Notes
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[1]
Juliette Bordes, La Théologie symboliste de saint Jean de la Croix dans Le Cantique spirituel et La Vive Flamme d’amour, Toulouse, Domuni-press — Presses universitaires de l’Institut catholique de Toulouse, 2015 ; 23,5 x 15, 478 p., 22 €. Attention à la coquille de la page de titre : Vie pour Vive. J’aurais préféré symbolique à symboliste, mot qui a pris une connotation trop particulière, malgré la justification proposée p. 458.
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[2]
La façon dont Paul Nwia, dans son livre Ibn ‘Abbâd de Ronda (1332-1396), réfute la thèse d’une influence arabe directe sur Jean de la Croix avancée par Jean Baruzi dans son grand livre, eût pu être prise en compte.
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[3]
Philippe Charru, Christoph Theobald, Johann Sebastian Bach, interprète des évangiles de la Passion. Approche stylistique des Passions selon saint Jean et selon saint Matthieu, Paris, Vrin (coll. « Musicologie »), 2016 ; 17 x 24, 412 p., 30 €.
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[4]
La corrélation est donc opérée dans les deux sens.
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[5]
Son humanité souffrante est plus présente dans la Passion selon saint Matthieu. Quitte à contredire un peu mes amis, j’irai même jusqu’à parler de dolorisme si l’on ajoute les chorals. Le thème de la sanction divine, évitée en saint Jean, est présent ici.
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[6]
Philippe Lejeune, Aux origines du journal personnel. France, 1750-1815, Paris, H. Champion, 2016 ; 24 x 16 ; 648 p.
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[7]
Ceux-là sont à mon avis irremplaçables, car ils font d’un usage social un genre littéraire nouveau. Ainsi Joubert, Maine de Biran, Constant. Je note en passant que le chapitre « Dieu » passe à côté des itinéraires religieux des deux premiers.
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[8]
Je croirais qu’il ne faut pas oublier le lecteur potentiel, imaginaire, implicite qui suit mon écriture derrière mon épaule, en dehors même de toute idée de publication et de communication ; les adresses du diariste à son cahier donnent à celui-là une demi-existence.
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[9]
Il est clair que Constant connaissait les piétistes, mais Langallerie et ses amis ont-ils tenu un journal ?
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[10]
La distinction proposée dans le dernier chapitre entre « journaux » et « brouillons » n’est guère convaincante, en tout cas pour Joubert et Azaïs. Donner aux seconds comme postérité le Zibaldone de Leopardi et les Cahiers de Valéry montre bien que cette dichotomie ne rime pas à grand-chose.
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[11]
André Dabezies, Des rêves au réel. Cinq siècles de Faust. Littérature, idéologie et mythe, Paris, H. Champion, 2015 ; 24 x 16, 600 p.
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[12]
La nature, la beauté, l’amour, le politique, l’aspiration vers l’infini, l’avenir ultime.
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[13]
Compte tenu des polémiques horribles qui ont eu lieu au sujet des conversions in extremis, depuis la seconde moitié du xixe siècle, on peut considérer la partie finale de cette étude (p. 377-380) comme malheureuse et méritant le silence pour tout commentaire.
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[14]
Chez les marxistes, comme Eisler et Brecht ; chez Durwell, Cixous, Klaus Mann ; chez René Clair, Claude Autant-Lara.
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[15]
Corinna Bayle, Broderies nervaliennes, Paris, Classiques Garnier, 2016 ; 22 x 15, 332 p.
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[16]
Cet art est essentiel pour lui, avant Baudelaire, mais il l’est moins que la lutte pour exister ; de là le fait que chez lui, comme l’A. le dit très bien, « l’universel et le particulier se rejoignent, et ce paradoxe nous touche en plein cœur » (p. 28 et 47). Les racines inconscientes des mythes, avant tout personnels, ne doivent pas être négligées, en deçà de la lutte consciente bien soulignée p. 53.
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[17]
Pourquoi le « lieu idéal » serait-il seulement « le poème ou l’utopie du poème » (p. 69) — l’a priori barthien est insistant, et il revient dans la conclusion —, et non pas aussi, par la seule poésie, le lieu réel de Breton, l’arrière-pays de Bonnefoy, fût-il inatteignable, l’expérience spirituelle de l’absolu ?
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[18]
Amitié Henri Bosco, Cahiers Henri Bosco 49-50, Arras, Artois Presses université, 2015 ; 21 x 13,5, 194 p., 18 €.
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[19]
Parmi les voix qui s’y font entendre, il manque celle de Freud.
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[20]
L’Habitant de Sivergues (Jean-Marie Brun) ; le retour aux sources (Nelly Robinet-Bruyère) ; Bosco et Rimbaud (Michel Arouimi).
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[21]
Lueurs 1, Baume-les-Dames, 2016 ; 24 x 17, 176 p., 15 €.
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[22]
Pour la note 60 : Desroches avait été dominicain.
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[23]
Revue internationale Henry Bauchau. L’écriture à l’écoute 7, Louvain, U.C.L. Presses Univ., 2015 ; 24 x 16, 314 p., 30 €.
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[24]
Sigila 37, Paris, Gris-France, printemps-été 2016 ; 21 x 15, 234 p., 17 €.
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[25]
Sigila 38, Paris, Gris-France, automne-hiver 2016 ; 21 x 15, 202 p., 17 €.
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[26]
Petite remarque au sujet de cette étude très intéressante : on ne peut qualifier de faux un texte ancien parce qu’il est publié sous le nom d’un auteur célèbre : c’était un acte tout à fait répandu et nullement considéré comme malhonnête.
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[27]
Michèle Finck, Pascal Maillard et Patrick Werly, (dir.), Alain Suied. L’attention à l’autre, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2015 ; 24 x 17, 128 p., 15 €.
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[28]
Diego Fabbri. Nel croginolo della fede, Panzano in Chianti (Fi), Feeria, 2014 ; 21 x 14, 262 p., 24 €.
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[29]
Giuseppe Alcamo (dir.), Far toccare Dio, Milan, Editrice Paoline, 2016 ; 20 x 12, 200 p., 12 €.
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[30]
P. Fabris, G. Ghiberti, E. Manicardi (dir.), Al primo posto, le Scritture, Caltanissetta-Roma, S. Sciascia (coll. « Studi del centro “A. Cammarata” »), 2014 ; 20 x 14, 346 p., 25 € ; la collection est dirigée par Massimo Naro.
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[31]
Michael Edwards, Bible et poésie, Paris, Éditions de Fallois, 2016, 23 x 16, 170 p., 19 €.
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[32]
Très belles définitions de la poésie, p. 12 et 14-15.
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[33]
Première remarque : la complexité sédimentaire, souvent même contradictoire, du texte biblique, l’historicité des récits et la nôtre, la nécessité d’interpréter pour faire le pont et de retrouver le sens, ne semblent pas rentrer en ligne de compte ici, tellement tout est simple.
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[34]
Deuxième remarque : la thèse essentielle est que les mots du poème désignent des réalités qui, étant créations divines, ouvrent elles-mêmes sur l’immatériel, sur le monde de Dieu ; à combien plus forte raison les mots choisis par Lui. L’ouverture de la poésie, affirmée à juste titre au chapitre i, peut paraître instrumentalisée ici au profit d’un coup de force de « théologie naturelle » que démentirait la pluralité des horizons, des mondes, des formes de cette ouverture dans la poésie ; l’intervention de la Grâce (p. 78) ne suffit pas à rectifier cela. Troisième remarque : l’« incarnation » de la Parole dans le texte biblique pourrait sembler majorer sa sacralité, comme dans le judaïsme ou l’islam encore qu’autrement. La Bible en elle-même n’est pas la Parole de Dieu, mais il y a parole lorsqu’elle est lue ou proclamée. Un texte, une Écriture n’est jamais en soi une parole.
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[35]
L’argument d’« autorité » n’est jamais le plus fort… Attention, coquille : p. 22, § 2, l. 10, il faut lire devenait.
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[36]
Michael Edwards, L’Infiniment proche, Clichy, Éditions de Corlevour, 2016 ; 20 x 15, 110 p., 19 €.
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[37]
Notamment La Poésie précaire (1997), L’Immémorial (2011), Le Travail vivant de la poésie (2013).
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[38]
Jérôme Thélot, Un caillou dans un creux. Notes sur le poétique. Paris, Manucius, 2016 ; 24 x 15, 68 p., 15 €.
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[39]
La racine personnelle, existentielle de cette réflexion n’est pas cachée : p. 43. La défense de la beauté, conçue d’une certaine façon, apparaît aux p. 55-56 dans lesquelles il y a une contradiction apparente au sujet des rapports entre le monde et l’être humain.
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[40]
Rémy Valléjo (dir.), Dominicains 1216-1516. Lumières médiévales, de la prédication aux cathares à la défense des Indiens, Strasbourg, Centre Emmanuel Mounier, 2016 ; 30 x 21, 182 p., 10 €.
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[41]
L’Ami de Dieu de l’Oberland, Le Sage et l’Ermite et autres écrits spirituels, traduits du moyen haut-allemand par Éliane Bouchery et Jean Moncelon, Orbey-Paris, Arfuyen, 2016 ; 23 x 16, 230 p., 15 €.
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[42]
Étant mis à part Le Livre des cinq hommes publié par Arfuyen en 2011 avec Le Livre des cinq rochers de Rulman Merswin.
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[43]
Annoncée dans l’introduction et la note bibliographique mais curieusement absente du volume, elle a été publiée en 1868 par Charles Schmidt.
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[44]
Paracelse, Ainsi parlait Paracelse. Dits et maximes de vie, Orbey-Paris, Arfuyen, 2016 ; 18 x 12, 156 p., 13 €.
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[45]
Jean de la Croix, L’Œuvre poétique, Orbey-Paris, Arfuyen (coll. « Ombre »), 2016 ; 23 x 16, 176 p., 16 €.
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[46]
Georges-Daniel Arnold, Le Lundi de Pentecôte, Orbey-Paris, Arfuyen, 2016 ; 23 x 16, 246 p., 16 €.
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[47]
Pour éviter la confusion, il faut être attentif à nommer le fabriquant Melbrüej et le licencié Melbrüh, contrairement à ce que l’on a fait page 43. Attention ! page 98, ligne 10, il faut lire malheureux.
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[48]
Honoré de Balzac, La Messe de l’athée, Paris, Manucius (coll. « Littéra »), 2013 ; 16 x 12, 76 p., 10 €. Le texte est suivi d’une bibliographie et de plans très intéressants.
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[49]
Voir mon bulletin dans Rev. Sc. ph. th. 95 (2011), p. 495.
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[50]
François Sureau, Je ne pense plus voyager. La Mort de Charles de Foucauld, Paris, Gallimard, 206 ; 25 x 14, 154 p., 15 €.
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[51]
On lira des pages étonnantes sur ce point, fondées sur un carnet, pages 68-69.
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[52]
L’équivalence entre « communion des saints » et salut des âmes par la souffrance d’une personne (p. 79) est plus que contestable : c’est la déplorable « réversibilité » maistrienne ; de même la citation de C. J. Wright page 114 me semble trop unilatéralement doloriste : une situation limite n’est pas un programme de vie.
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[53]
L’abbé Huvelin n’a pas compris Foucauld ; Sureau et moi aurions-nous fait mieux ?
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[54]
Page 116 : je ne comprends pas le il qui ouvre le chapitre, alors qu’il ne peut s’agir de Ch. de F. et que le je intervient cinq lignes plus loin.
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[55]
Deux questions infimes : page 24, 1945 n’est-il pas mis pour 1944 ; page 77 « vie bonne » plutôt que « bonne vie ».
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[56]
Gabriel Josipovici, Infini. L’histoire d’un moment, [Meudon], Quidam éditeur, 2016 ; 21 x 14, 153 p., 18 €.
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[57]
Il est curieux que ce comte sicilien qui évoque tant de gens n’ait pas un mot pour Tomasi di Lampedusa.
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[58]
André Du Bouchet, André Weinstein, Entretiens, Paris, L’Atelier contemporain - Institut national de l’audiovisuel, 2016 ; 22 x 14, 120 p., 20 €. En couverture un dessin : portrait de Du Bouchet par Tal Coat.
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[59]
Il y a dans ces interviews bon nombre de répétitions, mais l’on ne s’en plaint pas. On notera, aux pages 74-78, une discussion très intéressante sur les Carnets qui ont précédé plusieurs poèmes et que l’on a édités en 1990 et 1995.
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[60]
Yves Bonnefoy, L’Écharpe rouge, Paris, Mercure de France, 2016 ; 25 x 14, 296 p., 19 €.
