Pour introduire le propos
1Les pratiques cliniques dans les domaines sanitaires et sociaux ont connu une mutation importante au cours des dernières décennies en s’affranchissant du cadre de référence du modèle psychopathologique. En effet, que ce soit en psychologie et psychiatrie comme dans les divers champs de la santé et des interventions socio-éducatives, nous sommes passés d’une approche essentiellement centrée sur la prise en compte des défaillances, de la vulnérabilité et des facteurs de risque des sujets, à l’identification des ressources, des compétences et des facteurs de protection. C’est dans cette dynamique d’une approche incluant les vulnérabilités et les forces des sujets que s’inscrivent les développements conceptuels concernant la résilience et les applications de ce modèle théorique sur les terrains de pratiques.
2Le terme de résilience est un concept polysémique qui fait référence aux compétences trouvées-créées par des individus pour faire face à des situations délétères : événements de vie traumatiques, accidents, maladies, handicaps, carences affectives graves, grande précarité, etc.
3Nous pouvons remarquer que ce concept est applicable à deux types de situations distinctes. D’une part, à des individus qui vivent dans des conditions de vie familiales et sociales défavorables ou pathogènes et qui arrivent à se développer sans dommages psychiques et à s’adapter socialement. D’autre part, à des sujets confrontés à des événements traumatiques qui se reconstruisent après ces épreuves. Ces deux domaines d’application du concept ont donné lieu à des approches théoriques spécifiques, même si la problématique traitée demeure en grande partie commune. Notons que ces deux axes d’approche de la résilience ont en commun de concerner des personnes exposées à des contextes de vie ou à des événements déstabilisants qui les soumettent à des dangers physiques et psychiques. Ainsi, la résilience peut qualifier des individus qui surmontent une situation d’adversité sévère ou bien qui récupèrent ou maintiennent leur intégrité psychique après un traumatisme.
4Toutefois, dans le cas des personnes qui se développent en contextes adverses, on trouvera des études qui se centrent surtout sur les adaptations comportementales et s’intéressent aux aspects socio-émotionnels. En revanche, lorsqu’il s’agit de personnes confrontées à des traumatismes, ce sont davantage les modes de défense et d’élaboration psychique qui seront étudiés. Dès lors, la résilience peut s’analyser en termes d’adaptabilité positive et d’intégration dans l’environnement social et psychoaffectif mais aussi à partir du fonctionnement psychodynamique des sujets.
5L’étude de la résilience s’appuie sur une hypothèse déductive qui peut concerner des enfants, des adolescents, des adultes ou des familles qui, placés dans des conditions pathogènes ou soumis à des événements déstructurants, résistent, les surmontent et parviennent à conserver leur stabilité psychique et une qualité de vie, malgré les épreuves traversées (1).
6De nos jours, cette approche suscite un vaste intérêt international. Elle se traduit par une multiplication des recherches et des publications, avec des implications sur des terrains de pratiques qui se sont beaucoup diversifiées. Ainsi, elle trouve des articulations avec les activités cliniques dans de nombreux domaines : psychologie et psychiatrie, travail social, éducation, santé (accidents, traumatismes, handicaps, maladies létales, etc.). Actuellement, l’approche des processus de résilience constitue non seulement un modèle de compréhension conceptuel, mais également un cadre d’accompagnement et de soutien auprès des individus, des familles et des groupes en difficulté.
Émergence du concept et premiers pas vers la résilience
7L’approche de la résilience considère l’individu à partir de ses potentiels de résistance et de rétablissement, en tant que sujet capable de trouver face à l’adversité des réponses adaptatives variées qui lui permettent de se construire malgré ou à partir des situations délétères ou traumatogènes. Pourtant cette approche a mis du temps à s’imposer. Pendant longtemps, le modèle psychopathologique a dominé, focalisant les intervenants des secteurs de la santé et du social sur la probable vulnérabilisation des sujets soumis à des épreuves délétères. Le changement de regard sur les individus blessés s’est effectué petit à petit et l’on peut encore déplorer que la plupart des conceptions théoriques en psychologie et psychopathologie insistent essentiellement sur la fragilité de l’être humain et non sur ses ressources et ses compétences (2). Les approches contemporaines de la résilience tentent de répondre à cela, en proposant un modèle de compréhension du sujet dans sa globalité biologique, psychologique et sociale, avec ses facteurs de vulnérabilité mais aussi avec ses potentiels salutogènes.
8Du point de vue de sa construction théorique, ce concept est multidimensionnel. Il se situe à un carrefour épistémologique qui intègre notamment les apports des théories développementales (3), systémiques (4) et plus récemment psychanalytiques (5).
9L’utilisation du concept de résilience en psychologie et psychopathologie demeure encore assez récente en France, où elle est connue surtout depuis les années 1990. Cependant, les premiers travaux en appui sur ce concept sont beaucoup plus anciens. Ils remontent aux années 1970, dans les pays anglo-saxons, en particulier aux USA, au Canada et en Grande-Bretagne (Werner, Rutter, Garmezy, Masten, Haggerty et Sherrod, Lemay). De nombreux autres auteurs, parmi lesquels des chercheurs francophones européens (Cyrulnik, Manciaux, Ionescu, Vanistendael) ont contribué à diffuser et à développer cette approche et à préciser ses assises théoriques.
10L’émergence de ce concept en tant qu’objet de recherche peut donc se situer vers la fin des années 1970 aux USA et en Grande-Bretagne. Ainsi, des chercheurs anglo-saxons ont posé les premières bases théoriques et les principes méthodologiques des recherches dans ce domaine, notamment Norman Garmezy et Michael Rutter, à partir de l’ouvrage collectif « Stress Coping and Development in Children », en 1983. Cette approche sera précisée et complétée dans l’ouvrage « Stress, Risk and Resilience in Children and Adolescents », sous la direction de Robert Haggerty, en 1996.
11Ces précurseurs ont donc mis en travail le thème de la résilience tout d’abord essentiellement centré sur l’enfant et l’adolescent. Ils ont ensuite été rapidement relayés par des chercheurs et des praticiens de nombreux pays qui ont contribué à la diffusion de ce modèle dans les applications théorico-cliniques contemporaines et ont étendu l’étude à des adultes, puis à des familles et à des groupes sociaux dits résilients.
