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Article de revue

Le savoir infirmier : une contribution à une pensée vivante

Pages 5 à 6

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Ce numéro spécial est consacré aux présentations de l’une des rencontres de la série « Dialogue nomade » organisée conjointement par le Québec et la France. Plus spécifiquement, le colloque de 2019 fait l’objet du présent numéro. Il s’est tenu au Québec, à la Forêt Montmorency, et avait pour thème « Le savoir infirmier ». Il a été coorganisé avec nos collègues français de l’Arsi.

1Dans le monde contemporain, le savoir occupe une place prépondérante. Aussi, le savoir est un élément fondamental dans la constitution de la discipline infirmière et dans l’obtention des privilèges associés à la reconnaissance d’un statut disciplinaire. Or dans l’expression « savoir infirmier », on retrouve le mot « savoir » et ce dernier est un terme profondément polysémique. Les soins infirmiers, la discipline infirmière et le développement théorique de la discipline sont influencés par cette pluralité de sens et de conceptions du mot « savoir ». Toutefois, la polysémie du mot suscite très peu de discussions au sein de la discipline infirmière. Aussi, la pluralité de conceptions du terme « savoir » est affirmée par les uns et les autres généralement, sans que soient exposés les fondements des différentes conceptions et leurs implications sur le plan des soins infirmiers, du développement de la discipline et de la reconnaissance d’un statut de discipline. Pour le moment, l’adoption inconditionnelle et sans analyse d’un mot aussi polysémique fait en sorte que les soins infirmiers sont, en général, davantage considérés comme une pratique en quête de savoir que comme une discipline disposant d’un savoir organisé et utile à la compréhension des phénomènes de soins. La rencontre a adopté une démarche analytique de mise en regard de la notion de « savoir » par un partage de points de vue, un dialogue entre collègues qui, ultimement, vise à enrichir le processus d’interrogation de la discipline dans lequel s’inscrivent les rencontres du Dialogue nomade. Les présentations du Dialogue nomade 2019 mettent de l’avant diverses visions du savoir provenant de différentes théoriciennes infirmières.

2À la fin du Dialogue nomade 2019 sur le savoir, un exercice en équipe a permis de réaliser une synthèse de la rencontre. Cette activité avait été conçue et proposée par Nisrine Moubarak, à titre de contribution à la discussion. Chaque équipe a été invitée à préparer un diagramme réunissant les divers éléments et les différents types de savoir infirmier discutés au cours de la rencontre. S’inspirant de la philosophie, le terme « synthèse » désigne une opération intellectuelle qui permet de regrouper les éléments retenus des différentes présentations afin d’en faire un tout cohérent. L’exercice demandait ainsi aux participants de réunir ce qu’ils avaient retenu des présentations et des discussions portant sur plusieurs façons de concevoir le savoir infirmier. Dans la mesure où le colloque avait permis d’aborder le savoir infirmier en disposant de plusieurs perspectives théoriques (la philosophie de la connaissance, la sociologie du savoir et des sciences, la philosophie des sciences, la philosophie de l’éducation et la psychologie), un matériel riche était potentiellement disponible pour la synthèse.

3L’analyse des diagrammes suggère différents points de vue intégrant les différentes perspectives disciplinaires sur le savoir. Les diagrammes dans leur ensemble soulignent bien la polysémie de l’expression « savoir infirmier ». En général, les quatre équipes ont proposé des représentations intégrant les différents types de savoir discutés. On note que deux types de savoir sont mentionnés par toutes les équipes, soit le savoir empirique et le savoir théorique. Sont également mentionnés les savoirs suivants : clinique, pratique, personnel, expérientiel, public, esthétique et émancipatoire. Les croquis reflètent des façons différentes de les agencer les uns par rapport aux autres. Un premier diagramme représente le savoir infirmier au moyen d’une fleur où le savoir clinique est un pistil entouré de différents savoirs représentés par des pétales, le tout formant une corolle. Un autre diagramme se sert d’un arbre dont les branches représentent les différents types de savoir infirmier. Dans ce diagramme, le tronc de l’arbre représente les diverses perspectives sur le savoir. Dans un autre schéma, l’ensemencement des nuages se fait par la philosophie des sciences et, inspiré par les autres disciplines, provoque la chute de gouttelettes (précipitations) d’une multitude de types de savoir infirmier. Un dernier diagramme a présenté le savoir transdisciplinaire comme un savoir affectant le savoir infirmier pratique (diffèrent du savoir clinique) considéré comme complexe par son lien avec plusieurs autres savoirs. Les diagrammes réalisés lors de la synthèse font bien apparaître la polysémie du terme « savoir » et les qualificatifs les plus couramment utilisés en soins infirmiers et servant à véhiculer cette polysémie. Finalement, la synthèse a permis de se projeter dans le futur pour préciser le thème du prochain Dialogue nomade qui portera sur la dimension et les travaux métasynthétiques de la discipline infirmière.

4Les textes de ce numéro sont issus des travaux du colloque Dialogue nomade de 2019, mais résultent également des recherches des rencontres antérieures.

5Dans le premier texte, Hardy et Dallaire présentent l’influence de deux grandes conceptions de la science et situent certains travaux et théoriciennes par rapport à celles-ci, tout en illustrant des éléments de savoir infirmier résultant de ces travaux.

6Le texte de Bouchard expose les travaux concernant un phénomène qui révèle une conception ontologique particulière reposant davantage sur la vision des personnes et sur leur expérience que sur l’acceptation du savoir qui porte sur le phénomène.

7Rey propose une lecture synthétique d’une théoricienne, dont la conception oscille entre le savoir de l’infirmière et le savoir public d’une discipline, relevant davantage d’une analyse sociologique que philosophique du savoir et teinté d’une vision sociologique de la répartition du pouvoir dans la société.

8Dallaire, Lambert et Kamel proposent ensuite un texte portant sur les travaux de Fawcett fournissant une structure du savoir infirmier. Ces travaux sont largement connus mais restent pourtant peu influents sur les travaux conduits en soins infirmiers. Le texte tente d’en saisir les forces et les limites.

9Vonarx, quant à lui, s’attarde sur la conception du savoir de Chinn et de Kramer, qui exemplifie toute la polysémie du terme « savoir » et celle de la diversité des perspectives.

10Délétroz, Gilart de Keranflec’h et Dallaire proposent une synthèse de la vision de Roy sur le développement du savoir infirmier, notamment sa perspective ontologique, afin de bien situer la proposition de développement et le type de savoir attendu à terme pour les soins infirmiers. La vision de Roy porte sur un savoir public et un savoir pour la discipline infirmière.

11Le texte de Jovic et de Lecordier apporte une perspective ontologique de la réalité de la clinique avant d’en dégager une perspective épistémologique pour le savoir.

12Eyland poursuit la réflexion de Jovic en montrant une formalisation des savoirs dans une perspective théorique empreinte d’une vision davantage sociologique de l’éducation que d’une philosophie de l’éducation.

13Finalement, Cartron, Lefebvre et Jovic questionnent l’expérience et sa capacité de générer des savoirs.

14L’ensemble du numéro permet de se questionner sur l’origine du savoir, sur les critères pour son acceptation, et sur la façon dont on peut l’élaborer et l’organiser.

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