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[61]
Un texte, intitulé « Pierre-Jean Jouve » et daté de mars 2016, vient s’y ajouter sous le signe de la poésie véritable, aux pages 189-198.
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[62]
Ces textes, publiés en 2009, sont repris à la fin du présent volume : pages 199-264 ; j’en ai rendu compte ici : Rev. Sc. ph. th. (2019), p. 385.
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[63]
Une phrase inquiétante, page 162 : « L’autre n’accède à soi qu’à travers nous, il ne nous doit que son être, rien si nous ne l’aidons pas à nous devoir tout » : tout, vraiment ! Ne serait-ce pas folie que de le vouloir…
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[64]
Yves Bonnefoy, Ensemble encore, suivi de Perambulans in noctem, Paris, Mercure de France, 2016 ; 22 x 15, 140 p., 14,80 €.
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[65]
Sept poèmes, dans lesquels on entend des voix, poèmes qui ont déjà fait l’objet d’une seconde édition chez Galilée en 2015 avec « Dedans, dehors ».
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[66]
Yves Bonnefoy, La Poésie et la gnose, Paris, Galilée, 2016 ; 22 x 13, 166 p. 18 €. Gnose était jadis opposé à incarnation chez Y. B., en explicitant les origines et affinités chrétiennes du second terme. Voir Jean-Pierre Jossua, « L’incarnation opposée à la gnose dans l’œuvre d’Yves Bonnefoy », dans Pour une histoire religieuse de l’expérience littéraire, t. I, Paris, Beauchesne, 1985, p. 231-254. Le présent volume est accompagné d’un frontispice d’Alexander Hollan.
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[67]
On ne peut que reconnaître la justesse de tout ce qui est dit ici de la tentation de gnose, de l’effort de la poésie véritable et du risque d’aliénation par le langage. Mais le « tout poétique » a ses limites. Les philosophes, les mystiques, les hommes de foi ont peut-être eux aussi quelque chose d’important à dire qui ne récuse pas nécessairement « notre lieu terrestre ». Un lecteur innocent pourrait croire qu’Y. B. le nie…
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[68]
François Cheng, La Vraie Gloire est ici, Paris, Gallimard, 2015 ; 20 x 14, 166 p., 16 €.
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[69]
Pierre Dhainaut, Voix entre voix, Paris, L’Herbe qui tremble, 2015 ; 19 x 14, 64 p., 14 €.
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[70]
Jean-Pierre Lemaire, Le Pays derrière les larmes, Paris, Gallimard, 2016 ; 18 x 11, 386 p.
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[71]
Jean-Marc Sourdillon la signale, avec le tu caractéristique adressé à soi-même, (mais pas toujours).
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[72]
Bernard-Joseph Samain, « L’enfance que tu es ». À l’écoute de la poésie et de la prière, Villiers-devant-Orval, Abbaye d’Orval, 2015.
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[73]
Agnès Gueuret, Les Jougs de Jérémie, Saint-Pierre, Le Corridor bleu, 2016 ; 19 x 13, 88 p., 12 €. En couverture, une sculpture de Pierre De Grauw.
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[74]
Au moment de terminer ce bulletin, je reçois un autre recueil, le huitième, chez le même éditeur : Sous l’écorce des jours, assez différent dans la mesure où il s’agit d’un travail d’écriture quotidien accompli par Agnès Gueuret. J’espère pouvoir en rendre compte ailleurs.
1 Ce trente et unième bulletin est un peu plus bref et sensiblement moins consistant que les précédents. Or cette évolution ne peut, à mon sentiment, que s’accentuer. Il sera donc le dernier, car je ne souhaite pas de voir ces bulletins baisser en qualité après tant d’années de travail. Soit que les publications qui relèvent de sa compétence se raréfient beaucoup, en dehors des études historiques, soit que je me trouve à présent moins bien placé pour les repérer et qu’on ne me les signale guère, il me faut bien me résigner à cette décision. Elle sera un peu compensée par le fait que je donnerai dans les notices bibliographiques placées à la fin des numéros les recensions des ouvrages les plus consistants que je pourrai recevoir ou commander.
2 Études et essais. — Juliette Bordes a publié sa thèse de théologie de Toulouse sous le titre Reviens, colombe. Saint Jean de la Croix. C’est du moins celui que porte la couverture, car il faut aller à la page de titre pour découvrir le véritable : La Théologie symboliste de saint Jean de la Croix, avec comme sous-titre : dans Le Cantique spirituel et La Vive Flamme d’amour [1]. Je ne me reconnais pas la compétence nécessaire pour proposer un compte rendu critique de cet ouvrage à la fois sérieux, lisible et intéressant. Je veux simplement le présenter aux lecteurs de ce bulletin, comme il se doit. L’introduction s’ouvre par une annonce qui justifie ma phrase précédente : « Nous engageons ici une réflexion sur le rapport fondamental entre la vie spirituelle et la création poétique dans le Cantique spirituel de saint Jean de la Croix […]. » L’A. ajoute qu’elle étudiera aussi La Vive Flamme et les deux Commentaires. Il s’agira d’un travail de « théologie spirituelle » à l’écoute d’un maître qui communique son expérience et sa méthode. On voudrait scruter le mystère de l’origine de ces textes admirables, faire participer l’outil littéraire à la réflexion théologique, engager un déploiement de la pensée théologique dans le sens d’une ouverture à une forme de pensée différente : voilà les trois autres préoccupations majeures dans cette recherche. L’A. justifie ensuite le corpus qui est pris en compte, développe sa problématique et les étapes du parcours. Une première partie introductive indispensable présente les sources de la poésie sanjuaniste, la situation espagnole du temps [2], enfin les sources de la pensée elle-même. La deuxième partie méthodologique aborde les liens de cause à effet entre les moments de la vie mystique et ceux de la vie de l’écriture : la naissance des symboles. La troisième partie est consacrée à la rhétorique des deux Commentaires et des traités en prose. On trouvera, après la conclusion, une bibliographie et une brève mais suffisante esquisse biographique.
3 Après les deux ouvrages consacrés aux chorals de Jean-Sébastien Bach, Philippe Charru, musicien et musicologue, et Christoph Theobald, théologien, tous deux jésuites, consacrent un livre de plus grande ambition aux Passions [3]. L’avant-propos énonce le dessein du livre : « Comment Bach se fait-il l’exégète des textes qu’il met en musique ? Ou encore, en termes de méthode : peut-on remonter, à partir de l’analyse musicale de ses œuvres, jusqu’au principe de lecture des textes qu’il met en musique et, si oui, comment ? » [4]. De là la nécessité d’une interdisciplinarité ainsi que de l’organisation du volume : l’émergence stylistique des Passions du fond des traditions diverses ; examen du passage du récit évangélique au livret puis de celui-ci à l’œuvre musicale ; analyse de l’unicité de chaque Passion et reprise de la question à la fois théologique et stylistique des fruits de l’écoute de ces œuvres. Ne pouvant suivre ici cette démarche, je note quelques points qui m’ont frappé. 1. Trois précieux chapitres mettent en place l’histoire de la Passion avant Bach, le rapport entre prédication et poésie dans la tradition luthérienne, et les questions de l’interprétation des Passions de Bach. Un point secondaire mais révélateur m’a surpris : alors que le livret de Brockes, repris intégralement par Telemann, contenait à vingt reprises des termes accusateurs et injurieux contre les Juifs, il n’y en a aucun chez Bach, lui aussi débiteur de cet auteur. Notons que si Brockes accomplit le passage entre l’intériorisation de l’unique Passion à laquelle on s’accorde par la foi (« Passion-Oratorio ») à la fiction d’un drame actuel prétendant conduire par la théâtralité à la conversion (« Oratorio-Passion »), Bach ne le suit pas, respecte le récit et assure la dramatisation et la conversion grâce à la musicalité même. 2. On ne peut manquer d’être frappé par le déplacement théologique qui se produit chez Bach dans le sens d’un centrage sur « l’amour sans mesure » du Christ pour tous les hommes, sans minimiser l’abaissement et la mort soulignés par Luther. C’est sur la découverte de cet amour qu’est fondée la conversion — comme chez Abélard ! —, obtenu le repos, engagée la Nachfolge. 3. La partie de loin la plus considérable du volume consiste en une lecture de chacune des Passions, selon le plan suivant : le texte évangélique, le livret (sources, composition, théologie), l’architecture sonore, une lecture continue des tableaux. Ce travail magnifique permettra une écoute renouvelée de ces œuvres. 4. La comparaison entre les deux Passions, au début de la troisième partie, est remarquable. Elle procède élément par élément : la voix du Christ [5], les autres voix, celle de l’évangéliste, les « architectures sonores » avec la « dramatique de conversion » qu’elles induisent. Les deux autres chapitres vont développer la theologia crucis luthérienne incluse dans cette « dramatique » en poursuivant la comparaison des Passions quant à la genèse et aux cheminements spirituels. 5. La conclusion montre comment a été établie l’approche « stylistique » de l’œuvre : selon la problématique actuelle, en respectant l’autonomie musicale de l’œuvre sans négliger sa visée religieuse.
4 Nous connaissions de longue date les travaux théoriques et historiques de Philippe Lejeune sur l’autobiographie et en particulier sur le journal, et attendions de lui un ouvrage sur le moment d’émergence de cette forme d’écriture. Le voici : Aux origines du journal personnel. France, 1750-1815 [6]. Les chapitres offrent des études sur des thèmes, des points de vue, des synthèses partielles qui donnent l’occasion de présenter les protagonistes les plus intéressants. Aux pages 17-30, après l’introduction, on trouvera un synopsis de ces chapitres et de leurs sections. Le parti précisé dans l’introduction est double. Il s’agit, parmi les « traces datées », d’étudier l’origine dans la seconde moitié du xviiie siècle du « journal personnel » (ce qui est plus large qu’« intime ») sur le socle des « écrits du for privé » (livres de raison, etc.) qui ont eux-mêmes succédé aux journaux collectifs et publics antérieurs. Il s’agit aussi de ne pas s’en tenir aux quelques journaux imprimés et déjà connus, mais de s’intéresser à tout ce qui est encore accessible parmi les écrits inédits [7]. Cela, sans oublier que cette pratique existait en Angleterre et en Allemagne depuis un siècle, en dehors des journaux de voyage, ni perdre de vue l’influence de Rousseau qui, lui, n’a pas tenu de journal. L’A. s’interroge sur cette absence dans l’ouverture de son livre : c’est « sans doute par un malaise devant l’écriture de premier jet et dégoût des contraintes de la régulariser ». Cette ouverture se poursuit par un inventaire très suggestif des journaux en date du 14 juillet 1789 : on y saisit toutes les strates historiques du genre. Le style personnel et vivant de l’A. et la mémoire qu’il inscrit ici de ses recherches et découvertes rendent agréable cet ensemble d’inventaires plutôt austères. Le chapitre sur le destinataire met en lumière un premier trait existentiel : le journal est adressé à soi-même [8]. La question embrouillée d’un projet de favoriser le progrès de la psychologie par un journal introspectif — dont le type est celui de Marc-Antoine Jullien, un obsessionnel formidable que nous connaissions par les notes de Maine de Biran — est éclaircie autant qu’on le peut aux pages 125-135. En réponse à l’accusation de Gusdorf de ne pas tenir assez compte de l’influence des piétistes allemands sur la naissance du journal, l’A. étudie les « journaux spirituels » produits en France — jésuites et sulpiciens en particulier — jusqu’à la fin du xviiie siècle ; il montre qu’ils sont rares et n’invitent pas à les imiter. Il ne voit pas de corrélation, même si l’on pense à Genève où les journaux se multiplient à la fin du siècle [9]. La datation, celle du moment de l’écriture et non celle des faits, est le second trait essentiel ; la régularité s’y ajoute, mais l’écriture quotidienne n’est pas une règle absolue. Voici encore quelques points intéressants. Le parallèle avec les correspondances et les échanges entre les deux genres sont éclairants, tout au long du livre. Également, l’émergence du journal personnel est étudiée de façon précise dans quelques cas inédits ou publiés récemment. Elle est favorisée parfois par un caractère familial qui tempère la nouveauté de l’adresser à soi seul, et aussi par la visée pédagogique des journaux d’éducation, celui de l’éducateur ou de l’enfant. Autres éléments adjuvants : le souci de sa propre santé, le deuil, l’amour et la sexualité. On arrive finalement à l’introspection : le journal moderne est né, cousin de l’autobiographie [10].