12Du point de vue historique, les premières recherches sur la résilience se sont appuyées sur des observations de populations d’enfants vivant dans des contextes familiaux et sociaux jugés défavorables à leur développement. Ces contextes dits « à risque » étaient caractérisés par des facteurs de risque tels que : des pathologies mentales des parents, une grande précarité socio-économique, des violences familiales, de la délinquance, des carences éducatives et affectives, etc.
13Des études longitudinales, effectuées essentiellement dans les pays anglo-saxons (6, 7, 8), ont démontré la variabilité du devenir des sujets soumis à des risques. Bien d’autres cliniciens ont également observé que les sujets ayant subi des traumatismes ou une accumulation de carences relationnelles graves montrent une grande diversité de réponses. En effet, si certaines personnes sont déstabilisées plus ou moins profondément et entravées dans leur développement psychoaffectif et social, d’autres réussissent à se construire du point de vue psychique et social, malgré les circonstances défavorables, les événements perturbants ou les traumatismes affrontés.
14Le constat de cette variabilité interindividuelle a conduit à sortir d’un modèle de compréhension exclusivement centré sur les effets psychopathologiques des contextes à risque, basé sur l’hypothèse d’une inévitable vulnérabilisation des sujets. Depuis, de nombreuses observations de par le monde ont confirmé la remise en question des prédictions pessimistes concernant les individus jugés « à risque ».
15De nombreux chercheurs, dans le sillage des travaux de James Anthony (9), de Norman Garmezy et de Michael Rutter (8), ont initié des recherches sur les enfants à risque. Ces études ont confirmé que les enfants étaient inégaux devant le risque et présentaient un état de vulnérabilité variable. Mais comment expliquer cette différence ?
16Les chercheurs ont tout d’abord considéré la vulnérabilité référant à une prédisposition de l’enfant, soit à développer des psychopathologies ou des troubles comportementaux susceptibles de nuire à son adaptation, soit a contrario à mettre en jeu ses capacités de résistance et de protection. Cette explication s’inscrivait dans le cadre des conceptions qui ont fait autorité jusqu’au début des années 1980. Le devenir de l’enfant confronté à une situation à risque était donc considéré comme dépendant de ses attributs personnels : de sa sensibilité, de ses faiblesses, de ses capacités à faire face aux facteurs de risque et aux événements stressants, de ses capacités cognitives, etc. Dans cette perspective, du fait des différences de caractéristiques personnelles, face à des facteurs de risque identiques, certains sujets seraient plus que d’autres susceptibles de développer des troubles ou des psychopathologies.
17Toutefois, cette explication centrée sur les ressources internes des individus s’est avérée limitée et insatisfaisante pour rendre compte des différences interindividuelles et intraindividuelles (10). Dès lors, l’approche initialement centrée sur les différences intrinsèques des sujets sera complétée par la prise en compte de l’influence des ressources externes venant de l’environnement affectif et social. En fait, les chercheurs ont constaté que les personnes évoluaient au cours du temps, en fonction des changements développementaux et des transformations de leur contexte de vie. Ce qui a notamment été démontré par la recherche longitudinale conduite par Emmy Werner et son équipe (11). Ainsi, certains sujets, ayant vécu dans des contextes dits à risque, qui avaient présenté des troubles psychiques ou du comportement au cours de l’enfance ou de l’adolescence, sont devenus des adultes sans problèmes psychiques ou psychoaffectifs et bien intégrés socialement.
18Ces observations sur le long terme ont fait évoluer l’approche de la résilience vers un modèle complexe, systémique et multifactoriel. Pour comprendre cette évolution, nous proposons de suivre les pas des précurseurs des travaux sur la résilience qui permettent de retracer les principaux jalons qui ont marqué le cheminement de cette conception théorique originale.
Sur les pas des pionniers : Werner, Garmezy, Masten, Rutter
19L’approche contemporaine de la résilience est le résultat d’un mouvement amorcé depuis plusieurs décennies qui a donné naissance à un modèle théorique complexe. En effet, riche d’une ancienneté de plus de 40 ans, ce modèle a connu des transformations qui ont consolidé sa maturité conceptuelle. Les changements ont concerné des évolutions et des précisions dans ses contours théoriques, mais aussi l’élargissement de ses périmètres d’interventions. Ainsi, si les premiers travaux portaient essentiellement sur les enfants et les adolescents considérés comme résilients, le champ des recherches sur la résilience s’est étendu rapidement aux adultes et aux séniors (12) y compris pour ces derniers à un âge parfois avancé de la vieillesse (13). De plus, au-delà des individus, les groupes familiaux (14, 15) ou sociaux sont également considérés comme susceptibles de développer des processus de résilience (16).
20La plupart des pionniers des études sur la résilience étaient des cliniciens-chercheurs anglo-saxons, psychologues ou psychiatres, qui tentaient de comprendre et de prévenir les problèmes de santé mentale, comme : Emmy Werner, Norman Garmezy et Michael Rutter.
Les apports d’Emmy Werner
21La psychologue américaine Emmy Werner est reconnue comme ayant joué un rôle majeur dans l’approche de la résilience, à travers la recherche longitudinale (17) qu’elle a menée auprès des enfants de Kauai (une des îles de l’archipel d’Hawaï), à partir de 1955. Ces travaux ont porté sur une cohorte multiraciale de 545 enfants (survivants de l’étude initiale des 698 enfants nés en 1955), suivis sur une période de plusieurs décennies. La population étudiée était composée de sujets « à risque » dont le développement physique, psychique et social a été observé depuis la naissance jusqu’à l’âge adulte. Parmi les caractéristiques considérées comme des facteurs de risque on trouvait : la pauvreté, la violence, l’addiction, la discorde conjugale, la psychopathologie parentale, etc. Emmy Werner et son équipe ont remarqué qu’un certain nombre de ces enfants s’accommodaient de l’environnement défaillant en témoignant d’une adaptation sociale parfois remarquable. Ils ont été qualifiés de résilients. En fait, certains se sont développés sans perturbations tout au long de leur vie, alors que d’autres après avoir traversé des périodes de troubles sont finalement devenus des adultes sans difficultés majeures et bien intégrés dans la société. Selon Emmy Werner (17) la majorité des jeunes à « haut risque » qui avaient rencontré des problèmes d’adaptation à l’adolescence a par la suite récupéré un développement adapté. Ils sont décrits comme étant devenus des adultes « bienveillants, compétents et confiants », en dépit de leurs histoires d’enfance problématiques.
