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[9]
J. J. Murphy, Peter Ramus’s Attack on Cicero, op. cit., p. xxxii-xxxiii.
-
[10]
P. Ramus, Brutinae quaestiones (1547), op. cit., f. 23v : « Perfectus orator est, qui potest parva summisse, mediocria temperate, magna graviter dicere ; Cicero haec omnia copiosissime praestitit : est igitur perfectus orator. »
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[11]
Ibid., f. 1r.
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[12]
Par exemple ibid, f. 1v : « M. Tulli », f. 2v : « ais », etc., f. 3v : « Quid respondes ? », f. 5r : « inquies », etc.
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[13]
Par exemple ibid., f. 6v : « at deum immortalem, quid tibi vis ? », f. 11v : « obsecro, mi Cicero, desine hasce magnificas nugas tanti venditare », et une exclamation hyperbolique, ibid., f. 5v : « Poeticus est iste furor, Mar. Cicero, quo te potius in hanc cogitationem impulsum, quam firma ratione adductum sentio. »
-
[14]
Ibid., f. 2r : « in arte vero rhetorica, quo iure ista permiscere potius licebit ? », f. 18v : « Quid enim est igitur ista sapientia ? Dialecticane ? », etc.
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[15]
Ibid., f. 9r : « Quousque tandem confusionem artium tantam perferemus ? » (Jusqu’à quand, enfin, supporterons-nous une telle confusion des arts ?).
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[16]
Ibid., f. 36v : « cedant arma togae, concedat laurea linguae » (cité par Ciceron lui-même, De officiis, 1.77) et « O fortunatam natam me consule Romam » (cité par Juvénal, Satire 10.122).
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[17]
Par exemple, ibid., f. 36v : « Quoties iam quoties numerus oratorius a poetico distinctus & segregatus est, ne poëmatis similis esset oratio ? » (Mais combien de fois, enfin, combien de fois a-t-on distingué et séparé le nombre oratoire du nombre poétique ?).
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[18]
Voir Orator, par. 3 sq. Au cours de son bref traitement des tâches de l’orateur, Cicéron souligne que ce traitement constitue une sorte de digression (par. 54), qui se prolonge jusqu’au paragraphe 60. Voir l’Appendice 1 pour un aperçu du contenu suivant l’édition de Wilhelm Kroll, 1913 (M. Tullii Ciceronis Orator. Als Ersatz der Ausgabe von Otto Jahn erklärt von Wilhelm Kroll, Berlin, Weidmannsche Verlagsbuchhandlung, 1913, réimpression photomécanique 1961, p. 7-8).
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[19]
Selon A. Yon, comme selon Ramus, le traité se divise en deux parties (dans Cicéron, L’Orateur, op. cit., p. xviii).
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[20]
P. Ramus, Brutinae quaestiones (1547), op. cit., f. 2r : « Verum quid ista cohortatione tam bella, tam magnifica, tam ad eloquentiae tuae iactationem apta nobis opus fuit ? Auditorem habes, quoniam disciplinae leges instituis, non forenses causas agis, sua sponte vel potius utilitate ad audiendum paratum, praesertim cum disputationis tuae initio id abunde perfectum sit. » (Mais cette si belle, si magnifique exhortation, pourquoi donc était-elle nécessaire pour nous ? Tu as l’attention de l’auditeur puisque tu enseignes les règles de l’art, tu ne parles pas devant les juges. Ton auditeur est prêt à écouter volontairement ou plutôt à son propre avantage, surtout parce que tu avais suffisamment obtenu ce résultat au début de ta discussion [c.à.d. aux paragraphes 1-2]).
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[21]
Cicéron fait mention des figures aux paragraphes 134-139. Ramus critique ce passage en détail, ibid., f. 23v-25v.
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[22]
Ibid., f. 25v sq.
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[23]
Ibid., f. 26v : « Quare desine in praeceptis ponere, quod tam fallere possit ignorantem, quam adiuvare. »
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[24]
Le petit traité De optimo genere oratorum constitue une introduction par Cicéron à sa traduction, aujourd’hui perdue, de deux discours grecs.
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[25]
Voir l’Introduction de l’édition par A. Yon, dans Cicéron, L’Orateur, op. cit., p. xv-xvii.
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[26]
Ibid., p. xvii-xviii.
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[27]
P. Ramus, Brutinae quaestiones (1547), op. cit., f. 1-23v.
-
[28]
Ibid., f. 23v.-43v.
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[29]
Voir l’Appendice 1.
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[30]
P. Ramus, Brutinae quaestiones (1547), op. cit., f. 2v : « Artium enim omnium quamvis usus communi quodam quasi vinculo nexus coniunctusque sit, institutiones tamen distinctae esse debent. » (Bien que la pratique de tous les arts soit liée et unie pour ainsi dire par une attache commune, les théories doivent pourtant être distinctes).
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[31]
Ibid., f. 2r : « ...est enim grammatica simplex, & prima doctrina, & primo loco pueris ex suis tantum institutis explicanda : secundo rhetorica, tertio dialectica, ac deinceps reliquae artes suo quaelibet ordine perdiscendae sunt. Hunc docendi qui non tenet ordinem, artes non instituit, sed confundit. In arte vero rhetorica, quo iure ista permiscere potius licebit ? [...] » (car la grammaire est la simple et la première théorie, et doit être enseignée aux enfants en premier lieu à partir de ses propres principes, en deuxième lieu la rhétorique, en troisième lieu la dialectique, et puis les autres arts doivent être appris à fond dans leur ordre propre. Celui qui ne suit pas cet ordre n’enseigne pas les arts, mais les confond. De quel droit sera-t-il donc permis de mélanger tout cela dans l’art de la rhétorique ?). Voir aussi la citation en note 38.
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[32]
Ibid., f. 4v-5r.
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[33]
Ibid., f. 7r.
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[34]
Les sophistes étaient des maîtres de rhétorique (et de philosophie) qui enseignaient l’art de parler et qui donnaient des discours de circonstance pour leurs élèves et le public des lettrés, mais qui généralement n’étaient pas des orateurs professionnels dans les champs juridique et politique. La référence montre la connaissance qu’a Ramus des circonstances socio-historiques dans lesquelles fonctionnait l’éloquence dans l’Antiquité gréco-romaine.
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[35]
Ibid., f. 7r-8r.
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[36]
Ibid., f. 8v.
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[37]
Ibidem.
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[38]
Ibid., f. 9r.
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[39]
Ibid., f. 8v-9r ; f. 9v : « Usus artium, ut antea iam dixi, copulatus est persaepe, praecepta tamen confundenda non sunt, sed propriis et separatis studiis declaranda » (Comme j’ai déjà dit, l’usage des art est très souvent combiné, mais les préceptes ne doivent pas être entremêlés, mais doivent être expliqués dans des études séparées et propres à chacun des arts). Voir aussi la citation en note 30.
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[40]
Ibid., f. 24r.
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[41]
Ibid., f. 24r-25v.
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[42]
Ibid., f. 25v jusqu’à la fin de 40v.
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[43]
K. Meerhoff, Rhétorique et poétique au xvie siècle en France, op. cit., p. 201.
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[44]
P. Ramus, Brutinae quaestiones (1547), op. cit., f. 40v. sqq.
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[45]
Voir la légende « Grammaticae, Rhetoricae, Dialecticae, distinctiones » en marge d’un passage où Ramus explicite le champ des arts du Trivium (P. Ramus, Rhetoricae distinctiones in Quintilianum, Paris, M. David, 1549, p. 5).
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[46]
Les trois ouvrages ne furent publiés ensemble qu’en 1569, dans les Scholae in liberales artes, comprenant les Scholae rhetoricae, livres 1-20 (livres 1-8 : in Ciceronis Oratorem, livres 9-20 : in Quintiliani libros) et les Scholae dialecticae, livres 1-20).
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[47]
W. J. Ong, Ramus and Talon Inventory, op. cit., n° 183-185. Avant la publication dans les Scholae in liberales artes de 1569, le traité fut encore publié à Cologne, en 1556, chez Walther Fabritius, et à Paris, en 1559, chez André Wechel (ibid., n° 186-187). Exemplaires consultés : éd. de 1549, M. David, exemplaire de la Staatliche Bibliothek de Regensburg, numérisé par Google ; éd. de 1550, M. David, exemplaire de provenance inconnue, numérisé par Google.
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[48]
Pour l’Institutio oratoria, on a consulté l’édition parue dans la Collection des Universités de France : Quintilien, Institution oratoire, Jean Cousin (texte et trad.), 7 vol., Paris, Les Belles Lettres, 1975-1980, 2003².
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[49]
Voir l’Appendice 2.
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[50]
Par exemple P. Ramus, Rhetoricae distinctiones (1549), op. cit., p. 51 : « O dialecticum et acutum divisorem ! » (à propos de la division aristotélicienne des preuves en preuves techniques et extra-techniques, Inst. orat. 5.9.1). Ibid., p. 52 : « At tu, Quintiliane,... Imo vero Quintiliane,... » (à propos de la division des preuves techniques en indices, arguments, exemples, Inst. orat. 5.9.2). Ibid., p. 70 : « O philosophi, o dialectici, et veri rerum iudices, considerate quae sunt, et cuiusmodi quae dico, quae propono : pudet enim me, pudet tam putidam, tam insulsam loquacitatem,.... » (à propos de l’amplification et des genres de traits, Inst. orat. 8.4 et 5).
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[51]
Ibid., p. 56.