5 Il aura fallu plusieurs décennies à André Dabezies pour achever son ouvrage considérable — un inventaire avec des moments d’analyse approfondie — sur Faust [11] ; l’avant-propos tente une définition du mythe (image ou récit symbolique, porteur d’une aura, permettant à un groupe de donner sens ou de traverser une épreuve) ; toutes les versions du mythe en font partie, mais notre regard a changé au xxe siècle et a passé de la grandeur du mythe au soupçon à son sujet. Dans un contexte d’attrait pour la magie et les croyances à un pacte irrémissible avec le diable, Georg Faust apparaît en 1507 : un magicien et astrologue dont la légende se développe dès 1548 avec sa mort due au diable, puis tout un amalgame folklorique (1570) et le pacte (1580). Le « mythe » est constitué dans L’Histoire de Johannes Faust de 1587, écrit composite et moralisateur dans lequel Faust n’a encore rien d’un héros, d’un révolté ou d’un titan : c’est l’impatience de son désir qui le conduit à l’aliénation de sa liberté, et l’angoisse même de la damnation empêche le recours au pardon. L’œuvre théâtrale de Christopher Marlowe (1593) est remarquable et moins moralisante : un Faust mieux individualisé met la magie au service de son désir et de ses rêves et refuse la condition réelle de l’humanité. Au xviiie siècle, on en vient à voir Faust comme l’homme aux prises avec le mal, à le considérer de façon positive (savoir et désirs sublimes chez Lessing), à envisager sa réhabilitation (Weidmann), puis à le concevoir comme un génie titanesque opposé à la société, aux lois, au destin et au monde mauvais (Klinger). Chez Goethe, l’unité de l’œuvre est d’ordre éthique, le dénouement de chaque épisode permettant d’enchaîner sur le suivant, et le drame intègre un jeu de formes symboliques. Son premier Faust est un Job moderne, aimé de Dieu, avec ses projets, ses désirs, son impatience, sa lassitude du savoir et sa tentation du désespoir. Dans le second, l’universel [12] gomme le personnel. Chez les romantiques, Faust est lié à d’autres héros idéalisés, individualisés, insoumis (Grabbe, Lenau). À la fin de xixe siècle et tout au début du xxe, le Faust goethéen devient un catalyseur d’appels et d’enthousiasmes, une noble figure symbole de l’humanité en progrès — et parfois le (sinistre) héros national allemand. Ajoutons la rédemption symbolique de l’humanité chez Mahler et le salut par l’amour d’une femme chez Ibsen-Grieg. Plus tard, Faust incarne, parmi cent remakes et discussions, le courage dans l’épreuve, la culture occidentale en progrès ou en déclin (Spengler), le modèle idéal de l’homme moderne, etc. Tout cela sera balayé par la Seconde Guerre mondiale, et vont se signaler trois écrivains : Boulgakov, qui démasque et ridiculise le régime soviétique, fait de Marguerite (l’amour) la véritable héroïne, Faust (l’intelligence) étant plus pâle, avec un salut dans le monde de Iéchoua (Le Maître et Marguerite). Le prix de l’étude sur Mon Faust vient de la consultation des esquisses de Valéry ; elles permettent de voir l’évolution entre le début assez pauvre, la deuxième partie (les menaces du refus total), les esquisses de l’acte iv qui marquent une ouverture à l’autre et la hauteur suprême de l’amour fût-il condamné à l’échec [13]. Parti d’un intérêt pour la dimension psychologique du mythe, Thomas Mann conçoit son Docteur Faustus de façon à faire pièce à la barbarie nazie. La composition polyphonique (thèmes), le tissage chaîne-trame (excursus), le jeu de la voix du narrateur sont bien analysés ; est sagement mise en place l’espérance paradoxale et improbable du scripteur. Après la guerre, palinodies et tentations de sauvetage du mythe abondent et l’histoire de cette création polymorphe, où Faust disparaît dans la désarticulation des structures théâtrales, est pressentie avec précision. Les créations les plus récentes, très nombreuses [14], ne nous montrent plus Faust comme l’idéal de l’homme moderne, dont l’échec est souligné. Enfin, L’A. trace un bilan impressionnant autour de Goethe et de ses relectures, souvent biaisées. Trois schémas dramatiques majeurs : Faust romantique (l’amour), idéalisé (l’élan), au bord de l’abîme (les contradictions). Des enjeux symboliques majeurs : passion du savoir, attrait du pouvoir, création artistique, possibilité d’une réconciliation, liberté de l’homme moderne (mais non sans perte de repères, ignorance d’autrui, rejet du réel).
6 Corinna Bayle, qui dirige la série « Gérard de Nerval » des études dix-neuvièmistes chez Garnier, nous offre un volume qui a le mérite d’apporter beaucoup d’éléments pour la connaissance de l’œuvre de Nerval sans prétendre à l’exhaustivité ni à la synthèse. Le titre le dit : Broderies nervaliennes [15]. Le compte rendu en est donc difficile — d’autant que l’A. est fidèle à la méthode et à l’écriture comparatistes — et l’on ne peut qu’en indiquer le riche contenu. Une belle introduction, « Nerval rhapsode », justifie l’approche choisie au nom des motifs toujours repris par Gérard, des références assemblées, des multiples incarnations poétiques ou mythiques : elles aboutissent à dessiner une identité flottante qui se cherche dans de nombreuses projections, relient entre elles des figures féminines afin d’échapper à l’angoisse, opèrent un retour constant aux âges passés et à cet âge sans âge qui est celui des mythes. Au point de constituer « un vaste champ textuel », non une œuvre close sur elle-même, bien au-delà du dépassement romantique des genres et de la confusion délibérée entre imagination et réalité. Suit un étonnant inventaire des connaissances livresques de Gérard, infiniment étendues afin de lire le monde et surtout en soi, avec le mélange qui lui est propre de critique et de chimères, de dédoublement et de déchirement. La première partie, « La poésie des mythes » s’intéresse moins aux adhésions de Nerval qu’au tissage de son écriture [16]. Il s’agit surtout des mythes d’Orphée et d’Isis (« Nerval rhapsode »), puis du jeu inventif sur les noms (« Noms propres, voix fantômes »), enfin de l’harmonie perdue (commentaire de quatre sonnets) et de l’utopie du poème tendant à retrouver cette harmonie par la qualification des usages du langage [17]. Deuxième partie, « Lumières du xviiie siècle » : place de Restif, imaginaire des jardins, Goethe et Werther, La Nouvelle Héloïse. Troisième partie, « Au cœur du romantisme européen » : les fantasmes féminins chez Gautier et Nerval, le chevalier solitaire (Ossian et Scott), la présence de l’Orient. Quatrième partie, « Mélancolies » : la « rêveuse mémoire » est une comparaison entre Nerval et Nodier ; les « enfants du siècle » sont Nerval et Musset ; « Nocturnes » relie Vigny et Nerval (en particulier « Le Christ aux Oliviers »). Cinquième partie, « Dialogues posthumes » : sous le signe de l’occulte, vient à nouveau Gautier ; sous celui de l’onirisme et de la drogue, Baudelaire ; puis Rimbaud, avec « Fils du soleil, fils du feu » (les langues, l’Orient, la quête de soi hallucinée). On ne pourra plus se risquer à commenter Nerval sans se référer à ce livre.
7 Faute de l’avoir reçu à temps, je n’ai pu encore rendre compte du no 49-50 des Cahiers Henri Bosco, consacré à un sujet peu traité et donc attendu avec intérêt : « Henri Bosco — Jean Giono : “Nous habitons deux montagnes voisines” [18]. » Il s’ouvre par quelques inédits commentés par Christian Morzewski et deux autres petits textes et se poursuit par plusieurs études dont certaines sont issues des journées d’étude de Lourmarin en 2013. Le premier inédit, une conférence de 1970 sur le songe, envoyée par Bosco à son ami Ludo Van Bogaert dont on publie ici la réponse, est de nature à faire réfléchir [19]. Deux parties ensuite : quatre contributions dans le thème et trois autres sur des sujets divers [20]. Christian Morzewski fait excellemment le point sur les relations entre Bosco et Giono ; il mentionne l’accueil presque enthousiaste du premier pour Colline et rappelle la médiocrité de ses trois romans antérieurs ; curieusement, il ne fait pas l’hypothèse qui me semble s’imposer : Colline et les deux autres romans de ce cycle ont pu libérer en Bosco la veine qui fera surface dans le Sanglier, ce qui est tout autre chose qu’une « influence ». Deux études parallèles et contrastées suivent, celle très intéressante de Jacques Mény sur Giono et la montagne (réelle) : biographie et écriture, et celle de Benoît Neiss sur « La montagne intérieure » chez Bosco. N’oublions pas l’habituelle « Bibliographie Henri Bosco » pour 2012-2014, due à la fidèle Monique Baréa. En mai 2016 devait se tenir à Nice une rencontre de l’Amitié, qui donnera lieu sans doute à un Cahier et nous attendons celui de 2015-2016.
8 Lueurs, le bulletin de l’association « La Lueur des jours de Jean Grosjean », vient de paraître : c’est le no 1, d’avril 2016 [21]. Présenté par Augustin Guillot, poétiquement ouvert par Jean Maison, ce bulletin comporte plusieurs rubriques. La première, « Histoires de familles », de Daniel Grosjean, ouvre une généalogie de Grosjean qu’illustrent des photographies. « Correspondance » contient un échange de lettres de cinquante pages entre J. G. et son ami André Malraux, entre 1942 et 1974, transcrit et remarquablement annoté par Augustin Guillot et Juliette George-Madine avec l’aide de François de Saint-Chéron [22], tout à fait intéressant pour qui a lu l’œuvre de Grosjean et qui l’a connu personnellement. La section « Lectures » comporte une bonne approche de Jean-Luc Bertolin de la poésie de Grosjean comme « théologie poétique », un commentaire poétique de La Lueur des jours par Jacques Moulin et une présentation de Mon camarade de Michel Léturmy comme portrait de Grosjean, par Jacques Message. « Critique génétique » contient une étude approfondie de Runes par Augustin Guillot, et une autre se trouve dans la section « Traduire » : celle de la traduction de Sophocle, par Juliette George-Marine. Dans « Conversation », on trouvera la transcription d’un entretien télévisé entre Grosjean et Olivier Germain-Thomas (1988), un peu difficile à suivre, mais du plus haut intérêt en ce qui concerne les récits en prose dont la série commence avec Clausewitz. Enfin, deux témoignages : celui, très beau, de Janine Léturmy et celui de Jocelyne Lhermite.
9 Le no 7, de 2015, de la Revue internationale Henry Bauchau. L’écriture à l’écoute s’intitule « Henry Bauchau en scène » ; il aborde donc un aspect peu étudié de l’œuvre de cet écrivain [23]. L’éditorial de Myriam Watthée-Delmotte et Catherine Mayaux insiste sur le caractère constant de l’intérêt de H. B. pour le théâtre et présente le numéro qui comporte trois parties. En premier lieu un inédit tout à fait remarquable, les esquisses du tableau liminaire de Spartacus (1956), dont le texte et le contexte sont présentés par Pauline Basso et Jérémy Lambert. Il s’agit d’un essai ébauché après Gengis Khan et abandonné ensuite : « La vie sacrifiée pour la cause juste est une vie qui transcende la mort. » Autre inédit : un choix de lettres échangées par H. B. et la directrice de théâtre suisse Gisèle Salin autour du projet de mettre en scène Diotime et les lions puis le cycle d’Œdipe, présenté par les mêmes. En second lieu un dossier : « Henry Bauchau en scène. Le théâtre et l’opéra au prisme de l’archive », présenté par Myriam Watthée-Delmotte et Jérémy Lambert ; il est issu d’un colloque de Louvain-la-Neuve en 2013, au cours duquel on a insisté sur le travail génétique et intertextuel que permettent les archives et remarqué l’intérêt des changements de genre fréquents dans cette œuvre. En voici le contenu. De La Reine en amont à Ceinte (Éric Pellet) ; pourquoi l’attrait de H. B. pour le théâtre a-t-il été empêché ? (M. Watthée-Delmotte) ; les projets dramaturgiques des premières années (J. Lambert) ; l’écriture théâtrale dans les journaux (Chiara Elefante) ; autour de la mise en scène d’Œdipe et d’Antigone (Philippe Osmalin et Elsa Sieffert) ; l’écriture pour l’opéra (Mireille Calle-Gruber) ; sur Le Rêve de Diotime (Régis Lefort) ; sur l’ensemble « Bauchau en scène et en musique » (Pierre Bartholomée). Le dossier est complété par une brève prospective de Catherine Mayaux : « L’archive, devenir et avenir de l’œuvre de Henry Bauchau ? » Après une utile « Liste des mises en scène et avenir de l’œuvre de Henri Bauchau », on passe à la troisième partie du numéro : deux apports divers, celui de Khalil Khalsi sur l’animalité dans l’œuvre de H. B. et celui de Pierre Wiame sur un intertexte peu exploité de La Pierre sans chagrin.