22Bien que ne portant pas initialement sur la résilience, la recherche longitudinale d’Emmy Werner a beaucoup alimenté les travaux sur la résilience et a inspiré de nombreux chercheurs. Elle a permis en premier lieu de souligner la réalité clinique de la résilience et de l’inscrire dans un processus développemental. Les observations de cette étude effectuées sur le long terme ont contribué à poser les fondements de l’analyse du fonctionnement de la résilience, notamment en soulignant la dynamique du processus, son évolution au cours du développement du sujet et sa variabilité dans le temps et en fonction des sujets. Ainsi, les interprétations des chercheurs se sont précisées au cours du temps. Et si, comme nous l’avons vu, la résilience a tout d’abord été envisagée comme dépendant des attributs des seuls individus, en définitive, Emmy Werner et son équipe (18) ont décrit et étudié la résilience comme résultant d’un équilibre évolutif. Cet équilibre ne peut se faire qu’en prenant en compte plusieurs dimensions d’ordre interne et externe qui interagissent pour aboutir à un fonctionnement résilient. Dans cette perspective transactionnelle, entrent en jeu les modes de confrontation aux éléments délétères ou stressants du milieu, la vulnérabilité et les facteurs de protection internes du sujet (tempérament, aptitudes cognitives, estime de soi) mais également les protections externes de l’environnement. Celles-ci peuvent concerner des sources non officielles de soutien, telles qu’un membre de la famille élargie bienveillant, ou bien les soutiens issus du quartier ou encore d’autres ressources communautaires. Ces soutiens externes constituent autant de pôles d’étayage susceptibles de faciliter le processus de résilience. Ils peuvent, dans certains cas, compenser les défaillances personnelles ou celles de l’environnement familial immédiat.
L’approche de Norman Garmezy et Ann Masten
23Norman Garmezy est considéré comme ayant été le premier chercheur à publier des résultats d’une étude portant indirectement sur la résilience, en 1973. Cette recherche (7) concernait les compétences et l’adaptation d’enfants à risque, dans des familles de patients schizophrènes.
24A partir des années 1970, Norman Garmezy a conduit des recherches longitudinales sur les compétences des enfants à risque, en collaboration avec une équipe qui sera rejointe notamment par Ann Masten. Les études ont porté sur le devenir d’enfants américains, vivant dans des conditions familiales et environnementales très précaires, considérées comme défavorables et facteurs de risque pour leur développement psychique et social. Les observations ont mis en évidence l’existence de compétences sociales spécifiques chez des enfants qui seront qualifiés de résilients. Parmi les critères de compétences retenus par les chercheurs nous trouvons : la réussite scolaire académique, un comportement adapté en classe, des aptitudes interpersonnelles (sociabilité, attractivité, empathie ou encore l’humour (19). Ces compétences sociales ont été considérées comme des indicateurs de résilience, révélant des modes d’adaptation et de résistance face au stress. Ces premières approches de la résilience faisaient en effet référence à la résistance au stress chez des individus, en particulier chez les enfants. Précisons que selon Norman Garmezy (20) le stress découle de « la présence de contraintes de vie durables et intenses ». Dans ce contexte, la résilience supposait le maintien de la maîtrise et la mobilisation de compétences, malgré une exposition à des stress sévères. Il ne s’agissait pas des stress banals de la vie, mais bien de conditions de vie marquées par une adversité importante et durable.
25Les travaux de l’équipe dirigée par Norman Garmezy (21) ont conduit à la description de trois modèles théoriques des bases de la résilience : le modèle compensatoire, le modèle des facteurs de protection et le modèle challenge (1).
26Ann Masten (22) a mis en perspective les résultats de la recherche longitudinale auprès d’enfants de familles défavorisées initiée par Norman Garmezy et à laquelle elle a grandement participé. Elle a en particulier indiqué que les différences de réactions aux stress pourraient s’expliquer en partie par le tempérament du sujet mais aussi par sa personnalité. Notons que le « tempérament » fait ici référence aux aspects biologiques et déterminés de la personnalité, alors que la « personnalité » est à considérer comme résultant d’une construction dynamique, et s’inscrit donc dans une perspective développementale et évolutive en lien avec les échanges avec l’environnement. Dès lors, la référence à ces deux dimensions des caractéristiques d’un individu introduit l’idée d’une résilience conçue comme un processus qui se construit.
27Au cours des décennies, les observations des chercheurs et leurs réflexions théoriques vont se préciser et influer sur la définition de la résilience qui va donc prendre en compte les aspects dynamiques et évolutifs, ce qui se traduira par l’introduction de la notion de processus. Ainsi, Ann Masten (22) définira la résilience comme : « le processus, la capacité ou les résultats d’une adaptation réussie en dépit de circonstances difficiles ou menaçantes ». Par la suite, elle proposera des contours plus larges, décrivant la résilience comme : « la capacité d’un système dynamique à résister ou à récupérer face à des menaces importantes pour la stabilité, la viabilité ou le développement (22) ».
28Les travaux de Norman Garmezy et Ann Masten ont également démontré des différences notables dans le parcours et l’entrée en résilience selon les individus. Ainsi, certains jeunes ont eu un parcours de résilience depuis la petite enfance ; alors que chez d’autres la résilience est apparue, bien plus tard, comme une floraison tardive (23) en particulier au cours de la période de transition vers l’âge adulte. Cette floraison tardive de la résilience laisse penser que les conditions internes (caractéristiques propres au sujet) mais aussi externes (environnement affectif et social) avaient changé suffisamment au cours du temps pour permettre son émergence tardive. Au cours de ses travaux récents, Ann Masten a tenu à souligner que le processus de résilience n’est pas exceptionnel, qu’il peut concerner de nombreux sujets et s’étayer sur des ressources ou des caractéristiques « ordinaires », ce qui compose ce qu’elle a désigné comme la magie ordinaire de la résilience (23, 24).
Les recherches de Michael Rutter
29Michael Rutter, professeur de psychiatrie de l’Institute of Psychiatry in London, a largement contribué au développement théorique du paradigme de la résilience, également en appui sur des recherches longitudinales. Il a travaillé en particulier à partir d’observations qui ont duré plusieurs années, auprès de populations d’enfants et adolescents vivant en milieu défavorisé au Royaume-Uni, sur l’île de Wight mais aussi dans la banlieue de Londres.