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[52]
Ibid., p. 57 : « Si Quintilianus distinctas inventionis et dispositionis artes cognovisset, et ad earum normam Ciceronis orationes expendisset, reperisset in Ciceronis orationibus syllogismos frequentiores, quam possent in ullis philosophorum scriptis notari. Hic Aristotelis error Quintilianum fefellit, qui simpliciter Aristotelis illud commentum sequutus est, numquam attendit, an hoc vere diceretur. » (Si Quintilien avait connu les arts distincts de l’invention et de la disposition et s’il avait jugé les discours de Cicéron selon leurs critères, il aurait trouvé plus de syllogismes dans ses discours que l’on peut en relever dans toutes les œuvres des philosophes. C’est l’erreur d’Aristote qui l’a induit en erreur, en suivant tout simplement cette fiction d’Aristote et en ne se posant jamais la question de savoir si elle est vraie).
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[53]
Ibid., p. 33 : « Tria causarum genera a Quintiliano primum constituuntur, demonstratio, deliberatio, iudicium : eiusque partitionis Aristoteles author adhibetur, is scilicet, qui omnium in hac arte tenebrarum inventor & author propemodum solus fuit, qui dialecticam inventionem primus in rhetorica arte conturbavit, qui quaestiones tam inepte, tamque ridicule (quam in Aristotelicis animadversionibus docuimus atque hic repetemus) distribuit. »
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[54]
Voici la définition ramusienne des trois arts la plus détaillée des Rhetoricae Distinctiones, op. cit., p. 30 : « Dialectica mentis et rationis tota est, rhetorica et grammatica sermonis et orationis : Dialectica igitur inventionis, dispositionis, memoriae (quia mentis omnino sunt, et intus sine ullo linguae aut orationis auxilio exerceri possunt, ut in plerisque mutis, ut in multis populis, qui sine sermone ullo vivunt) artes proprias habebit. Grammatica tribuetur ad bene loquendum atque scribendum, in interpretatione etymologia, in coniunctione syntaxis, in syllabarum brevium et longarum pronuntiatione prosodia, in recta scribendi ratione orthographia. Rhetoricae igitur ex sermonis et orationis cultu partes duae solae propriae reliquentur, elocutio et actio ; proprium praeterea ac suum rhetorica nihil habebit. » (La dialectique porte entièrement sur l’intellect et la raison, la rhétorique et la grammaire sur le langage et la parole ; la dialectique aura donc les arts propres de l’invention, la disposition et la mémoire, puisqu’elles appartiennent entièrement à l’esprit et qu’elles peuvent être pratiquées sans aucune aide de la langue et du discours, comme chez la plupart des muets, chez beaucoup de peuples qui vivent sans parler. À la grammaire sera accordé le bien parler et le bien écrire, à l’étymologie l’explication des mots, à la syntaxe la construction des mots, à la prosodie la prononciation des syllabes courtes et longues, à l’orthographie la manière d’écrire sans fautes. Pour la rhétorique, il ne restera donc que deux parties de l’étude du langage et du discours, à savoir l’élocution et l’action ; pour le reste, la rhétorique n’aura rien qui lui soit propre) (à propos de Inst. orat. 3.3, où Quintilien présente les parties de la rhétorique : invention, disposition, élocution, mémoire, action).
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[55]
Ramus ajoute ici qu’il en est de même pour l’arithmétique et la géométrie, qui sont également des vertus de l’esprit.
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[56]
Ibid., p. 3 : « Axioma igitur nostrum teneamus, & hoc syllogismi fundamentum ponatur : | Artificis definitio vitiosa est, quae plus complectitur, quam est artis finibus inclusum. | Tum hoc posito fundamento assumamus : | At artificis oratorii definitio nobis a Quintiliano tradita plus amplectitur quam est artis finibus inclusum. | Rhetorica enim ars non est, quae omnes animi virtutes explicet. De virtutibus moralibus et de virtutibus intelligentiae ac mentis proprie permulta et eleganter Ethici philosophantur [...]. Concludo igitur, | Quare Fabiana ista oratoris definitio vitiosa est » (à propos de Inst. orat., I, préface § 9).
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[57]
Ibid., p. 28 : « Quinque proximis [sc. libris, i.e. les livres 3-7] de Dialectica agitur, de inventione quippe et dispositione. Ergo de his partibus deinceps, et capitibus etiam singulis est disserendum » (Dans les cinq livres suivants il s’agit de la dialectique, à savoir de l’invention et de la disposition. Il faut donc parler maintenant de ces parties, et même des chapitres individuels).
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[58]
Ibid., p. 40 : « Sed ad ipsas inuentionis artes, quae docentur a Quintiliano, in generibus caussarum, in partibus orationis, in locis communibus veniamus :... » (Mais venons-en aux trois arts de l’invention enseignés par Quintilien, dans les genres de causes, dans les parties du discours, et dans les lieux communs). À noter que Ramus utilise ici le terme « lieu commun » non pas dans le sens d’une réflexion générale et consensuelle ; ailleurs, il appelle l’analyse de l’invention par rapport aux genres de causes et aux parties du discours par Quintilien la théorie de l’invention spéciale (specialis inventionis doctrina), et son analyse des lieux généraux la théorie de l’invention universelle (universae inventionis doctrina). Ibid., p. 50.
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[59]
Ibid. : « ...nihil nisi decem nostros locos in his confundi doceamus, melius nihil ostendi, quo iuuentus instrui atque adiuuari possit ostendemus » (... faisons voir que nos dix lieux sont mélangés dans ceux-ci [c’est-à-dire les trois arts de l’invention de Quintilien], et nous montrerons que rien de mieux ne peut être présenté qui puisse instruire et aider les jeunes gens).
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[60]
Ibid., p. 53-57.
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[61]
Ibid., p. 58.
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[62]
Dans le texte omis, Ramus donne la définition des quatre tropes provenant de sa Rhétorique (Audomari Talaei Rhetorica... tertia editio ab authore recognita & aucta, Paris, M. David, 1549, p. 6 sq., avec exemples).
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[63]
Dans le texte sauté, Ramus explique que les glissements de sens provenant de ces topiques ou catégories de choses sont les seuls qui existent, parce que les choses apparentées (coniugata) et l’étymologie (notatio) appartiennent aux circonstances attachées à la chose, non à sa signification.
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[64]
Ibid., p. 78 : « Omnis mutatio propriae significationis ex causis ad effecta, subiectis ad adiuncta, dissentaneis ad dissentanea, comparatis ad comparata, toto ad partem, contrave, est metonymia, ironia, metaphora, synecdoche [....]. | Omnis autem tropus est mutatio propriae significationis in verbo ex causis ad effecta, subiectis ad adiuncta, dissentaneis ad dissentanea, comparatis ad comparata, toto ad partem, contrave. [...] | Omnis itaque tropus est metonymia, ironia, metaphora, synecdoche. »
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[65]
Ibid., p. 78 : « Verumtamen fallor fortasse, & inconsyderato investigandae veritatis studio inductus longius progredior, quam fines dialectici syncerique iudicii postulent. »
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[66]
Petrus Ramus, Scholae in liberales artes, Basileae, per Eusebium Episcopium & Nicolai F. haeredes, 1569 (reproduction photomécanique Hildesheim-New-York, Georg Olms Verlag, 1969), col. 375.
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[67]
P. Ramus, Rhetoricae distinctiones (1549), op. cit., p. 97-98, en référence à Quintilien, Inst. orat., 10.1.16-19.
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[68]
Ibid., p. 101-104.
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[69]
Charles Waddington, Ramus (Pierre de la Ramée). Sa vie, ses écrits et ses opinions, Paris, Ch. Meyrueis et Cie, 1855, p. 27.
1La présente contribution a pour but d’offrir une analyse succincte des œuvres critiques de Ramus contre les deux grands rhéteurs de l’ancienne Rome, Cicéron et Quintilien, les Brutinae Quaestiones in Oratorem Ciceronis de 1547 et les Rhetoricae Distinctiones de 1549. Ramus a écrit ces ouvrages quelques années après la parution, en 1543, des Aristotelicae Animadversiones (Remarques contre Aristote) et de la première édition de sa dialectique, les Dialecticae Institutiones, deux traités qui forment la base de toute son œuvre ultérieure. Ce furent des années agitées dans la vie du jeune Ramus, qui virent la condamnation, en 1544, des deux traités parus en 1543, mais aussi sa nomination comme principal du Collège de Presles, en 1546. Avec son ami Omer Talon, il y enseignait le grec et le latin, et donnait des cours de rhétorique. Ces années virent aussi la publication des deux premières rhétoriques ramusiennes (Institutiones oratoriae, 1545, et Rhetorica, 1548, sous le nom d’Omer Talon), et du discours tenu en 1546, l’Oratio de studiis philosophiae et eloquentiae coniungendis (1547), signes certains du fait que la rhétorique était une des préoccupations majeures de Ramus en ce temps.
2Kees Meerhoff a montré que la Rhetorica de 1548 a comme « origine » les deux ouvrages critiques contre Cicéron et Quintilien [2]. Même après 1548, Ramus a continué à développer ses idées sur la rhétorique et notamment sur le nombre oratoire, comme Meerhoff l’a si bien montré en distinguant cinq étapes après la Rhetorica de 1548, commençant en 1555 avec la publication de la dialectique en français (par Ramus) et une rhétorique française par Fouquelin, qui est une adaptation de celle de Talon [3]. L’étude des œuvres critiques contre Cicéron et Quintilien par Kees Meerhoff concernait notamment ce que Ramus y dit à propos du style et plus particulièrement du nombre oratoire. Tout en reconnaissant l’importance des œuvres critiques pour l’évolution de la rhétorique ramusienne, ainsi que leur place dans la réforme du Trivium par Ramus, nous avons, pour la présente contribution, étudié ces textes pour voir, d’une part, ce qu’ils apportent à l’étude philologique sur les deux textes anciens (de Cicéron et de Quintilien) et, d’autre part, ce qu’ils disent sur la rhétorique antique, et finalement aussi pour juger s’il vaudrait la peine d’étudier leur place dans la tradition riche et variée des commentaires sur les textes importants de l’antiquité.