10 Le no 37 de la revue franco-portugaise Sigila est consacré à un thème très important à la fois pour l’expérience religieuse judéo-chrétienne et pour la littérature : « L’attente [24] », figure liminaire temporelle souvent associée à d’autres, spatiales (le seuil, la frontière, etc.). Il suffit de penser à Isaïe et à la dimension eschatologique des origines chrétiennes, d’une part, à la littérature de l’attente chez Jünger, Buzzati, Gracq, d’autre part. Dans sa préface, Antόnio Vieira souligne la dispersion sémantique de l’attente en portugais et en développe les conséquences, puis présente les contributions. Je signale, parmi celles-ci, l’importance du messianisme portugais (Florence Lévi sur Vieira et Menasseh ben Israël ; Eduardo Lourenço sur le sébastianisme) et brésilien (politico-religieux : le pays du futur, par Catarina Sant’Anna ; la guerre des Canudos et E. da Cunha, par Walnice Nogueira Galvão) dont les racines juives ne sont pas difficiles à saisir. Quelques études littéraires aussi : de Tolstoï, Madame Butterfly et Tristan à Proust (Guy Samama) ; l’hymne à Déméter (Marie de Gandt) ; de Pénélope à Emma Bovary (Maryse Emel), Mia Couto (Celina Martins). Enfin deux études psychologiques et religieuses, liées au thème mascotte de Sigila, le secret : « L’attente entre secret et croyance » (psychanalyse : Ghyslain Lévy) ; « Le secret au cœur de l’attente de Dieu » (le Dictionnaire des femmes mystiques, en particulier autour de Simone Weil : Delphine Bouit).
11 Le no 38 de Sigila a pour titre « Le vrai [25] ». Il s’ouvre par un hommage à l’homme discret et remarquable que fut Charles Baladier, disparu le 14 août 2016. Après une étude étymologique sur le mot vrai, due à Myriam Benarroch et un entretien entre Alain Berthoz et Isabelle Baladier-Bloch sur la dépendance du vrai, du faux et de l’illusion à l’égard des grilles d’interprétation du cerveau, on entre dans la série des articles thématiques parmi lesquels je citerai « Verum/veritas, le vrai à l’épreuve de la fiction chez saint Augustin et dans la tradition poétique du Moyen Âge » (Carlos F. Clamote Carreto) ; la question de l’authenticité dans les écrits de Platon à Érasme (Béatrice Montamat [26]) ; autour du « roman familial » freudien dans les lettres (Florence Reznik) ; histoire et fictionnalité mêlés chez Saramago posant la question de la vérité historique (Agnès levécot) ; sur L’Écharpe rouge d’Yves Bonnefoy et la « parole vraie » dans cette œuvre (Isabelle Bruyère).
12 En 1968, L’Éphémère a publié des poèmes d’Alain Suied : il avait dix-sept ans. Jusqu’à sa mort en 2008, il a produit de nombreux recueils de poésie, en particulier chez Arfuyen, et de nombreuses traductions de l’anglais. Après un numéro de Nu(e), voici que nos amis strasbourgeois lui consacrent un volume approfondi et attrayant [27]. Dans son introduction Michèle Finck insiste sur le fait qu’Alain Suied est l’un de ceux qui ont porté, au plus profond de leur langue, l’exigence d’une attention à l’autre qui est « l’une des réponses les plus fécondes à la crise de la modernité, entendue en termes d’“ère de la scission” » selon Octavio Paz. S’il entend sa poésie comme conversion du « gouffre » en « souffle », c’est afin de veiller sur l’autre et de lui proposer des repères dans le vide des valeurs. Dans ce sens, dix contributions nous sont offertes. Gérard Pfister, ami et éditeur de Suied, esquisse son portrait et son parcours en évoquant l’« innocence à venir » qu’il voulait partager avec autrui. Michèle Finck aborde la prise en compte et la transmutation du négatif grâce à la triade Origine, Innocence, Ouvert. Injonction éthique et méfiance à l’égard du langage sont conjoints, selon Sophie Guermès, le poème étant donc porté par le cri, l’anaphore et la répétition tendus vers l’appel à l’autre et le partage. Béatrice Bonhomme reprend, dans son étude consacrée à L’Éveillée (2004) — poèmes consacrés à la mort de sa mère — le thème de l’attention à l’autre comme résurrection de l’autre. En revanche, c’est sur des poèmes de jeunesse qu’Alain Mascarou fait porter son attention pour signaler les tensions heuristiques et l’inquiétude spirituelle. Nous en arrivons à Paul Celan, admiré entre tous par Suied qui lui consacra un livre. Les affinités et oppositions (Christine Dupoux), la transmission à l’autre (Patrick Werly). Le poète mélomane et le traducteur sont évoqués successivement par Pierre Brunel et par Andrew Eastman.
13 À la suite d’un colloque qui a eu lieu en 2012, un volume d’études a été publié sur le grand écrivain de théâtre que fut Diego Fabbri (1911-1980), profond chrétien s’il en exista [28]. Après des textes introductifs, une étude est consacrée dans la première partie à la christologie de Fabbri (Ferdinando Castelli), une autre à l’œuvre ultime Al Dio Ignato et à ses harmoniques pauliniennes (Giuseppe Langella), une autre enfin à la critique cinématographique de Fabbri. Une deuxième partie contient des contributions sur l’œuvre de théâtre et de cinéma et une troisième des apports sur ce que l’on appeler son « message » : le drame Inquisizione (F. D. Tosto), la politique et la morale (Benedetta Fabbri), l’apologie du christianisme (Massimo Naro, qui insiste sur la puissance d’interrogation de l’œuvre, hors tout schéma préfabriqué). L’admirable conférence « Cristo tradito » prononcée en 1944 à Rome et censurée dans La Civiltà cattolica est reproduite ici, suivie d’une ultime contribution de Raffaele Vacca évoquant la situation du théâtre italien dans les années soixante.
14 Cette publication me donne l’occasion d’en mentionner deux autres ; la première n’est pas sans concerner ce bulletin : elle porte sur « La narration dans la catéchèse », sous le titre Far toccare Dio, sous la direction de Giuseppe Alcamo [29]. Elle contient notamment une étude sur le statut épistémologique de la théologie narrative (Cosimo Scordato) et une autre sur la qualité du contact relationnel dans la communication de la foi (Massimo Naro). à ce propos même, le second volume, très utile, porte sur les exégètes italiens du xxe siècle : Al primo posto, le Scritture, sous la direction de P. Fabris, G. Ghiberti, E. Manicardi, dans la collection des « Studi del centro “A. Cammarata” » [30].
15 Il faut laisser de côté toute velléité de discussion de l’ordre de l’exégèse biblique pour lire de façon juste l’ouvrage de Michael Edwards Bible et poésie [31]. Il s’agit en effet d’un livre très personnel dans lequel s’expriment une expérience et une vision de la foi, de la Bible et de la poésie. Le caractère poétique d’une bonne partie de la Bible n’est pas un ornement, nous est-il dit, mais une manière spécifique de penser et de transmettre un sens, à laquelle il faut s’ajuster : celle de la poésie qui, par le mouvement même de ses mots, établit une nouvelle présence au monde et ouvre sur autre chose avant de faire entendre, dans le cas du Livre, une Parole autre [32]. Un chapitre autobiographique sur sa conversion permet à l’A. de mettre en place la foi comme don et, du coup, l’altérité du christianisme ; une analogie avec la poésie s’esquisse alors : l’acte poétique semble venir d’ailleurs. Ferraillant avec les exégètes et les théologiens, l’A. invite ensuite à une lecture à la fois littérale, existentielle et poétique de l’« insondable simplicité biblique ». Le retour aux mots simples de l’Écriture devrait aussi mettre fin aux tristes querelles entre chrétiens au sujet du repas du Seigneur [33]. Retour à la poésie, à sa capacité révélatrice tâtonnante et à son caractère d’« incarnation », afin d’approcher poésie et prose bibliques, en même temps humaines et divines : « Les mots de Dieu se sont faits chair », en prenant demeure dans les sons, les rythmes et l’apparence des mots humains à travers le travail des écrivains [34]. Les psaumes, les prophéties d’Isaïe, le Cantique des cantiques, des passages poétiques du Nouveau Testament, la poésie de Luc viennent en de beaux chapitres nourrir cette lecture croyante de la poésie biblique. Un chapitre conclusif, pour une part consacré à Job, médite une conviction ardente : « Il existe dans le réel une autre dimension ; toutes les religions la cherchent ; les écrits judéo-chrétiens la révèlent ; la poésie en est l’incertaine intuition. La prose de la Bible peut convaincre pleinement, par son autorité, de la présence d’un autre monde qui informe le nôtre et le transcende. La poésie biblique laisse entrevoir cet autre monde par sa forme même, par les replis de sa complexité, de ses figures et de tous ses artifices » (p. 159) [35].
16 Écouter le théoricien de la poésie peut se compléter en portant attention à la création de celui qui fut, nous dit-il, poète dès son enfance. Michael Edwards nous en donne l’occasion par un petit recueil poétique publié en même temps que l’ouvrage précédent : L’Infiniment proche [36]. En une série de chapitres, parfois divisés en petites sections, nous sont offerts des poèmes en vers de mètres divers en versets, rimés ou non. L’inspiration religieuse qui n’est pas explicite dans la plus grande partie du recueil le devient à partir de la page 74 (séquences 5 et 6), dans le chapitre « Au fond du puits » ainsi qu’aux pages 96 et 97, enfin dans le « Bénédicité » qui termine le recueil (p. 107-108). J’ai particulièrement apprécié le poème évoquant John Constable (p. 100-101).
17 Jérôme Thélot, qui nous a déjà donné plusieurs ouvrages sur la poésie [37] a adopté dans un livre bref, beau, fort, une forme qui participe elle-même de la poésie : celle de notes, tantôt plus suggestives, tantôt plus réflexives ou théoriques [38]. D’entrée de jeu, la perspective est claire : dans le monde, dans l’histoire, dans la représentation, dans la mal-diction, dans la conscience de la mort, il y a la violence. Mais il y a aussi l’individu réel, sa passion de vivre, et aussi la poésie, ce « nom de la mémoire quand se faisant désécriture, elle rend l’individu à son essence immémoriale », non historique et non verbale. Car la poésie, mixte de fiction (celle de l’écriture), d’affectivité, de vie, peut atteindre la justesse, et avec elle la splendeur d’un matin, ou encore l’éternel, ou encore la miséricorde, ou encore la beauté, éternité dans l’instant [39]. Le lecteur de Jérôme Thélot peut penser à un Platon qui, relisant un soir Homère, s’apercevrait que la poésie, loin de divertir, peut reconduire à l’Origine mieux que la dialectique, et qu’il a eu tort d’exclure le poète de la Cité. Il peut penser aussi à Yves Bonnefoy et à son immense effort de critique et de création, à son éloge de l’élagage, à son insistance sur le rythme contre l’« écriture ». Cette opposition que l’on lisait aussi dans les ouvrages précédents de J. T. n’apparaît ici qu’avec une ouverture : il arrive que l’écriture contredise elle-même son injustice et atteste qu’elle a pour fonds le silence de la vie et la force de l’innocence ; alors peut-elle parvenir à la justesse (p. 21). Ajoutons qu’il y a dans ce livre de très justes appréciations critiques : sur Rousseau, Hölderlin, Verlaine, Baudelaire, Bresson et d’autres, avec un grand bonheur d’expression. Il y a aussi des pages sur « Dieu » (p. 57-60). Est-ce que je comprends bien que « Dieu », « ce qui outrepasse la représentation », « l’avocat de la défense, la démalédiction », « l’impossible circonscrit par les possibilités de notre écriture », ce qui n’est pas la « fiction des prières et des théologiens », désigne simplement en nous cet« inconsolable enfant, l’essence humaine » à qui nous ne « pouvons pas nous soustraire » car « nous ne pouvons faire que nous ne soyons pas » ? ou encore le possible blessé de l’homme « qui sera en agonie jusqu’à la fin du monde » (Pascal, cité deux fois) ?