30Il a notamment étudié la prévalence des troubles mentaux chez des enfants (9 à 12 ans) vivant au sein de familles très précaires (25). La population d’étude était composée de familles considérées comme à risque du fait d’un certain nombre de difficultés identifiées comme potentiellement pathogènes et grandement défavorables au développement des enfants. Les critères de risque retenus étaient : la discorde conjugale entre les parents, la classe sociale défavorisée (pauvreté), une famille nombreuse, la délinquance ou la criminalité paternelle, des troubles psychiatriques chez la mère et enfin le placement de l’enfant (en institution ou en famille d’accueil).
31Michael Rutter a conclu que l’apparition de troubles psychiatriques varie en fonction non seulement de l’accumulation des facteurs de risque mais surtout de leur interaction qui amplifie les conséquences négatives de manière exponentielle (26). Toutefois, leur nocivité peut être tempérée par l’impact des facteurs de protection. Par ailleurs, Michael Rutter a noté que la discorde parentale et les disputes fréquentes représentaient un facteur de risque particulièrement important pour le devenir des jeunes. En effet, l’étude a démontré une plus grande fréquence de comportements antisociaux parmi les enfants issus de foyers dans lesquels les parents se disputaient et se battaient en permanence.
32Parmi les recherches de Michael Rutter et son équipe, nous pouvons également citer l’étude qui a porté sur une population d’enfants roumains adoptés en bas âge au Royaume-Uni (27). Il s’agissait de 111 enfants roumains, arrivés au Royaume-Uni avant l’âge de deux ans, après la chute du régime de Ceausescu en 1989. Ces enfants avaient connu des carences précoces, ayant vécu dans les orphelinats roumains dans des conditions de privations sensorielles et psychoaffectives graves. Au moment de l’adoption, la plupart des enfants présentaient des retards de développement importants du point de vue physique et cognitif (taille, poids, périmètre crânien, quotient de développement cognitif). Cependant, à l’âge de quatre ans, de nombreux enfants ont montré un rattrapage physique et cognitif significatif. Le changement de milieu et de conditions psycho-affectives avait permis de récupérer en grande partie le retard initial. Plus précisément, les enfants qui avaient été adoptés avant l’âge de six mois ont pu récupérer totalement leur retard à l’âge de quatre ans. Alors que d’autres enfants, adoptés plus tardivement n’ont récupéré que partiellement leur retard. Cette recherche témoigne de l’importance des facteurs environnementaux affectifs et sociaux dans la mise en jeu d’une trajectoire de résilience, mais aussi leurs limites.
33Michael Rutter a été l’un des premiers à souligner que la résilience est acquise pour une large part et qu’elle résulte d’une combinaison de facteurs internes et externes. Cependant, dans cette optique, elle n’est jamais absolue et ne concerne pas forcément tous les domaines de la vie d’un individu, et peut donc présenter des limites.
34Une définition de la résilience proposée par Michael Rutter (25) résume bien la complexité de ce phénomène : « La résilience est caractérisée par un ensemble de processus sociaux et intrapsychiques qui permettent d’avoir une vie saine dans un milieu malsain. Elle se réalise au cours du temps, selon des combinaisons hasardeuses entre les attributs de l’enfant et le contexte familial, social et culturel ». La résilience réfère donc à un processus qui résulte de l’interaction entre les ressources de l’individu et celles de son environnement.
35Michael Rutter a travaillé en collaboration avec son collègue américain Norman Garmezy (8). Leurs recherches ont notamment porté sur l’impact des facteurs de protection identifiables dans les histoires de vie des sujets qui ont réussi à se préserver de l’impact négatif des risques. Ils ont conclu que la résilience est inhibée par des facteurs de risque et promue par les facteurs de protection.
36Le modèle qui domine encore actuellement dans les études internationales portant sur la résilience concerne l’identification et l’analyse des facteurs de protection qui modifient les réactions aux dangers présents dans l’environnement physique, affectif et social et qui tendent à atténuer les effets négatifs des contextes traumatogènes.
Mise en perspective de l’approche théorique de la résilience
A la rencontre des facteurs de protection et des tournants critiques
37Au cours des années, de nombreux chercheurs se sont employés à étudier les facteurs de protection internes et externes susceptibles de favoriser la résilience chez les individus. L’hypothèse retenue est que la mise en jeu efficace de facteurs de protection permet d’atténuer l’impact négatif des facteurs de risque. Dans cet esprit, différents critères de protection des sujets ont été identifiés.
38Parmi les spécialistes de la résilience, on s’accorde pour identifier trois pôles de protection : celles qui sont propres au sujet (ses caractéristiques) ; celles qui concernent les apports de l’entourage familial et affectif (solidarités et relations affectives) ; celles qui impliquent des relations sociales ou extra-familiales (pairs, communautés, société).
39Emmy Werner (11) a répertorié parmi les ressources protectrices internes : la capacité à résoudre des problèmes ; la connaissance de soi, l’autonomie, l’estime de soi, la confiance, l’altruisme, la sociabilité et enfin l’habilité à trouver un (des) soutien(s) dans l’entourage familial ou extra-familial. Alors que parmi les ressources venant du milieu on trouve : des relations familiales chaleureuses, un soutien familial solide, une bonne communication parents-enfant ; ainsi que des soutiens extra-familiaux, venant par exemple des amis, des enseignants ou d’une communauté sociale.
40De son côté Norman Garmezy (18), à partir d’observations de familles défavorisées, a également indiqué que la résilience repose sur des facteurs de protection issus des trois domaines individuels, familiaux et sociaux. Les facteurs protecteurs individuels impliquent en particulier : le tempérament, la réflexion et les aptitudes cognitives. Les facteurs familiaux s’appuient notamment sur : la chaleur humaine, la cohésion et l’intérêt de la part des parents ou du principal dispensateur de soins. Enfin les facteurs de soutien sociaux peuvent concerner des échanges avec : un professeur bienveillant, un travailleur social ou l’organisme de services sociaux.
41Michael Rutter (25) a souligné que ces trois pôles de protection favorisent la résilience notamment parce qu’ils contribuent à l’amélioration de l’estime de soi et au sentiment d’auto-efficacité et ouvrent ainsi de nouvelles possibilités pour l’individu. Il a également précisé que l’importance des trois pôles de protection pouvait varier en fonction des circonstances et des individus, mais également en fonction de la période de vie. Ainsi, par exemple, chez les adolescents, l’impact protecteur des pairs ou de la communauté sociale peut dans certains cas compenser les défaillances du pôle familial.