3Les Aristotelicae Animadversiones sont disponibles dans une traduction allemande (malheureusement sans le texte latin) qui rend le texte bien accessible par une division en chapitres et paragraphes, et par une bonne introduction et des notes explicatives [4]. Il n’existe toujours pas d’édition semblable des deux œuvres critiques contre Cicéron et Quintilien. La traduction anglaise des deux ouvrages par Carole Newlands, accompagnée des textes latins pauvrement édités, manquent de l’appareil philologique nécessaire pour rendre les textes accessibles au lecteur moderne [5]. Nous espérons que la présente contribution pourra servir de guide pour ceux qui désirent étudier les œuvres critiques contre Cicéron et Quintilien.
I. Les Brutinae Quaestiones in Oratorem Ciceronis
4Les observations critiques contre l’Orator de Cicéron, tout comme celles contre l’Institutio oratoria de Quintilien, montrent clairement que Ramus ne peut concevoir une œuvre théorique sur la rhétorique (et d’ailleurs toute œuvre théorique sur n’importe quel autre art) autrement que comme un manuel qui donne les règles de l’art avec clarté, de façon concise et purement méthodique, sans aucune indication concernant la pratique ou l’histoire de l’art en question. C’est cette conception de la seule bonne manière de réfléchir sur la théorie qui est la source principale de sa critique sur les deux ouvrages antiques. Cela dit, les œuvres critiques montrent aussi que Ramus avait une grande estime pour les théoriciens anciens, Cicéron et Quintilien, bien que plus pour Cicéron que pour Quintilien, et qu’il manifeste cette estime ici et là au cours de sa critique.
5Pour notre analyse des Brutinae Quaestiones (Questions de Brutus), nous avons pris comme point de départ la première édition de 1547 [6]. Cette édition fut remaniée pour la deuxième édition de 1549 ; c’est celle qui a été traduite en anglais par Carole Newlands [7]. Kees Meerhoff observe, à propos des passages sur le nombre oratoire, que l’édition de 1547 se borne à critiquer Cicéron, tandis qu’en 1549, Ramus oppose son propre système à ce qu’il voit comme le désordre de Cicéron, en donnant des définitions et des divisions que l’on retrouve presque littéralement dans les Rhetoricae distinctiones contre Quintilien, publiées la même année 1549 [8]. Une autre différence est l’usage de syllogismes. Selon James Murphy, « for the 1549 edition, Ramus re-wrote a number of what he calls “syllogisms” so that they could be indented and put in tabular form by the printer (a device also used in the attack on Quintilian) [9] ». Par contre, on ne trouve qu’un seul syllogisme dans la première édition, dans un passage où Ramus, commentant Cicéron qui parle des trois genres de style et se vante d’être un maître du pathos (Orator, 128-133, 129), loue, peut-être ironiquement, sa maîtrise des trois genres de style : « L’orateur parfait est celui qui est capable de parler des petites choses dans un style modeste, des choses ordinaires avec modération, des grandes choses avec une grande force ; Cicéron accomplit tout cela de manière très abondante : il est donc un orateur parfait [10]. » On reviendra sur les syllogismes dans les Rhetoricae Distinctiones in Quintilianum.
6Les Brutinae Quaestiones représentent d’une part un commentaire traditionnel, dans la mesure où Ramus suit la trame du discours dans l’Orator, avec de temps en temps une citation littérale, servant sans doute de point de repère pour les lecteurs. Mais elles constituent tout aussi bien un ouvrage littéraire, étant donné que Ramus crée la fiction selon laquelle c’est Brutus qui écrit une lettre à Cicéron. Celui-ci avait composé l’Orator pour Brutus, qui lui avait demandé quel genre de style il préférait et quel style lui paraissait être le plus parfait (Orator, 1-3). Ramus continue, pour ainsi dire, la discussion entre les deux Romains en introduisant Brutus qui avait remarqué que Cicéron était choqué parce qu’il avait osé condamner l’Orator dans une lettre à Atticus et à Cicéron. Ramus fait composer à Brutus une réponse à Cicéron pour expliquer les raisons de sa condamnation et montrer pourquoi, d’après lui, l’Orator prouve que Cicéron est un orateur asiatique plutôt qu’attique, et que la plupart des orateurs romains critiquent la redondance de son style, ses répétitions et sa vantardise [11]. C’est dans ce contexte fictif que Brutus, porte-parole de Ramus, va exprimer, dans un style vif et même passionné, sa surprise et son irritation devant le fait que Cicéron, grand orateur et grand homme d’État, ait écrit une œuvre si mal organisée, si peu cohérente, et, selon lui, si pleine d’erreurs. Le texte se caractérise par l’emploi de nombreux procédés de style pour donner une impression de vraisemblance au débat fictif entre Brutus et Cicéron ; ainsi, il y a beaucoup de cas d’apostrophes, où Brutus adresse directement la parole à son adversaire [12], souvent sous forme d’exclamation [13], ainsi qu’un grand nombre de questions rhétoriques [14]. De même, Ramus fait précéder sa critique au sujet de l’inclusion de l’invention et du jugement dans la rhétorique, et de l’identification du jugement avec la disposition oratoire (Orator, 43-54), par un persiflage du début de la première Catilinaire [15]. Ailleurs, Ramus condamne l’opinion de Cicéron selon laquelle une clausule peut être constituée par un dactyle, c’est-à-dire une syllabe longue suivie de deux courtes, suivi d’un spondée, c’est à dire deux syllabes longues (Orator, 117), parce que cette succession de pieds équivaut à la fin d’un hexamètre, ce qui est impossible, étant donné que le nombre est distinct en prose et en poésie. Pour illustrer son point de vue, Ramus cite deux vers héroïques de Cicéron lui-même qui se terminent avec cette succession de pieds [16]. Ce passage se caractérise d’ailleurs par une série de questions oratoires pour mettre en relief l’indignation de Ramus vis-à-vis de ce qu’il considère comme une erreur stupide de Cicéron [17], et la citation de deux vers de Cicéron sert à renforcer l’interpellation vive et querelleuse à l’adresse de Cicéron, accusé de ne pas mettre en pratique ce qu’il prêche.
7Passons au contenu. La question centrale de notre analyse est de savoir comment Ramus aborde l’œuvre cicéronienne et ce qu’il reproche à Cicéron, plus particulièrement, pour quelles raisons il pense que l’Orator est une œuvre théorique manquée. Il importe de constater que Ramus, dès le début, déclare que l’Orator est un manuel de rhétorique manqué ; ce qui est manifestement faux, puisque l’ouvrage ne se présente pas comme un manuel d’art oratoire, mais comme une étude, ou plutôt un essai, sur le meilleur genre de style [18]. La critique de Ramus est d’autant plus remarquable que lui-même affirme que l’Orator concerne principalement le style, comme en témoigne sa division de l’ouvrage en deux parties (1v), une partie comportant une réflexion sur le meilleur genre d’éloquence (Orator, 1-133), et l’autre une analyse de la troisième tâche de l’orateur, l’élocution (Orator, 134-238), et notamment la mise en place des mots et plus particulièrement le nombre oratoire (à partir du paragraphe 140) [19]. Dans son ensemble, le traité n’est donc pas un manuel pratique de l’art oratoire, ni même de l’élocution, mais plutôt une réflexion personnelle, avec des éléments de théorie, sur la critique littéraire. Pour introduire le sujet de la première partie, Cicéron admet que ses observations pourraient décourager ceux qui n’ont pas confiance en leurs talents, mais il souligne qu’il convient à ceux qui ambitionnent des choses grandes et désirables de tout essayer (Orator, 3-5). Ramus, pour sa part, méconnaissant le genre du traité cicéronien, juge cette exhortation charmante (cohortatio bella, avec un ton plein de mépris), mais inutile, puisque le lecteur d’un manuel est évidemment attentif et n’a pas besoin d’être persuadé [20]. En ce qui concerne la deuxième partie, Ramus reconnaît que Cicéron a bien fait de parler de l’élocution comme le sujet propre de la rhétorique, mais lui reproche que sa discussion des figures est beaucoup trop succincte [21]. Au début de sa critique très détaillée du traitement du nombre oratoire par Cicéron [22], Ramus lui reproche le manque de clarté dans la distinction des notions (collocatio, constructio, concinnitas, numerus) et dans leur usage, ce qu’il juge inacceptable pour celui qui donne des règles aux novices : « Cesse donc d’admettre parmi les instructions ce qui peut aussi bien tromper qu’aider l’ignorant [23]. » Mais Cicéron lui-même avait dit plusieurs fois, par exemple au cours de sa discussion sur l’essence profonde de l’éloquence, qu’il ne parle pas en maître donnant des règles (magister, praecipiendi causa), mais en critique littéraire (aestimator) (Orator, 112). Ce passage, qui montre une fois de plus la nature du traité cicéronien, n’a suscité aucune remarque de la part de Ramus. Il semble donc justifié de conclure que Ramus n’a pas compris, ou plutôt pas voulu comprendre, la nature du traité cicéronien, sans doute parce que l’approche de Cicéron ne pouvait pas avoir sa place dans le cadre intellectuel de Ramus. Pour lui, toute œuvre touchant à la théorie ne peut que prendre la forme d’un manuel clair et simple. Il importe de souligner ce point, parce que, effectivement, parmi les traités de Cicéron, seuls l’ouvrage de jeunesse De inventione, les Topica et les Partitiones Oratoriae ont été conçus par leur auteur comme des ouvrages théoriques, tandis que les grandes œuvres de la fin de sa carrière, De oratore, Brutus et Orator, sont plutôt des œuvres savantes sous forme littéraire, nourries par des décennies d’expérience et de réflexion [24]. En fait, l’explication de la théorie oratoire présentée sous forme littéraire et sans but pratique immédiat est une innovation importante de Cicéron, mais, manifeste-ment, elle est dépourvue de valeur aux yeux de Ramus. Parmi les trois dialogues cicéroniens, l’Orator est un cas spécial puisque, contrairement au De oratore et au Brutus, le traité ne semble pas avoir une structure réfléchie et logique, ce qui se voit notamment par les répétitions de choses importantes, par exemple la nécessité d’une culture philosophique, ou les trois genres de style [25]. Certains ont pensé que l’ouvrage a été écrit hâtivement, d’autres que Cicéron avait réuni, de façon pas très réussie, ou sans y réussir parfaitement, plusieurs études séparées [26]. Quoi qu’il en soit, Ramus ne s’est jamais intéressé à ces détails philologiques et aux circonstances historiques qui ont déterminé la forme de l’ouvrage. Somme toute, il est clair que Ramus ne peut concevoir un ouvrage sur la rhétorique que comme un manuel qui se borne strictement à donner les règles de l’art de manière claire, logique et correcte, et tout ce que Ramus dit à propos du texte de Cicéron est à juger dans ce cadre restreint.