18 Rééditions et traductions des classiques. — J’ai recensé dans ce bulletin assez de livres de spirituels alsaciens anciens et de poètes de cette région au xxe siècle pour me permettre de sortir une fois de mon domaine et de rendre compte du catalogue de l’exposition de Colmar en 2016, dans l’église des dominicains, à l’occasion du VIIIe centenaire de l’ordre des prêcheurs, Dominicains 1216-1516. Lumières médiévales, de la prédication aux cathares à la défense des Indiens, publié sous la direction de fr. Rémy Valléjo [40]. Il s’agit en effet d’un volume exceptionnel, non seulement en raison de la beauté des documents présentés dans cette exposition qui a reçu vingt-sept mille visiteurs, et de la qualité des reproductions, mais parce qu’il s’agit d’un véritable livre contenant des textes riches d’apports sur l’histoire de l’ordre, les dominicains et dominicaines de Rhénanie, la vie de l’Alsace médiévale. Après diverses préfaces, ces textes qui comportent de nombreuses citations ont été rédigées par Rémy Valléjo lui-même. Les têtes des chapitres sont « Memoratio » (la naissance de l’ordre et l’historiographie dominicaine), « Fundatio » (histoire et figures de l’ordre, avec un texte du professeur Francis Rapp), « Laudatio » (dominicains et dominicaines en Alsace, au sens large de l’époque, avec un texte de Jean-Luc Eichenbaum, directeur des archives départementales), « Contemplatio » (la mystique rhénane, avec ses protagonistes majeurs), « Illuminatio » (un coup d’œil du côté de Dante, Jacopo Passavanti, et les arts), « Reformatio » (de Vincent Ferrier à… Martin Bucer, devenu disciple de Luther), « Peregrinatio » (les prêcheurs dans le monde), « Quaestio » (la question de l’Inquisition, déjà évoquée deux fois auparavant, avec un texte de fr. Augustin Laffay : une longue et remarquable étude), « Renovatio » (le Centre européen du livre et de l’image ; par Fabienne Chabrot, attachée de conservation à la « Bibliothèque des Dominicains » de Colmar). Une bibliographie « sélective » mais déjà importante achève l’ouvrage.
19 Dans sa courageuse entreprise de publier de nombreux textes des mystiques alsaciens du xive siècle, Gérard Pfister présente à présent celui qui a fait couler le plus d’encre : L’Ami de Dieu de l’Oberland [41]. Ou du moins un premier volume consacré à ses écrits spirituels, un second devant suivre qui contiendra ceux qui relèvent de l’autobiographie et de la correspondance. La préface de Jean Moncelon met en lumière les difficiles problèmes relatifs à l’identité ou même à l’existence de ce maître laïc dont la personne et les écrits eurent une si grande influence ; ces derniers sont actuellement accessibles à la BNU de Strasbourg, et ils sont traduits ici en français pour la première fois [42]. Tout n’est pas clair non plus en ce qui concerne son correspondant Rulman Merswin (1307-1382), Henri de Nörlingen, les Amis de Dieu, le Livre du maître qui passa pour une vie de Tauler — autre membre du groupe — et les « johannites de l’Île Verte » qui nous ont transmis ces écrits. Illumination, renonciation à la volonté propre, direction par un Ami de Dieu, cheminement d’étape en étape vers l’origine ou vers la contemplation de la nue Déité : voilà l’itinéraire spirituel propre à cette mouvance mystique. On trouve cet enseignement en particulier dans les deux textes suivants : « L’Instruction » de 1350 [43] et « L’Épître à la chrétienté » de 1356 qui partent de l’expérience et de la pédagogie spirituelles pour rejoindre la situation des croyants et leurs interrogations en un temps de calamités : guerres, tremblements de terre, peste, décadence de l’Église et de la chrétienté. La conversion du cœur demandée va au-delà d’une vie réformée personnelle et collective et elle-même conduit à une expérience intérieure exigeante et lumineuse. L’explication des maux est plus banale (et plus douteuse) : ils sont destinés à appeler croyants et incroyants à une authentique conversion.
20 Paracelse (Théophraste von Hohenheim, 1493-1541), le médecin, le philosophe, le voyageur, l’homme libre et courageux, né en Suisse, est bien connu. Après d’autres philosophes, mystiques ou poètes, il prend place dans la collection « Ainsi parlait » d’Arfuyen avec un volume de maximes choisies, traduites et présentées — introduction et note biographique — par Lucien Braun [44]. Le sens dynamique de l’idée de nature, le caractère sémiologique de l’activité médicale curative (déchiffrer les signes dans les choses), le sens à la fois astral et socratique de la pédagogie, le sens du mot adepte (l’initiation), le sens de la référence théologique à la fois ferme et étrangère à tout souci d’orthodoxie (Dieu, qui soutient le monde ; le Christ, source d’une deuxième naissance ; l’Écriture ; la vie éternelle) sont bien éclairés dans l’introduction. Il faudrait y ajouter l’alchimie, en tant que relais de l’opération de la nature pour la mener à son terme. Les extraits, tirés des trois grandes séries de publications des œuvres de Paracelse, entre 1922 et 1986, labeur encore inachevé, sont à la fois entièrement archaïques au regard de la philosophie critique et de la science moderne et sont vraiment actuels par l’attitude même de l’auteur : son sens de l’expérience, de l’observation et du discernement, de la recherche indéfinie, de la critique des préjugés (il rejette le déterminisme astral, par exemple), du respect des malades. L’affirmation, caractéristique de la Renaissance, d’une correspondance entre macrocosme et microcosme a perdu, en revanche, son pouvoir de conviction.
21 Sans mépriser les autres versions, je dirais volontiers que l’on dispose actuellement de deux bonnes éditions bilingues et traductions des poèmes de szaint Jean de la Croix. Leur fidélité scrupuleuse au texte espagnol est patente. Celle de Bernard Sesé, la plus ancienne des deux, a paru chez José Corti en 1990 avec une préface de Michel de Certeau et une postface de Jean Baruzi. La voici rééditée, révisée et complétée — mais sans ces textes-là — chez Arfuyen [45]. C’est une belle édition, et la traduction est très agréable. Avec le même ensemble de poèmes, plus quelques extraits des prologues, une préface de José Angel Valente, une longue introduction et des notes, celle de Jacques Ancet, qui date de 1997, a paru en Poésie/Gallimard. Elle offrait une qualité poétique en français que je n’ai retrouvé dans aucune autre version. De son côté, la traduction de Bernard Sesé atteste une sensibilité spirituelle qui ne peut que toucher.
22 Par fidélité à mon habitude de rendre compte des publications chez Arfuyen d’auteurs alsaciens peu connus du public francophone, je dois signaler la traduction de la pièce Le Lundi de Pentecôte (1816) de Georges-Daniel Arnold (1780-1829) qui ouvre le chemin de la littérature alsacienne [46]. Traduit et présenté par Suzanne Mayer et Roger Siffer, il est préfacé par Dominique Huck, qui insiste sur le côté « patriotique » de l’œuvre de ce sympathisant de la Révolution, ainsi que sur son aspect « bilingue » : allemand dialectal strasbourgeois et haut-allemand. Puis il est introduit par les traducteurs, expliquant que le but d’Arnold n’est pas de faire jouer sa pièce en alexandrins, mais de mettre en valeur le dialecte et de collecter des fonds pour les villages sinistrés. Autre introducteur : J. W. Goethe soi-même qui traite ce livre comme l’anonyme qu’il fut jusqu’en 1850 ; il loue l’œuvre pour son caractère dialectal, cite la préface d’Arnold : « Dans chaque parler populaire s’exprime une vie intérieure spécifique », la situe en son temps qui est celui d’une résistance de la bourgeoisie strasbourgeoise contre des influences novatrices, présente les douze personnages, analyse le déroulement de la pièce en louant l’habileté de l’auteur dans les intrigues compliquées, la simplicité et la vérité dramatique, la richesse dans la description des mœurs et des lieux, l’adresse à mettre en valeur la crudité du langage strasbourgeois (qui n’a pas perdu au xxe siècle ce caractère). Évidemment, le lecteur connaissant l’alsacien s’amuse plus qu’un autre. J’ajoute qu’Arnold explique bien la diversité des dialectes qu’il reproduit à côté du strasbourgeois, leur origine et leurs particularités. L’ensemble, malgré des longueurs, est savoureux et prenant. Cela dit, la pièce fut et reste injouable, malgré l’exception de 1835 [47]. À la fin du volume, on trouvera une note biographique consistante et une bibliographie.
23 Quelques lignes pour signaler et louer une bonne réédition d’un des plus beaux textes de Balzac, trop peu lu, La Messe de l’athée, avec une introduction intelligente et compétente, aussi bien sur le terrain littéraire que sur celui du religieux, par Marie-Bénédicte Diethelm [48]. Desplein, l’illustre chirurgien, le maître de Bianchon — personnage récurrent de La Comédie humaine et dont il est donné dans le récit un beau portrait — est un athée notoire que son élève surprend fréquentant régulièrement une messe à Saint-Sulpice. Cette énigme s’éclaire par le récit de la jeunesse du chirurgien qui, très pauvre, a été aidé paternellement par un porteur d’eau auvergnat, catholique fervent, qui a tout sacrifié pour lui. Le cœur du récit est dans la gratitude, la messe à sa mémoire et selon sa conviction, et surtout la contagion de la bonté qui se transmet en cascade de l’homme de charité à ceux qui, à partir de son exemple, apprennent la compassion et le désintéressement. La timide question qui naît dans le cœur de Desplein sans faire de lui un croyant (par « la bonne foi du douteur ») n’est pas sans résonnance chez Balzac lui-même. Les parallèles tchékhoviens et gogoliens évoqués par M.-B. Diethelm me semblent pertinents. Petite remarque : l’éditrice, qui déjoue très bien dans la note 2 de la page 11 la confusion fréquente entre immaculée conception et naissance virginale, eût pu également signaler la masse d’erreurs historiques au sujet de l’eucharistie que contient le texte cité dans la note 1 de la page 10.
24 Romans, récits. — En 2010, François Sureau avait publié Inigo, un livre très personnel sur la jeunesse d’Ignace de Loyola, que j’ai beaucoup apprécié [49]. Le voici qui récidive avec une évocation de La Mort de Charles de Foucauld, sous-titre de Je ne pense plus voyager [50]. Première partie : « Les derniers jours ». Les sections i et ii rapportent sobrement l’assassinat de 1916 et l’enquête menée trente ans après. C’était un Français, un chrétien, un homme connu et lié à l’armée, que les nationalistes islamiques voulaient prendre en otage et qui a été tué presque par accident. Le récit est vif, attachant. Dans la section iii, il se fait plus personnel et même autobiographique par l’évocation de la trace laissée par Ch. de F. dans la vie de l’auteur. Deuxième partie : « Jusqu’au jugement dernier ». I. Quelques notes pour un portrait : solitude fondamentale, lucidité, recherche de « l’image de Dieu » dans les pauvres, liberté intime au sein d’une acceptation des choses établies, amitié, souffrance, identification au Christ, espoir de conversion des peuples du Sahara mais sans lien à la colonisation. II. Le dernier séjour en France (1913) et son retour ultime, occasion pour l’A. de petites formules cinglantes — de celles-ci et d’autres très émouvantes il a le secret — sur les gens du monde et les gens d’Église. IV. Le changement d’état d’esprit au fortin de Tamanrasset au regard du temps de l’ermitage de l’Assekrem : solitude volontaire, détachement de tout y compris des religions particulières [51], perspective de la mort (« passé sur un autre versant »), fraternité universelle, sens de son travail sur la langue et les poèmes des Touaregs, retour sur la misère et le mouvement perpétuel des années antérieures au Hoggar, avec un sentiment d’échec [52]. Troisième partie : « Stations du chemin ». I. Retour en arrière : l’enfance terrible, la recherche de la mort, la foi perdue, l’ennui et les désordres de l’esthète, l’instabilité aventureuse. II. Le premier départ, militaire, pour l’Afrique, sans visée spirituelle à la Psichari ; il découvre son propre courage ; l’exploration des territoires interdits du Maroc déguisé en juif errant ; la découverte de l’islam. III. La conversion soudaine, l’attirance pour la pauvreté de Nazareth, le temps de la Trappe ; il ne cesse d’obéir à des ordres prudents qui entravent son appel intime jusqu’en 1897 [53] ; départ pour Nazareth du frère Charles désormais indépendant [54]. Quatrième partie : « Le consentement ». I. Vivre à Nazareth la pauvreté selon Jésus, avec son Dieu, en tentant de le faire connaître et en défendant les plus pauvres ; puis à Béni Abbès, en accueillant mais sans prêcher. II. Le consentement s’approfondit ; Ch. de F. est seul mais en compagnie de l’admirable Pseudo-Caussade ; l’état d’esprit qui est le sien lorsque les bandes armées sont à sa porte : « Je n’aimerai jamais assez. » III. Une ultime méditation personnelle de l’A. Finalement, dans ce portrait nuancé et même contrasté, une belle écriture aidant, Ch. de F. apparaît plus crédible, plus proche, plus grand que dans les livres ses hagiographes [55].