42Ces investigations font apparaître que la protection résulte à la fois des variables génétiques et constitutionnelles, des dispositions et caractéristiques de la personnalité des individus, mais aussi des soutiens du milieu familial et extra-familial ainsi que de la disponibilité, de l’accessibilité et de la qualité des appuis sociaux ou communautaires.
43Notons que les facteurs de protection peuvent référer à des éléments variés : des caractéristiques psychiques ou cognitives, des capacités, des habiletés ainsi que des conduites des personnes. Ils peuvent être d’origine individuelle, mais aussi familiale ou extra-familiale et participer à la protection du sujet en atténuant l’impact négatif des expériences adverses soit directement soit indirectement.
44Nous pouvons remarquer aussi que si les trois pôles de protection (individuel, familial, social) sont présentés comme participant ou facilitant la résilience, l’étude de leurs implications respectives reste sujette à réflexion. De fait, implicitement ou explicitement, dans les recherches effectuées par les spécialistes de la résilience, les modalités de protection impliquant des caractéristiques ou compétences individuelles sont souvent présentées comme primordiales. Dans ce contexte, par exemple, la capacité à nouer des liens affectifs et sociaux apparaît comme une source de protection et de soutien importante dans les trajectoires résilientes. De même, la clinique des traumatismes nous conduit à observer que les attaches affectives sont l’un des éléments essentiels du processus de reconstruction chez les individus blessés (28). Notons que les modes de protection sont plus opérants lorsqu’ils peuvent prendre appui sur des fonctionnements et des attitudes proactives et sur la créativité des sujets (19, 29).
45Par ailleurs, l’étude des trajectoires résilientes suggère qu’il existe des périodes de la vie au cours desquelles les conjonctures internes et externes sont favorables à la résolution des problèmes antérieurs. Les recherches longitudinales comme les observations cliniques ont révélé l’existence de périodes développementales propices à des changements positifs dans la vie des sujets. Ann Masten (22) a proposé le concept de tournants critiques (« Critical turning points ») pour qualifier ces périodes de transitions. Dans une perspective développementale, ces phases de retournement, lorsqu’elles sont favorables, permettraient de résoudre les difficultés adaptatives antérieures. A l’occasion de ces périodes de crise développementale (au sens eriksonien), certains individus vont trouver des réponses à des problèmes spécifiques qui peuvent façonner la nature et l’évolution de leur adaptation future. C’est le cas notamment, lors de l’entrée à l’école ou lors de la transition vers l’adolescence ou encore au moment de l’entrée dans la phase adulte. Il en est ainsi, par exemple lorsqu’un adolescent quitte une trajectoire délinquante lors du passage au stade adulte et qu’il parvient à s’intégrer adéquatement dans la société environnante. Notons que, du point de vue intrapsychique, ces périodes de vie sont propices à des remaniements psychiques qui peuvent permettre une démarche élaborative (30).
La résilience comme processus dynamique
46A l’heure actuelle, la plupart des études concernant la résilience ont tendance à dépasser le stade de la prise en compte de la résilience en tant que « trait de personnalité », pour rejoindre des approches en termes de « processus résilients », c’est-à-dire en s’intéressant à la dynamique de la résilience et à son fonctionnement dans ses aspects multifactoriels.
47La majorité des spécialistes de la résilience s’accorde pour affirmer que la résilience correspond à un processus dynamique et évolutif qui inclut une démarche adaptative et le maintien de l’intégrité psychique, malgré l’exposition à des contextes pathogènes. Ce processus fait référence à la capacité humaine à se confronter, intégrer et être transformé par les expériences adverses ou les événements de vie négatifs, sans perturbations comportementales ni troubles psychiques majeurs, en gardant une qualité de vie (1, 30). Ainsi, la résilience désigne l’art de s’adapter aux situations adverses, c’est-à-dire à des conditions socio-psychologiques défavorables ou pathogènes, en montrant des capacités qui mettent en jeu des ressources internes (caractéristiques intrapsychiques, cognitives et sociales du sujet) et externes (liens et supports de l’environnement affectif et social).
48Dans la littérature scientifique internationale, l’abord de la résilience en tant que processus dynamique adaptatif se réfère le plus souvent à une approche liée aux paradigmes de la psychologie développementale ou de la psychologie de la santé, qui incluent les dimensions d’ordre physique, affectif cognitif et social des sujets.
49Dans la perspective développementale, le processus résilient ne serait jamais acquis définitivement, mais serait modulable en fonction de l’évolution du sujet au cours de son parcours de vie. Il pourra donc varier tout au long de la vie de l’individu. De plus, les observations cliniques montrent que la résilience peut se développer à tout âge, même au cours du vieillissement (31).
50Dans une perspective psychodynamique, la conception de la résilience en tant que processus a été également mise en travail par des psychanalystes, notamment par la communauté scientifique francophone (cf. l’ouvrage Psychanalyse et résilience, dirigé par Boris Cyrulnik (32). La métapsychologique contribue ainsi à la compréhension du modèle en analysant le fonctionnement psychique des sujets résilients. Dès lors, l’interrogation du processus résilient en tant que processus psychique trouve des éclairages dans le référentiel psychodynamique, en particulier avec la prise en compte des mécanismes de défense (33, 34, 35).
51Plus généralement, l’approche de la résilience en tant que processus souligne ses caractéristiques dynamiques et évolutives et l’inscrit dans la temporalité elle n’est donc pas figée, partant non pérenne. En effet, dans l’état actuel des recherches, la résilience apparaît non pas comme un processus stable et acquis de manière permanente, mais qui se construit et peut être variable suivant les circonstances de la vie et les contextes environnementaux sociaux et culturels. Ce dernier point sur les influences socioculturelles est important à rappeler. Il peut permettre de comprendre certaines différences interindividuelles et peut contribuer à éclairer l’analyse de la variabilité des mécanismes psychiques et comportementaux. Le contexte culturel invite aussi à convoquer la prise en compte de la variabilité des indicateurs et des critères dits de résilience, en fonction des référentiels et des contextes transculturels qui influent aussi bien sur les sujets étudiés que sur les observateurs ou les chercheurs eux-mêmes.