8Comme on l’a vu plus haut, Ramus divise le traité en deux parties : une sur la définition de l’orateur parfait, et une sur l’élocution ; son commentaire est partagé en deux parties à peu près égales, quarante-six pages pour la première partie [27], et quarante pages pour la deuxième partie [28].
9En ce qui concerne la première partie, Ramus souligne à maintes reprises que Cicéron dit des choses qui n’ont rien à voir avec la rhétorique, qui traite selon lui, comme on le sait, uniquement du style et de l’action. Cette critique concerne les trois digressions qui constituent l’introduction à l’ouvrage, c’est-à-dire les remarques sur les risques de proposer un idéal (Orator, 3-6) [29], puis l’affirmation qu’il existe de fait un idéal oratoire qui, comme une idée platonicienne, s’élève au-dessus de ce qui peut se réaliser dans la vie réelle (Orator, 7-10), suivi par les remarques sur les rapports entre la rhétorique et la philosophie (Orator, 11-19). Ramus ne nie pas que ces observations soient fort bonnes, mais il souligne qu’elles ne sont pas à leur place dans un manuel de rhétorique, parce que – et c’est un de ses principes fondamentaux –, si tous les arts sont liés en pratique, les doctrines des arts doivent être strictement séparées [30]. De même, Ramus souligne l’ordre qui doit être suivi dans l’enseignement des trois arts du Trivium : il faut commencer par la grammaire et poursuivre avec la rhétorique, pour finir avec la dialectique, et quiconque ne respecte pas cet ordre n’enseigne pas les arts, mais ne fait que les mélanger ; il est donc interdit de parler de la grammaire et de la dialectique dans un manuel de rhétorique [31]. Ces passages du début du commentaire semblent indiquer que la critique adressée à Cicéron ne porte pas tant sur le contenu de ses idées, que sur la présentation confuse de celles-ci, évaluée d’après les principes de Ramus.
10Au cours de son commentaire, Ramus souligne à maintes reprises que l’Orator est un traité mal organisé, rempli de répétitions et inutilement diffus. Ainsi Ramus, par son porte-parole Brutus, remarque à propos des paragraphes 20-32 que ce passage contient la définition de l’orateur parfait promise par Cicéron au début (l’orateur parfait est l’orateur qui maîtrise les trois genres de style), et il observe que le traité aurait pu se terminer là [32] ; il estime que ce passage même est prolixe et plein de remarques inutiles, comme celui sur Thucydide (Orator, 30-33) ; il montre son désintérêt pour le débat littéraire sur l’atticisme et l’asianisme qui s’est déroulé à Rome, ainsi que pour la position de Cicéron dans ce débat (qui, d’ailleurs, est difficile à déterminer). En général, on peut constater, et on y reviendra lorsqu’on parlera de l’œuvre contre Quintilien, que Ramus ne s’intéressait pas vraiment à l’histoire même de la rhétorique gréco-latine, du moins à en juger par les œuvres que nous étudions ici.
11Passons au corps du traité cicéronien, qui commence au paragraphe 33, avec une nouvelle dédicace élogieuse à Brutus. Ramus fait dire à Brutus qu’il la trouve exagérée et surtout déplacée dans un manuel de rhétorique – autre indice clair de la position ramiste vis-à-vis de la théorie [33]. De même, les remarques de Ramus sur l’exclusion du genre épidictique par Cicéron (Orator, 37-42) semblent une nouvelle illustration de son refus de prendre en considération le contexte socio-historique et littéraire dans lequel Cicéron a écrit l’Orator : selon Ramus, l’exclusion du genre démonstratif est incompréhensible, puisqu’il arrive parfois que l’orateur parle comme un sophiste [34]. Pareillement Ramus, par son porte-parole Brutus, juge les remarques sur Isocrate (Orator, 40‑42) longues et diffuses ; elles administrent la preuve que Cicéron lui-même est un sophiste asiatique [35] – remarque ironique sans doute destinée à blesser Cicéron, mais qui semble un peu anomale dans l’ensemble des observations de Ramus et n’avance pas le lecteur qui s’attend à lire une explication de la référence à Isocrate.
12Cicéron donne ensuite un aperçu des parties de la rhétorique ou des tâches de l’orateur (Orator, 43-54), dont il exclut la mémoire parce qu’elle n’est pas propre à la rhétorique, mais commune à beaucoup d’arts (54). Ramus critique cette exclusion parce qu’elle semble indiquer que Cicéron considère l’invention et la disposition comme propres à la rhétorique [36]. À propos de ces deux parties classiques de la rhétorique, traitées par Cicéron aux paragraphes 44-50, Ramus souligne évidemment qu’elles sont du ressort de la dialectique, non de la rhétorique [37] ; c’est dans ce passage que l’on trouve le persiflage du début de la première Catilinaire déjà relevé plus haut, pour exprimer son indignation à l’égard de ce qu’il considère comme la faute capitale de Cicéron [38]. D’autre part, il donne aussi une explication brève de sa propre théorie des divisions entre les arts du Trivium, et souligne la nécessité de garder ces arts séparés au niveau théorique, tout en admettant qu’ils sont étroitement liés en pratique [39]. Dans les pages qui suivent, jusqu’à la fin de la première partie, selon la division de Ramus (c’est-à-dire jusqu’au paragraphe 133), la critique comporte deux volets, l’un soulignant que les sujets que Cicéron aborde sont importants, mais qu’ils ne sont pas à leur place dans un manuel de rhétorique, et l’autre affirmant que les explications données par Cicéron sont prolixes et embrouillées. Bref, il s’agit presque systématiquement de remarques qui mettent en valeur le point principal de Ramus, à savoir qu’un texte théorique sur la rhétorique n’est valable que lorsqu’il prend la forme d’un manuel concis et bien ordonné.
13Quant à la deuxième partie de l’Orator, qui fait l’exposé de l’élocution ou du style (Orator, 134 à 236), Ramus souligne que Cicéron aurait dû traiter ce sujet plus en détail qu’il ne l’a fait, étant donné que le style est le sujet propre à la rhétorique. Cicéron, au contraire, ainsi que le souligne Ramus, soit pour railler soit pour décrier Cicéron, méprise l’élocution ; il cite comme preuve le paragraphe 136 où Cicéron dit qu’il ne traitera pas en détail des figures de pensée, même s’il les considère comme plus importantes que les figures de mots, parce que Brutus les connaît bien [40]. Cette critique exagérée, voire injuste, montre à nouveau que Ramus n’est pas porté à tenir compte du contexte qui a déterminé l’écriture du traité cicéronien. Il parle brièvement du traitement des tropes et des figures par Cicéron [41], et il analyse en grand détail ses explications concernant le nombre oratoire [42] ; ce sont les pages du commentaire étudiées par Kees Meerhoff, qui observe que cette partie du traité « diffère de façon notable des éditions ultérieures en ce que Ramus se contente le plus souvent d’attaquer Cicéron sans proposer de solutions (définitions, divisions) alternatives : il n’a, paraît-il, pas encore élaboré son propre système [43] ». Au terme de son attaque, Ramus présente un Brutus qui s’insurge contre l’épilogue de Cicéron, où celui-ci essaie de prévenir toute discussion avec lui. Dans la partie finale du traité, Brutus conclut en reprochant à Cicéron de ne pas avoir fait un traitement plus digne de son sujet et plus en accord avec ses propres ambitions d’homme de lettres et homme d’état [44].
II. Les Rhetoricae Distinctiones in Quintilianum
14Dans la préface adressée à Charles de Lorraine, Ramus explique que son traité contre Quintilien, publié en 1549, respectivement six ans et deux ans après les attaques contre Aristote et Cicéron, constitue l’achèvement de sa critique de la théorie antique concernant la dialectique et la rhétorique. Il se peut que le terme distinctiones dans le titre soit une référence aux distinctions ou divisions dans la rhétorique antique que Ramus considère comme fautives, autrement dit, une référence à la confusion entre dialectique et rhétorique chez les théoriciens antiques telle que la dénonce Ramus [45]. Il souligne également dans la préface à Charles de Lorraine que son commentaire sera bref, puisqu’il a déjà traité tout le matériau dans ses œuvres critiques contre Aristote et Cicéron. Ce choix a bien évidemment une raison pratique (vu l’ampleur de l’Institutio oratoria), mais peut-être pourrait-on y voir aussi une indication que Ramus a conçu ses trois œuvres critiques contre Aristote, Cicéron et Quintilien dès 1543, comme une unité [46]. Les Rhetoricae distinctiones in Quintilianum furent publiées deux fois en 1549, respectivement chez les imprimeurs Louis Grandin et Mathieu David, et ce dernier réimprima le traité en 1550 avec une mise en page légèrement différente [47].