25 Interview, par un locuteur dont on ne sait rien, du majordome — personnage très savoureux — d’un aristocrate sicilien habitant Rome, c’est un livre très réussi que Infini. L’histoire d’un moment de Gabriel Josipovici, traduit de l’anglais par Bernard Hoepffner [56]. Le portrait est plein de sel, la vie du héros étonnante, l’écriture originale. Et puisque ce grand seigneur est aussi un compositeur, on découvre dans le livre une expérience d’infini dans la création, une vision des conditions de cette dernière et quelques jugements percutants sur les musiciens du xxe siècle. Contrairement à un jugement reproduit sur la quatrième de couverture, l’ouvrage n’a rien à voir avec le Docteur Faustus : le personnage n’est nullement faustien et il n’y a pas de figure politique démoniaque en filigrane. On apprend après coup que Giacinto Scelsi a inspiré cette biographie romanesque [57]. Au centre du livre, une nouvelle naissance au Népal à un moment critique de la vie : naissance à la vraie musique qui est dans le son, ainsi qu’aux conditions de la création qui est fondée sur une expérience spirituelle. Voici quelques-unes de ces conditions. Écarter toute théorie (contre Schönberg) : c’est le bonheur qui est à la source de la composition, non la pensée ; créer en soi un espace de solitude tout intérieur ; ne pas écouter les sons humains, mais ceux de l’univers en cultivant l’oreille et la vision intérieure, en écoutant le silence, le moment ; attaquer toue chose avec violence, sans inhibition ; ne pas chercher la maîtrise ni la profondeur, mais se soumettre, écouter, se faire un canal pour le son ; rapporter ça intact de là-bas et lui donner forme sans rien distraire de son Altérité ou du chaos. Quelques expressions de l’expérience spirituelle, qui ne vont pas sans plus d’une contradiction. Le compositeur ne vit pas dans le temps mais dans l’éternité, et il doit comprendre que l’éternité et le moment sont une même chose : si l’on entend maintenant on peut entendre l’éternité, découvrir une compression dans l’instant de tout ce qui a jamais été et sera à jamais (donc : l’absolu dans la finitude, c’est clair ; le propos sur la « transcendance » le sera moins) ; il y a de nombreuses voies vers la transcendance et, très grande parmi elles, celle de l’art, surtout la musique qui va directement au cœur et au corps ; toutefois il faut chercher, comme au Népal, non la transcendance mais la transformation ; il faut s’accorder aux rythmes de l’univers, toutefois la transformation à opérer est celle du monde et de l’humain ; notamment par la répétition d’une seule note qui peut produire un effet d’extase ; bref, il faut pénétrer au cœur de chaque chose, lui donner son poids, mais l’expérience est celle de l’Autre, de l’inattendu et, de plus, le mystère ultime des choses nous échappe.
26 Poésie contemporaine. — Je voudrais signaler un livre extraordinaire que sa publication un peu confidentielle risque de laisser inaperçu. Il s’agit des Entretiens d’André Du Bouchet avec André Weinstein [58], entre 1979 et 2000. Il ne peut être question de le résumer, car ce serait réduire à très peu de choses une voix qu’il faut écouter, un texte qu’il faut lire et entendre tel qu’il s’offre, lumineux, permettant non seulement d’aborder de façon juste le projet et l’œuvre d’un grand poète, mais encore de pressentir ce qu’est la poésie elle-même. Et l’on découvre que celle-ci est très simple — quelques mots, une « phrase » plutôt qu’un vers, encadrés par quelques blancs, les uns et les autres formant un « rythme » — et très éloignée des bavardages ou des énigmes de ce qui se couvre parfois sous son nom. Très éloignée aussi des travaux ou des jeux au sein du langage et à son sujet, ceux de toute une tendance de la poésie actuelle qui se réclame parfois de Du Bouchet. Car elle est relation à l’être ou au réel, à l’autre, à soi, dans et malgré le langage — un langage aujourd’hui blessé — pour une ouverture et un dépassement de soi. Ce qui est dit de la peinture n’est pas moins éclairant (elle reconduit à l’expérience qui l’a fait naître), ou encore de la traduction de la poésie (une manière de la concevoir assez extrémiste dans le sens de la distance nécessaire, et que l’on pourrait discuter), ou enfin de certains poètes inspirateurs (surtout Baudelaire — un texte admirable intitulé « À propos de Baudelaire » — et Pierre Reverdy) [59].
27 Trois livres d’Yves Bonnefoy étaient arrivés presque ensemble juste avant son décès. Le premier, le récit L’Écharpe rouge [60], daté de juin-décembre 2016 est dédié à sa fille Mathilde, rapporte une histoire ancienne complexe, que je vais tenter de retracer [61]. Le volume s’ouvre sur « Une “idée de récit” » racontant que depuis 1964 un texte nommé « L’écharpe rouge » et contenant cette « idée » — une centaine de vers — a été esquissé en prose par Y. B. à plusieurs reprises jusqu’en 2009, et cela en vain : rien ne pouvait y être changé. On lit alors trois « fragments » en vers avec un commentaire, le tout d’une impressionnante beauté. Suit la section « Ambeyrac ». I. « Deux scènes » (de 2008), « Pour mieux comprendre » et une note (2009) mettent l’A. sur la voie [62] : Toulouse, mentionnée dans le premier texte en vers, est la capitale de ses parents, l’« idée de récit » porte sur sa propre existence dans sa relation avec eux, l’homme qui y apparaît est son père et l’écharpe rouge que chacun des deux personnages a vu l’autre porter est le « lien qui nous unit, d’une façon à la fois invisible et essentielle […], le lien du sang » (p. 40-41). II. Commencent alors les souvenirs portant sur les deux lignées paternelle et maternelle. Ils permettent d’interpréter le texte en vers, et font en même temps l’objet d’une relecture. Celle-ci, que je dirais inquiète, tourne à l’interprétation, tantôt psychologique et tantôt fondée sur une réflexion fondamentale au sujet du langage ainsi que sur une pensée de la poésie. Ils se poursuivent sous divers titres, pendant cent soixante pages, sans constituer une autobiographie. « Toulouse » évoque le rapport d’enfance avec les parents, la question du langage, et la source en soi-même de la poésie par la compassion pour le père (p. 65-74) ; la séquence s’achève par un retour fulgurant sur soi : « Cet homme, déjà vieux, qui se penche sur son passé, c’est moi ». Avec le devoir de se retrouver, de se comprendre, qui va se réaliser de façon passionnée, éprouvante — et très émouvante. « Un abécédaire » poursuit la remémoration, portant alors surtout sur la mère ; on y lit cette phrase lourde de sens : elle montrait à l’enfant « les grands pouvoirs de quelques mots simples », liés à l’expression de l’être, de l’unité (p. 117) et la découverte du rythme, plus profond dans la parole que la signifiance courante (p. 119). Sans quitter la relation aux parents, le récit prend un virage avec « Un tableau de Max Ernst », en décrivant les années passées entre l’ivresse des mots promettant un Ailleurs, de soudaines expériences d’une présence pleine et énigmatique, et une pensée très forte du néant. La Pietà d’Ernst lui a fait découvrir une voie pour la poésie : « Un travail du négatif mais dont l’avenir, ce sont des présences » (p. 138) et, en particulier, selon le chapitre suivant, celles des autres, des êtres proches. C’est « Le Tiers silence », où insiste le souvenir de la mère avec le regret d’avoir manqué un véritable échange, puis revient l’écriture de L’Arrière-Pays : la découverte « que l’être est la seconde chance de l’esprit d’abord et si constamment leurré par le rêve » (p. 162) [63]. Le dernier chapitre reprend d’autres passages de « L’écharpe rouge » et nous offre trois pages superbes sur « Danaé dans la pluie d’or » comme figure de la poésie (p. 160-170). Malgré quelques lourdeurs dues aux répétitions dans la réflexion sur le langage, l’écriture magnifique témoigne de la fécondité de la pensée de la poésie qui aura été le souci et l’apport essentiel d’Yves Bonnefoy.
28 Je serai plus bref sur le deuxième livre : Ensemble encore, suivi de Perambulans in noctem [64]. Il contient des poèmes en vers et des « récits en rêve » qui ont paru pour la plupart dans des éditions très rares, rappelées dans la « Note bibliographique » ; celle-ci contient aussi un commentaire du second titre latin. « Ensemble encore », qui ouvre le recueil, est un triple poème inédit en vers nourri de souvenirs et s’achevant par une sorte de testament qui, aujourd’hui, nous bouleverse. Les autres textes sont d’une part « La Grande Ourse [65] » et « Le pied nu ». D’autre part, en vers, « Ensemble la musique et le souvenir », « Poèmes pour Truphémus » (évoquant des tableaux) et Briefwege, un souvenir en partie inédit. Enfin Perambulans in noctem, des poèmes en prose constituant un ensemble plus long de récits en rêve ; le commentaire sépare les deux parties, dont la seconde pourrait être rapprochée de L’Écharpe rouge.
29 Un petit volume paru aux éditions Galilée reprend trois conférences récentes d’Yves Bonnefoy sur un sujet qui lui fut de longue date familier : La Poésie et la gnose [66]. Dans la première et essentielle contribution, Y. B. formule de façon renouvelée une pensée de toujours. La gnose, c’est le monde mauvais, la chute, un message venu d’ailleurs. Et la poésie connaît ce rapport aux choses et aux êtres qui est privé d’une plénitude dont on a une ombre de souvenir. Mais elle ne déteste pas la vie, et elle s’attache à tout ce qui reste de beauté dans le lieu terrestre, à la fois souffrance et manque. Cette plénitude, cette présence fut pressentie dans l’enfance, et elle a sa place dans le monde ordinaire vécu d’une meilleure façon. S’il y a eu chute, perte, c’est par l’apparition et le développement indéfini du langage avec ses structures, ses schèmes, ses systèmes. Le poète tentera non s’imaginer un ailleurs permettant d’y échapper, mais en recourant aux mots, en tentant avec eux dans l’existence ordinaire la rénovation de l’ici, et avec les êtres retrouvés une perception du tout. Mais la poésie subit la tentation gnostique et parfois elle y cède dans le poème car le mot, le son, le rythme se laissent difficilement dissocier du concept, d’où une impression d’insuffisance qui peut conduire au « rêve », à des visions sans réalité, contre lesquels elle doit « s’obstiner », travailler sur soi et surtout redécouvrir l’autre, aimer. Tentation et victoire sur celle-ci qu’atteste superbement l’œuvre de Baudelaire. La même problématique est reprise dans la deuxième conférence à propos du palimpseste, qui fait rêver, par ce qui y transparaît du texte ancien, à une « transcendance », et auquel Y. B. oppose l’ardoise sur laquelle les signes à demi effacés sont de toute évidence les miens et exorcisent ainsi l’illusion. Enfin, la troisième conférence oppose à la noirceur absolue du poème chez Alain Veinstein son étonnant engagement pour faire parler et pour écouter les autres, pour susciter un grand échange : une autre étape comportant une réponse, consciente ou non à la question de survivre [67].
30 Tout le monde connaît François Cheng pour ses admirables ouvrages sur la peinture chinoise, ses romans, ses essais, sa poésie. En 2015 il a publié un nouveau recueil de poèmes La Vraie Gloire est ici [68] qui est divisé en trois parties : « Par ici nous passons », « Lumières de nuit », « passion », semblables par leur facture poétique. Je ne m’occuperai pas de la première et de la troisième, un peu parce qu’elles ne me parlent guère, aussi un peu parce que j’ai assez à faire avec les vingt-quatre poèmes de la deuxième, qui me semble belle et émouvante. Il s’agit d’une véritable confession de foi passant par le détour de la poésie — détour sans lequel celle-ci n’existerait même pas — et incluant, avec la lumière reçue, toutes les ombres et l’aveu de tout ce qui demeure inconnu. Comment en donner une idée en quelques lignes ? Peut-être en écoutant le son de quelques mots ? La nuit : « Nous nous soumettons […] À chaque nuit d’une vie, / À la vie privée d’oubli, / À la mort abolie » (p. 102). La lumière : « Vraie lumière, / Celle qui jaillit de la vie ; / Et vraie Nuit, / celle qui jaillit de la lumière » (p. 99). La mort : « La mort n’est point notre issue / Car plus grand que nous / est notre désir, lequel rejoint / celui du commencement / Désir de vie. // La mort n’est point notre issue / Mais elle rend unique tout d’ici / Ces rosées qui ouvrent les fleurs du jour […] » (p. 112). Les morts : « Restons inconsolables, restons inconsolés. / Laissons survivre en nous nos morts / […] / Jusqu’à ce que soit transfigurée / Toute cette expérience terrestre de l’éternelle souvenance » (p. 116). Le souvenir : « Mais ce qui a été vécu / sera rêvé // Revécu // Nous n’aurons pas trop d’une longue vie // Pour brûler les brandons tombés / À notre insu, /Pour engranger l’odeur durable / des fumées » (p. 101). L’énigme : « Nous voici dans l’abîme, / Tu restes l’énigme / Si tu découvres un seul mot, / Et nous serons sauvés. / Tu restes muet encore […] » (p. 198). L’appel : « Parle-nous, / Pour que plus rien ne soit perdu, / Ni la foudre embrasant les pins, / Ni l’argile chaude aux grillons. // Écoute-nous, Pour que nos chants à toi dédiés, / jaillis de la gloire d’un été, / Établissent enfin le royaume » (p. 109). Et, chose étrange entre toutes, ce « Dieu de souvenance », si un jour il doit revenir, c’est parce qu’il « aura / Besoin de nous pour [se (?)] refaire une vie, // Nous qui avons survécu à l’abîme » (p. 127).