52Les approches théorico-cliniques intégratives de la résilience mettent donc à contribution des analyses de processus incluant les dimensions internes et externes aux sujets. En effet, faire un travail de résilience suppose de mettre en jeu des modalités défensives et des procédures protectrices multiples. La résilience est donc à concevoir comme un processus multifactoriel qui s’étaye sur des ressources individuelles (mécanismes défensifs, flexibilité cognitive, recherche de sens, sociabilité) ; sur des soutiens affectifs (familiaux, péri-familiaux, amoureux) ; et sur des conditions externes favorables (soutiens des pairs, des communautés sociales d’appartenance, etc.). Ainsi, un individu n’est pas résilient tout seul, mais dans un contexte socio-affectif, avec des soutiens familiaux et extra-familiaux qui peuvent étayer ou suppléer ses ressources propres et ses modes de défense. Les ressources endogènes et exogènes tissent des interactions complexes pour aboutir à des formes de résiliences singulières, propres à chaque sujet.
De la question des critères au néo-développement
53Paradoxalement, si l’on commence à bien cerner le fonctionnement résilient, la question de l’identification des critères qui attestent du processus demeure ouverte. En effet, à partir de quels éléments un individu, un groupe familial ou un groupe social sera considéré comme résilient ? Un fonctionnement adapté à la société environnante ? Une absence de perturbations comportementales et/ou psychologiques ? De fait, le fonctionnement résilient est difficile à cerner dans la mesure où il est le plus souvent expliqué par des critères observables de l’extérieur par des spécialistes (psychologue, psychiatre, éducateurs, soignants, etc.), alors que l’on pourrait arguer que cela concerne avant tout le point de vue interne du sujet et notamment sa perception des épreuves traversées.
54Comme nous l’avons vu, à partir des années 1970, de nombreux chercheurs se sont intéressés aux réponses d’ajustement face aux stress sévères ou aux contextes pathogènes. Ainsi, les premières recherches ont mis l’accent sur les éléments, parfois qualifiés de facteurs de résilience, qui pouvaient être mis en relation avec une « adaptation positive » ou un « bon fonctionnement » malgré des circonstances adverses ou des traumatismes surmontés.
55La définition de la résilience a donc tout d’abord reposé sur une approche en termes de résultats comportementaux supposés « positifs ou adaptés » en face d’un contexte socio-affectif qualifié d’inadéquat, défaillant, carencé ou hostile (pathologie mentale, violences, maltraitances), donc potentiellement à risque. Dès lors, une insertion sociale et affective est souvent présentée comme témoignant de la résilience chez un individu. De plus, comme les risques envisagés sont également de développer une psychopathologie, la résilience est parfois présentée comme pouvant se déduire d’une absence de pathologie mentale chez les sujets exposés aux risques de désorganisation psychique.
56La résilience apparaît ainsi comme attestée par un développement « normal » malgré des conditions défavorables ou des traumatismes évités ou surmontés. Cependant, un certain nombre de questions découlent de cette perspective. En premier lieu, nous pouvons nous interroger sur les périmètres de ces définitions et des critères retenus pour affirmer la résilience des sujets. En effet, il faut pouvoir définir ce que l’on entend par exemple par « adaptation positive » ou par une « absence de troubles psychopathologiques ». Car il s’agit là d’appréciations qui peuvent varier en fonction des positionnements épistémologiques des chercheurs mais aussi dépendre des contextes sociaux, politiques et culturels. En second lieu, il apparaît inexact de considérer qu’un individu se développerait, comme s’il résistait à toutes les épreuves, en poursuivant son développement comme si rien ne s’était passé, notamment lorsqu’il est confronté à des événements traumatiques. Cela renvoie à une hypothétique invulnérabilité des sujets résilients. Cette idée qui a été explorée pendant quelques temps par des chercheurs psychologues et psychiatres (notamment dans la lignée des travaux de James Anthony), a été abandonnée car réfutée face aux réalités cliniques. Il est vrai que cela ne correspond pas aux observations que nous pouvons faire dans nos pratiques cliniques. Bien au contraire. Les personnes qui ont été blessées disent d’ailleurs souvent que l’expérience des épreuves traversées (contextes pathogènes ou événements traumatiques) les a marquées et qu’après un événement traumatique « rien n’est plus comme avant ». Certaines personnes affirment qu’elles se sentent plus fortes après, d’autres encore déclarent que « la tragédie a donné un sens à leur vie » (36). Ces témoignages cliniques montrent combien il serait artificiel de considérer que le développement se poursuit comme un long fleuve tranquille, alors que les individus affrontent des épreuves parfois extrêmes.
57En fait, le sujet qui a souffert va reprendre un autre type de développement, qui intègre l’expérience adverse ou le traumatisme. Du point de vue psychique cela passe par une démarche d’élaboration et de mise en sens. Comme l’a indiqué Boris Cyrulnik (32), il s’agit donc d’un « néo-développement après le fracas traumatique » et non pas de la simple reprise du développement antérieur, comme si rien ne s’était passé. D’autres auteurs, comme Glenn Richardson (dont nous parlons plus avant), vont dans le même sens en considérant qu’après des épreuves, les individus peuvent suivre plusieurs types de trajectoires.
De la résilience comme un équilibre sans cesse remis sur le métier
58Les recherches longitudinales et les études de cas observées dans la durée montrent que la résilience n’est jamais acquise totalement. Comme Emmy Werner l’a elle-même observé dans sa population d’étude, la capacité de résilience peut varier suivant les conjonctures, l’âge et la période de développement et, semble-t-il, suivant le sexe. De même, Ann Masten (22) à propos de la recherche « Projet Compétence » (initiée par Norman Garmezy en fin 1970, qui a porté sur 20 ans) a précisé que les enquêteurs avaient également constaté que la résilience se développe et change au fil du temps et qu’un individu pourrait montrer de la résilience à une période de la vie et pas à une autre.
59La résilience dépend de l’interaction de différentes conditions internes et externes au sujet, qui sont donc variables suivant les évolutions personnelles et celles du contexte environnemental dans lequel il vit. L’être humain étant par définition en développement tout au long de sa vie (37) et les structures de son milieu environnant étant changeantes, le fonctionnement résilient est donc également fluctuant. Pour se maintenir, il lui faut évoluer avec les changements du sujet et de son contexte de vie.