15L’Institutio oratoria de Quintilien est une œuvre d’une envergure et d’une ampleur beaucoup plus grandes que l’Orator de Cicéron [48]. Quintilien l’a écrite pendant sa retraite, après une longue carrière comme orateur sur le forum et comme professeur d’éloquence et déclamateur. Il y décrit toute l’éducation et la formation de l’orateur. Plus particulièrement, l’œuvre présente en détail tout le curriculum pédagogique romain dès l’enfance, et elle offre une somme complète de la théorie de l’éloquence gréco-romaine. De plus, il y a une partie idéologique dans laquelle Quintilien développe l’idée que l’éloquence et la sagesse sont deux faces de la même médaille ; idée exprimée dans la devise fameuse : orator est vir bonus dicendi peritus. Bien que l’Institutio soit une œuvre conçue comme une unité, son auteur l’a écrite en plusieurs étapes, à en juger par la présence de plusieurs préfaces (l. 1, l. 4, l. 5, l. 6, l. 8), et par le fait que la répartition des sujets n’est pas tout à fait systématique. Par exemple, la définition de l’orateur comme un vir bonus est placée tout au début, mais elle revient au cours du livre 2 et au début du dernier livre. Il s’agit là d’un choix délibéré de l’auteur qui ne posait aucun problème aux lecteurs de l’Antiquité, mais qui est pour Ramus, bien sûr, un défaut inexcusable. Pour son analyse, il a divisé l’Institutio en cinq parties, suivant l’ordre des sujets traités par Quintilien [49].
16Le traité contre Quintilien n’a pas, à première vue, une forme littéraire comme les Brutinae Quaestiones, qui se présentent sous la forme d’une lettre fictive de Brutus à Cicéron. Mais ce n’est pas un traité purement scientifique non plus. Comme dans les Brutinae Quaestiones, Ramus y utilise les procédés de style littéraires pour exprimer son indignation et son mépris pour ce qu’il voit comme la maladresse et l’ignorance de Quintilien et des autres théoriciens cités ou mentionnés, en particulier Aristote [50]. À plusieurs reprises, Ramus souligne que Quintilien suit Aristote sans réfléchir, par exemple en acceptant le dogme aristotélicien selon lequel les dialecticiens utilisent des syllogismes et les orateurs un langage plus libre [51]. Par conséquent, raisonne Ramus, il n’a pas vu que Cicéron utilise dans ses discours beaucoup de syllogismes cachés sous le style élaboré de ses raisonnements. Et de conclure que Quintilien ne comprenait rien aux arts de l’invention et de la disposition [52]. Ailleurs, Ramus souligne que c’est effectivement Aristote, et lui seul, qui est responsable de toute la confusion des arts qui existe depuis l’Antiquité, parce que tous les savants ont choisi de suivre Aristote, et uniquement Aristote :
Quintilien commence par définir trois genres de cause, le genre démonstratif, le genre délibératif et le genre judiciaire, et il avance Aristote comme l’auteur de cette division, celui donc qui est l’inventeur et pratiquement le seul auteur de toutes les obscurités dans cet art, qui a emmêlé l’invention dialectique dans l’art de la rhétorique et qui a distribué les questions de façon aussi inepte et ridicule, ce que nous avons montré dans les Remarques sur Aristote et que nous répéterons ici [53].
18Un trait particulier distingue le traité contre Quintilien de celui contre Cicéron et constitue peut-être l’indice d’une évolution du projet ramusien entre 1547 et 1549. Dans chaque partie de son commentaire, il semble que Ramus, parmi les observations critiques à propos du discours de Quintilien, avance avec insistance ce que lui-même considère comme l’approche appropriée de la dialectique et de la rhétorique. Autrement dit, il oppose plus clairement qu’il ne l’avait fait auparavant son propre système de dialectique et de rhétorique à celui des anciens. Plus particulièrement, Ramus souligne fréquemment que ce qui manque chez Quintilien, c’est l’approche dialectique, c’est-à-dire qu’il lui manque le pouvoir de définir, de diviser, de juger, et de raisonner au moyen de syllogismes. Chaque fois qu’il met le doigt sur ce qu’il considère comme un manque de clarté chez Quintilien, il répète ses propres définitions et ses divisions des arts du Trivium que l’on connaît si bien [54]. Qui plus est, Ramus présente régulièrement les points essentiels de son exposé sous forme de syllogismes, comme s’il voulait donner la leçon par l’exemple. Le premier syllogisme se trouve immédiatement au début, où il conteste la définition de l’orateur comme un vir bonus ; il considère cette définition comme erronée parce qu’elle comprend plus que ce que l’art de la rhétorique n’englobe : l’élément bonus concerne la philosophie morale, non la rhétorique. Ramus non seulement énonce le syllogisme, mais ajoute même une explication de la construction du syllogisme, comme pour introduire son lecteur aux rudiments de la dialectique :
Nous avons donc notre principe [i.e. le principe qu’une définition ne doit pas comprendre plus que l’art qui est défini], et l’on propose le fondement suivant du syllogisme :
La définition de celui qui pratique un art est erronée si elle comprend plus que ce qui est inclus dans l’art.
Ensuite, après avoir proposé ce fondement, nous proposons l’assomption [i.e. la deuxième proposition du syllogisme] :
Mais la définition de celui qui pratique l’éloquence que Quintilien nous a transmise comprend plus que ce qui est compris dans cet art.
Car la rhétorique n’est pas un art qui expose toutes les vertus de l’esprit. Les spécialistes de l’éthique philosophent beaucoup et avec élégance sur les vertus morales et sur les vertus de l’intelligence et de l’esprit [...] [55]. Je conclus donc :
La définition de l’orateur par Quintilien est erronée [56].
20Il est impossible de présenter ici une vue d’ensemble de tous les syllogismes dans les Rhetoricae Distinctiones, mais on peut supposer que celle-ci montrerait qu’ils sont utilisés de façon pour ainsi dire stratégique, c’est à dire pour éclaircir les points principaux de la théorie de Ramus lui-même, et pour donner la leçon par l’exemple.
21En relisant les Rhetoricae Distinctiones, on remarque que Ramus prête relativement beaucoup d’attention aux livres 3-7 qui traitent de l’invention et de la disposition, et donc de la dialectique, selon la théorie de Ramus [57]. Dans le troisième livre, Quintilien traite des différentes classifications que le système de la rhétorique avait développées depuis Aristote : il invoque la division « art, artiste, produit », il traite des parties de la rhétorique ou des tâches de l’orateur (invention, disposition, élocution, mémoire, action), des genres de discours (le juridique, le délibératif, l’épidictique), des sources de la compétence oratoire (« nature, art, pratique, imitation »), des trois devoirs de l’orateur (« instuire, plaire et émouvoir »; les devoirs « plaire » et « émouvoir » sont traités plus en détail au livre 6), des parties du discours, des questions générales et spécifiques (thèses/hypothèses), et des états de la cause dans les questions rationnelles/logiques, plaidoyers portant sur un acte : conjecture, définition, accident (qualité, qualification, transfert). Ramus affirme simplement que toutes ces classifications sont peu claires et inutiles, parce qu’elles n’entrent pas dans le cadre strict de l’invention et de la disposition.
22À propos de l’invention, Ramus observe que Quintilien discerne trois arts de l’invention, parce qu’il traite de la manière de trouver des arguments pour les genres de causes (livre 3.7), pour les parties du discours (livre 3.9 et livre 4), et en outre, qu’il présente de façon générale les preuves dites techniques (selon la terminologie d’Aristote) ou les lieux où l’orateur peut puiser des arguments pour servir dans tous les genres de causes et toutes les parties du discours (livre 5.10.20-94) [58]. Il n’est guère surprenant que Ramus explique que ce traitement de l’invention en trois étapes est faux, parce que selon lui il n’existe réellement qu’un seul art de l’invention, qui est un art commun à tous les sujets, à toute matière que l’on peut rechercher, et qui a été pleinement et clairement décrit par lui-même dans sa Dialectique [59]. De même, Ramus insiste sur le fait que l’analyse des lieux au livre 5 en deux parties, c’est-à-dire les lieux concernant les choses et les personnes (5.10, 23-52) et les lieux logiques, comme définition, division, etc. (5.10.53-92), est embrouillée et inférieure à la sienne [60].
23Quant à la disposition, il suffira de souligner que Ramus observe que les divisions adoptées par Quintilien sont vagues et inutiles (notamment la distinction entre sagacité et jugement, consilium et iudicium dans le livre 6.5) [61], et que, s’il avait voulu traiter convenablement de la disposition, il aurait dû présenter le syllogisme dans toutes les formes, ce qu’il ne fait pas.
24En ce qui concerne les autres parties du système de la rhétorique antique, c’est-à-dire l’élocution, la mémoire, l’action, traitées dans les livres 8-10 et 11.2-3, Ramus fait toujours les mêmes reproches à Quintilien. Il juge ses règles pour le style confuses et affirme que ses définitions, ses divisions, son jugement, son traitement de la théorie montrent qu’il n’a aucune prudence dialectique. À plusieurs reprises, Ramus se sert d’un syllogisme pour montrer le manque de clarté et de finesse dans les propos de Quintilien. Par exemple, lorsqu’il affirme que la division de Quintilien en douze sortes de tropes est erronée (Inst. orat., 8.6), parce que, selon lui, il n’y en a que quatre, il présente comme preuve le syllogisme suivant :
Tout glissement de sens exprimant les effets au lieu des causes, les éléments attachés aux sujets au lieu du sujet lui-même, des éléments opposés au lieu d’autres éléments opposés, des éléments comparés au lieu d’autres éléments comparés, d’une des parties au lieu du tout, et inversement, s’appelle métonymie, ironie, métaphore, synecdoque [...] [62]. Tout trope est un glissement de sens exprimant les effets au lieu des causes, les éléments attachés aux sujets au lieu du sujet lui-même, des éléments opposés au lieu d’autres éléments opposés, des éléments comparés au lieu d’autres éléments comparés, d’une des parties au lieu du tout, et inversement. [...] [63] Par conséquent, tout trope est métonymie, ironie, métaphore, synecdoque [64].