31 Pierre Dhainaut nous a donné en 2015 un nouveau recueil de poésie intitulé Voix entre voix, avec des peintures d’Anne Slacik [69]. Il se compose de trois parties. La première contient des poèmes en vers libres, d’une page, avec un mètre souvent voisin du décasyllabe, et un rythme et un ton unifiés et caractéristiques. La seconde est un art poétique… en prose poétique. La troisième, très brève : « L’approche autrement dite », est faite de poèmes en vers courts, comme des chansons d’un ton très différent, beaucoup plus serein et presque joyeux. En effet, le ton des vingt-cinq premières pages était douloureux, comme dans tous les recueils récents de Dhainaut. « On ne croit plus à certains mots… Un nouveau-né s’éteint… les feuilles sont lourdes, piétinées. Les anciens dans des résidences sinistres… Un ami qui meurt, et l’on se souvient… Et d’autres ont franchi le seuil… L’écriture n’est ici d’aucun secours… Nous ne quitterons pas nos chambres cet été… Avril, avec ses parfums, au passé… On se plaindrait, dans les nuits froides… Et pourtant : On évoquera un visage… Des syllabes ramifient un poème… au soleil des poèmes, les oiseaux sont la mémoire de nos traces… Nous avons reçu la lumière / comme un enfant qui nous enfante… Qu’un prénom resurgisse, il nous déborde et nous respirons ensemble… le mot recueille autant qu’il délabre… Il se prodigue sur une terre éventée, réjouie… » Et c’est bien des mots que s’occupe la deuxième section, pragmatique, et des poèmes qui « restituent les voix de l’enfance », le « oui » originel, que nous devons transmettre. À cette fin, il ne faut pas devancer le poème, mais l’accueillir, imprévisible. Ainsi, le reste de la méditation est un éloge du bon usage des mots. Demeure donc un espoir : « Mais non, la nuit ne tombe pas, les poèmes, mieux que nous, pour nous, entretiennent les mots. »
32 Pour les cinquante ans de Poésie/Gallimard, l’éditeur nous fait don d’un choix de poèmes de Jean-Pierre Lemaire : Le Pays derrière les larmes [70]. Ce choix étendu concerne sept recueils sur neuf : ceux qui furent publiés chez le même éditeur ; les poèmes sont placés dans l’ordre chronologique mais sans renvoi aux recueils, et regroupés en vingt-deux petits chapitres qui portent chacun un titre nouveau. Une préface substantielle de Jean-Marc Sourdillon nous offre quelques clefs utiles pour entrer dans cette œuvre sans se laisser tromper par son apparente simplicité. Le poème nous parle de ce que nous connaissons, et cependant à ce sens immédiat un autre peut venir s’ajouter si nous le laissons résonner en nous, si nous répondons à la question qu’il nous pose. La poésie a pour rôle de découvrir, explorer, annoncer un pays qui n’est pas ailleurs, mais dans nos vies, trop proche pour être atteint sans renouveler son regard ; un pays atteint à travers les larmes, donc perdu et à retrouver. Du début et à la fin du recueil et de l’œuvre, il y a une étonnante homogénéité, comme si d’emblée « avaient été trouvés à la fois une voix, un ton, et cet espace auquel ils donnent accès ». Le reste de la préface tente d’éclairer certaines particularités de cette poésie, telle la crise que l’on devine et la conversion à laquelle elle a conduit, ou encore le rapport à la musique, à la Sagesse, à la foi chrétienne. Je ne vais pas une fois encore à l’occasion de ce volume m’essayer à mon tour à dégager les traits propres de la poésie de J.-P. Lemaire ; quelques notations de lecture seulement ; 1. Poésie du quotidien, oui (comme Jaccottet) ; poésie sans énigmes (par opposition à Char), oui ; poésie sans méfiance à l’égard du langage (par opposition à Bonnefoy), ni travail pour pallier l’impuissance de celui-ci à rejoindre le réel (tel celui que pratiquait Du Bouchet), oui, mais (presque) chaque poème contient et suggère une figure au second degré ou un secret à découvrir, ou encore une question à résoudre. 2. En lisant le beau poème-préface (qui n’est pas si facile), la filiation reverdyenne, qui ne m’avait jamais frappé, m’a sauté aux yeux [71]. 3. Jusqu’à la fin de la p. 80, le seul référent religieux est « Dieu » (six fois) ; qu’il me soit permis de dire que ce mot tombe de façon un peu maladroite ou sans naturel ; à partir de la p. 85, le référent « Christ » apparaît, explicitement ou non, de façon très naturelle. Par la suite, la figure de la « Sagesse », aux harmoniques à la fois féminines et christiques, prend souvent le relais, notamment dans les très belles pages 131-127, 147, 151-158. 4. Comme jadis, j’ai aimé par-dessus tout l’album des pages 159-172, évoquant la petite enfance d’une fille ; également, comme réécriture évangélique, celle de Lc 7, p. 177 ; enfin, comme l’éveil, p. 182.
33 En 2015 frère Bernard-Joseph Samain n’a pas manqué de nous offrir un nouveau Cahier d’Orval, intitulé « L’enfance que tu es ». À l’écoute de la poésie et de la prière [72]. Les dix sections déclinent les approches de l’enfance : sa fraîcheur, ses sources, sa prière précaire, la menace qui pèsent sur elle, l’enfance de Jésus, l’appel à une protection, son souffle, la soif d’enfance, l’enfance chez l’adulte, à la table de l’enfance. Avec des poèmes notamment de Bernanos, Guillevic (surtout), Marie Noël, Jean-Pierre Lemaire et, bien sûr B.-J. Samain qui ne sont pas ceux qui nous touchent le moins. Une série de textes annexes nous est donnée en fin de volume : de Marie Cénec, Charles Péguy, Jérôme Thélot, Thieh Nhat-Hanh, avec des homélies de Samain et quelques poèmes de Guillevic commentés.
34 Toujours surprenants, les petits livres d’Agnès Gueuret. En voici un nouveau : Les Jougs de Jérémie [73]. La quatrième de couverture nous annonce une compréhension renouvelée de la figure de Jérémie : on s’attend à une étude. Dans l’avant-propos, il est question de donner la parole au prophète : on s’attend à une traduction actualisée. Or, il s’agit de véritables poèmes en vers dont le caractère de lecture personnelle est évident, et dans lesquels tantôt il est question du prophète, tantôt on l’écoute lui-même qui dialogue, dit son désespoir, manifeste sa foi et sa force, se révèle « homme de chair et de sang, pris en son temps dans les tourments de l’histoire […], si proche de nous que nous pourrions le croire notre “contemporain” », profère une parole devenue inséparable de celle de la femme qui écrit et se révèle aussi elle-même. Un très bel « exergue » éclaire la métaphore du joug : « labeur acharné, décidé », manifestant « des mots / ce qu’exige l’amour/ et sa force inflexible » jusqu’au bout. Ainsi Jérémie, « qui ne savait parler » ; ainsi Tito de Alençar, frère brésilien torturé qui n’a pu survivre longtemps à l’épreuve où il sut se taire. Ensuite, la parole revient à Jérémie et à un commentaire ou de petites notices, sauf dans les pages 59 à 65 dans lesquelles s’élève une « voix off » évoquant la peur de l’histoire qui est celle du poète, avant qu’une dernière fois, énonçant ses interrogations qui semblent sans réponse — mais non sans espoir d’en entendre une, et en consentant à ce qui sera (« entre tes mains, je me remets ») —, il parle lui-même. La « Coda » énonce la parole qui « sous les ailes du vent » cherche à nous rejoindre : saurons-nous l’écouter quand elle nous dit le chemin du droit, notre actualité tourmentée, les calculs des riches, la faim des pauvres, le sort des malades et de ceux qui fuient la violence ? Ce livre nous offre un beau texte poétique simple, nourri de la sève biblique, souvent loin de la lutte du prophète ou des psaumes et toujours proche d’elle, s’y enracinant. Jérémie est intensément présent dans des poèmes où l’on entend aussi une voix d’aujourd’hui qui se révèle surtout dans les images [74].
Notes
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[1]
Juliette Bordes, La Théologie symboliste de saint Jean de la Croix dans Le Cantique spirituel et La Vive Flamme d’amour, Toulouse, Domuni-press — Presses universitaires de l’Institut catholique de Toulouse, 2015 ; 23,5 x 15, 478 p., 22 €. Attention à la coquille de la page de titre : Vie pour Vive. J’aurais préféré symbolique à symboliste, mot qui a pris une connotation trop particulière, malgré la justification proposée p. 458.
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[2]
La façon dont Paul Nwia, dans son livre Ibn ‘Abbâd de Ronda (1332-1396), réfute la thèse d’une influence arabe directe sur Jean de la Croix avancée par Jean Baruzi dans son grand livre, eût pu être prise en compte.
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[3]
Philippe Charru, Christoph Theobald, Johann Sebastian Bach, interprète des évangiles de la Passion. Approche stylistique des Passions selon saint Jean et selon saint Matthieu, Paris, Vrin (coll. « Musicologie »), 2016 ; 17 x 24, 412 p., 30 €.
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[4]
La corrélation est donc opérée dans les deux sens.
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[5]
Son humanité souffrante est plus présente dans la Passion selon saint Matthieu. Quitte à contredire un peu mes amis, j’irai même jusqu’à parler de dolorisme si l’on ajoute les chorals. Le thème de la sanction divine, évitée en saint Jean, est présent ici.
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[6]
Philippe Lejeune, Aux origines du journal personnel. France, 1750-1815, Paris, H. Champion, 2016 ; 24 x 16 ; 648 p.
-
[7]
Ceux-là sont à mon avis irremplaçables, car ils font d’un usage social un genre littéraire nouveau. Ainsi Joubert, Maine de Biran, Constant. Je note en passant que le chapitre « Dieu » passe à côté des itinéraires religieux des deux premiers.
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[8]
Je croirais qu’il ne faut pas oublier le lecteur potentiel, imaginaire, implicite qui suit mon écriture derrière mon épaule, en dehors même de toute idée de publication et de communication ; les adresses du diariste à son cahier donnent à celui-là une demi-existence.
-
[9]
Il est clair que Constant connaissait les piétistes, mais Langallerie et ses amis ont-ils tenu un journal ?
-
[10]
La distinction proposée dans le dernier chapitre entre « journaux » et « brouillons » n’est guère convaincante, en tout cas pour Joubert et Azaïs. Donner aux seconds comme postérité le Zibaldone de Leopardi et les Cahiers de Valéry montre bien que cette dichotomie ne rime pas à grand-chose.
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[11]
André Dabezies, Des rêves au réel. Cinq siècles de Faust. Littérature, idéologie et mythe, Paris, H. Champion, 2015 ; 24 x 16, 600 p.
-
[12]
La nature, la beauté, l’amour, le politique, l’aspiration vers l’infini, l’avenir ultime.
-
[13]
Compte tenu des polémiques horribles qui ont eu lieu au sujet des conversions in extremis, depuis la seconde moitié du xixe siècle, on peut considérer la partie finale de cette étude (p. 377-380) comme malheureuse et méritant le silence pour tout commentaire.
-
[14]
Chez les marxistes, comme Eisler et Brecht ; chez Durwell, Cixous, Klaus Mann ; chez René Clair, Claude Autant-Lara.
-
[15]
Corinna Bayle, Broderies nervaliennes, Paris, Classiques Garnier, 2016 ; 22 x 15, 332 p.