60La métaphore d’une résilience qui se construit comme un tricot ou un tissage peut rendre compte de l’aspect à la fois dynamique et évolutif de la résilience et rappelle le questionnement sur sa pérennité (1). En effet, dans cette perspective, le sujet est condamné à tricoter ou à tisser sa résilience, éventuellement en échappant quelques mailles qui produiront des trouées dans le tissage. Cette image illustre le travail de résilience, sa construction en premier lieu par le sujet lui-même et rappelle que les individus ne sont pas résilients en tout, ni tout le temps et dans n’importe quelles circonstances.
61Si l’on considère que les personnes ne sont pas forcément résilientes à tout, l’accord peut se faire autour de l’idée d’un équilibre de la résilience qui se construit sur des bases à la fois internes (personnelles) et externes (environnement) dans une dynamique interactionniste. Dans cette perspective, il serait inexact d’affirmer qu’il existe des individus résilients de manière permanente. Dès lors, il serait plus judicieux de dire d’un individu qu’il fait preuve d’un fonctionnement résilient ou qu’il montre une adaptation résiliente, à ce moment de sa vie, plutôt que de le qualifier « de sujet résilient ». Car ces termes laissent entendre qu’il s’agirait d’une caractéristique acquise une fois pour toutes.
62La résilience est donc à comprendre comme un construit multidimensionnel (38), résultant d’un état d’équilibre entre les facteurs de risque et les facteurs de protection face aux événements stressants et/ou traumatiques. Dès lors, chez l’enfant comme chez l’adulte, la résilience peut être conçue comme un équilibre atteint à un moment donné. Équilibre qui met en jeu l’interaction dynamique entre les divers facteurs de protection présents chez le sujet lui-même, mais également dans son environnement familial et social (système de relations affectives familiales et extra-familiales ou sociales).
63Les travaux de Glenn Richardson (39) s’inscrivent dans cette perspective théorique. Selon cet auteur, les événements adverses déstabilisent le sujet en créant un déséquilibre qui rompt l’homéostasie biopsychosociale antérieure. La rupture d’équilibre provoque alors la recherche d’une nouvelle adaptation qui pourra suivre des voies différentes, selon les personnes et leurs périodes de développement. Mais également suivant les combinaisons entre les facteurs de risque et les facteurs de protection dont elles disposent à ce moment de leur parcours de vie. Selon Glenn Richardson (39), en fonction de ces différents paramètres, les individus pourront suivre quatre chemins possibles dans leur recherche d’un nouvel équilibre :
- une adaptation dysfonctionnelle ;
- une adaptation avec des pertes (affaiblissement des facteurs de protection) ;
- une adaptation avec retour à l’état d’homéostasie antérieur ;
- une adaptation résiliente, avec renforcement des facteurs de protection.
64Le modèle de Glenn Richardson suppose qu’un individu puisse passer par des étapes intermédiaires, par exemple par une adaptation dysfonctionnelle, avant de trouver le chemin vers une adaptation résiliente. Nous pouvons noter que la résilience considérée comme un équilibre adaptatif offre un modèle original dans la mesure où cette conception insiste sur la flexibilité du processus, prend en compte les différences entre les individus et admet des évolutions possibles chez un même individu.
Les avancées majeures et la pratique de la résilience assistée
65Une mise en perspective des avancées majeures concernant le modèle de la résilience permet de repérer des périodes et des changements significatifs au cours des décennies. Depuis les premiers travaux sur la résilience, nous pouvons remarquer une évolution importante de ce modèle théorique ainsi que de son champ d’application. Nous avons vu qu’il a été développé par des psychiatres et psychologues (anglo-saxons tout d’abord) puis a intéressé plus tardivement la clinique et la psychopathologie adulte. Ainsi, ce concept qui concernait à ses débuts essentiellement les enfants en difficulté dits « à risque » a trouvé depuis lors des adeptes dans les champs plus vastes des secteurs sanitaires et socio-éducatifs. Actuellement, l’approche de la résilience a trouvé ses lettres de noblesse, en devenant un modèle de compréhension du sujet humain dans sa dimension normale et pathologique. Elle contribue à réinterroger les conceptions qui étaient jusque-là trop exclusivement centrées sur la psychopathologie et la vulnérabilisation des sujets.
Résumé des avancées majeures du paradigme de la résilience
66Depuis son émergence, il y a plusieurs décennies, l’étude de la résilience a connu des avancées majeures qui témoignent à la fois de son évolution et de son extension à des domaines pluriels. Nous pouvons repérer trois grandes périodes marquantes (1).
67La première époque, celle des précurseurs, a vu naître les premiers travaux qui se sont employés à décrire le phénomène de résilience et à l’identifier. Ces recherches se sont appuyées sur des observations de populations « à risque » et des études prospectives, associées à des travaux sur le stress et sur la vulnérabilité. Les réflexions qu’elles ont suscitées ont permis d’affiner petit à petit le concept de résilience et les premiers critères. Les travaux tout d’abord centrés sur les enfants ont été élargis à l’étude de la résilience aux différents âges de la vie.
68La deuxième avancée s’est traduite par une approche plus dynamique de la résilience, en termes de « processus évolutif », en incluant les aspects systémiques du développement bio-psycho-social et des apports psychodynamiques. Les chercheurs se sont centrés sur les transactions entre l’individu et son écosystème (famille, amis, communauté sociale et culturelle, etc.) et l’analyse des interactions entre les ressources internes et les soutiens de l’environnement familial et social. Cela a conduit aussi à l’initiation d’études sur les groupes familiaux et sociaux considérés en tant qu’entités groupales résilientes.
69La troisième avancée concerne surtout les applications sur les terrains, avec une analyse plus fine des indices ou critères de résilience et les expérimentations d’interventions destinées à changer les parcours de développement. Le passage de la recherche à la pratique s’est accompagné d’un développement de la construction d’instruments d’identification et de mesure (notamment des échelles de résilience), mais surtout de la mise au point de protocoles d’aide et de stimulation des processus de résilience chez des individus, des familles ou des groupes en difficulté. Ce dernier point, concernant les aides qui se réfèrent à la résilience s’est particulièrement développé depuis les années 2000.