26Chose remarquable, d’autant plus que Ramus n’a jamais changé sa doctrine des quatre tropes, il poursuit en mettant en doute la justesse de sa propre division dialectique ; c’est le seul passage dans les Rhetoricae Distinctiones où Ramus exprime un doute quelconque concernant sa méthode : « Mais il est possible que je me trompe et que, inspiré par un zèle malavisé pour chercher la vérité, j’aille plus loin que les limites de la dialectique et d’un jugement sûr ne requièrent [65]. » Cette phrase remarquable est même reproduite telle quelle dans les Scholae rhetoricae de 1569, où elle constitue le début du livre XVII, contre le livre 9 de Quintilien [66].
27Le livre 10 de l’Institutio oratoria traite des exercices oratoires, c’est-à-dire de la lecture des textes pour acquérir l’abondance des mots ou l’aisance constante que les Grecs appellent hexis (copia), et les exercices d’écriture et de déclamation. Ramus ne nie pas l’utilité des observations de Quintilien, mais il ne peut tout de même pas s’empêcher d’être en désaccord avec lui lorsqu’il pense qu’il est plus important de lire un texte (un discours) que de l’écouter ; selon Ramus, il est plus important qu’un texte soit récité et écouté [67]. En outre Ramus s’oppose à l’exercice de la traduction du grec en latin (Inst. orat., 10.5, 2-3), parce que cet exercice lui paraît peu propice pour les élèves commençant avec le latin. On peut supposer que ces remarques sont inspirées par l’expérience de l’enseignement en classe que Ramus avait accumulée au collègue de Presles. Sans doute sont-elles justifiées dans le contexte de la pratique de l’enseignement au xvie siècle, mais en même temps elles semblent anachroniques et déplacées en tant que critique de la pratique ancienne ; du reste, Ramus simplifie trop, ici comme ailleurs, l’exposé nuancé de Quintilien. Pour le reste, comme dans les chapitres concernant la dialectique et la rhétorique proprement dite, Ramus oppose son système logique à ce qu’il perçoit comme le désordre de Quintilien, et il insiste sur le principe d’analyse et de genèse, qui est la seule méthode correcte pour s’exercer dans tous les arts : il faut d’abord apprendre l’art au moyen d’exemples, puis le mettre en pratique au moyen d’exercices.
28Ramus ne consacre que quelques pages [68] aux livres 11 et 12, qui comportent des observations sur une variété de points à la fois techniques, comme la mémoire et l’action, et plus généraux, comme la convenance (aptum) et le vir bonus, et il finit son traité de façon succincte avec l’observation que les cinq derniers livres de l’Institutio oratoria n’apportent rien de valable à la théorie de l’élocution et de l’action. Cette conclusion ne fait que confirmer les mobiles de Ramus pour présenter une théorie des arts du Trivium entièrement nouvelle.
III. Observations récapitulatives
29Notre analyse des deux œuvres critiques permet de formuler deux conclusions. Premièrement, les œuvres se présentent comme des commentaires textuels, mais elles ne constituent pas une contribution substantielle à l’étude philologique des deux traités antiques. On trouve ici et là des remarques qui montrent que Ramus s’était formé une idée de l’histoire de la rhétorique et de ses rapports avec la dialectique dans l’Antiquité ; mais il n’a manifestement pas tenu à contribuer à l’étude proprement dite de la rhétorique antique. Ramus était tout à fait au courant du fait qu’Aristote et ses successeurs n’avaient pas voulu concevoir une théorie générale et universelle de l’argumentation, mais plutôt analyser la pratique oratoire et donner des conseils aux orateurs ; cependant, il n’a pas voulu juger leurs travaux selon leurs propres mérites, mais uniquement d’après les critères que lui-même avait choisis pour la bonne manière d’enseigner l’éloquence. D’autre part, les deux commentaires sont une belle illustration de la tradition pleine de vie qui a mis les humanistes en dialogue direct avec les auteurs anciens.
30Deuxièmement, les deux commentaires montrent combien Ramus était, comme l’a dit Waddington, singulièrement propre à la lutte et à la contradiction [69]. Mais son style passionné, son ton railleur et son indignation contre ce qu’il considère comme les bêtises d’Aristote et de ses successeurs ne doivent pas nous amener à fermer les yeux sur le fait que Ramus s’est fondé sur les concepts théoriques et les avis pratiques des théoriciens de l’Antiquité, ni sur le fait qu’il a reconnu la fonction pratique de la rhétorique dans la société. Ce qui à mon avis se présente comme le point principal des deux œuvres critiques, c’est la séparation stricte de la théorie et de la pratique. Les rhéteurs anciens, et bien des rhéteurs majeurs du xvie siècle, comme par exemple Érasme, pour ne citer qu’un des plus grands, ont volontiers mélangé dans leurs manuels leurs idées sur la théorie de la rhétorique avec des considérations et des conseils pratiques, chose inconcevable pour Ramus.
31En somme, sa querelle avec les anciens ne concerne pas le statut de la rhétorique et de l’éloquence, mais plutôt la méthode appropriée pour l’enseigner.
Annexes
1. Structure de l’Orator (d’après l’éd. Kroll, 1961 (1913), p. 7-8)
32Introduction (1-32)
331-2. Dédicace à Brutus.
343-6. Difficulté du sujet.
357-10. L’orateur parfait comparé à une idée platonicienne.
3611-19. L’orateur parfait doit avoir une formation philosophique.
3720-32. L’orateur parfait doit maîtriser les trois genres de style.
38Corps (33-236)
3933-36. Deuxième dédicace à Brutus et difficulté du sujet.
4037-42. Exclusion du genre démonstratif (éloge et blâme), importance d’Isocrate.
4143-68. L’orateur a trois choses à considérer : quoi dire, dans quel ordre, de quelle façon, c’est-à-dire l’invention (44-49), la disposition (50), l’élocution (51-53), l’action (54-60) ; omission de la mémoire, commune à beaucoup d’arts (54), et omission du style des philosophes, sophistes, historiens et poètes (62-68).
4269-75. L’orateur parfait est celui qui parle dans les causes juridiques et civiles de manière à prouver, à charmer, à émouvoir.
4376-112. L’orateur parfait doit utiliser les trois genres de style d’une manière qui convient au public, au sujet traité et aux circonstances, comme à l’orateur lui-même (decorum).
4476-90. Le style simple.
4591-96. Le style moyen.
4697-99. Le grand style.
47100-112. L’orateur doit maîtriser les trois genres de style (102 sq.), exemples personnels et autres exemples, notamment Démosthène).
48113-120. L’orateur parfait doit avoir connaissance de la dialectique (113-117), de la philosophie générale, de la physique, du droit, de l’histoire (118-120).
49121-125. L’orateur parfait doit connaître les genres de cause, la topique (les lieux de l’argumentation), les parties du discours, le convenable.
50125-133. L’orateur parfait doit maîtriser en particulier deux sortes d’ornementations qui permettent de déployer la puissance complète de l’éloquence : l’élévation de la question au-dessus des circonstances particulières de personnes et de temps (hypothèse) à un exposé général/universel (« thèse ») et l’amplification (« auxèsis ») (125-127), l’ethos et le pathos (128-133 ; Cicéron se considère comme un maître du pathos, avec exemples).
51134-236. L’orateur parfait doit maîtriser les ornements du langage et du style, qui déterminent le caractère du discours : le choix des mots et l’arrangement des mots : les figures de mots et de pensée, qui doivent être bien mises en place et arrangées (134-139 ; 140-148) ; l’arrangement des mots, divisé en euphonie (149-164), symétrie (164-167), période et nombre (168-236 ; remarques générales 168-173, origine du nombre 174-176, cause du nombre 177-178, nature du nombre 179-203, l’emploi du nombre 204-226, l’utilité du nombre 227-236).
52237-238. Voilà mon jugement sur l’orateur, mais si tu ne l’approuves pas, je n’entrerai pas en conflit avec toi.
53Épilogue (237-238)
2. Vue d’ensemble de l’analyse de l’Institutio orataria par Ramus
541. Définition de l’orateur (livre 1, préface 1-20 ; livres 2.20 et 12.1) (Rhetoricae distinctiones 1549, p. 1-13)
552. Division de l’Institutio (livre 1, préface 21-22) (éd. 1549, p. 13-14)
563. Livres 1-2 : la grammaire confuse (éd. 1549, p. 14-28) (livre 1 : première éducation de l’enfant, enseignement chez le grammairien ; livre 2 : enseignement chez le rhéteur).
574. Livres 3-7 : l’invention et la disposition (éd. 1549, p. 28-64) (livre 3.7-livre 5 : les lieux de l’argumentation ; livre 6.1-4 : les techniques pour émouvoir et plaire, qui n’ont rien à voir avec la dialectique ou la rhétorique, selon Ramus ; livres 6.5-livre 7 : le jugement et la sagacité, la disposition).
585. Livres 8-12 : l’élocution, la mémoire, l’action (éd. 1549, p. 64-104) (livres 8-9 : élocution, vertus du style : correction, clarté, convenance, ornementation ou les tropes, les figures et l’arrangement des mots, y inclus le nombre oratoire ; livre 10 : l’exercice ; livre 11 : la convenance (11.1), la mémoire (11.2), l’action (11.3) ; livre 12 : pot-pourri de sujets : le vir bonus, l’orateur doit étudier la philosophie, le droit, l’histoire ; les instruments de l’art oratoire, et ce que l’orateur peut faire après sa retraite ; 12.10 le genre de style).