-
[16]
Cet art est essentiel pour lui, avant Baudelaire, mais il l’est moins que la lutte pour exister ; de là le fait que chez lui, comme l’A. le dit très bien, « l’universel et le particulier se rejoignent, et ce paradoxe nous touche en plein cœur » (p. 28 et 47). Les racines inconscientes des mythes, avant tout personnels, ne doivent pas être négligées, en deçà de la lutte consciente bien soulignée p. 53.
-
[17]
Pourquoi le « lieu idéal » serait-il seulement « le poème ou l’utopie du poème » (p. 69) — l’a priori barthien est insistant, et il revient dans la conclusion —, et non pas aussi, par la seule poésie, le lieu réel de Breton, l’arrière-pays de Bonnefoy, fût-il inatteignable, l’expérience spirituelle de l’absolu ?
-
[18]
Amitié Henri Bosco, Cahiers Henri Bosco 49-50, Arras, Artois Presses université, 2015 ; 21 x 13,5, 194 p., 18 €.
-
[19]
Parmi les voix qui s’y font entendre, il manque celle de Freud.
-
[20]
L’Habitant de Sivergues (Jean-Marie Brun) ; le retour aux sources (Nelly Robinet-Bruyère) ; Bosco et Rimbaud (Michel Arouimi).
-
[21]
Lueurs 1, Baume-les-Dames, 2016 ; 24 x 17, 176 p., 15 €.
-
[22]
Pour la note 60 : Desroches avait été dominicain.
-
[23]
Revue internationale Henry Bauchau. L’écriture à l’écoute 7, Louvain, U.C.L. Presses Univ., 2015 ; 24 x 16, 314 p., 30 €.
-
[24]
Sigila 37, Paris, Gris-France, printemps-été 2016 ; 21 x 15, 234 p., 17 €.
-
[25]
Sigila 38, Paris, Gris-France, automne-hiver 2016 ; 21 x 15, 202 p., 17 €.
-
[26]
Petite remarque au sujet de cette étude très intéressante : on ne peut qualifier de faux un texte ancien parce qu’il est publié sous le nom d’un auteur célèbre : c’était un acte tout à fait répandu et nullement considéré comme malhonnête.
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[27]
Michèle Finck, Pascal Maillard et Patrick Werly, (dir.), Alain Suied. L’attention à l’autre, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2015 ; 24 x 17, 128 p., 15 €.
-
[28]
Diego Fabbri. Nel croginolo della fede, Panzano in Chianti (Fi), Feeria, 2014 ; 21 x 14, 262 p., 24 €.
-
[29]
Giuseppe Alcamo (dir.), Far toccare Dio, Milan, Editrice Paoline, 2016 ; 20 x 12, 200 p., 12 €.
-
[30]
P. Fabris, G. Ghiberti, E. Manicardi (dir.), Al primo posto, le Scritture, Caltanissetta-Roma, S. Sciascia (coll. « Studi del centro “A. Cammarata” »), 2014 ; 20 x 14, 346 p., 25 € ; la collection est dirigée par Massimo Naro.
-
[31]
Michael Edwards, Bible et poésie, Paris, Éditions de Fallois, 2016, 23 x 16, 170 p., 19 €.
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[32]
Très belles définitions de la poésie, p. 12 et 14-15.
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[33]
Première remarque : la complexité sédimentaire, souvent même contradictoire, du texte biblique, l’historicité des récits et la nôtre, la nécessité d’interpréter pour faire le pont et de retrouver le sens, ne semblent pas rentrer en ligne de compte ici, tellement tout est simple.
-
[34]
Deuxième remarque : la thèse essentielle est que les mots du poème désignent des réalités qui, étant créations divines, ouvrent elles-mêmes sur l’immatériel, sur le monde de Dieu ; à combien plus forte raison les mots choisis par Lui. L’ouverture de la poésie, affirmée à juste titre au chapitre i, peut paraître instrumentalisée ici au profit d’un coup de force de « théologie naturelle » que démentirait la pluralité des horizons, des mondes, des formes de cette ouverture dans la poésie ; l’intervention de la Grâce (p. 78) ne suffit pas à rectifier cela. Troisième remarque : l’« incarnation » de la Parole dans le texte biblique pourrait sembler majorer sa sacralité, comme dans le judaïsme ou l’islam encore qu’autrement. La Bible en elle-même n’est pas la Parole de Dieu, mais il y a parole lorsqu’elle est lue ou proclamée. Un texte, une Écriture n’est jamais en soi une parole.
-
[35]
L’argument d’« autorité » n’est jamais le plus fort… Attention, coquille : p. 22, § 2, l. 10, il faut lire devenait.
-
[36]
Michael Edwards, L’Infiniment proche, Clichy, Éditions de Corlevour, 2016 ; 20 x 15, 110 p., 19 €.
-
[37]
Notamment La Poésie précaire (1997), L’Immémorial (2011), Le Travail vivant de la poésie (2013).
-
[38]
Jérôme Thélot, Un caillou dans un creux. Notes sur le poétique. Paris, Manucius, 2016 ; 24 x 15, 68 p., 15 €.
-
[39]
La racine personnelle, existentielle de cette réflexion n’est pas cachée : p. 43. La défense de la beauté, conçue d’une certaine façon, apparaît aux p. 55-56 dans lesquelles il y a une contradiction apparente au sujet des rapports entre le monde et l’être humain.
-
[40]
Rémy Valléjo (dir.), Dominicains 1216-1516. Lumières médiévales, de la prédication aux cathares à la défense des Indiens, Strasbourg, Centre Emmanuel Mounier, 2016 ; 30 x 21, 182 p., 10 €.
-
[41]
L’Ami de Dieu de l’Oberland, Le Sage et l’Ermite et autres écrits spirituels, traduits du moyen haut-allemand par Éliane Bouchery et Jean Moncelon, Orbey-Paris, Arfuyen, 2016 ; 23 x 16, 230 p., 15 €.
-
[42]
Étant mis à part Le Livre des cinq hommes publié par Arfuyen en 2011 avec Le Livre des cinq rochers de Rulman Merswin.
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[43]
Annoncée dans l’introduction et la note bibliographique mais curieusement absente du volume, elle a été publiée en 1868 par Charles Schmidt.
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[44]
Paracelse, Ainsi parlait Paracelse. Dits et maximes de vie, Orbey-Paris, Arfuyen, 2016 ; 18 x 12, 156 p., 13 €.
-
[45]
Jean de la Croix, L’Œuvre poétique, Orbey-Paris, Arfuyen (coll. « Ombre »), 2016 ; 23 x 16, 176 p., 16 €.
-
[46]
Georges-Daniel Arnold, Le Lundi de Pentecôte, Orbey-Paris, Arfuyen, 2016 ; 23 x 16, 246 p., 16 €.
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[47]
Pour éviter la confusion, il faut être attentif à nommer le fabriquant Melbrüej et le licencié Melbrüh, contrairement à ce que l’on a fait page 43. Attention ! page 98, ligne 10, il faut lire malheureux.
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[48]
Honoré de Balzac, La Messe de l’athée, Paris, Manucius (coll. « Littéra »), 2013 ; 16 x 12, 76 p., 10 €. Le texte est suivi d’une bibliographie et de plans très intéressants.
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[49]
Voir mon bulletin dans Rev. Sc. ph. th. 95 (2011), p. 495.
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[50]
François Sureau, Je ne pense plus voyager. La Mort de Charles de Foucauld, Paris, Gallimard, 206 ; 25 x 14, 154 p., 15 €.
-
[51]
On lira des pages étonnantes sur ce point, fondées sur un carnet, pages 68-69.
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[52]
L’équivalence entre « communion des saints » et salut des âmes par la souffrance d’une personne (p. 79) est plus que contestable : c’est la déplorable « réversibilité » maistrienne ; de même la citation de C. J. Wright page 114 me semble trop unilatéralement doloriste : une situation limite n’est pas un programme de vie.
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[53]
L’abbé Huvelin n’a pas compris Foucauld ; Sureau et moi aurions-nous fait mieux ?
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[54]
Page 116 : je ne comprends pas le il qui ouvre le chapitre, alors qu’il ne peut s’agir de Ch. de F. et que le je intervient cinq lignes plus loin.
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[55]
Deux questions infimes : page 24, 1945 n’est-il pas mis pour 1944 ; page 77 « vie bonne » plutôt que « bonne vie ».
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[56]
Gabriel Josipovici, Infini. L’histoire d’un moment, [Meudon], Quidam éditeur, 2016 ; 21 x 14, 153 p., 18 €.
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[57]
Il est curieux que ce comte sicilien qui évoque tant de gens n’ait pas un mot pour Tomasi di Lampedusa.
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[58]
André Du Bouchet, André Weinstein, Entretiens, Paris, L’Atelier contemporain - Institut national de l’audiovisuel, 2016 ; 22 x 14, 120 p., 20 €. En couverture un dessin : portrait de Du Bouchet par Tal Coat.
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[59]
Il y a dans ces interviews bon nombre de répétitions, mais l’on ne s’en plaint pas. On notera, aux pages 74-78, une discussion très intéressante sur les Carnets qui ont précédé plusieurs poèmes et que l’on a édités en 1990 et 1995.
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[60]
Yves Bonnefoy, L’Écharpe rouge, Paris, Mercure de France, 2016 ; 25 x 14, 296 p., 19 €.
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[61]
Un texte, intitulé « Pierre-Jean Jouve » et daté de mars 2016, vient s’y ajouter sous le signe de la poésie véritable, aux pages 189-198.
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[62]
Ces textes, publiés en 2009, sont repris à la fin du présent volume : pages 199-264 ; j’en ai rendu compte ici : Rev. Sc. ph. th. (2019), p. 385.
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[63]
Une phrase inquiétante, page 162 : « L’autre n’accède à soi qu’à travers nous, il ne nous doit que son être, rien si nous ne l’aidons pas à nous devoir tout » : tout, vraiment ! Ne serait-ce pas folie que de le vouloir…
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[64]
Yves Bonnefoy, Ensemble encore, suivi de Perambulans in noctem, Paris, Mercure de France, 2016 ; 22 x 15, 140 p., 14,80 €.
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[65]
Sept poèmes, dans lesquels on entend des voix, poèmes qui ont déjà fait l’objet d’une seconde édition chez Galilée en 2015 avec « Dedans, dehors ».
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[66]
Yves Bonnefoy, La Poésie et la gnose, Paris, Galilée, 2016 ; 22 x 13, 166 p. 18 €. Gnose était jadis opposé à incarnation chez Y. B., en explicitant les origines et affinités chrétiennes du second terme. Voir Jean-Pierre Jossua, « L’incarnation opposée à la gnose dans l’œuvre d’Yves Bonnefoy », dans Pour une histoire religieuse de l’expérience littéraire, t. I, Paris, Beauchesne, 1985, p. 231-254. Le présent volume est accompagné d’un frontispice d’Alexander Hollan.
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[67]
On ne peut que reconnaître la justesse de tout ce qui est dit ici de la tentation de gnose, de l’effort de la poésie véritable et du risque d’aliénation par le langage. Mais le « tout poétique » a ses limites. Les philosophes, les mystiques, les hommes de foi ont peut-être eux aussi quelque chose d’important à dire qui ne récuse pas nécessairement « notre lieu terrestre ». Un lecteur innocent pourrait croire qu’Y. B. le nie…
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[68]
François Cheng, La Vraie Gloire est ici, Paris, Gallimard, 2015 ; 20 x 14, 166 p., 16 €.
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[69]
Pierre Dhainaut, Voix entre voix, Paris, L’Herbe qui tremble, 2015 ; 19 x 14, 64 p., 14 €.
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[70]
Jean-Pierre Lemaire, Le Pays derrière les larmes, Paris, Gallimard, 2016 ; 18 x 11, 386 p.
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[71]
Jean-Marc Sourdillon la signale, avec le tu caractéristique adressé à soi-même, (mais pas toujours).
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[72]
Bernard-Joseph Samain, « L’enfance que tu es ». À l’écoute de la poésie et de la prière, Villiers-devant-Orval, Abbaye d’Orval, 2015.
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[73]
Agnès Gueuret, Les Jougs de Jérémie, Saint-Pierre, Le Corridor bleu, 2016 ; 19 x 13, 88 p., 12 €. En couverture, une sculpture de Pierre De Grauw.
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[74]
Au moment de terminer ce bulletin, je reçois un autre recueil, le huitième, chez le même éditeur : Sous l’écorce des jours, assez différent dans la mesure où il s’agit d’un travail d’écriture quotidien accompli par Agnès Gueuret. J’espère pouvoir en rendre compte ailleurs.