70Au cours des décennies, les recherches se sont donc employées à cerner les particularités individuelles, familiales ou sociales qui facilitent l’entrée en résilience et à étudier les critères qui président à ce processus. Cela a donné lieu à la construction d’un certain nombre d’outils d’évaluation et de médiation, mais également à l’exploration de méthodologies d’accompagnement de la résilience.
Outils d’évaluation et accompagnements de la résilience
71Du point de vue méthodologique, l’identification de critères de résilience a donné lieu à la construction d’outils d’évaluation destinés à apprécier les potentiels de résilience chez des individus ou des groupes. A l’heure actuelle, il existe plusieurs dizaines d’échelles de résilience (40) qui se réfèrent à des critères pluriels. En effet les critères peuvent varier en fonction des positionnements épistémologiques des intervenants et de la population cible (enfants, adultes, familles) ainsi qu’en fonction de ses particularités (maladies mentales ou physiques, accidents, catastrophes, carences familiales et sociales, etc.). Notons, par ailleurs que, pour apprécier les facteurs de risque et les modes de protection, plusieurs méthodologies peuvent se combiner en incluant différents outils d’investigation, par exemple : des tests projectifs, des questionnaires, des entretiens, des récits de vie, etc. En fait, les applications du modèle de la résilience sur les terrains de pratiques cliniques consistent non seulement à identifier des critères de résilience, mais surtout à proposer des accompagnements ad hoc pour les sujets en difficulté.
72Les accompagnements de la résilience s’étayent sur un postulat qui consiste à considérer que les ressources conduisant à la résilience sont présentes chez tous les individus (41, 20). Michel Lemay (42) les a décrites comme constituant « un formidable réservoir de santé » dont disposerait tout un chacun. Toutefois, ce potentiel de résilience peut être opérant ou non en fonction des caractéristiques des sujets, des étapes de leur développement ou du cycle de vie et également des circonstances socio-environnementales. Dans cette perspective, lors d’une épreuve traumatique par exemple, les ressources pourraient être soit activées spontanément par l’individu, soit demeurer à l’état latent lorsque le sujet n’a pas réuni les conditions de la mise en jeu d’un processus de résilience. L’intervention d’accompagnement de la résilience est parfois désignée par les termes de « résilience assistée » (43).
73Les études sur les individus résilients on permis de répertorier un certain nombre d’éléments qui favorisent le processus de résilience, avec notamment l’identification de mécanisme de défense mais aussi de compétences socio-émotionnelles. C’est donc à partir de ces critères, que l’on a envisagé de mettre en place des accompagnements de la résilience, pour les personnes en souffrance qui n’ont pas trouvé elles-mêmes le cheminement vers ce processus. Dans cette optique, la résilience pourra être la perspective d’intervenants tels que : éducateurs, enseignants, soignants, psychothérapeutes, etc.
74L’étude et la construction de protocoles d’accompagnement de ce processus constituent l’un des domaines les plus féconds des développements théoriques et des applications cliniques des recherches contemporaines sur la résilience. Cela s’inscrit dans de nombreux domaines et terrains d’application, en particulier : les contextes de grande précarité familiale et sociale, les désorganisations consécutives à des accidents ou à des problèmes de santé, les séquelles d’événements traumatiques, etc.
75Accompagner la résilience consiste donc à travailler avec des individus ou des groupes familiaux ou sociaux en grande difficulté qui n’ont pas trouvé les conditions pour activer spontanément ou naturellement leurs processus de résilience. Les interventions peuvent consister à aider à lever des blocages qui entravent les réaménagements psychiques nécessaires à la reconstruction (travail sur la culpabilité, la honte), mais aussi à repérer et à valoriser des ressources, des compétences et des soutiens qui existent malgré la précarité apparente et qu’il faut parfois réactiver (44). Il s’agit en fait de favoriser les attitudes proactives des sujets et de les aider à trouver leur propre cheminement vers la résilience. En effet, il n’existe pas de résilience type, mais une variété de formes singulières. Chaque individu ou groupe est susceptible de trouver le fonctionnement résilient qui lui convient dans son contexte de vie, à partir de ses particularités personnelles, mais aussi celles de son écosystème social et culturel.
Pistes de réflexion…
76A l’heure actuelle, les chercheurs s’accordent pour considérer que pour qu’il y ait résilience, il faut qu’il y ait eu une menace majeure, une confrontation à un traumatisme ou à un contexte de stress sévères potentiellement pathogènes (22, 45).
77Les contours théoriques qui fondent l’approche de la résilience se sont spécifiés depuis quelques décennies pour constituer un modèle original du point de vue théorique autant que du fait de son champ d’applications multiples sur les terrains cliniques. Cette approche permet de promouvoir une clinique intégrative fondée sur la prise en considération de processus multifactoriels qui inclue des éléments d’ordre intrapsychique, socio-émotionnels et comportementaux. Une clinique qui tient compte des facteurs de vulnérabilisation autant que des facteurs de protection des sujets, en intégrant et valorisant les ressources personnelles dont ils disposent et celles de leur contexte de vie singulier : famille, amis, communauté d’appartenance.
78Comme nous l’avons vu, l’étude de la résilience ne se réduit pas à l’approche des individus face à des épreuves traumatiques ou à des conditions de vie très défavorables. Elle prend en compte les groupes humains (familiaux ou communautaires) considérés, soit comme des systèmes de ressources et de soutien pour les individus blessés, soit comme des entités pouvant faire preuve de résilience groupale. Dès lors, on peut dire que la résilience fait référence aux ressources développées par une personne, une famille ou une communauté, pour tolérer et dépasser les effets délétères ou pathogènes des situations traumatiques et vivre malgré l’adversité, en gardant une qualité de vie avec le moins de dommages possible (1).
79Nous pouvons remarquer qu’au cours des décennies, les recherches et les interventions selon le paradigme de la résilience se sont ouvertes à des champs connexes à la psychologie et à la psychiatrie, avec notamment les domaines de la santé, du handicap et le vaste champ des interventions sociales et éducatives contemporaines. Dans ces domaines, l’approche de la résilience apporte non seulement des éclairages conceptuels pour la compréhension du fonctionnement des sujets en difficulté, mais elle permet également d’adapter plus finement les interventions d’accompagnement en tenant compte de la complexité et de la diversité des situations cliniques.
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Mots-clés éditeurs : facteurs de risque, facteurs de protection, vulnérabilité, santé, résilience
Date de mise en ligne : 06/08/2015.
https://doi.org/10.3917/rsi.121.0028