Mots-clés éditeurs : arts du Trivium, Quintilien, Cicéron, Ramus, enseignement, rhétorique, dialectique
Date de mise en ligne : 17/07/2020
https://doi.org/10.3917/rspt.1032.0263Notes
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[1]
L’auteur remercie M. le Professeur Kees Meerhoff pour sa correction du français de cet article.
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[2]
Kees Meerhoff, Rhétorique et poétique au xvie siècle en France. Du Bellay, Ramus et les autres, Leiden, Brill, 1986, p. 178, p. 221-222.
-
[3]
Ibid., p. 179.
-
[4]
Petrus Ramus, Dialectica, Hans Günter Zekl (trad., intro. et notes), Würzburg, Konigshausen & Neumann, 2011, p. 251-373.
-
[5]
Arguments in Rhetoric against Quintilian : Translation and Text of Peter Ramus’s Rhetoricae distinctiones in Quintilianum (1549), Carole Newlands (trad.), James J. Murphy (intro.), DeKalb, IL, Northern Illinois University Press, 1986, 2010 ; Peter Ramus’s Attack on Cicero : Text and Translation of Ramus’s Brutinae Quaestiones, J. J. Murphy (intro.), C. Newlands (trad.), Davis, CA, Hermagoras Press, 1992.
-
[6]
Petri Rami Veromandui Brutinae quaestiones in Oratorem Ciceronis..., Parisiis, Apud Iacobum Bogardum, 1547. Walter J. Ong, Ramus and Talon Inventory : a Short-Title Inventory of the Published Works of Peter Ramus (1515-1572) and of Omer Talon (1510-1562), Cambridge, MS., Harvard University Press, 1958, n° 55. On a utilisé l’exemplaire de la Bayerische Staatsbibliothek à Munich, numérisé par Google. Pour l’Orator, on a utilisé l’édition parue dans la Collection des Universités de France : Cicéron, L’Orateur. Du meilleur genre d’orateurs, Albert Yon (texte et trad.), Paris, Les Belles Lettres, 1964, 2008².
-
[7]
W. J. Ong, Ramus and Talon Inventory, op. cit., n° 56. Voir pour quelques remarques générales sur les différences entre les deux éditions Peter Ramus’s Attack on Cicero, op. cit., p. xxxi-xxxiii. Avant la publication dans les Scholae liberales de 1569, les Brutinae Quaestiones furent encore publiées en 1552 (W. J. Ong, Ramus and Talon Inventory, op. cit., n° 57).
-
[8]
K. Meerhoff, Rhétorique et poétique au xvie siècle en France, op. cit., p. 201-202.
-
[9]
J. J. Murphy, Peter Ramus’s Attack on Cicero, op. cit., p. xxxii-xxxiii.
-
[10]
P. Ramus, Brutinae quaestiones (1547), op. cit., f. 23v : « Perfectus orator est, qui potest parva summisse, mediocria temperate, magna graviter dicere ; Cicero haec omnia copiosissime praestitit : est igitur perfectus orator. »
-
[11]
Ibid., f. 1r.
-
[12]
Par exemple ibid, f. 1v : « M. Tulli », f. 2v : « ais », etc., f. 3v : « Quid respondes ? », f. 5r : « inquies », etc.
-
[13]
Par exemple ibid., f. 6v : « at deum immortalem, quid tibi vis ? », f. 11v : « obsecro, mi Cicero, desine hasce magnificas nugas tanti venditare », et une exclamation hyperbolique, ibid., f. 5v : « Poeticus est iste furor, Mar. Cicero, quo te potius in hanc cogitationem impulsum, quam firma ratione adductum sentio. »
-
[14]
Ibid., f. 2r : « in arte vero rhetorica, quo iure ista permiscere potius licebit ? », f. 18v : « Quid enim est igitur ista sapientia ? Dialecticane ? », etc.
-
[15]
Ibid., f. 9r : « Quousque tandem confusionem artium tantam perferemus ? » (Jusqu’à quand, enfin, supporterons-nous une telle confusion des arts ?).
-
[16]
Ibid., f. 36v : « cedant arma togae, concedat laurea linguae » (cité par Ciceron lui-même, De officiis, 1.77) et « O fortunatam natam me consule Romam » (cité par Juvénal, Satire 10.122).
-
[17]
Par exemple, ibid., f. 36v : « Quoties iam quoties numerus oratorius a poetico distinctus & segregatus est, ne poëmatis similis esset oratio ? » (Mais combien de fois, enfin, combien de fois a-t-on distingué et séparé le nombre oratoire du nombre poétique ?).
-
[18]
Voir Orator, par. 3 sq. Au cours de son bref traitement des tâches de l’orateur, Cicéron souligne que ce traitement constitue une sorte de digression (par. 54), qui se prolonge jusqu’au paragraphe 60. Voir l’Appendice 1 pour un aperçu du contenu suivant l’édition de Wilhelm Kroll, 1913 (M. Tullii Ciceronis Orator. Als Ersatz der Ausgabe von Otto Jahn erklärt von Wilhelm Kroll, Berlin, Weidmannsche Verlagsbuchhandlung, 1913, réimpression photomécanique 1961, p. 7-8).
-
[19]
Selon A. Yon, comme selon Ramus, le traité se divise en deux parties (dans Cicéron, L’Orateur, op. cit., p. xviii).
-
[20]
P. Ramus, Brutinae quaestiones (1547), op. cit., f. 2r : « Verum quid ista cohortatione tam bella, tam magnifica, tam ad eloquentiae tuae iactationem apta nobis opus fuit ? Auditorem habes, quoniam disciplinae leges instituis, non forenses causas agis, sua sponte vel potius utilitate ad audiendum paratum, praesertim cum disputationis tuae initio id abunde perfectum sit. » (Mais cette si belle, si magnifique exhortation, pourquoi donc était-elle nécessaire pour nous ? Tu as l’attention de l’auditeur puisque tu enseignes les règles de l’art, tu ne parles pas devant les juges. Ton auditeur est prêt à écouter volontairement ou plutôt à son propre avantage, surtout parce que tu avais suffisamment obtenu ce résultat au début de ta discussion [c.à.d. aux paragraphes 1-2]).
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[21]
Cicéron fait mention des figures aux paragraphes 134-139. Ramus critique ce passage en détail, ibid., f. 23v-25v.
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[22]
Ibid., f. 25v sq.
-
[23]
Ibid., f. 26v : « Quare desine in praeceptis ponere, quod tam fallere possit ignorantem, quam adiuvare. »
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[24]
Le petit traité De optimo genere oratorum constitue une introduction par Cicéron à sa traduction, aujourd’hui perdue, de deux discours grecs.
-
[25]
Voir l’Introduction de l’édition par A. Yon, dans Cicéron, L’Orateur, op. cit., p. xv-xvii.
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[26]
Ibid., p. xvii-xviii.
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[27]
P. Ramus, Brutinae quaestiones (1547), op. cit., f. 1-23v.
-
[28]
Ibid., f. 23v.-43v.
-
[29]
Voir l’Appendice 1.
-
[30]
P. Ramus, Brutinae quaestiones (1547), op. cit., f. 2v : « Artium enim omnium quamvis usus communi quodam quasi vinculo nexus coniunctusque sit, institutiones tamen distinctae esse debent. » (Bien que la pratique de tous les arts soit liée et unie pour ainsi dire par une attache commune, les théories doivent pourtant être distinctes).
-
[31]
Ibid., f. 2r : « ...est enim grammatica simplex, & prima doctrina, & primo loco pueris ex suis tantum institutis explicanda : secundo rhetorica, tertio dialectica, ac deinceps reliquae artes suo quaelibet ordine perdiscendae sunt. Hunc docendi qui non tenet ordinem, artes non instituit, sed confundit. In arte vero rhetorica, quo iure ista permiscere potius licebit ? [...] » (car la grammaire est la simple et la première théorie, et doit être enseignée aux enfants en premier lieu à partir de ses propres principes, en deuxième lieu la rhétorique, en troisième lieu la dialectique, et puis les autres arts doivent être appris à fond dans leur ordre propre. Celui qui ne suit pas cet ordre n’enseigne pas les arts, mais les confond. De quel droit sera-t-il donc permis de mélanger tout cela dans l’art de la rhétorique ?). Voir aussi la citation en note 38.
-
[32]
Ibid., f. 4v-5r.
-
[33]
Ibid., f. 7r.
-
[34]
Les sophistes étaient des maîtres de rhétorique (et de philosophie) qui enseignaient l’art de parler et qui donnaient des discours de circonstance pour leurs élèves et le public des lettrés, mais qui généralement n’étaient pas des orateurs professionnels dans les champs juridique et politique. La référence montre la connaissance qu’a Ramus des circonstances socio-historiques dans lesquelles fonctionnait l’éloquence dans l’Antiquité gréco-romaine.
-
[35]
Ibid., f. 7r-8r.
-
[36]
Ibid., f. 8v.
-
[37]
Ibidem.
-
[38]
Ibid., f. 9r.
-
[39]
Ibid., f. 8v-9r ; f. 9v : « Usus artium, ut antea iam dixi, copulatus est persaepe, praecepta tamen confundenda non sunt, sed propriis et separatis studiis declaranda » (Comme j’ai déjà dit, l’usage des art est très souvent combiné, mais les préceptes ne doivent pas être entremêlés, mais doivent être expliqués dans des études séparées et propres à chacun des arts). Voir aussi la citation en note 30.
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[40]
Ibid., f. 24r.
-
[41]
Ibid., f. 24r-25v.
-
[42]
Ibid., f. 25v jusqu’à la fin de 40v.
-
[43]
K. Meerhoff, Rhétorique et poétique au xvie siècle en France, op. cit., p. 201.
-
[44]
P. Ramus, Brutinae quaestiones (1547), op. cit., f. 40v. sqq.
-
[45]
Voir la légende « Grammaticae, Rhetoricae, Dialecticae, distinctiones » en marge d’un passage où Ramus explicite le champ des arts du Trivium (P. Ramus, Rhetoricae distinctiones in Quintilianum, Paris, M. David, 1549, p. 5).
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[46]
Les trois ouvrages ne furent publiés ensemble qu’en 1569, dans les Scholae in liberales artes, comprenant les Scholae rhetoricae, livres 1-20 (livres 1-8 : in Ciceronis Oratorem, livres 9-20 : in Quintiliani libros) et les Scholae dialecticae, livres 1-20).
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[47]
W. J. Ong, Ramus and Talon Inventory, op. cit., n° 183-185. Avant la publication dans les Scholae in liberales artes de 1569, le traité fut encore publié à Cologne, en 1556, chez Walther Fabritius, et à Paris, en 1559, chez André Wechel (ibid., n° 186-187). Exemplaires consultés : éd. de 1549, M. David, exemplaire de la Staatliche Bibliothek de Regensburg, numérisé par Google ; éd. de 1550, M. David, exemplaire de provenance inconnue, numérisé par Google.
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[48]
Pour l’Institutio oratoria, on a consulté l’édition parue dans la Collection des Universités de France : Quintilien, Institution oratoire, Jean Cousin (texte et trad.), 7 vol., Paris, Les Belles Lettres, 1975-1980, 2003².
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[49]
Voir l’Appendice 2.
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[50]
Par exemple P. Ramus, Rhetoricae distinctiones (1549), op. cit., p. 51 : « O dialecticum et acutum divisorem ! » (à propos de la division aristotélicienne des preuves en preuves techniques et extra-techniques, Inst. orat. 5.9.1). Ibid., p. 52 : « At tu, Quintiliane,... Imo vero Quintiliane,... » (à propos de la division des preuves techniques en indices, arguments, exemples, Inst. orat. 5.9.2). Ibid., p. 70 : « O philosophi, o dialectici, et veri rerum iudices, considerate quae sunt, et cuiusmodi quae dico, quae propono : pudet enim me, pudet tam putidam, tam insulsam loquacitatem,.... » (à propos de l’amplification et des genres de traits, Inst. orat. 8.4 et 5).
-
[51]
Ibid., p. 56.
-
[52]
Ibid., p. 57 : « Si Quintilianus distinctas inventionis et dispositionis artes cognovisset, et ad earum normam Ciceronis orationes expendisset, reperisset in Ciceronis orationibus syllogismos frequentiores, quam possent in ullis philosophorum scriptis notari. Hic Aristotelis error Quintilianum fefellit, qui simpliciter Aristotelis illud commentum sequutus est, numquam attendit, an hoc vere diceretur. » (Si Quintilien avait connu les arts distincts de l’invention et de la disposition et s’il avait jugé les discours de Cicéron selon leurs critères, il aurait trouvé plus de syllogismes dans ses discours que l’on peut en relever dans toutes les œuvres des philosophes. C’est l’erreur d’Aristote qui l’a induit en erreur, en suivant tout simplement cette fiction d’Aristote et en ne se posant jamais la question de savoir si elle est vraie).
-
[53]
Ibid., p. 33 : « Tria causarum genera a Quintiliano primum constituuntur, demonstratio, deliberatio, iudicium : eiusque partitionis Aristoteles author adhibetur, is scilicet, qui omnium in hac arte tenebrarum inventor & author propemodum solus fuit, qui dialecticam inventionem primus in rhetorica arte conturbavit, qui quaestiones tam inepte, tamque ridicule (quam in Aristotelicis animadversionibus docuimus atque hic repetemus) distribuit. »
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[54]
Voici la définition ramusienne des trois arts la plus détaillée des Rhetoricae Distinctiones, op. cit., p. 30 : « Dialectica mentis et rationis tota est, rhetorica et grammatica sermonis et orationis : Dialectica igitur inventionis, dispositionis, memoriae (quia mentis omnino sunt, et intus sine ullo linguae aut orationis auxilio exerceri possunt, ut in plerisque mutis, ut in multis populis, qui sine sermone ullo vivunt) artes proprias habebit. Grammatica tribuetur ad bene loquendum atque scribendum, in interpretatione etymologia, in coniunctione syntaxis, in syllabarum brevium et longarum pronuntiatione prosodia, in recta scribendi ratione orthographia. Rhetoricae igitur ex sermonis et orationis cultu partes duae solae propriae reliquentur, elocutio et actio ; proprium praeterea ac suum rhetorica nihil habebit. » (La dialectique porte entièrement sur l’intellect et la raison, la rhétorique et la grammaire sur le langage et la parole ; la dialectique aura donc les arts propres de l’invention, la disposition et la mémoire, puisqu’elles appartiennent entièrement à l’esprit et qu’elles peuvent être pratiquées sans aucune aide de la langue et du discours, comme chez la plupart des muets, chez beaucoup de peuples qui vivent sans parler. À la grammaire sera accordé le bien parler et le bien écrire, à l’étymologie l’explication des mots, à la syntaxe la construction des mots, à la prosodie la prononciation des syllabes courtes et longues, à l’orthographie la manière d’écrire sans fautes. Pour la rhétorique, il ne restera donc que deux parties de l’étude du langage et du discours, à savoir l’élocution et l’action ; pour le reste, la rhétorique n’aura rien qui lui soit propre) (à propos de Inst. orat. 3.3, où Quintilien présente les parties de la rhétorique : invention, disposition, élocution, mémoire, action).
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[55]
Ramus ajoute ici qu’il en est de même pour l’arithmétique et la géométrie, qui sont également des vertus de l’esprit.
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[56]
Ibid., p. 3 : « Axioma igitur nostrum teneamus, & hoc syllogismi fundamentum ponatur : | Artificis definitio vitiosa est, quae plus complectitur, quam est artis finibus inclusum. | Tum hoc posito fundamento assumamus : | At artificis oratorii definitio nobis a Quintiliano tradita plus amplectitur quam est artis finibus inclusum. | Rhetorica enim ars non est, quae omnes animi virtutes explicet. De virtutibus moralibus et de virtutibus intelligentiae ac mentis proprie permulta et eleganter Ethici philosophantur [...]. Concludo igitur, | Quare Fabiana ista oratoris definitio vitiosa est » (à propos de Inst. orat., I, préface § 9).
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[57]
Ibid., p. 28 : « Quinque proximis [sc. libris, i.e. les livres 3-7] de Dialectica agitur, de inventione quippe et dispositione. Ergo de his partibus deinceps, et capitibus etiam singulis est disserendum » (Dans les cinq livres suivants il s’agit de la dialectique, à savoir de l’invention et de la disposition. Il faut donc parler maintenant de ces parties, et même des chapitres individuels).
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[58]
Ibid., p. 40 : « Sed ad ipsas inuentionis artes, quae docentur a Quintiliano, in generibus caussarum, in partibus orationis, in locis communibus veniamus :... » (Mais venons-en aux trois arts de l’invention enseignés par Quintilien, dans les genres de causes, dans les parties du discours, et dans les lieux communs). À noter que Ramus utilise ici le terme « lieu commun » non pas dans le sens d’une réflexion générale et consensuelle ; ailleurs, il appelle l’analyse de l’invention par rapport aux genres de causes et aux parties du discours par Quintilien la théorie de l’invention spéciale (specialis inventionis doctrina), et son analyse des lieux généraux la théorie de l’invention universelle (universae inventionis doctrina). Ibid., p. 50.
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[59]
Ibid. : « ...nihil nisi decem nostros locos in his confundi doceamus, melius nihil ostendi, quo iuuentus instrui atque adiuuari possit ostendemus » (... faisons voir que nos dix lieux sont mélangés dans ceux-ci [c’est-à-dire les trois arts de l’invention de Quintilien], et nous montrerons que rien de mieux ne peut être présenté qui puisse instruire et aider les jeunes gens).
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[60]
Ibid., p. 53-57.
-
[61]
Ibid., p. 58.
-
[62]
Dans le texte omis, Ramus donne la définition des quatre tropes provenant de sa Rhétorique (Audomari Talaei Rhetorica... tertia editio ab authore recognita & aucta, Paris, M. David, 1549, p. 6 sq., avec exemples).
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[63]
Dans le texte sauté, Ramus explique que les glissements de sens provenant de ces topiques ou catégories de choses sont les seuls qui existent, parce que les choses apparentées (coniugata) et l’étymologie (notatio) appartiennent aux circonstances attachées à la chose, non à sa signification.
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[64]
Ibid., p. 78 : « Omnis mutatio propriae significationis ex causis ad effecta, subiectis ad adiuncta, dissentaneis ad dissentanea, comparatis ad comparata, toto ad partem, contrave, est metonymia, ironia, metaphora, synecdoche [....]. | Omnis autem tropus est mutatio propriae significationis in verbo ex causis ad effecta, subiectis ad adiuncta, dissentaneis ad dissentanea, comparatis ad comparata, toto ad partem, contrave. [...] | Omnis itaque tropus est metonymia, ironia, metaphora, synecdoche. »
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[65]
Ibid., p. 78 : « Verumtamen fallor fortasse, & inconsyderato investigandae veritatis studio inductus longius progredior, quam fines dialectici syncerique iudicii postulent. »
-
[66]
Petrus Ramus, Scholae in liberales artes, Basileae, per Eusebium Episcopium & Nicolai F. haeredes, 1569 (reproduction photomécanique Hildesheim-New-York, Georg Olms Verlag, 1969), col. 375.
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[67]
P. Ramus, Rhetoricae distinctiones (1549), op. cit., p. 97-98, en référence à Quintilien, Inst. orat., 10.1.16-19.
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[68]
Ibid., p. 101-104.
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[69]
Charles Waddington, Ramus (Pierre de la Ramée). Sa vie, ses écrits et ses opinions, Paris, Ch. Meyrueis et Cie, 1855, p. 27.